La Section canadienne de ParlAmericas a
participé à la rencontre annuelle du Groupe des femmes parlementaires qui avait
pour thème « La sécurité citoyenne pour les femmes, une fonction
parlementaire ». La délégation parlementaire canadienne était dirigée par
l’honorable Céline Hervieux‑Payette, sénatrice, qui était
accompagnée de Mmes Susan Truppe et Mylène Freeman,
députées. M. Leif‑Erik Aune a apporté son soutien à la
délégation à titre de secrétaire. Tenue annuellement, cette rencontre n’a cessé
de gagner en popularité ces dernières années, pour enregistrer cette année une
participation record parmi toutes les activités de ParlAmericas
depuis 2009, témoignant ainsi de toute l’importance et de la pertinence de
poursuivre le renforcement du rôle des femmes dans les assemblées législatives
et dans la société.
HISTORIQUE
En 2003, lors de la
deuxième Assemblée plénière du Forum interparlementaire des Amériques
(devenu depuis ParlAmericas) tenue dans la ville de Panama, les femmes parlementaires
participantes ont organisé un petit déjeuner‑causerie pour discuter de
leur rôle dans les assemblées législatives, en politique et au sein de
l’organisation. Margarita Stolbizer, parlementaire argentine, avait alors
proposé de conférer au groupe le statut d’organisme permanent. La suggestion
avait été approuvée à l’unanimité en Assemblée plénière, et le Groupe des
femmes parlementaires, aujourd’hui bien établi et très actif, voyait le jour.
Actuellement présidé par Mme Linda Machuca,
représentante de l’Assemblée nationale de l’Équateur, le Groupe des femmes
parlementaires est le seul groupe de travail permanent de ParlAmericas. Il est
ouvert aux hommes et aux femmes parlementaires, et ses réunions et activités
renforcent le travail des femmes parlementaires en servant de forum d’échange
d’expériences et de connaissances dans une optique sexospécifique.
LA RENCONTRE
Cérémonie inaugurale
La séance a commencé par les
allocutions de bienvenue des parlementaires représentant le Congrès national du
Chili et ParlAmericas. La députée Monica Zalaquett, représentante du
Congrès national du Chili, a été la première à prendre la parole. Mme Zalaquett
a supervisé les préparatifs chiliens en vue de la rencontre et la coordination
de la participation de plus d’une cinquantaine de parlementaires provenant
de 26 pays des Amériques. Puis Mme Linda Machuca Moscoso,
représentante de l’Assemblée nationale de l’Équateur et présidente du Groupe
des femmes parlementaires de ParlAmericas, a souhaité la bienvenue aux participants.
Elle a été suivie par le député Randy Hoback, président de ParlAmericas,
qui s’est adressé à l’assemblée par un message vidéo depuis son bureau au
Canada. Enfin, Son Excellence Nicolás Monckeberg Díaz,
président de la Chambre des députés du Chili, a prononcé son allocution de
bienvenue. Il a alors souligné que la santé des États et des institutions
démocratiques passe par l’égalité des sexes.
Panels de discussion
Après la cérémonie inaugurale, la
séance s’est poursuivie par les panels de discussion. La rencontre avait pour
objectif d’aborder les perspectives nationales par la voie de discussions de
groupe dotées d’animateurs et d’échanges introspectifs portant sur trois grands
thèmes : la violence fondée sur le sexe et les homicides sexospécifiques, la
violence sexuelle systémique contre les femmes et l’examen des affectations
budgétaires dans les Amériques dans une optique sexospécifique.
Premier panel —Violence fondée sur le sexe selon une perspective nationale
Au cours de ce panel animé par Mmes Christine Brendel
et Catherine Wolf, les participants se sont penchés sur les perspectives
nationales sur la violence fondée sur le sexe en Amérique latine et dans les
Caraïbes. Mme Brendel est la directrice régionale du programme
ComVoMujer à l’organisation « Cooperación Alemana al Desarrollo-GIZ »
(Agence allemande de coopération internationale – GIZ), qui s’emploie à la mise
sur pied de mesures visant à améliorer la coopération entre les acteurs
gouvernementaux et non gouvernementaux dans la prévention et la lutte contre la
violence fondée sur le sexe, en particulier celle exercée contre les femmes
dans les collectivités rurales, indigènes et de souche africaine. Mme Wolf
est conseillère subalterne auprès de ComVoMujer.
Les animatrices ont affirmé que la violence
fondée sur le sexe constitue une violation des droits de la personne qui touche
des millions de femmes dans le monde, sans distinction de nationalité, de
classe sociale, de culture ou d’âge. Bien qu’il s’agisse d’un phénomène
mondial, la violence contre les femmes présente des variantes en ce qui
concerne son incidence et ses manifestations selon la région considérée. En
Amérique latine et dans les Caraïbes, les taux sont alarmants, et les formes
particulières de violence fondée sur le sexe influent sur l’économie régionale
en entravant le développement social et économique.
L’assemblée a discuté des comportements
socioculturels qui entraînent la violence fondée sur le sexe dans la région, et
a examiné la thèse d’un système patriarcal caractérisé par la discrimination et
les inégalités. Mme Brendel a soutenu que les stratégies
nationales de lutte contre la violence fondée sur le sexe en Amérique latine et
dans les Caraïbes doivent nécessairement être axées sur les changements
socioculturels et sur la mise en œuvre efficace des politiques publiques. Pour
cela, les sanctions strictes contre les responsables de la violence envers les
femmes doivent être accompagnées de campagnes de sensibilisation du public et
de séances de formation à l’intention des responsables de la mise en œuvre et
de l’application des politiques publiques et des lois. Mme Brendel
a de plus lancé un appel en faveur d’un réexamen des lois et règlements
existants afin de mettre en place un cadre juridique basé sur une optique
sexospécifique propre à abolir les stéréotypes et sexistes et les concepts
machistes.
Deuxième panel — Le féminicide
Au cours de ce panel animé par
M. Pável Uranga, les participants ont discuté d’études de cas portant
sur la violence sexuelle systémique contre les femmes, du concept émergent de
« féminicide », des disparitions forcées et de la traite des femmes à
des fins d’exploitation sexuelle au Mexique, au Honduras et en Équateur.
M. Uranga est un anthropologue mexicain spécialiste en anthropologie
médicale et médico-légale et en psychologie sociale. Il a travaillé auprès
d’organisations de la société civile dédiées à la défense de la vie et de la
sécurité des femmes. Il est également le cofondateur et le rapporteur de
l’Observatorio Ciudadano del Feminicidio (observatoire citoyen du féminicide)
et de l’Observatorio Ciudadano Nacional del Feminicidio (l’observatoire citoyen
national du féminicide) au Mexique, dont il a été le rapporteur pendant
5 ans.
M. Uranga a commencé sa
présentation en faisant observer que le féminicide n’a pas encore été reconnu
comme sujet de recherche, et encore moins en tant que crime. Il en résulte que
les phénomènes convergents qui se développent et se traduisent par la violence
sexuelle systémique contre les femmes demeurent invisibles. Il a souligné que
les réseaux « d’esclavage sexuel » ou de traite des femmes sont à
l’origine de la disparition de centaines de milliers de femmes dans
tous les pays des Amériques, et a avancé que la majorité des femmes qui tombent
aux mains de ces réseaux se retrouvent dans cette situation parce qu’elles sont
des personnes déplacées en raison de conflits armés, qu’elles sont victimes
d’exclusion sociale, ou encore à cause du phénomène de « féminisation de
la pauvreté ». Selon M. Uranga, dans ce processus, les femmes
disparaissent et deviennent prisonnières de l’exploitation sociale. Elles sont
traitées comme des marchandises par leurs ravisseurs, comme des objets
dépourvus de valeur humaine. M. Uranga a de plus affirmé que bon nombre
d’entre elles sont assassinées pendant leur transit. Il a fait valoir que la
traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle rapporte des millions de
dollars et peut ainsi se perpétuer en sapant les institutions légitimes.
M. Uranga a abordé l’influence sur
les plans économique, politique et réglementaire que les auteurs de ces crimes
exercent sur les politiques publiques par le truchement de la corruption, de
l’élusion, de la négligence et de l’inaction. Pour conclure, il a déclaré qu’il
y a convergence des crimes transnationaux générateurs d’autres tendances
criminelles tels que le féminicide, la traite des femmes, la disparition forcée
ou l’esclavage sexuel, que ces crimes malheureusement persistent sous diverses
formes, et que cela devrait obliger les pays à repenser leurs stratégies de
lutte contre ces phénomènes.
Troisième panel — Comment les
budgets nationaux sont adaptés aux impératifs de sécurité
Au cours de ce panel animé par Mme Lorena Vinueza,
les participants ont discuté des façons d’adapter les budgets nationaux pour
répondre aux besoins des femmes en matière de sécurité. Ils ont examiné des
politiques publiques et mesures d’allocation budgétaire d’un peu partout dans
les Amériques. Mme Vinueza est une psychologue clinicienne
spécialisée en thérapie familiale systémique, et directrice de l’organisme
responsable de la sécurité citoyenne de la municipalité de Quito, en Équateur.
Mme Vinueza a tout
d’abord signalé que, dans tous les pays étudiés, il y avait des allocations
budgétaires et des dispositions se rapportant précisément à la sécurité
publique, ou « sécurité citoyenne » dans la plupart des pays
d’Amérique latine. Elle a fait valoir que, dans la région des Amériques, on
investit davantage dans le contrôle et la répression de la violence et de la
criminalité que dans la réhabilitation et la prévention des facteurs
structurels qui les génèrent. Elle a d’ailleurs présenté des études de cas
réalisées au Pérou, au Chili et en Équateur pour démontrer que, dans les
budgets alloués à la sécurité, on ne tient compte que des coûts associés à
l’application de la loi, aux poursuites judiciaires et à la réhabilitation. En
effet, aucune de ses études n’a révélé d’investissements visant à modifier les
facteurs structurels primaires (population en général) ou secondaires (groupes
sociaux susceptibles de commettre un délit). Mme Vinueza a
avancé que les fortes disparités sur le plan des revenus constituent un facteur
commun dans les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes (ALC), où une grande
partie de la population vit dans une pauvreté chronique. Selon elle, dans ce
contexte, l’inégalité revient à un acte de violence du système économique
contre la majorité de la population qui donne lieu à toutes les conséquences
connues de la violence : mort, maladies, troubles psychologiques, troubles
du développement, privations.
Mme Vinueza a constaté
que, sauf à Cuba, l’insécurité et la violence ont augmenté dans la région de
l’ALC à partir des années 1980, ce qui coïncide avec d’importants
ajustements structurels découlant des politiques économiques néolibérales qui
ont démantelé les États et leurs capacités d’intervention. Selon elle, les
populations les plus touchées par la violence sont celles qui sont exclues.
Dans le cas de l’Équateur, une étude sur les homicides effectuée en 2008 a
démontré que 75 % des victimes avaient un faible niveau de scolarité, et
qu’en revanche le taux d’homicides dans le segment de population ayant un
niveau de scolarité supérieur était très faible. Mme Vinueza a
conclu que les politiques de sécurité publique doivent considérer la violence
comme un phénomène complexe qui a de multiples origines (psychologiques,
biologiques, économiques, sociaux et culturels) et qui, par conséquent,
nécessite une approche multidimensionnelle.
Séance de clôture et observations
finales
Mme Linda Machuca Moscoso,
députée de l’Assemblée nationale de l’Équateur et présidente du Groupe des
femmes parlementaires de ParlAmericas, a présenté ses observations finales et
remercié les organisateurs de la rencontre, les conférenciers et les
participants. Elle a invité les parlements à continuer d’appuyer les forums de
discussion et d’échange.
Les participants ont été invités à
approuver la liste des recommandations qui ont jalonné le déroulement de cette
rencontre de deux jours. Le rapport adopté contenant
six recommandations est présenté en annexe. Les participants ont été
invités à présenter le rapport à leur assemblée législative respective. Ils ont
également été encouragés à utiliser cette liste comme plan d’action et stratégie
de suivi dans leur parlement respectif afin de mesurer la progression des
initiatives axées sur l’égalité des hommes et des femmes.
CONCLUSION
La visite a été pour la Section
canadienne de ParlAmericas une excellente occasion de participer activement à
des discussions sur la violence fondée sur le sexe et les politiques publiques
d’égalité entre les sexes, qui sont aussi des sujets d’intérêt et
d’intervention du Groupe des femmes parlementaires de ParlAmericas. La Section
canadienne est également d’avis que la rencontre a permis aux participants de
nouer des liens avec leurs homologues des assemblées législatives de nombreux
pays. La délégation canadienne souhaite remercier le Secrétariat international
de ParlAmericas et le Congrès national du Chili qui ont déployé d’immenses
efforts pour assurer le succès de l’événement. La délégation remercie également
l’ambassade du Canada à Santiago, et tout particulièrement Mme Meaghan Pelton,
pour leur appui et l’intérêt qu’ils ont manifesté pour cette importante
conférence interparlementaire. Enfin, la délégation félicite Mme Linda Machuca
pour son leadership dans l’organisation de la rencontre du Groupe des femmes
parlementaires, celle‑ci ayant connu un taux de participation sans
précédent.
Respectueusement soumis,
M. Randy Hoback, député
Président, section canadienne
ParlAmericas