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Rapport

INTRODUCTION

Une délégation de cinq parlementaires, représentant la Section canadienne de ParlAmericas, a effectué un voyage à Port-au-Prince du 18 au 24 mars 2012. C’est l’honorable Laurie Hawn, C.P., député qui menait la délégation, accompagné des honorables sénateurs Céline Hervieux-Payette, C.P., et Pierre-Hugues Boisvenu, et des députées Pauline Ayala et Joyce Murray. Les parlementaires étaient assistés de MM. Leif-Erik Aune, secrétaire exécutif de la délégation, et Andre Barnes, analyste à la Bibliothèque du Parlement.

Après le tremblement de terre qui a secoué Haïti en janvier 2010, le Comité exécutif international du Forum interparlementaire des Amériques (FIPA), qui a depuis été renommé ParlAmericas, a adopté une résolution témoignant de sa solidarité avec le peuple haïtien. En avril 2010, le Comité exécutif de la Section canadienne du FIPA a décidé de faire une visite bilatérale en Haïti, visite qui a dû être reportée deux fois sur recommandation du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) pour des raisons sérieuses de logistique et de sécurité. En février 2011, il a été convenu que la visite bilatérale en Haïti se ferait après les élections prévues pour avril de la même année.

Les objectifs de cette visite bilatérale étaient nombreux. La délégation s’était fixé comme objectif général de rencontrer un grand nombre de groupes et de personnes d’horizons différents, dont des parlementaires haïtiens, des représentants et des intervenants canadiens, ainsi que du personnel et des spécialistes fournissant des services à la population sur le terrain. Ces rencontres visaient à permettre à la délégation canadienne de mieux comprendre les problèmes et les défis associés à la reconstruction et au développement en Haïti, et aussi à déterminer l’efficacité de l’aide fournie, ainsi que la mesure dans laquelle les programmes financés par le gouvernement fédéral atteignent les objectifs. Les membres de la délégation étaient également très désireux de collaborer avec leurs homologues haïtiens et de les aider.

La visite a notamment porté sur le renforcement des capacités professionnelles des parlementaires; le renforcement des capacités institutionnelles de l’Assemblée nationale haïtienne; l’engagement de ParlAmericas; et la collecte d’informations sur des sujets comme la sécurité publique, la sécurité des citoyens, les relations entre la présidence et les parlementaires, les services sociaux, la propriété foncière et le statut de la femme en Haïti.

ParlAmericas joue un rôle important dans l’hémisphère à titre d’agent de liaison entre les différents Parlements des Amériques. La visite bilatérale a donné à la délégation canadienne une occasion unique de tisser des liens prometteurs entre les parlementaires canadiens et haïtiens. Elle lui a en outre permis d’engager des discussions franches et ciblées avec les décideurs haïtiens pour échanger des informations, faire la promotion des valeurs et des intérêts canadiens, et préciser les attentes du Canada à l’égard de l’aide financière qu’il accorde à Haïti.

RÉUNIONS PRÉPARATOIRES À WASHINGTON, D.C.

Les 9 et 10 février 2012, le député Randy Hoback s’est rendu à Washington, D.C. pour y tenir des réunions préparatoires à la visite bilatérale de la Section canadienne de ParlAmericas en Haïti. Ces entretiens en compagnie de représentants d’organisations internationales avaient pour but de jeter un regard sur les activités de ParlAmericas dans les Caraïbes, en particulier en Haïti, et pour inciter les organisations régionales à collaborer avec ParlAmericas et à soutenir ses activités.

M. Hoback s’est entretenu avec le secrétaire général de l’organisation des États américains, M. José Miguel Insulza; les deux hommes ont abordé la possibilité d’accroître la coopération entre ParlAmericas et l’OEA dans les Caraïbes. Au terme de leur entretien, les deux hommes on signé un protocole d’entente en vue de définir le resserrement des relations entre l’OEA et ParlAmericas.

M. Hoback s’est également entretenu avec le représentant permanent d’Haïti auprès de l’OEA et président du Conseil permanent de l’OEA, S.E. Duly Brutus. Les deux hommes ont souligné l’importance de soutenir le volet parlementaire de l’OEA, à égalité avec d’autres acteurs tels que la société civile. L’ambassadeur Brutus a insisté sur l’importance du rôle joué par les parlements et a dit espérer que l’OEA renforce son appui aux parlements au cours du mandat d’Haïti à la présidence du conseil permanent de l’OEA.

Par ailleurs, le député Hoback s’est entretenu avec M. Regis Cunningham de la Banque mondiale. Les deux hommes ont abordé des questions liées à la synergie entre  ParlAmericas et la Banque mondiale. M. Cunningham, qui a assisté à une réunion de ParlAmericas dans les Caraïbes au début de 2012, a indiqué que les deux organisations jouissaient d’un grand potentiel de coopération et que par ailleurs, des communications étroites permettraient à la Banque mondiale de se tenir au fait de l’évolution des besoins des parlements et des éventuelles retombées d’un partenariat avec ParlAmericas. 

Enfin, M. Hoback s’est entretenu avec la directrice exécutive du Canada auprès de la Banque interaméricaine de développement, Mme Vinita Watson; les deux homologues ont abordé des questions liées à l’importance de soutenir financièrement des activités parlementaires à l’appui du mandat de la BID.  Mme Watson a fortement encouragé  ParlAmericas à soutenir un programme de perfectionnement à l’intention des parlementaires en matière de législation dans le secteur de l’extraction dans la région de la Communauté andine.

RENCONTRE AVEC L’AMBASSADEUR, LE CHEF DE LA COOPÉRATION À L’AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL, ET LA CONSEILLÈRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L’AMBASSADE

Le 19 mars 2012, la délégation canadienne s’est réunie avec M. Henri-Paul Normandin, ambassadeur du Canada en Haïti, M. Dominique Rossetti, chef de la Coopération à l’Agence canadienne de développement international (ACDI), Mme Nell Stewart, conseillère politique et économique, et M. François Goudreau, deuxième secrétaire (Politique), à l’ambassade canadienne à Port-au-Prince. Dans son allocution, l’ambassadeur Normandin a donné à la délégation un aperçu des nombreuses facettes du travail accompli par l’ambassade du Canada à Port-au-Prince. Il a souligné l’importance de la présence canadienne en Haïti, caractérisée par les divers programmes de l’ACDI, dont ceux destinés à améliorer l’éducation et la santé, à aider les jeunes et à assurer la sécurité alimentaire. Il a évoqué le grand rôle que joue le Canada dans ce pays en aidant la police et en participant au maintien de la sécurité, en soutenant le système judiciaire et faisant la promotion, par l’intermédiaire de son ambassade, du commerce, du développement et des échanges culturels.

Selon lui, il y a lieu d’être à la fois optimiste et pessimiste à l’égard du développement en Haïti. Au sujet des efforts de reconstruction déployés après le tremblement de terre, il a insisté sur l’immense travail accompli, notamment avec la réouverture des écoles, le rétablissement des services de santé et du microcrédit. Il a ajouté qu’on s’affaire désormais à accélérer la reconstruction. Malgré tout, la tâche demeure colossale, ne serait-ce que pour redonner un logement convenable à ceux qui ont perdu leur maison dans la catastrophe et qu’on appelle « les déplacés ». Il a indiqué que le Canada s’est lancé dans un important projet destiné à vider le camp du Champ de Mars, en face du palais présidentiel, où s’entassent environ 7 000 déplacés.

L’ambassadeur Normandin a dit que les institutions politiques haïtiennes sont très affaiblies et que, de ce fait, les bouleversements politiques sont malheureusement fréquents. Il y a aussi un manque généralisé de coopération entre le Parlement et le pouvoir exécutif. À son avis, l’instabilité politique constitue un obstacle majeur au progrès. Il a toutefois précisé que l’ambassade bénéficie d’un accès exceptionnel aux plus hautes sphères du pouvoir politique haïtien. Il a également fait remarquer qu’Haïti a une capacité de création de richesses limitée, rappelant qu’environ la moitié du budget de l’État se compose de l’aide financière internationale, et que ce budget est aussi inférieur au montant total des fonds qu’envoie la diaspora haïtienne. Pour regarnir ses coffres, le gouvernement haïtien propose de hausser les tarifs douaniers et de renforcer le régime d’imposition.

L’ambassadeur Normandin a également informé la délégation des problèmes liés au processus de nomination du premier ministre. Il a signalé qu’à cause des dictatures successives qu’avait connues le pays, la Constitution prévoit maintenant un système de freins et de contrepoids solides, tellement solides que pour que le système fonctionne, il faut s’en remettre à la bonne volonté des parties, qui est loin d’animer Parlement et le pouvoir exécutif en ce moment. Toutefois, ce ne sont pas les questions idéologiques qui ont monopolisé les débats. La pomme de discorde réside dans le désir des différents acteurs en présence d’exercer le plus d’influence possible. Il a ajouté que d’anciens militaires et plusieurs jeunes sans travail occupent les bases militaires, les jeunes faisant pression pour qu’on règle certains problèmes liés aux pensions.

On se préoccupe également des échanges commerciaux et des investissements en Haïti; à ce propos, l’ambassadeur a précisé qu’on est en train de construire un parc industriel dans le nord du pays.

Il a fait observer que l’ambassade a envoyé aux dirigeants haïtiens un message leur demandant de collaborer, dans l’intérêt du pays, faute de quoi, ils ne pourront tirer pleinement parti de l’aide du Canada.

RENCONTRE AVEC M. NIGEL FISHER, REPRÉSENTANT SPÉCIAL ADJOINT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNI ET COORDONNATEUR HUMANITAIRE

Après la séance d’information organisée par l’ambassadeur Normandin, le 19 mars 2012, la délégation canadienne s’est réunie avec M. Nigel Fisher, représentant spécial adjoint auprès de la Mission de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), pour un déjeuner de travail au quartier général de la MINUSTAH à Port-au-Prince. M. Fisher a instruit la délégation sur une grande variété de sujets. Il a fait remarquer qu’il existe de nombreux défis faisant obstacle au progrès, à la prospérité et à la stabilité en Haïti, les plus importants étant les problèmes politiques; il a indiqué que la récente paralysie causée par les grands décideurs du pays avait miné les efforts destinés à mettre en œuvre des changements économiques et sociaux salutaires. Il a aussi précisé que les mécanismes et les systèmes d’application des politiques relatives aux services sont déficients ou inexistants; les systèmes plus particulièrement affectés sont ceux de la santé et de l’éducation, qui sont disloqués et ne fonctionnent plus.

M. Fisher a évoqué les nombreux obstacles à la création d’entreprises en Haïti, comme les douanes et le régime d’imposition, ainsi que les incroyables défis liés au système de propriété foncière haïtien (appelé cadastre) qui, de façon générale, n’est pas régi par des règles claires, manque de transparence et de documentation fiable. Il a déclaré que pour chaque champ d’activité, il faut élaborer une stratégie prévoyant des responsabilités mutuelles et l’adoption des normes proposées. Il commence à devenir urgent d’entreprendre ces réformes, car la générosité des donateurs internationaux n’est pas sans bornes. Il conseille aux organisations non gouvernementales (ONG) qui souhaitent investir en Haïti de se doter de telles politiques afin de parer à de multiples éventualités, comme l’injection de fonds dans des projets qui donnent peu ou pas de résultats.

M. Fisher a observé une amélioration de la situation depuis le séisme de 2010, et notamment une augmentation des rendements agricoles, des mises en chantier de maisons et des travaux de construction.

Au cours de ce déjeuner de travail, on a aussi abordé certains aspects de la culture haïtienne, dont le marronnage (une pratique très répandue dans ce pays, qui consiste essentiellement à dire une chose et à en faire une autre), et les réparations demandées à la France en dédommagement de ce qu’Haïti avait dû lui verser pour accéder à l’indépendance en 1804. M. Fisher a souligné l’ironie selon laquelle Haïti, qui a été la première colonie d’Amérique latine à gagner son indépendance, est aujourd’hui totalement dépendant des donateurs et des subsides de la communauté internationale.

 

RENCONTRE AVEC M. MARC TARDIF, COMMISSAIRE DE POLICE ADJOINT;
LE COLONEL STEVE CHARPENTIER, CHEF DU PERSONNEL;
M. SERGE GAGNON, DE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA;
ET MME ALLISON POFF, DEUXIÈME SECRÉTAIRE, GROUPE DE TRAVAIL
SUR LA STABILISATION ET LA RECONSTRUCTION

Le 19 mars 2012, la délégation canadienne a aussi rencontré, au quartier général de la MINUSTAH à Port-au-Prince, M. Marc Tardif, commissaire de police adjoint (MINUSTAH); le colonel Steve Charpentier, chef du personnel (MINUSTAH); M. Serge Gagnon, de Service correctionnel du Canada; et Mme Allison Poff, deuxième secrétaire, Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR).

M. Tardif a commencé par donner les grandes lignes du rôle de commissaire de police adjoint de la MINUSTAH, ainsi que celui que l’ONU joue dans la sécurité et la stabilité en Haïti. Créée en 2004, après le départ du président Aristide, la MINUSTAH est une mission de stabilisation des Nations Unies dont le mandat consiste à garantir un environnement sécuritaire et stable. On estime que la MINUSTAH assume actuellement 80 % des fonctions de sécurité en Haïti. La contribution du Canada à la MINUSTAH est de 150 agents de police, 25 spécialistes des services correctionnels et cinq membres des Forces canadiennes. Même si, à première vue, cela semble peu, ces Canadiens sont dans bien des cas des professionnels de haut rang qui occupent des postes clés destinés à appuyer les cadres dirigeants. Le rôle principal de la police canadienne en Haïti est de conseiller, former, développer et observer la Police nationale d’Haïti (PNH).

Mais après la catastrophe de 2010, les efforts se sont concentrés sur la reconstruction. Les opérations de la police canadienne ont subi un dur coup, à cause du séisme, qui s’est soldé par des pertes équivalant à une année de formation et de développement. Qui plus est, le quartier général de la PNH a été détruit par le tremblement de terre, et avec lui ont disparu tous les dossiers (électroniques ou papier) et la majeure partie de l’équipement se trouvant à l’intérieur et aux abords des installations. M. Tardif a précisé que l’objectif pour la PNH est de constituer une force d’environ 15 000 agents (on tourne actuellement autour de 10 000). Même si on continue de regagner le terrain perdu, les problèmes de capacité inhérents à la formation demeurent, tout comme le manque criant de centres de formation adaptés, ce qui a pour effet de limiter le nombre de recrues qu’on peut former à la fois. Il a aussi fait remarquer qu’il existe des obstacles structurels qui empêchent les gens d’entrer dans la PNH; sans compter qu’en Haïti, les policiers doivent posséder un diplôme universitaire. (M. Tardif a indiqué que le niveau de ce diplôme équivaut en gros à celui d’un diplôme d’études secondaires au Canada.) Qui plus est, le test d’aptitude physique coûte très cher, et un grand nombre de recrues ont beaucoup de difficulté à le réussir.

Le manque de cadres intermédiaires et supérieurs est un autre problème qui mine la PNH. On dénombre 10 000 policiers, mais rares sont les Haïtiens de souche qui possèdent des compétences en gestion. Cela explique le manque généralisé de supervision et de suivi des dossiers. Par ailleurs, le népotisme est rampant. M. Tardif a indiqué que l’objectif pour les cinq années à venir est de mettre sur pied un programme de six mois de formation des superviseurs au cours duquel les recrues développeront des capacités en gestion.

Un million et demi d’Haïtiens ont perdu leur maison dans le tremblement de terre de 2010. Actuellement, environ 550 000 n’ont toujours pas retrouvé de logement décent. La police canadienne, en partenariat avec la PNH, s’occupe actuellement du maintien de l’ordre dans sept camps de déplacés. C’est une mission que les Canadiens envisagent de transférer complètement à la PNH dans un proche avenir. À cet égard, les relations entre les agents de police étrangers et la PNH s’améliorent. L’avantage qu’ont les Canadiens sur les autres dans leurs rapports avec la PNH, c’est qu’ils parlent français.

Un processus de sélection est en cours pour choisir le prochain chef de la Police; il devrait prendre fin en août 2012. La personne retenue doit être haïtienne. M. Tardif a toutefois fait remarquer que depuis quelque temps, ce poste devient de plus en plus politique, car plusieurs intervenants cherchent à peser de tout leur poids sur le choix du candidat. M. Tardif a dit craindre que le candidat le plus compétent soit éclipsé par quelqu’un qui bénéficie de solides appuis politiques.

M. Tardif a souligné que, dans l’ensemble, le respect et la confiance à l’égard de la PNH augmentent; que de plus en plus de femmes s’engagent; que la sécurité s’est stabilisée et qu’il y a de moins en moins de désordres civils. Il a conclu en disant que lorsque la PNH sera prête à assurer la sécurité du pays, le Canada lui remettra les rênes et se retirera graduellement.

Le colonel Charpentier a présenté une vue d’ensemble de l’engagement militaire canadien en Haïti, précisant que les forces armées de notre pays ont déployé des officiers de haut rang qui occupent des postes stratégiques et se concentrent sur la gestion des opérations, la planification et l’organisation. Les trois principales fonctions qu’accomplissent les militaires de la MINUSTAH consistent à travailler en collaboration avec la police et à l’aider; à maintenir l’ordre et à faire respecter la loi aux bureaux de scrutin pendant la dernière élection; et à participer à la reconstruction, c’est-à-dire à réparer des routes, à retirer des rues et des fossés débris et détritus, et à se préparer à faire face à une éventuelle nouvelle crise humanitaire.

Le colonel Charpentier a abordé quelques-uns des défis des militaires qui, pour la plupart, sont dus au fait que la force internationale est composée de contingents de 54 pays. Il a constaté que, dans l’ensemble, la qualité des troupes sous son commandement est inégale; certaines sont compétentes, tandis que d’autres sont mal entraînées ou font preuve de moins de professionnalisme dans l’exercice de leurs fonctions. La barrière de la langue est aussi un défi majeur dans la communication puisqu’environ 45 % des troupes parlent un peu français, et que l’anglais et leur deuxième ou leur troisième langue. Il a indiqué que l’objectif global tourne autour de la création de liens et de la coopération militaires avec les Sud-Américains. Il a aussi souligné les réussites des militaires, qui sont notamment parvenus à faire reculer de façon marquée le nombre de crimes violents dans les trois quartiers les plus dangereux de Port-au-Prince.

Le colonel Charpentier a également informé la délégation de la question de l’occupation des vieilles bases militaires par d’anciens membres du personnel militaire. Il a insisté sur le risque que ces groupes importent illégalement des armes à feu en provenance du Sud. Il a indiqué que pour l’instant cela demeure un problème relativement mineur que l’on peut régler rapidement si le gouvernement haïtien demande clairement à la MINUSTAH d’intervenir.

On a évoqué, de manière générale, la question de la criminalité. Comparé au reste des pays d’Amérique du Sud, le taux d’homicides est bas en Haïti. On a aussi souligné qu’en période d’instabilité gouvernementale, la criminalité a tendance à augmenter, même si le taux de criminalité a reculé pour revenir à peu près aux niveaux d’avant le tremblement de terre de 2010.

M. Serge Gagnon a informé la délégation sur le rôle des agents correctionnels canadiens en Haïti qui s’emploient essentiellement à observer et à conseiller leurs homologues haïtiens, sans intervenir. Il a énoncé les défis que doivent affronter les agents correctionnels. Les prisons sont surpeuplées; un problème qui s’est aggravé au lendemain du tremblement de terre de 2010 puisque huit prisons situées près de l’épicentre ont été littéralement rayées de la carte.

Environ 88 % de tous les prisonniers sont accusés de crime et gardés en détention en attendant leur procès. M. Gagnon a indiqué que le système judiciaire, quand il fonctionne, est très lent, de sorte qu’un individu soupçonné de crime peut attendre des années en prison avant que des accusations ne soient formellement déposées contre lui. Par ailleurs, un grand nombre de dossiers de prisonniers ont été perdus dans le tremblement de terre de 2010, ce qui pose le problème de garder quelqu’un en détention sans avoir de documents expliquant le motif de son incarcération.

L’un des rôles du Canada consiste à accélérer le processus judiciaire, en retrouvant les dossiers des personnes en prison puis en portant les affaires devant les tribunaux pour qu’au moins ces personnes soient condamnées ou libérées. M. Gagnon a fait remarquer que contrairement au système policier, le système judiciaire n’a pas connu d’améliorations.

Les autres problèmes qu’il a observés dans les prisons haïtiennes sont le manque d’eau et de nourriture et les limites de capacité des fosses septiques. Le système judiciaire et la PNH se font concurrence, jusqu’à un certain point, car les fonds dont ils disposent pour faire leurs budgets viennent du même ministère.

En guise de conclusion, M. Gagnon a parlé aux membres de la délégation de la prison de la Croix‑des‑Bouquets, construite grâce au financement du gouvernement fédéral. Il a ajouté que les Canadiens, en consultation avec leurs homologues Haïtiens, ont établi un programme complet pour les prisonniers de cet établissement, depuis la planification jusqu’à la nutrition, en passant par l’administration.

Pour finir, Mme Allison Poff a parlé à la délégation du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR). Depuis 2006, la majorité des projets du GTSR se concentrent sur la construction et la remise en état des infrastructures, la fourniture d’équipement à la police haïtienne ainsi que les services correctionnels et frontaliers. Le Canada consacre 15 millions de dollars par année au GTSR et fait partie des principaux donateurs, avec les États-Unis. Au nombre des projets figurent la reconstruction de 32 commissariats de police endommagés lors du séisme de 2010, la fourniture de 100 camions à la police et de cinq bateaux patrouilleurs de 40 pieds, ainsi que l’organisation d’ateliers pour apprendre aux mécaniciens à réparer l’équipement en cas de panne ou de bris.

Mme Poff a aussi informé les membres de la délégation au sujet du programme de formation destiné aux recrues de la PNH. Il n’y avait ni budget ni équipement (véhicules, armes, carburant, etc.) pour la formation des policiers. Le programme dure de six à neuf mois et est très exigeant sur le plan physique. Le nombre de diplômés est évalué à environ 244 pour cette année. Mme Poff a souligné la présence de femmes parmi les finissants. Avant la création de la MINUSTAH, les femmes étaient pratiquement exclues de la PNH.

Mme Poff a précisé que pour chaque projet, il y a des objectifs à atteindre. Le GTSR travaille en collaboration avec des ONG, ces dernières s’occupant de la réalisation physique d’un projet donné, alors que le GTSR s’assure du respect des normes en vigueur.

VISITE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE HAÏTIENNE NOUVELLEMENT CONSTRUITE

Le matin du 20 mars 2012, la délégation canadienne a fait une visite guidée de l’Assemblée nationale d’Haïti nouvellement construite. Situés dans l’ancien parc Christophe Colomb, les nouveaux édifices ont été conçus conjointement par les Américains et les Haïtiens, et leur construction confiée à des entrepreneurs dominicains. La construction s’est terminée en novembre 2011, mais les édifices sont demeurés inoccupés. Le guide représentant le gouvernement a expliqué que c’est parce que certaines commodités n’ont pas encore été installées. Lors de la visite, des menuisiers haïtiens étaient en train de monter, entre autres choses, une tribune devant la Chambre du Sénat. On a ensuite appris que le Parlement permanent sera reconstruit dans un lieu qui reste encore à déterminer, au centre-ville, et que les édifices du parc Christophe Colomb serviront alors d’archives et de centre de recherche législative et de formation.

RENCONTRE AVEC LE PRÉSIDENT DU SÉNAT HAÏTIEN ET D’AUTRES SÉNATEURS

Le 20 mars 2012, après avoir visité l’Assemblée nationale haïtienne nouvellement érigée, la délégation canadienne a rencontré l’honorable Simon Dieuseul Desras, Président du Sénat haïtien, dans les locaux temporaires de l’Assemblée nationale à Port-au-Prince. Au cours de la réunion, de huit à 12 sénateurs haïtiens se sont joints au groupe, à un moment ou à un autre, pour prendre part à la discussion.

M. Dieuseul Desras a commencé par parler de l’Assemblée nationale nouvellement construite, précisant que la date d’emménagement dans les nouveaux locaux était fixée au 29 mars 2012. Il a dit que les parlementaires haïtiens s’efforcent de respecter la Constitution et la primauté du droit, et il a remercié le Canada d’être un modèle de démocratie. Il a ajouté que toute aide future de ParlAmericas destinée à renforcer les capacités des parlementaires haïtiens sera très appréciée.

Le sénateur Boisvenu a remercié à son tour le Président Dieuseul Desras, au nom de la délégation, pour son chaleureux accueil. Il a indiqué, notamment, que les parlementaires canadiens sont convaincus qu’Haïti est sur la voie du progrès, mais que certains problèmes politiques et économiques doivent être résolus.

Les sénateurs haïtiens et les membres de la délégation canadienne ont abordé plusieurs sujets. M. Dieuseul Desras a parlé du processus de nomination du premier ministre alors en cours en Haïti. Même s’il a été incapable de dire quand la candidature de celui qui est pressenti pour devenir premier ministre (M. Laurent Lamothe) serait soit retenue soit rejetée par l’Assemblée nationale, il a indiqué que les sénateurs avaient fait tout en leur pouvoir pour empêcher l’ancien premier ministre Gary Conille de démissionner.

On a également abordé la question de l’instabilité politique en Haïti. Des sénateurs, dont M. Dieusel Desras, ont fait remarquer que les problèmes politiques entre l’Assemblée nationale et le pouvoir exécutif sont complexes et profonds. M. Dieuseul Desras a déclaré qu’à son avis, dans l’ensemble, le pouvoir exécutif a agi en dictateur, n’a pas respecté le processus démocratique et n’a pas cherché à obtenir l’approbation et le soutien de l’Assemblée nationale, comme le prévoit la Constitution, avant de prendre certaines décisions.

Il considère également, comme d’autres sénateurs, que les institutions haïtiennes souffrent d’un déficit démocratique. Le pouvoir judiciaire, en particulier, manque d’indépendance, parce que les juges du plus haut tribunal du pays (la Cour de cassation) sont nommés directement par le pouvoir exécutif. De ce fait, le Parlement peut adopter des lois, mais le pouvoir judiciaire ne pas les appliquer. M. Dieuseul Desras a ajouté qu’en Haïti, l’équivalent du vérificateur général est aussi nommé par le pouvoir exécutif. Les sénateurs présents à la rencontre ont exprimé le souhait que le système de désignation des juges soit indépendant et libre de toute intervention gouvernementale.

Plusieurs sénateurs trouvent aussi que le pouvoir exécutif a davantage tendance à écouter les recommandations de la MINUSTAH que celles du Parlement, des institutions gouvernementales et des ministères du pays. À cet égard, on a souligné le fait que plus l’État sera faible longtemps, plus la période de reconstruction sera longue. Les sénateurs ont également évoqué les problèmes de sécurité personnelle, notamment les menaces et autres dangers qu’ils doivent affronter en raison des fonctions qu’ils occupent.

M. Dieuseul Desras a demandé l’appui du Canada pour combler des besoins aux chapitres suivants :

·         vérification des comptes publics effectués par la Cour supérieure des comptes (l’équivalent du Bureau du vérificateur général);

·         formation générale technique, notamment en ce qui a trait au code du bâtiment;

·         développement des infrastructures (sans donner de détails).

·         Il a aussi précisé que les parlementaires prévoient construire un nouveau parlement d’ici 10 ans. Une fois les travaux terminés, il aimerait que le Canada aide Haïti à créer un centre de recherche dans les installations du parc Christophe Colomb.

Enfin, on a évoqué le retour de l’ancien président Jean-Claude Duvalier en Haïti. Les sénateurs ont dit être très déçus de l’impossibilité de traduire l’ancien président devant la justice et à l’idée qu’il puisse bénéficier d’un pardon.

RENCONTRE AVEC LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

Le 20 mars 2012, après s’être réunie avec le Président du Sénat haïtien, la délégation canadienne a rencontré le Président de la Chambre des députés, l’honorable Louis-Jeune Levaillant, à son bureau situé dans les bâtiments temporaires de l’Assemblée nationale à Port-au-Prince. Le sénateur Boisvenu a commencé par remercier M. Levaillant, au nom des ses collègues, puis a indiqué que les membres de la délégation avaient pour objectif de mieux comprendre l’évolution de la situation économique, politique et sociale en Haïti et d’évaluer l’efficacité des investissements canadiens.

En guise de réponse, M. Levaillant a souligné l’importance de tels échanges et a déclaré que c’était la première fois, depuis qu’il a accédé à la présidence de la Chambre des députés, qu’il avait l’occasion de rencontrer une délégation de parlementaires canadiens. Il a fait remarquer qu’à la dernière élection, il y a eu beaucoup de députés élus pour la première fois et que ces gens ont besoin de soutien et de formation. Au sujet de la situation politique en Haïti, il considère que la coopération entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée nationale est nécessaire, et que les problèmes politiques retardent inutilement la reconstruction et le développement du pays. Il a ajouté qu’à son avis, étant donné qu’il n’y a aucun représentant du parti du président Michel Martelly élu à la Chambre des députés, le président doit négocier avec le Parlement plutôt que l’ignorer. M. Levaillant a dit que le président Martelly ne peut diriger seul, il doit respecter les représentants élus et les institutions parlementaires.

M. Levaillant a répondu à une question posée par Mme Murray en disant que l’aide internationale en général et l’aide canadienne en particulier ont été bien ciblées et ont donné de bons résultats, surtout au chapitre de la sécurité et des services policiers. M. Levaillant a toutefois fait remarquer qu’à son avis, on n’a pas adopté d’approche systématique à un haut niveau dans les efforts de reconstruction. À ce propos, il a ajouté que c’est aux Haïtiens que revient la tâche de concevoir un plan qui leur est propre, du début à la fin, et que lorsqu’ils y seront parvenus, ils pourront solliciter l’assistance de la communauté internationale pour le mettre en œuvre. Il a indiqué que selon lui, le Canada a déjà beaucoup aidé Haïti.

Répondant à des questions de Mme Ayala, M. Levaillant a évoqué le régime de gestion des conflits d’intérêts en Haïti, soulignant que ce régime s’applique autant aux fonctionnaires qu’aux parlementaires. Il a aussi parlé du retour de l’ancien président Jean-Claude Duvalier, faisant remarquer que les députés suivent l’évolution de la situation de près; qu’ils ne sont pas tous contents de ce qui se passe; et qu’ils ont exprimé le souhait que la Cour de cassation (équivalent de la Cour suprême) se penche sur cette affaire. M. Levaillant a ensuite abordé le dossier des titres fonciers (cadastre) en Haïti, précisant qu’il est urgent de trouver une solution à ce problème qui nuit aux investissements étrangers. C’est néanmoins un problème qui remonte à l’indépendance d’Haïti, en 1804. Selon M. Levaillant, le pouvoir exécutif doit proposer une mesure législative pour corriger la situation, car ni les sénateurs ni les députés ne possèdent l’expertise et les ressources nécessaires présenter un projet de loi aussi complexe.

Le sénateur Boisvenu a demandé à M. Levaillant ce qu’il pensait de la fuite des cerveaux haïtiens vers l’étranger. M. Levaillant a répondu qu’à son avis, le retour de professeurs d’université expatriés à la retraite serait très bénéfique pour le pays. Il a ajouté qu’il existe en Haïti une rivalité entre les organisations internationales et l’État pour l’embauche des Haïtiens les plus prometteurs et les plus brillants, car les organisations internationales offrent de meilleurs salaires.

La sénatrice Hervieux-Payette a évoqué avec M. Levaillant la possibilité que des professeurs d’université canadiens se portent volontaires pour aller enseigner en Haïti. L’entente pourrait ressembler à celle visant le Service universitaire canadien outre-mer (CUSO). La question à régler, selon elle, n’est pas tant de savoir comment on va payer ces professeurs, mais plutôt de leur trouver des logements décents.

RENCONTRE AVEC LES PRÉSIDENTS DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

Le 20 mars 2012, après la visite sur le terrain et leurs réunions du matin, les membres de la délégation canadienne ont rencontré les présidents des commissions parlementaires dans les édifices qui abritent temporairement l’Assemblée nationale, à Port-au-Prince.

Avant le début de la réunion, la délégation a rencontré brièvement et de manière impromptue Mme Florence Élie, protectrice du citoyen, de l’Office de la protection du citoyen (OPC). Mme Élie a mis les membres de la délégation au courant du travail qu’accomplit son bureau dans la protection des droits fondamentaux des Haïtiens et dans la formation des représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire au sujet de leurs obligations en la matière, conformément à la Constitution. Elle a indiqué que l’Assemblée nationale est sur le point d’adopter une loi qui prévoit l’indépendance juridique de l’OPC.

La délégation a rencontré les présidents de commission parlementaire suivants : M. Sadrac Dieudonné, Commission de l’éthique et de l’anticorruption (Chambre des députés); M. A. Rodon Bien‑Aimé, Commission des finances, du commerce, de l’économie et du budget (Chambre des députés); M. Romial Smith, Commission de l’intérieur et des collectivités territoriales, de la décentralisation et du développement frontalier (Chambre des députés); et M. Jocelerme Privert, Commission des finances, de l’économie, du commerce et de l’industrie (Sénat). Le sénateur Boisvenu a commencé par remercier les présidents et leur a ensuite demandé s’ils pouvaient donner à la délégation un bref aperçu de leur travail.

La discussion qui a suivi a couvert plusieurs sujets. On a fait remarquer que le débat en vue de l’adoption du budget national d’Haïti est suspendu, depuis la démission du premier ministre Conille, et que les travaux sont maintenant dans une impasse.

Les présidents des commissions ont expliqué aux membres de la délégation les défis budgétaires que doivent relever les parlementaires haïtiens. Chaque bureau a obtenu du financement pour deux conseillers en politique (environ 1 000 $ par conseiller, par mois) chargés de faire des travaux de recherche et de fournir des avis spécialisés. Chaque parlementaire a également droit à un chauffeur et à un vigile. Les présidents ont indiqué que cette aide est insuffisante. Ils veulent un groupe d’experts permanent, payé à même le budget de l’Assemblée nationale et dont les membres seraient d’origine haïtienne, non partisans, impartiaux et, au fil du temps et des formations qu’ils recevraient, développeraient une mémoire institutionnelle et deviendraient des spécialistes dans leurs domaines respectifs. On a dit qu’en Haïti, il n’y a pas d’équivalent de la Bibliothèque du Parlement, mais on a formulé l’espoir que le centre de recherche du parc Christophe Colomb joue ce rôle tôt ou tard. Les présidents ont aussi mentionné qu’un nombre important d’Haïtiens parmi les mieux éduqués choisissent de quitter le pays à la recherche d’un avenir meilleur. Le sénateur Privert a ajouté que les citoyens doivent améliorer les conditions d’investissement en Haïti, ce qui permettra de créer de l’emploi et donnera aux Haïtiens une raison de rester.

On a évoqué le manque d’investissements étrangers directs. À ce propos, le sénateur Privert a rappelé que pendant 40 ans, le gouvernement haïtien a offert des incitatifs et des garanties aux investisseurs étrangers. Selon lui, l’instabilité politique est le principal obstacle au développement du pays. Il faut plus de transparence et de surveillance parlementaire de l’exécutif. Les donateurs internationaux doivent quant à eux faire davantage confiance aux Haïtiens, cesser de passer par des ONG internationales pour injecter des fonds en Haïti et investir directement dans des initiatives locales ou gouvernementales.

On a discuté de la capacité d’expropriation du gouvernement. Selon la Constitution, si l’État le veut, il peut exproprier des terres pour mettre en œuvre des projets qui profiteront au pays. Ce faisant, l’État doit dédommager les propriétaires fonciers affectés. Si, pour une raison ou une autre, le projet n’aboutit pas, le propriétaire dépossédé a 10 ans pour réclamer son terrain. On a souligné qu’en raison de ce pouvoir d’expropriation, la désorganisation du système cadastral ne devrait pas être vue comme un obstacle par les investisseurs étrangers.

Les présidents ont aussi abordé la question de la centralisation et de la décentralisation ainsi que des questions de compétences entre les différents ordres de gouvernement en Haïti. Le sénateur Privert a expliqué que les services gouvernementaux font cruellement défaut dans la plupart des régions du pays. Si l’État est absent, la prestation de services incombe de facto et de façon tacite aux autres ordres de gouvernement. Pour illustrer cette situation, on a donné comme exemple l’absence d’ententes, entre les ordres de gouvernement, concernant l’approvisionnement en eau et en électricité et l’entretien des routes.

On a aussi parlé de la présence des femmes à l’Assemblée nationale, puisque la délégation canadienne a remarqué qu’il n’y a que quatre femmes parmi les 99 députés et qu’une femme parmi les 30 sénateurs. Les présidents ont indiqué que ces femmes jouent un rôle important dans la société haïtienne et que l’Assemblée envisage d’augmenter leur participation. On a aussi dit qu’une commission parlementaire examine la possibilité qu’on accorde des subventions aux femmes qui veulent faire de la politique pour favoriser leur participation aux élections et accroître leur représentation à l’Assemblée.

Les présidents ont expliqué pourquoi ils n’ont pas encore emménagé dans les édifices de l’Assemblée nationale nouvellement construite au parc Christophe Colomb. Ils considèrent que pendant la phase de conception, on n’a pas suffisamment consulté les parlementaires haïtiens pour connaître leurs besoins, ce qui a causé plusieurs problèmes et donné lieu à des travaux non conformes qu’il faut corriger pour que le Parlement puisse siéger dans ses nouveaux locaux.

On a également abordé la question du tourisme et fait remarquer que durant les années 1970, Haïti était la deuxième destination de l’hémisphère la plus populaire après Cuba auprès des touristes. Mais dans les années 1980, plusieurs problèmes ont découragé les touristes d’aller en Haïti, comme l’instabilité économique, les enlèvements et la rumeur infondée, propagée par le gouvernement américain, selon laquelle il y avait une forte prévalence du sida au sein de la population.

En guise de conclusion, les présidents ont dit craindre que le président Martelly ne travaille pas avec le Parlement, et que la division qui règne entre les pouvoirs exécutif et législatif ne s’accentue. Selon eux, la principale raison de cette discorde tient au fait que le président Martelly refuse de reconnaître les pouvoirs et rôles conférés à chacun par la Constitution.

RENCONTRE AVEC LES PRÉSIDENTS ET MEMBRES DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

Le 21 mars 2012, la délégation canadienne a rencontré d’autres présidents et membres de commissions parlementaires dans les édifices temporaires de l’Assemblée nationale à Port-au-Prince. Les personnes présentes à cette rencontre étaient : M. Abel Descollines, membre de la Commission des affaires étrangères, des cultes et des Haïtiens vivant à l’étranger; M. Bertrand Sinal, Commission de la santé publique et de la population; M. Juslaire Dorgil, Commission de la planification externe et de la coopération; M. Bilgot Colas, Commission des affaires sociales et des droits des femmes; M. Kenston Jean-Baptiste, Commission spéciale des droits de la personne; M. Frédely Georges, Commission spéciale des droits de la personne; M. Paul Olivard Richard, Commission de la justice et de la sécurité; et le sénateur Francisco De la Cruz.

M. Hawn a commencé par remercier, au nom de ses collègues canadiens, les députés et les sénateurs haïtiens d’aider la délégation à mieux saisir les grands problèmes d’Haïti. Les sénateurs et les députés se sont présentés à tour de rôle en expliquant brièvement les travaux que mènent actuellement leurs commissions respectives. La discussion qui a suivi a couvert plusieurs sujets.

La question qui revenait souvent dans les interventions des parlementaires haïtiens concerne la nécessité de corriger les disparités grandissantes dans la concentration de l’aide et l’offre de services entre les zones rurales et urbaines. On a fait remarquer que l’aide se limite essentiellement à Port-au-Prince. Pour profiter de ce flux d’aide internationale, un grand nombre d’Haïtiens ont abandonné les terres agricoles productives pour aller vivre à la capitale, ce qui a fait de Port-au-Prince une ville surpeuplée et a provoqué un déclin de la production agricole dans les zones rurales. Les parlementaires haïtiens ont dit qu’il faut étendre la portée de l’aide pour mieux servir les régions rurales. Il faut investir pour moderniser la production agricole, mieux utiliser les sols et créer des emplois.

L’éducation souffre des mêmes disparités entre zones rurales et urbaines. On a expliqué que lorsqu’ils le peuvent, les Haïtiens envoient leurs enfants étudier à Port-au-Prince, et certains les envoient même à l’étranger. En Haïti, la plupart des écoles sont privées et manquent généralement de moyens matériels et de professeurs. On a souligné le fait qu’il n’existe qu’un seul établissement de formation des enseignants dans tout le pays. On a aussi négligé les garderies éducatives, de sorte que beaucoup d’enfants en âge scolaire restent à la maison au lieu d’aller à l’école. Les parlementaires haïtiens ont également décrié l’absence de vie universitaire en Haïti, faisant remarquer que les différentes universités ne se sont pas dotées de normes académiques.

On a discuté du statut de la femme en Haïti et au sein du Parlement. Les parlementaires haïtiens ont indiqué que des discussions sont en cours pour élaborer des programmes ou proposer des lois destinés à favoriser l’intégration des femmes. Ils ont insisté sur l’importance du problème et sur la nécessité de commencer par revoir la structure des familles haïtiennes et le rôle de leurs membres. Les délégués canadiens ont dit qu’il faudrait adopter des règles ou des lois strictes pour créer des obligations, comme celle consistant à avoir un Parlement composé d’au moins 30 % de femmes.

La proposition de la délégation canadienne d’envoyer des professeurs canadiens à la retraite enseigner en Haïti a aussi été examinée. La sénatrice Hervieux-Payette a proposé de mettre les parlementaires haïtiens en contact avec les personnes susceptibles de lancer une telle initiative.

On a aussi évoqué la création de débouchés pour les Haïtiens et parlé de plusieurs secteurs de l’économie à développer, comme ceux du tourisme et des ressources naturelles (notamment des mines), et d’encourager les petites entreprises. Les parlementaires haïtiens ont indiqué que selon eux, la clé réside dans la stabilité politique. Les parlementaires haïtiens ont demandé la coopération et le soutien du gouvernement canadien pour la création d’un programme d’éducation civique. La délégation en a pris bonne note et a indiqué qu’elle verrait ce qu’il est possible de faire.

En guise de conclusion, M. Hawn a remercié les Haïtiens d’avoir éclairé les membres de la délégation canadienne au sujet des défis que doit relever leur pays dans ses efforts pour se moderniser et réparer les dommages causés par le tremblement de terre de 2010, ajoutant que ce genre de rencontre contribue à renforcer des liens déjà étroits.

RÉUNION AVEC DES REPRÉSENTANTS DE LA BANQUE INTERAMÉRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

Au terme de leur rencontre avec des sénateurs et des députés haïtiens, le 21 mars 2012, les membres de la délégation canadienne se sont réunis avec des représentants de la Banque interaméricaine de développement (BID) à Port-au-Prince. La rencontre s’est déroulée en deux temps : elle a commencé par une discussion avec M. Lumas Kendrick Jr, spécialiste régional en énergie – Caraïbes; et s’est poursuivie avec M. Roger Roome, premier secrétaire et chef adjoint (Développement), de l’ambassade du Canada.

M. Kendrick a expliqué brièvement à la délégation les défis associés à la modernisation du système de production et de distribution d’électricité en Haïti. Il a précisé que c’est Électricité d’Haïti (EDH), un monopole d’État, qui alimente l’ensemble du pays en électricité; et que le système est archaïque, puisque 95 % de l’électricité est produite à partir de combustibles fossiles (pétrole). De ce fait, les prix de l’électricité en Haïti sont arrimés à ceux du pétrole, qui continuent d’augmenter. Selon M. Kendrick, le coût de l’approvisionnement en électricité du pays tourne autour de 10 millions de dollars par mois, ce qui représente une part importante du budget de l’État.

La distribution de l’électricité dans ce pays est extrêmement déficiente et inefficace. À cause des transformateurs dans chaque maison, il y a un gaspillage important d’énergie. EDH est aussi dans l’incapacité de relever précisément la consommation d’électricité et de facturer en conséquence. En attendant, les citoyens ne paient pas la note. Par ailleurs, la distance entre les relais de phase est trop grande, ce qui fait qu’en tout est pour tout, environ 70 % de l’énergie produite se perd. À cela s’ajoute le vol d’électricité, qui est aussi un problème fréquent.

Le rôle de la BID, au chapitre de la production et de la distribution d’électricité, consiste entre autres choses : à rétablir les circuits à Port-au-Prince; à veiller à ce que les relevés de consommation et la facturation soient faits adéquatement; à offrir une formation technique aux employés d’EDH; à s’occuper de certains aspects techniques de la distribution d’électricité (p. ex. s’assurer que les lignes peuvent supporter la charge); et à favoriser l’accroissement de l’efficacité du système dans son ensemble. M. Kendrick a précisé que c’est un processus de longue haleine et que la BID envisage, comme prochaine étape, des sources d’énergie de remplacement.

Dans un deuxième temps, la délégation a rencontré M. Eduardo Almeida, représentant de la BID en Haïti, dans l’enceinte de la BID à Port-au-Prince. M. Almeida a parlé des activités de la BID en Haïti, faisant remarquer que la Banque est le plus grand donateur multilatéral dans ce pays, avec plus de 1,2 milliard de dollars de financement. Il a ajouté qu’entre 2010 et 2020, la BID injectera 250 millions de dollars par an dans des projets et des programmes principalement axés sur l’énergie, les transports, l’éducation, l’eau et les services d’assainissement, l’agriculture et le développement du secteur privé en Haïti.

Les subventions attribuées viseront quatre régions que la BID a prévu d’aider en raison de ses besoins en développement : le nord, le sud, l’Artibonite et l’ouest. L’objectif de la création de telles régions est de décentraliser l’activité économique et de faire émerger des pôles de développement ailleurs qu’à Port-au-Prince. M. Almeida a fait état des projets que réalise actuellement la BID dans le nord du pays dans les secteurs de l’agriculture, du tourisme et de la fabrication. La BID s’est fixé comme objectif la création de 40 000 emplois dans le tourisme et d’autant dans un parc industriel en construction. La BID subventionne également des projets de développement d’industries agricoles.

On a discuté de la structure de gouvernance de la BID et des liens de la Banque avec le système gouvernemental haïtien. À ce propos, il a été dit que ni la BID ni la Banque mondiale n’ont de relations ou de communications avec le Parlement haïtien. M. Almeida a indiqué que le ministre haïtien de l’Économie et des Finances (qui est membre du cabinet et donc de l’exécutif du gouvernement) est gouverneur de la BID, et que tous les projets de la Banque et leur approbation, y compris, le cas échéant, les expropriations, sont assujettis aux mêmes exigences et directives gouvernementales que celles qui s’appliquent à n’importe quel autre projet.

On a également abordé la question du reboisement et de la foresterie durable. M. Almeida a indiqué qu’à son avis, les problèmes de déforestation que connaît Haïti sont le résultat d’un échec institutionnel du gouvernement. À cause du manque de clarté à l’égard des titres de propriété foncière, certaines terres ont été déboisées sans aucune conséquence juridique. M. Almeida a fait valoir que les solutions de reboisement doivent s’inscrire dans un contexte plus large de recherche de sources d’énergie et de revenus autres que le charbon de bois pour les Haïtiens. Il a fait remarquer que les risques encourus (absence de cadre juridique; faiblesse des institutions, problèmes liés à la propriété foncière), combinés au temps que cela prend avant d’avoir un retour sur investissement, découragent souvent les investisseurs de planter des arbres en Haïti. Les membres de la délégation canadienne, et plus particulièrement Mme Murray, ont insisté sur la nécessité de trouver des gens intéressés à investir dans l’environnement pour obtenir des crédits de carbone, et les inciter à investir dans le reboisement d’Haïti; de créer des modèles de réussite qui soient des exemples à suivre; de miser sur les connaissances existantes pour trouver des solutions concrètes; et de permettre aux collectivités locales de participer à la sauvegarde des projets de reboisement pour qu’elles deviennent responsables des forêts.

On a aussi évoqué le projet de construction d’une route entre les villes de Cayes et de Jérémie, un projet financé par le Canada en vertu d’une « aide non liée ». Le gouvernement haïtien a lancé un appel d’offres concurrentiel pour la construction de cette route. C’est une compagnie brésilienne qui a remporté le contrat en présentant une soumission d’environ 80 millions de dollars, ce qui était en dessous des propositions de toutes les entreprises canadiennes. Certains avaient jugé l’offre exagérément basse, et l’avenir leur a donné raison puisque le prix facturé pour la construction de cette route par les Brésiliens a explosé depuis et se situe maintenant entre 120 et 150 millions de dollars. Cela a donné lieu à un débat sur la pertinence d’accorder une aide non liée à d’autres pays et sur les problèmes qui s’y rattachent.

On a aussi parlé de la possibilité d’instaurer des péages pour couvrir les frais d’entretien des routes. On a également admis que la construction de routes menant à des régions rurales du pays auparavant inaccessibles pouvait être un facteur d’accélération de la déforestation. D’autres projets d’investissement ont fait l’objet de discussions, notamment l’intention de la BID d’investir 200 millions de dollars à court terme dans les infrastructures, et 50 millions de dollars par année dans l’éducation (construction d’écoles, formation des enseignants et facilitation d’accès aux écoles).

M. Almeida a discuté aussi de la production agricole insuffisante en Haïti, précisant que seulement environ 20 % du riz consommé est produit dans le pays. Les difficultés auxquelles se heurte le secteur de l’agriculture haïtien sont notamment la détérioration des sols, le manque d’irrigation et le manque ou l’absence d’infrastructures, surtout de routes. M. Almeida a indiqué que les risques élevés dans le secteur privé constituent un frein puissant à l’investissement et, par conséquent, à la création d’emplois en Haïti. Il a aussi fait remarquer que si on prend un graphique pour illustrer l’évolution du PIB par habitant au cours des 40 dernières années, on voit que les creux coïncident avec les périodes de crises politiques.

Pour finir, au nom de la délégation, M. Hawn a remercié M. Almeida pour ses réflexions. M. Hawn a ajouté que le Canada appuie plusieurs initiatives de la BID et qu’il espère que l’argent qu’il investit donnera des résultats concrets.

RENCONTRE AVEC DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES LOCALES À VOCATION ÉDUCATIVE

À la suite de leur rencontre avec les représentants de la Banque interaméricaine de développement, les membres de la délégation ont rencontré des agents d’éducation locaux à l’emploi d’organisations non gouvernementales (ONG) locales, dans la soirée du 21 mars 2012, à la salle Acajou de l’hôtel Montana à Port-au-Prince. Les personnes présentes à cette rencontre étaient : M. Edouard Paultre, Conseil national des acteurs non-étatiques (CONAN); Mme Suzy Castor, Centre de formation et de recherche économique et sociale pour le développement (CRESFED); Mme Evelyne Bazin Verdier, Consortium des Organisations du Secteur Privé de l’Education (COSPE); Mme Florence Délimon Théramène, Fondation haïtienne de l’enseignement privé (FOHNEP).

Pour amorcer la rencontre, les agents d’éducation ont présenté à tour de rôle leurs avis sur le versement de l’aide humanitaire d’urgence dans la période immédiatement après le tremblement de terre de 2010. De manière générale, ils estimaient que l’intervention d’urgence avait été couronnée de succès et ils étaient reconnaissants envers la communauté internationale. La distribution des médicaments, de l’eau et de la nourriture s’est faite sans délai et de manière efficace.

Toutefois, les agents d’éducation ont signalé que l’intervention d’urgence avait eu certaines répercussions sur l’infrastructure et les ressources locales – par exemple, un hôpital avait été contraint de fermer peu après le départ des équipes d’urgence internationales parce que l’intervention d’urgence avait épuisé tout son stock de fournitures médicales.

Selon les agents d’éducation, il y avait longtemps qu’une réforme majeure du système d’éducation s’imposait à Haïti. Dans cette optique, ils ont souligné à maintes reprises que, à la suite du tremblement de terre de 2010, on est passé à côté d’une occasion. Il aurait été possible de reconstruire le système et ses programmes en reprenant à zéro, de façon à se doter d’un système supérieur à l’arrangement dysfonctionnel qui existe présentement. À leur avis, l’État a dépensé de manière inefficace les fonds reçus pour l’éducation. Ils estimaient que l’État n’avait pas encore communiqué aux agents d’éducation une orientation et des politiques claires s’inscrivant dans une vision globale à long terme de l’éducation à Haïti.

De plus, ils ont indiqué que la consultation des agents d’éducation durant les processus décisionnels était insuffisante. Ils estimaient que l’État n’avait pas respecté les ententes conclues avec les agents d’éducation; à leur avis, l’État avait ignoré les efforts des agents d’éducation en vue de s’associer à l’État pour réparer le système d’éducation. Ils ont également signalé le cadre juridique mis en place pour le secteur de l’éducation en 2007. Il s’agit d’une loi qui fixe les conditions se rapportant aux dons de la Banque mondiale et qui établit un fonds dans la banque centrale pour recueillir les dons reçus dans le cadre de l’aide internationale destinée à l’éducation. Les agents d’éducation ont affirmé que la loi prévoit des consultations avec les regroupements d’enseignants concernant l’affectation des fonds, mais que ces consultations avaient été très peu fréquentes; de plus, quand il y a eu des consultations, il est rare que les avis des enseignants aient été reflétés dans les décisions et les résultats.

Dans l’ensemble, les agents d’éducation ont indiqué qu’ils souhaitaient que l’État dirige la réforme de l’éducation à Haïti et que la persistance de l’inaction de l’État entraînerait la persistance des échecs et des lacunes qui minent présentement le système.

RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICANS

Le 22 mars 2012, la délégation canadienne a rencontré les représentants de l’Organisation des États américains (OEA) au complexe de l’OEA à Port-au-Prince. Mme Catherine Pognat, coordonnatrice principale des programmes, et M. Frédéric Bolduc, représentant spécial de l’OEA en Haïti, ont pris part à cette rencontre.

Mme Pognat a présenté à la délégation un bref exposé de l’OEA, signalant qu’il s’agissait de la plus ancienne organisation régionale au monde et que le Canada participe activement aux travaux des divers organismes de l’OEA depuis son adhésion à titre de membre à part entière en 1990. Mme Pognat a ensuite présenté un aperçu des programmes que l’OEA menait à Haïti, notamment : faciliter la réforme du régime d’enregistrement des titres fonciers (cadastre) pour, entre autres, assurer les investisseurs internationaux qu’ils sont les propriétaires des terres qu’ils ont achetées; contribuer à soutenir le système électoral; faciliter l’intégration sociale des personnes handicapées; appuyer un programme d’orchestres de jeunes après les heures de cours dans les quartiers à criminalité élevée; soutenir les efforts des autorités policières en vue d’enregistrer et de contrôler les armes à feu; s’associer avec les autorités frontalières haïtiennes en vue d’assurer la sécurité des aéroports et des ports; et s’associer avec la Banque internationale de développement (BID) en vue d’aider à la mise au point de solutions énergétiques alternatives pour le pays.

L’OEA a également pris des mesures pour appuyer le système d’éducation à Haïti, notamment : des bourses (totalisant 100 000 dollars) pour encourager les jeunes universitaires haïtiens à poursuivre leurs études à Haïti; un programme d’enseignement à distance menant à la maîtrise, en partenariat avec l’Université Laval; la mise en œuvre du programme Allo Prof! (un programme mis au point au Québec qui offre des outils d’apprentissage en ligne gratuits aux enseignants et aux élèves); un centre d’information qui permettait aux élèves haïtiens d’avoir accès à des ordinateurs et à l’Internet; et, de concert avec l’Agence canadienne de développement international (ACDI), un programme de réparation d’ordinateurs, car il s’agissait d’une compétence très recherchée à Haïti.

Ensuite, M. Bolduc a abordé la question de la modernisation de l’enregistrement civil à Haïti. Il a expliqué qu’une réforme de l’enregistrement civil était vraiment nécessaire. Une des difficultés est l’absence d’une autorité centrale chargée de recueillir l’information sur les naissances et les décès dans le pays. L’enregistrement (le cas échéant) des naissances et des décès se fait uniquement sur papier. De plus, seulement environ 30 % des enfants haïtiens naissent dans des hôpitaux. L’Office national d’identification (ONI) a été créé en 2005 et compte 141 bureaux à l’échelle du pays. Avant l’élection de 2010, l’ONI a enregistré 3,5 millions d’électeurs et leur a remis une carte d’identité nationale. Présentement, 5 millions d’Haïtiens, soit 85 % de la population adulte, sont enregistrés dans une base de données informatisée et détiennent une carte d’identité.

D’autres initiatives visant à enregistrer les mineurs (les personnes ayant moins de 18 ans) étaient en cours. Cela inclut la numérisation de millions de documents historiques provenant des Archives nationales. Cela inclut également une campagne de sensibilisation pour encourager les parents à enregistrer leurs enfants. Toutefois, pour les Haïtiens, le processus demeurait lent et coûteux. De plus, l’OEA a rencontré des difficultés – par exemple, des imposteurs qui se faisaient passer pour des agents d’enregistrement afin de voler les frais d’enregistrement.

M. Bolduc a fait part d’un autre problème, lié à l’entente conclue entre Haïti et une entreprise privée vénézuélienne (Smartmatic) pour créer un registre de l’état civil à Haïti. Selon les médias, Smartmatic s’était engagée à achever le registre dans un délai d’un an ou d’un an et demi. L’OEA avait demandé des éclaircissements au sujet de cette initiative, mais n’avait pas eu de réponse. M. Bolduc a indiqué que l’OEA était disposée à collaborer avec Smartmatic, mais a aussi affirmé avoir des doutes quant à la neutralité d’une entreprise privée et a affirmé craindre que Smartmatic fasse de nouveau le travail déjà accompli par l’OEA.

Enfin, les représentants de l’OEA ont demandé aux membres de la délégation canadienne de leur faire part de leurs impressions d’Haïti, plus précisément des problèmes et défis auxquels le pays fait face. M. Hawn a mis fin à la rencontre en remerciant les représentants de l’OEA au nom de la délégation.

VISITE DU PROJET DE CANTINE SCOLAIRE DE L’ACDI

Le 22 mars 2012, après la rencontre au complexe de l’OEA, la délégation canadienne a visité l’École de la République nationale du Guatemala à Pétionville, Port-au-Prince. Mme Micheline Pierre Augustin, la directrice de l’école, a décrit le fonctionnement de l’école à la délégation. Le matin, l’école est fréquentée par 714 élèves de la première à la sixième année, toutes des filles, réparties en 13 salles de classe. L’après-midi, l’école est fréquentée par des élèves de la sixième à la douzième année, tandis que le soir, elle est fréquentée par des adultes. La directrice a noté que l’école est administrée par un comité de gestion qui se réunit tous les trois mois. Le taux de décrochage à l’école, comme dans le reste des écoles haïtiennes, est très élevé : seulement environ 20 % des enfants terminent leur sixième année. Dans la cour de l’école, au moment de la visite de la délégation, il y avait environ 200 familles déplacées, vivant dans des logements de fortune. Mme Augustin a indiqué que l’école s’adaptait assez bien à cette situation, mais il s’agissait clairement d’un problème qui, espérait-elle, serait bientôt réglé.

Le programme de cantine scolaire, financé par l’ACDI, offre un repas chaud chaque jour à chaque élève. Les repas sont préparés par des bénévoles, qui se mettent au travail dès six heures le matin. Il s’agit de mets locaux qui incluent habituellement du riz, des protéines et des légumineuses à grain; les parents des élèves fournissent des épices et des légumes de saison. Le charbon demeurait la source de carburant la plus abordable, mais l’école envisageait d’acquérir des poêles économes en combustible. Le programme de cantine scolaire était en place depuis trois ans et offrait un repas par jour à 1,1 million d’enfants à l’échelle du pays.

RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL (PROJET AU CHAMP DE MARS)

Le 22 mars 2012, après leur visite de l’école primaire à Pétionville, les membres de la délégation ont rencontré des représentants de l’ACDI pour un déjeuner de travail au restaurant Quarter latin, à la place Boyer (Port-au-Prince). Les personnes suivantes ont participé à cette rencontre : M. Dominique Rossetti, chef de la Coopération (ACDI); M. Harry Adam, directeur de la construction de logements et de bâtiments publics (Unité); M. Clément Bélizert, gestionnaire du projet 16/6 et du projet de décongestion du Champ de Mars (Unité); et M. Emmett Fitzgerald, projet 16/6 et projet de décongestion du Champ de Mars (Unité).

Avant le déjeuner de travail, la délégation a visité la place Boyer, un parc public de Pétionville, à Port-au-Prince, de l’autre côté de la rue du restaurant. M. Fitzgerald et M. Rossetti ont expliqué que, après le tremblement de terre, les gens qui avaient perdu leurs logements tendaient à se rassembler et à établir des logements temporaires dans des lieux publics, généralement des parcs et des cours d’école. Environ 750 familles de déplacés (plus de 3 000 personnes) s’étaient établies temporairement dans la place Boyer. L’ACDI, avec l’appui d’autres partenaires, a élaboré un programme pour encourager les déplacés à quitter le parc : le programme s’engageait à subventionner le loyer de chaque famille pendant un an, pourvu que la famille trouve son propre logement au prix courant.

Durant le déjeuner de travail, une gamme de sujets ont été abordés. M. Rossetti a signalé que, au premier et au deuxième anniversaire du tremblement de terre de 2010, la presse avait mis l’accent sur ce qu’elle percevait comme la lenteur de la reconstruction. Toutefois, il a noté que les difficultés avaient été énormes. D’abord, il avait fallu dégager les décombres qui jonchaient les rues. À son avis, la première moitié de ces efforts avait été cruciale, car les véhicules ne pouvaient pas se déplacer dans la ville. On avait fait appel à des ouvriers à revenus modestes pour effectuer ce travail et une partie importante des débris ont été convertis et recyclés – par exemple, des matériaux servent maintenant de tuiles.

Il a également précisé que le tremblement de terre avait aggravé des problèmes qui existaient déjà à Port-au-Prince. Par exemple, avant le tremblement de terre, il y avait environ un million de sans-abris. De plus, le surpeuplement était un problème à Port-au-Prince. Le quartier de Pétionville a été donné en exemple : il est passé d’environ 15 000 habitants à environ 300 000 habitants depuis 20 ans.

Un autre projet majeur entrepris par l’ACDI à la suite du tremblement de terre de 2010, en collaboration avec des partenaires, consistait à évaluer la stabilité structurelle de chaque maison et édifice dans la zone du tremblement de terre, en lui attribuant la cote verte (signifiant que les dommages subis étaient sans conséquence), la cote jaune (signifiant que la maison ou l’édifice pouvait être réparé) ou la cote rouge (signifiant que la réparation des dommages était impossible).

On a discuté du rôle d’Unité dans les efforts de reconstruction immédiatement après le tremblement de terre de 2010. On a signalé que diverses organisations internationales et divers organismes gouvernementaux sont venus pour faciliter la reconstruction. Unité a soutenu les efforts de reconstruction : en trouvant et en ciblant des solutions de reconstruction adaptées aux problèmes; en coordonnant les projets et en les unissant dans un plan d’ensemble; ainsi qu’en élaborant et en mettant en œuvre des méthodes de rétroaction et d’évaluation.

En réponse aux questions de la délégation sur l’efficacité de l’aide canadienne, M. Rossetti a expliqué que tous les projets canadiens avaient été bien définis et avaient atteint leurs objectifs. Les coûts administratifs associés au versement des fonds – soit de 5 à 15 % environ – étaient normaux, si bien qu’au moins 80 % de l’aide avaient été consacrés directement aux résultats sur le terrain. Il a indiqué que tous les projets entrepris par l’ACDI comportaient des objectifs axés sur les résultats et que pas un seul dollar canadien n’avait été gaspillé. M. Rossetti a également remis à la délégation de la documentation exposant les objectifs, les coûts et les résultats de 136 projets de l’ACDI à Haïti.

Il y a également eu une discussion au sujet de la route Cayes-Jérémie et du rendement inadéquat obtenu par le Canada lorsque d’autres pays bénéficient d’une aide non liée. Selon M. Rossetti, lorsque le Canada accorde une aide non liée, en raison de la nature ouverte et concurrentielle des appels d’offres, il obtient habituellement le résultat le plus efficace en retour des fonds canadiens investis. Il a ajouté qu’il y avait de nombreux exemples où des entreprises canadiennes avaient remporté des contrats d’aide non liée défrayés par d’autres pays.

D’autres sujets ont été abordés durant le déjeuner de travail. L’importance de développer d’autres pôles économiques à l’extérieur de Port-au-Prince; les efforts investis en vue de construire des bâtiments publics pouvant résister aux séismes; les études visant à relever des terrains qui ne sont pas sujets aux inondations et dont la pente n’est pas trop accentuée; la question des titres fonciers et son effet sur la déforestation; les efforts en vue de construire les logements soucieux de l’environnement à Haïti.

On a encore une fois signalé le dialogue insuffisant entre l’Assemblée législative et le pouvoir exécutif. Les dirigeants politiques se sont montrés peu disposés à jouer le rôle de médiateurs pour trouver un terrain d’entente sur les questions litigieuses, pour adopter des lois et pour veiller à ce que ces lois soient mises en œuvre. M. Rossetti a noté que 90 % des députés étaient nouvellement élus et que pour 54 % d’entre eux, il s’agissait de leur premier emploi rémunéré.

Enfin, M. Rossetti a noté que le Canada était le seul pays, à sa connaissance, qui ait tenu la presque totalité – à hauteur de 95 % – de ses promesses en matière de reconstruction et de développement.




VISITE DU PROJET DE L’ACDI EN MATIÈRE DE SANTÉ MATERNELLE

Dans l’après-midi du 22 mars 2012, la délégation canadienne a visité le projet de santé maternelle à Port-au-Prince. Avant d’entreprendre la visite, la délégation a rencontré la docteure Camille Figaro, le docteur Dorcely Olés, Mme Evelyne de Graff (OMS/OPS) et Mme Laura Stein, agente de programme. On a expliqué à la délégation que le Canada avait financé un programme qui, au cours des quatre dernières années, avait offert un accès gratuit à des services d’obstétrique, à des soins de santé pour les enfants de moins de cinq ans et à des services de planification des naissances dans un centre de santé maternelle à Port-au-Prince. Le programme était important parce qu’il éliminait les obstacles financiers qui bloquaient l’accès à des services de santé fondamentaux. Haïti a les taux de mortalité infantile, de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans et de mortalité maternelle les plus élevés de l’hémisphère.

Le programme a évolué depuis sa création et offre maintenant un ensemble de services plus complet, incluant la prévention des maladies transmises sexuellement, en particulier la syphilis. La participation aux programmes du centre a augmenté rapidement. Vingt-cinq médecins généralistes, une trentaine d’obstétriciens, un psychiatre et un chirurgien ont travaillé au centre de santé maternelle.

Un des défis pour le centre est de maintenir son personnel médical, car les éléments ayant la meilleure formation partaient pour occuper de meilleurs postes ailleurs. De plus, on a noté que, avec le temps, les programmes du centre ont acquis une réputation de qualité et d’efficacité. Cela a entraîné une hausse des situations urgentes où les femmes se présentaient au centre avec de graves problèmes liés à leur grossesse. Par conséquent, le centre s’est efforcé d’accroître ses activités de sensibilisation pour encourager les femmes à visiter le centre dès les premiers mois de la grossesse. On a également signalé que, pour des raisons culturelles, les hommes tentaient souvent de dissuader leurs épouses de participer au programme. Ainsi, il arrivait souvent que le séjour d’une mère après l’accouchement était très court, car il était très difficile de la garder au centre pendant plus de 48 heures.

On a également abordé la question des sages-femmes à Haïti. On a signalé que le pays comptait un nombre insuffisant de sages-femmes. La formation prend environ huit ans et les programmes de recrutement et de formation doivent être modifiés en profondeur et améliorés.

La délégation a ensuite visité les installations du centre, soit : l’unité où se déroulent les accouchements réguliers; l’unité de pathologie; une salle d’opération qui n’était pas encore en fonction à cause du manque de climatisation; l’unité de néonatologie (son matériel était un don de l’épouse du président, Mme Martelly, mais l’unité n’était pas encore en service à cause d’un manque de personnel); une unité pour les avortements (l’avortement est illégal à Haïti; les femmes qui se trouvaient à l’unité avaient besoin de soins médicaux d’urgence à la suite d’interventions pratiquées à l’extérieur du centre); et une unité pour les femmes souffrant de maladies graves.

RENCONTRE AVEC LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALE
DU SECTEUR FORESTIER

Le matin du 23 mars 2012, les membres de la délégation canadienne ont rencontré des personnes à l’emploi d’ONG menant des projets de reboisement à Haïti. Les personnes suivantes ont participé à la rencontre : M. Marc Josué, agent de programme (ACDI); M. Volny Paultre, adjoint au projet de reboisement, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO); et M. Yves Gattereau, Oxfam-Québec.

Le déboisement à Haïti est extrêmement préoccupant et le reboisement est une priorité, comme l’attestent les efforts déployés pour inverser la situation. Les agents de reboisement ont expliqué que le déboisement était survenu rapidement à Haïti. En moins de cent ans, près de 90 % des arbres ont été abattus. Présentement, il ne reste que quelques vestiges de la forêt. Le déboisement est étroitement lié à d’autres enjeux au pays, incluant le développement économique, la production agricole et les normes socioculturelles.

On a relevé les obstacles au reboisement à Haïti, notamment : il s’agit d’un pays à forte densité de population; la fabrication de charbon est l’activité la plus rentable pour un grand nombre d’Haïtiens (sur le plan des revenus et de la nourriture, la plupart des Haïtiens vivent au jour le jour); il n’y a aucune politique ou loi visant la conservation des forêts ou des arbres; la protection inadéquate des forêts et arbres est attribuable, en partie, au manque de clarté concernant la propriété des terres où se trouvent les arbres (la question du cadastre); et l’abattage des arbres se déroule à un rythme plus rapide que celui des efforts combinés de reboisement. On a également signalé que le reboisement coûte cher, soit environ 15 000 $ pour replanter des arbres sur trois hectares. Le gouvernement haïtien n’a pas les ressources requises pour accomplir la tâche à lui seul. De plus, en ce qui a trait aux forêts, il faut attendre 15 ans avant de tirer un rendement des sommes investies.

En 2008, le ministre de l’Intérieur a demandé à la FAO d’élaborer un plan d’action qui exposerait une vision d’ensemble du reboisement à Haïti. La FAO poursuit le travail sur ce dossier et compte achever le rapport d’ici la fin de 2012. On a signalé qu’il fallait élaborer une politique claire et ferme en matière de reboisement. Il faudrait que cette politique précise où il est possible de récolter des arbres et où il faut les protéger. Il faudrait aussi que cette politique tienne compte des emplois, de la sécurité alimentaire et des intérêts de la collectivité.

Mme Murray a discuté avec les agents de reboisement de diverses méthodes de reboisement éprouvées, notamment la culture de certaines espèces d’arbres de concert avec certains légumes, de façon à obtenir un rendement (pour les investisseurs et pour la collectivité) dans des délais plus courts. Elle a indiqué qu’il y avait plusieurs modèles commerciaux rentables qui pouvaient être mis en œuvre à Haïti et qui pourraient obtenir le soutien financier des investisseurs soucieux de l’environnement. Selon Mme Murray, il est important qu’Haïti adopte des pratiques forestières durables et il existe des solutions réalisables.

RENCONTRE AVEC LA CHAMBRE DE COMMERCE CANADA-HAÏTI

À la suite de la rencontre des membres de la délégation avec des personnes travaillant pour des ONG sur des projets de reboisement en Haïti, qui s’est tenue le 23 mars 2012, en matinée, l’ambassade canadienne a organisé au nom de la délégation une table ronde avec des représentants du secteur privé ainsi que des membres de la Chambre de commerce Haïti-Canada, dans la salle Acajou de l’hôtel Montana à Port-au-Prince. Les personnes suivantes ont participé à la rencontre : M. Serge Cousineau, de Développement international Desjardins, M. Thor Burnham, de Williams Engineering, M. Maxime Charles, de la Banque Scotia, M. Dominique Boisson, de Eurasian Minerals/Marien Mining, M. Michel Lamarre, de Majescor/SOMINE, M. Gérard‑Marie Tardieu, président de la Chambre de commerce Haïti-Canada et M. Pierre Dumouchel, de la Chambre de commerce Haïti-Canada.

L’ambassadeur, M. Normandin, présidait la réunion, qu’il a amorcée en formulant des commentaires à propos du travail réalisé par les gouvernements d’Haïti et du Canada à la promotion de l’investissement et du commerce en Haïti. M. Hawn a ensuite fait observer que les membres de la délégation canadienne avaient hâte d’entendre le point de vue des personnes présentes et d’échanger des idées avec elles sur la façon dont le Canada pourrait travailler plus efficacement avec les entreprises haïtiennes.

M. Tardieu a fait quelques remarques au nom de la Chambre de commerce Haïti-Canada. Il a indiqué qu’il appuyait le paradigme proposé pour Haïti par la très honorable Michaëlle Jean, qui visait à remplacer la charité et l’aide par de l’investissement, en créant une situation « gagnant‑gagnant » pour les investisseurs et les Haïtiens. M. Tardieu a de nouveau encouragé les investisseurs canadiens, plus précisément la diaspora canadienne, à prendre le risque d’investir en Haïti.

On a souligné que l’aide au développement fournie par le Canada en Haïti était perçue de façon très positive au pays parce qu’elle était bien ciblée et qu’elle avait donné des résultats. On estimait que le Canada apportait des connaissances, de l’expérience et de bons modèles de gouvernance au moment d’entreprendre des projets de développement. C’est dans le domaine de l’ordre public, a-t-on souligné, que l’on avait besoin du Canada pour continuer à exercer son rôle important.

La discussion a également porté sur le secteur minier à Haïti. La loi actuelle, qui a été rédigée en 1975, était maintenant désuète et encombrante et avait un effet dissuasif sur les projets d’investissement. Elle devait être modernisée afin d’inclure, notamment, de meilleures garanties pour les investisseurs. En ce qui a trait à cette loi, il a été en outre souligné que, en Haïti, les profits tirés de l’exploitation minière étaient divisés à parts égales (« 50 % – 50 % ») entre la société minière et le gouvernement. Quelqu’un a cependant dit qu’ailleurs, la norme se rapprochait davantage de 70 % des profits allant à la société et de 30 % allant au gouvernement. On a également souligné que les activités minières en République dominicaine rapportaient pas mal d’argent et qu’elles parvenaient à attirer des investissements étrangers. On a dit croire que les sociétés minières étrangères devraient envisager d’investir de l’argent au sein des collectivités haïtiennes pour les sensibiliser davantage aux avantages réciproques que procurent les investissements étrangers. On a en outre souligné qu’il fallait que le Parlement et l’exécutif travaillent de concert à la création d’une loi moderne sur l’exploitation minière, et qu’il faudrait, pour ce faire, beaucoup de courage sur le plan politique.

La discussion a également porté sur des moyens de rendre les investissements plus efficaces en Haïti. Quelqu’un a déclaré qu’il faudrait créer une base de données des entrepreneurs; les secteurs prioritaires devaient être précisés. On a signalé qu’un certain pourcentage de l’investissement devrait être mis de côté pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour des projets de développement durable. Grâce à des modèles supérieurs de gouvernance, l’argent investi pourrait ainsi être utilisé de façon plus modeste et plus efficace, et produire de meilleurs résultats avec moins d’argent. Le rôle du Canada, à long terme, consisterait donc à offrir une formation, de l’expérience et des conseils plutôt qu’un financement direct sous forme d’aide. M. Tardieu a proposé un système d’investissement au moyen duquel l’ACDI pourrait octroyer des prêts aux sociétés haïtiennes au lieu de subventions, en utilisant des biens affectés en garantie sur ses investissements. Les membres de la délégation canadienne ont souligné que Exportation et développement Canada (EDC) pourrait grandement contribuer à trouver des partenaires en matière d’investissements.

D’autres sujets de discussion ont aussi été abordés, notamment le potentiel non exploité des secteurs du tourisme et des ressources naturelles à Haïti, le désir de voir des Haïtiens expatriés – notamment des enseignants, des professeurs, des ingénieurs, des géologues et des gens de métier – revenir en Haïti afin de donner de la formation aux Haïtiens et de partager leur expertise avec eux. On a aussi laissé entendre qu’il serait utile d’organiser une mission commerciale pour faire venir des investisseurs canadiens potentiels en Haïti.

En conclusion, M. Hawn a remercié le groupe d’avoir partagé sa vision relativement aux conditions économiques en Haïti; il a indiqué que les membres de la délégation s’assureraient de partager ces divers points de vue avec leurs collègues du Parlement.

RENCONTRE AVEC LE PRÉSIDENT MARTELLY

Au cours de l’après-midi du 23 mars 2012, les membres de la délégation canadienne ont rencontré le président Michel Martelly au palais présidentiel, à Port-au-Prince. Les personnes suivantes étaient également présentes à cette rencontre : M. Thierry Mayard-Paul, chef de cabinet, M. Michel Pierre Brunache, ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Mme Anne-Valérie Milfort, conseiller spécial du président, M. Pierre Richard Casimir, secrétariat d’état affaires étrangères, M. Salim Succar, chef de cabinet adjoint et M. Grégory Mayard-Paul, conseiller juridique, M. Jaime Iglesias, détaché diplomatique, Mme Nell Stewart, conseillère politique et économique (Ambassade du Canada), et M. François Goudreau, deuxième secrétaire (Politique) (Ambassade du Canada). Avant la rencontre avec la délégation, le président Martelly a tenu une rencontre en privé avec M. Hawn.

Le président Martelly a d’abord souhaité une cordiale bienvenue aux membres de la délégation canadienne et les a remerciés, au nom de la population haïtienne, pour l’aide apportée par le Canada et son impact positif à la suite du tremblement de terre de 2010. Il a également remercié les Canadiens pour avoir financé le projet visant à évacuer le parc du Champ de Mars, pour la solide collaboration du Canada avec la Police nationale d’Haïti (PNH) ainsi que pour l’aide fournie par le Canada en vue d’améliorer l’éducation en Haïti. Il a souligné l’importance de travailler ensemble en tant que partenaires. Le président Martelly a en outre souligné qu’un nouveau gouvernement était en train d’être mis en place.

Les membres de la délégation se sont brièvement entretenus à tour de rôle avec le président Martelly. Au moment de faire ses observations, le sénateur Boisvenu a souligné qu’il fallait renforcer les institutions haïtiennes, qu’il fallait que le Parlement et l’exécutif haïtiens coopèrent, et qu’il fallait que Haïti se fasse mieux connaître en tant que destination de choix en matière d’investissements. En réponse, le président Martelly a souligné que son gouvernement avait entrepris des démarches en vue de mieux respecter la primauté du droit, notamment en nommant un juge à la plus haute cour en Haïti (la Cour de cassation) après que le poste soit demeuré vacant pendant huit ans. Il a aussi souligné que son gouvernement avait fait des progrès en ce qui concerne l’éducation, les services publics, y compris le transport, la construction domiciliaire, l’eau potable, la police et la sécurité, la corruption, et les services frontaliers. Il a par ailleurs souligné l’importance des sommes d’argent versées en aide à Haïti, mais il a dit craindre que les ONG soient considérées comme un gouvernement substitut en raison de l’argent et des ressources qu’elles contrôlaient.

Mme Murray a fait observer que les réunions tenues durant la semaine avaient jeté de la lumière sur le nombre de défis auxquels faisait face Haïti et à quel point la situation était compliquée. Elle a indiqué qu’il fallait qu’Haïti d’entreprenne des démarches au chapitre du développement durable, de l’infrastructure, de la restauration de l’environnement, notamment de l’eau potable et du reboisement, de l’aménagement des terres et du développement équitable entre les régions urbaines et rurales. En ce qui concerne le reboisement, Mme Murray a souligné l’existence de modèles commerciaux connaissant du succès actuellement qui pourraient sans doute être reproduits en Haïti et bénéficier d’un soutien financier de la part d’investisseurs du domaine de l’environnement. Elle a fait remarquer que d’autres pays avaient surmonté des défis semblables. En réponse, le président Martelly a déclaré que les Haïtiens étaient des experts en déboisement. Il a reconnu que la situation du reboisement était urgente, mais qu’Haïti ne disposait pas de l’expertise nécessaire pour trouver des solutions. Il a déclaré qu’il aimerait que des Canadiens viennent à Haïti pour évaluer la situation et formuler des recommandations et des propositions.

Dans ses commentaires, la sénatrice Hervieux-Payette a déclaré qu’en tant qu’objectif à long terme, Haïti devrait s’efforcer d’obtenir de l’investissement plutôt que de l’aide. Elle a indiqué que des professeurs d’université canadiens à la retraite seraient prêts à venir enseigner gratuitement à Haïti, pourvu que leurs coûts d’hébergement soient payés. Elle a ajouté que le Canada pourrait élaborer un cadre juridique renforcé, assorti de règles plus strictes, pour le système d’imposition haïtien; qu’il faudrait davantage tenir compte des questions concernant les femmes; que beaucoup de possibilités se présentaient à Haïti pour tirer parti de l’aide du Canada. La sénatrice Hervieux-Payette a ajouté qu’elle était vraiment impressionnée par le programme de santé maternelle, financé par des Canadiens, à Port-au-Prince. Le président Martelly a répondu que le système d’imposition en Haïti était vraiment mal en point, que des personnes riches ne payaient pas d’impôt tandis que d’autres n’y étaient tout simplement pas enregistrées en raison de défaillances du système. Il a indiqué qu’il aimerait savoir comment remédier rapidement aux lacunes du système d’imposition en Haïti. Eu égard aux questions féminines, il a souligné que les femmes jouaient un rôle important au sein de son cabinet et qu’il croyait fermement au rôle des femmes dans la démocratie.

Le président Martelly a aussi abordé le sujet de la modernisation du registre de l’état civil en Haïti, et parlé de l’entente que le gouvernement a conclue avec l’entreprise vénézuélienne Smartmatic. Il a indiqué que les travaux déjà réalisés seraient intégrés à ce projet, et que le gouvernement aimerait éventuellement collaborer avec des Canadiens en vue de parachever la modernisation du registre de l’état civil haïtien.

RENCONTRE AVEC DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES CANADIENNES

À la suite de la rencontre survenue entre les membres de la délégation et le président Martelly, le 23 mars 2012, l’ambassade canadienne a organisé, pour la délégation, une table ronde avec des représentants d’ONG canadiennes, dans la salle Acajou de l’hôtel Montana, à Port-au-Prince. Les personnes suivantes ont participé à cette rencontre : M. Karston Voigt, de la Croix rouge, M. Yves Gatterau, d’Oxfam-Québec, Mme Marie Josée Fiset, d’Oxfam-Québec, Mme Suzanne Louchard, de SUCO, M. Jean-Claude Jean, de Développement et Paix, M. Guypsy Michel, du CECI, M. Sylvain Côté, de Droits et Démocratie, M. Martial Bailey, de Save the Children en Haïti, M. Baptiste Hanquart, de Médecins du Monde Canada, Mme Betsy Wall, de Productive Cooperatives Haïti (pcH), M. Jean-Claude Mukadi, de Vision mondiale Haïti et Mme Janne Suvanto, du Programme alimentaire mondial.

L’ambassadeur Normandin présidait la réunion. En guise de mot d’ouverture à cette réunion, il a souhaité la bienvenue aux participants à la table ronde, qui, a-t-il indiqué, avait pour but de fournir aux membres de la délégation un aperçu des défis auxquels font face les ONG canadiennes en Haïti et des résultats de leurs programmes. M. Hawn a remercié l’ambassadeur Normandin ainsi que les participants, et il a indiqué que la table ronde serait l’occasion tout indiquée pour la délégation de découvrir ce qu’accomplissaient les ONG canadiennes, puis de communiquer cette information au Parlement.

Chaque représentant a brièvement décrit aux membres de la délégation les rôles qu’exerçaient leurs ONG en Haïti, ainsi que les défis auxquels elles faisaient face. Ces représentants avaient fourni de l’aide aux Haïtiens sous diverses formes : aide humanitaire, recapitalisation d’entreprises commerciales, développement économique, renforcement des structures de gouvernance, développement durable, création d’emplois, promotion et protection des droits de la personne, formation professionnelle, sécurité alimentaire, agriculture, santé, hygiène et prévention des maladies, construction d’habitations, octroi de subventions, amélioration de l’accès à l’éducation (il a été souligné que plus de 90 % des Haïtiens étaient analphabètes), formation d’enseignants et prévention de la violence à l’égard des enfants.

Durant la discussion qui a suivi, certains ont souligné qu’Haïti constituait, à leur avis, un laboratoire permanent pour les ONG. La faiblesse de l’État était la raison pour laquelle les ONG existaient en grand nombre en Haïti. L’absence de leadership qui aurait dû exister au sein de l’État a compliqué les efforts de coordination entre les ONG. Il se peut, a-t-on souligné, que le fait que des ONG assurent la prestation de services qui auraient dû être fournis par l’État ait eu pour effet d’affaiblir davantage l’État. Un certain nombre de représentants ont fait observer que leur rôle consistait à nouer des partenariats avec des travailleurs locaux qui pourraient éventuellement prendre la relève lorsque l’ONG serait partie. Un représentant a souligné qu’il ressentait une lassitude de la part des donateurs. Un autre représentant s’est dit préoccupé par la dissolution de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti, en faveur de « regroupements » des Nations Unies, qui fournissaient de l’aide. On a également souligné que des ONG professionnelles travaillaient en collaboration avec le ministre haïtien approprié dans le but d’aligner leurs stratégies, mais que certaines ONG ne le faisaient pas. À cet égard, il existait bon nombre d’ONG qui étaient désireuses de fournir une aide aux Haïtiens, mais celles qui n’étaient pas bien organisées ne fournissaient pas une aide optimale.

M. Voigt a brièvement exposé aux membres de la délégation les efforts déployés par la Croix rouge pour fournir du logement dans les régions rurales. Il a souligné que des coûts qui étaient hors de leur contrôle faisaient malheureusement augmenter le coût des habitations qu’ils construisaient. Les habitations ont été construites pour résister aux ouragans et à l’eau, et ce, conformément aux normes canadiennes de construction. La logistique du transport des matériaux de construction dans des régions éloignées où il n’y a pratiquement aucune route, combinée au travail préparatoire concernant l’enregistrement des titres fonciers, a entraîné des délais d’environ neuf mois avant que la construction ne puisse débuter.

Les représentants des ONG ont ensuite été invités à présenter aux membres de la délégation un commentaire unique qu’ils pourraient rapporter au gouvernement du Canada. Voici les réponses qu’ils ont fournies :

·         Poursuivre le renforcement de l’État et réaliser les engagements pris en matière de développement, puisqu’un État fort permettrait aux ONG de mieux exploiter leur expertise.

·         Appuyer une bonne gouvernance et le Parlement.

·         Investir dans l’éducation et apporter de l’aide dans la production alimentaire.

·         Exercer des pressions politiques afin de garantir que l’État haïtien respecte sa Constitution et la séparation des pouvoirs au sein de celle-ci.

·         Aider à la coordination du financement entre donateurs.

·         Le financement de projets devrait durer de trois à cinq ans – les projets agricoles et environnementaux étaient les plus importants.

·         Renforcer les institutions et l’État.

·         Aider à accroître les investissements de l’étranger.

·         Améliorer la perception à l’égard d’Haïti au sein de la communauté internationale.

·         Cesser de donner de l’argent à Haïti, puisque cela a miné l’État et engendré une culture de dépendance. Un autre représentant a répliqué que bien que l’argent n’était pas la solution pour Haïti, pas d’argent du tout ne constituait pas non plus la solution.

·         Une aide monétaire directe fournie à l’égard des problèmes structurels tels que le déboisement.

·         Aider les ONG à accroître la prise en charge locale et la capacité de la société civile.

M. Hawn a clos la séance en disant qu’il s’était avéré productif d’écouter les représentants parler de leurs expériences et qu’il espérait que d’autres puissent en tirer profit.

Respectueusement soumis,

M. Randy Hoback, député
président, section canadienne
ParlAmericas

 

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