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Report

Du 7 au 19 mai 2006, j’ai représenté le gouvernement du Canada au séminaire de la section britannique de l’APC qui a été tenu au Royaume-Uni et en Belgique. En raison de la nécessité liée à l’exercice du droit de vote à la Chambre des communes, aucun député n’a pu assister au séminaire. Le seul autre Canadien était un député de l’Ontario, M. Bruce Crozier, vice‑président du gouvernement de l’Ontario.

Vingt trois pays étaient représentés, notamment : l’Australie, le Bangladesh, les Barbades, le Canada, le Guernesiais, l’Inde, le Jersey, le Kenya, le Malawi, la Malaisie, les Maldives, Maurice, la Namibie, la Nouvelle Zélande, le Pakistan, Sainte Hélène, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud, le Swaziland, la Tanzanie Zanzibar, Trinidad et Tobago, les îles Turks et Caicos, et la Zambie. La délégation était constituée principalement de députés, que ce soit au niveau fédéral ou provincial ou au niveau de l’État. Plusieurs des délégués étaient des présidents ou des vices présidents. J’étais la seule représentante d’un sénat. Fait intéressant, seules deux femmes faisaient partie de la délégation : une députée de la Nouvelle Zélande et moi même. Ce séminaire était considéré comme le séminaire de l’APC le plus ambitieux jamais tenu. Le thème abordé s’intitulait : « Governance and culture of the United Kingdom (gouvernance et culture au Royaume-Uni).

Le séminaire a eu lieu à quatre endroits : à Westminster (Londres), à Birmingham (Angleterre), à Cardiff (pays de Galles) et à Bruxelles (Belgique), ce qui a occasionné de nombreux déplacements en train et en autobus, y compris un voyage très spécial effectué à bord de l’Eurostar qui utilise le tunnel sous la Manche. 

Le séminaire avait pour but d’aider les parlementaires du Commonwealth à comprendre la gouvernance et la culture du Royaume-Uni. 

Le séminaire visait les objectifs suivants :

§  Explorer la scène parlementaire et politique de Westminster

§  Se familiariser avec les rouages de la dévolution et du gouvernement local au Royaume-Uni

§  Visiter des circonscriptions parlementaires

§  En apprendre davantage sur la gouvernance supranationale et ses implications pour le Royaume-Uni

§  Discuter de la contribution de l’APC au sein du Commonwealth

§  S’engager auprès de collègues de la section britannique de l’APC

 

Les délégués ont consacré beaucoup de temps à l’apprentissage de l’histoire, de la tradition et du rôle du Palais de Westminster. Nous avons été accueillis par le très honorable Michael Martin, député, président de la Chambre des communes au sein de la Speaker’s House (chambre du président). Le président est un charmant gentleman écossais qui possède une vaste connaissance des rouages du Parlement et qui raconte de merveilleuses histoires.

Plusieurs séances ont traité de questions entourant la gouvernance au Royaume-Uni, en particulier celle à l’échelle supranationale sous l’action de l’Union européenne. Nous nous sommes familiarisés, tout particulièrement, avec les structures et les sujets suivants : 

-       la politique en matière de développement;

-       les politiques et relations commerciales de l’UE avec l’OMC;

-       la politique étrangère de l’UE;

-       le comité des affaires étrangères de l’UE;

-       le comité de développement de l’UE;

-       le comité du commerce international de l’UE.

Au cours d’un déjeuner de travail à Bruxelles, nous avons eu droit à un exposé sur la présidence du Conseil de l’UE, exercée jusqu’à tout récemment par le R.‑U. et maintenant exercé par l’Autriche.

Les délégués ont eu droit à une visite de la ville de Birmingham pour se familiariser avec le récent développement au R. U. du processus connu comme étant le « modèle de développement de la ville-région ». Les projets comme celui relatif à la ville de Birmingham ont pour but de donner plus de pouvoir aux villes centrales au moyen d’un processus de transfert des responsabilités et de localisation. L’élément crucial à tout cela est la revitalisation des vieilles villes industrielles du R U. pour ainsi créer des villes modernes dotées d’économies émergentes. De gigantesques projets de restauration sont au cœur de cette revitalisation, qui combinent les éléments affaires, culture, tourisme et logement.

À Birmingham, nous avons rencontré des représentants élus de même que des porte parole de la ville fort accueillants et leur rencontre a été très instructive. Une réception donnée dans les locaux du Lord-maire à la Council House (chambre du conseil) fut l’un des événements marquants. 

Un député ou un membre de la Chambre des Lords provenant de la région de Birmingham a été désigné pour accompagner chaque délégué lors d’une visite spéciale prévue pour permettre de nous familiariser avec certaines des idées inventives qui sont mises de l’avant. En ce qui me concerne, j’ai passé un après midi avec Lord Corbett de Castle Vale. Lorsqu’on m’a parlé de la visite, j’ai cru que je me rendrais au château d’un lord! En réalité, Lord Corbett de Castle Vale m’a amenée sur les lieux d’un projet de développement communautaire répondant aux besoins d’environ 8 000 citoyens. Le quartier visé a été complètement réaménagé. En effet, les habitations délabrées, les problèmes sociaux et le désespoir auquel étaient réduits les gens du quartier ont fait place à la fierté et à une vision de l’avenir. Le niveau de participation des citoyens du quartier au processus décisionnel est remarquable. Dans le quartier, appelé « Castle Vale », on retrouve notamment une école, une bibliothèque, un centre communautaire, un centre de loisirs, une garderie et bien d’autres services.

Un concert donné par l’orchestre de la ville de Birmingham dans le nouveau Birmingham Symphony Hall fut l’événement marquant de la visite. Nous avons été invités à une réception en présence des altesses royales le comte et la comtesse de Wessex, tous les deux étaient enchantés de rencontrer les membres d’une délégation du Commonwealth.

À Cardiff, au pays de Galles, nous avons visité le magnifique bâtiment logeant l’Assemblée nationale galloise, qui a été inauguré le 1er mars 2006. Ce nouveau bâtiment, par ailleurs remarquable, met en valeur le bois rouge canadien dans un splendide complexe architectural. Nous étions tous impressionnés par la modernité des lieux : le siège occupé par chaque député au Parlement est doté d’un ordinateur de bureau. Le pays de Galles a également créé un précédent quant à la supériorité numérique des femmes sur celle des hommes au sein du cabinet. 

Nous avons assisté à une période de questions à l’assemblée nationale, suivie de discussions sur l’attribution de pouvoirs résultant du « Government of Wales Bill ». Avant de quitter, nous avons fait une visite des plus intéressante à la National Gallery and Museum of Wales.

Le séminaire s’est achevé avec deux journées consacrées au rôle de la « Chambre des communes », à celui de la « Chambre des lords » et à celui de la « Magistrature ». Nous avons assisté à une période de questions avec le Premier ministre Blair. Cette expérience s’est révélée intéressante, d’autant que le leadership de celui-ci était contesté à l’époque. De nombreuses questions touchaient à l’immigration, à la sécurité nationale, aux soins de santé et à l’environnement.

L’expérience qui a été pour ma part des plus intéressante et surprenante fut de me rendre compte à quel point la Chambre des lords avait évolué et continue de le faire. Non seulement la plupart des lords héréditaires sont-ils disparus, mais un processus de sélection très moderne et démocratique est en place, dirigé par une commission non partisane. Chaque parti de la Chambre des communes soumet des candidatures pour les vacances de siège à la Chambre des lords, à mesure qu’elles surviennent. Les meilleurs candidats proposés sont interviewés et le nom d’un candidat final est communiqué au Premier ministre qui accepte la décision de la commission. Ainsi, la Chambre des lords devient encore plus représentative de nombreux segments de la société du R. U., et les lords entreprennent un nombre beaucoup plus grand de projets nationaux et locaux tels que celui de Castle Vale, que j’ai décrit précédemment. Il a été signalé, cependant, que le bien fondé d’une Chambre des lords véritablement élue repose beaucoup sur le public. Un membre de la Chambre des lords a dit : « nous devons préserver la démocratie et faire participer les jeunes ».

Le séminaire final a porté sur la « société civile ». Les délégués ont été sans cesse impressionnés par le fait que Westminster est bel et bien « la mère du Parlement » et que, néanmoins,  il est en constante évolution plus particulièrement à propos de l’Union européenne et des revendications au sein du Royaume-Uni concernant l’attribution d’un plus grand nombre de pouvoirs à l’Écosse et au pays de Galles de même qu’aux municipalités. Évidemment, le contexte politique non résolu en Irlande du Nord continue de préoccuper Westminster.

Les opinions varient considérablement au Royaume Uni à l’égard des avantages que procure l’Union européenne. C’était évident à Londres et à Bruxelles. Bon nombre de personnes au Royaume-Uni semblent craindre réellement que le pouvoir soit progressivement cédé à l’UE. Il existe même un « European Scrutiny Committee » (comité de consultation européen). Le meilleur exemple illustrant cette crainte est la détermination des Britanniques à conserver la « livre » au lieu d’accepter l’euro. Il y a bien d’autres enjeux liés notamment au commerce, à la politique agricole, aux droits de la personne, à l’immigration et au multiculturalisme. Il ne faut jamais oublier que l’UE a été créée après la Deuxième Guerre mondiale pour veiller à la paix et à la stabilité, grâce au développement durable et à des valeurs communes. 

Il faut mentionner que, tout au long de ce séminaire, l’avenir du Commonwealth a été discuté sous différents angles. Les personnes ayant assisté à ce séminaire semblaient s’entendre sur le fait que le Commonwealth est un système fort utile et qu’il peut continuer d’assurer des liens importants très loin dans l’avenir.

Comme il était question, dans le cadre de ce séminaire, de gouvernance et de culture au Royaume Uni, ce qui était intéressant à ce propos, c’était la toute première conférence qui comparait la gouvernance au R. U. à une « révolution tranquille ». Westminster est au cœur de tout cela. L’un des facteurs déterminants de la culture au Royaume Uni est que la constitution de ce dernier est tacite et repose sur un consensus fondé sur les lois, la common law, les observations, les conventions et, bien sûr, le rôle de la monarchie. Une constitution tacite présente des points forts et des points faibles. Elle a néanmoins instauré une démocratie durable, qui remonte à 1832, bien qu’il s’agisse d’une démocratie dans le cadre de laquelle le gouvernement peut suspendre les règles sans le poids d’une constitution pesant au dessus de sa tête. D’importants changements ont été apportés à la gouvernance au R. U. depuis 1973, année à laquelle celui ci s’est joint à la Communauté économique européenne.

Les parlementaires au R. U. semblent rongés par la question de l’octroi de pouvoirs et ceux de l’Écosse, du pays de Galles et de l’Irlande du Nord sont également rongés par des revendications concernant leur identité et le processus décisionnel.

À Westminster, comme ailleurs, la guerre en Iraq et le terrorisme sont des sujets obsessionnels. Cette obsession se traduit par le fait que l’on accorde une place importante aux questions de l’immigration, du multiculturalisme et de la sécurité nationale et aux engagements militaires à l’échelle internationale dans le but de gérer la mondialisation.

À l’issue d’un séminaire comme celui-ci, on a l’impression que les grandes institutions démocratiques du Royaume-Uni sont très intactes, malgré l’évolution des processus en cours, et que les riches et vieilles culture et tradition de Westminster et du Commonwealth persistent. 

Si la camaraderie et la discussion intéressante qui s’est engagée entre les délégués participant au séminaire de l’APC sont un signe, la démocratie qui a été instaurée au départ en Grande Bretagne a donc encore une profonde résonance en ce 21e siècle. Cela dit, comme de nombreux délégués provenaient des pays africains et asiatiques, on était profondément conscient des écarts énormes aux niveaux social et économique à l’intérieur du Commonwealth. Les problèmes de pauvreté et ceux touchant  à l’éducation et à la santé ainsi que les défis que doivent affronter les démocraties émergentes sont souvent ressortis au cours de nos pourparlers. Les représentants de certains pays ont parlé fièrement de « création de la démocratie ».

Un délégué a demandé si le Commonwealth lui même pouvait avoir un représentant au sein de l’UE? Il est à noter que c’était la première fois qu’un groupe du Commonwealth était allé à Bruxelles pour assister à une séance de l’UE et avait rencontré directement des représentants des États-membres de même que des hauts fonctionnaires de l’UE.

Tous les représentants au séminaire de la section britannique de l’APC sont partis en espérant rester en contact les uns avec les autres et que le programme du séminaire s’inscrive dans la durée. On a généralement reconnu que l’APC peut jouer un grand rôle en exhortant le Commonwealth à montrer davantage la voie à suivre à l’égard d’enjeux internationaux et de l’importance d’une bonne gouvernance sous l’action du rôle joué par la démocratie parlementaire. Le très honorable Don McKinnon, secrétaire général du Commonwealth, a parlé des valeurs fondamentales comme le respect, l’égalité, la tolérance et les droits de la personne. Le Commonwealth est un gardien d’une diplomatie discrète et sert de lien entre le développement et la démocratie. Une bonne gouvernance est l’opposé de la corruption; elle guide les gens et les aide à se prendre en charge. Le très honorable Don McKinnon a déclaré en faisant référence à la démocratie : « il est plus facile de glisser le long d’une pente que d’atteindre le sommet. »

En ce qui me concerne, ce fut un grand privilège de représenter le Parlement canadien à ce séminaire. J’espère avoir l’occasion de partager ces expériences avec mes compatriotes canadiens. Nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres.

 

Respectueusement soumis,

Honorable Marilyn Trenholme Counsell, sénatrice
Section Canadienne fédérale
de l’Association parlementaire
du Commonwealth (APC)

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