M. Bob Mills a dirigé une délégation de
quatre parlementaires à la Septième conférence des parlementaires de la région
de l’Arctique à Kiruna, Suède, du 2 au 4 août 2006. Cette délégation était
formée de députés de la Chambre des communes, entre autres M. Larry Bagnell, M.
Yvon Lévesque et M. Brad Trost. La délégation a pu compter sur l’appui de M.
Phillipe Méla, secrétaire de la délégation, et de M. Tim Williams du Service
d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, à
titre de conseiller. Ont été tenues conjointement à la conférence deux
réunions du Comité permanent des parlementaires de la région de l’Arctique
(CPPRA) (1) auxquelles le
Canada a été représenté par le chef de la délégation, M. Bob Mills.
C’est en 1993 qu’a eu lieu, en Islande,
la Première conférence des parlementaires de la région de l’Arctique et c’est
l’année suivante que le CPPRA a été formé. Des conférences ont été organisées
tous les deux ans dans divers pays arctiques depuis la tenue de la deuxième conférence
à Yellowknife en 1996; cette année ayant en outre marqué la création du Conseil
de l’Arctique, réunissant huit nations, à l’occasion d’une rencontre
ministérielle à Ottawa. Le Conseil de l’Arctique fait également une place aux
représentants d’associations et d’organismes élus autochtones internationaux.
À l’heure actuelle, six de ces organismes ont le statut de « participant
permanent » du Conseil, lequel se réunit tous les deux ans à l’échelon
ministériel. Le CPPRA a le statut d’observateur au sein du Conseil de
l’Arctique. Le groupe parlementaire a pour tâche principale de faire avancer
le travail du Conseil, en particulier en ce qui a trait aux questions liées au
développement durable. Au sein du CPPRA, les représentants des participants permanents
autochtones jouissent du même statut qu’au Conseil.
La septième conférence a été organisée
par le Parlement suédois et tenue dans la ville minière de Kiruna, située par
67°49’19” de latitude, au nord de l’équateur. Y ont assisté trente-trois représentants
élus de sept des huit États membres du Conseil de l’Arctique, trois
représentants du Parlement européen et environ 80 observateurs, invités et
représentants du secrétariat de la conférence, de secrétariats internationaux
et de la presse.
Les États-Unis n’ont pas envoyé de
délégation à la conférence même si un représentant officiel de ce pays figurait
au nombre des observateurs. Dans leurs déclarations, plusieurs délégués ont
souligné l’absence des États-Unis et certains étaient d’avis que des efforts
additionnels devraient être faits en vue d’encourager ce pays à participer aux
prochaines délibérations. Une invitation des États-Unis à tenir la huitième
conférence dans l’État de l’Alaska a été transmise et acceptée, ce qui garantit
qu’il en sera ainsi.
Comme pour les années passées, la
conférence a essentiellement porté sur les grands thèmes abordés par les
conférenciers principaux. Plus de temps a toutefois été consacré au dialogue
et aux débats à la septième conférence car la durée des allocutions ayant été
réduite, les participants ont pu intervenir plus longuement.
Voici les trois thèmes choisis pour la
conférence :
·L’Année polaire internationale;
·L’innovation dans la conduite des affaires de
l’Arctique : les possibilités et les limites d’un régime juridique
contraignant pour l’Arctique; et,
·L’ouverture de la route maritime de
l’Arctique : débouchés économiques/commerciaux et défis
environnementaux/culturels.
En outre, la cérémonie d’ouverture a
été suivie d’une discussion sur la coopération arctique portant, entre autres,
sur les rapports d’étape du Conseil de l’Arctique et du CPPRA et un compte
rendu spécial de la technologie de l’information et de la communication (TIC)
dans l’Arctique.
Le présent rapport se veut un aperçu
des délibérations de la conférence.
Délibérations de la conférence
A. Déclarations liminaires
Un spectacle de musique et de danse
lapones traditionnelles a marqué le début de la conférence, suivi des mots de
bienvenue du Président du Parlement suédois, du Président du Parlement lapon et
du représentant de la Suède au sein du CPPRA. S’en est ensuivie une discussion
sur la coopération arctique.
1. Coopération arctique
L’ambassadeur Alexander Ignatief a fait
le point sur les activités et l’orientation du Conseil de l’Arctique qui,
depuis deux ans, est présidé par la Russie. L’ambassadeur a mis en lumière le
travail accompli par chacun des cinq groupes d’experts responsables de
l’orientation stratégique du Conseil de l’Arctique. En particulier, il a
insisté sur les aspects suivants de leur travail :
·Circonscrire les « points chauds »
écologiques dans la portion russe de la région de la mer de Barents et agir sur
ces derniers;
·Dresser des plans pour contrer les répercussions
des changements climatiques et des activités marines ou terrestres sur le
milieu marin;
·Sélectionner douze zones indicatrices devant
faire l’objet d’un suivi afin d’endiguer la perte de biodiversité;
·Étudier les répercussions du Rapport sur le
développement humain dans l’Arctique et les possibilités d’un suivi; et,
·Améliorer la sécurité du transport maritime et
du plan d’intervention en cas d’urgence étant donné que les ressources
naturelles de l’Arctique sont de plus en plus exploitées et que le tourisme est
de plus en plus répandu dans cette région.
De surcroît, il s’est penché sur les
efforts déployés par le Conseil de l’Arctique pour donner suite à l’Évaluation
de l’impact du changement climatique dans l’Arctique et soutenir l’Année
polaire internationale.
Comme suite aux observations de
l’ambassadeur, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères de la Suède a
souligné que, pour que l’Arctique puisse prospérer, les problèmes qu’éprouve
cette région doivent être résolus grâce à la coopération, en particulier en ce
qui a trait aux changements climatiques.
La présidente du CPPRA, Mme Hill‑Marta Solberg,
a rendu compte du travail effectué par ce comité et a signalé que les
parlementaires devaient accorder une importance particulière aux conditions de
vie des humains dans l’Arctique de même qu’à la faune. Outre le succès
remporté par l’Université de l’Arctique, elle a noté le caractère nécessaire
d’un financement adéquat et de la technologie de l’information et de la
communication. Elle a insisté sur le fait que les parlementaires présents
devraient défendre les intérêts de l’Arctique dans le rôle qui sont appelés à
jouer dans leur pays.
Ces comptes rendus ont été suivis de la
présentation de M. Bernard Funston, secrétaire exécutif du groupe de travail
sur le développement durable du Conseil de l’Arctique, concernant l’Évaluation
de la technologie de l’information et de la communication menée par ce groupe.
En guise d’introduction, il a fait des remarques sur l’incidence de la TIC dans
le monde et donné une description du concept « la Terre est plate ».
Essentiellement, cela signifie que, grâce à la TIC, les Canadiens peuvent
communiquer entre eux à travers le temps, c’est-à-dire qu’ils sont en contact
les uns avec les autres en tout temps et que la distance séparant des villes
éloignées est abolie. Il a fait valoir que nous devions aborder l’évaluation
du point de vue humain et non pas seulement de celui de l’infrastructure.
L’accroissement de la capacité d’utiliser la TIC est tout aussi important que
l’établissement de réseaux.
S’en est ensuivie une discussion au
cours de laquelle les délégués ont présenté divers thèmes. Le changement
climatique était l’un d’eux et, à ce sujet, les Autochtones ont souligné qu’il
était impérieux de passer à l’action sans plus tarder puisque leur avenir était
en train de « fondre sous leurs pieds ». Bon nombre de personnes ont
fait des remarques concernant les liens entre la sécurité environnementale et
énergétique et la nécessité d’en arriver à une synergie entre les deux. Un
certain nombre de demandes ont été formulées afin que l’Évaluation de l’impact
du changement climatique dans l’Arctique fasse l’objet d’un suivi.
Aux fins d’amélioration de la capacité
générale d’intervention du CPPRA, des participants ont demandé qu’on lui confie
un nouveau rôle plus constructif et qu’on élargisse la portée du plan d’action
pour le volet nordique de l’UE afin d’inclure le Canada et les États-Unis. La
Norvège présidera bientôt le Conseil de l’Arctique et le représentant de cet
État a défini les trois priorités qui guideront le travail qu’effectuera le
Conseil sous la présidence de son pays : la gestion coopérative des
ressources naturelles des régions de l’Arctique, le changement climatique et le
suivi de l’ÉICC et l’examen de la structure du Conseil de l’Arctique.
B. Année polaire internationale
L’Année polaire internationale vise à
faire converger sur l’Arctique et l’Antarctique la recherche scientifique et
technique, durant la période allant de 2007 à mars 2009. M. David Carlson,
directeur du bureau central du programme international de l’API et le
professeur Terry Callaghan, du centre de recherche scientifique suédois Abisko,
ont pris la parole devant les participants à la conférence.
M. Carlson a brièvement décrit l’API et
la nécessité de protéger l’environnement, de se montrer responsable sur les
plans culturel et social et de se préoccuper du legs de l’API. Il a décrit
l’urgence et l’importance des thèmes de chaque projet qui se recoupaient
souvent s’agissant des régions de l’Arctique et de l’Antarctique.
L’établissement de partenariats et de connections est l’un des aspects
importants des projets. La diffusion à travers le monde du « message
polaire » sera un résultat significatif de l’API. Il a ensuite passé en
revue un certain nombre de projets et qualifié de « stupéfiantes »
les connaissances scientifiques s’y rapportant. De 60 à 90 projets sont en
cours au centre Abisko et le professeur Callaghan a décrit certains travaux qui
y sont effectués.
Les participants à la discussion qui
s’en est ensuivie ont appuyé avec enthousiasme l’API, en particulier ses
aspects humains et sociaux. Un Canadien a décrété que la participation des
Autochtones était absolument nécessaire et M. Carlson a exposé les grandes
lignes des efforts faits à cet égard dans le contexte de l’API. Bon nombre
d’intervenants ont cependant fait remarquer que le manque de financement
constituait un grave problème. Seules sont financées de 10 à
20 p. 100 des 218 propositions. On a insisté sur le rôle de
l’Université de l’Arctique qui, elle aussi, est insuffisamment subventionnée.
Selon M. Carlson, le manque de financement est, à court terme, le problème
le plus important de l’API. À ce propos, on suggère que les délégués attirent
l’attention de leurs collègues parlementaires sur l’API.
C. L’innovation dans la conduite
des affaires de l’Arctique
À cet égard, il faut avant tout
déterminer si l’adoption, dans la région de l’Arctique, d’un nouveau régime
contraignant est nécessaire ou non. Mme Diana Wallis,
membre du Parlement européen et du CPPRA, a fait savoir qu’elle souscrit à
l’adoption d’un nouveau régime juridique contraignant. Compte tenu de
l’élargissement de l’accès à l’Arctique, il est possible que cette région fasse
l’objet d’une « exploitation sans entrave ». Le système actuel de
conduite des affaires publiques a été jugé inefficace en raison du trop grand
nombre d’organismes, ce qui constitue un obstacle à la coopération soutenue et
significative, et du fait que, dans la pratique, les États ne tiennent aucun
compte du droit international et sont de plus en plus en conflit. L’Arctique
étant une mer entourée de pays, cela confère au problème un aspect unique
devant être pris en considération dans la structure de régie. Mme Wallis
a prononcé un discours enflammé à l’issue duquel elle a affirmé qu’un traité
devait être ratifié pour « redonner sa voix à l’Arctique ».
En revanche, l’ambassadeur Hans Corell
estime que le temps et l’énergie que nécessiterait la création d’une seul
régime global seraient plus efficacement utilisés aux fins de la détermination
des menaces et des faits, car cela permettrait de constituer un appui politique
en vue de l’amélioration des régimes existants et de persuader d’autres États
d’adhérer à ces derniers. Il a fait remarquer qu’à la différence de
l’Antarctique qui est cerné par la mer, l’océan Arctique est entouré de terre.
Des pays font déjà valoir leurs droits sur les fonds de l’océan Arctique (en
vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer) et il y
a fort peu de chances qu’ils céderont ces droits en vertu d’un autre traité.
Pendant la discussion,
M. Bob Mills, le chef de la délégation canadienne, a clarifié la
position du Canada en signalant que ce dernier ne souscrirait pas à un nouveau
régime contraignant pour ce qui est de l’Arctique, car c’est au Parlement
canadien qu’il appartient de prendre des décisions concernant les territoires
arctiques canadiens. Qui plus est, il a signalé que le gouvernement canadien
avait la ferme intention de collaborer par l’entremise du Conseil de l’Arctique
et qu’il était résolument en faveur de l’API.
Un certain nombre d’intervenants ont
fait remarquer que le fonctionnement du régime actuel laissait à désirer et
qu’il était impérieux d’y apporter des modifications. Quelques-uns
recommandaient l’adoption d’un nouveau régime, tandis que d’autres étaient
d’avis que le système actuel devait faire l’objet d’une vérification avant
d’être modifié. Comme les participants l’ont mentionné, l’article IX de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) (2) pourrait
inciter à une plus grande collaboration dans la région de l’Arctique. La
déclaration finale, telle que libellée, prévoit que le régime juridique de
l’Arctique doit faire l’objet d’une vérification visant à en déterminer
l’efficacité.
D. L’ouverture de la route maritime
de l’Arctique
La discussion portant sur la route
maritime de l’Arctique a été présidée par M. Bob Mills, chef de la
délégation canadienne. M. Sergey Kharyuchi, président de la Douma
des Nénets de lamal, a introduit le sujet. Il est d’avis que l’utilisation de
l’Arctique comme voie de transport suscite de plus en plus d’intérêt, en
particulier parce qu’elle permettrait d’exploiter le pétrole et le gaz naturel
ainsi que d’autres ressources naturelles, de réduire les distances de transport
et d’accélérer l’intégration économique. La sécurité de la navigation maritime
demeure néanmoins une importante préoccupation, puisque les navires devront
faire l’objet de modifications techniques et d’améliorations, le personnel
devra être formé et un plan de sécurité unifié comprenant un volet sécurité et
opérations de secours en cas d’urgence devra être adopté.
M. Lawson W. Brigham, vice-président du
groupe de travail sur la protection de l’environnement marin arctique
(responsable de l’évaluation), a ensuite décrit l’Évaluation de la navigation
maritime dans l’Arctique menée par le Conseil de l’Arctique. L’ÉNMA, réalisée
dans le cadre du Plan stratégique de protection du milieu marin arctique du
Conseil de l’Arctique, visait à étudier les répercussions plausibles des
modifications du régime des glaces dans l’océan Arctique
En dépit des importantes fluctuations
interannuelles, la réduction continue de la couverture de glace se traduira
vraisemblablement par un prolongement de la saison de navigation dans toutes
les régions et par un élargissement de l’accès aux ressources naturelles de
l’Arctique. Il a souligné que l’archipel canadien serait vraisemblablement
l’un des derniers endroits touchés par la réduction de l’étendue des glaces.
Pour les gouvernements et les collectivités arctiques locales, ces changements
représentent à la fois un défi et une possibilité qui leur est offerte.
L’élargissement des activités maritimes a une importance clé sur la culture et
le bien-être des populations arctiques, en particulier des Autochtones dont le
mode de vie était autrefois protégé en partie en raison de l’éloignement et les
conditions extrêmes du milieu arctique où ils vivent(3).
À cette étape-ci de l’évaluation, il
importe avant tout d’obtenir les données de référence nécessaires concernant
la navigation maritime dans l’Arctique.
Conclusion
Au cours de la dernière journée, les
délégués ont retenu une déclaration faisant écho à certaines discussions menées
durant la conférence (voir l’annexe III). Celle-ci prône le financement
de la recherche et de la surveillance, de l’API et de l’Université de
l’Arctique. De façon plus générale, elle met en lumière la nécessité de
reconnaître les droits et les points de vue des populations autochtones de la
région de l’Arctique, d’en tenir compte dans tout processus décisionnel et de
faire en sorte que les Parlements fassent progresser les enjeux dans
l’Arctique.
Respectueusement soumis,
L`hon.
Lorna Milne, sénatrice
Association parlementaire Canada-Europe