Une
délégation de cinq parlementaires, représentant la Section canadienne de
ParlAmericas, a effectué un voyage à Port-au-Prince du 18 au 24 mars
2012. C’est l’honorable Laurie Hawn, C.P., député qui menait la
délégation, accompagné des honorables sénateurs
Céline Hervieux-Payette, C.P., et Pierre-Hugues Boisvenu, et des
députées Pauline Ayala et Joyce Murray. Les parlementaires étaient
assistés de MM. Leif-Erik Aune, secrétaire exécutif de la délégation, et
Andre Barnes, analyste à la Bibliothèque du Parlement.
Après le
tremblement de terre qui a secoué Haïti en janvier 2010, le Comité
exécutif international du Forum interparlementaire des Amériques (FIPA), qui a
depuis été renommé ParlAmericas, a adopté une résolution témoignant de sa
solidarité avec le peuple haïtien. En avril 2010, le Comité exécutif
de la Section canadienne du FIPA a décidé de faire une visite bilatérale en
Haïti, visite qui a dû être reportée deux fois sur recommandation du ministère
des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) pour des raisons
sérieuses de logistique et de sécurité. En février 2011, il a été convenu
que la visite bilatérale en Haïti se ferait après les élections prévues pour
avril de la même année.
Les
objectifs de cette visite bilatérale étaient nombreux. La délégation s’était
fixé comme objectif général de rencontrer un grand nombre de groupes et de
personnes d’horizons différents, dont des parlementaires haïtiens, des
représentants et des intervenants canadiens, ainsi que du personnel et des
spécialistes fournissant des services à la population sur le terrain. Ces
rencontres visaient à permettre à la délégation canadienne de mieux comprendre
les problèmes et les défis associés à la reconstruction et au développement en
Haïti, et aussi à déterminer l’efficacité de l’aide fournie, ainsi que la
mesure dans laquelle les programmes financés par le gouvernement fédéral
atteignent les objectifs. Les membres de la délégation étaient également très
désireux de collaborer avec leurs homologues haïtiens et de les aider.
La visite a
notamment porté sur le renforcement des capacités professionnelles des
parlementaires; le renforcement des capacités institutionnelles de l’Assemblée
nationale haïtienne; l’engagement de ParlAmericas; et la collecte
d’informations sur des sujets comme la sécurité publique, la sécurité des
citoyens, les relations entre la présidence et les parlementaires, les services
sociaux, la propriété foncière et le statut de la femme en Haïti.
ParlAmericas
joue un rôle important dans l’hémisphère à titre d’agent de liaison entre les
différents Parlements des Amériques. La visite bilatérale a donné à la
délégation canadienne une occasion unique de tisser des liens prometteurs entre
les parlementaires canadiens et haïtiens. Elle lui a en outre permis d’engager
des discussions franches et ciblées avec les décideurs haïtiens pour échanger
des informations, faire la promotion des valeurs et des intérêts canadiens, et
préciser les attentes du Canada à l’égard de l’aide financière qu’il accorde à
Haïti.
RÉUNIONS
PRÉPARATOIRES À WASHINGTON, D.C.
Les 9 et 10 février 2012, le député
Randy Hoback s’est rendu à Washington, D.C. pour y tenir des réunions
préparatoires à la visite bilatérale de la Section canadienne de ParlAmericas
en Haïti. Ces entretiens en compagnie de représentants d’organisations
internationales avaient pour but de jeter un regard sur les activités de
ParlAmericas dans les Caraïbes, en particulier en Haïti, et pour inciter les
organisations régionales à collaborer avec ParlAmericas et à soutenir ses
activités.
M. Hoback s’est entretenu avec
le secrétaire général de l’organisation des États américains, M. José
Miguel Insulza; les deux hommes ont abordé la possibilité d’accroître la
coopération entre ParlAmericas et l’OEA dans les Caraïbes. Au terme de leur
entretien, les deux hommes on signé un protocole d’entente en vue de définir le
resserrement des relations entre l’OEA et ParlAmericas.
M. Hoback s’est également
entretenu avec le représentant permanent d’Haïti auprès de l’OEA et président
du Conseil permanent de l’OEA, S.E. Duly Brutus. Les deux hommes ont souligné
l’importance de soutenir le volet parlementaire de l’OEA, à égalité avec
d’autres acteurs tels que la société civile. L’ambassadeur Brutus a
insisté sur l’importance du rôle joué par les parlements et a dit espérer que
l’OEA renforce son appui aux parlements au cours du mandat d’Haïti à la
présidence du conseil permanent de l’OEA.
Par ailleurs, le député Hoback s’est
entretenu avec M. Regis Cunningham de la Banque mondiale. Les deux hommes
ont abordé des questions liées à la synergie entre ParlAmericas et la Banque
mondiale. M. Cunningham, qui a assisté à une réunion de ParlAmericas
dans les Caraïbes au début de 2012, a indiqué que les deux organisations
jouissaient d’un grand potentiel de coopération et que par ailleurs, des
communications étroites permettraient à la Banque mondiale de se tenir au fait
de l’évolution des besoins des parlements et des éventuelles retombées d’un
partenariat avec ParlAmericas.
Enfin, M. Hoback s’est entretenu
avec la directrice exécutive du Canada auprès de la Banque interaméricaine de
développement, Mme Vinita Watson; les deux homologues ont abordé des
questions liées à l’importance de soutenir financièrement des activités
parlementaires à l’appui du mandat de la BID. Mme Watson a
fortement encouragé ParlAmericas à soutenir un programme de perfectionnement à
l’intention des parlementaires en matière de législation dans le secteur de
l’extraction dans la région de la Communauté andine.
RENCONTRE AVEC L’AMBASSADEUR, LE CHEF DE LA COOPÉRATION À L’AGENCE
CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL, ET LA CONSEILLÈRE POLITIQUE ET
ÉCONOMIQUE DE L’AMBASSADE
Le 19 mars 2012, la délégation canadienne s’est réunie
avec M. Henri-Paul Normandin, ambassadeur du Canada en Haïti,
M. Dominique Rossetti, chef de la Coopération à l’Agence canadienne
de développement international (ACDI), Mme Nell Stewart,
conseillère politique et économique, et M. François Goudreau, deuxième
secrétaire (Politique), à l’ambassade canadienne à Port-au-Prince. Dans son
allocution, l’ambassadeur Normandin a donné à la délégation un aperçu des
nombreuses facettes du travail accompli par l’ambassade du Canada à
Port-au-Prince. Il a souligné l’importance de la présence canadienne en Haïti,
caractérisée par les divers programmes de l’ACDI, dont ceux destinés à
améliorer l’éducation et la santé, à aider les jeunes et à assurer la sécurité
alimentaire. Il a évoqué le grand rôle que joue le Canada dans ce pays en
aidant la police et en participant au maintien de la sécurité, en soutenant le
système judiciaire et faisant la promotion, par l’intermédiaire de son
ambassade, du commerce, du développement et des échanges culturels.
Selon lui,
il y a lieu d’être à la fois optimiste et pessimiste à l’égard du développement
en Haïti. Au sujet des efforts de reconstruction déployés après le tremblement
de terre, il a insisté sur l’immense travail accompli, notamment avec la
réouverture des écoles, le rétablissement des services de santé et du microcrédit.
Il a ajouté qu’on s’affaire désormais à accélérer la reconstruction. Malgré
tout, la tâche demeure colossale, ne serait-ce que pour redonner un logement
convenable à ceux qui ont perdu leur maison dans la catastrophe et qu’on
appelle « les déplacés ». Il a indiqué que le Canada s’est lancé dans
un important projet destiné à vider le camp du Champ de Mars, en face du palais
présidentiel, où s’entassent environ 7 000 déplacés.
L’ambassadeur
Normandin a dit que les institutions politiques haïtiennes sont très affaiblies
et que, de ce fait, les bouleversements politiques sont malheureusement
fréquents. Il y a aussi un manque généralisé de coopération entre le Parlement
et le pouvoir exécutif. À son avis, l’instabilité politique constitue un obstacle
majeur au progrès. Il a toutefois précisé que l’ambassade bénéficie d’un accès
exceptionnel aux plus hautes sphères du pouvoir politique haïtien. Il a
également fait remarquer qu’Haïti a une capacité de création de richesses
limitée, rappelant qu’environ la moitié du budget de l’État se compose de
l’aide financière internationale, et que ce budget est aussi inférieur au
montant total des fonds qu’envoie la diaspora haïtienne. Pour regarnir ses
coffres, le gouvernement haïtien propose de hausser les tarifs douaniers et de
renforcer le régime d’imposition.
L’ambassadeur
Normandin a également informé la délégation des problèmes liés au processus de
nomination du premier ministre. Il a signalé qu’à cause des dictatures
successives qu’avait connues le pays, la Constitution prévoit maintenant un
système de freins et de contrepoids solides, tellement solides que pour que le
système fonctionne, il faut s’en remettre à la bonne volonté des parties, qui
est loin d’animer Parlement et le pouvoir exécutif en ce moment. Toutefois, ce
ne sont pas les questions idéologiques qui ont monopolisé les débats. La pomme
de discorde réside dans le désir des différents acteurs en présence d’exercer
le plus d’influence possible. Il a ajouté que d’anciens militaires et plusieurs
jeunes sans travail occupent les bases militaires, les jeunes faisant pression
pour qu’on règle certains problèmes liés aux pensions.
On se
préoccupe également des échanges commerciaux et des investissements en Haïti; à
ce propos, l’ambassadeur a précisé qu’on est en train de construire un parc
industriel dans le nord du pays.
Il a fait
observer que l’ambassade a envoyé aux dirigeants haïtiens un message leur
demandant de collaborer, dans l’intérêt du pays, faute de quoi, ils ne pourront
tirer pleinement parti de l’aide du Canada.
RENCONTRE AVEC
M. NIGEL FISHER, REPRÉSENTANT SPÉCIAL ADJOINT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNI ET COORDONNATEUR HUMANITAIRE
Après la
séance d’information organisée par l’ambassadeur Normandin, le
19 mars 2012, la délégation canadienne s’est réunie avec
M. Nigel Fisher, représentant spécial adjoint auprès de la Mission de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour la stabilisation en Haïti
(MINUSTAH), pour un déjeuner de travail au quartier général de la MINUSTAH à
Port-au-Prince. M. Fisher a instruit la délégation sur une grande variété
de sujets. Il a fait remarquer qu’il existe de nombreux défis faisant obstacle
au progrès, à la prospérité et à la stabilité en Haïti, les plus importants
étant les problèmes politiques; il a indiqué que la récente paralysie causée
par les grands décideurs du pays avait miné les efforts destinés à mettre en
œuvre des changements économiques et sociaux salutaires. Il a aussi précisé que
les mécanismes et les systèmes d’application des politiques relatives aux
services sont déficients ou inexistants; les systèmes plus particulièrement
affectés sont ceux de la santé et de l’éducation, qui sont disloqués et ne
fonctionnent plus.
M. Fisher
a évoqué les nombreux obstacles à la création d’entreprises en Haïti, comme les
douanes et le régime d’imposition, ainsi que les incroyables défis liés au
système de propriété foncière haïtien (appelé cadastre) qui, de façon générale,
n’est pas régi par des règles claires, manque de transparence et de documentation
fiable. Il a déclaré que pour chaque champ d’activité, il faut élaborer une
stratégie prévoyant des responsabilités mutuelles et l’adoption des normes
proposées. Il commence à devenir urgent d’entreprendre ces réformes, car la
générosité des donateurs internationaux n’est pas sans bornes. Il conseille aux
organisations non gouvernementales (ONG) qui souhaitent investir en Haïti de se
doter de telles politiques afin de parer à de multiples éventualités, comme
l’injection de fonds dans des projets qui donnent peu ou pas de résultats.
M. Fisher
a observé une amélioration de la situation depuis le séisme de 2010, et
notamment une augmentation des rendements agricoles, des mises en chantier de
maisons et des travaux de construction.
Au cours de
ce déjeuner de travail, on a aussi abordé certains aspects de la culture
haïtienne, dont le marronnage (une pratique très répandue dans ce pays, qui
consiste essentiellement à dire une chose et à en faire une autre), et les
réparations demandées à la France en dédommagement de ce qu’Haïti avait dû lui
verser pour accéder à l’indépendance en 1804. M. Fisher a souligné
l’ironie selon laquelle Haïti, qui a été la première colonie d’Amérique latine
à gagner son indépendance, est aujourd’hui totalement dépendant des donateurs
et des subsides de la communauté internationale.
RENCONTRE AVEC
M. MARC TARDIF, COMMISSAIRE DE POLICE ADJOINT;
LE COLONEL STEVE CHARPENTIER, CHEF DU PERSONNEL;
M. SERGE GAGNON, DE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA;
ET MME ALLISON POFF, DEUXIÈME SECRÉTAIRE, GROUPE DE TRAVAIL
SUR LA STABILISATION ET LA RECONSTRUCTION
Le
19 mars 2012, la délégation canadienne a aussi rencontré, au quartier
général de la MINUSTAH à Port-au-Prince, M. Marc Tardif, commissaire
de police adjoint (MINUSTAH); le colonel Steve Charpentier, chef du
personnel (MINUSTAH); M. Serge Gagnon, de Service correctionnel du
Canada; et Mme Allison Poff, deuxième secrétaire, Groupe
de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR).
M. Tardif
a commencé par donner les grandes lignes du rôle de commissaire de police
adjoint de la MINUSTAH, ainsi que celui que l’ONU joue dans la sécurité et la
stabilité en Haïti. Créée en 2004, après le départ du président Aristide, la
MINUSTAH est une mission de stabilisation des Nations Unies dont le mandat
consiste à garantir un environnement sécuritaire et stable. On estime que la
MINUSTAH assume actuellement 80 % des fonctions de sécurité en Haïti. La
contribution du Canada à la MINUSTAH est de 150 agents de police,
25 spécialistes des services correctionnels et cinq membres des Forces
canadiennes. Même si, à première vue, cela semble peu, ces Canadiens sont dans
bien des cas des professionnels de haut rang qui occupent des postes clés
destinés à appuyer les cadres dirigeants. Le rôle principal de la police
canadienne en Haïti est de conseiller, former, développer et observer la Police
nationale d’Haïti (PNH).
Mais après
la catastrophe de 2010, les efforts se sont concentrés sur la reconstruction.
Les opérations de la police canadienne ont subi un dur coup, à cause du séisme,
qui s’est soldé par des pertes équivalant à une année de formation et de
développement. Qui plus est, le quartier général de la PNH a été détruit par le
tremblement de terre, et avec lui ont disparu tous les dossiers (électroniques
ou papier) et la majeure partie de l’équipement se trouvant à l’intérieur et
aux abords des installations. M. Tardif a précisé que l’objectif pour la
PNH est de constituer une force d’environ 15 000 agents (on tourne
actuellement autour de 10 000). Même si on continue de regagner le terrain
perdu, les problèmes de capacité inhérents à la formation demeurent, tout comme
le manque criant de centres de formation adaptés, ce qui a pour effet de
limiter le nombre de recrues qu’on peut former à la fois. Il a aussi fait
remarquer qu’il existe des obstacles structurels qui empêchent les gens
d’entrer dans la PNH; sans compter qu’en Haïti, les policiers doivent posséder
un diplôme universitaire. (M. Tardif a indiqué que le niveau de ce diplôme
équivaut en gros à celui d’un diplôme d’études secondaires au Canada.) Qui plus
est, le test d’aptitude physique coûte très cher, et un grand nombre de recrues
ont beaucoup de difficulté à le réussir.
Le manque de
cadres intermédiaires et supérieurs est un autre problème qui mine la PNH. On
dénombre 10 000 policiers, mais rares sont les Haïtiens de souche qui
possèdent des compétences en gestion. Cela explique le manque généralisé de
supervision et de suivi des dossiers. Par ailleurs, le népotisme est rampant.
M. Tardif a indiqué que l’objectif pour les cinq années à venir est de
mettre sur pied un programme de six mois de formation des superviseurs au cours
duquel les recrues développeront des capacités en gestion.
Un million
et demi d’Haïtiens ont perdu leur maison dans le tremblement de terre de 2010.
Actuellement, environ 550 000 n’ont toujours pas retrouvé de logement
décent. La police canadienne, en partenariat avec la PNH, s’occupe actuellement
du maintien de l’ordre dans sept camps de déplacés. C’est une mission que les
Canadiens envisagent de transférer complètement à la PNH dans un proche avenir.
À cet égard, les relations entre les agents de police étrangers et la PNH
s’améliorent. L’avantage qu’ont les Canadiens sur les autres dans leurs
rapports avec la PNH, c’est qu’ils parlent français.
Un processus
de sélection est en cours pour choisir le prochain chef de la Police; il
devrait prendre fin en août 2012. La personne retenue doit être haïtienne.
M. Tardif a toutefois fait remarquer que depuis quelque temps, ce poste
devient de plus en plus politique, car plusieurs intervenants cherchent à peser
de tout leur poids sur le choix du candidat. M. Tardif a dit craindre que
le candidat le plus compétent soit éclipsé par quelqu’un qui bénéficie de
solides appuis politiques.
M. Tardif
a souligné que, dans l’ensemble, le respect et la confiance à l’égard de la PNH
augmentent; que de plus en plus de femmes s’engagent; que la sécurité s’est
stabilisée et qu’il y a de moins en moins de désordres civils. Il a conclu en
disant que lorsque la PNH sera prête à assurer la sécurité du pays, le Canada
lui remettra les rênes et se retirera graduellement.
Le
colonel Charpentier a présenté une vue d’ensemble de l’engagement
militaire canadien en Haïti, précisant que les forces armées de notre pays ont
déployé des officiers de haut rang qui occupent des postes stratégiques et se
concentrent sur la gestion des opérations, la planification et l’organisation.
Les trois principales fonctions qu’accomplissent les militaires de la MINUSTAH
consistent à travailler en collaboration avec la police et à l’aider; à
maintenir l’ordre et à faire respecter la loi aux bureaux de scrutin pendant la
dernière élection; et à participer à la reconstruction, c’est-à-dire à réparer
des routes, à retirer des rues et des fossés débris et détritus, et à se
préparer à faire face à une éventuelle nouvelle crise humanitaire.
Le
colonel Charpentier a abordé quelques-uns des défis des militaires qui,
pour la plupart, sont dus au fait que la force internationale est composée de
contingents de 54 pays. Il a constaté que, dans l’ensemble, la qualité des
troupes sous son commandement est inégale; certaines sont compétentes, tandis
que d’autres sont mal entraînées ou font preuve de moins de professionnalisme
dans l’exercice de leurs fonctions. La barrière de la langue est aussi un défi
majeur dans la communication puisqu’environ 45 % des troupes parlent un
peu français, et que l’anglais et leur deuxième ou leur troisième langue. Il a
indiqué que l’objectif global tourne autour de la création de liens et de la
coopération militaires avec les Sud-Américains. Il a aussi souligné les
réussites des militaires, qui sont notamment parvenus à faire reculer de façon
marquée le nombre de crimes violents dans les trois quartiers les plus dangereux
de Port-au-Prince.
Le
colonel Charpentier a également informé la délégation de la question de
l’occupation des vieilles bases militaires par d’anciens membres du personnel
militaire. Il a insisté sur le risque que ces groupes importent illégalement
des armes à feu en provenance du Sud. Il a indiqué que pour l’instant cela
demeure un problème relativement mineur que l’on peut régler rapidement si le
gouvernement haïtien demande clairement à la MINUSTAH d’intervenir.
On a évoqué,
de manière générale, la question de la criminalité. Comparé au reste des pays
d’Amérique du Sud, le taux d’homicides est bas en Haïti. On a aussi souligné
qu’en période d’instabilité gouvernementale, la criminalité a tendance à
augmenter, même si le taux de criminalité a reculé pour revenir à peu près aux
niveaux d’avant le tremblement de terre de 2010.
M. Serge Gagnon
a informé la délégation sur le rôle des agents correctionnels canadiens en
Haïti qui s’emploient essentiellement à observer et à conseiller leurs
homologues haïtiens, sans intervenir. Il a énoncé les défis que doivent
affronter les agents correctionnels. Les prisons sont surpeuplées; un problème
qui s’est aggravé au lendemain du tremblement de terre de 2010 puisque huit
prisons situées près de l’épicentre ont été littéralement rayées de la carte.
Environ
88 % de tous les prisonniers sont accusés de crime et gardés en détention
en attendant leur procès. M. Gagnon a indiqué que le système judiciaire,
quand il fonctionne, est très lent, de sorte qu’un individu soupçonné de crime
peut attendre des années en prison avant que des accusations ne soient
formellement déposées contre lui. Par ailleurs, un grand nombre de dossiers de
prisonniers ont été perdus dans le tremblement de terre de 2010, ce qui pose le
problème de garder quelqu’un en détention sans avoir de documents expliquant le
motif de son incarcération.
L’un des
rôles du Canada consiste à accélérer le processus judiciaire, en retrouvant les
dossiers des personnes en prison puis en portant les affaires devant les
tribunaux pour qu’au moins ces personnes soient condamnées ou libérées.
M. Gagnon a fait remarquer que contrairement au système policier, le
système judiciaire n’a pas connu d’améliorations.
Les autres
problèmes qu’il a observés dans les prisons haïtiennes sont le manque d’eau et
de nourriture et les limites de capacité des fosses septiques. Le système
judiciaire et la PNH se font concurrence, jusqu’à un certain point, car les
fonds dont ils disposent pour faire leurs budgets viennent du même ministère.
En guise de
conclusion, M. Gagnon a parlé aux membres de la délégation de la prison de
la Croix‑des‑Bouquets, construite grâce au financement du
gouvernement fédéral. Il a ajouté que les Canadiens, en consultation avec leurs
homologues Haïtiens, ont établi un programme complet pour les prisonniers de
cet établissement, depuis la planification jusqu’à la nutrition, en passant par
l’administration.
Pour finir,
Mme Allison Poff a parlé à la délégation du Groupe de travail sur la
stabilisation et la reconstruction (GTSR). Depuis 2006, la majorité des projets
du GTSR se concentrent sur la construction et la remise en état des
infrastructures, la fourniture d’équipement à la police haïtienne ainsi que les
services correctionnels et frontaliers. Le Canada consacre 15 millions de
dollars par année au GTSR et fait partie des principaux donateurs, avec les
États-Unis. Au nombre des projets figurent la reconstruction de 32
commissariats de police endommagés lors du séisme de 2010, la fourniture de
100 camions à la police et de cinq bateaux patrouilleurs de 40 pieds,
ainsi que l’organisation d’ateliers pour apprendre aux mécaniciens à réparer
l’équipement en cas de panne ou de bris.
Mme Poff
a aussi informé les membres de la délégation au sujet du programme de formation
destiné aux recrues de la PNH. Il n’y avait ni budget ni équipement (véhicules,
armes, carburant, etc.) pour la formation des policiers. Le programme dure de
six à neuf mois et est très exigeant sur le plan physique. Le nombre de
diplômés est évalué à environ 244 pour cette année. Mme Poff a
souligné la présence de femmes parmi les finissants. Avant la création de la
MINUSTAH, les femmes étaient pratiquement exclues de la PNH.
Mme Poff
a précisé que pour chaque projet, il y a des objectifs à atteindre. Le GTSR
travaille en collaboration avec des ONG, ces dernières s’occupant de la
réalisation physique d’un projet donné, alors que le GTSR s’assure du respect
des normes en vigueur.
VISITE DE
L’ASSEMBLÉE NATIONALE HAÏTIENNE NOUVELLEMENT CONSTRUITE
Le matin du 20 mars 2012,
la délégation canadienne a fait une visite guidée de l’Assemblée nationale
d’Haïti nouvellement construite. Situés dans l’ancien parc Christophe Colomb,
les nouveaux édifices ont été conçus conjointement par les Américains et les Haïtiens,
et leur construction confiée à des entrepreneurs dominicains. La construction
s’est terminée en novembre 2011, mais les édifices sont demeurés
inoccupés. Le guide représentant le gouvernement a expliqué que c’est parce que
certaines commodités n’ont pas encore été installées. Lors de la visite, des
menuisiers haïtiens étaient en train de monter, entre autres choses, une
tribune devant la Chambre du Sénat. On a ensuite appris que le Parlement
permanent sera reconstruit dans un lieu qui reste encore à déterminer, au
centre-ville, et que les édifices du parc Christophe Colomb serviront alors
d’archives et de centre de recherche législative et de formation.
RENCONTRE AVEC
LE PRÉSIDENT DU SÉNAT HAÏTIEN ET D’AUTRES SÉNATEURS
Le
20 mars 2012, après avoir visité l’Assemblée nationale haïtienne
nouvellement érigée, la délégation canadienne a rencontré
l’honorable Simon Dieuseul Desras, Président du Sénat haïtien,
dans les locaux temporaires de l’Assemblée nationale à Port-au-Prince. Au cours
de la réunion, de huit à 12 sénateurs haïtiens se sont joints au groupe, à
un moment ou à un autre, pour prendre part à la discussion.
M. Dieuseul Desras
a commencé par parler de l’Assemblée nationale nouvellement construite,
précisant que la date d’emménagement dans les nouveaux locaux était fixée au
29 mars 2012. Il a dit que les parlementaires haïtiens s’efforcent de
respecter la Constitution et la primauté du droit, et il a remercié le Canada
d’être un modèle de démocratie. Il a ajouté que toute aide future de ParlAmericas
destinée à renforcer les capacités des parlementaires haïtiens sera très
appréciée.
Le
sénateur Boisvenu a remercié à son tour le Président Dieuseul Desras,
au nom de la délégation, pour son chaleureux accueil. Il a indiqué, notamment,
que les parlementaires canadiens sont convaincus qu’Haïti est sur la voie du
progrès, mais que certains problèmes politiques et économiques doivent être
résolus.
Les
sénateurs haïtiens et les membres de la délégation canadienne ont abordé
plusieurs sujets. M. Dieuseul Desras a parlé du processus de
nomination du premier ministre alors en cours en Haïti. Même s’il a été
incapable de dire quand la candidature de celui qui est pressenti pour devenir
premier ministre (M. Laurent Lamothe) serait soit retenue soit
rejetée par l’Assemblée nationale, il a indiqué que les sénateurs avaient fait
tout en leur pouvoir pour empêcher l’ancien premier ministre Gary Conille
de démissionner.
On a
également abordé la question de l’instabilité politique en Haïti. Des
sénateurs, dont M. Dieusel Desras, ont fait remarquer que les
problèmes politiques entre l’Assemblée nationale et le pouvoir exécutif sont
complexes et profonds. M. Dieuseul Desras a déclaré qu’à son avis,
dans l’ensemble, le pouvoir exécutif a agi en dictateur, n’a pas respecté le
processus démocratique et n’a pas cherché à obtenir l’approbation et le soutien
de l’Assemblée nationale, comme le prévoit la Constitution, avant de prendre
certaines décisions.
Il considère
également, comme d’autres sénateurs, que les institutions haïtiennes souffrent
d’un déficit démocratique. Le pouvoir judiciaire, en particulier, manque
d’indépendance, parce que les juges du plus haut tribunal du pays (la Cour de
cassation) sont nommés directement par le pouvoir exécutif. De ce fait, le
Parlement peut adopter des lois, mais le pouvoir judiciaire ne pas les
appliquer. M. Dieuseul Desras a ajouté qu’en Haïti, l’équivalent du
vérificateur général est aussi nommé par le pouvoir exécutif. Les sénateurs
présents à la rencontre ont exprimé le souhait que le système de désignation
des juges soit indépendant et libre de toute intervention gouvernementale.
Plusieurs
sénateurs trouvent aussi que le pouvoir exécutif a davantage tendance à écouter
les recommandations de la MINUSTAH que celles du Parlement, des institutions
gouvernementales et des ministères du pays. À cet égard, on a souligné le fait
que plus l’État sera faible longtemps, plus la période de reconstruction sera
longue. Les sénateurs ont également évoqué les problèmes de sécurité
personnelle, notamment les menaces et autres dangers qu’ils doivent affronter
en raison des fonctions qu’ils occupent.
M. Dieuseul Desras
a demandé l’appui du Canada pour combler des besoins aux chapitres
suivants :
·vérification des comptes publics effectués par
la Cour supérieure des comptes (l’équivalent du Bureau du vérificateur
général);
·formation générale technique, notamment en ce
qui a trait au code du bâtiment;
·développement des infrastructures (sans donner
de détails).
·Il a aussi précisé que les parlementaires
prévoient construire un nouveau parlement d’ici 10 ans. Une fois les
travaux terminés, il aimerait que le Canada aide Haïti à créer un centre de
recherche dans les installations du parc Christophe Colomb.
Enfin, on a
évoqué le retour de l’ancien président Jean-Claude Duvalier en Haïti. Les
sénateurs ont dit être très déçus de l’impossibilité de traduire l’ancien
président devant la justice et à l’idée qu’il puisse bénéficier d’un pardon.
RENCONTRE AVEC
LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
Le
20 mars 2012, après s’être réunie avec le Président du Sénat haïtien,
la délégation canadienne a rencontré le Président de la Chambre des députés,
l’honorable Louis-Jeune Levaillant, à son bureau situé dans les bâtiments
temporaires de l’Assemblée nationale à Port-au-Prince. Le sénateur Boisvenu
a commencé par remercier M. Levaillant, au nom des ses collègues, puis a
indiqué que les membres de la délégation avaient pour objectif de mieux
comprendre l’évolution de la situation économique, politique et sociale en
Haïti et d’évaluer l’efficacité des investissements canadiens.
En guise de
réponse, M. Levaillant a souligné l’importance de tels échanges et a
déclaré que c’était la première fois, depuis qu’il a accédé à la présidence de
la Chambre des députés, qu’il avait l’occasion de rencontrer une délégation de
parlementaires canadiens. Il a fait remarquer qu’à la dernière élection, il y a
eu beaucoup de députés élus pour la première fois et que ces gens ont besoin de
soutien et de formation. Au sujet de la situation politique en Haïti, il considère
que la coopération entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée nationale est
nécessaire, et que les problèmes politiques retardent inutilement la
reconstruction et le développement du pays. Il a ajouté qu’à son avis, étant
donné qu’il n’y a aucun représentant du parti du président Michel Martelly
élu à la Chambre des députés, le président doit négocier avec le Parlement
plutôt que l’ignorer. M. Levaillant a dit que le président Martelly
ne peut diriger seul, il doit respecter les représentants élus et les
institutions parlementaires.
M. Levaillant
a répondu à une question posée par Mme Murray en disant que
l’aide internationale en général et l’aide canadienne en particulier ont été
bien ciblées et ont donné de bons résultats, surtout au chapitre de la sécurité
et des services policiers. M. Levaillant a toutefois fait remarquer qu’à
son avis, on n’a pas adopté d’approche systématique à un haut niveau dans les
efforts de reconstruction. À ce propos, il a ajouté que c’est aux Haïtiens que
revient la tâche de concevoir un plan qui leur est propre, du début à la fin,
et que lorsqu’ils y seront parvenus, ils pourront solliciter l’assistance de la
communauté internationale pour le mettre en œuvre. Il a indiqué que selon lui,
le Canada a déjà beaucoup aidé Haïti.
Répondant à
des questions de Mme Ayala, M. Levaillant a évoqué le
régime de gestion des conflits d’intérêts en Haïti, soulignant que ce régime
s’applique autant aux fonctionnaires qu’aux parlementaires. Il a aussi parlé du
retour de l’ancien président Jean-Claude Duvalier, faisant remarquer que
les députés suivent l’évolution de la situation de près; qu’ils ne sont pas
tous contents de ce qui se passe; et qu’ils ont exprimé le souhait que la Cour
de cassation (équivalent de la Cour suprême) se penche sur cette affaire.
M. Levaillant a ensuite abordé le dossier des titres fonciers (cadastre)
en Haïti, précisant qu’il est urgent de trouver une solution à ce problème qui
nuit aux investissements étrangers. C’est néanmoins un problème qui remonte à
l’indépendance d’Haïti, en 1804. Selon M. Levaillant, le pouvoir exécutif
doit proposer une mesure législative pour corriger la situation, car ni les
sénateurs ni les députés ne possèdent l’expertise et les ressources nécessaires
présenter un projet de loi aussi complexe.
Le
sénateur Boisvenu a demandé à M. Levaillant ce qu’il pensait de la
fuite des cerveaux haïtiens vers l’étranger. M. Levaillant a répondu qu’à
son avis, le retour de professeurs d’université expatriés à la retraite serait
très bénéfique pour le pays. Il a ajouté qu’il existe en Haïti une rivalité
entre les organisations internationales et l’État pour l’embauche des Haïtiens
les plus prometteurs et les plus brillants, car les organisations
internationales offrent de meilleurs salaires.
La
sénatrice Hervieux-Payette a évoqué avec M. Levaillant la possibilité
que des professeurs d’université canadiens se portent volontaires pour aller
enseigner en Haïti. L’entente pourrait ressembler à celle visant le Service
universitaire canadien outre-mer (CUSO). La question à régler, selon elle,
n’est pas tant de savoir comment on va payer ces professeurs, mais plutôt de
leur trouver des logements décents.
RENCONTRE AVEC
LES PRÉSIDENTS DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES
Le
20 mars 2012, après la visite sur le terrain et leurs réunions du
matin, les membres de la délégation canadienne ont rencontré les présidents des
commissions parlementaires dans les édifices qui abritent temporairement
l’Assemblée nationale, à Port-au-Prince.
Avant le
début de la réunion, la délégation a rencontré brièvement et de manière
impromptue Mme Florence Élie, protectrice du citoyen, de
l’Office de la protection du citoyen (OPC). Mme Élie a mis les
membres de la délégation au courant du travail qu’accomplit son bureau dans la
protection des droits fondamentaux des Haïtiens et dans la formation des
représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire au sujet de leurs
obligations en la matière, conformément à la Constitution. Elle a indiqué que
l’Assemblée nationale est sur le point d’adopter une loi qui prévoit
l’indépendance juridique de l’OPC.
La
délégation a rencontré les présidents de commission parlementaire
suivants : M. Sadrac Dieudonné, Commission de l’éthique et de
l’anticorruption (Chambre des députés); M. A. Rodon Bien‑Aimé,
Commission des finances, du commerce, de l’économie et du budget (Chambre des
députés); M. Romial Smith, Commission de l’intérieur et des
collectivités territoriales, de la décentralisation et du développement
frontalier (Chambre des députés); et M. Jocelerme Privert, Commission des
finances, de l’économie, du commerce et de l’industrie (Sénat). Le
sénateur Boisvenu a commencé par remercier les présidents et leur a
ensuite demandé s’ils pouvaient donner à la délégation un bref aperçu de leur
travail.
La
discussion qui a suivi a couvert plusieurs sujets. On a fait remarquer que le
débat en vue de l’adoption du budget national d’Haïti est suspendu, depuis la
démission du premier ministre Conille, et que les travaux sont maintenant dans
une impasse.
Les
présidents des commissions ont expliqué aux membres de la délégation les défis
budgétaires que doivent relever les parlementaires haïtiens. Chaque bureau a
obtenu du financement pour deux conseillers en politique (environ
1 000 $ par conseiller, par mois) chargés de faire des travaux de
recherche et de fournir des avis spécialisés. Chaque parlementaire a également
droit à un chauffeur et à un vigile. Les présidents ont indiqué que cette aide
est insuffisante. Ils veulent un groupe d’experts permanent, payé à même le budget
de l’Assemblée nationale et dont les membres seraient d’origine haïtienne, non
partisans, impartiaux et, au fil du temps et des formations qu’ils recevraient,
développeraient une mémoire institutionnelle et deviendraient des spécialistes
dans leurs domaines respectifs. On a dit qu’en Haïti, il n’y a pas d’équivalent
de la Bibliothèque du Parlement, mais on a formulé l’espoir que le centre de
recherche du parc Christophe Colomb joue ce rôle tôt ou tard. Les présidents
ont aussi mentionné qu’un nombre important d’Haïtiens parmi les mieux éduqués
choisissent de quitter le pays à la recherche d’un avenir meilleur. Le
sénateur Privert a ajouté que les citoyens doivent améliorer les
conditions d’investissement en Haïti, ce qui permettra de créer de l’emploi et donnera
aux Haïtiens une raison de rester.
On a évoqué
le manque d’investissements étrangers directs. À ce propos, le
sénateur Privert a rappelé que pendant 40 ans, le gouvernement
haïtien a offert des incitatifs et des garanties aux investisseurs étrangers.
Selon lui, l’instabilité politique est le principal obstacle au développement
du pays. Il faut plus de transparence et de surveillance parlementaire de
l’exécutif. Les donateurs internationaux doivent quant à eux faire davantage
confiance aux Haïtiens, cesser de passer par des ONG internationales pour
injecter des fonds en Haïti et investir directement dans des initiatives
locales ou gouvernementales.
On a discuté
de la capacité d’expropriation du gouvernement. Selon la Constitution, si
l’État le veut, il peut exproprier des terres pour mettre en œuvre des projets
qui profiteront au pays. Ce faisant, l’État doit dédommager les propriétaires
fonciers affectés. Si, pour une raison ou une autre, le projet n’aboutit pas,
le propriétaire dépossédé a 10 ans pour réclamer son terrain. On a souligné
qu’en raison de ce pouvoir d’expropriation, la désorganisation du système
cadastral ne devrait pas être vue comme un obstacle par les investisseurs
étrangers.
Les
présidents ont aussi abordé la question de la centralisation et de la
décentralisation ainsi que des questions de compétences entre les différents
ordres de gouvernement en Haïti. Le sénateur Privert a expliqué que les
services gouvernementaux font cruellement défaut dans la plupart des régions du
pays. Si l’État est absent, la prestation de services incombe de facto et
de façon tacite aux autres ordres de gouvernement. Pour illustrer cette
situation, on a donné comme exemple l’absence d’ententes, entre les ordres de
gouvernement, concernant l’approvisionnement en eau et en électricité et
l’entretien des routes.
On a aussi
parlé de la présence des femmes à l’Assemblée nationale, puisque la délégation
canadienne a remarqué qu’il n’y a que quatre femmes parmi les 99 députés et
qu’une femme parmi les 30 sénateurs. Les présidents ont indiqué que ces
femmes jouent un rôle important dans la société haïtienne et que l’Assemblée
envisage d’augmenter leur participation. On a aussi dit qu’une commission
parlementaire examine la possibilité qu’on accorde des subventions aux femmes
qui veulent faire de la politique pour favoriser leur participation aux
élections et accroître leur représentation à l’Assemblée.
Les
présidents ont expliqué pourquoi ils n’ont pas encore emménagé dans les
édifices de l’Assemblée nationale nouvellement construite au parc
Christophe Colomb. Ils considèrent que pendant la phase de conception, on
n’a pas suffisamment consulté les parlementaires haïtiens pour connaître leurs
besoins, ce qui a causé plusieurs problèmes et donné lieu à des travaux non conformes
qu’il faut corriger pour que le Parlement puisse siéger dans ses nouveaux
locaux.
On a
également abordé la question du tourisme et fait remarquer que durant les
années 1970, Haïti était la deuxième destination de l’hémisphère la plus
populaire après Cuba auprès des touristes. Mais dans les années 1980,
plusieurs problèmes ont découragé les touristes d’aller en Haïti, comme
l’instabilité économique, les enlèvements et la rumeur infondée, propagée par
le gouvernement américain, selon laquelle il y avait une forte prévalence du
sida au sein de la population.
En guise de
conclusion, les présidents ont dit craindre que le président Martelly ne
travaille pas avec le Parlement, et que la division qui règne entre les
pouvoirs exécutif et législatif ne s’accentue. Selon eux, la principale raison
de cette discorde tient au fait que le président Martelly refuse de reconnaître
les pouvoirs et rôles conférés à chacun par la Constitution.
RENCONTRE AVEC
LES PRÉSIDENTS ET MEMBRES DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES
Le 21 mars 2012,
la délégation canadienne a rencontré d’autres présidents et membres de
commissions parlementaires dans les édifices temporaires de l’Assemblée
nationale à Port-au-Prince. Les personnes présentes à cette rencontre
étaient : M. Abel Descollines, membre de la Commission des
affaires étrangères, des cultes et des Haïtiens vivant à l’étranger;
M. Bertrand Sinal, Commission de la santé publique et de la
population; M. Juslaire Dorgil, Commission de la planification
externe et de la coopération; M. Bilgot Colas, Commission des
affaires sociales et des droits des femmes; M. Kenston Jean-Baptiste,
Commission spéciale des droits de la personne; M. Frédely Georges,
Commission spéciale des droits de la personne; M. Paul Olivard Richard,
Commission de la justice et de la sécurité; et le
sénateur Francisco De la Cruz.
M. Hawn
a commencé par remercier, au nom de ses collègues canadiens, les députés et les
sénateurs haïtiens d’aider la délégation à mieux saisir les grands problèmes
d’Haïti. Les sénateurs et les députés se sont présentés à tour de rôle en
expliquant brièvement les travaux que mènent actuellement leurs commissions
respectives. La discussion qui a suivi a couvert plusieurs sujets.
La question
qui revenait souvent dans les interventions des parlementaires haïtiens
concerne la nécessité de corriger les disparités grandissantes dans la
concentration de l’aide et l’offre de services entre les zones rurales et
urbaines. On a fait remarquer que l’aide se limite essentiellement à Port-au-Prince.
Pour profiter de ce flux d’aide internationale, un grand nombre d’Haïtiens ont
abandonné les terres agricoles productives pour aller vivre à la capitale, ce
qui a fait de Port-au-Prince une ville surpeuplée et a provoqué un déclin de la
production agricole dans les zones rurales. Les parlementaires haïtiens ont dit
qu’il faut étendre la portée de l’aide pour mieux servir les régions rurales.
Il faut investir pour moderniser la production agricole, mieux utiliser les
sols et créer des emplois.
L’éducation
souffre des mêmes disparités entre zones rurales et urbaines. On a expliqué que
lorsqu’ils le peuvent, les Haïtiens envoient leurs enfants étudier à
Port-au-Prince, et certains les envoient même à l’étranger. En Haïti, la
plupart des écoles sont privées et manquent généralement de moyens matériels et
de professeurs. On a souligné le fait qu’il n’existe qu’un seul établissement
de formation des enseignants dans tout le pays. On a aussi négligé les
garderies éducatives, de sorte que beaucoup d’enfants en âge scolaire restent à
la maison au lieu d’aller à l’école. Les parlementaires haïtiens ont également
décrié l’absence de vie universitaire en Haïti, faisant remarquer que les
différentes universités ne se sont pas dotées de normes académiques.
On a discuté
du statut de la femme en Haïti et au sein du Parlement. Les parlementaires
haïtiens ont indiqué que des discussions sont en cours pour élaborer des
programmes ou proposer des lois destinés à favoriser l’intégration des femmes.
Ils ont insisté sur l’importance du problème et sur la nécessité de commencer
par revoir la structure des familles haïtiennes et le rôle de leurs membres.
Les délégués canadiens ont dit qu’il faudrait adopter des règles ou des lois
strictes pour créer des obligations, comme celle consistant à avoir un
Parlement composé d’au moins 30 % de femmes.
La
proposition de la délégation canadienne d’envoyer des professeurs canadiens à
la retraite enseigner en Haïti a aussi été examinée. La
sénatrice Hervieux-Payette a proposé de mettre les parlementaires haïtiens
en contact avec les personnes susceptibles de lancer une telle initiative.
On a aussi
évoqué la création de débouchés pour les Haïtiens et parlé de plusieurs
secteurs de l’économie à développer, comme ceux du tourisme et des ressources
naturelles (notamment des mines), et d’encourager les petites entreprises. Les
parlementaires haïtiens ont indiqué que selon eux, la clé réside dans la
stabilité politique. Les parlementaires haïtiens ont demandé la coopération et
le soutien du gouvernement canadien pour la création d’un programme d’éducation
civique. La délégation en a pris bonne note et a indiqué qu’elle verrait ce
qu’il est possible de faire.
En guise de
conclusion, M. Hawn a remercié les Haïtiens d’avoir éclairé les membres de
la délégation canadienne au sujet des défis que doit relever leur pays dans ses
efforts pour se moderniser et réparer les dommages causés par le tremblement de
terre de 2010, ajoutant que ce genre de rencontre contribue à renforcer des
liens déjà étroits.
RÉUNION AVEC DES
REPRÉSENTANTS DE LA BANQUE INTERAMÉRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
Au terme de
leur rencontre avec des sénateurs et des députés haïtiens, le
21 mars 2012, les membres de la délégation canadienne se sont réunis
avec des représentants de la Banque interaméricaine de développement (BID) à
Port-au-Prince. La rencontre s’est déroulée en deux temps : elle a
commencé par une discussion avec M. Lumas Kendrick Jr,
spécialiste régional en énergie – Caraïbes; et s’est poursuivie avec
M. Roger Roome, premier secrétaire et chef adjoint (Développement),
de l’ambassade du Canada.
M. Kendrick
a expliqué brièvement à la délégation les défis associés à la modernisation du
système de production et de distribution d’électricité en Haïti. Il a précisé
que c’est Électricité d’Haïti (EDH), un monopole d’État, qui alimente
l’ensemble du pays en électricité; et que le système est archaïque, puisque
95 % de l’électricité est produite à partir de combustibles fossiles
(pétrole). De ce fait, les prix de l’électricité en Haïti sont arrimés à ceux du
pétrole, qui continuent d’augmenter. Selon M. Kendrick, le coût de
l’approvisionnement en électricité du pays tourne autour de 10 millions de
dollars par mois, ce qui représente une part importante du budget de l’État.
La
distribution de l’électricité dans ce pays est extrêmement déficiente et
inefficace. À cause des transformateurs dans chaque maison, il y a un
gaspillage important d’énergie. EDH est aussi dans l’incapacité de relever
précisément la consommation d’électricité et de facturer en conséquence. En attendant,
les citoyens ne paient pas la note. Par ailleurs, la distance entre les relais
de phase est trop grande, ce qui fait qu’en tout est pour tout, environ
70 % de l’énergie produite se perd. À cela s’ajoute le vol d’électricité,
qui est aussi un problème fréquent.
Le rôle de
la BID, au chapitre de la production et de la distribution d’électricité,
consiste entre autres choses : à rétablir les circuits à Port-au-Prince; à
veiller à ce que les relevés de consommation et la facturation soient faits
adéquatement; à offrir une formation technique aux employés d’EDH; à s’occuper
de certains aspects techniques de la distribution d’électricité (p. ex.
s’assurer que les lignes peuvent supporter la charge); et à favoriser
l’accroissement de l’efficacité du système dans son ensemble. M. Kendrick
a précisé que c’est un processus de longue haleine et que la BID envisage,
comme prochaine étape, des sources d’énergie de remplacement.
Dans un
deuxième temps, la délégation a rencontré M. Eduardo Almeida,
représentant de la BID en Haïti, dans l’enceinte de la BID à Port-au-Prince.
M. Almeida a parlé des activités de la BID en Haïti, faisant remarquer que
la Banque est le plus grand donateur multilatéral dans ce pays, avec plus de
1,2 milliard de dollars de financement. Il a ajouté qu’entre 2010 et 2020,
la BID injectera 250 millions de dollars par an dans des projets et des
programmes principalement axés sur l’énergie, les transports, l’éducation,
l’eau et les services d’assainissement, l’agriculture et le développement du
secteur privé en Haïti.
Les
subventions attribuées viseront quatre régions que la BID a prévu d’aider en
raison de ses besoins en développement : le nord, le sud, l’Artibonite et
l’ouest. L’objectif de la création de telles régions est de décentraliser l’activité
économique et de faire émerger des pôles de développement ailleurs qu’à Port-au-Prince.
M. Almeida a fait état des projets que réalise actuellement la BID dans le
nord du pays dans les secteurs de l’agriculture, du tourisme et de la
fabrication. La BID s’est fixé comme objectif la création de
40 000 emplois dans le tourisme et d’autant dans un parc industriel
en construction. La BID subventionne également des projets de développement
d’industries agricoles.
On a discuté
de la structure de gouvernance de la BID et des liens de la Banque avec le
système gouvernemental haïtien. À ce propos, il a été dit que ni la BID ni la
Banque mondiale n’ont de relations ou de communications avec le Parlement
haïtien. M. Almeida a indiqué que le ministre haïtien de l’Économie et des
Finances (qui est membre du cabinet et donc de l’exécutif du gouvernement) est
gouverneur de la BID, et que tous les projets de la Banque et leur approbation,
y compris, le cas échéant, les expropriations, sont assujettis aux mêmes exigences
et directives gouvernementales que celles qui s’appliquent à n’importe quel
autre projet.
On a
également abordé la question du reboisement et de la foresterie durable.
M. Almeida a indiqué qu’à son avis, les problèmes de déforestation que
connaît Haïti sont le résultat d’un échec institutionnel du gouvernement. À
cause du manque de clarté à l’égard des titres de propriété foncière, certaines
terres ont été déboisées sans aucune conséquence juridique. M. Almeida a
fait valoir que les solutions de reboisement doivent s’inscrire dans un
contexte plus large de recherche de sources d’énergie et de revenus autres que
le charbon de bois pour les Haïtiens. Il a fait remarquer que les risques
encourus (absence de cadre juridique; faiblesse des institutions, problèmes
liés à la propriété foncière), combinés au temps que cela prend avant d’avoir
un retour sur investissement, découragent souvent les investisseurs de planter
des arbres en Haïti. Les membres de la délégation canadienne, et plus
particulièrement Mme Murray, ont insisté sur la nécessité de
trouver des gens intéressés à investir dans l’environnement pour obtenir des
crédits de carbone, et les inciter à investir dans le reboisement d’Haïti; de
créer des modèles de réussite qui soient des exemples à suivre; de miser sur
les connaissances existantes pour trouver des solutions concrètes; et de
permettre aux collectivités locales de participer à la sauvegarde des projets
de reboisement pour qu’elles deviennent responsables des forêts.
On a aussi
évoqué le projet de construction d’une route entre les villes de Cayes et de
Jérémie, un projet financé par le Canada en vertu d’une « aide non
liée ». Le gouvernement haïtien a lancé un appel d’offres concurrentiel
pour la construction de cette route. C’est une compagnie brésilienne qui a
remporté le contrat en présentant une soumission d’environ 80 millions de
dollars, ce qui était en dessous des propositions de toutes les entreprises
canadiennes. Certains avaient jugé l’offre exagérément basse, et l’avenir leur
a donné raison puisque le prix facturé pour la construction de cette route par
les Brésiliens a explosé depuis et se situe maintenant entre 120 et
150 millions de dollars. Cela a donné lieu à un débat sur la pertinence
d’accorder une aide non liée à d’autres pays et sur les problèmes qui s’y
rattachent.
On a aussi
parlé de la possibilité d’instaurer des péages pour couvrir les frais
d’entretien des routes. On a également admis que la construction de routes
menant à des régions rurales du pays auparavant inaccessibles pouvait être un
facteur d’accélération de la déforestation. D’autres projets d’investissement
ont fait l’objet de discussions, notamment l’intention de la BID d’investir
200 millions de dollars à court terme dans les infrastructures, et 50 millions
de dollars par année dans l’éducation (construction d’écoles, formation des
enseignants et facilitation d’accès aux écoles).
M. Almeida
a discuté aussi de la production agricole insuffisante en Haïti, précisant que
seulement environ 20 % du riz consommé est produit dans le pays. Les
difficultés auxquelles se heurte le secteur de l’agriculture haïtien sont
notamment la détérioration des sols, le manque d’irrigation et le manque ou
l’absence d’infrastructures, surtout de routes. M. Almeida a indiqué que
les risques élevés dans le secteur privé constituent un frein puissant à
l’investissement et, par conséquent, à la création d’emplois en Haïti. Il a
aussi fait remarquer que si on prend un graphique pour illustrer l’évolution du
PIB par habitant au cours des 40 dernières années, on voit que les creux
coïncident avec les périodes de crises politiques.
Pour finir,
au nom de la délégation, M. Hawn a remercié M. Almeida pour ses
réflexions. M. Hawn a ajouté que le Canada appuie plusieurs initiatives de
la BID et qu’il espère que l’argent qu’il investit donnera des résultats
concrets.
RENCONTRE AVEC
DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES LOCALES À VOCATION ÉDUCATIVE
À la suite
de leur rencontre avec les représentants de la Banque interaméricaine de
développement, les membres de la délégation ont rencontré des agents
d’éducation locaux à l’emploi d’organisations non gouvernementales (ONG)
locales, dans la soirée du 21 mars 2012, à la salle Acajou de l’hôtel
Montana à Port-au-Prince. Les personnes présentes à cette rencontre
étaient : M. Edouard Paultre, Conseil national des acteurs non-étatiques
(CONAN); Mme Suzy Castor, Centre de formation et de recherche
économique et sociale pour le développement (CRESFED); Mme Evelyne
Bazin Verdier, Consortium des Organisations du Secteur Privé de l’Education
(COSPE); Mme Florence Délimon Théramène, Fondation haïtienne de
l’enseignement privé (FOHNEP).
Pour amorcer
la rencontre, les agents d’éducation ont présenté à tour de rôle leurs avis sur
le versement de l’aide humanitaire d’urgence dans la période immédiatement
après le tremblement de terre de 2010. De manière générale, ils estimaient que
l’intervention d’urgence avait été couronnée de succès et ils étaient
reconnaissants envers la communauté internationale. La distribution des
médicaments, de l’eau et de la nourriture s’est faite sans délai et de manière
efficace.
Toutefois,
les agents d’éducation ont signalé que l’intervention d’urgence avait eu
certaines répercussions sur l’infrastructure et les ressources locales –
par exemple, un hôpital avait été contraint de fermer peu après le départ des
équipes d’urgence internationales parce que l’intervention d’urgence avait
épuisé tout son stock de fournitures médicales.
Selon les
agents d’éducation, il y avait longtemps qu’une réforme majeure du système
d’éducation s’imposait à Haïti. Dans cette optique, ils ont souligné à maintes
reprises que, à la suite du tremblement de terre de 2010, on est passé à côté
d’une occasion. Il aurait été possible de reconstruire le système et ses programmes
en reprenant à zéro, de façon à se doter d’un système supérieur à l’arrangement
dysfonctionnel qui existe présentement. À leur avis, l’État a dépensé de
manière inefficace les fonds reçus pour l’éducation. Ils estimaient que l’État
n’avait pas encore communiqué aux agents d’éducation une orientation et des
politiques claires s’inscrivant dans une vision globale à long terme de
l’éducation à Haïti.
De plus, ils
ont indiqué que la consultation des agents d’éducation durant les processus
décisionnels était insuffisante. Ils estimaient que l’État n’avait pas respecté
les ententes conclues avec les agents d’éducation; à leur avis, l’État avait
ignoré les efforts des agents d’éducation en vue de s’associer à l’État pour
réparer le système d’éducation. Ils ont également signalé le cadre juridique
mis en place pour le secteur de l’éducation en 2007. Il s’agit d’une loi qui
fixe les conditions se rapportant aux dons de la Banque mondiale et qui établit
un fonds dans la banque centrale pour recueillir les dons reçus dans le cadre
de l’aide internationale destinée à l’éducation. Les agents d’éducation ont
affirmé que la loi prévoit des consultations avec les regroupements
d’enseignants concernant l’affectation des fonds, mais que ces consultations
avaient été très peu fréquentes; de plus, quand il y a eu des consultations, il
est rare que les avis des enseignants aient été reflétés dans les décisions et
les résultats.
Dans
l’ensemble, les agents d’éducation ont indiqué qu’ils souhaitaient que l’État
dirige la réforme de l’éducation à Haïti et que la persistance de l’inaction de
l’État entraînerait la persistance des échecs et des lacunes qui minent
présentement le système.
RENCONTRE AVEC
LES REPRÉSENTANTS DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICANS
Le
22 mars 2012, la délégation canadienne a rencontré les représentants de
l’Organisation des États américains (OEA) au complexe de l’OEA à
Port-au-Prince. Mme Catherine Pognat, coordonnatrice principale
des programmes, et M. Frédéric Bolduc, représentant spécial de l’OEA en
Haïti, ont pris part à cette rencontre.
Mme Pognat
a présenté à la délégation un bref exposé de l’OEA, signalant qu’il s’agissait
de la plus ancienne organisation régionale au monde et que le Canada participe
activement aux travaux des divers organismes de l’OEA depuis son adhésion à
titre de membre à part entière en 1990. Mme Pognat a ensuite
présenté un aperçu des programmes que l’OEA menait à Haïti, notamment :
faciliter la réforme du régime d’enregistrement des titres fonciers (cadastre)
pour, entre autres, assurer les investisseurs internationaux qu’ils sont les
propriétaires des terres qu’ils ont achetées; contribuer à soutenir le système
électoral; faciliter l’intégration sociale des personnes handicapées; appuyer
un programme d’orchestres de jeunes après les heures de cours dans les
quartiers à criminalité élevée; soutenir les efforts des autorités
policières en vue d’enregistrer et de contrôler les armes à feu; s’associer
avec les autorités frontalières haïtiennes en vue d’assurer la sécurité des
aéroports et des ports; et s’associer avec la Banque internationale de
développement (BID) en vue d’aider à la mise au point de solutions énergétiques
alternatives pour le pays.
L’OEA a
également pris des mesures pour appuyer le système d’éducation à Haïti, notamment :
des bourses (totalisant 100 000 dollars) pour encourager les jeunes
universitaires haïtiens à poursuivre leurs études à Haïti; un programme
d’enseignement à distance menant à la maîtrise, en partenariat avec
l’Université Laval; la mise en œuvre du programme Allo Prof! (un
programme mis au point au Québec qui offre des outils d’apprentissage en ligne
gratuits aux enseignants et aux élèves); un centre d’information qui permettait
aux élèves haïtiens d’avoir accès à des ordinateurs et à l’Internet; et, de
concert avec l’Agence canadienne de développement international (ACDI), un
programme de réparation d’ordinateurs, car il s’agissait d’une compétence très
recherchée à Haïti.
Ensuite,
M. Bolduc a abordé la question de la modernisation de l’enregistrement
civil à Haïti. Il a expliqué qu’une réforme de l’enregistrement civil était
vraiment nécessaire. Une des difficultés est l’absence d’une autorité centrale
chargée de recueillir l’information sur les naissances et les décès dans le
pays. L’enregistrement (le cas échéant) des naissances et des décès se
fait uniquement sur papier. De plus, seulement environ 30 % des enfants
haïtiens naissent dans des hôpitaux. L’Office national d’identification (ONI) a
été créé en 2005 et compte 141 bureaux à l’échelle du pays. Avant
l’élection de 2010, l’ONI a enregistré 3,5 millions d’électeurs et leur a
remis une carte d’identité nationale. Présentement, 5 millions d’Haïtiens,
soit 85 % de la population adulte, sont enregistrés dans une base de
données informatisée et détiennent une carte d’identité.
D’autres
initiatives visant à enregistrer les mineurs (les personnes ayant moins de
18 ans) étaient en cours. Cela inclut la numérisation de millions de
documents historiques provenant des Archives nationales. Cela inclut également
une campagne de sensibilisation pour encourager les parents à enregistrer leurs
enfants. Toutefois, pour les Haïtiens, le processus demeurait lent et coûteux.
De plus, l’OEA a rencontré des difficultés – par exemple, des imposteurs
qui se faisaient passer pour des agents d’enregistrement afin de voler les
frais d’enregistrement.
M. Bolduc
a fait part d’un autre problème, lié à l’entente conclue entre Haïti et une
entreprise privée vénézuélienne (Smartmatic) pour créer un registre de l’état
civil à Haïti. Selon les médias, Smartmatic s’était engagée à achever le
registre dans un délai d’un an ou d’un an et demi. L’OEA avait demandé des
éclaircissements au sujet de cette initiative, mais n’avait pas eu de réponse.
M. Bolduc a indiqué que l’OEA était disposée à collaborer avec
Smartmatic, mais a aussi affirmé avoir des doutes quant à la
neutralité d’une entreprise privée et a affirmé craindre que Smartmatic
fasse de nouveau le travail déjà accompli par l’OEA.
Enfin, les
représentants de l’OEA ont demandé aux membres de la délégation canadienne de
leur faire part de leurs impressions d’Haïti, plus précisément des problèmes et
défis auxquels le pays fait face. M. Hawn a mis fin à la rencontre en
remerciant les représentants de l’OEA au nom de la délégation.
VISITE DU PROJET
DE CANTINE SCOLAIRE DE L’ACDI
Le
22 mars 2012, après la rencontre au complexe de l’OEA, la délégation
canadienne a visité l’École de la République nationale du Guatemala à
Pétionville, Port-au-Prince. Mme Micheline Pierre Augustin, la
directrice de l’école, a décrit le fonctionnement de l’école à la délégation.
Le matin, l’école est fréquentée par 714 élèves de la première à la
sixième année, toutes des filles, réparties en 13 salles de classe.
L’après-midi, l’école est fréquentée par des élèves de la sixième à la douzième
année, tandis que le soir, elle est fréquentée par des adultes. La directrice a
noté que l’école est administrée par un comité de gestion qui se réunit tous
les trois mois. Le taux de décrochage à l’école, comme dans le reste des
écoles haïtiennes, est très élevé : seulement environ 20 % des
enfants terminent leur sixième année. Dans la cour de l’école, au moment de la
visite de la délégation, il y avait environ 200 familles déplacées, vivant
dans des logements de fortune. Mme Augustin a indiqué que
l’école s’adaptait assez bien à cette situation, mais il s’agissait clairement
d’un problème qui, espérait-elle, serait bientôt réglé.
Le programme
de cantine scolaire, financé par l’ACDI, offre un repas chaud chaque jour à
chaque élève. Les repas sont préparés par des bénévoles, qui se mettent au
travail dès six heures le matin. Il s’agit de mets locaux qui incluent
habituellement du riz, des protéines et des légumineuses à grain; les parents
des élèves fournissent des épices et des légumes de saison. Le charbon
demeurait la source de carburant la plus abordable, mais l’école envisageait
d’acquérir des poêles économes en combustible. Le programme de cantine scolaire
était en place depuis trois ans et offrait un repas par jour à 1,1 million
d’enfants à l’échelle du pays.
RENCONTRE AVEC
LES REPRÉSENTANTS DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
(PROJET AU CHAMP DE MARS)
Le
22 mars 2012, après leur visite de l’école primaire à Pétionville, les
membres de la délégation ont rencontré des représentants de l’ACDI pour un
déjeuner de travail au restaurant Quarter latin, à la place Boyer
(Port-au-Prince). Les personnes suivantes ont participé à cette
rencontre : M. Dominique Rossetti, chef de la Coopération (ACDI);
M. Harry Adam, directeur de la construction de logements et de bâtiments
publics (Unité); M. Clément Bélizert, gestionnaire du projet 16/6 et
du projet de décongestion du Champ de Mars (Unité); et M. Emmett
Fitzgerald, projet 16/6 et projet de décongestion du Champ de Mars
(Unité).
Avant le
déjeuner de travail, la délégation a visité la place Boyer, un parc public de
Pétionville, à Port-au-Prince, de l’autre côté de la rue du restaurant.
M. Fitzgerald et M. Rossetti ont expliqué que, après le tremblement
de terre, les gens qui avaient perdu leurs logements tendaient à se rassembler
et à établir des logements temporaires dans des lieux publics, généralement des
parcs et des cours d’école. Environ 750 familles de déplacés (plus de
3 000 personnes) s’étaient établies temporairement dans la place
Boyer. L’ACDI, avec l’appui d’autres partenaires, a élaboré un programme pour
encourager les déplacés à quitter le parc : le programme s’engageait à
subventionner le loyer de chaque famille pendant un an, pourvu que la famille
trouve son propre logement au prix courant.
Durant le
déjeuner de travail, une gamme de sujets ont été abordés. M. Rossetti a
signalé que, au premier et au deuxième anniversaire du tremblement de terre de
2010, la presse avait mis l’accent sur ce qu’elle percevait comme la lenteur de
la reconstruction. Toutefois, il a noté que les difficultés avaient été
énormes. D’abord, il avait fallu dégager les décombres qui jonchaient les rues.
À son avis, la première moitié de ces efforts avait été cruciale, car les véhicules
ne pouvaient pas se déplacer dans la ville. On avait fait appel à des ouvriers
à revenus modestes pour effectuer ce travail et une partie importante des
débris ont été convertis et recyclés – par exemple, des matériaux servent
maintenant de tuiles.
Il a
également précisé que le tremblement de terre avait aggravé des problèmes qui
existaient déjà à Port-au-Prince. Par exemple, avant le tremblement de terre,
il y avait environ un million de sans-abris. De plus, le surpeuplement était un
problème à Port-au-Prince. Le quartier de Pétionville a été donné en
exemple : il est passé d’environ 15 000 habitants à environ
300 000 habitants depuis 20 ans.
Un autre
projet majeur entrepris par l’ACDI à la suite du tremblement de terre de 2010,
en collaboration avec des partenaires, consistait à évaluer la stabilité
structurelle de chaque maison et édifice dans la zone du tremblement de terre,
en lui attribuant la cote verte (signifiant que les dommages subis étaient sans
conséquence), la cote jaune (signifiant que la maison ou l’édifice pouvait être
réparé) ou la cote rouge (signifiant que la réparation des dommages était
impossible).
On a discuté
du rôle d’Unité dans les efforts de reconstruction immédiatement après le
tremblement de terre de 2010. On a signalé que diverses organisations
internationales et divers organismes gouvernementaux sont venus pour faciliter
la reconstruction. Unité a soutenu les efforts de reconstruction : en
trouvant et en ciblant des solutions de reconstruction adaptées aux problèmes;
en coordonnant les projets et en les unissant dans un plan d’ensemble; ainsi
qu’en élaborant et en mettant en œuvre des méthodes de rétroaction et
d’évaluation.
En réponse
aux questions de la délégation sur l’efficacité de l’aide canadienne,
M. Rossetti a expliqué que tous les projets canadiens avaient été bien
définis et avaient atteint leurs objectifs. Les coûts administratifs associés
au versement des fonds – soit de 5 à 15 % environ – étaient
normaux, si bien qu’au moins 80 % de l’aide avaient été consacrés directement
aux résultats sur le terrain. Il a indiqué que tous les projets entrepris par
l’ACDI comportaient des objectifs axés sur les résultats et que pas un seul
dollar canadien n’avait été gaspillé. M. Rossetti a également remis à la
délégation de la documentation exposant les objectifs, les coûts et les
résultats de 136 projets de l’ACDI à Haïti.
Il y a
également eu une discussion au sujet de la route Cayes-Jérémie et du rendement
inadéquat obtenu par le Canada lorsque d’autres pays bénéficient d’une aide non
liée. Selon M. Rossetti, lorsque le Canada accorde une aide non liée, en
raison de la nature ouverte et concurrentielle des appels d’offres, il obtient
habituellement le résultat le plus efficace en retour des fonds canadiens
investis. Il a ajouté qu’il y avait de nombreux exemples où des entreprises
canadiennes avaient remporté des contrats d’aide non liée défrayés par d’autres
pays.
D’autres
sujets ont été abordés durant le déjeuner de travail. L’importance de
développer d’autres pôles économiques à l’extérieur de Port-au-Prince; les
efforts investis en vue de construire des bâtiments publics pouvant résister
aux séismes; les études visant à relever des terrains qui ne sont pas sujets
aux inondations et dont la pente n’est pas trop accentuée; la question des
titres fonciers et son effet sur la déforestation; les efforts en vue de
construire les logements soucieux de l’environnement à Haïti.
On a encore
une fois signalé le dialogue insuffisant entre l’Assemblée législative et le
pouvoir exécutif. Les dirigeants politiques se sont montrés peu disposés à
jouer le rôle de médiateurs pour trouver un terrain d’entente sur les questions
litigieuses, pour adopter des lois et pour veiller à ce que ces lois soient
mises en œuvre. M. Rossetti a noté que 90 % des députés étaient
nouvellement élus et que pour 54 % d’entre eux, il s’agissait de leur
premier emploi rémunéré.
Enfin,
M. Rossetti a noté que le Canada était le seul pays, à sa connaissance,
qui ait tenu la presque totalité – à hauteur de 95 % – de ses promesses
en matière de reconstruction et de développement.
VISITE DU PROJET DE L’ACDI EN MATIÈRE DE SANTÉ MATERNELLE
Dans
l’après-midi du 22 mars 2012, la délégation canadienne a visité le projet
de santé maternelle à Port-au-Prince. Avant d’entreprendre la visite, la
délégation a rencontré la docteure Camille Figaro, le docteur Dorcely Olés, Mme Evelyne
de Graff (OMS/OPS) et Mme Laura Stein, agente de programme. On
a expliqué à la délégation que le Canada avait financé un programme qui, au
cours des quatre dernières années, avait offert un accès gratuit à des services
d’obstétrique, à des soins de santé pour les enfants de moins de cinq ans et à
des services de planification des naissances dans un centre de santé maternelle
à Port-au-Prince. Le programme était important parce qu’il éliminait les
obstacles financiers qui bloquaient l’accès à des services de santé
fondamentaux. Haïti a les taux de mortalité infantile, de mortalité chez les
enfants de moins de cinq ans et de mortalité maternelle les plus élevés de
l’hémisphère.
Le programme
a évolué depuis sa création et offre maintenant un ensemble de services plus
complet, incluant la prévention des maladies transmises sexuellement, en
particulier la syphilis. La participation aux programmes du centre a augmenté
rapidement. Vingt-cinq médecins généralistes, une trentaine d’obstétriciens, un
psychiatre et un chirurgien ont travaillé au centre de santé maternelle.
Un des défis
pour le centre est de maintenir son personnel médical, car les éléments ayant
la meilleure formation partaient pour occuper de meilleurs postes ailleurs. De
plus, on a noté que, avec le temps, les programmes du centre ont acquis une
réputation de qualité et d’efficacité. Cela a entraîné une hausse des
situations urgentes où les femmes se présentaient au centre avec de graves
problèmes liés à leur grossesse. Par conséquent, le centre s’est efforcé
d’accroître ses activités de sensibilisation pour encourager les femmes à
visiter le centre dès les premiers mois de la grossesse. On a également signalé
que, pour des raisons culturelles, les hommes tentaient souvent de dissuader
leurs épouses de participer au programme. Ainsi, il arrivait souvent que le
séjour d’une mère après l’accouchement était très court, car il était très
difficile de la garder au centre pendant plus de 48 heures.
On a
également abordé la question des sages-femmes à Haïti. On a signalé que le pays
comptait un nombre insuffisant de sages-femmes. La formation prend environ huit
ans et les programmes de recrutement et de formation doivent être modifiés en
profondeur et améliorés.
La
délégation a ensuite visité les installations du centre, soit : l’unité où
se déroulent les accouchements réguliers; l’unité de pathologie; une salle
d’opération qui n’était pas encore en fonction à cause du manque de
climatisation; l’unité de néonatologie (son matériel était un don de l’épouse
du président, Mme Martelly, mais l’unité n’était pas
encore en service à cause d’un manque de personnel); une unité pour les
avortements (l’avortement est illégal à Haïti; les femmes qui se trouvaient à
l’unité avaient besoin de soins médicaux d’urgence à la suite d’interventions
pratiquées à l’extérieur du centre); et une unité pour les femmes souffrant de
maladies graves.
RENCONTRE AVEC
LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALE
DU SECTEUR FORESTIER
Le matin du
23 mars 2012, les membres de la délégation canadienne ont rencontré des
personnes à l’emploi d’ONG menant des projets de reboisement à Haïti. Les
personnes suivantes ont participé à la rencontre : M. Marc Josué,
agent de programme (ACDI); M. Volny Paultre, adjoint au projet de
reboisement, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO); et M. Yves Gattereau, Oxfam-Québec.
Le
déboisement à Haïti est extrêmement préoccupant et le reboisement est une
priorité, comme l’attestent les efforts déployés pour inverser la situation.
Les agents de reboisement ont expliqué que le déboisement était survenu
rapidement à Haïti. En moins de cent ans, près de 90 % des arbres ont été
abattus. Présentement, il ne reste que quelques vestiges de la forêt. Le
déboisement est étroitement lié à d’autres enjeux au pays, incluant le
développement économique, la production agricole et les normes
socioculturelles.
On a relevé
les obstacles au reboisement à Haïti, notamment : il s’agit d’un pays à
forte densité de population; la fabrication de charbon est l’activité la plus
rentable pour un grand nombre d’Haïtiens (sur le plan des revenus et de la
nourriture, la plupart des Haïtiens vivent au jour le jour); il n’y a aucune
politique ou loi visant la conservation des forêts ou des arbres; la protection
inadéquate des forêts et arbres est attribuable, en partie, au manque de clarté
concernant la propriété des terres où se trouvent les arbres (la question du
cadastre); et l’abattage des arbres se déroule à un rythme plus rapide que
celui des efforts combinés de reboisement. On a également signalé que le
reboisement coûte cher, soit environ 15 000 $ pour replanter des
arbres sur trois hectares. Le gouvernement haïtien n’a pas les ressources
requises pour accomplir la tâche à lui seul. De plus, en ce qui a trait aux
forêts, il faut attendre 15 ans avant de tirer un rendement des sommes
investies.
En 2008, le
ministre de l’Intérieur a demandé à la FAO d’élaborer un plan d’action qui
exposerait une vision d’ensemble du reboisement à Haïti. La FAO poursuit le
travail sur ce dossier et compte achever le rapport d’ici la fin de 2012. On a
signalé qu’il fallait élaborer une politique claire et ferme en matière de
reboisement. Il faudrait que cette politique précise où il est possible de
récolter des arbres et où il faut les protéger. Il faudrait aussi que cette
politique tienne compte des emplois, de la sécurité alimentaire et des intérêts
de la collectivité.
Mme Murray
a discuté avec les agents de reboisement de diverses méthodes de reboisement
éprouvées, notamment la culture de certaines espèces d’arbres de concert avec
certains légumes, de façon à obtenir un rendement (pour les investisseurs et
pour la collectivité) dans des délais plus courts. Elle a indiqué qu’il y avait
plusieurs modèles commerciaux rentables qui pouvaient être mis en œuvre à Haïti
et qui pourraient obtenir le soutien financier des investisseurs soucieux de
l’environnement. Selon Mme Murray, il est important qu’Haïti
adopte des pratiques forestières durables et il existe des solutions
réalisables.
RENCONTRE AVEC
LA CHAMBRE DE COMMERCE CANADA-HAÏTI
À la suite
de la rencontre des membres de la délégation avec des personnes travaillant
pour des ONG sur des projets de reboisement en Haïti, qui s’est tenue le 23
mars 2012, en matinée, l’ambassade canadienne a organisé au nom de la
délégation une table ronde avec des représentants du secteur privé ainsi que
des membres de la Chambre de commerce Haïti-Canada, dans la salle Acajou de
l’hôtel Montana à Port-au-Prince. Les personnes suivantes ont participé à la
rencontre : M. Serge Cousineau, de Développement international
Desjardins, M. Thor Burnham, de Williams Engineering, M. Maxime Charles,
de la Banque Scotia, M. Dominique Boisson, de Eurasian
Minerals/Marien Mining, M. Michel Lamarre, de Majescor/SOMINE,
M. Gérard‑Marie Tardieu, président de la Chambre de commerce
Haïti-Canada et M. Pierre Dumouchel, de la Chambre de commerce Haïti-Canada.
L’ambassadeur,
M. Normandin, présidait la réunion, qu’il a amorcée en formulant des
commentaires à propos du travail réalisé par les gouvernements d’Haïti et du
Canada à la promotion de l’investissement et du commerce en Haïti. M. Hawn a
ensuite fait observer que les membres de la délégation canadienne avaient hâte
d’entendre le point de vue des personnes présentes et d’échanger des idées avec
elles sur la façon dont le Canada pourrait travailler plus efficacement avec
les entreprises haïtiennes.
M. Tardieu a
fait quelques remarques au nom de la Chambre de commerce Haïti-Canada. Il a
indiqué qu’il appuyait le paradigme proposé pour Haïti par la très honorable Michaëlle Jean,
qui visait à remplacer la charité et l’aide par de l’investissement, en créant
une situation « gagnant‑gagnant » pour les investisseurs et les
Haïtiens. M. Tardieu a de nouveau encouragé les investisseurs canadiens, plus
précisément la diaspora canadienne, à prendre le risque d’investir en Haïti.
On a
souligné que l’aide au développement fournie par le Canada en Haïti était
perçue de façon très positive au pays parce qu’elle était bien ciblée et
qu’elle avait donné des résultats. On estimait que le Canada apportait des
connaissances, de l’expérience et de bons modèles de gouvernance au moment
d’entreprendre des projets de développement. C’est dans le domaine de l’ordre
public, a-t-on souligné, que l’on avait besoin du Canada pour continuer à
exercer son rôle important.
La
discussion a également porté sur le secteur minier à Haïti. La loi actuelle,
qui a été rédigée en 1975, était maintenant désuète et encombrante et avait un
effet dissuasif sur les projets d’investissement. Elle devait être modernisée
afin d’inclure, notamment, de meilleures garanties pour les investisseurs. En
ce qui a trait à cette loi, il a été en outre souligné que, en Haïti, les
profits tirés de l’exploitation minière étaient divisés à parts égales
(« 50 % – 50 % ») entre la société minière et le
gouvernement. Quelqu’un a cependant dit qu’ailleurs, la norme se rapprochait davantage
de 70 % des profits allant à la société et de 30 % allant au
gouvernement. On a également souligné que les activités minières en République
dominicaine rapportaient pas mal d’argent et qu’elles parvenaient à attirer des
investissements étrangers. On a dit croire que les sociétés minières étrangères
devraient envisager d’investir de l’argent au sein des collectivités haïtiennes
pour les sensibiliser davantage aux avantages réciproques que procurent les
investissements étrangers. On a en outre souligné qu’il fallait que le
Parlement et l’exécutif travaillent de concert à la création d’une loi moderne
sur l’exploitation minière, et qu’il faudrait, pour ce faire, beaucoup de
courage sur le plan politique.
La
discussion a également porté sur des moyens de rendre les investissements plus
efficaces en Haïti. Quelqu’un a déclaré qu’il faudrait créer une base de
données des entrepreneurs; les secteurs prioritaires devaient être précisés. On
a signalé qu’un certain pourcentage de l’investissement devrait être mis de
côté pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour des projets de
développement durable. Grâce à des modèles supérieurs de gouvernance, l’argent
investi pourrait ainsi être utilisé de façon plus modeste et plus efficace, et
produire de meilleurs résultats avec moins d’argent. Le rôle du Canada, à long
terme, consisterait donc à offrir une formation, de l’expérience et des
conseils plutôt qu’un financement direct sous forme d’aide. M. Tardieu a
proposé un système d’investissement au moyen duquel l’ACDI pourrait octroyer
des prêts aux sociétés haïtiennes au lieu de subventions, en utilisant des
biens affectés en garantie sur ses investissements. Les membres de la
délégation canadienne ont souligné que Exportation et développement Canada
(EDC) pourrait grandement contribuer à trouver des partenaires en matière
d’investissements.
D’autres
sujets de discussion ont aussi été abordés, notamment le potentiel non exploité
des secteurs du tourisme et des ressources naturelles à Haïti, le désir de voir
des Haïtiens expatriés – notamment des enseignants, des professeurs, des
ingénieurs, des géologues et des gens de métier – revenir en Haïti afin de
donner de la formation aux Haïtiens et de partager leur expertise avec eux. On
a aussi laissé entendre qu’il serait utile d’organiser une mission commerciale
pour faire venir des investisseurs canadiens potentiels en Haïti.
En
conclusion, M. Hawn a remercié le groupe d’avoir partagé sa vision relativement
aux conditions économiques en Haïti; il a indiqué que les membres de la délégation
s’assureraient de partager ces divers points de vue avec leurs collègues du
Parlement.
RENCONTRE AVEC
LE PRÉSIDENT MARTELLY
Au cours de
l’après-midi du 23 mars 2012, les membres de la délégation canadienne ont
rencontré le président Michel Martelly au palais présidentiel, à
Port-au-Prince. Les personnes suivantes étaient également présentes à cette
rencontre : M. Thierry Mayard-Paul, chef de cabinet,
M. Michel Pierre Brunache, ministre de la Justice et de la
Sécurité publique, Mme Anne-Valérie Milfort, conseiller spécial du
président, M. Pierre Richard Casimir, secrétariat d’état affaires étrangères,
M. Salim Succar, chef de cabinet adjoint et M. Grégory Mayard-Paul,
conseiller juridique, M. Jaime Iglesias, détaché diplomatique, Mme Nell Stewart,
conseillère politique et économique (Ambassade du Canada), et M. François
Goudreau, deuxième secrétaire (Politique) (Ambassade du Canada). Avant la
rencontre avec la délégation, le président Martelly a tenu une rencontre
en privé avec M. Hawn.
Le président
Martelly a d’abord souhaité une cordiale bienvenue aux membres de la délégation
canadienne et les a remerciés, au nom de la population haïtienne, pour l’aide
apportée par le Canada et son impact positif à la suite du tremblement de terre
de 2010. Il a également remercié les Canadiens pour avoir financé le projet
visant à évacuer le parc du Champ de Mars, pour la solide collaboration du
Canada avec la Police nationale d’Haïti (PNH) ainsi que pour l’aide fournie par
le Canada en vue d’améliorer l’éducation en Haïti. Il a souligné l’importance
de travailler ensemble en tant que partenaires. Le président Martelly a en
outre souligné qu’un nouveau gouvernement était en train d’être mis en place.
Les membres
de la délégation se sont brièvement entretenus à tour de rôle avec le président
Martelly. Au moment de faire ses observations, le sénateur Boisvenu a souligné
qu’il fallait renforcer les institutions haïtiennes, qu’il fallait que le
Parlement et l’exécutif haïtiens coopèrent, et qu’il fallait que Haïti se fasse
mieux connaître en tant que destination de choix en matière d’investissements.
En réponse, le président Martelly a souligné que son gouvernement avait
entrepris des démarches en vue de mieux respecter la primauté du droit,
notamment en nommant un juge à la plus haute cour en Haïti (la Cour de
cassation) après que le poste soit demeuré vacant pendant huit ans. Il a
aussi souligné que son gouvernement avait fait des progrès en ce qui concerne
l’éducation, les services publics, y compris le transport, la construction
domiciliaire, l’eau potable, la police et la sécurité, la corruption, et les
services frontaliers. Il a par ailleurs souligné l’importance des sommes
d’argent versées en aide à Haïti, mais il a dit craindre que les ONG soient
considérées comme un gouvernement substitut en raison de l’argent et des
ressources qu’elles contrôlaient.
Mme
Murray a fait observer que les réunions tenues durant la semaine avaient jeté
de la lumière sur le nombre de défis auxquels faisait face Haïti et à quel
point la situation était compliquée. Elle a indiqué qu’il fallait qu’Haïti
d’entreprenne des démarches au chapitre du développement durable, de
l’infrastructure, de la restauration de l’environnement, notamment de l’eau
potable et du reboisement, de l’aménagement des terres et du développement
équitable entre les régions urbaines et rurales. En ce qui concerne le
reboisement, Mme Murray a souligné l’existence de modèles
commerciaux connaissant du succès actuellement qui pourraient sans doute être
reproduits en Haïti et bénéficier d’un soutien financier de la part
d’investisseurs du domaine de l’environnement. Elle a fait remarquer que
d’autres pays avaient surmonté des défis semblables. En réponse, le
président Martelly a déclaré que les Haïtiens étaient des experts en déboisement.
Il a reconnu que la situation du reboisement était urgente, mais qu’Haïti ne
disposait pas de l’expertise nécessaire pour trouver des solutions. Il a
déclaré qu’il aimerait que des Canadiens viennent à Haïti pour évaluer la
situation et formuler des recommandations et des propositions.
Dans ses
commentaires, la sénatrice Hervieux-Payette a déclaré qu’en tant qu’objectif à
long terme, Haïti devrait s’efforcer d’obtenir de l’investissement plutôt que
de l’aide. Elle a indiqué que des professeurs d’université canadiens à la
retraite seraient prêts à venir enseigner gratuitement à Haïti, pourvu que
leurs coûts d’hébergement soient payés. Elle a ajouté que le Canada pourrait
élaborer un cadre juridique renforcé, assorti de règles plus strictes, pour le
système d’imposition haïtien; qu’il faudrait davantage tenir compte des
questions concernant les femmes; que beaucoup de possibilités se présentaient à
Haïti pour tirer parti de l’aide du Canada. La sénatrice Hervieux-Payette a
ajouté qu’elle était vraiment impressionnée par le programme de santé
maternelle, financé par des Canadiens, à Port-au-Prince. Le président Martelly
a répondu que le système d’imposition en Haïti était vraiment mal en point, que
des personnes riches ne payaient pas d’impôt tandis que d’autres n’y étaient
tout simplement pas enregistrées en raison de défaillances du système. Il a
indiqué qu’il aimerait savoir comment remédier rapidement aux lacunes du
système d’imposition en Haïti. Eu égard aux questions féminines, il a souligné
que les femmes jouaient un rôle important au sein de son cabinet et qu’il
croyait fermement au rôle des femmes dans la démocratie.
Le président
Martelly a aussi abordé le sujet de la modernisation du registre de l’état
civil en Haïti, et parlé de l’entente que le gouvernement a conclue avec
l’entreprise vénézuélienne Smartmatic. Il a indiqué que les travaux déjà
réalisés seraient intégrés à ce projet, et que le gouvernement aimerait
éventuellement collaborer avec des Canadiens en vue de parachever la modernisation
du registre de l’état civil haïtien.
RENCONTRE AVEC
DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES CANADIENNES
À la suite
de la rencontre survenue entre les membres de la délégation et le président
Martelly, le 23 mars 2012, l’ambassade canadienne a organisé,
pour la délégation, une table ronde avec des représentants d’ONG canadiennes,
dans la salle Acajou de l’hôtel Montana, à Port-au-Prince. Les personnes
suivantes ont participé à cette rencontre : M. Karston Voigt, de la Croix
rouge, M. Yves Gatterau, d’Oxfam-Québec, Mme Marie
Josée Fiset, d’Oxfam-Québec, Mme Suzanne Louchard, de
SUCO, M. Jean-Claude Jean, de Développement et Paix, M. Guypsy Michel, du CECI,
M. Sylvain Côté, de Droits et Démocratie,
M. Martial Bailey, de Save the Children en Haïti, M. Baptiste Hanquart,
de Médecins du Monde Canada, Mme Betsy Wall, de Productive
Cooperatives Haïti (pcH), M. Jean-Claude Mukadi, de Vision mondiale Haïti et Mme
Janne Suvanto, du Programme alimentaire mondial.
L’ambassadeur
Normandin présidait la réunion. En guise de mot d’ouverture à cette réunion, il
a souhaité la bienvenue aux participants à la table ronde, qui, a-t-il indiqué,
avait pour but de fournir aux membres de la délégation un aperçu des défis
auxquels font face les ONG canadiennes en Haïti et des résultats de leurs
programmes. M. Hawn a remercié l’ambassadeur Normandin ainsi que les
participants, et il a indiqué que la table ronde serait l’occasion tout
indiquée pour la délégation de découvrir ce qu’accomplissaient les ONG
canadiennes, puis de communiquer cette information au Parlement.
Chaque
représentant a brièvement décrit aux membres de la délégation les rôles
qu’exerçaient leurs ONG en Haïti, ainsi que les défis auxquels elles faisaient
face. Ces représentants avaient fourni de l’aide aux Haïtiens sous diverses
formes : aide humanitaire, recapitalisation d’entreprises commerciales,
développement économique, renforcement des structures de gouvernance,
développement durable, création d’emplois, promotion et protection des droits
de la personne, formation professionnelle, sécurité alimentaire, agriculture,
santé, hygiène et prévention des maladies, construction d’habitations, octroi
de subventions, amélioration de l’accès à l’éducation (il a été souligné que
plus de 90 % des Haïtiens étaient analphabètes), formation d’enseignants
et prévention de la violence à l’égard des enfants.
Durant la
discussion qui a suivi, certains ont souligné qu’Haïti constituait, à leur
avis, un laboratoire permanent pour les ONG. La faiblesse de l’État était la
raison pour laquelle les ONG existaient en grand nombre en Haïti. L’absence de
leadership qui aurait dû exister au sein de l’État a compliqué les efforts de
coordination entre les ONG. Il se peut, a-t-on souligné, que le fait que des
ONG assurent la prestation de services qui auraient dû être fournis par l’État
ait eu pour effet d’affaiblir davantage l’État. Un certain nombre de
représentants ont fait observer que leur rôle consistait à nouer des
partenariats avec des travailleurs locaux qui pourraient éventuellement prendre
la relève lorsque l’ONG serait partie. Un représentant a souligné qu’il
ressentait une lassitude de la part des donateurs. Un autre représentant s’est
dit préoccupé par la dissolution de la Commission intérimaire pour la
reconstruction d’Haïti, en faveur de « regroupements » des Nations
Unies, qui fournissaient de l’aide. On a également souligné que des ONG
professionnelles travaillaient en collaboration avec le ministre haïtien
approprié dans le but d’aligner leurs stratégies, mais que certaines ONG ne le
faisaient pas. À cet égard, il existait bon nombre d’ONG qui étaient désireuses
de fournir une aide aux Haïtiens, mais celles qui n’étaient pas bien organisées
ne fournissaient pas une aide optimale.
M. Voigt a
brièvement exposé aux membres de la délégation les efforts déployés par la
Croix rouge pour fournir du logement dans les régions rurales. Il a souligné
que des coûts qui étaient hors de leur contrôle faisaient malheureusement
augmenter le coût des habitations qu’ils construisaient. Les habitations ont
été construites pour résister aux ouragans et à l’eau, et ce, conformément aux
normes canadiennes de construction. La logistique du transport des matériaux de
construction dans des régions éloignées où il n’y a pratiquement aucune route,
combinée au travail préparatoire concernant l’enregistrement des titres
fonciers, a entraîné des délais d’environ neuf mois avant que la construction
ne puisse débuter.
Les
représentants des ONG ont ensuite été invités à présenter aux membres de la
délégation un commentaire unique qu’ils pourraient rapporter au gouvernement du
Canada. Voici les réponses qu’ils ont fournies :
·Poursuivre le renforcement de l’État et réaliser
les engagements pris en matière de développement, puisqu’un État fort
permettrait aux ONG de mieux exploiter leur expertise.
·Appuyer une bonne gouvernance et le Parlement.
·Investir dans l’éducation et apporter de l’aide
dans la production alimentaire.
·Exercer des pressions politiques afin de
garantir que l’État haïtien respecte sa Constitution et la séparation des
pouvoirs au sein de celle-ci.
·Aider à la coordination du financement entre
donateurs.
·Le financement de projets devrait durer de trois
à cinq ans – les projets agricoles et environnementaux étaient les plus
importants.
·Renforcer les institutions et l’État.
·Aider à accroître les investissements de
l’étranger.
·Améliorer la perception à l’égard d’Haïti au
sein de la communauté internationale.
·Cesser de donner de l’argent à Haïti, puisque
cela a miné l’État et engendré une culture de dépendance. Un autre représentant
a répliqué que bien que l’argent n’était pas la solution pour Haïti, pas
d’argent du tout ne constituait pas non plus la solution.
·Une aide monétaire directe fournie à l’égard des
problèmes structurels tels que le déboisement.
·Aider les ONG à accroître la prise en charge
locale et la capacité de la société civile.
M. Hawn a clos la séance en disant qu’il s’était avéré productif
d’écouter les représentants parler de leurs expériences et qu’il espérait que
d’autres puissent en tirer profit.
Respectueusement
soumis,
M.
Randy Hoback, député
président, section canadienne
ParlAmericas