Passer au contenu

SJQS Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Introduction / Processus bilatéral / Préoccupations / Consensus / Conclusion / Recommandation

INTRODUCTION

L'Assemblée nationale du Québec a adopté en date du 15 avril 1997 une résolution visant la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette résolution a par la suite été transmise au Parlement fédéral(1) . La Chambre des communes et le Sénat adoptèrent, respectivement les 1er et 9 octobre 1997, des résolutions établissant le Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec.

En vertu de l’ordre de renvoi, le Comité recevait alors pour mandat :

de se pencher sur les différents aspects du projet de résolution concernant la modification que l'on propose d'apporter à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 à l'égard du système scolaire au Québec;

de se livrer à des consultations aussi nombreuses et à un examen aussi approfondi des différents aspects de la question qu'il jugera opportun; et

de soumettre son rapport final d'ici le 7 novembre 1997.

L'objet de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale du Québec est de soustraire la province de Québec à l'application des paragraphes (1) à (4) de l'article 93.

La modernisation du système scolaire québécois fait l'objet d'études et de discussions depuis le début des années 1960. L’élément majeur de cette modernisation est la réorganisation du système scolaire québécois (historiquement confessionnel en vertu des obligations de l'article 93) selon des structures linguistiques.

La disposition liminaire de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue aux provinces la compétence de légiférer en matière d'éducation. Les paragraphes (1) à (4), qui traitent de façon exclusive des droits et privilèges des personnes relativement aux écoles séparées, imposent aux provinces certaines obligations en rapport avec le système d'instruction public. En ce qui concerne plus précisément le Québec, le paragraphe (1) de l’article 93 enchâsse les droits des groupes catholiques romains et protestants d'obtenir et de maintenir des structures scolaires confessionnelles pour les villes de Montréal et de Québec; le paragraphe (2) accorde, aux adeptes de ces deux religions, à l’extérieur de ces deux villes, le droit à des écoles dissidentes, lorsqu’ils sont en situation minoritaire.

Les paragraphes (3) et (4) de l'article 93 établissent, dans un premier temps, des recours auprès du gouverneur général en conseil dans les cas où les législations adoptées par les provinces ne seraient pas conformes aux paragraphes (1) et (2) et, dans un deuxième temps, accordent au Parlement le pouvoir de légiférer au cas où les provinces n'adopteraient pas les législations requises.

Conformément à notre mandat, nous avons, dès le début, jugé qu'il fallait offrir aux personnes intéressées et concernées l'occasion de s'exprimer sur le sujet. Plus de 60 organisations et individus ont ainsi profité de l'occasion que nous leur avons fournie pour venir nous faire part de leurs commentaires. Plusieurs organisations et individus ont fait parvenir des mémoires écrits au Comité.(2).

Il revient maintenant à notre Comité de décider s'il doit recommander aux deux Chambres du Parlement fédéral d'adopter, à leur tour, la résolution proposée qui permettra la déconfessionnalisation des structures scolaires québécoises (c’est-à-dire l’élimination des structures scolaires catholiques romaines et protestantes dans la province de Québec).

Pour les fins de notre rapport, nous avons jugé qu'il fallait traiter trois aspects particuliers de la question qui nous a été soumise, à savoir, la procédure de modification de la Constitution applicable, les préoccupations soulevées par les témoins et l'existence d'un consensus au sein de la société québécoise sur la modification proposée.

PROCESSUS BILATÉRAL

Avant de pouvoir faire des recommandations aux deux Chambres du Parlement fédéral sur le sort qu'elles devraient réserver à la résolution, nous devions déterminer quelle procédure de modification de la Constitution s’applique dans le présent cas, car la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit plusieurs procédures de modification de la Constitution.

La plupart des experts en droit constitutionnel qui ont comparu devant nous, ont soumis des arguments convaincants à l'effet que la procédure applicable serait celle de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cet article 43 permet une modification de la Constitution canadienne par l'adoption d'une résolution des deux Chambres du Parlement et de l'Assemblée législative de chaque province concernée. Ces mêmes experts nous ont soumis que seule la province de Québec est concernée par la modification recherchée et ils en ont conclu que la procédure applicable ne pouvait être que «bilatérale», requérant seulement une résolution de l’Assemblée nationale du Québec, la province concernée, et une résolution des deux Chambres du Parlement fédéral.

En soumettant sa résolution aux Chambres du Parlement fédéral, le gouvernement du Québec souhaitait obtenir la modification recherchée en suivant la procédure décrite à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le Comité est d’accord.

PRÉOCCUPATIONS

Certains témoins nous ont fait part de plusieurs préoccupations qu’ils avaient concernant les effets possibles de la modification constitutionnelle proposée et il est de notre devoir d’en faire mention dans le présent rapport.

De nombreux témoins ont affirmé qu’il était important de conserver l’enseignement confessionnel au Québec. Même si le Québec n’était plus assujetti à l’application des paragraphes (1) à (4) de l’article 93, la Loi sur l’instruction publique du Québec, qui comprend une clause dérogatoire adoptée en vertu tant de la Charte canadienne que de la Charte québécoise, pourrait toujours autoriser l’enseignement confessionnel catholique romain et protestant. Par ailleurs, ces mêmes témoins ont souligné que cela ne constituerait plus une garantie constitutionnelle. Lorsqu’il a comparu devant le Comité, le ministre Dion a affirmé que les droits à l’éducation confessionnelle catholique romaine et protestante seraient différents une fois que l’article 93 sera modifié.

D’autres témoins ont émis l’opinion qu’il serait préférable de modifier les paragraphes (1) à (4) de l’article 93 afin de s’adapter à un pluralisme religieux croissant. Selon ces témoins, la protection conférée à l’enseignement confessionnel par l’article 93, devrait être élargie pour couvrir tous les groupes religieux là où le nombre le justifie et ne devrait plus être limitée aux communautés catholique romaine et protestante.

Certains spécialistes qui ont comparu sont d’avis que les commissions scolaires et les écoles confessionnelles catholiques romaines et protestantes pourraient être déclarées inconstitutionnelles une fois la modification effectuée, à moins que l’on invoque la disposition dérogatoire de l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ont cité à l’appui de leurs arguments des jugements rendus récemment à l’effet que, en l’absence des garanties confessionnelles de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, le maintien des écoles publiques confessionnelles catholiques de l’Ontario pourrait être inconstitutionnel parce que contraire aux garanties de liberté de religion et d’égalité de la Charte. Par contre, certains témoins ont indiqué qu’il serait possible de maintenir des écoles catholiques romaines et protestantes au Québec et d`ajouter d`autres confessions religieuses sans faire appel à l’article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982. La conclusion appropriée pourrait être : «pas nécessairement la clause dérogatoire, mais la clause dérogatoire si nécessaire».

Comme nous l'avons déjà mentionné, il y a actuellement dans la Loi sur l’instruction publique du Québec une clause dérogatoire, adoptée en vertu de l’article 33 de la Charte canadienne, qui permet le maintien des droits confessionnels des catholiques romains et des protestants. À l’avenir, pour s’assurer que ces écoles ne seront pas l’objet d’une contestation fondée sur l’égalité et la liberté de religion de la Charte, la clause dérogatoire fédérale devrait être renouvelée par l’Assemblée nationale du Québec en 1999 et aux cinq ans par la suite. Les ministres du gouvernement du Québec n’ont donné aucune assurance à l’effet qu’ils renouvelleraient à son échéance l’application de cette clause dérogatoire et n’ont pu offrir aucune garantie à l’effet que l’enseignement religieux de la minorité continuerait d’être protégé, au Québec. Ces mêmes représentants du gouvernement du Québec nous ont informés que la question du renouvellement de la clause dérogatoire serait soumise à un processus démocratique comprenant des consultations complètes et équitables, tout comme la question de la place de l’éducation confessionnelle dans les écoles.

D’après certains témoins, le fait de n’accorder des garanties en matière d’éducation qu’aux catholiques romains et aux protestants ne cadre pas avec les valeurs contemporaines qui se dégagent de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Des témoins se sont opposés au maintien des garanties confessionnelles dans le cadre des nouvelles commissions scolaires linguistiques invoquant que de telles structures coûteraient cher, fragmenteraient le système et seraient un élément de division. Par contre, d’autres témoins ont également mentionné que de tels arguments étaient sans fondement et que l’on pourrait maintenir, sans difficultés, les deux structures en même temps.

Le Comité a entendu des témoignages à l’effet que les franco-protestants sont particulièrement opposés à la modification de l’article 93.

Parmi les documents soumis au Comité, nous retrouvons des lettres du président de l'Assemblée des évêques du Québec et de l'évêque anglican de Montréal(3). Mgr Pierre Morissette, le président de l'Assemblée des évêques du Québec, a avisé le ministre Dion que l'accord de l 'Assemblée, à la modification de l'article 93, a toujours été conditionnel au maintien des garanties actuelles, sur le plan confessionnel, établies dans la Loi sur l'instruction publique du Québec. Le révérend Andrew S. Hutchison, l'Évêque anglican de Montréal, a avisé le ministre Dion que le diocèse de Montréal de l'Église anglicane du Canada considère que le changement vers une administration non-confessionnelle est dans le meilleur intérêt de la société québécoise. Il a ajouté que si l'éducation religieuse ou confessionnelle continue d'être offerte dans le système scolaire du Québec, une règle d'équité incluant les autres croyances religieuses devrait prévaloir.

Deux groupes autochtones qui ont comparu devant le Comité ont exprimé leurs inquiétudes. Ils craignent que la résolution proposée puisse réduire les droits existants des Indiens non inscrits et des Métis, en particulier dans le cas des Indiens vivant à l’extérieur des réserves. Ils ont insisté sur le fait que le Parlement, dans l’exercice de son rôle de fiduciaire, avait l’obligation d’empêcher que cela ne se produise. À tout le moins, ont-ils déclaré, le Parlement devait préciser qu’il n’a nullement l’intention, en approuvant la résolution, de porter atteinte aux droits des autochtones du Québec. Ces témoins ont proposé qu’une résolution d’accompagnement, ou un ajout aux attendus de la résolution, établisse que la modification n’affecte d’aucune façon les droits des autochtones. Néanmoins, les ministres fédéral et provinciaux qui ont comparu devant le Comité ont affirmé que la modification proposée à l’article 93 n’avait aucun effet sur les droits des autochtones.

Des témoins dont la première langue apprise et encore comprise est l’anglais, mais qui n’ont pas reçu leur instruction au niveau primaire en anglais au Canada, ont dit craindre que leurs enfants n’aient pas le droit à l’enseignement dans le système linguistique anglais parce que l’alinéa 23(1)a) de la Charte canadienne des droits et libertés n’est pas en vigueur dans la province de Québec. Néanmoins, bien que notre mandat se limite à l’article 93, plusieurs témoins ont fait observer que l’instauration des commissions linguistiques permettra à la communauté anglophone d`accéder à leurs établissements scolaires, au sein d`un véritable réseau scolaire unifié, assurant la consolidation de leurs ressources pédagogiques. Le ministre Dion, lors de sa comparution, a émis l’opinion que la question de l’application de l’alinéa 23(1)a) dans la province de Québec est une question tout à fait différente de la question de la modification de l’article 93 et il a indiqué que l’occasion ne se prête pas à des discussions sur le sujet de l’alinéa 23(1)a).

Seize membres de la Chambre des communes et sept sénateurs ont été nommés au Comité spécial mixte. Certains de ces sénateurs ont déclaré que leur participation au Comité ne devait pas être considérée comme les dispensant, ni aucun de leurs collègues du Sénat, de l`obligation constitutionnelle du Sénat de considérer toute modification proposée à la Constitution du Canada.

CONSENSUS

Des témoins se sont demandé quel «critère» le Parlement fédéral devrait-il utiliser pour décider s’il doit approuver ou non la modification? Nous en sommes venus à la conclusion qu’il n’existe pas de critère unique. Étant donné que les modifications apportées en vertu de l’article 43 touchent habituellement des domaines de compétence provinciale, nous en venons à la conclusion que nous devons essayer de déterminer s’il y a un consensus dans la province, plus particulièrement au sein des groupes affectés.

Le Comité s’est dit au départ qu’il ne se contenterait pas d’acquiescer à la demande. Le Comité a entendu un échantillon varié de témoins, intéressés et concernés par la modification proposées; des particuliers et des groupes, tant partisans qu’adversaires de la modification. Les témoignages entendus établissent qu’il y a une quasi unanimité en faveur de l’établissement des commissions scolaires linguistiques.

Comme l’article 93 porte sur les droits de deux groupes religieux, le Comité a voulu connaître plus spécifiquement leurs opinions sur la modification projetée. D’après les témoignages que nous avons entendus, nous ne doutons aucunement qu’il y ait au Québec un consensus en faveur de la modification proposée à l'article 93.

Afin d’appuyer leur demande de modification, deux ministres du Québec, la ministre de l’Éducation, Madame Pauline Marois, et le ministre des Affaires intergouvernementales, Monsieur Jacques Brassard, ont comparu devant le Comité. Ceux-ci nous ont expliqué le consensus qui existe au Québec sur la question et les motifs pour lesquels la modification recherchée de l’article 93 est nécessaire. Deux membres de l’Opposition officielle du Québec, Messieurs François Ouimet, critique en matière d`éducation, et Jean-Marc Fournier, critique aux Affaires intergouvernementales, ont également comparu et confirmé les affirmations des ministres Marois et Brassard sur cette question.

Le ministre Dion, lors de ses deux comparutions devant le Comité mixte spécial, a décrit le consensus qui s’est dégagé au Québec. Il a rappelé au Comité qu’il y a eu deux votes unanimes à l’Assemblée nationale du Québec, le premier sur la résolution de modification de la Constitution et le second sur le projet de loi instaurant les commissions scolaires linguistiques. Selon le ministre, une majorité de protestants du Québec, la minorité qui bénéficie le plus directement des garanties de l’article 93, appuie la modification recherchée. 

CONCLUSION

Le Comité est convaincu que la modification constitutionnelle requise par le Québec peut s’opérer sur une base bilatérale en vertu de l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les modifications proposées en vertu de cet article doivent être étudiées selon leur mérite.

Des dispositions de la Loi sur l’instruction publique du Québec qui portent sur l’enseignement confessionnel catholique romain et protestant sont semblables aux garanties de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ceux qui craignent la transformation de dispositions constitutionnelles en dispositions non constitutionnelles pour l’enseignement confessionnel catholique romain et protestant au Québec peuvent trouver un réconfort additionnel dans le fait que la clause dérogatoire de l’article 33 de la Charte canadienne a été utilisée pour protéger certaines parties de la Loi sur l’instruction publique d’un examen en vertu de la Charte, et cela, tant que l’Assemblée nationale du Québec continue de la renouveler.

Un nombre important de témoins de la communauté anglophone du Québec ont exprimé leurs inquiétudes face à la non-application de l’alinéa 23(1)a) de la Charte canadienne dans la province de Québec. Alors qu’ils sont généralement en faveur des commissions scolaires linguistiques, ces témoins ont demandé l’assurance du gouvernement fédéral qu’il continuerait à demander l’application de l’alinéa 23(1)a) au Québec. Des témoins qui ont comparu devant le Comité se sont dits d’avis qu’il faudrait ajouter un paragraphe à ce sujet au préambule de la résolution. Certains membres du Comité sont d'accord. Le ministre Brassard a indiqué sa conviction que cette question diffère de celle de la modification de l'article 93. Le ministre Dion a indiqué que la question de l'application de l'alinéa 23(1)a) dans la province de Québec est une question différente du sujet de la modification de l'article 93. Le ministre Dion a indiqué qu'il n'était pas approprié de traiter de la question de l'alinéa 23(1)a) à ce moment-ci. Le Comité est d’accord.

En ce qui concerne les préoccupations des témoins autochtones, bien que les ministres fédéral et provinciaux aient indiqué que la modification de l’article 93 n’aurait aucun effet sur les droits des autochtones, des membres du Comité préféreraient que l’on ajoute un paragraphe à ce sujet, au préambule de la résolution. Les ministres Dion et Brassard ont affirmé que la modification proposée à l'article 93 n'avait aucun effet sur les droits des autochtones. Le Comité est d'accord avec les ministres.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, le Comité s'est particulièrement préoccupé de l'appui que la modification proposée a reçu de la part des groupes qui seraient plus particulièrement touchés par la modification. En d'autres mots, nous avons recherché l'existence d'un consensus au sein des deux principaux groupes affectés, à savoir les protestants du Québec et les catholiques romains du Québec. Il appert des témoignages entendus par le Comité qu'il y a un consensus chez les protestants du Québec de même que chez les catholiques romains du Québec en faveur de la modification. 

Bien que certains témoins aient exprimé leurs préoccupations au sujet de la modification proposée, il appert, globalement, qu'il existe un consensus au sein de la société québécoise en faveur du changement.

RECOMMANDATION

Nous recommandons que les deux Chambres du Parlement adoptent la résolution de modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, telle que déposée à la Chambre des communes le 1er octobre 1997 et au Sénat le 9 octobre 1997.