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Rapport

Première partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe

Strasbourg, France, du 23 au 27 janvier 2012

 

Une délégation de parlementaires canadiens composée de M. Consiglio Di Nino, sénateur,  de M. Don Davies, député, de M. Corneliu Chisu, député, et de Mme Joyce Bateman, députée, s’est rendue à Strasbourg pour participer à la première partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE ou Assemblée), assemblée au sein de laquelle le Canada détient le statut d’observateur, avec Israël et le Mexique. Les membres de la délégation étaient accompagnés de M. Philippe Méla, secrétaire de l’Association, et de M. Sebastian Spano, conseiller de l’Association. Ils ont été rejoints à Strasbourg par Son Excellence, M. Louis de Lorimier, ambassadeur du Canada en Belgique et auprès du Grand-Duché de Luxembourg et observateur permanent auprès du Conseil de l’Europe, et par Mme Sirine Hijal. 

La délégation s’est également rendue au Luxembourg pour rencontrer des parlementaires du Parlement du Luxembourg ainsi que divers représentants financiers et commerciaux. Cette mission a été organisée par Son Excellence, M. Louis de Lorimier, dans le cadre des efforts permanents déployés par le Canada visant à promouvoir l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et à s’assurer de la ratification de celui-ci par les pays membres de l’Union européenne et de son adoption par le Parlement européen.

A.   Aperçu

L’ordre du jour de la première session était bien rempli et portait sur une foule de sujets débattus dans les commissions, les groupes politiques et l’Assemblée. L’Assemblée a tenu des débats réguliers sur les sujets suivants :

·Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente

·Communication de M. Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe

·Élection du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

·Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présenté par le très honorable David Lidington, député, ministre pour l’Europe, ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, représentant la présidence du Comité des Ministres

·Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine

·Le droit de chacun de participer à la vie culturelle

·Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme 

·La situation au Bélarus

·Le respect des obligations et engagements de la Serbie

·Protéger les droits de la personne et la dignité en tenant compte des souhaits exprimés antérieurement par les patients

·Débat d’actualité : la Fédération de Russie entre deux élections

·Faire progresser les droits des femmes dans le monde

·Promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

·Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

·Le transfert forcé de populations comme violation des droits de la personne

·Tendances démographiques en Europe : transformer les défis en possibilités

Les conférenciers invités suivants ont également fait des exposés devant l’Assemblée :

·M. Grigol Vashadze, ministre des Affaires étrangères de la Géorgie 

·Mme Tarja Halonen, présidente de la Finlande

·Le très honorable David Cameron, député, premier ministre du Royaume-Uni

·Mme Michelle Bachelet, Secrétaire générale adjointe et directrice exécutive d’ONU Femmes

B.   Activités canadiennes durant la Session

1.    Vue d’ensemble

Les membres de la délégation ont participé activement à l’assemblée plénière de l’APCE et aux réunions des commissions – en particulier la Commission des questions politiques et de la démocratie, la Commission des affaires juridiques et des droits de l’homme, la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe et la Commission sur l’égalité et la non-discrimination. Les délégués ont également assisté aux réunions des divers groupes politiques au sein de l’Assemblée.

M. Louis de Lorimier, ambassadeur du Canada auprès du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg et observateur permanent auprès du Conseil de l’Europe, a tenu une séance d’information à l’intention de la délégation. 

Quelques réunions spéciales ont été organisées afin d’aider les délégués à mieux comprendre le travail du Conseil de l’Europe. À cette fin, des réunions ont été organisées avec le directeur et secrétaire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise) et avec le secrétariat de l’APCE chargé de la coopération internationale et de l’observation des élections.

Plusieurs réunions bilatérales ont également eu lieu avec des délégations des pays membres de l’APCE, des observateurs et des partenaires pour la démocratie, notamment des délégations de la République tchèque, du Mexique et du Maroc.

2.    Séance d’information de l’observateur permanent du Canada auprès du Conseil de l’Europe

M. de Lorimier a présenté aux délégués un aperçu du travail de l’observateur permanent auprès du Conseil de l’Europe. Il a aussi décrit les progrès des négociations continues en vue d’un accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne ainsi que les pommes de discorde, notamment la Directive sur la qualité des carburants de l’Union européenne et les ressources énergétiques provenant des sables bitumineux du Canada. Il a aussi mis à jour les délégués concernant la récente crise économique et financière en Europe, en particulier la crise de l’euro, et les mesures prises par l’Union européenne pour gérer la crise. Il a ensuite fourni une brève mise à jour concernant la situation politique en Belgique.

a)    AECG

Le gouvernement du Canada a poursuivi avec succès ses négociations en vue de l’AECG. La neuvième série de négociations est en cours. Environ 90 % des négociations ont été menées à terme. L’accord devrait être achevé et prêt à être ratifié en 2012. Les deux seuls secteurs qui comportent encore des questions en litige sont les suivants : façon de gérer les incidences des offices de commercialisation des produits agricoles; et protection de la propriété intellectuelle. M. de Lorimier a indiqué que certaines des questions plus complexes afférentes à ces deux secteurs pourraient ne jamais être complètement résolues. Mais une entente sera probablement atteinte pour pouvoir conclure l'accord.

b)   Directive sur la qualité des carburants de l’Union européenne et ressources énergétiques provenant des sables bitumineux du Canada

La question de la qualité des carburants approvisionnés par des sources canadiennes est un des obstacles politiques importants à la ratification ultime de l’accord. M. de Lorimier a mentionné qu’il s’agit effectivement d’un euphémisme pour les ressources énergétiques provenant des sables bitumineux. La Commission européenne a publié une Directive sur la qualité des carburants qui impose des exigences relativement à la composition des carburants afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre[1]. L’article 7a de la Directive modifiée impose ce qu’il est convenu d’appeler une exigence de « norme de carburant à faible teneur en carbone » aux fournisseurs de carburants afin de réduire l'intensité en gaz à effet de serre de l'énergie fournie pour le transport routier. De surcroît, un mouvement est amorcé pour modifier la Directive sur la qualité des carburants afin de désigner le pétrole extrait des sables bitumineux comme ayant une intensité en gaz à effet de serre beaucoup plus élevée que le pétrole provenant d’autres sources.

En Europe, il existe un groupe de pression opposé aux sables bitumineux très puissant et bien organisé. Malheureusement, on constate une déformation importante des faits concernant la qualité des carburants provenant des sables bitumineux. Par conséquent, un message plus vigoureux et plus positif doit être communiqué relativement à la qualité des ressources énergétiques provenant des sables bitumineux et aux efforts déployés pour minimiser les dommages environnementaux associés à la production de ressources énergétiques provenant des sables bitumineux. À titre d’exemple, il a mentionné que plus de 80 % de l’eau utilisée dans la production de pétrole extrait des sables bitumineux est recyclée. Il a également indiqué que la séquestration de carbone est largement utilisée pour limiter les émissions de carbone.

M. de Lorimier a fait observer que l’Europe a besoin d’énergie et que l’énergie canadienne sera grandement prisée en raison des besoins énergétiques globaux de l’Europe et de la diminution des sources d’énergie fiable. À ce titre, il a souligné le boycottage par l’Union européenne du pétrole iranien et l'absence d'une source fiable d’énergie provenant de Russie ainsi que la qualité douteuse du pétrole russe et l'élimination progressive de l’énergie nucléaire en Allemagne. Tous ces facteurs laissent supposer que l’Union européenne voudra ou devra faire appel au Canada pour s’approvisionner en énergie, voire se montrer plus conciliante à l’égard des exigences relatives à la qualité des carburants.

M. de Lorimier a fourni des renseignements importants concernant le fonctionnement de la Commission européenne pour aider la délégation à comprendre certaines des pressions et contradictions institutionnelles entourant la Directive sur la qualité des carburants et les ressources énergétiques provenant des sables bitumineux. Il est d’avis que les divers commissaires de la Commission européenne travaillent souvent à contre-sens. Tandis que le commissaire chargé de l’environnement, qui est responsable d’administrer la Directive sur la qualité des carburants, s’oppose généralement aux ressources énergétiques provenant des sables bitumineux, le commissaire chargé de l'énergie de l'Union européenne a tendance à favoriser les sources d'énergie canadiennes. Cette question ne semble pas faire consensus. Le Canada pourrait tirer parti de cette divergence d’opinion.

c)    Crise de l’euro

M. de Lorimier a donné une mise à jour aux membres de la délégation concernant les négociations continues en vue de régler la crise de l’euro. Pour les pays de la zone euro, la difficulté réside dans l’absence de politiques budgétaires coordonnées. Alors que le plan de sauvetage de la Grèce pourrait régler les problèmes à court terme dans la zone euro, les fonds supplémentaires pour aider la Grèce à faire face à ses obligations à l’égard de sa dette ne fourniront pas les solutions requises pour éviter une répétition de la crise. Une solution politique et juridique sera exigée. Dans les faits, les traités de l'Union européenne devront être modifiés pour imposer une certaine discipline financière aux pays de la zone euro comme condition d’admissibilité au financement de la dette souveraine par l’Union européenne, y compris la Banque centrale européenne. En revanche, pour modifier les traités, il sera nécessaire d’obtenir le consentement des 27 membres de l’Union européenne. Un tel consentement est loin d’être assuré puisqu’un certain nombre de pays ont déjà exprimé leur opposition à la modification des traités. En outre, un traité distinct devra être négocié entre les 17 membres de la zone euro.

M. de Lorimier a fait observer que, pour l’instant, la Grèce est assujettie à des mesures de stabilité financière, mais que d’autres pays sont vulnérables. Il a souligné que l’Italie pourrait également avoir besoin d’une aide financière. En Italie, le problème n’est pas une question de richesse ou de manque de ressources financières, mais une question de mauvaise gestion et d’organisation des ressources. Même la France montre des signes de vulnérabilité. Elle a récemment perdu sa note financière AAA de la dette souveraine tant convoitée. Cette situation pourrait finalement avoir des conséquences politiques pour le président Nicolas Sarkozy, dont les chances d’être réélu au cours des élections présidentielles à venir ne sont pas assurées.

d)   Situation politique en Belgique

Malgré la résolution obtenue concernant un certain nombre de questions constitutionnelles qui paraissaient insolubles (la circonscription électorale de Bruxelles-Halle-Vilvoorde où les électeurs flamands craignaient l’empiètement des francophones et un accord en vue d'une réforme constitutionnelle visant à transférer davantage de pouvoirs du niveau fédéral au niveau régional) et la création d’un gouvernement le 6 décembre 2011, des préoccupations existent toujours quant à la stabilité du gouvernement. Même si les principaux partis politiques en Belgique ont été capables de s’entendre sur le choix d’un premier ministre (Elio Di Rupo, un socialiste francophone) et de son cabinet, qui a été assermenté le 6 décembre 2011, on ignore combien de temps durera la coalition. M. de Lorimier a indiqué que le manque de partis nationaux et le fait que chaque parti politique soit composé de Flamands et de Wallons pourrait créer de l’incertitude quant à la stabilité de la coalition actuelle formée de six partis politiques.

3.    Réunion avec le secrétaire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit

La délégation canadienne a assisté à une présentation donnée par M. Thomas Markert, directeur et secrétaire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit. M. Markert a donné un aperçu des activités de la Commission.

La Commission européenne pour la démocratie par le droit, appelée aussi la Commission de Venise, a été créée en 1990 comme organisme consultatif du Conseil de l’Europe dans le but de fournir des avis impartiaux concernant le droit constitutionnel, notamment des avis sur le fonctionnement des institutions démocratiques et les droits fondamentaux, la législation électorale et la justice constitutionnelle. Elle le fait en fournissant des avis à la demande des États et des divers organes du Conseil de l’Europe – l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le Comité des Ministres et le secrétaire général – ainsi qu’à la demande de l’Union européenne. Ces avis sont accessibles au public et affichés sur le site Web de la Commission.

Le travail de la Commission est effectué par des experts indépendants qui sont considérés des sommités dans leur domaines d’étude[2]. Ces experts comprennent des chercheurs dans les secteurs du droit international et du droit constitutionnel, des juges siégeant au sein de cours suprêmes ou de tribunaux constitutionnels et des membres des parlements nationaux. Ces personnes sont nommées pour un mandat de quatre ans par les pays membres de la Commission.

Les pays membres de la Commission comprennent les 47 membres du Conseil de l'Europe et plusieurs États qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe. La Commission compte maintenant 57 États membres à part entière et un certain nombre d’États associés, d'États observateurs et d’États jouant un rôle de coopération spéciale qui participent aux travaux de la Commission. Le Canada, à l’instar de l’Argentine, le Saint-Siège, le Japon, le Kazakhstan, les États-Unis et l’Uruguay, est un membre observateur de la Commission.

M. Markert a examiné les travaux de la Commission. Il a fait observer que la Commission joue un rôle important pour promouvoir l’adoption des constitutions par des pays membres et non membres qui respectent les normes constitutionnelles de l’Europe[3]. La Commission a joué un rôle instrumental dans la rédaction des constitutions de nombreux pays de l’ancien bloc de l’Est et des États-nations nouvellement créés dans les Balkans (la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro, par exemple) qui ont fait ou qui sont en train d’entreprendre la transition vers la démocratie. Ces pays n’ont pas eu une grande expérience des constitutions et des institutions démocratiques. Depuis les travaux initiaux visant l’établissement de nouvelles constitutions, la Commission a fait beaucoup de suivi auprès de ces pays pour « peaufiner » leurs structures constitutionnelles et s'attaquer aux problèmes de mise en œuvre.

Les pays arabes manifestent également un intérêt envers les travaux de la Commission, notamment les pays qui sont en train d’évoluer vers des formes de gouvernement plus démocratiques à la suite de nombreuses années de régime autocratique.

M. Markert a abordé les difficultés constitutionnelles et politiques dans un certain nombre de pays où la Commission est présente. En Hongrie, un nouveau gouvernement a été créé avec une coalition de partis politiques dirigés par le Parti Fidesz. La coalition a obtenu les deux tiers des sièges au Parlement hongrois, ce qui a permis au gouvernement d’implanter des modifications constitutionnelles importantes, dont beaucoup ont fait l’objet de vives critiques en Hongrie et en Europe. Au nombre des réformes les plus répréhensibles, citons les suivantes : aucun consensus avec les partis d’opposition n’a été cherché lors de la rédaction de la nouvelle constitution; d’importantes vérifications concernant le pouvoir du gouvernement ont été éliminées, notamment les vérifications fournies par la magistrature et la banque centrale; et le tribunal constitutionnel ne peut pas analyser le budget pour veiller à ce que le gouvernement respecte ses engagements en matière des droits de la personne.

Un des nombreux problèmes qu’il a cernés a trait aux dispositions législatives portant atteinte à l’indépendance judiciaire. Ces dispositions ont abaissé l’âge de retraite des juges, lequel passe de 70 à 62 ans. Cette situation entraînera la perte de 300 juges principaux. Le processus de nomination des nouveaux juges, qui pourrait être entaché par des considérations politiques partisanes, soulève aussi des inquiétudes. L’Union européenne aborde la question avec ménagements et la traite comme une question de discrimination fondée sur l’âge. L’Union européenne a demandé à la Commission de Venise de formuler un avis concernant la question de l’indépendance judiciaire. L’Union européenne a déjà exercé des pressions avec succès concernant l'indépendance de la banque centrale de Hongrie, et la Hongrie a fait marche arrière relativement à ses initiatives de contrôle gouvernemental accru sur la banque centrale. 

En ce qui a trait à la situation politique en Russie, M. Markert a mentionné que la Commission de suivi (la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe) de l’APCE a demandé à la Commission de rencontrer des représentants des autorités russes et d’autres intervenants intéressés pour examiner les initiatives antidémocratiques préoccupantes récemment mises en place par la Fédération de Russie et d’émettre une opinion concernant celles-ci. Voici les questions sur lesquelles la Commission se penchera et pour lesquelles elle fournira un avis : les dispositions législatives en vue des élections à la Douma; les dispositions législatives portant atteinte à la liberté de réunion (les soi-disant « lois sur les réunions, rassemblements, marches et piquets »); la désignation extrémiste donnée aux opposants politiques et aux activistes (la loi sur la lutte contre les activités extrémistes); et la loi sur le service fédéral de sécurité (FSB). La Commission s’attend à ce que son rapport concernant le respect des obligations et engagements par la Fédération de Russie soit prêt à temps pour la troisième partie de la session de l’Assemblée en juin 2012.

En ce qui a trait à l’Ukraine, M. Markert a parlé de la poursuite et de la condamnation récentes de l’ex-première ministre Yulia Tymoshenko et du problème d’indépendance judicaire connexe en Ukraine. Il a souligné que Mme Tymoshenko a subi un procès devant juge en l’absence du droit au maintien dans les lieux, et a souligné d’autres irrégularités dans sa poursuite. Il a notamment fait observer que le service des poursuites en Ukraine est extrêmement puissant, mais qu’il faisait l’objet de manipulations de la part de l’autorité exécutive. En ce qui concerne le procès de Mme Tymoshenko, on pourrait souligner que cette dernière ainsi que d’autres membres de son gouvernement, ont été jugés en vertu de plusieurs dispositions controversées du Code criminel d’Ukraine – Articles 364 (abus d’autorité) et 365 (outrepassement d’autorité ou de fonction). Comme l’a indiqué l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans une résolution adoptée au cours de la première partie de la session de 2012, ces dispositions permettent effectivement la pénalisation des décisions politiques normales, et ce, post facto, ou de façon rétroactive[4]. S’agissant de l’indépendance judiciaire, la résolution réclame que l’Ukraine supprime ou raccourcisse considérablement la période d’essai de cinq ans prévue pour les juges. La résolution indique également que les juges ne devraient pas instruire d’affaires politiquement sensibles ou complexes pendant leur période d’essai.

M. Markert a souligné que le travail du Canada dans les secteurs touchant aux élections et à la justice constitutionnelle est tenu en haute estime par la Commission. Il a déploré le fait que le Canada ne soit pas membre de la Commission, bien qu’il y soit admissible (le Canada détient actuellement le statut d’observateur). Les Canadiens ont collaboré aux travaux de la Commission dans divers secteurs, notamment la réforme électorale, la réforme constitutionnelle et la réforme judiciaire. M. Markert a fait observer qu’en tant que pays doté d’une structure constitutionnelle fédérale, le Canada serait un candidat idéal pour l’obtention du statut de membre à part entière. Il a également souligné l’apport exceptionnel de certains juges de la Cour suprême du Canada aux conférences organisées par la Commission et à d’autres projets de la Commission liés à la réforme constitutionnelle. Il a mentionné que la juge en chef de la Cour suprême du Canada, la très honorable Beverley McLachlin, doit participer à une conférence ultérieure de la Commission.

Un État membre de la Commission pourrait participer pleinement aux activités de la Commission, notamment sa gouvernance, le plein droit de vote lors des assemblées plénières et d’autres réunions, ainsi que la préparation de rapports et d’avis. Les observateurs bénéficient de formes de participation plus restreintes. M. Markert évalue à 60 000 euros les droits annuels des États membres. Les États ayant le statut d’observateur n’ont pas à verser de droit d’adhésion. On a également fait observer que bien que le Canada détienne le statut d’observateur, personne n’a été désigné pour participer aux activités de la Commission.

4.    Réunion avec les membres de la délégation de la République tchèque

Les délégués canadiens ont rencontré trois représentants de la délégation de la République tchèque lors de l’APCE : M. Vaclav Kubata, député et membre de la Commission des affaires étrangères, Chambre des députés, et président de la délégation tchèque auprès de l’APCE; Mme Jana Fischerova, députée, Chambre des députés; et M. Otto Chaloupka, député, Chambre des députés.

La discussion a porté principalement sur le fait que le gouvernement du Canada a imposé des exigences relatives aux visas aux visiteurs de la République tchèque en juillet 2009. En guise de contexte, en octobre 2007, le Canada a levé les exigences relatives aux visas pour les citoyens de la République tchèque. Dans les quelque deux années d’exemption de visa, le Canada a été confronté à un afflux de demandes d’asile émanant de citoyens tchèques. Le gouvernement du Canada a estimé avoir reçu près de 3 000 demandes au cours de cette période, comparé à moins de cinq demandes en 2006. Beaucoup de ces demandeurs d’asile étaient des Roms. En 2010, le nombre de demandes d’asile provenant de la République tchèque a diminué de 99 % par rapport à 2009. La République tchèque s’est opposée aux exigences relatives aux visas et a cherché activement à obtenir l'appui de l'Union européenne (étant donné que les visas sont du ressort de la Commission européenne) pour exercer des pressions sur le Canada afin que celui-ci lève les exigences relatives aux visas. La République tchèque a également menacé de ne pas ratifier l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne qui est en train d’être négocié et qui exige la ratification des 27 pays membres de l'Union européenne.

M. Kubata, président de la délégation tchèque, a d’abord indiqué que la question des visas préoccupe particulièrement la République tchèque. Il croit que le traitement des Roms en République tchèque a été beaucoup exagéré, voire dramatisé dans les médias. Il trouve très irritant qu’on allègue parfois le racisme pour décrire leur traitement. Il considère que le gouvernement tchèque s'efforce de répondre aux besoins des Roms et de leur fournir le soutien social requis pour les intégrer dans la société tchèque. Il craint qu’un groupe beaucoup plus important de visiteurs tchèques ne soit touché par les exigences relatives aux visas. Malgré la réaction du gouvernement tchèque à l’égard de la question des visas, il demeure convaincu que le gouvernement tchèque appuiera l’AECG.

M. Di Nino a souligné que le Canada et la République tchèque entretiennent de bonnes relations. Même si la question des visas peut être perçue comme une pomme de discorde dans le cadre de cette relation, le gouvernement du Canada cherche à régler la question. Il a mentionné que l’AECG représente un accord important pour les deux pays. Beaucoup de progrès sont faits pour conclure l'accord, lequel pourrait être signé dès le printemps 2012. Il a ajouté que le Canada était au nombre des pays les plus généreux au monde en ce qui a trait à l'accueil d'immigrants. Il n'en demeure pas moins que la prise de mesures par le Canada est justifiée advenant des doutes concernant la légitimité de certaines demandes d’asile et le resquillage.

M. Davies a indiqué que le Canada accorde le statut d’exemption de visa à plus de 50 pays. Huit critères servent à déterminer si un pays doit obtenir ce statut, notamment celui d’avoir constamment respecté les modalités des visas ainsi que le nombre de titulaires de visa d’un pays donné revendiquant le statut de réfugié. En ce qui a trait aux visas de la République tchèque, les gens ont l’impression que les demandes d’asile présentées par les Roms ne sont pas fondées. Il a indiqué qu’il admet que la République tchèque a pris des mesures appropriées pour protéger les Roms. En outre, le gouvernement du Canada n’estime pas que les Roms sont persécutés en République tchèque. C’est pour cette raison que leurs demandes d’asile ne sont pas considérées bien fondées. M. Davies a souligné les propositions récentes du gouvernement visant à réformer le système de détermination du statut de réfugié. L’approche communément appelée « liste des mesures de soutien des pays » est examinée par le gouvernement. Dans le cadre de cette approche, si un pays figure sur une liste approuvée de pays n’exigeant pas de visa, aucune revendication du statut de réfugié n’est possible pour les personnes originaires de ces pays, et aucun appel ne peut être interjeté des décisions de refuser d’entrée de jeu une revendication du statut de réfugié. Même si son parti n'appuie pas nécessairement la proposition, celle-ci pourrait offrir une piste de solution pour régler le problème des visas tchèques.

Une discussion générale a eu lieu concernant le gouvernement, la démocratie et l’économie dans les deux pays. Lors de la dernière élection du parlement tchèque, la participation électorale s’est établie à 64 %, comparé à 61 % au Canada. M. Kubata déplore ce qu’il a décrit comme étant un manque de respect envers les politiciens dans son pays. Il s’est dit préoccupé par l’augmentation des oligarques au sein du processus politique. On allègue qu’un des oligarques a suffisamment d’argent pour financer toute une campagne électorale. La participation des femmes au sein du Parlement tchèque est d’un peu plus de 25 %, ce qui est comparable à la participation des femmes au Canada, qui s’établit à un peu moins de 25 % à la suite de la dernière élection fédérale, bien qu'on souligne que cette situation est largement attribuable à l’augmentation importante du nombre de députées du Nouveau Parti démocratique. Environ 40 % des députés du Nouveau Parti démocratique sont des femmes.

La majorité des médias nationaux appartiennent à des intérêts privés, notamment quatre réseaux de télévision indépendants. En République tchèque, tous les journaux nationaux, sauf un, sont contrôlés par d’autres pays de l’Union européenne.

En règle générale, les conditions économiques sont bonnes en République tchèque. Comparé à d’autres pays, la République tchèque a su tirer son épingle du jeu lors de la crise financière en Europe grâce, en garde partie, à son secteur bancaire et financier bien réglementé. Ce pays exporte surtout des automobiles et de la machinerie. Le pays assemble les automobiles de marques Skoda, Volkswagen et Peugeot/Citroën. Le projet spatial Galileo de l'Union européenne sera basé à Prague, ce qui accroîtra les possibilités d’emploi dans ce pays. Au nombre des défis économiques, citons les suivants : la réforme des soins de santé; la réforme des pensions; les dépenses du secteur public; la dépendance excessive sur un petit groupe de pays de l'Union européenne pour les exportations tchèques (principalement l’Allemagne); et l’autosuffisance énergétique. M. Kubaita a fait remarquer que le pays doit accroître ses possibilités d'exportation avec des pays comme la Turquie, le Canada et les pays BRIC. L’autosuffisance énergétique pose particulièrement problème vu le manque de fiabilité des approvisionnements en gaz russe.

5.    Réunion avec les membres de la délégation du Mexique

Les délégués canadiens ont eu une réunion avec des membres de la délégation d’observateurs du Mexique. Une discussion approfondie a eu lieu sur les sujets suivants : les voyages et le tourisme au Mexique; les relations commerciales; les visas; les conditions économiques au Mexique; et le rôle des femmes au sein du processus politique au Mexique.

M. Di Nino a fait remarquer que les médias canadiens signalent que le Mexique demeure la destination touristique favorite des Canadiens. Bien qu’il y ait eu un certain nombre de cas signalés de violence contre des touristes qui ont été très médiatisés, le Mexique est généralement considéré comme une destination touristique sûre.

Les exigences relatives aux visas imposées aux visiteurs mexicains continuent d’être un point sensible dans la relation entre le Canada et le Mexique. En revanche, le gouvernement du Canada a pris des mesures pour faciliter et simplifier le processus de demande de visa, notamment en réduisant les formalités administratives et en mettant sur pied d'autres centres de demande de visa au Mexique.

On a fait observer que le Canada et le Mexique entretiennent d’excellentes relations commerciales grâce, en partie, à l’Accord de libre-échange nord-américain. Le Mexique est le cinquième marché d’exportation le plus important pour le Canada et le troisième exportateur le plus important vers le Canada. En 2001, les échanges bilatéraux ont dépassé 27 milliards de dollars. Le Canada est également au nombre des pays les plus importants à avoir des investissements directs au Mexique, soit plus de 4,6 milliards de dollars. Environ 2 500 entreprises canadiennes sont exploitées au Mexique, y compris Bombardier et Research in Motion, outre de nombreuses petites et moyennes entreprises.

La délégation mexicaine a décrit la situation économique au Mexique comme étant généralement stable pour les Mexicains de classe moyenne ayant accès au capital et au crédit. Des sources situent le taux de chômage à environ 6 %. Bien que son secteur manufacturier reste viable, le Mexique est menacé par des fabricants à faible coût étrangers, notamment la Chine. Les producteurs chinois attirent des investisseurs mexicains qui veulent obtenir de faibles coûts d’assemblage en usine et un régime de réglementation moins rigoureux sur les plans de la main-d'œuvre et de l'environnement. On accuse également les fabricants chinois de dumping illégal de produits principalement piratés, situation qui a nui au secteur manufacturier au Mexique. On allègue que la corruption des autorités mexicaines facilite le dumping.

Une discussion a eu lieu concernant la région de fabrication des maquiladoras. Les délégués mexicains ont indiqué que, bien que la région ait réussi à attirer des investissements étrangers, la région est aux prises avec de nombreux problèmes sociaux et économiques, y compris un taux élevé de consommation de drogues et de criminalité ainsi que la violence liée aux gangs de rue, les assassinats et de piètres conditions de travail et d’emploi pour les travailleurs. Certains des délégués déploré l’exploitation des femmes, sur lesquelles dépendent les usines des maquiladoras pour obtenir une main-d’œuvre à bon marché pour l’assemblage des produits électroniques. On a dit que la Chine était un des plus grands violateurs des droits des travailleurs.

En terminant, les délégués ont eu une discussion sur les perspectives des femmes en politique au Mexique. Les femmes représentent environ 23 % des membres du Sénat du Mexique et 28 % des membres de la Chambre des représentants. Malgré l’imposition d’un système de quotas en vertu duquel les partis politiques doivent inclure un nombre minimum de femmes sur les listes de candidats des partis, le nombre de représentants de sexe féminin est décevant. Les délégués ont formulé des observations sur un certain nombre de techniques utilisées par les partis politiques pour contourner le système de quotas, notamment la pratique voulant que des candidates élues démissionnant peu après l’élection soient remplacées par des candidats de sexe masculin.

6.    Réunion avec le chef du Bureau chargé de l’observation des élections de l’APCE

M. Consiglio Di Nino a participé à une réunion avec M. Vladimir Dronov, chef de la Division de la coopération interparlementaire et de l’observation des élections de l’APCE, ainsi qu’avec M. de Lorimier afin de discuter du travail accompli par le Bureau chargé de l’observation des élections de l'APCE. Cette réunion a été organisée à la demande de M. de Lorimier qui voulait mieux comprendre les activités de l’APCE dans le secteur de l’observation des élections, notamment en lien avec le travail accompli par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui alloue des ressources considérables à l'observation des élections. M. de Lorimier jugeait opportun d’organiser une réunion étant donné l’expérience considérable de M. Di Nino au chapitre de l’observation des élections dans le cadre de son travail avec la délégation canadienne auprès de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

La réunion a donné l’occasion à M. Dronov et à M. Di Nino d’avoir un échange de vues concernant le travail des deux organismes. M. Di Nino a souligné que le travail de l’OSCE dans le secteur du développement démocratique ne se limitait pas à l’observation des élections. L’OSCE participe aussi aux préparatifs électoraux comme l'inscription des électeurs, l'inscription des partis et la participation des médias. À la suite d’élections, l’OSCE assurera un suivi auprès des organisations non gouvernementales, des partis politiques et d'autres intervenants intéressés pour examiner la transition de pouvoir. Les membres de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE sont invités à participer aux missions d’observation des élections. M. Di Nino a mentionné avoir pris part à de nombreuses missions d’observation des élections en tant que délégué de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Il a également précisé que les missions peuvent être courtes ou longues, selon les défis que doit relever un pays pour assurer la transition vers la démocratie et mettre en place des institutions démocratiques.

M. Dronov a discuté de l’évolution récente de l’observation des élections par l’APCE. Les nouvelles lignes directrices concernant les conflits d’intérêts à l’intention des parlementaires qui participent aux missions d’observation des élections ont été établies par l'APCE. Les lignes directrices répondent à un certain nombre de préoccupations, y compris les pays à la recherche du forum le plus favorable dans le but de trouver un organisme qui fournira un rapport plus positif d’une élection qui doit être observée. L’APCE tente également de s’attaquer à la situation de parlementaires qui portent atteinte à l’intégrité des missions d’observation des élections de l’APCE en raison de partis pris favorables ou défavorables au pays dont les élections sont observées. Une des façons dont l’APCE essaie de régler les partis pris possibles consiste à équilibrer les équipes d’observation des élections en jumelant des parlementaires de diverses nationalités ou origines ethniques.

L’APCE a dépêché des missions dans des pays européens et non européens, y compris au Chili, au Maroc, au Kazakhstan, en Afrique du Sud et en Tunisie. En règle générale, les groupes politiques au sein de l’APCE et les parlements des pays membres assument les coûts de la participation de leurs délégués à une mission d’observation. Chaque mission est généralement composée d’une trentaine d’observateurs électoraux.

7.    Réunion avec la délégation du Maroc

La délégation canadienne a profité de sa participation à la première partie de la session de l’APCE pour rencontrer des délégués de la délégation marocaine auprès de l’APCE. Le Parlement du Maroc a obtenu le statut de partenaire pour la démocratie le 21 juin 2011, dans le cadre des efforts continus déployés par l’APCE pour travailler avec des pays du Maghreb et d’autres régions avoisinantes qui désirent profiter de l’expérience de l’Assemblée au chapitre du développement démocratique et de la promotion de la primauté du droit[5]. Les délégués ont rencontré M. Lahcen Biyjeddiguen, vice-président de la Chambre des conseillers au Parlement du Maroc, M. Mekki El Hankouri, député à la Chambre des conseillers au Parlement du Maroc, et Mme Ghyslaine Derrous, conseillère auprès de la délégation marocaine. Une discussion approfondie a eu lieu sur les sujets suivants : les relations entre le Canada et le Maroc; le processus de démocratisation au Maroc; les relations entre le Maroc et d’autres pays, et les conditions sociales au Maroc.

M. Di Nino a d’abord souligné les bonnes relations qu’entretient le Canada avec le Maroc, notamment dans les secteurs du commerce ainsi qu’au chapitre des échanges dans les domaines de la culture et de l’éducation. M. El Hankouri a indiqué que le Canada est largement reconnu au Maroc. Un grand nombre de Marocains immigrent au Canada, les Marocains hautement spécialisés ayant tendance à choisir le Canada plutôt que l’Union européenne, laquelle est une destination principale pour les Marocains peu spécialisés. Une chambre de commerce marocaine a récemment été créée au Canada. Beaucoup d’étudiants sont inscrits dans les universités canadiennes et il y a une volonté d’accroître les relations dans les domaines du commerce, de l’éducation et de la culture.

Les délégués ont abordé certains des défis que doivent relever les professionnels spécialisés qui émigrent au Canada, notamment la difficulté de faire reconnaître leurs qualifications professionnelles acquises à l’étranger et la difficulté à laquelle se heurtent beaucoup de professionnels pour trouver du travail dans leur domaine de spécialité en raison de la non-reconnaissance de leurs compétences. Les délégués ont reconnu ces problèmes, mais ont souligné que la reconnaissance des titres de compétences étrangers ne relève pas de la compétence législative du gouvernement fédéral. Chaque profession est gérée de façon autonome et relève de la compétence des provinces. Toute mesure législative visant à faciliter la reconnaissance des titres de compétences étrangers serait prise par les provinces. Le Canada a toutefois établi un programme pour permettre aux professionnels de fournir des renseignements concernant leurs niveaux d’études et qualifications professionnelles en vue d’obtenir une évaluation de la pertinence de leurs demandes de reconnaissance des titres de compétences étrangers et de leurs chances d’obtenir une telle reconnaissance.

Depuis les années 1990, le Maroc a mis en place des réformes constitutionnelles et institutionnelles importantes. Bien que le Maroc soit une monarchie constitutionnelle – le Roi du Maroc ayant des pouvoirs exécutifs considérables –, un certain nombre de réformes importantes ont permis de renforcer les institutions démocratiques du Maroc. En raison des réformes constitutionnelles, le Parlement, composé d’une chambre haute, de la Chambre des conseillers et d'une chambre basse, la Chambre des représentants a acquis des pouvoirs qui s’étendent aux questions budgétaires, à l’approbation des projets de loi, à l’interrogation des ministres, et à l’établissement de commissions ad hoc chargées d’enquêter sur les actions du gouvernement. En outre, la Chambre des représentants peut dissoudre le gouvernement par une motion de censure[6].

La Chambre des représentants est composée de 325 sièges, dont 30 sont réservés exclusivement aux femmes au moyen d’une liste nationale composée uniquement de femmes. Les 295 autres membres sont élus dans 95 circonscriptions plurinominales. Les membres de la Chambre des conseillers sont élus indirectement. Une grande majorité des conseillers sont choisis par des collèges électoraux qui représentent les diverses régions du pays et qui sont composés de représentants du gouvernement local. Les autres membres sont choisis par des collèges électoraux qui représentent les membres élus des chambres professionnelles (représentant le secteur agricole, le commerce, l’industrie et d’autres secteurs), ainsi que par des collèges électoraux composés des syndicats. Au cours des dernières élections, un parti islamiste, le PJD, a obtenu une majorité des sièges à la chambre basse.

Des réformes sociales importantes sont également en cours au Maroc. La polygamie est maintenant extrêmement rare à la suite des réformes judiciaires apportées au Code de la famille en 2007. (La polygamie est dorénavant autorisée seulement dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de conditions très strictes prévues par la loi.) Les réformes du Code de la famille ont également permis aux femmes d’acquérir des droits additionnels, notamment le droit d'obtenir un divorce et certains droits de propriété.

8.    Intervention canadienne dans les débats de l’Assemblée

Les délégués canadiens ont participé activement aux débats de l’Assemblée, notamment des discours prononcés par M. Di Nino, M. Chisu, M. Davies et Mme Bateman. Au total, six discours ont été prononcés, et le texte de chaque discours a été soumis à l’Assemblée étant donné que le débat a été écourté avant que le discours puisse être prononcé. Tous les discours prononcés par les délégués, que les délégués aient le statut de membre ou d’observateur, sont versés au compte rendu d’audience de l’Assemblée et sont accessibles au public.

Les discours suivants ont été prononcés par des délégués :

·M. Chisu a prononcé un discours intitulé « Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine ».

Je suis très heureux d’avoir la possibilité de prendre la parole devant cette Assemblée pour évoquer les défis que devra relever la Bosnie-Herzégovine afin de parvenir à une démocratie pleine et entière. Lancer la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine est une nécessité impérieuse, tant pour la population que pour l’Europe. Il est vraiment regrettable que les dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine n’aient pas été capables de lancer des réformes nécessaires pour modifier la Constitution et les institutions démocratiques du pays, car ce n’est qu’ainsi que la population pourra aller de l’avant et participer pleinement aux progrès économiques et sociaux dont elle pourra engranger les bénéfices.

Nous déplorons que les fonds nécessaires au développement économique et social de la Bosnie-Herzégovine ne puissent lui parvenir du fait de ce blocage persistant et de l’absence d’un gouvernement opérationnel. Le FMI et l’Union européenne ont pourtant tous deux promis des fonds importants – 1,2 milliard d’euros du premier et 100 millions d’euros de l’Union européenne. Malheureusement, ces fonds n’ont pu être versés, faute d’un cadre fiscal ayant fait l’objet d’un accord entre les différents partis politiques. L’impasse politique a également eu une incidence très importante sur les investissements directs étrangers.

Le Canada est particulièrement soucieux du fonctionnement complet des institutions gouvernementales en Bosnie-Herzégovine. Le Canada est membre du Conseil de mise œuvre de la paix et de son conseil exécutif. Nous avons dépêché 40 000 troupes en Bosnie-Herzégovine pendant plus de quinze ans. Le Canada a également investi plus de 450 millions dans la région des Balkans, la Bosnie-Herzégovine étant l’un des plus grands destinataires de ces fonds. Les activités plus récentes ont mis l’accent sur le renforcement de la primauté du droit, de la santé et de l’éducation. Le Canada a également joué un rôle important dans des secteurs comme le maintien de l’ordre, l’action antimines, les droits de la personne et la liberté des médias.

Je suis d’accord avec les rapporteurs pour dire que l’Accord de Dayton représente, dans une certaine mesure, un carcan qui donne naissance à de nombreux défis dès lors qu’il s’agit des institutions démocratiques au fonctionnement stable. Ce carcan doit permettre de préserver un équilibre entre les différents groupes ethniques en présence. L’accord ne peut pas continuer à servir d’excuse pour compromettre la bonne foi et la collaboration. Il faut absolument que tous les partis aient une volonté de travailler ensemble pour mener à bien les réformes institutionnelles indispensables. Le soi-disant plan directeur pour la réforme constitutionnelle, mis en place par la Commission de Venise en 2005, propose un certain nombre de solutions pour s’attaquer à ce qui ne peut être décrit que comme une crise constitutionnelle.

Pour ce qui est de l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’affaire Sedjić et Finci, on ne peut que constater qu’il n’y a pas de place dans une démocratie moderne pour la discrimination au motif de l’appartenance ethnique ou de la race, principe consacré dans la Constitution d’un pays qui refuse aux Juifs et aux Roms de se porter candidats à des fonctions publiques, en l’occurrence à la présidence et à la Chambre des peuples.

Je demande aux dirigeants politiques de travailler ensemble pour mener à bien les réformes dont le pays a besoin. Il ne pourra qu’en sortir grandi. Les recommandations proposées par les corapporteurs sont raisonnables et peuvent avoir beaucoup d’impact, si tout le monde en a la volonté politique. Merci.

·M. Davies a prononcé un discours intitulé « Le droit de chacun de participer à la vie culturelle ».

Je suis heureux de m’entretenir d’un sujet qui souvent n’appelle pas l’attention qu’il mérite, soit le rôle de la culture en société et l’importance de son accès aux jeunes.

Nous vivons à une époque où, en dépit des richesses et des ressources considérables dont peut disposer un pays pour promouvoir et assurer l'essor de sa vie culturelle, les avantages de la culture sont mal répartis. Bien que nous prétendions reconnaître la vie culturelle comme un droit humain en l’inscrivant dans les conventions internationales qui visent à promouvoir et à garantir la participation à la vie culturelle, une large partie de nos populations ne peut pas profiter de la vie culturelle, et ce, ni en tant que participants ni en tant que créateurs.

Le lien entre la culture et les droits humains a été relevé par Mme la rapporteure. Les ressources culturelles sont, en effet, essentielles pour exercer d’autres droits, tels que les droits démocratiques ou les droits des citoyens, et les droits culturels sont nécessaires pour l’épanouissement par l’éducation, notamment de nos jeunes. Les possibilités de s’instruire nous permettent de développer pleinement notre potentiel en tant que citoyens et personnes.

Rappelons que l’absence d’accès à la culture, aux arts et à d’autres activités de création pourrait être le symptôme d’un problème plus vaste, à savoir le manque de financement de nos écoles. La musique, la danse, les arts visuels et les autres façons de s’exprimer permettent aux jeunes de devenir des personnes accomplies, expressives et nuancées, et de résoudre les problèmes de manière créative. Or, en raison des compressions dans le secteur de l’éducation et des compressions plus générales dans les secteurs des arts et de la culture, l’art et la culture sont les premiers à souffrir, car l’on croit trop souvent encore que la culture n’est ni praticable ni essentielle à la vie économique, alors que nous savons que l’industrie culturelle contribue considérablement à la santé économique d’un pays, qu’on le mesure en termes de PIB et d’exportations ou en tenant compte de l’importance de la culture pour le développement de notre patrimoine national. Nous avons estimé l’impact économique de la culture au Canada à 84 milliards de dollars par an, soit à 7,4 % du PIB du Canada en 2007. En outre, le secteur de la culture procure environ 1,1 million d’emplois à notre économie.

Pour ce qui est de la contribution des arts et de la culture à notre patrimoine culturel national, il est largement reconnu par tous les gouvernements que les programmes mis en place ont deux catégories d'objectifs : économiques et sociaux. Cela a incité les pays à mettre en œuvre des conventions internationales pour protéger leur patrimoine culturel. Au Canada, un document important est la Convention des Nations Unies sur la protection et la promotion de la diversité de l’expression culturelle. Je suis fier du fait que le Canada a joué un rôle prépondérant dans la formulation de la convention et qu’il a été l’un des premiers pays à la ratifier.

Nous devons continuer de créer, de promouvoir et de partager la culture afin de mieux comprendre l’importance de la culture et d’embrasser toute la richesse de l’expression humaine. En respectant tous les peuples et les différences, nous pourrons créer un meilleur monde pour tous.

·M. Di Nino a prononcé un discours intitulé « Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme ».

Je veux tout d’abord féliciter Mme la rapporteure pour son excellent travail.

Je vous remercie de me donner l’occasion d’exprimer le point de vue d’un pays observateur sur une question aussi fondamentale, non seulement pour le Conseil de l’Europe mais aussi pour le monde entier. Je veux maintenant présenter un autre point de vue. Si les questions évoquées par Mme la rapporteure peuvent être considérées comme internes aux États membres du Conseil de l’Europe, il importe cependant de se rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont une grande influence au-delà des frontières de l’Europe.

La Cour jouit d’une excellente réputation à l’échelle mondiale : cette institution rend des arrêts bien argumentés et respectés, qui ont inspiré les jurisprudences de juridictions de nombreux pays, y compris la Cour suprême du Canada lorsqu’il s’agissait d’interpréter et de mettre en œuvre notre propre charte des droits et des libertés. Dans des pays jeunes tels que le Canada, les tribunaux cherchent souvent à s’orienter en matière de droits fondamentaux et de droit constitutionnel à partir d’arrêts raisonnés d’instances comme la Cour européenne des droits de l’homme. Un examen des arrêts de la Cour suprême du Canada montre qu’elle s’est souvent inspirée, effectivement, des arrêts de la Cour de Strasbourg, qu’elle y a fait référence et qu’elle a parfois repris ses raisonnements. Elle s’est appuyée sur des arrêts de la Cour de Strasbourg à propos d’un vaste éventail d’affaires touchant à de nombreux droits et libertés : liberté religieuse, liberté de la presse, accès à la justice et aux tribunaux, droit à la vie, liberté et sécurité de la personne, protection contre les détentions arbitraires et châtiments corporels, droits de l’enfant, etc.

Soulignons que l’influence de la Cour ne se résume pas à celle de son excellente jurisprudence. La Cour a contribué au renforcement des valeurs de la démocratie et de la primauté du droit au sein de l’Union européenne et dans les régions voisines. Cela a été extrêmement précieux pour certains États européens qui, après des décennies d’oppression, ont œuvré à la mise en place d’institutions démocratiques. En témoigne le fait que le Conseil de l’Europe compte aujourd’hui 47 États membres.

Je demande à l’Assemblée parlementaire d’appuyer les mesures proposées par Mme la rapporteure, notamment de demander au Comité des Ministres de prier les États membres de mettre en place une législation ou d’autres moyens pour garantir un respect accru des arrêts de la Cour. Mme la rapporteure recommande que l’Assemblée parlementaire joue un rôle plus important lorsqu’il s’agit de faire le point sur les efforts des États membres dans la mise en œuvre des réformes convenues dans le cadre des Conférences d’Interlaken et d’Izmir. Il faut soutenir cette recommandation.

·M. Chisu a prononcé un discours intitulé « La situation au Bélarus ».

Je suis heureux d’avoir la possibilité de prendre la parole devant cette Assemblée concernant la situation au Bélarus. La situation en matière de droits de la personne et de démocratie au Bélarus ne peut être qualifiée que de catastrophique, et rien ne semble indiquer que M. Loukachenko ait un quelconque intérêt à restaurer ne fût-ce qu’une apparence de démocratie. Que dire de cette campagne systématique qui a pour objet de réprimer la liberté de parole des hommes politiques, de la société civile, des médias et qui érige de multiples obstacles afin que les partis d’opposition ne puissent pas contester des élections équitables, y compris l’emprisonnement de politiciens de l’opposition?

La liste des atteintes à la démocratie est trop longue à énumérer, mais ces atteintes représentent des violations à grande échelle, flagrantes et systématiques, qui ne peuvent être tolérées. Le Conseil de l’Europe doit être félicité d’appeler l’attention sur cette situation et de proposer des mesures pour contraindre le Bélarus à respecter les libertés constitutionnelles et la primauté du droit qui sont les piliers des sociétés libres et démocratiques.

Le Canada a fait part de ses préoccupations concernant l’absence déplorable de libertés politiques au Bélarus, et a pris des mesures concrètes pour s’y attaquer. Le 6 avril 2011, le Canada, ainsi que quatorze autres États, a demandé que l’OSCE mette en place son soi-disant mécanisme de Moscou, notamment pour préparer une évaluation indépendante et impartiale de la situation postélectorale à la suite de l'élection présidentielle de décembre 2010.

Le Canada a limité ses relations officielles avec le Bélarus à la suite de l’élection présidentielle de 2006, qu’il considère avoir été largement biaisée. Le Canada a ajouté le Bélarus sur sa liste des pays visés pour lesquels une autorisation d’exporter est nécessaire.

Dernièrement, le Canada a, à plusieurs reprises, exprimé publiquement ses préoccupations concernant les violations des droits de la personne et la primauté du droit au Bélarus, et condamné cette situation. C’est ainsi qu’en novembre 2011, notre ministre des Affaires étrangères a blâmé la condamnation de M. Bialiatski, président du Centre des droits de l’homme « Viasna », accusé à tort de fraude fiscale.

Ce que le rapporteur propose est fondamentalement valable et offre une occasion au gouvernement du Bélarus de se racheter, du moins en partie, lors de la tenue des élections en 2012. La Commission de Venise et l’OSCE ont d'ailleurs présenté des recommandations et des outils utiles visant à modifier la loi électorale du Bélarus, y compris des mesures destinées à renforcer l’indépendance de la commission électorale du Bélarus afin de la rendre pleinement indépendante par la mise en place d’un organe indépendant chargé de veiller à ce que les élections soient tenues de manière juste et libre en assurant la pleine participation de tous les partis.

Le rapporteur demande au Bélarus d’inviter des observateurs internationaux à suivre l’élection de 2012 et les diverses campagnes politiques électorales lors de l’élection. Le rapporteur invite aussi à appuyer pleinement les sanctions ciblées à l’égard du Bélarus adoptées par l’Union européenne, à maintenir des contacts à un haut niveau avec les autorités du Bélarus, et à maintenir la suspension du statut d’invité spécial auprès du Conseil de l’Europe jusqu’à l'établissement d'un moratoire sur la peine de mort. Il demande enfin des progrès significatifs dans l'application des valeurs et des principes du Conseil de l’Europe.

Rappelons que deux jeunes hommes ont été condamnés pour avoir commis un attentat à l’explosif à Minsk. Nous avons assisté à un simulacre de justice des plus troublants. C’est une situation que je m’efforcerai de soulever dans mon pays.

Dans le cadre de leurs relations avec le Bélarus, le Conseil de l’Europe et la communauté internationale doivent continuer à faire pression dans tous les domaines.

·M. Chisu a prononcé un discours intitulé « Le respect des obligations et engagements de la Serbie ».

Merci, Monsieur le Président. Je suis heureux d’avoir la possibilité de prendre la parole devant la présente Assemblée parlementaire pour évoquer le respect des obligations et engagements de la Serbie. Il est évident que la Serbie a fait de grands progrès, comme l’ont indiqué les corapporteurs. La Serbie a honoré d’importants engagements, notamment en matière de coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en matière de réforme de la législation électorale, en matière de réforme de la justice pénale, en ce qui concerne le renforcement des liens avec les pays voisins et en prenant des mesures pour améliorer la situation des minorités.

Le Canada et la communauté internationale jugent encourageantes les nombreuses mesures positives prises sous la présidence de Boris Tadić pour parvenir à mettre pleinement en œuvre les réformes considérées comme indispensables pour que la Serbie devienne un membre à part entière de la communauté de pays qui chérissent la démocratie et la primauté du droit. Les corapporteurs ont déjà souligné les progrès importants accomplis par la Serbie s’agissant de ses liens avec le Conseil de l’Europe et avec l’Union européenne, tout en insistant aussi pour dire que d’autres progrès sont nécessaires. Je veux, pour ma part, évoquer la nature des liens de la Serbie avec le Canada et la réaction du Canada aux avancées constatées en Serbie.

Tout d’abord, le Canada s’est félicité de l’arrestation par la Serbie des deux derniers criminels en fuite recherchés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Ratko Mladić et Goran Hadžic. Nous avons applaudi les efforts déployés par le Président Tadić pour promouvoir la coopération régionale et la réconciliation. Le Canada et la Serbie ont par ailleurs signé un protocole d’entente sur la poursuite des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide. Depuis 2010, de nombreuses visites réciproques de haut niveau ont eu lieu entre le Canada et la Serbie. Citons notamment la visite du ministre canadien de la Défense à Belgrade, en 2011. Il s’agissait de la première visite d’une délégation canadienne au niveau ministériel depuis 2001.

Certes, le Canada est, de manière générale, très satisfait des progrès accomplis par la Serbie et de l’évolution de ses relations avec elle, mais nous souhaiterions exprimer quelques préoccupations persistantes en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption dans un certain nombre de secteurs. Les préjugés à l’encontre d’un certain nombre de minorités, parmi lesquelles les Roms et les Albanais, sont encore bien réels, malgré les efforts récemment déployés par la Serbie pour protéger les droits de la personne et des minorités. La corruption reste un défi, notamment dans le domaine des soins de santé, malgré les mesures audacieuses qui ont été prises récemment par le gouvernement pour lutter contre ce fléau.

En conclusion, je salue la direction politique de la Serbie pour les progrès extraordinaires réalisés en vue d’établir une démocratie libre, stable, robuste, où prévalent les forces libres du marché. Dans le même temps, je veux me faire l’écho des recommandations des rapporteurs : la Serbie doit poursuivre sur cette voie. Des réformes doivent encore être menées dans nombre de domaines importants.

·Mme Bateman a prononcé un discours intitulé « Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine ».

Je suis ravie de pouvoir m’exprimer sur la situation de la démocratie et des droits de la personne en Ukraine. Je félicite Mmes les rapporteures, dont le travail a mis en lumière la détérioration de l’État de droit et de la démocratie dans ce pays. Leurs préoccupations recoupent ainsi celles de mon pays dont les relations bilatérales avec l’Ukraine ont d’ailleurs été compromises après les récents événements.

Le Canada a pourtant été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine au mois de décembre 1991. Depuis, il entretient des relations étroites avec ce pays et considère qu’une Ukraine indépendante et démocratique contribuera de manière significative à la stabilité de la région, tout comme il soutient l’intégration éventuelle de cette dernière au sein des institutions euro-atlantiques.

Notre engagement comporte de nombreuses dimensions : nous avons dépêché des centaines d’observateurs électoraux pour surveiller les élections ukrainiennes, notamment lors de la « révolution orange » et à l’occasion des élections présidentielles. Nous avons aussi largement contribué au Fonds pour la réalisation d'un massif de protection à Tchernobyl et au Compte pour la sûreté nucléaire. Le Canada est le quatrième contributeur en matière d’assistance technique à l’Ukraine depuis 1991, ayant investi plus de 360 millions de dollars canadiens en aide au développement. En outre, nombre de visites officielles ont eu lieu au plus haut niveau : le premier ministre Stephen Harper s’est ainsi rendu en Ukraine au mois d’octobre 2010 et il en a d’ailleurs profité pour appeler le président Ianoukovytch à se montrer ferme quant aux engagements de l’Ukraine à l’égard de la démocratie et des droits de la personne.

Même si les relations bilatérales entre le Canada et l’Ukraine demeurent actives, la dégradation de la démocratie en Ukraine à la suite des élections de 2010 dans ce pays préoccupe le gouvernement du Canada. Le procès et la condamnation de Mme Timochenko, l'ex-première ministre, témoignent de la dégradation de l’état de la démocratie, de la primauté du droit et de l’extrême dépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif en Ukraine.

À ce propos, le premier ministre M. Harper et M. John Baird, le ministre des Affaires étrangères, ont écrit au mois de septembre 2011 au Président Ianoukovytch afin de lui faire part de leurs préoccupations concernant le procès de Mme Timochenko. Après la décision de la cour d’appel de Kiev du 23 décembre 2011 confirmant la condamnation de Mme Timochenko, le ministre des Affaires étrangères du Canada a diffusé un communiqué faisant part de sa déception à l’égard de la décision et demandant avec instance au gouvernement ukrainien de renforcer l’indépendance et la capacité judiciaires.

Au nom du Canada, de notre délégation et de notre parlement, nous réaffirmons notre profonde préoccupation et appelons votre Assemblée à adopter ce projet de résolution.

·Mme Bateman faisait partie de la liste des conférenciers invités à parler du sujet intitulé « Faire progresser les droits des femmes dans le monde ». Le débat a cependant été écourté, et elle n'a pas été en mesure de prononcer son discours. Le texte du discours a été fourni à l’Assemblée et a été versé au compte rendu d’audience.

Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour vous entretenir d'un sujet qui, à mon sens, revêt une importante fondamentale, soit celui de faire progresser les droits des femmes dans le monde.

En dépit des engagements pris par les gouvernements à l’échelle internationale en faveur de la promotion de l’égalité des genres dans une multitude de domaines, comme l’a souligné Mme la rapporteure dans son rapport, des améliorations peuvent être apportées dans de nombreux aspects de la société.

Mes observations porteront sur un aspect particulier, soit la participation des femmes au processus politique.

Il est désormais généralement admis qu’une représentation plus équitable des femmes en politique est requise à l’échelle mondiale pour refléter plus fidèlement la représentation des femmes dans la société. Il s’avère également essentiel de s’assurer que les intérêts uniques et diversifiés des femmes sont pris en considération lors de l'élaboration des politiques publiques.

La communauté internationale s’est engagée à diverses reprises à corriger la sous-représentation des femmes au sein de l’institution parlementaire. Par exemple, la Convention des Nations Unies de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dont le Canada est signataire, représente un effort notable dans ce sens.

En ce qui a trait à la participation politique, la proportion minimale généralement considérée suffisante pour assurer une masse critique de femmes au Parlement a été fixée à 30 %. Le Sous-secrétaire général vient tout juste de nous fournir des données internationales.

Au Canada, la proportion des sièges occupés par des femmes demeure près du niveau de 20 % depuis une dizaine d’années. Je suis heureuse de mentionner qu’en 2011, parmi les 308 sièges à la Chambre des communes, 76 sont maintenant occupés par des femmes (soit 25 %).

Il s'agit de l'aperçu international et canadien. À un échelon très local, je dois dire que sans le soutien de ma famille, notamment de mon mari, Darrell, je n’aurais pas été capable de mener une vie publique. Cela fait maintenant onze ans que j’ai le privilège de servir ma collectivité.

Les femmes se butent à un obstacle majeur au niveau des partis, pas aux bureaux de scrutin. Le rôle des partis politiques visant à encourager les femmes à se présenter à l'investiture, et à les aider dans leurs démarches, a constamment été désigné comme le facteur le plus important pour accroître la représentation des femmes au Parlement. Lorsqu’il y a plus de femmes qui se portent candidates, davantage de femmes sont élues.

Pour s’assurer que des femmes et des hommes sont capables d’influencer les décisions et l'allocation des ressources, on ne peut pas se contenter d’accroître simplement le nombre de femmes dans des postes. Il est nécessaire de leur offrir des occasions réelles d’influencer les programmes, les institutions et les processus décisionnels.

C.   Mission au Luxembourg

L’ambassade du Canada auprès du Grand-Duché de Luxembourg a organisé une journée complète de réunions entre des délégués canadiens et des parlementaires du Grand-Duché de Luxembourg. Des réunions ont également été organisées avec des représentants d’organismes quasi-gouvernementaux. M. de Lorimier a souligné que ces réunions représentent une partie cruciale des efforts continus déployés par le gouvernement canadien pour organiser davantage de réunions bilatérales avec des membres et des parlementaires de l’Union européenne dans le but de promouvoir l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (CETA).

1.    Réunion avec les membres de la Commission des affaires étrangères du Parlement du Luxembourg

Un dialogue fructueux a eu lieu entre les délégués canadiens et les membres de la Commission des affaires étrangères et européennes, de la défense, de la coopération et de l’immigration de la Chambre des Députés du Luxembourg. M. Ben Fayot, président de la Commission, a fait part de sa satisfaction concernant la visite, soulignant que c’était la première fois qu’une délégation de parlementaires canadiens rencontrait des représentants du Parlement du Luxembourg.

Le retrait du Canada de l’accord de Kyoto sur le changement climatique a été un enjeu important soulevé par les membres de la Commission. M. Fayot a indiqué que le changement climatique préoccupe grandement le Luxembourg et constitue un enjeu qui exige une réaction mondiale.

M. Di Nino a mentionné que les actions de son gouvernement étaient motivées par la préoccupation voulant que les objectifs de Kyoto ne soient pas réalisables. Il a souligné que des gouvernements canadiens antérieurs avaient fait marche arrière par rapport aux engagements qu’ils avaient pris en vertu du protocole de Kyoto. Le gouvernement canadien veut s’attaquer au changement climatique, mais par des moyens plus efficaces et réalisables. En l’absence de la participation à Kyoto des principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre comme les États-Unis d’Amérique, la Chine et l’Inde, l'accord de Kyoto serait inefficace pour atteindre l'objectif de s'attaquer au changement climatique. Il a souligné que le Canada possédait de nombreuses sources d’énergie de remplacement, y compris l’hydroélectricité, l'énergie éolienne, l'énergie solaire et l'énergie nucléaire. En ce qui a trait aux sables bitumineux, les nouvelles technologies ont réduit grandement l’incidence sur l’environnement, notamment la technologie de capture du carbone et le recyclage de l’eau.

M. Davies a dit partager le point de vue que les gouvernements antérieurs n’ont pas pris de mesures pour réduire le niveau d'émissions de gaz à effet de serre au Canada, émissions qui ont en fait augmenté depuis la signature de l’accord par le gouvernement canadien. Il trouve néanmoins regrettable que le Canada se soit maintenant retiré de l’accord de Kyoto. Il reconnaît que tous les partis politiques au Canada s'engagent à s'attaquer au changement climatique, mais que leurs approches respectives divergent. Il a souligné que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures positives, notamment l’offre d'incitatifs aux propriétaires pour rénover leurs maisons, et des subventions publiques pour les véhicules électriques et les carburants de remplacement. Les sables bitumineux demeurent un défi permanent pour le Canada. Ils constituent un actif considérable pour le Canada. Les méthodes d’extraction et la combustion de combustibles fossiles soulèvent toutefois des préoccupations. Le Nouveau Parti démocratique s’oppose à l’expansion des sables bitumineux pour le moment jusqu’à ce qu'une étude soit menée concernant leur incidence sur les émissions de gaz à effet de serre. Même si d’énormes progrès ont été faits pour recycler l’eau utilisée dans le cadre du procédé, d’immenses quantités d’eau sont toujours requises pour extraire le pétrole des sables bitumineux.

M. Chisu craint que des mesures extrêmes qui pourraient s’avérer non viables sur le plan économique ne soient nécessaires pour atteindre les cibles de Kyoto. Le Canada reste néanmoins déterminé à limiter les émissions de gaz à effet de serre et prendra des mesures plus réalistes et réalisables. Il a indiqué que les normes environnementales du Canada sont parmi les plus rigoureuses au monde. En règle générale, des efforts considérables sont déployés au Canada pour promouvoir le recours à des sources d’énergie de remplacement aux combustibles fossiles.

Il faut souligner que la Commission était divisée sur la question de l’efficacité de Kyoto. Au moins un membre de la Commission, M. Fernand Kartheiser, soutenait la position du Canada voulant que les cibles de Kyoto ne soient pas réalisables. En outre, M. Kartheiser a mentionné que les avis concernant Kyoto étaient également partagés parmi la population du Luxembourg. M. Marcel Oberweis, tout en admettant que les sables bitumineux constituaient un actif énergétique remarquable, a signifié son intérêt envers les efforts déployés par le Canada pour promouvoir les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

2.    Réunion avec le président de la Chambre des Députés du Luxembourg

La délégation canadienne a rencontré M. Laurent Mosar, président de la Chambre des Députés du Parlement du Luxembourg. Une grande partie de la discussion a été axée sur le climat économique et financier en Europe et au Canada. M. Di Nino a indiqué que le Canada a relativement bien géré la crise économique et financière grâce, en grande partie, aux efforts antérieurs du Canada pour mieux contrôler les dépenses et la dette publiques. En outre, le Canada a tiré parti d’un secteur financier bien réglementé, lequel nous a protégés contre les conséquences importantes qui ont découlé de la crise financière et économique aux États-Unis. En revanche, il a indiqué que la dette personnelle au Canada dépasse les niveaux acceptables. De surcroît, l’économie et le système financier à l’échelle mondiale font face à de nombreux défis économiques auxquels il faut s’attaquer directement.

M. Davies a souligné que le système bancaire du Canada n’est pas le même qu’aux États-Unis. Le système de réglementation financière rigoureuse du Canada a avantagé le pays. Même si les prix élevés des produits de base ont aidé le Canada à éviter quelques-unes des pires conséquences de la crise économique mondiale, il s’inquiète de la perte des assises manufacturières du Canada au profit des pays à bas coûts comme la Chine. Il se dit également préoccupé par la perte de bons emplois et l'érosion d'une classe moyenne solide.

M. Chisu a formulé des observations concernant la relation du Canada avec les États-Unis, le partenaire commercial le plus important du Canada. La reprise économique du Canada est liée étroitement à l’amélioration des conditions économiques aux États-Unis. Le rythme de la reprise économique aux États-Unis continue d’être préoccupant. En ce qui a trait à sa situation fiscale, le Canada a injecté des milliards de dollars dans l'économie dans le but d’éviter une crise financière et économique importante. La majorité de cet argent a été emprunté. Il faut maintenant réduire cette dette.

Pour sa part, M. Mosar a donné un aperçu général de la situation économique au Luxembourg. Il a souligné que les finances publiques du Luxembourg doivent faire l’objet d’une réforme. Le secteur financier du Luxembourg est dans une période de consolidation, mais est relativement stable. Le pays demeure un bon endroit où investir en raison de son secteur financier vigoureux et de sa main-d’œuvre qualifiée. Chaque jour, un grand nombre de travailleurs se rendent au Luxembourg. Ceux-ci viennent principalement de France, d’Allemagne et de Belgique. Ces travailleurs sont attirés par les salaires généralement élevés et par les bonnes conditions de travail. On estime que la population du Luxembourg est pratiquement le double durant les jours de travail.

3.    Réunion avec M. R. Goebbels, membre du Parlement européen au Luxembourg

M. de Lorimier a organisé une réunion pour la délégation canadienne avec M. Robert Goebbels, membre du Parlement européen au Luxembourg. Il a souligné que cette réunion représentait une occasion importante de discuter des avantages de l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne avec un parlementaire du Parlement européen, lequel devra finalement approuver cet accord.

Dans le cadre de son introduction aux membres de la délégation, M. Goebbels a indiqué que ses intérêts au Parlement européen se situent dans les secteurs de l’énergie et de l’infrastructure. Il préconise aussi la tenue d’un plus grand nombre de réunions bilatérales. Il soutient l’AECG et votera en faveur de l’accord lorsque celui-ci sera déposé devant le Parlement européen aux fins de ratification. Il a rappelé aux délégués que même si le Luxembourg est un petit pays, celui-ci a beaucoup d’influence et joue un rôle important au sein de l’Union européenne. Le Luxembourg est perçu comme un « courtier honnête » qui n'a pas d'agenda caché, ce qui lui permet de jouer un rôle de médiation ou de servir d’« intermédiaire » lors de négociations. Le Luxembourg tire également avantage de pouvoir puiser dans trois traditions linguistiques importantes en Europe, soit le français l'allemand et l'anglais.

En ce qui a trait à la situation économique en Europe, il est d’avis que l’Union européenne trouvera une solution à la crise. Il pense qu’il n’y a pas de risque que les scénarios les plus extrêmes se concrétisent, comme la désintégration de l’Union européenne ou de la zone euro. Il a rappelé aux délégués que l’Union européenne est le bloc économique le plus important à l'échelle mondiale, le plus grand investisseur au monde et le plus grand marché pour le reste du monde. Les pays européens non membres continuent de manifester un intérêt considérable envers la possibilité d’adhérer à l'Union européenne. La Croatie devrait adhérer prochainement à l’Union européenne. L’Allemagne, qui est sans aucun doute le membre le plus solide de l’Union européenne sur le plan économique, a tout intérêt à rester dans l’Union européenne. En fait, l’Allemagne a beaucoup plus à perdre qu’à gagner si elle décide de quitter l’Union européenne ou la zone euro. C’est l’Allemagne qui bénéficie le plus d’une monnaie stable à l’intérieur d’un groupe de pays puisque cette stabilité lui permet de maintenir un niveau élevé d’exportations sans modifier le prix de sa devise et, par conséquent, le prix de ses exportations. Avec sa propre monnaie, le prix de ses exportations serait trop élevé.

À l’instar de la situation en Grèce, M. Goebbels ne pense pas que la Grèce quitterait la zone euro et émettrait des drachmes puisque ceux-ci seraient dévalués fortement. Plus important encore, les principaux pays de l’Union européenne ont trop à perdre s’ils décidaient de permettre à la Grèce de ne pas rembourser sa dette souveraine, puisque la dette est largement financée par des banques en Allemagne, au Royaume-Uni et en France. Tous les pays ont un intérêt mutuel à trouver une solution à la crise, même si cela exige que les créanciers grecs voient leurs prêts subir une décote.

De façon plus générale, M. Goebbels a fait remarquer que l’Union européenne aurait peut-être eu avantage à « renforcer » l’union avant de l’élargir. D’autres efforts auraient dû être faits pour assurer une certaine coordination fiscale et faire preuve de vigilance en examinant dans le détail les politiques budgétaires des pays membres. Il a rappelé que la Grèce s’était livrée à des « entourloupettes » en manipulant ou en falsifiant des données concernant l’état de ses finances afin de pouvoir adhérer à la zone euro. Le pacte fiscal proposé qui est en train d’être négocié devrait permettre de régler certains de ces problèmes, mais des modifications devront être apportées aux documents constitutionnels de base de l’Union européenne, dans le cas présent, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il faudra obtenir l’unanimité pour procéder aux modifications voulues. Les membres de la zone euro devront également négocier un nouveau traité pour établir un nouveau cadre budgétaire applicable à tous les pays de la zone euro. 

M. Goebbels a fait part de ses réflexions sur le printemps arabe. Il a fait observer, comme beaucoup d'autres, que les partis islamistes gagnent en popularité dans la foulée des processus démocratiques qui ont été mis en branle à la suite du soulèvement dans certaines régions du monde arabe. Il n’est pas surprenant que ces partis aient obtenu des gains importants lors des élections dans des pays comme la Tunisie, la Libye et l'Égypte puisque ces partis sont bien organisés. En revanche, il n’est pas convaincu que les extrémistes religieux représentent une menace aussi grande qu’on le pensait au départ. Après tout, les partis religieux occupent une présence importante en Europe depuis déjà de nombreuses années. Il demeure optimiste qu’une vraie démocratie sera instaurée dans ces pays, mais indique qu’il faudra faire preuve de patience.

4.    Réunion à l’Agence pour le développement de la place financière

Un exposé informatif a été effectué à la délégation canadienne par M. Fernand Grulms, chef de la direction de l’Agence pour le développement de la place financière du Luxembourg (« Luxembourg for Finance »). Le Luxembourg for Finance est l’organisme créé dans le but d’assurer l’essor du secteur financier du Luxembourg. L’organisme prend la forme d’un partenariat public-privé entre l’État luxembourgeois et la Fédération des Professionnels du Secteur Financier du Luxembourg. L’organisme est présidé par le ministre des Finances du Luxembourg[7].

Dans le cadre de son exposé, M. Grulms a donné un aperçu du fonctionnement du secteur financier au Luxembourg, en s’attachant particulièrement à l’orientation internationale du Luxembourg comme capitale financière. Le Luxembourg est présenté comme le point d’accès financier au marché européen de 500 millions de personnes. M. Grulms a décrit le concept de passeport financier de l'Union européenne pour tous les domaines du secteur financier. Le passeport financier de l’Union européenne assure effectivement l’accès des investisseurs à un domaine qui s’étendu au-delà des frontières de l’Union européenne et qui comprend l’Espace économique européen (EEE). L’avantage découlant de la création d’un bureau des finances au Luxembourg est qu’il permet à une entreprise de réaliser des opérations bancaires dans l’EEE avec un minimum d'obstacles. De surcroît, le Luxembourg possède beaucoup d'expérience ainsi que l'infrastructure requise pour faciliter les financements transfrontaliers à l’échelle mondiale.

Le secteur financier est soutenu par un réseau comptant plus de 140 banques situées dans 24 pays, 3 800 fonds d’investissement et 245 compagnies d’assurances. Ses ressources humaines dans le secteur financier sont impressionnantes : 48 000 employés de banque et 30 000 employés travaillant dans des professions qui appuient le secteur bancaire comme le droit, la fiscalité et la vérification.

Le Luxembourg est le plus important centre de fonds d’investissement en Europe, et le deuxième plus important au monde. Les États-Unis arrivent au premier rang dans la catégorie précitée, mais servent seulement le marché américain, tandis que le Luxembourg sert toute l’Europe, avec un rayonnement mondial étendu. Le Luxembourg détient également le premier rang dans le secteur de la distribution de fonds mondiaux.

La bourse du Luxembourg se spécialise dans les obligations détenues à des fins de transactions. Généralement, les obligations sont négociées sur le marché hors cote. Ce marché spécialisé est important pour les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension qui, en vertu de la loi ou des modalités de tout accord négocié, doivent investir dans des actifs liquides. Pour démontrer la liquidité, l’admission à la cote d’une bourse est considérée comme étant un facteur important. En ce qui a trait à l’assurance, 94% des primes d’assurance émises par les assureurs du Luxembourg sont perçues en dehors du Luxembourg.

En réponse aux questions concernant la perception voulant que le Luxembourg soit un paradis fiscal, M. Grulms a souligné que le Luxembourg avait adopté récemment un traité type de l’Organisation de coopération et de développement économiques portant sur la question de la transparence dans le secteur financier. En vertu des modalités du traité type, advenant une sérieuse présomption fondée sur la preuve qu’un citoyen met son argent à l’abri dans le but d’éviter de payer des impôts ou de soutenir des activités illégales, les autorités financières lèveraient le voile du secret et l’institution financière soupçonnée de mettre des fonds à l’abri serait tenue divulguer des détails financiers aux autorités.

5.    Réunion avec la Chambre de Commerce du Luxembourg

La Chambre de Commerce du Luxembourg est une institution unique qui n’a pas d’équivalent au Canada. À l’opposé des chambres de commerce au Canada ou aux États-Unis, la Chambre de Commerce du Luxembourg détient des rôles quasi-gouvernementaux ou quasi-officiels. Ses fonctions publiques englobent les activités suivantes : consultation du gouvernement avant l’adoption de toute loi qui pourrait avoir un impact économique, notamment des dispositions législatives sous forme de directives de l’Union européenne; rencontres régulières avec des législateurs au Luxembourg et dans les autres pays de l'Union européenne; aide fournie aux entreprises relativement aux processus de réglementation au Luxembourg; promotion des échanges entre le Luxembourg et d’autres pays; et formation professionnelle, notamment la surveillance des stages et des placements coopératifs. De surcroît, toutes les entreprises qui sont considérées comme étant établies au Luxembourg doivent devenir membres de la Chambre de Commerce.

M. Pierre Gramegna, directeur général de la Chambre de Commerce, outre de donner un aperçu du rôle et des activités de la Chambre, a parlé du climat économique au Luxembourg, soulignant que le Luxembourg dépend du commerce. Bien que les conditions économiques soient généralement favorables, il est préoccupé par les piètres niveaux de productivité au Luxembourg ainsi que par l’augmentation du taux de chômage, qui se situe actuellement à 6 %, soit le plus élevé des dernières années. Bien que les finances publiques du pays soient généralement saines, les régimes de pension et autres engagements du secteur public étant bien capitalisés, il indique que les conditions pourraient se détériorer si des mesures ne sont pas prises pour contrôler les dépenses publiques.

M. Gramegna a souligné que seulement 5 % des échanges du Luxembourg sont effectués avec le Canada. Il souhaiterait que les liens commerciaux entre les deux pays soient renforcés. À cette fin, la Chambre de Commerce a organisé une mission commerciale au Canada en mars 2012. Une délégation, qui comprendra le ministre du Commerce du Luxembourg, se rendra à Montréal, à Toronto et à Vancouver. Il considère le Luxembourg comme une plaque tournante pour les affaires européennes, et aimerait qu’un plus grand nombre d’entreprises canadiennes s’établissent au Luxembourg.

D.   Contexte : le Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale qui a pour objectif :

·de protéger les droits de la personne, la démocratie pluraliste et la suprématie du droit;

·de favoriser une prise de conscience de l’identité et de la diversité culturelles de l’Europe et de promouvoir cette identité et cette diversité;

·de trouver des solutions communes aux problèmes auxquels se heurte la société européenne,  par exemple la discrimination à l’égard des minorités, la xénophobie, l’intolérance, la bioéthique et le clonage, le terrorisme, le trafic des êtres humains, la criminalité et la corruption organisées, la cybercriminalité, la violence contre les enfants, les défis économiques;

·de consolider la stabilité démocratique en Europe en appuyant les réformes  politiques, législatives et constitutionnelles.

Fondé en 1949, le Conseil de l’Europe compte maintenant 47 pays membres, depuis les Açores à l’Azerbaïdjan, et de l’Islande à Chypre. Le Monténégro, admis en mai 2007, en est le membre le plus récent. Le principal objectif du conseil est de promouvoir et de défendre le développement d’institutions démocratiques et les droits de la personne, et d’obliger les gouvernements responsables à rendre compte de leur comportement dans ces domaines. Toutefois, il s’emploie aussi à favoriser la coopération internationale et la coordination des politiques dans divers autres domaines, dont la coopération juridique, l’éducation, la culture, le patrimoine, la protection de l’environnement, les soins de santé et la cohésion sociale. Au Conseil de l’Europe incombe la responsabilité de l’élaboration de plus de 200 conventions ou traités européens, dont plusieurs sont ouverts à des États non-membres, dans des domaines comme les droits de la personne, la lutte contre la criminalité organisée, la prévention de la torture, la protection des données et la coopération culturelle[8]. Le Canada a signé un certain nombre de ces traités, notamment la Convention sur la cybercriminalité.

Les principales institutions du Conseil sont le Comité des Ministres (organe de décision du Conseil de l’Europe, il est composé des ministres des Affaires étrangères des États membres ou de leurs représentants), l’Assemblée parlementaire, le Commissaire des droits de la personne, la Cour européenne des droits de l’homme et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

L’Assemblée parlementaire compte 636 membres (318 représentants et 318 suppléants), qui sont élus ou nommés par les parlements nationaux des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Les parlements du Canada, d’Israël et du Mexique détiennent actuellement un statut d’observateur auprès de l’APCE. Le statut spécial d’invité conféré au Bélarus, qui a demandé son admission au Conseil de l’Europe en 1993, a été suspendu en janvier 1997 dans la foulée de l’adoption de la nouvelle constitution de ce pays, qui est considérée comme sensiblement non démocratique.

L’Assemblée élit le secrétaire général du Conseil de l’Europe, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme et le Commissaire du Conseil pour les droits de l’homme. Elle est consultée sur tous les nouveaux traités internationaux préparés par le Conseil, oblige le Conseil et les gouvernements des pays membres à rendre des comptes, effectue des études sur une gamme de sujets d’intérêt commun aux Européens et constitue un forum de débat pour les parlementaires des pays membres. L’Assemblée a joué un rôle important dans le processus de démocratisation de l’Europe centrale et orientale et surveille activement l’évolution des pays membres, y compris les élections nationales. Elle se réunit quatre fois l’an à Strasbourg, mais les réunions des commissions sont plus fréquentes. Il est souvent question des décisions et des débats du Conseil et de l’Assemblée dans les médias européens.

Le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire rassemblent des responsables de politiques et des décideurs de pays politiquement, culturellement et géographiquement très différents. Ensemble, le Conseil et l’Assemblée offrent un forum pour la formation d’une communauté politique transeuropéenne fondée sur la démocratie et les droits de la personne. L’Assemblée parlementaire exerce aussi des fonctions de surveillance parlementaire pour diverses organisations internationales, dont l’OCDE, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ce rôle très étendu, d’élaboration des politiques internationales et la promotion et la protection de la démocratie et des droits de la personne, a pour conséquence que le Conseil et l’Assemblée sont des organes importants pour le maintien d’une présence multilatérale et bilatérale du Canada en Europe. Le Canada possède le statut d’observateur au Comité des Ministres, où il a participé activement aux débats sur plusieurs politiques (les autres observateurs sont le Saint-Siège, le Japon, le Mexique et les États-Unis) et à l’Assemblée parlementaire (où les autres observateurs sont Israël et le Mexique)[9].

 

 

Respectueusement soumis,

 

 

 

Monsieur Corneliu Chisu, député

Association parlementaire Canada-Europe





[1]               Voir Commission européenne, Directive 98/70/CE, modifiée par la Directive 2009/30/CE.

[2]          Commission européenne pour la démocratie par le droit, « Article 1 », Statut révisé de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, Résolution (2002) 3 (adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 21 février 2002) [Statut de la Commission de Venise], http://www.venice.coe.int/site/main/Statute_F.asp?PrintVersion=True&L=F.

 

[3]          Pour un examen exhaustif des travaux de la Commission, voir Commission européenne pour la démocratie par le droit, La Commission de Venise 2010 – Rapport annuel d’activités, Conseil de l’Europe, 2011, http://www.venice.coe.int/docs/2010/CDL-RA(2010)001-f.pdf.

[4]       Voir Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 1862 (2012), Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine, adoptée le 26 janvier 2012: http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta12/FRES1862.htm.

[5]       Voir le rapport de la Commission des affaires politiques de l’APCE, La demande de statut de Partenaire pour la Démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc, 1er juin 2011 : http://assembly.coe.int/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12625.pdf.

[6]       Idem, par. 20-23.

[7]       Pour obtenir des renseignements plus généraux concernant l’organisme, voir http://www.lff.lu/fr/qui-sommes-nous/.

[8]       Pour obtenir une liste complète des traités du Conseil de l’Europe, voir : http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CL=FRE&CM=8.

[9]       Des fonctionnaires canadiens de plusieurs ministères et organismes fédéraux et d’un gouvernement provincial participent tous les ans à plus de 20 réunions de commissions, groupes d’experts et comités directeurs du Conseil de l’Europe. Les parlementaires canadiens assistent aux quatre parties de la session annuelle de l’Assemblée parlementaire, ainsi qu’aux réunions des commissions parlementaires de la BERD à Londres et de l’OCDE à Paris.

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