Rapport

 

Une délégation de trois législateurs de l’Association parlementaire Canada-Europe s’est rendue à Paris pour participer à une réunion de la Commission de l'environnement, de l'agriculture et des affaires locales et régionales de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE).  La délégation était dirigée par la présidente de l’Association, l’hon. Lorna Milne, sénatrice, et composée en outre de l’hon. George Baker, sénateur, et du député Raynald Blais.  Ils étaient accompagnés du secrétaire de l’association Philippe Méla et du conseiller Marcus Pistor.

La réunion avait pour objet, entre autres, un rapport révisé sur la chasse au phoque qui est très critique à l’endroit de la chasse au phoque au Canada ainsi que la réponse officielle de la délégation canadienne déposée auprès de la Commission en avril.  Les représentants de deux organisations non gouvernementales qui participent à la campagne pour mettre fin à la chasse au phoque – le bureau de Bruxelles du Fonds international pour la protection des animaux et la Lega Anti-Vivisezione d’Italie – étaient présents à titre d’observateurs.

Contexte

En avril 2004, le Bureau de l’APCE a renvoyé une motion de recommandation sur la « chasse au phoque » à la Commission de l'environnement, de l'agriculture et des affaires locales et régionales de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.  En octobre 2004, elle a reçu le témoignage d’experts canadiens et norvégiens de la chasse au phoque ainsi que d’ONG et nommé M. Nessa (Italie, Groupe du Parti populaire européen) comme rapporteur.  Un an plus tard, en octobre 2005, la Commission a discuté du premier projet de rapport de M. Nessa et de la réponse de la délégation canadienne (auquel était annexé le Rapport du Groupe de travail de vétérinaires indépendants sur la chasse aux phoques du Groenland au Canada).  Le rapporteur a présenté un rapport révisé en février et la délégation canadienne a rédigé et présenté une réponse détaillée en avril.

La Commission est censée discuter et voter sur un projet de recommandation révisé sur la chasse au phoque à la réunion qu’elle tiendra en marge de la prochaine session de l’APCE (26 au 30 juin) à Strasbourg.  Le projet de recommandation pourrait ensuite faire l’objet d’un débat en assemblée plénière en octobre 2006.

Processus

Les études des commissions de l’APCE sont d’ordinaire initiées par une motion des membres de l’APCE soumise à l’examen de la commission permanente compétente.  La commission nomme un rapporteur chargé de rédiger un rapport ou un «mémoire explicatif» avec l’aide du secrétariat de la commission.  Après que la commission a tenu des discussions sur le rapport, le secrétariat rédige un projet de résolution (décision ou déclaration de l’Assemblée) et(ou) un projet de recommandation (déclaration adressée au Conseil des ministres) comportant des recommandations à mettre en œuvre par les gouvernements membres.  Dans le cas présent, la recommandation sur la chasse au phoque peut être adressée directement au gouvernement canadien et lui demander, par exemple, de changer les modalités de gestion de la chasse.

La commission et l’assemblée ne votent pas sur le rapport ou le mémoire explicatif, dont le contenu relève de la responsabilité exclusive du rapporteur.  Elles votent sur le projet de recommandation ou de résolution.  Il s’ensuit que le rapport ne peut pas être officiellement modifié sauf si la commission demande au rapporteur d’y apporter des révisions.

Aperçu du projet de rapport révisé et du projet de recommandation préliminaire

Le rapport révisé de M. Nessa témoigne d’un fort préjugé moralisateur contre la chasse au phoque semblable à celui de certaines des grandes organisations non gouvernementales qui participent à la campagne pour mettre fin à la chasse au phoque commerciale au Canada.  Il ne fait pas état des preuves et des données scientifiques accessibles au public ou communiquées au rapporteur par le ministère des Pêches et des Océans (MPO).  Et il contient un grand nombre d’erreurs factuelles qui ont pour effet de miner presque tous les aspects de la position du gouvernement canadien sur la chasse au phoque.  En outre, il ne rend pas compte des améliorations considérables que le gouvernement a apportées à la gestion de la chasse au phoque ainsi qu’aux règlements et à leur mise en application.

Le rapporteur fait un certain nombre d’assertions qui sont réfutées dans la réponse détaillée de la délégation canadienne, y compris que la chasse au phoque n’est pas cruelle, que le gouvernement canadien de fait pas respecter les règlements conçus pour assurer des pratiques de chasse exemptes de cruauté, que la chasse au phoque n’est pas écologiquement durable et qu’elle est sans importance économique.  Il affirme également que les autochtones canadiens ne participent pas à la chasse au phoque commerciale, que «la principale raison pour l'augmentation des quotas annuels de chasse serait que cette pratique entraînerait une augmentation de la quantité de morues pêchées en Atlantique Nord» et que l’interdiction de chasser les blanchons et les jeunes phoques à capuchon pour leur peau n’est pas appliquée.

Dans notre réponse, nous arguons que la chasse au phoque est, en fait, à la fois durable et relativement sans cruauté et nous nous déclarons favorables aux efforts pour la rendre aussi peu cruelle que possible, notamment les recommandations du Rapport du Groupe de travail de vétérinaires indépendants sur la chasse aux phoques du Groenland au Canada, que met actuellement en œuvre le MPO.  Enfin, nous faisons remarquer que «les méthodes de gestion et les nouvelles politiques du Canada annoncées en mars 2006 répondent en grande partie aux préoccupations légitimes soulevées au sujet de la chasse au phoque. Même si elles ne satisferont sans doute pas les partisans d'une interdiction totale de la chasse, elles témoignent néanmoins d'un engagement clair à faire en sorte que la chasse soit à la fois viable et exempte de cruauté.»

Enfin, notre réponse énumère le grand nombre d’erreurs factuelles, d’idées fausses et de cas où une information partielle sert à étayer les arguments du rapporteur et fournit et explique des preuves et des informations détaillées pour faire ressortir les problèmes dans le rapport, clarifier les pratiques et la gestion de la chasse au phoque et étoffer nos arguments.

Discussion du rapport révisé sur la chasse au phoque et la réponse canadienne

La discussion s’est ouverte par une brève déclaration du rapporteur, M. Pasquale Nessa (Italie) du Groupe du Parti populaire européen, sur son rapport révisé. M. Nessa a réitéré les commentaires qu’il a faits pendant l’examen de son premier projet de rapport en octobre 2005 et dans son rapport révisé.  Tout en appelant de ses vœux un débat ouvert et constructif sur la chasse au phoque, il a répété bon nombre des assertions sur les pratiques et les politiques de la chasse au phoque canadienne que la délégation canadienne avait contestées dans les discussions d’octobre 2005 et dans sa réponse officielle au rapport révisé de M. Nessa.

La parole a ensuite été accordée aux deux délégués canadiens.  La sénatrice Milne a attiré l’attention sur la réponse de la délégation canadienne au rapport révisé et proposé trois recommandations à prendre en compte dans le projet de recommandation dont la Commission débattra à sa réunion du 9 juin :

1.    Que des inspecteurs des pêches certifiés par l'Union européenne (tels que ceux employés par l'OPANO) assistent à une chasse aux phoques et observent directement les activités s'y rattachant. Les inspecteurs pourraient accompagner des agents des pêches du MPO et participer aux activités de surveillance et d'application de la loi, notamment aux inspections à quai, aux patrouilles aériennes et maritimes ainsi qu'aux inspections dans les points de vente et les usines de transformation.

2.    Que des parlementaires européens se rendent sur la côte Est du Canada pour voir comment vivent ceux qui prennent part à la chasse aux phoques. Ils pourraient rencontrer des politiciens et des dirigeants communautaires locaux, des chasseurs et des représentants de l'industrie afin de discuter avec eux et de comprendre ce que la chasse aux phoques signifie pour leurs collectivités.

3.    Que le Comité examine éventuellement les rapports publiés par des observateurs indépendants de la chasse aux phoques, comme les vétérinaires de l'Association canadienne des médecins vétérinaires, le Groupe de travail des vétérinaires indépendants sur la chasse aux phoques du Groenland au Canada, et le rapport publié par des vétérinaires pour le Fonds international pour la protection des animaux. Le Comité pourrait alors former son propre groupe indépendant de vétérinaires européens - non associé à des organisations de défense des droits des animaux - pour observer la chasse aux phoques au Canada et faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Baker a soutenu que la réponse canadienne invalidait les assertions du rapporteur.  Il a commenté le rapport du Groupe de travail des vétérinaires indépendants sur la chasse aux phoques du Groenland au Canada, fait remarquer qu’il est illégal de chasser les blanchons et les jeunes phoques à capuchon alors que leur chasse est autorisée au Groenland, en Norvège et en Russie et souligné l’importance économique de la chasse au phoque pour beaucoup de localités côtières.  Enfin, il a signalé les décisions judiciaires concernant la chasse au phoque, y compris celle qu’a rendue la Cour suprême du Canada (février 2002) dans l’affaire Ward c. Canada (Procureur général), qui maintient l’interdiction de la chasse aux blanchons et aux jeunes phoques à capuchon.

M. Blais, député, a noté que la chasse au phoque est un dossier très chargé émotivement pour ses commettants de la circonscription de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine et expliqué son importance culturelle dans une région où la chasse au phoque se pratique depuis des siècles.  À propos de son importance économique pour les phoquiers des régions très reculées et leurs collectivités, M. Blais a observé que la chasse au phoque leur permettait de joindre les deux bouts.  Il a invité enfin les membres de la Commission à venir au Canada et à visiter les localités où vivent les phoquiers.

Plusieurs des membres de la Commission qui ont participé à la discussion subséquente ont exprimé une forte opposition à la chasse au phoque pour une ou plusieurs des raisons suivantes : l’usage du gourdin et du hakipik pour abattre les phoques, l’abattage d’animaux très jeunes et le fait que les phoques sont chassés principalement pour leur peau.  D’autres ont soutenu qu’il n’y avait pas de raison pour s’opposer à la chasse en soi et qu’il fallait poursuivre les discussions puisque le rapport de M. Nessa et la réponse canadienne soulevaient bien des questions.  La discussion s’est terminée par une brève déclaration du rapporteur qui a reconnu qu’il y aurait toujours deux côtés à ce débat, mais exprimé l’espoir que la Commission adopterait une recommandation sur la chasse au phoque.

Respectueusement soumis,

L’hon. Lorna Milne, sénatrice
Association parlementaire Canada-Europe

 


 

Haut de page