L’Association parlementaire canadienne
de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la visite à Varsovie en
Pologne, des membres du bureau de la Commission des sciences et des
technologies, le 24 avril 2008. La visite était dirigée par le président de la
Commission, Michael Mates (Royaume-Uni), et s'est rendue à Varsovie pour
examiner le déploiement proposé du système américain de défense antimissile en
Europe centrale. La délégation canadienne était composée de sénateur Pierre
Claude Nolin, vice-président et rapporteur spécial sur le changement
climatique.
SOMMAIRE
La délégation a rencontré le ministre
de la Défense Bogdan Klich; le négociateur polonais en chef Witold
Waszczykowski; des représentants de haut niveau de l'état-major des Forces
armées polonaises; et des membres des deux chambres du Parlement, appartenant
aussi bien à la coalition au pouvoir qu'à des partis de l'opposition.
Jerzy Szmajdziński, vice-président
du Sejm (représentant l'opposition de gauche), a déclaré que le début des
négociations préliminaires avec les États-Unis remonte en fait à 2003, alors
qu'il était ministre de la Défense dans le gouvernement de l'époque. Avant de
se muer en question politique ouverte, le projet a été examiné durant des
années au niveau des experts militaires, dont les homologues russes. D'après M.
Szmajdziński, le système de défense antimissile ne devrait pas entraîner
de divisions au sein de l'Alliance, ni être considéré comme une menace par les
Russes. Le système proposé devrait également faire partie d'un système global,
à l'échelle de l'ensemble de l'OTAN. Il a salué les décisions prises au Sommet
de Bucarest de l'OTAN, qui exposent clairement la position de l'Alliance en
matière de défense antimissile.
En réponse à des questions des parlementaires
de l'OTAN concernant l'opposition interne et externe au projet, M.
Szmajdziński a déclaré que les avantages du système devraient être mieux
expliqués. Actuellement, quelque 29 pays possèdent des missiles balistiques. Le
système antimissile proposé peut offrir une dissuasion efficace contre les
capacités de ces pays, en apportant ainsi un moyen de pression supplémentaire
pour les efforts diplomatiques envers les " États voyous ". Il a
également noté que plus de 50% des Polonais ne soutiennent pas la proposition,
mais il espère que cette proportion diminuera avec la fourniture de davantage
d'explications. Les grands partis politiques ont des points de vue similaires
et soutiennent la proposition, même si certaines personnalités éminentes de la
gauche sont sceptiques et réclament un débat public élargi sur la question.
Witold Waszczykowski, secrétaire d'État
au ministère des Affaires étrangères et négociateur en chef pour la proposition
de défense antimissile, a souligné que le temps n'est pas un facteur crucial
pour les négociations avec les États-Unis et qu'il convient surtout de tomber
d'accord sur les modalités appropriées pour l'accueil des installations. On
constate des progrès évidents dans les négociations entre la Pologne et les
États-Unis, même s'il est impossible de dire, pour l'instant, quand un accord
pourrait être finalisé. Les autorités polonaises sont, en principe, favorables
au plan, mais la décision d'accueillir ou non la base d'intercepteurs ne sera
prise qu'après la conclusion des négociations.
La Pologne considère la proposition
américaine dans un contexte plus large, comme un vecteur de renforcement du
lien transatlantique. Les projets de défense de théâtre et de défense
territoriale de l'OTAN sont complémentaires et non pas concurrents du "
Troisième site ". L' " OTANisation " du système américain est
possible, mais - pour la Pologne - un lien bilatéral renforcé avec les
États-Unis présente une valeur en soi. M. Waszczykowski a fait remarquer que le
peuple polonais a l'expérience des questions de sécurité nationale et que le
soutien de l'opinion publique pourrait finir par s'accroître à terme. Les
autorités polonaises ont lancé un certain nombre de projets de relations
publiques pour expliquer les avantages de la défense antimissile, tels que des
portails Internet, des conférences, des livres et des brochures, mais une
campagne à grande échelle ne débutera qu'après que les négociations auront
abouti et que les modalités de l'accord seront établies.
En ce qui concerne l'opposition de la
Russie, M. Waszczykowski a déclaré qu'une grande partie de la société russe
considère que l'Occident encercle la Russie et que le " Troisième site
" constitue une nouvelle manifestation de ces intentions agressives. Les
explications scientifiques du système proposé n'ont pas le moindre effet, car
la question est fortement politisée. M. Waszczykowski pense cependant qu'une
partie de la rhétorique violemment antioccidentale en Russie peut être
attribuée aux campagnes électorales qui se sont achevées récemment. Comme l'a
montré l'élargissement de l'OTAN, l'opposition de la Russie s'estompe une fois
que la décision est prise.
En tant qu'ancien ambassadeur de
Pologne en Iran, M. Waszczykowski a été invité à commenter la menace
potentielle en matière de missiles balistiques émanant de ce pays. Il a fait
remarquer que l'Iran mène des programmes suspects en matière de missiles, de
nucléaire et de satellites - programmes susceptibles de représenter une menace
pour la communauté transatlantique. Qui plus est, les négociations avec le
gouvernement iranien et les sanctions imposées par les Nations Unies s'avèrent
dans une large mesure inefficaces. Lorsque tous les moyens diplomatiques sont
épuisés, l'édification d'un système de défense semble être une décision prudente.
Bogdan Klich, ministre de la Défense
nationale, a souligné que son parti - la Plate-forme civique - a toujours
soutenu la notion d'intégration des ressources de défense antimissile
américaines dans un cadre s'étendant à l'ensemble de l'OTAN. Le nouveau gouvernement
polonais estime en outre que l'installation d'un " Troisième site "
obligera la Pologne à revoir sa stratégie sécuritaire, en prenant en compte de
nouveaux défis pour la sécurité, tels que les menaces asymétriques et la
protection des installations proposées. En conséquence, tout accord avec les
États-Unis doit contenir les termes et modalités d'une aide américaine à la
modernisation des Forces armées polonaises. M. Bogdan Klich a rappelé que le
gouvernement polonais doit encore donner son consentement à la proposition des
États-Unis.
Le ministre estime également que
l'opposition russe au projet s'estompe. Il n'est pas convaincu que des
propositions de compromis, telles que l'installation différée d'intercepteurs
dans des silos, seraient efficaces, étant donné que l'opposition de la Russie
repose purement et simplement sur des intérêts géostratégiques dans cette
partie du monde. La coopération militaire et le dialogue avec la Russie ont
néanmoins lieu et pourraient être étendus. Des inspections par la Russie du
site de défense antimissile pourraient être envisagées, mais M. Klich rejette
explicitement la possibilité d'une présence permanente de personnel militaire
russe à la base. Des inspections réciproques par des experts polonais en Russie
pourraient représenter un autre préalable. M. Mates demande si le site
d'intercepteurs pourrait être étendu en cas d'accroissement de la menace
iranienne. Le ministre répond que les négociations actuelles avec les
États-Unis n'envisagent pas une telle possibilité.
Les membres de la STC ont également
rencontré des représentants de la Défense nationale et des commissions des
Affaires étrangères du Sejm et du Sénat. Les parlementaires polonais ont
souligné que leur pays cherche à jouer un rôle actif en tant que fournisseur de
sécurité pour l'Alliance, y compris dans le domaine de la défense contre les
missiles balistiques. Ils ont également constaté que l'engagement accru de
l'OTAN dans la planification de la défense antimissile faciliterait les efforts
des parlementaires en vue de convaincre leurs électeurs de soutenir le projet.
Pour atténuer les préoccupations russes, les États-Unis, la Russie, la Pologne
et la République tchèque envisagent d'organiser une réunion conjointe de
parlementaires des quatre pays sur le thème spécifique de la défense
antimissile.
La délégation de l'AP-OTAN a également
visité le siège de l'État-major des Forces armées polonaises. Des officiers de
haut niveau de l'État-major ont informé les parlementaires de l'OTAN des plans
de modernisation de l'Armée polonaise, qui incluent sa totale
professionnalisation à l'échéance 2010, ainsi
qu'un accroissement de la mobilité et
de l'interopérabilité avec les autres forces alliées. Trois mille six cent
cinquante militaires polonais participent actuellement à neuf missions de paix
internationales.
Respectueusement soumis,
M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)