L’Association
parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport
concernant sa participation au Séminaire du Groupe
Spécial Méditerranée et Moyen-Orient, à la Réunion conjointe du Conseil
interparlementaire Ukraine-OTAN, de la Sous-commission sur les partenariats de
l’OTAN et de la Sous-commission sur la gouvernance démocratique et à la Visite
de la Sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense
et de sécurité.
Les trois visites
ont été réunies dans ce même rapport, car elles ont eu lieu successivement.
RAPPORT DE LA
VISITE DU GROUPE SPÉCIAL MÉDITERRANÉE ET MOYEN-ORIENT LA MADDALENA, ITALIE, DU
4 AU 5 JUILLET 2011
À la Maddalena,
le Canada a été représenté par la Sénatrice Raynell Andreychuk, le Sénateur
Joseph A. Day, M. Darryl Kramp, député et M. Stephen Woodworth, député.
Les 4 et
5 juillet, les membres du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient
(GSM) – présidé par Vahit Erdem (Turquie) – et de la Sous-commission
sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité
– présidée par Sir John Stanley (Royaume-Uni) – de l’Assemblée
parlementaire de l’OTAN se sont réunis à La Maddalena, en Italie, pour un
séminaire consacré à l’étude de la situation dans la région du Moyen-Orient et de
l’Afrique du Nord (MOAN), situation en mutation rapide. La délégation de
l’Italie auprès de l’Assemblée, dirigée par Sergio de Gregorio, organisait et
accueillait ce séminaire pour le compte du GSM. Les participants ont passé en
revue les récents événements sur le double plan national et régional. Parmi les
orateurs qui ont pris la parole devant une bonne cinquantaine de parlementaires
figuraient de hauts responsables italiens, égyptiens et iraquiens, ainsi que
d’éminents spécialistes de la dynamique propre à cette partie du monde. Un haut
commandant de l’OTAN a, par ailleurs, présenté un exposé sur l’opération que
mène actuellement l’OTAN en Libye. A l’initiative du pays hôte, un haut
responsable iranien est également intervenu.
L’allocution
d’ouverture a été prononcée par Giuseppe Cossiga, secrétaire d’État au
ministère de la Défense, qui a fait observer que l’intérêt de l’Italie pour le
Proche-Orient et la Méditerranée trouvait son origine dans les rapports de
longue date qui existaient entre ce pays et la région. Le rôle clé joué par la
jeune génération arabe est un aspect unificateur primordial du Printemps arabe.
L’Ouest entretient certaines idées fausses sur la place de la religion dans la
vie politique et culturelle régionale. L’Italie est particulièrement sensible
aux changements en Libye et, de l’avis de l’intervenant, l’opération Protecteur
unifié est un jalon important pour l’Alliance. Cependant, la crise libyenne ne
peut être apaisée, en dernier ressort, que par des moyens politiques, non militaires.
Quant à la situation en Syrie, elle pourrait être plus lourde de conséquences
encore qu’en Libye.
Les grandes
orientations du séminaire ont été données par Mohammed Moustafa Kamal, ministre
adjoint des Affaires étrangères de la République arabe d’Égypte et chargé des
questions parlementaires ; celui-ci a indiqué que sa présence au séminaire
montrait que son pays aspirait à une solide coopération avec l’Assemblée
parlementaire de l’OTAN. Pratiquement personne n’avait prévu que le paysage
politique égyptien connaîtrait des bouleversements aussi profonds et aussi
rapides aux mois de janvier et de février 2011. Des changements politiques
et constitutionnels nombreux et variés sont en cours. Le Conseil suprême jouera
un rôle crucial dans la transition, mais il devra aussi remettre le pouvoir au
chef de l’État et au Parlement après les élections présidentielles et
législatives. Des politiques sociales et économiques conçues pour faire reculer
le chômage, attirer les investissements étrangers et dynamiser les petites
entreprises seront essentielles pour une démocratisation en douceur. En outre,
une solution juste et durable doit être apportée au problème palestinien pour
instaurer la stabilité et la paix dans la région.
Une déclaration
constitutionnelle sera rédigée par une commission parlementaire de
100 membres. Elle reposera sur le principe de la citoyenneté égyptienne et
ne définira pas de communautés minoritaires ou majoritaires. La prochaine
Constitution sera sous-tendue par la charia, mais il n’y a rien de nouveau à
cela. Aux élections, les Frères musulmans pourraient bénéficier d’un avantage
puisqu’ils existent depuis quelque 60 ans. Selon les estimations actuelles, ils
récolteront de 25 à 30 % des voix. Le nouvel État
respectera les traités conclus avec Israël, mais la population voudra
certainement des progrès tangibles dans le processus de paix.
La délégation de
l’Italie a invité Ali Ahani, vice-ministre des Affaires étrangères de la
République islamique d’Iran et chargé de l’Europe et de l’Amérique, à prendre
la parole au séminaire. Cette invitation a immédiatement suscité un débat entre
parlementaires. La délégation d’Israël a fait remarquer que le président
iranien avait appelé à « effacer Israël de la carte » et a choisi de
quitter la salle pour la durée de l’exposé. Plusieurs parlementaires, y compris
la Sénatrice Raynell Andreychuk et M. Stephen Woodworth, député de la
délégation canadienne, ont alors émis des objections quant à la présence d’un
haut responsable iranien. M. de Gregorio a expliqué que l’invitation avait
pour but de donner aux participants l’occasion d’avoir un franc échange de vues
avec un responsable iranien, de manière à favoriser la compréhension mutuelle
entre les parties, et qu’elle ne représentait en aucune façon une approbation
de la vision du monde selon Téhéran. Ce serait la première fois qu’un
responsable iranien prendrait la parole devant l’Assemblée. Le Secrétaire
général de l’AP-OTAN, David Hobbs, est intervenu ensuite pour dire que les
dirigeants iraniens avaient tenu des propos répréhensibles et inacceptables et
que l’Iran avait fait l’objet d’une série de sanctions en raison de sa
politique nucléaire, mais qu’il n’existait aucune règle interdisant
expressément de discuter avec un responsable iranien. Le règlement de l’Assemblée
dispose que le président de la commission et le pays hôte peut prendre des
décisions politiques au sujet de questions controversées de cette nature, et
toutes les procédures ont été respectées.
M. Ahani a
ensuite été invité à s’exprimer. Il a exposé le point de vue de ses autorités
sur les récents événements survenus dans la région. Il a insisté sur trois
questions : la place de l’Iran dans cette partie du monde, l’opinion de
Téhéran sur les soulèvements, et enfin, les perspectives qui s’offrent au Proche-Orient
nouveau. Il a rappelé que l’Iran avait une histoire millénaire. Sa culture est
ancienne et son peuple s’est doté d’un régime constitutionnel il y a plus d’un
siècle. L’Iran symbolise la paix dans la région et contribue ou a contribué au
règlement de plusieurs crises, dont les conflits dans les Balkans, en Iraq, au
Koweït et en Afghanistan. Il joue un rôle de premier plan dans la lutte contre
le trafic de stupéfiants, la prise en charge des réfugiés et le
contre-terrorisme, et il tente de créer une région exempte de l’arme nucléaire.
Les soulèvements favorables à la démocratie dont la Tunisie, l’Égypte et
d’autres pays ont été le théâtre adressent au monde un message important. On ne
saurait nier que certains régimes se sont tenus aux côtés de dictateurs
régionaux qui faisaient fi de l’opinion de leurs peuples. L’intervenant a
évoqué les forces qui s’employaient à faire barrage à la démocratie pour servir
exclusivement leurs propres intérêts.
L’intervenant a
déclaré que l’heure était venue de changer sa façon d’envisager les autres et
d’œuvrer à l’avènement d’un monde stable, caractérisé par une véritable
compréhension des diverses cultures, par le respect mutuel, par le dialogue et
par la loyauté. La question palestinienne pourrit depuis des décennies parce
que l’Ouest bafoue les principes fondamentaux des droits de l’homme. La Libye
est riche en pétrole et se trouve dans une région d’une grande importance
géopolitique : voilà qui explique l’engagement des États-Unis et d’autres
pays là-bas. L’« interprétation opportuniste de la résolution 1973 du
Conseil de sécurité de l’ONU » par l’OTAN a ouvert la voie à une opération
militaire massive menée sous prétexte de sauver des civils. Or cette opération
n’a fait qu’engendrer des dégâts et des souffrances supplémentaires. La Libye
est un deuxième Afghanistan en devenir pour l’OTAN. M. Ahani a aussi
appelé l’attention sur l’application implicite du principe des deux poids et
des deux mesures au Bahreïn, où les droits de la majorité chiite sont ignorés.
L’intervention saoudienne n’aurait pu se faire sans l’approbation des
États-Unis. M. Ahani a lancé un avertissement : une intervention
étrangère en Syrie compromettra la sécurité et la stabilité et déclenchera la
montée du radicalisme et du terrorisme. L’Iran a joué un rôle précurseur et
constructif en Afghanistan et en Iraq, en même temps qu’il a introduit un
modèle de démocratie nouveau et efficace pour les sociétés religieuses. Il
offre des solutions à la région, mais les puissances interventionnistes le dépeignent
comme une menace.
Au cours du débat
qui a suivi, M. Ahani a souligné que les médias occidentaux donnaient
souvent de son pays une image déformée. Il a soutenu que la démocratie
prospérait en Iran et que « la volonté des électeurs [était] respectée ».
Les autorités iraniennes ne travaillent pas à la fabrication d’armes nucléaires
et respectent toutes les obligations que lui impose le Traité de
non-prolifération. M. Ahani a ajouté que l’ensemble des installations
nucléaires iraniennes étaient surveillées et soumises à de multiples
inspections inopinées. Par ailleurs, le programme de missiles balistiques de
l’Iran a pour objectif la conception d’engins d’une portée n’excédant
pas 2 000 km. Des parlementaires ont contesté ces deux affirmations.
M. Ahani a
déclaré que Téhéran soutenait les autorités de l’Iraq et respectait l’intégrité
territoriale de ce pays. Il a affirmé par ailleurs que les droits de l’homme
étaient respectés chez lui mais que l’Ouest avait tendance à user de critères
occidentaux pour porter un jugement sur l’Iran à cet égard. Il s’est référé
notamment à la question des droits de la femme. Cette remarque a amené un
participant à dire que les droits de l’homme étaient de nature universelle, et
non nationale, contrairement à ce que l’intervenant donnait à entendre.
M. Ahani a rappelé que son pays avait accueilli trois millions de réfugiés
afghans auxquels il prodiguait toute une gamme de services sociaux. L’Iran et
l’Afghanistan sont étroitement liés ; aussi les autorités iraniennes ne
peuvent-elles « demeurer les bras croisés » à un moment où leur
voisin est confronté à d’aussi nombreux problèmes. L’intervenant a lancé un
appel à la prudence à propos de la Syrie : toute ingérence internationale
dans ce pays compromettrait la stabilité et la paix. Il a nié que
M. Ahmadinedjad ait jamais demandé à ce qu’Israël soit effacé de la carte
ou qu’il ait mis en doute la réalité de l’Holocauste. Il a ensuite reproché à
Israël de n’avoir pas rétabli les droits fondamentaux des Palestiniens.
Antonello Cabras
(Italie) a présenté son projet de rapport, intitulé Incidences des soulèvements
dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. La vague de
manifestations que connaît cette région a montré qu’une mobilisation politique
massive pouvait effectivement déclencher de profonds changements politiques
dans des sociétés longtemps figées par l’autoritarisme. Elle a aussi prouvé
qu’il n’y avait pas d’« exception arabe » lorsqu’on en venait aux
aspirations à la démocratie, au respect des droits de l’homme et à
l’exploitation des possibilités économiques. Les soulèvements ont souligné les
points communs aux pays de la région en même temps que leur hétérogénéité. Face
à l’exclusion politique, économique et sociale, une frustration populaire
grandissante est apparue dans toute la région. Les soulèvements sont, en
partie, la conséquence de l’explosion démographique de la jeunesse et d’une
marginalisation économique croissante de celle-ci.
L’Ouest a eu du
mal à élaborer une réponse calibrée à ces événements et, de fait, les
gouvernements occidentaux n’ont pas fait montre d’une cohérence à toute épreuve
dans leur attitude. Ils ont exprimé leur soutien aux mouvements d’opposition
démocratiques, mais à des degrés divers. En Libye, l’OTAN a fini par jouer un
rôle de premier plan et participe pleinement à l’application des résolutions
1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui portent sur l’aménagement
d’une zone d’exclusion aérienne, le respect d’un embargo sur les livraisons
d’armements et la protection des populations civiles. En revanche, elle s’est
montrée beaucoup plus réticente à manifester son soutien aux opposants en Syrie
et à Bahreïn, et ce pour diverses raisons. Ainsi, Bahreïn accueille la
5e Flotte de la Marine des États-Unis et est largement réputé
– une réputation qu’il entretient d’ailleurs – pour être un rempart
contre la présence iranienne dans le Golfe. Étant donné sa situation
géographique, sa puissance militaire et ses liens régionaux, la Syrie revêt,
elle aussi, une importance stratégique considérable. Bien qu’elle apparût
généralement à l’Ouest comme un adversaire, elle était potentiellement utile
aux décideurs occidentaux. Cette notion a désormais disparu. La crise syrienne
risque maintenant de déborder dans les pays voisins, tels le Liban, la Turquie
et l’Iran ; elle pourrait aussi avoir des répercussions sur la politique
intérieure palestinienne et sur la dynamique du processus de paix
israélo-arabe. Le régime iranien a voulu faire cause commune avec les
protestataires à l’étranger, mais cela n’est guère crédible, compte tenu du
traitement extrêmement violent qu’il réserve aux Iraniens qui ont exigé plus
d’ouverture dans une société répressive.
D’autre part, il
est encore bien trop tôt pour dire si l’une ou l’autre de ces rébellions populaires
débouchera réellement sur l’installation de régimes démocratiques et sur un
regain de stabilité régionale. Sans doute l’enseignement le plus important à en
tirer a-t-il trait à la fragilité et à la vulnérabilité que peuvent afficher
les régimes non démocratiques, surtout lorsqu’ils ne satisfont pas aux besoins
élémentaires des citoyens. Faute d’exutoires propices à l’expression du
mécontentement, des explosions politiques se produiront inévitablement.
Les effets du
« Printemps arabe » se font ressentir aussi en Europe. On assiste à
une crise des réfugiés, qui alarme les autorités italiennes, alors que des
milliers de personnes ont débarqué sur l’île de Lampedusa en quête d’un abri.
L’Italie soutient qu’elle n’est pas seule concernée par un problème qui, selon
elle, a une dimension européenne et même internationale. La Turquie est
également menacée par une crise des réfugiés à la frontière qu’elle partage
avec la Syrie. L’Europe, comme l’Amérique du Nord, doit donc redéfinir ses
relations avec cette région, mais elle ne sait pas exactement comment influer
sur les résultats. L’Europe a été dépassée par la rapidité des événements et
n’a pas été capable de réagir rapidement. En fin de compte, de nouveaux
systèmes politiques devront être mis en place, alors même que les économies
nationales sont soumises à de graves tensions. Le processus de transition sera
conditionné par de multiples facteurs, dont la structure de sécurité
prééminente, l’incertitude qui règne autour de la nature de diverses forces
d’opposition, le pouvoir résiduel détenu par d’anciennes élites qui ne sont pas
toujours adeptes de la démocratie, et les risques non négligeables d’une
radicalisation, au cas où ces gouvernements se révéleraient incompétents ou
céderaient à la tentation de l’autoritarisme.
L’Ouest doit
aussi savoir que ses prises de position peuvent se retourner contre lui. Il
convient certes d’aider la région, mais ce sont les forces intérieures qui
doivent être à la pointe de la redéfinition des systèmes politiques et
économiques. Enfin, M. Cabras a estimé que l’Assemblée pouvait aider la
région, en particulier après les élections législatives.
Au cours du débat
qui a suivi, des participants ont fait observer que l’Assemblée devrait se
concentrer sur les secteurs dans lesquels elle pouvait faire la différence,
comme celui de la réforme de la sécurité ; les parlementaires conviennent
toutefois qu’elle doit inscrire la région MOAN au nombre de ses priorités. Les
gouvernements devront également cibler leur assistance extérieure, mais ils
doivent être très précis sur les objectifs visés. Le rapporteur a été invité,
par ailleurs, à étoffer le chapitre consacré à la Libye, à insister sur le
caractère universel de la démocratie et à se pencher, d’une part, sur l’échec
du soulèvement en Iran et, d’autre part, sur le paradoxe que représente la
combinaison du soutien occidental aux rebelles libyens et de l’absence de
soutien occidental aux rebelles syriens.
La secrétaire
d’État aux Affaires étrangères de la République italienne, Stefania Craxi,
a déclaré que les acteurs des soulèvements de la région MOAN ne cherchaient pas
à rejeter sur des boucs émissaires extérieurs les problèmes auxquels ils sont
confrontés ; bien plutôt, ils s’attaquent à la véritable racine de ces
problèmes. Il est trop tôt pour appréhender pleinement les raisons des
soulèvements et les conséquences de ceux-ci. L’un des éléments déclencheurs
réside sans doute dans les inégalités économiques, mais la véritable motivation
des peuples d’Égypte et de Tunisie a été la nécessité d’une amélioration
spectaculaire de la gouvernance. Les révolutionnaires sont jeunes et ont
utilisé l’Internet pour échapper à la censure et à la répression. Le risque
existe que l’actuelle période de transition soit mise à profit par des groupes
religieux mieux organisés. La communauté internationale doit donc s’écarter de
sa politique habituelle à l’égard de la région, appeler l’attention du monde
sur cette dernière et l’aider à consolider la position des réformateurs
démocratiques. L’Europe ne peut se permettre de voir se résorber la dynamique
des mouvements populaires et elle est idéalement placée pour apporter son
soutien au dialogue démocratique. De plus, la création d’emplois dans la région
est indispensable. L’Italie a proposé la création d’une banque de développement
pour la région euro-méditerranéenne, banque qui viendrait en aide aux petites
et moyennes entreprises. L’Union pour la Méditerranée est au point mort,
conséquence des graves difficultés auxquelles se heurte le processus de paix au
Moyen-Orient ; ses principes fondateurs, de même que l’accent pratique
qu’elle met sur l’infrastructure, l’énergie et les transports, n’en demeurent
pas moins importants.
Tarik Yousef a
dit se souvenir d’avoir assisté à une réunion du GSM à Naples, il y a deux ans
de cela, à une époque où la grande majorité des participants se montraient
extraordinairement pessimistes à propos de l’avenir du monde arabe.
Manifestement, les perspectives sur le sujet ont considérablement changé, ce
qui est assurément une bonne nouvelle. Nombreux sont ceux qui avaient
simplement accepté l’idée que les anciens gouvernements étaient des garants de
la stabilité et qu’ils resteraient en place pendant très longtemps. Nombreux
aussi étaient ceux qui pensaient que la machine répressive était tout bonnement
trop puissante. Lorsque le « Printemps arabe » est arrivé, on
s’attendait qu’il prenne fin en avril ou en mai, et pourtant, il est toujours
là. Il est important aussi d’observer que les manifestants réclament une bonne
gouvernance, la justice sociale et des possibilités d’épanouissement
économique. Ce sont là des valeurs auxquelles l’Europe souscrit sans réserve.
Ces révolutions ont été conduites, dans l’ensemble, par des membres de la
classe supérieure, diplômés et vivant en milieu urbain, qui veulent procéder
eux-mêmes aux changements, plutôt que se borner à émettre des souhaits. Les
médias sociaux ont joué un rôle clé en Libye et ailleurs.
Ainsi, les idées
qui forgeront l’avenir entraînent déjà des changements positifs. Il existe
maintenant des critères bien définis de ce qui est acceptable et défendable. Ce
que la population attend du gouvernement devient plus clair. A court terme, de
sérieuses difficultés économiques ne devraient pas surgir en Égypte ou en
Tunisie et les gouvernements des deux pays recueilleront l’appui du monde
extérieur. A plus long terme, l’économie politique posera un problème capital.
Si la communauté internationale veut prêter son concours, elle doit cependant
le faire dans le respect des intérêts souverains des sociétés concernées. Dans
deux ans, les pays du monde arabe seront très différents, politiquement
parlant, et le système des alliances aura changé aussi. Il y a quelques années
de cela, beaucoup pensaient que la région se transformerait en un second Doubaï :
des gratte-ciel et pas de liberté. Aujourd’hui, elle se divise entre les pays
du Golfe et les nouvelles Républiques révolutionnaires. Les relations entre le
monde arabe et le monde extérieur vont évoluer et un arrangement régional plus
large sera enfin envisageable pour la Méditerranée. Il y a de la place
maintenant pour de nouvelles dynamiques, de nouvelles idées, des échanges
approfondis. Au cours du débat qui a suivi, M. Yousef a prévenu que de
nombreux défis se poseraient dans la région et qu’ils seraient plus graves en
Libye, au Yémen et en Syrie qu’en Égypte ou en Tunisie.
Maha Azzam a
parlé de la transition vers la démocratie et des rapports entre la religion et
l’État en Égypte. Les protestations sont intervenues après des décennies de
dictature et d’oppression. Des réunions comme ce séminaire du GSM tendent à
privilégier les intérêts économiques et stratégiques au détriment des droits de
l’homme. Il y a maintenant des raisons de se montrer optimiste, mais il reste
beaucoup à faire. Le sort de la Syrie et de Bahreïn est incertain. L’Égypte et
la Tunisie sont dans une position plus forte, mais elles doivent répondre à des
questions pressantes. Les militaires égyptiens sont censés vouloir quitter la
scène politique, mais ils représentent une formidable puissance avec laquelle
il faut compter. A certains égards, on peut établir un parallèle entre les
forces armées égyptiennes et turques, ou, du moins, les forces armées turques
telles qu’on a pu les connaître dans le passé. Jusqu’ici, les militaires égyptiens
tiennent des propos encourageants, mais leurs intérêts économiques sont bien
établis et une résistance au changement pourrait se manifester. Le chômage et
les problèmes intrinsèques à ce que l’on appelle « l’explosion
démographique de la jeunesse » doivent, eux aussi, être résolus, et ils ne
le seront pas par des investissements à court terme. Par ailleurs, le système
de santé et la sécurité sociale égyptiens se sont désintégrés et le système
éducatif est à la dérive.
Associer justice
et islam ne pose pas de problème à la majorité des révolutionnaires, qui
veulent la mise en place d’un système de freins et de contrepoids et qui
demandent que leurs dirigeants soient tenus de rendre des comptes. La religion
reste à l’avant-plan des débats sur les obligations des dirigeants envers les
dirigés. Les Frères musulmans joueront vraisemblablement dans le processus
politique un rôle politique plus grand que certains en Europe ne le
souhaiteraient, mais ils font partie du paysage politique depuis des décennies.
L’Égypte a maintenant l’occasion de forger de nouvelles relations avec des
sociétés véritablement ouvertes dans la région. Cela modifiera aussi ses
relations avec l’Ouest. La paix entre l’Égypte et Israël pourrait aussi être
mise sur le tapis, tout comme la place des institutions militaires nationales.
Dans cette partie du monde, nombreux sont ceux qui estiment qu’Israël devrait
faire l’objet de la même vigilance que certains pays de la région, que ce soit
pour son dispositif nucléaire ou pour son oppression des Palestiniens.
Iyad Allaoui,
ancien Premier ministre de l’Iraq, a ouvert la session du mardi. Il a expliqué
que son pays était encore confronté à de multiples obstacles dans son
cheminement vers une démocratie en bonne et due forme. Il s’est révélé extrêmement
difficile d’y instaurer stabilité et l’État de droit. Des facteurs régionaux
extérieurs comme intérieurs engendrent de profonds changements et peuvent être
imprévisibles. Le pays occupe une position stratégique entre ses grands
voisins, la Turquie et l’Iran ; il est hétérogène sur le double plan
ethnique et religieux et recèle de grandes richesses naturelles. Le combat
principal se livre entre la modération et diverses formes d’extrémisme à
tendances terroristes. La stabilité politique, économique et sociale est liée à
la sécurité. L’intervenant a estimé que la vie politique iraquienne devait, en
dernière analyse, reposer sur un partenariat authentique entre les diverses
communautés, plutôt que sur les divisions ethniques ou confessionnelles.
M. Allaoui a
déclaré que les Kurdes avaient joué un rôle vital dans la lutte contre la
dictature de Saddam Hussein. Le dialogue avec eux doit reposer sur la
compréhension et le partenariat et être sous-tendu par des règles
fondamentales : répartition du revenu national, adoption d’une loi sur le
pétrole et le gaz naturel et discussions constructives autour des litiges
actuels. L’intervenant a déploré les récents attentats contre des chrétiens,
attentats qu’il a qualifiés d’inhumains et d’immoraux. Il a appelé le monde
extérieur à venir en aide à la communauté chrétienne d’Iraq.
Nechirvan Idris
Barzani, ancien Premier ministre du gouvernement du Kurdistan iraquien, a
commencé par dire que les Kurdes savaient que rien ne pouvait se substituer à
l’aide des pays européens ; c’est la raison pour laquelle ils ont cherché
à nouer des relations avec l’Ouest. Il ne faut pas oublier les atrocités
commises dans la région kurde : 182 000 disparus,
4 500 villages rasés, emploi d’armes chimiques contre les populations
civiles. La Haute Cour iraquienne et le Conseil des représentants ont qualifié
ces crimes de génocide, mais cela ne suffit pas.
La région connaît
de profonds changements. L’Iraq a été épargné par les émeutes car il est
maintenant plus démocratique et plus ouvert que bon nombre de ses voisins.
Trois grands problèmes se posent à lui. Il doit instaurer un climat de
confiance entre les partis et les forces politiques ; il doit
institutionnaliser le système constitutionnel de manière à accorder une
autonomie substantielle aux régions : pour leur part, les Kurdes
continueront à réclamer un État fédéral, pluraliste et démocratique ;
enfin, la Constitution doit aussi régler la question des litiges territoriaux
et corriger les erreurs commises par le régime baasiste.
Le Kurdistan a
une longue expérience de l’autonomie ; il a prospéré et s’est développé
alors même que le reste du pays souffrait. Le peuple kurde accueille des
réfugiés et peut apporter une importante contribution à la sécurité énergétique
mondiale. L’histoire du Kurdistan montre comment la démocratie peut libérer
tout le potentiel d’un peuple qui a longtemps souffert.
Au cours du débat
qui a suivi, un participant néerlandais a fait observer que son pays avait
insisté pour que l’opération Anfal menée par Saddam Hussein contre les
Kurdes soit considérée comme un génocide. M. Barzani a ajouté que la ville
de Kirkouk était kurde et symbolisait l’oppression subie par le peuple kurde.
Selon lui, cela doit être reconnu, après quoi la question du partage des
revenus pétroliers provenant de la région pourra être réglée. Répondant à une
question d’un participant, il a reconnu que la corruption posait un très grave
problème en Iraq et empêchait l’instauration d’un climat propice aux
investissements. Il a demandé aussi que toute la région soit exempte d’armes de
destruction massive et que les Iraniens soient associés aux discussions à ce
sujet, de manière à leur garantir qu’ils ne seraient victimes d’aucune
agression. Il a admis que la corruption posait aussi un problème au Kurdistan mais
que son ampleur avait été exagérée. Enfin, il a fait observer que la Turquie
était devenue un partenaire majeur du Kurdistan et a ajouté que de nombreuses
sociétés turques investissaient dans la région.
L’amiral Samuel
J. Locklear III, commandant du Commandement des forces alliées interarmées
(Naples), a présenté un récapitulatif des opérations de l’OTAN en Méditerranée.
L’OTAN n’est pas engagée qu’en Libye mais opère dans toute la région
méditerranéenne, y compris les Balkans. Ces opérations mettent ses ressources à
rude épreuve, mais l’Alliance tient le coup.
L’opération
Active Endeavor a pour objet d'empêcher toute opération terroriste sur le front
maritime. Elle a adopté à cet effet une stratégie infocentrée. En temps
ordinaire, l’OTAN est en mesure de surveiller 60 % en moyenne du
trafic traversant la Méditerranée ou évoluant dans son voisinage. Cela n’est
cependant pas satisfaisant et des améliorations sont nécessaires.
Les opérations de
l’Union européenne et de l’OTAN dans les Balkans ont été couronnées de succès,
un succès qui a toute son importance. L’effectif des forces de dissuasion
déployées au Kosovo a été ramené de 15 000 à
5 000 hommes au cours de ces deux dernières années. La prochaine
étape consistera à réduire ce nombre de moitié, objectif qui sera examiné au
sein du Conseil de l’Atlantique Nord. Aucune menace grave ne pèse sur la
sécurité au Kosovo et l’UE est capable d’exercer une grande influence dans la
région. L’admission des Kosovars dans des organisations régionales contribuera
à instaurer, à long terme, un climat de confiance avec Belgrade. Il ne faut
toutefois pas oublier que la KFOR demeure, au Kosovo, l’entité qui inspire le
plus de confiance. L’OTAN continuera à soutenir l’évolution démocratique du
Kosovo et de la Serbie.
La Serbie a
beaucoup progressé dans le rétablissement de bonnes relations dans la région et
sa coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a
revêtu une grande importance à cet égard. Son président a récemment accueilli à
Belgrade un sommet sur la stratégie de l’OTAN auquel étaient représentés 56
pays, chiffre impressionnant si l’on songe au sentiment de méfiance assez
marqué que suscite encore l’OTAN dans les populations. D’autres problèmes de
sécurité se posent dans la région et doivent être résolus. La
Bosnie-Herzégovine doit régler la question des propriétés militaires, mais
l’impasse politique dans laquelle elle se trouve actuellement ne le permet pas.
Cependant, les forces armées ont bien avancé dans la réforme de la défense et ont
apporté une contribution significative à la FIAS. Le Monténégro, qui s’est doté
de forces armées de taille réduite mais efficaces contribuant, elles aussi, à
la réalisation des missions de la FIAS, promeut la coopération régionale dans
le domaine de la sécurité. Il avance de manière régulière sur la voie de
l’intégration euro-atlantique. L’ex-République yougoslave de Macédoine*
continue à participer à une large gamme d’activités relevant du Partenariat
pour la paix et a montré qu'elle était prête à rejoindre l'OTAN ;
cependant, elle doit maintenant régler avec la Grèce la question de son
appellation.
La Mission OTAN
de formation en Iraq (NTM-I) a un effectif modeste (200 personnes) mais
ses activités ont de vastes répercussions et engendrent des
« profits » appréciables pour des investissements relativement
réduits.
En Libye,
l’opération Protecteur unifié, dont le mandat reposait sur les
résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, a
permis de prévenir une catastrophe humanitaire. L’aide arrive en masse dans le
pays et la machine de guerre du régime a été durablement détériorée. On estime
qu’1,1 million de personnes (sur une population de 7 millions d’habitants) ont
quitté la Libye. Pour mettre un terme à l’opération, l’OTAN demande la proclamation
d’un cessez-le-feu, le retrait des forces armées dans leurs casernements et la
libre circulation de l’aide humanitaire. L’embargo a porté ses fruits : 17
navires de pays alliés ou partenaires ont procédé à
1 500 arraisonnements et à 130 inspections à bord, et huit
bâtiments se sont vu interdire l’accès à un port. Les frontières méridionales
sont toutefois beaucoup plus difficiles à gérer. La zone d’exclusion aérienne
reste en place : seuls sont autorisés les vols nécessaires à
l’acheminement de l’aide humanitaire et aux services essentiels. La mission de
protection des populations civiles a donné de bons résultats. Dans l’est du
pays, les conditions de vie sont à peu près normales si l’on fait abstraction
de la pénurie de carburant et de denrées alimentaires. A Misrata, on assiste
également au début d’un retour à la normale. Dans l’ouest, les moudjahiddin ou
l’opposition ont expulsé les tenants du régime de plusieurs secteurs importants
et se sont rapprochés de Tripoli. Les habitants de la capitale ont de la
nourriture et de l’eau et assistent aux attaques aériennes de l’OTAN, mais les
seuls dangers qui pourraient peser sur leur existence émanent du régime. Les
rebelles commencent à se rallier entre eux sur le plan politique et coopèrent
de manière plus efficace dans le domaine de la sécurité. Il est important de
savoir que le changement de régime n’est pas inscrit dans le mandat de l’OTAN
et que l’Alliance ne pourchasse ni ne prend pour cible aucun individu en
particulier. Dans la situation sur le terrain, le colonel Kadhafi a tout
simplement de moins en moins d’importance.
L’OTAN mène une
campagne aérienne complexe. L’opération se déroule sans encombre. On
dénombre 13 000 sorties d’aéronefs depuis le début du mois de
juillet, dont plus de 5 000 sorties offensives,
et 2 600 objectifs effectivement détruits.
Au cours du débat
qui a suivi, l’amiral Locklear a admis que le ravitaillement en munitions avait
posé un problème durant les tout premiers jours de la campagne libyenne. Les
États-Unis ont apporté leur aide et il semble que la question soit réglée pour
le moment. L’amiral a refusé de parler d’impasse au sujet de la situation
militaire, car les forces de Kadhafi sont systématiquement affaiblies. Il a
fait observer que les États-Unis jouaient un rôle clé dans le
ravitaillement en vol et la collecte d’informations et de données du
renseignement. Il a également récusé l’assertion selon laquelle l’OTAN essayait
de gagner une guerre; bien plutôt, l’OTAN veille avant tout à respecter le
mandat conféré par l’ONU. Les opérations militaires servent à créer un espace
propice à la diplomatie.
La Turquie reconnaît la République de
Macédoine sous son nom constitutionnel
RAPPORT DE LA RÉUNION CONJOINTE DU
CONSEIL INTERPARLEMENTAIRE UKRAINE-OTAN, DE LA SOUS-COMMISSION SUR LES
PARTENARIATS DE L’OTAN ET DE LA SOUS-COMMISSION SUR LA GOUVERNANCE
DÉMOCRATIQUE, KYIV, UKRAINE, DU 5 AU 7 JUILLET 2011
À Kyiv, le Canada
a été représenté par la Sénatrice Raynell Andreychuk et M. Darryl Kramp,
député.
La décision prise
par l'Ukraine en juillet 2010 d'opter pour un statut de pays ne dépendant
d’aucun bloc et de se fixer comme objectif d’édifier une coopération
constructive avec l'OTAN - plutôt que d'y adhérer - a atténué la controverse
qui régnait à l’intérieur du pays. Parallèlement, la coopération tant politique
que dans des domaines concrets s'est poursuivie, allant même en s'intensifiant.
Tels ont été les principaux constats d'une réunion qui s’est tenue à Kiyv, le 5
juillet, entre des parlementaires de l'OTAN et leurs homologues ukrainiens dans
le cadre du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN (UNIC). Les dix-sept
membres de la délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (AP-OTAN) et
plusieurs députés du Parlement ukrainien ont participé à la réunion du Conseil
avant de prendre part, les 6 et 7 juillet, à la visite de la Sous-commission
sur la gouvernance démocratique (CDSDG).
Les
parlementaires de l'OTAN ont exhorté leurs homologues ukrainiens à accélérer la
réforme politique et économique. « Les progrès accomplis par l'Ukraine sur la
voie de la démocratie se distinguent incontestablement dans le périmètre
post-soviétique, et nous espérons tous que l'Ukraine poursuivra dans cette voie
», a déclaré à ses homologues ukrainiens Assen Agov (Bulgarie),
coprésident de l’UNIC. Hendrik Jan Ormel (Pays-Bas), président de la CDSDG a
ajouté : « C’est en poursuivant le rapprochement avec l'Ukraine que l’Union
européenne et l’OTAN appuieront de la meilleure façon les réformes en cours
dans ce pays européen d'une importance-clé ».
À la Session
annuelle de l'AP-OTAN qui doit se tenir à Bucarest en octobre 2011, la
Sous-commission sur la gouvernance démocratique se penchera sur un rapport de
Lucio Malan (Italie) traitant de l'évolution des politiques intérieure et
étrangère de l'Ukraine. « Je considère que les débats animés et la diversité
d'opinions dont nous avons été les témoins au cours de nos réunions à Kiyv, y
compris les échanges de vues entre parlementaires du parti au pouvoir et de
l'opposition, témoignent d’une évolution nettement positive », a déclaré M.
Ormel. « Voilà qui nous sera extrêmement utile pour affiner l'évaluation que
nous proposerons, dans le rapport de la sous-commission, des développements
récents en Ukraine ».
La réunion de
l’UNIC a été inaugurée par le président du Parlement ukrainien,
Volodymyr Lytvyn. Celui-ci a souligné que grâce à l'adoption par l'Ukraine
de la Loi sur les fondements de la politique intérieure et étrangère et grâce
aussi à l'adoption par l’OTAN de son nouveau Concept stratégique, les
discussions sur l'OTAN à l'intérieur du pays « se sont hissées de la politique
politicienne au débat véritable ». M. Lytvyn a dit espérer que, dans l'avenir,
l'Ukraine saura éviter les brusques changements de cap en politique étrangère
et concentrer ses efforts sur l'intégration à l'UE et sur la coopération
concrète avec l'OTAN, tout en conservant son statut de pays ne dépendant
d’aucun bloc. Il a affirmé que l'Ukraine entend rester un partenaire fiable et
qu’elle maintiendra sa participation aux opérations dirigées par l'OTAN.
M. Lytvyn a
également réitéré l’adhésion résolue des dirigeants de l'Ukraine aux valeurs
démocratiques, tout en observant que la consolidation du pouvoir en Ukraine est
une condition nécessaire de la mise en œuvre des réformes structurelles. Le
Programme national annuel (PNA) adopté avec l'OTAN contribue de façon efficace
à l'application du train de réformes internes.
Mykola Tomenko
(Ukraine), président adjoint du Parlement ukrainien et coprésident de l'UNIC, a
noté que les relations entre l'Ukraine et l'OTAN avaient subi un certain
refroidissement au cours de l'année 2010 mais que la politique étrangère de
l'Ukraine s'était rééquilibrée en 2011. Récemment, l'Ukraine a manifesté sa
détermination à maintenir une coopération intensive avec les Alliés en participant
à l’exercice Sea Breeze, mené conjointement avec la Marine militaire
américaine. M. Tomenko a également souligné que l'adhésion aux valeurs
démocratiques et aux droits humains était le principal catalyseur du processus
d'intégration de l'Ukraine à l'Europe.
M. Agov s'est
félicité de la vaste portée et de la sincérité de la coopération concrète qui
existe entre l'OTAN et l'Ukraine, et ce en dépit du fait que la perspective
d'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN ne soit plus à l'ordre du jour. Au nom de l'Assemblée,
il a remercié l'Ukraine de son apport substantiel aux opérations dirigées par
l'OTAN, avant de citer les propos suivants du Secrétaire général de l'OTAN,
Anders Fogh Rasmussen : « Les progrès de la démocratie et de la
primauté du droit sont une dimension essentielle des relations entre l'OTAN et
l'Ukraine » et de réitérer le vœu que l'Ukraine reste fidèle à son engagement
et à ses réalisations en matière de démocratie.
LES PRIORITÉS
DE L’UKRAINE EN MATIÈRE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE DÉFENSE
PRINCIPES
GÉNÉRAUX
La façon dont
l'Ukraine s’attache à maintenir un équilibre dans ses relations avec l'Est et
l’Ouest a été au cœur des discussions portant sur sa politique étrangère et de
défense, au cours desquelles la délégation s’est vu présenter des perspectives
divergentes. Plusieurs des intervenants ont rejeté la dichotomie « Est - Ouest
», autrement dit la nécessité pour l'Ukraine de choisir un camp. Selon eux, il
s'agit d'une vision erronée car il est possible de maintenir une approche
d'équilibre entre l'Occident et la Russie, et ils y voient même la meilleure
démarche pour l'Ukraine, du fait de sa double identité. D'autres interlocuteurs
ont soutenu, au contraire, que l'on ne peut pas ignorer le caractère au moins
partiellement antinomique de ce double processus et que l'Ukraine doit choisir
sa voie.
La signification
et les conséquences de la décision ukrainienne d'adopter un statut de non
dépendance à l’égard d’un bloc ont également tenu une large place dans les
discussions de la délégation. Cette décision continue de faire l'objet de vives
critiques de la part des parlementaires de l'opposition, qui en dénoncent la
myopie de même que le caractère tactique plutôt que stratégique, tout en
soutenant que l'Ukraine ne doit pas renoncer à l'objectif d'adhésion à l'OTAN.
Selon certaines
déclarations faites à la délégation, l'Ukraine a adopté une vision élargie de
la sécurité, avec, comme objectif à long terme de sa politique étrangère,
l'appartenance de plein droit à l'UE, la participation à une architecture
européenne de sécurité élargie, le développement des relations avec les
nouveaux pôles de pouvoir et la mise en place d'un cadre de coopération
efficace pour la région de la mer Noire. Les interlocuteurs ukrainiens ont
également mis en relief l'appui apporté par Kiyv aux efforts concertés
entrepris à l'échelle internationale pour entraver la prolifération des armes
de destruction massive, de même que son rôle comme promoteur de la
dénucléarisation et de la démilitarisation à l'échelon régional comme à l'échelle
mondiale. Ils ont réaffirmé que l'Ukraine est déterminée à maintenir sa
contribution aux opérations internationales de soutien de la paix, en
soulignant qu’une telle participation répond à un double but : améliorer
la sécurité aux niveaux régional et mondial, et renforcer l'efficacité des
forces armées du pays.
L'INTÉGRATION
À L’UE
Selon certains
exposés présentés à la délégation, le président Yanukovich a fait de
l'intégration à l'UE la pierre angulaire de la politique étrangère de
l'Ukraine, en déclarant que cette intégration représente la meilleure garantie
de non-appartenance à un bloc. De nombreux interlocuteurs de la délégation ont
mis l'accent sur la complémentarité entre les priorités en matière de réforme
liées au processus d'intégration à l'UE et le PNA arrêté par l'Ukraine avec
l'OTAN.
À la fin de
l'année 2011, le processus d'intégration de l'Ukraine à l'UE devra subir
l’épreuve de vérité : l’Accord d’association ainsi que l’Accord de
libre-échange approfondi et global (DCFTA), que Kiyv espère conclure avec l'UE.
Selon les déclarations faites à la délégation, le DCFTA aurait rallié les
suffrages d'une écrasante majorité des forces politiques du pays. Certains
membres de l'Assemblée ont déclaré que, à court terme, le parcours d'intégration
à l'UE offre à l'Ukraine des perspectives plus prometteuses que celui proposé
par l'OTAN, soulignant les effets bénéfiques que l'adaptation de l'Ukraine aux
normes commerciales de l'UE pourrait avoir sur le programme de réformes
internes, sur le climat des affaires et sur la lutte contre la corruption. Ils
ont cité à titre d’illustration les discussions en cours sur la révision de la
législation encadrant la passation de marchés publics.
Certaines
préoccupations ont été exprimées quant à la compatibilité du DCFTA avec les
projets parallèles de rapprochement avec l'Union douanière entre la Russie, le
Bélarus et le Kazakhstan. Certains députés de l'opposition se sont dits
sceptiques quant à l’efficacité de la proposition d’accord « 3 + 1 » avec
l’Union douanière présentée par le président Yanukovich - à savoir la
coopération avec l'Union douanière - mais sans aller jusqu'à l'adhésion.
Cependant, la majorité des interlocuteurs ont assuré la délégation que l'accord
« 3 + 1 » serait pleinement compatible avec le DCFTA. L'un des intervenants a
également observé qu'il n'y avait pas lieu de faire une comparaison directe
entre l'UE et l'Union douanière, compte tenu du retard considérable de celle-ci
en matière de règles et de normes.
Plusieurs
interlocuteurs et parlementaires ukrainiens ont exhorté l'UE à accorder
l'accession à l'Ukraine le plus tôt possible, en déclarant que la nation
ukrainienne était unie autour de l'idée d'une intégration à l'Europe. Cette
déclaration a toutefois été réfutée par l’un des intervenants, qui s’est référé
à des sondages d'opinion indiquant que, même si les Ukrainiens se faisaient
généralement une idée positive de l'UE, une bonne partie d’entre eux
s’opposeraient à l'intégration à l'Europe si cela impliquait une prise de
distance à l'égard de la Russie. Quant à Moscou, ses réactions à propos des
négociations sur le DCFTA et, de manière plus générale, sur les aspirations
européennes de Kiyv sont mitigées, a-t-il été déclaré à la délégation.
LA RÉFORME DU
SECTEUR DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ ET LES RELATIONS AVEC L’OTAN
La mise en œuvre
du PNA 2010 de l'Ukraine conclu avec l’OTAN a fait l'objet d'une appréciation
globalement positive. Les responsables de l'OTAN ont expliqué que l'Alliance a
pris bonne note de la politique ukrainienne favorable à un statut de
non-dépendance à l’égard d’un bloc, tout en réaffirmant que la décision du
Sommet de Bucarest selon laquelle la Géorgie et l'Ukraine sont appelées à
devenir un jour membres de l'OTAN conserve sa validité. Cependant, l'accent est
à présent mis sur le processus plutôt que sur le but final. À ce propos, les
représentants officiels de l'OTAN ont affirmé avec la plus grande énergie que
la décision de l'Ukraine concernant son statut de non-dépendance à l’égard d’un
bloc n'a en rien entaché la coopération politique ni la coopération dans des
domaines concrets. Au demeurant celles-ci se sont intensifiées, et s’il est
vrai que le PNA n’est plus utilisé comme instrument pour préparer le pays à
l'adhésion à l'OTAN, il sert de plus en plus comme support des réformes
internes du pays. L’OTAN considère que le PNA représente une base satisfaisante
de coopération globale avec l'Ukraine, coopération qui a de fortes chances
d'être étendue à l'élimination des matériaux radioactifs de même qu'à l'assistance
aux mesures d'urgence dans le domaine civil en vue du prochain Championnat
européen de football, en 2012. L'un des représentants officiels de l'OTAN a
déclaré que l'Ukraine reste un pays-clé dont l'influence est déterminante pour
la sécurité européenne, et il a plaidé pour le maintien du niveau actuel de
coopération avec l'Ukraine, faute de quoi, a-t-il averti, les conséquences
négatives seraient inévitables.
Les participants
ukrainiens ont mis en relief le vaste champ d’application de la coopération avec
l'OTAN, dont l’illustration la plus réussie est le PNA. Pendant la période
2010-2011, la coopération entre l'Alliance et l'Ukraine a couvert des domaines
aussi variés que les réformes internes d'ordre politique, administratif,
judiciaire et économique, ainsi que la cyber-sécurité, environnementaux, la
participation aux opérations dirigées par l'OTAN, les initiatives de lutte
contre la prolifération à l’échelle mondiale et la sécurité maritime. Le PNA
pour l'année 2011 a été adopté le 13 avril 2011, et cinq représentants
gouvernementaux ont été désignés pour coordonner le travail accompli dans le
cadre de chacun des chapitres qui le composent. Le programme de 2011 tient
dûment compte des principes énoncés dans la Loi de 2010 sur les fondements de
la politique étrangère et de défense. Les représentants officiels de l'Ukraine
ont en outre fait observer que l'on accorde une grande attention à la primauté
du droit et à la protection des droits et des libertés. Ils ont signalé en
particulier, parmi les priorités, la reconduction du Fonds d'affectation
spéciale du Partenariat pour la Paix orienté vers l'élimination des excédents
d'armes et de munitions, le recyclage du personnel, les initiatives du
programme « La science au service de la paix et de la sécurité », et
enfin une meilleure insertion de la société civile dans les débats portant sur
la défense et sur la sécurité.
Les responsables
ukrainiens ont insisté sur le fait que le PNA est un document essentiellement
axé sur les réalisations concrètes et que c’est un outil précieux de
renforcement de l'interopérabilité entre les forces ukrainiennes et celles de
l'OTAN. Ils ont également souligné que l'Ukraine tire un profit considérable de
la coopération avec les experts occidentaux dans des domaines tels que la rédaction
de documents stratégiques, l'amélioration des performances des forces
ukrainiennes grâce à la participation à des exercices conjoints et aux
opérations dirigées par l'OTAN, et le renforcement du contrôle civil sur les
forces armées.
Les représentants
de l'OTAN et de ses États membres ont rendu hommage à l’apport exceptionnel de
l'Ukraine à la quasi-totalité des opérations de l'OTAN. L'Ukraine a renforcé
son contingent affecté à la mission de la FIAS en Afghanistan, elle a participé
à la force du Kosovo, à l'opération Active Endeavour de lutte contre le
terrorisme en Méditerranée ainsi qu'à la mission de formation de l'OTAN en
Irak. En outre, les représentants ukrainiens ont rappelé que leur gouvernement
avait autorisé la mise à disposition d'un navire pour évacuer des réfugiés à
partir de la Libye, et qu’il prévoyait d’accueillir des soldats de l'Armée
nationale afghane pour des cours de formation dans les académies militaires
ukrainiennes. Par ailleurs, l'Ukraine est le premier partenaire de l'Alliance à
participer à la Force de réaction de l'OTAN.
Les représentants
officiels de l'OTAN ont néanmoins déploré le retard dans l'adoption du PNA pour
2011. Ils ont encouragé l’Ukraine à persévérer dans la voie des réformes
démocratiques et plus particulièrement dans la lutte contre la corruption et
dans la réforme électorale, et l’ont instamment invitée à envisager une
contribution à l'opération de l'OTAN Ocean Shield au large des côtes de
Somalie, à l'opération Unified Protector en Libye et à la mission de formation
de l'OTAN en Afghanistan.
Les délégués de
l'OTAN ont également pointé du doigt la faiblesse pérenne du financement des
dépenses en matière de défense. L'un des représentants de l'OTAN a soutenu que
si le statut de non-dépendance à l’égard d’un bloc signifie la neutralité,
l'Ukraine doit être prête à se défendre sans aide extérieure, ce qui ne peut
manquer d'avoir des conséquences pour sa posture militaire et pour son budget
de défense.
Les responsables
ukrainiens ont soutenu que l'incidence de la politique de non appartenance à un
bloc sur le budget de défense restait à établir, tout en reconnaissant que le
niveau de financement du secteur de la défense et de la sécurité reste faible.
Par ailleurs, étant donné que les dépenses de personnel absorbent 70 % du
budget de la défense, il ne reste plus qu'un montant insuffisant pour les
opérations et pour la modernisation. Des réformes substantielles sont donc
nécessaires pour maintenir la pertinence de ce secteur et pour qu'il soit
capable d'affronter les tâches liées à la sécurité nationale en période
d'austérité économique.
Avec l'adoption
de la Loi sur le fondement de la politique étrangère et de défense et avec
l'achèvement de la Revue de défense stratégique, les autorités gouvernementales
se sont attachées à affiner les priorités en matière de réforme du secteur de
la défense et de la sécurité. Plusieurs documents importants sont à la veille
d'être adoptés, dont une nouvelle stratégie nationale de sécurité, une
stratégie de politique étrangère, une doctrine militaire et le Bulletin de
défense stratégique. Tous ces documents visent à cerner le concept directeur
nécessaire à la poursuite des réformes et du développement des forces armées à
l'horizon 2016. Les représentants officiels de l'Ukraine ont par ailleurs
énuméré, parmi les priorités à prendre en compte dans le cadre de l'assistance
internationale, le perfectionnement professionnel des forces armées, la
protection sociale, les orientations en matière de réforme et de
perfectionnement des forces armées, ainsi que l'interopérabilité.
La délégation a
également été mise au courant des efforts entrepris pour mieux faire connaître
l'OTAN et améliorer son image auprès de l’opinion ukrainienne. Le Programme
d’État d'information du public sur l'intégration euro-atlantique de l'Ukraine
pour la période 2008-2011, lancé sous le gouvernement précédent, comprend
plusieurs initiatives de grande portée, y compris la création de centres
régionaux d'information et la tenue d'activités destinées à familiariser le
public avec l’Alliance, qu’il s’agisse de séminaires, de conférences ou de
concours de rédaction. La délégation a ainsi pu se rendre compte que beaucoup
de chemin a été parcouru ; toutefois, la mise en œuvre du programme est
aujourd'hui entravée par la récession économique et par l'adoption du statut de
pays ne dépendant d’aucun bloc, ce qui rend peu probable le renouvellement du
programme une fois celui en cours arrivé à expiration.
Le Centre
d'information et de documentation sur l'OTAN (NIDC) établi à Kiyv joue un rôle
déterminant d'information du public sur l'Alliance. Le centre exécute une série
de programmes qui font appel aussi bien à des méthodes traditionnelles qu’à des
démarches plus modernes d'information et de communication. Ces programmes ont
été conçus pour stimuler l'intérêt de différentes catégories de population tout
en les renseignant, notamment les étudiants, les enseignants, les journalistes
et les représentants d'ONG, mais aussi des vedettes populaires et des
dirigeants religieux.
Selon les responsables
du NIDC, le climat général se prête de plus en plus, quoique de façon
graduelle, aux discussions portant sur les questions entourant l'OTAN. Ces
mêmes responsables sont d’avis qu’il convient de voir dans les nouvelles
orientations de la politique étrangère de l'Ukraine une occasion d’encourager
sur ce sujet un débat moins passionnel, plus rationnel et davantage basé sur
les faits. Les sondages d'opinion indiquent que pour deux tiers des Ukrainiens
- répartis dans tout le pays - l’OTAN ne constitue pas une menace ;
parallèlement, les reportages des médias ukrainiens se sont faits nettement
moins incisifs à l’égard de l’OTAN. Il demeure toutefois que dans leur
majorité, les Ukrainiens n'appuient ni l'adhésion à l'OTAN ni même un
resserrement de la coopération avec l'Alliance.
L'ÉVOLUTION
INTERNE EN UKRAINE
LES
DÉVELOPPEMENTS DANS LE DOMAINE POLITIQUE, LA DEMOCRATIE ET L’OPPOSITION
Les
parlementaires de l'opposition et certains représentants d’ONG se sont dits
préoccupés par ce qu'ils perçoivent comme une tendance préjudiciable, à savoir
l'érosion des progrès accomplis en matière de démocratie et de droits humains,
parallèlement à une évolution vers le parti unique et une centralisation
excessive. Plusieurs intervenants ont évoqué le dernier rapport publié par
Freedom House, qui a rétrogradé pour 2010 l'Ukraine de la position de « pays
libre » à celle de « pays partiellement libre ». Les parlementaires du parti au
pouvoir ont rejeté ces expressions d'inquiétude les considérant infondées et
des experts indépendants les ont qualifiées d'exagérées, voyant dans les
tendances actuelles un ajustement temporaire susceptible de renversement.
Autre inquiétude
de premier plan des parlementaires de l'opposition, les procès au pénal engagés
contre des membres éminents de l'opposition - dont l'ex-Premier ministre, Yulia
Tymoshenko et l'ancien ministre de l'Intérieur, Yuriy Lutsenko - procès
alimentés, selon eux, par des considérations politiques. Leurs homologues du
parti au pouvoir ont rejeté l'expression « justice sélective » employée à
ce propos et rappelé qu'un certain nombre de dignitaires du gouvernement actuel
- y compris l'ancien président du Parlement de Crimée - ont été traduits en
justice pour corruption. Ces parlementaires ont déclaré que l'on pouvait s'en
remettre au système judiciaire ukrainien, citant en exemple certaines affaires
dans lesquelles les accusés ont été acquittés.
Les
parlementaires de l'opposition ont en outre rappelé que les élections locales
de 2010 avaient été largement considérées comme une régression par rapport aux
scrutins précédents en Ukraine. Ils se sont dits inquiets de la proposition de
réforme du système électoral visant à introduire un régime mixte pour les
prochaines élections parlementaires. La combinaison de listes verrouillées au
niveau des partis et de circonscriptions extrêmement vastes munies d'un mandat
unique ne manquerait pas, selon eux, de rendre très ardue la tâche des
candidats ne disposant pas de ressources financières substantielles et de
l’appui du monde des affaires. Là encore, les représentants du parti au pouvoir
ont écarté ces craintes, en répliquant que la réforme proposée rendrait le
système électoral plus efficace.
Il y avait
également divergence de vues entre parlementaires de la majorité et ceux de
l'opposition quant aux garanties d'indépendance du corps judiciaire. Alors que
la création du Conseil suprême de la justice avait été présentée comme un moyen
de renforcer l'indépendance de la justice, les membres de l'opposition y
voyaient un vecteur de mainmise politique sur le corps judiciaire.
Les entretiens
avec les parlementaires et avec les experts des ONG ont en outre mis au jour
des appréciations contradictoires quant à la lutte contre la corruption, le
rôle des oligarques dans le système politique ukrainien, les perspectives de
consolidation des forces d'opposition, de même que le niveau de militantisme et
la maturité démocratique de la société civile ukrainienne.
Ces entretiens
ont également permis de mieux cerner le rôle que peut jouer une perspective
claire, tant européenne qu’euro-atlantique, dans la promotion du processus
démocratique en Ukraine. Mme Tymoshenko a exhorté l'UE et l'OTAN, en tant que
partenaires, à ne pas laisser les signes apparents d'une érosion de la
démocratie faire échouer les négociations concernant l'Accord d'association et
le DCFTA avec l'UE. En effet, la conclusion et la ratification de ces accords
avec l'UE contribueraient à ancrer fermement l'Ukraine au sein de la famille
des démocraties européennes. Mme Tymoshenko a ainsi souligné son propos : « Les
deux principaux défis du pays consistent à maintenir le cap européen de
l'Ukraine et à préserver les réalisations démocratiques de la Révolution Orange
».
Plusieurs
interlocuteurs et plusieurs membres de la délégation se sont fait l'écho de
cette exhortation, en soulignant combien il importait d'appuyer l'évolution
démocratique de l'Ukraine et en évoquant les effets positifs que cela pourrait
avoir sur l'ensemble de la région post-soviétique.
LES MÉDIAS ET
LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
La délégation
s'est également enquise des développements en matière de liberté des médias, en
évoquant notamment la disparition du journaliste Vasyl Klymentyev. Plusieurs
hauts fonctionnaires internationaux et représentants d'ONG ont fait observer
que le contexte médiatique de l'Ukraine reste ouvert et dynamique et que l'on
n’y constate pas de manifestations patentes de la censure. Les représentants du
Parti des régions ont ajouté à ce propos que les téléspectateurs ukrainiens
jouissent d'une totale pluralité de points de vue.
Les
parlementaires de l'opposition ont répliqué en citant le cas de deux stations
de télévision dont la bande de fréquence a été réduite par les autorités. Ils
se sont en outre alarmés du fait que le chef du service de sécurité de
l'Ukraine (SBU) soit également propriétaire du principal empire médiatique du
pays.
LES
DÉVELOPPEMENTS DANS LE DOMAINE ÉCONOMIQUE
Les consultations
portant sur l'économie ukrainienne ont mis en relief le fait que nombre
d'indicateurs macro-économiques sont positifs : la croissance annuelle du PNB
dépasse 4 %, la production industrielle et les recettes fiscales ont également
progressé de façon remarquable et la balance des paiements s'est améliorée de
façon tangible au cours de l'an dernier. Cependant, les experts ont rappelé
qu’avant cette embellie l'économie avait été au plus bas par suite de la grave
récession économique de 2009 et que l'Ukraine était favorisée par la remontée
des cours de certaines des principales matières premières produites par le
pays.
Les interlocuteurs
de la délégation ont en outre exprimé des réserves sur la solidité et sur la
durabilité de la croissance actuelle. En effet, ont déploré les experts, en
dépit de leur nombre impressionnant, les réformes structurelles entreprises par
le gouvernement ne sont bien souvent que de pâles imitations de réformes
réelles. A titre d'exemple, le code des impôts récemment promulgué ne fait en
réalité qu’augmenter l'assiette fiscale, et il n’affronte pas les véritables
défis tels que la simplification du régime d'imposition, l'allégement du
fardeau fiscal et la lutte contre l'économie parallèle. Dans le même ordre
d'idées, les experts ont déclaré que la réforme récente du régime de pensions
de retraite reste superficielle ; en outre, selon l'un d'entre eux, la croissance
ne profite pas à l'ensemble de la population - pour preuve, l’absence de
croissance réelle du taux d'emploi. Par ailleurs, le faible taux
d'investissement étranger direct constitue un facteur particulièrement
préoccupant.
La politique
économique de l'Ukraine comprend d'autres aspects problématiques, tels que le
poids excessif du gouvernement central dans l'économie, l'absence de
planification économique à long terme, le manque de transparence dans
l’exécution d'importants programmes de privatisation, l’évolution
monopolistique de certaines industries ou encore les conditions de plus en plus
difficiles faites aux exploitants privés dans le secteur agricole. En outre,
certains interlocuteurs craignent que l'influence russe, qui s’accentue sur
certains segments de l'économie ukrainienne, ne vienne miner l'indépendance
économique du pays.
Ces mêmes experts
ont déploré que le gouvernement ne semble pas pénétré de l'urgente nécessité
d’accomplir les réformes et d’améliorer le climat des affaires. Ils se sont
alarmés du fait que les autorités n'ont pas tiré les enseignements de la
dernière récession, et ils n’ont pas exclu la possibilité d'une rechute
économique. Ils ont souligné en particulier la corrélation entre la
libéralisation du système politique et celle de l'économie, en pointant du
doigt l'influence politique des oligarques. L'u, n des experts a exhorté les
partenaires occidentaux de l'Ukraine à intensifier les pressions pour que le
pays se réforme, en soutenant que l'impulsion nécessaire au changement ne
pouvait venir que de l'extérieur.
Tout en prenant
acte de certains progrès accomplis vers l'européanisation du secteur
énergétique de l'Ukraine, les experts ont déploré que ces progrès ne se soient
pas accompagnés de mesures concrètes renforçant l'indépendance énergétique du
pays. L’Ukraine reste étroitement tributaire des approvisionnements
énergétiques russes et la réforme du secteur énergétique n'a donné, à ce jour,
que de maigres résultats. L’un des intervenants a également déploré que le gouvernement
maintienne la priorité accordée au développement de l’infrastructure
d’exploitation du gaz naturel et de l'énergie nucléaire au détriment de
l'efficacité énergétique, ajoutant que si l'Ukraine avait atteint des niveaux
d'économie d'énergie analogues à ceux des pays du Groupe de Visegrad, ses
ressources internes suffiraient à couvrir ses besoins. La mise en valeur des
gisements gaziers de schiste, à l'instar de la Pologne, semble contenir des
perspectives prometteuses.
LE
SERVICE DE SÉCURITÉ UKRAINIEN ET SON CENTRE DE LUTTE ANTITERRORISTE
La délégation de
l'Assemblée a visité le Centre antiterroriste du SBU où elle a suivi des
exposés, prononcés par de hauts responsables du service, portant sur
l'historique et sur les priorités actuelles de sa coopération avec l'Alliance.
Les parlementaires de l'OTAN ont ainsi appris que les consultations à haut
niveau OTAN-Ukraine portant sur la réforme du secteur du renseignement
constituent un mécanisme de coopération extrêmement utile. Les experts de
l'OTAN collaborent de façon précieuse aux efforts déployés par leurs homologues
ukrainiens pour transformer leur agence et la préparer à déjouer les menaces
pour la sécurité nationale de leur pays. De leur côté, les forces de sécurité
ukrainiennes apportent une collaboration importante à l'élargissement de la
sécurité européenne dans des domaines tels que la lutte contre le terrorisme,
le crime organisé, le trafic de la drogue et la traite d’êtres humains, ainsi
que la cybercriminalité. Les rencontres entre experts de l'OTAN et de l'Ukraine
permettent d’aborder un large éventail de problèmes, au nombre desquels la
planification budgétaire, la gestion du personnel, l'utilisation de pièces
d'archives et la déclassification des documents, ou encore la coopération avec
les structures parlementaires chargées de suivre les activités du secteur du
renseignement. Pour les interlocuteurs de la délégation, il s’agit d’une
coopération pragmatique et axée sur des problèmes concrets. Par ailleurs, le
SBU bénéficie d'une coopération intensive avec ses homologues russes.
La délégation de
l'AP-OTAN a également suivi des exposés concernant le Centre antiterroriste qui
opère sous l'égide du SBU. Le Centre se consacre à la mise sur pied et à
l’exécution d'opérations antiterroristes, tout en coordonnant le travail des
organismes engagés dans la lutte contre le terrorisme ou les opérations de
contre-terrorisme. De manière générale, on considère que la menace terroriste
est faible en Ukraine.
La sécurisation
des rencontres du Championnat d’Europe de football (Euro-2012) représente, à
brève échéance, l'une des tâches principales et l'un des défis majeurs que
devra affronter le Centre. Les experts ukrainiens collaborent très étroitement
dans ce domaine avec la Pologne, qui accueillera conjointement cette
manifestation.
La délégation de l'Assemblée a en
outre visité le Centre d’entraînement spécial de Koncha Zaspa.
RAPPORT DE LA VISITE DE LA
SOUS-COMMISSION SUR LA COOPÉRATION TRANSATLANTIQUE EN MATIÈRE DE DÉFENSE ET DE
SÉCURITÉ, ROME, ITALIE, DU 6 AU 7 JUILLET 2011
À Rome, le Canada a
été représenté par le Sénateur Joseph A. Day et M. Stephen Woodworth, député.
À l’invitation du
Parlement italien, une délégation de la Sous-commission de l’Assemblée
parlementaire de l’OTAN sur la coopération transatlantique en matière de
défense et de sécurité (DSCTC) a effectué un séjour à Rome
les 6 et 7 juillet 2011 pour une série d’échanges de
haut niveau sur la contribution de l’Italie à la concrétisation du Concept
stratégique de l’Alliance adopté en novembre 2010.
La délégation, qui
comptait près de 30 parlementaires de 17 pays membres de l’OTAN, était conduite
par le président de la DSCTC, sir John Stanley (Royaume-Uni). Les
sous-commissions de l’Assemblée se rendent périodiquement dans des pays alliés
pour y dialoguer avec des responsables officiels et des spécialistes
indépendants, l’objectif étant d’aider les membres de l’AP-OTAN à mieux
connaître le point de vue et les contributions de ces pays, d’une part, et de
recueillir des informations destinées à l’élaboration des rapports analytiques
de chaque commission, d’autre part.
La délégation s’est
entretenue avec de hauts responsables civils et militaires, dont le secrétaire
d’Etat à la Défense, Giuseppe Cossiga, et le chef de la défense nationale, le
général Biagio Abrate. Elle a également visité le quartier général des carabinieri
et le Collège de défense de l’OTAN.
L’ITALIE ET LES
OPÉRATIONS
Actuellement, l’Italie
affecte au total plus de 7 200 hommes à 30 opérations couvrant
28 pays. C’est ce qu’a appris la délégation lors d’un exposé présenté dans
les bâtiments du Quartier général des opérations interarmées (QGOI) par
l’officier commandant de ce dernier, le général de corps d’armée Giorgio
Cornacchione. L’Italie est le 17e pays fournisseur de
forces du système des Nations unies, mais le premier fournisseur
« occidental » ; elle est aussi le 4e
fournisseur de l’OTAN et le second de l’Union européenne. On peut citer, au
nombre de ses théâtres de déploiement les plus importants, l’Afghanistan (où
elle engage 4 200 hommes, dont 650 formateurs, et assume la
responsabilité du commandement régional Ouest), la Libye (plus ou
moins 1 500 hommes dans le contexte de l’opération Unified
Protector), le Liban [1 600 hommes affectés à la Force
intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL)], le Kosovo (600 hommes
pour la KFOR), et l’Irak [73 hommes affectés à la Mission de formation de
l’OTAN (NTM-I)]. Elle participe en outre aux opérations de lutte contre la
piraterie de l’OTAN et de l’Union européenne au large de la Corne de l’Afrique.
Le QGOI est une
structure nouvelle créée vers la fin des années 90, destinée à confier
directement au chef de la défense nationale la responsabilité des déploiements
opérationnels, lesquels sont devenus plus nombreux et plus complexes. Le Quartier
général s’occupe de la planification, de la coordination et de la conduite des
opérations interarmées nationales et internationales, certes, mais aussi de la
conduite et de la coordination générales de toutes les interventions militaires
en cas de catastrophe nationale ou d’autres situations d’urgence.
Le QGOI est également
l’un des cinq quartiers généraux opérationnels de l’Union européenne et est
responsable de l’opération de l’EUFOR en Libye. Il n’est pas déployable et sera
renforcé par du personnel des Etats membres de l’Union s’il devait être mis en
activité dans le contexte d’une opération.
La délégation a eu
l’occasion de discuter de l’évolution de la situation en Afghanistan par
vidéoconférence avec le général de brigade Carmine Masiello, qui dirige le
commandement régional Ouest de la FIAS, basé à Herat. Le général, qui compte
sous ses ordres quelque 8 000 hommes de 10 pays, a déclaré que, d’un
point de vue militaire, les plans relatifs au transfert de la responsabilité de
la sécurité aux autorités afghanes ne posaient aucun problème à ses yeux ;
il a toutefois rappelé que des attentats terroristes étaient toujours
possibles, comme partout.
Le général s’est
félicité de l’amélioration qualitative des capacités des forces de sécurité
afghanes (FSA) dans son propre domaine de responsabilité : ces forces
manifestent de très bonnes dispositions au combat ; des progrès
supplémentaires sont cependant nécessaires dans les secteurs du commandement et
de la planification. La police nationale afghane – et, singulièrement, la
police chargée de l’ordre public (PNOP), bien entraînée et bien encadrée –
a fait la preuve de sa très grande efficacité et a réagi avec promptitude et
succès à une récente attaque contre une équipe de reconstruction provinciale de
la région.
Selon le général, "l’offensive
de printemps" qui était attendue de la part des insurgés, n’a pas eu
l’ampleur des années précédentes et la multiplication des attentats-suicides et
des attentats aux engins explosifs improvisés (EEI) pourraient être un signe de
tendance au désespoir, une forme de « dernier recours », en quelque
sorte. Par ailleurs, le général a l’impression que la population locale du
commandement régional Ouest commence à faire confiance aux FSA comme dans les
forces internationales, ainsi que l’atteste le nombre croissant de signalements
d’EEI par les habitants.
Le général Abrate a
indiqué qu’à mesure que le processus de transition se déroulerait, l’Italie
restructurerait sa contribution pour accorder une plus grande place aux formateurs
et aux instructeurs.
LA TRANSFORMATION
MILITAIRE ITALIENNE ET L’OTAN
La transformation de
l’OTAN, en application du nouveau Concept stratégique de cette dernière,
reflète celle que connaissent les forces armées italiennes, a indiqué le
gén. Cossiga. En 2000, l’Italie s’est engagée dans un passage
progressif de la conscription à la professionnalisation. Depuis lors, elle
déploie en moyenne 9 000 soldats par an à l’étranger, avec un pic de
12 000. Il était prévu d’accroître le financement annuel des activités
d’entraînement et de spécialisation des forces professionnelles, mais ce projet
a été victime de tiraillements politiques. Il n’empêche qu’en ces temps de
raréfaction des ressources financières, a dit le gén. Cossiga, les forces
armées italiennes ont resserré leurs liens avec la société et apporté des
bénéfices bien réels.
Le général Abrate a
indiqué à la délégation que les forces armées italiennes étaient passées sans
encombre, grâce à une série de réformes, de l’état de forces à armée unique,
statiques, fondées sur la conscription et concentrées sur la défense des
frontières, à celui de forces interarmées/mixtes déployables, conçues pour
œuvrer à l’instauration de la paix et de la sécurité dans le monde. Elles
disposent d’un contingent de 61 000 hommes prêts à se déployer, dont
30 000 à un niveau de préparation très élevé. L’Italie prend part au
processus de réforme de l’OTAN et apportera d’importantes contributions aux
débats qui s’ouvriront dans le contexte de l’examen du dispositif de défense et
de dissuasion de l’OTAN comme à la concrétisation des initiatives de l’Alliance
dans le domaine de la défense antimissiles et de la défense cybernétique.
Le général a suggéré
qu’en ce qui concerne la structure militaire de l’OTAN il n’était pas
nécessaire de réinventer la roue ; cette structure a été mise à l’épreuve
et s’en est tirée avec les honneurs, notamment lorsqu’il a fallu monter
rapidement une opération en Libye. L’Italie, a ajouté le général, ne se
considère ni comme une puissance mondiale ni comme un protagoniste
mondial ; elle n’est pas non plus une puissance nucléaire et ne siège pas
au Conseil de sécurité de l’ONU. En revanche, au-delà de ses contributions non
négligeables à l’OTAN, à l’ONU et à l’Union européenne, elle estime jouer un
rôle de premier plan dans la zone méditerranéenne élargie.
Selon le général de
corps d’armée Claudio DeBertolis, directeur national des armements, l’Italie
est très attachée à la coopération internationale en matière d’armements et
privilégie à cet égard le pragmatisme. Le général a préconisé une harmonisation
et une clarté accrues en ce qui concerne les besoins en armements à l’échelle
de l’OTAN et de l’Union européenne, ainsi que des contrats plus souples et
susceptibles d’être ajustés à mi-parcours pour garantir une dépense rationnelle
des investissements dans le développement de capacités. Il a, par ailleurs,
souhaité plus de dynamisme en faveur de l’Agence européenne de défense, dont il
estime qu’elle peut donner des résultats d’une grande valeur.
La transformation que
connaissent actuellement les forces armées italiennes est nécessaire, mais elle
se heurte à de nombreux obstacles, a déclaré Valerio Briani, chercheur associé
de l’International Affairs Institute. Ces obstacles sont d’ordre
organisationnel et « culturel ». Sur le plan de l’organisation, le
budget militaire est grevé par les dépenses de personnel ; de nombreux
facteurs entrent ici en jeu, dont l’existence d’une proportion excessive
d’officiers subalternes. De telles contingences économiques sont à l’origine
d’un financement inadéquat des activités de formation, pourtant essentielles à
la modernisation et à l’efficacité, et des acquisitions.
Selon M. Briani, il
existe bien évidemment des solutions à ces problèmes, lesquels sont toutefois
exacerbés par une absence généralisée de « culture de la défense » au
sein de l’élite politique. Depuis 50 ans, la justification des opérations et
des investissements militaires s’appuie exclusivement sur des raisons liées aux
coalitions et à l’Alliance ; la discussion fait l’impasse sur l’intérêt
national. Toujours selon M. Briani, quand les parlementaires se penchent
sur ces questions, ils se concentrent non sur la stratégie, mais sur des
aspects marginaux des décisions importantes à prendre.
M. Briani et le
professeur Stefano Silvestri, président de l’International Affairs Institute,
sont favorables à des arrangements multinationaux tels que la mise en commun ou
le partage des ressources, ou encore, à une spécialisation dans le
développement des capacités, et donnent à entendre qu’il n’existe tout
simplement pas d’autre solution. M. Silvestri a cependant fait observer qu’une
Europe complètement « spécialisée » n’aurait pu intervenir en Libye,
dès lors que l’Allemagne a choisi de ne pas prendre part à l’opération :
une spécialisation excessive peut donc déboucher sur la paralysie.
UNITÉS SPÉCIALES
ITALIENNES
La délégation a
entendu un exposé sur le Quartier général des opérations des forces spéciales
interarmées italiennes (COFS), créé en 2004. Le COFS prélève des contingents
dans les forces spéciales de chaque armée au profit d’opérations nationales et
alliées. L’interopérabilité avec les doctrines des forces spéciales de l’OTAN
est assurée. Selon l’orateur, les unités spéciales interarmées ainsi
constituées se sont montrées très efficaces en Afghanistan, dans le contexte
d’opérations s’étendant sur plusieurs commandements régionaux.
Lors d’une visite au
corps des carabinieri, la délégation a été informée de la double
responsabilité – défense nationale, d’une part, ordre et sécurité publics,
d’autre part – qui échoit à ce corps exceptionnel. En tant que membres des
forces armées et des forces de police, les carabinieri dépendent tout à
la fois des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Quelque 5 300
d’entre eux sont déployés sur le territoire italien et sont présents jusque
dans les plus petits villages. On en dénombre également 620 à l’étranger,
dont 500 sont en poste dans des missions diplomatiques. Ils ont été déployés
dans le cadre d’opérations de l’OTAN au Kosovo, en Bosnie, en Irak, en
Afghanistan, au Moyen-Orient, en Géorgie, au Congo et ailleurs ; ils
assument en de telles occasions des tâches de formation et d’encadrement des
forces locales, de gestion des crises et de police militaire. La création du
Centre d’excellence pour les unités de police de stabilité, institution très
appréciée, a offert une contribution des plus précieuses à la consolidation de
la passerelle que jette le corps des carabinieri entre secteur civil et
secteur militaire.
LE COLLÈGE DE
DÉFENSE DE L'OTAN
La délégation a
profité de sa présence à Rome pour visiter le Collège de défense de l’OTAN
(NDC), établissement fondé en 1951 par le président Eisenhower et destiné à
former des officiers aux tâches de commandement dans le contexte de l’Alliance.
Les activités du Collège comportent trois volets : enseignement (dont le
renommé cours supérieur), ouverture (vers les pays partenaires et les pays
tiers) et la recherche (publications et conférences). Diverses nouvelles
initiatives, telles que le programme de la "Faculté du Moyen-Orient",
ont montré que le NDC continuait à évoluer pour s’adapter aux défis actuels.
Son commandant, le général de corps d’armée Wolf Dieter Löser,
a estimé que les restrictions budgétaires qui touchaient l’enseignement
militaire ajoutaient encore à la valeur de l’établissement en tant
qu’initiative de « défense intelligente », puisqu’il mettait en
commun les ressources provenant de nombreux pays. Il a invité les autorités
nationales compétentes, d’une part, à veiller à ce que soient envoyés au
Collège les « bons » étudiants, autrement dit, ceux qui possèdent un
grand potentiel pour le commandement, et, d’autre part, à continuer à financer
les postes des enseignants et des chercheurs, compte tenu des résultats
exceptionnels des uns et des autres en leur qualité de membres du personnel de
l’établissement. Enfin, la délégation a engagé un débat animé avec Karl-Heinz
Kamp, chef de la division de la recherche, au sujet de la politique nucléaire
de l’OTAN.
Respectueusement soumis,
L’honorable
sénatrice Raynell Andreychuk Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP
OTAN)