M. Russ Hiebert, député,
président de la Section canadienne, a dirigé la délégation, qui se composait de
l’honorable sénatrice Pierrette Ringuette, de l’honorable
sénateur Terry Stratton, de Mme Nicole Demers et M. Joe
Preston, députés, ainsi que de Mme Carol Chafe, secrétaire administrative
de la Section. La Section canadienne de l’Association parlementaire du
Commonwealth était aux Tonga du 15 au 22 janvier 2008.
La constitution de l’Association
parlementaire canadienne (APC) encourage les visites entre les pays
membres en vue de donner l’occasion aux parlementaires de partager des points
de vue et de discuter de questions d’intérêt commun tant dans des relations
bilatérales que sur la scène internationale du Commonwealth. Le comité exécutif
de la Section canadienne avait remarqué que l’APC subissait d’importants
changements quant aux enjeux futurs liés à sa direction et à sa gouvernance; on
a donc cru qu’il serait profitable à l’Association d’entrer en contact avec des
sections qui partagent les mêmes opinions avant d’assister à la 54e conférence
annuel, qui aura lieu en Malaisie en août 2008. Cette visite donnait
également l’occasion aux délégués de visiter un pays qui est en train de
moderniser sa constitution, son système électoral ainsi que ses institutions
démocratiques parlementaires, passant ainsi d’une monarchie absolue à un
appareil législatif représentatif entièrement élu.
Alors qu’ils étaient à Nuku’alofa, les
délégués ont eu la chance de se rendre sur les lieux de plusieurs projets du
Fonds canadien, que ce soit la construction de réservoirs d’eau dans divers
villages des Tonga ou encore l’agrandissement du Catholic Women’s League
Handicraft Centre.
Les projets de construction de
réservoirs d’eau sont essentiels sur des îles comme celles des Tonga
puisqu’on n’y trouve aucune source viable d’eau salubre. En effet, la majorité
de cette eau provient de systèmes de retenue alimentés par l’eau de pluie qui
s’écoule des édifices. Par conséquent, les réservoirs, faits de béton,
constituent un réseau de stockage des eaux sûr pour les villages.
En 2007-2008, le Fonds canadien a versé
près de 90 000 $ aux Tonga pour mener à bien des projets liés à la
production de revenus, à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, à
l’éducation ainsi qu’à la gouvernance et au renforcement de la société civil.
Le Fonds canadien jouit d’une excellente réputation en raison de la façon dont
il administre et distribue ses fonds, soit en collaborant directement avec les
chefs de villages qui établissent leurs priorités. Ces projets favorisent
également le développement des compétences et nécessitent la contribution
financière des collectivités. Les Tongans que les délégués ont rencontrés
faisaient continuellement preuve de respect envers les organisateurs du Fonds
et le succès des divers projets, et conservaient sans crainte l’espoir d’un
financement continu pour ces projets, petits mais combien essentiels, qui
répondent aux véritables besoins des villages.
Dans le cadre de ces visites, les
délégués ont eu la chance de rencontrer des Tongans ordinaires et d’en
apprendre davantage sur leur culture et leur société. Durant la visite d’un
des projets locaux du Fonds canadien, les délégués ont été initiés à la
fabrication de petits objets, mais surtout de tapa. Il s’agit d’un processus de
fabrication exigeant en main-d’œuvre dans lequel on transforme l’écorce d’un
mûrier à papier en un grand tissu malléable qui est assemblé au moyen de
racines de manioc puis séché et décoré grâce à des teintures végétales. Le
Fonds canadien a fourni les fonds de démarrage de ce projet, qui, au bout du
compte, permet aux femmes qui y participent d’obtenir des dividendes en espèce.
La production d’un grand tapa se termine par une « corvée de fabrication
d’un tapa » semblable aux corvées de piquage de courtepointe qui avaient
lieu autrefois au Canada. Après la démonstration, les délégués se sont vu
remettre un tapa artisanal local pour souligner leur visite. Il est extrêmement
difficile pour les femmes du village de trouver du travail dans un pays comme
les Tonga. Toutefois, grâce à ce type de projet, elle gagnent de l’argent et
peuvent envoyer leurs enfants à l’école. Le fait de redécouvrir cet art est
approprié puisque le tapa a servi de monnaie d’échange dans l’histoire tongane
et fait partie de l’héritage culturel.
La visite de ces projets du Fonds
canadien a donné le ton aux rencontres avec les représentants de la famille
royale, les barons et les représentants du peuple qui devaient s’échelonner sur
deux jours. Ces rencontres ont permis aux délégués de mieux comprendre le
régime politique actuellement en place au royaume des Tonga et le désir des
représentants du peuple que des changements s’opèrent dans le régime.
Au cours de la rencontre avec son
Altesse Royale la princesse Piloevu Mafile’o Tuita, qui agissait à titre de
régente en l’absence de son frère, le Roi, les délégués ont découvert
l’histoire de cette monarchie en place depuis longtemps au royaume des Tonga.
La princesse a souligné la fierté et l’amour que la population tongane exprime envers
la famille royale et la décision de son frère, qui sera couronné Roi en juin,
de transférer davantage de pouvoirs à l’assemblée législative du royaume.
La princesse régente s’est dite fière
du fait que l’on observe aux Tonga l’un des taux d’alphabétisation les plus
élevés dans la région du Pacifique, résultat direct de l’introduction du
christianisme et du désir de la population de pouvoir lire la Bible
d’elle-même. Ce niveau élevé d’alphabétisation dans les Tonga encourage les
dirigeants du pays à nourrir de grandes espérances pour l’avenir des jeunes
Tongans. Peu à peu, les études supérieures deviennent accessibles aux jeunes.
En outre, on a déjà formé tant d’infirmières que celles-ci quittent les îles
Tonga pour trouver du travail en Nouvelle-Zélande, en Australie et aux
États-Unis. Lorsqu’elles ont trouvé du travail, elles commencent à envoyer des
remises (des fonds) à leur famille pour les aider. En fait, cet argent qui
provient de l’étranger représente environ 70 p. 100 du PIB du
pays. On a d’ailleurs souligné cette information à plusieurs reprises au cours
de diverses rencontres avec les représentants du gouvernement tongan.
La délégation a ensuite rencontré le
ministre des affaires étrangères et de la défense et gouverneur des îles du
Nord, l’honorable S.T. Taumoepeau-Tupou, pour discuter des enjeux auxquels
la population est confrontée dans la région du sud du Pacifique. Bien que le
pays possède une armée, sa protection dépend en grande partie des services que
peuvent lui offrir la Nouvelle-Zélande. On a été à même de constater cette
réalité en novembre 2006, durant les émeutes qui ont éclaté dans la
capitale, Nuku’alofa. La Nouvelle-Zélande avait envoyé des policiers
spécialement formés pour rétablir la stabilité dans la ville et les régions avoisinantes.
Au fil des discussions, les délégués se
sont aperçus que les Tonga et les autres pays du Pacifique Sud établissent des
relations étroites avec la République populaire de Chine. Comme ces relations
sont de nature économique, elles ont des répercussions sur la situation
géopolitique de la région du sud du Pacifique, comme en témoigne l’isolement
accru du Taiwan. La Chine a assuré le financement pour la construction
d’écoles, d’hôpitaux et de routes ainsi que de centres culturels. C’est
pourquoi on constate qu’un nombre croissant de ressortissants chinois vivent et
ouvrent de petits centres économiques aux Tonga ainsi que dans d’autres pays du
Pacifique Sud. Par ailleurs, les liens avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande
sont toujours aussi solides, et la majorité des Tongans qui immigrent dans ces
pays le font pour des raisons économiques et de santé.
Les discussions ont permis de constater
que les Tonga et le Canada sont tous deux de fervents défenseurs de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et qu’ils travaillent de
concert avec l’Islande et d’autres pays du Nord pour limiter l’impact de
l’industrie baleinière sur l’un des principaux attraits touristiques des
Tonga : le passage des grandes baleines durant leur migration du sud au nord
et inversement. En outre, les deux pays sont de grands partisans de la gestion
des pêches au large de leurs côtes.
Les délégués ont également rencontré
des représentants de la collectivité des ONG des Tonga, qui les ont
informés de la nécessité de sensibiliser les jeunes du pays à leurs droits et à
responsabilités en matière de vote. Il s’agit d’un défi de taille puisque de
grandes distances séparent les îles qui constituent le pays et qu’aucun système
de transport économique ne les relie entre elles. Les efforts déployés ont
permis de créer le National Youth Congress, qui s’est récemment réuni pour
débattre de points d’intérêt au parlement des jeunes. D’ailleurs, le parlement
des jeunes fait partie intégrante des programmes de sensibilisation de la société
civile des Tonga et permet d’approfondir les connaissances de base nécessaires
à l’atteinte des objectifs finaux du processus de réforme pour l’avenir.
Au cours des échanges, les
présentateurs tongans ont parlé des problèmes qu’ils éprouvent à s’assurer que
les enseignants des autres îles profitent de formations solides et qu’ils ont à
leur disposition du matériel pour les aider à enseigner les droits de l’homme,
et ont sollicité l’aide des délégués à cet égard. Ces derniers ont consenti à
s’adresser à la Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes pour
déterminer s’il est possible d’obtenir du matériel et du financement pour aider
à former les enseignants tongans afin d’approfondir cet aspect de leurs
responsabilités.
Comme le premier ministre était absent,
les délégués ont rencontré le vice-premier ministre et ministre de la santé,
l’honorable Dr V. Tangi dans son bureau à l’hôpital principal
de Nuku’alofa. Ils ont principalement parlé de la situation des soins de
santé aux Tonga et du taux extrêmement élevé de diabète et d’autres problèmes
de santé connexes. On a expliqué que les Tongans qui doivent suivre des
traitements pour des problèmes liés au diabète, notamment la dialyse rénale,
doivent quitter définitivement les Tonga pour s’installer en Nouvelle‑Zélande
ou en Australie puisqu’on ne dispose d’aucun équipement de dialyse dans les
îles. On observe donc de plus en plus de cas où les familles doivent être
séparées pendant de longues périodes.
Le Dr Tangi a insisté sur le fait que
les Tonga possèdent d’excellents programmes de formation pour les infirmières,
les dentistes, les techniciens en radiologie et les pharmaciens. Pour ce qui
est des médecins, ceux-ci reçoivent la majorité de leur formation médicale dans
l’une des deux écoles de médecine de Fiji et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Tous les pays du Pacifique Sud aident financièrement ces deux écoles afin
qu’elles fournissent de la formation à leur population respective. Par
ailleurs, à l’heure actuelle, le gouvernement des Tonga assume tous les frais
médicaux de la population, mais avec le vieillissement de celle-ci, on envisage
de passer à un régime contributif pour couvrir les frais toujours plus élevé
liés à la prestations de soins médicaux. Le Dr Tangi a également souligné
que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande verse au pays une contribution
financière pour l’aider à payer les frais des traitements qui doivent être
administrés hors des îles. Au cours de la rencontre, il a également souligné
que les Tonga ont mis en œuvre un programme de dentisterie mobile pour prendre
soin des enfants à l’échelle du pays et que le taux de mortalité infantile est
à la baisse grâce à une meilleure distribution des soins de santé.
En outre, le Dr Tangi a indiqué que les
Tongans quittent les îles environnantes pour s’installer dans les grands
centres urbains, ce qui a eu pour effet d’augmenter le nombre de cas de
maladies liées à ces changements de style de vie. Il a parlé entre autres du
taux accru de diabète causé par la diminution de la pratique d’exercices
physiques et de l’adoption d’un régime constitué d’aliments gras et chargés de
sucre que l’on sert dans les chaînes de restauration rapide. Le nombre de plus
en plus élevé de cas de diabète met à rude épreuve le système des soins de
santé, qui ne peut qu’empirer au cours des années à venir.
Des efforts sont actuellement déployés
pour améliorer l’accès aux soins de santé et aux soins médicaux dans les îles
avoisinantes. En outre, grâce à l’amélioration du système de distribution
d’électricité, le Dr Tangi espère que ces problèmes pourront être atténués
par l’utilisation de nouvelles technologies, comme la cybersanté. Ce programme
est élaboré en collaboration avec d’autres pays dans la région.
Les patients qui doivent se procurer
des médicaments peuvent le faire gratuitement auprès des pharmacies d’hôpitaux
ou, moyennant quelques frais, auprès des pharmacies privées. Une telle solution
est possible puisque les hôpitaux possèdent un nombre limité de divers
médicaments tandis que les établissements privés ont un plus grand inventaire
de produits pharmaceutiques.
Les délégués ont fait part de leur
préoccupation quant au fait que les Tonga semblaient exporter leurs infirmières
diplômées dans le cadre de la planification économique du pays. En effet, ces
infirmières travaillent à l’étranger, soit en Nouvelle-Zélande, en Australie et
en Amérique du Nord, et envoient des remises au pays, ce qui représente une
énorme part de son PIB. Le Dr Tangi a réagi à ces préoccupations en
expliquant que le pays formait plus d’infirmières qu’il n’en avait besoin, que
le gouvernement n’était pas inquiet, et que l’argent qui revenait
aux Tonga représentait une part essentielle de l’économie du pays.
Ce sujet a également été abordé au
cours de la rencontre avec le ministre du travail et du commerce,
l’honorable Lisiate ‘Akolo. La réponse du ministre à cet égard était
semblable à celle du Dr Tangi. Le ministre a toutefois insisté sur le fait
que l’argent envoyé au pays était essentiel pour l’économie. La discussion a
ensuite porté sur la possibilité de développer l’industrie dans les îles Tonga.
Le ministre ‘Akolo a expliqué que malgré les sols fertiles et le climat
dans les Tonga, les coûts de production sont extrêmement élevés pour ce qui est
du transport des produits alimentaires, aussi bien bruts que transformés. Ce
problème est directement lié aux coûts accrus du diesel et de l’électricité,
produite par des génératrices à essence. Par conséquent, de nombreux Tongans
doivent sortir des îles pour travailler comme travailleurs agricoles migrants
en Nouvelle‑Zélande et en Australie. Des efforts sont en cours pour
établir des programmes d’apprentissage destinés aux jeunes tongans pour
s’assurer qu’une main‑d’œuvre formée sera disponible dans le futur pour
bâtir une économie plus diversifiée.
La production d’une énergie fiable
semble un important obstacle au développement futur d’une industrie aux Tonga.
À cet égard, on a parlé de la possibilité d’utiliser la technologie éolienne.
Les délégués ont indiqué qu’ils communiqueraient avec quelques entreprises
canadiennes qui construisent des éoliennes afin qu’elles entrent en contact
avec le gouvernement tongan pour éventuellement mettre en œuvre des programmes
sur l’île principale ainsi que sur les îles avoisinantes.
La proximité des ports et de
l’industrie du Sud-est asiatique empêche les îles du Pacifique Sud de prendre
pied sur les marchés internationaux. Le gouvernement tongan est conscient de
ses limites pour ce qui est de permettre l’envoi de conteneurs internationaux.
En outre, il examine la possibilité d’augmenter la taille et le nombre de ses
quais commerciaux pour ainsi augmenter le nombre d’exportations de produits
locaux.
Grâce à leur rencontre avec les membres
du Cabinet, les délégués ont pu se préparer à leurs rencontres qui devaient
porter sur un sujet plus délicat du point de vue politique : les réformes
démocratiques du régime politique tongan. Durant les dernières journées de leur
visite, les délégués ont rencontré séparément les représentants des barons (qui
sont nommés à vie) et les représentants du peuple, ce qui leur a permis de
prendre connaissance des deux côtés de la crise des réformes démocratiques.
La façon dont les réformes
démocratiques proposées sont mis en œuvre et la rapidité avec laquelle elles le
sont ont mené à une crise puis à des émeutes à Nuku’alofa en
novembre 2006. Par ailleurs, malgré le fait que le nouveau Roi semble
vouloir aller de l’avant avec les réformes, ils sont nombreux dans le pays à
penser que les choses ne progressent pas assez rapidement.
À la rencontre avec les barons, qui
représentent la classe dirigeante héréditaire des Tonga, ces derniers ont fait
part aux délégués de leur point de vue quant aux réformes proposées. Le moment
où seront mises en œuvre les réformes constitue un enjeu important. Les barons,
pour la majorité, étaient d’avis qu’une mise en œuvre réalisée en 2010
donnerait suffisamment de temps pour informer les Tongans sur les réformes et
les changements qui entreront en vigueur. Par ailleurs, ils ont indiqué qu’au
cours des rencontres avec les représentants du peuple, ils se sont perdus dans
d’interminables discussions parce qu’on insistait pour parler des détails des
réformes plutôt que des concepts gouvernant les trois organes de la
démocratie parlementaire : l’exécutif, le judiciaire et le législatif.
Selon eux, le fait d’attendre jusqu’en 2010 pour mettre en œuvre les réformes
donnerait le temps de former les rédacteurs de lois pour qu’ils rédigent une
loi sur la mise en œuvre et de sensibiliser la population à leurs responsabilités
en tant qu’électeurs. Il est à noter qu’actuellement, il n’y a pas assez de
rédacteurs de lois au pays. Pour cette raison, il faudra demander une aide
externe auprès d’institutions démocratiques parlementaires mieux établies. Pour
les barons, les prochaines élections, prévues pour mai, sont un processus
d’apprentissage.
Les membres de la délégation ont
soulevé des questions quant à la nécessité de développer l’économie tongane au
moyen des investissements internationaux et ont parlé de la perception selon
laquelle, si les réformes démocratiques n’étaient pas appliquées à cette
économie en difficulté, les investisseurs seraient peu disposés à financer des
projets dans le pays. Les barons ont répondu qu’ils comprenaient la nécessité
des réformes, mais que celles-ci devaient être mises en œuvre à un rythme qui
en assurerait le succès et qui n’entraînerait pas une instabilité encore plus
grande dans le pays. Ils étaient avant tout préoccupés par la nécessité de
s’assurer que les quatre piliers de la réforme, soit les réformes
politiques, les réformes économiques, la réforme terrestre et la réforme
sociale, sont respectés afin que la transition d’un gouvernement monarchique
féodale vers un gouvernement entièrement démocratique se fasse en douceur. Il
faudra du temps pour éduquer la population, et on risquerait de déclancher
l’instabilité du pays si on se dépêchait à mettre en œuvre les réformes sans
avoir promulgué de lois au préalable.
Les barons ont également dit être
préoccupés par le fait que les fonds d’aide internationaux étaient destinés aux
projets communautaires et qu’on ne les consultait pas au sujet de l’utilisation
de ces fonds et du type de projets financés. Tant que les réformes n’auront pas
été appliquées, il incombera aux barons de protéger les terres pour le futur.
Toutefois, ils ne peuvent assumer cette responsabilité si on ne les consulte
pas pour des projets engagés sur ce qu’ils considèrent être « leurs »
terres.
La rencontre avec les barons a été
suivie d’une rencontre avec trois représentants du peuple. On y a abordé
sensiblement les mêmes sujets, mais les délégués ont pu entendre l’opinion des
représentants élus, qui préconisent une mise en œuvre des réformes
démocratiques le plus tôt possible. Ils ont entre autres souligné qu’ils
désiraient que les nouvelles règles soient en place pour la prochaine élection,
prévue en mai. Les représentants ont montré qu’ils croyaient que les risques
que d’autres émeutes et une instabilité politique ne surviennent augmentaient à
mesure que les mois s’écoulaient sans qu’une mise en œuvre immédiate des
réformes proposées ne se réalise.
Certains délégués ont remis en question
la viabilité de réformes mises en œuvre si aucun système de vote et de
redistribution des sièges au Parlement n’a été établi au préalable. Les
représentants tongans ont réitéré leurs craintes qu’une crise comme celle de
l’automne 2006 ne survienne à nouveau si les réformes ne sont mises en
œuvre qu’en 2010. Ils ont également exprimé leurs préoccupations quant au
rôle du Roi, qui jouit actuellement d’une majorité absolue dans les îles et qui
nomme des ministres pour la vie, une situation qui est perçue comme limitant
énormément les pouvoirs des représentants élus dans tout gouvernement futur.
Les réformes ne portent pas sur cette situation et devront être examinées avant
que l’une ou l’autre ne soit appliquée.
Le représentant Pohiva a indiqué que le
Roi avait demandé que le comité spécial examine les réformes possibles un mois
avant que le rapport puisse être présenté à l’assemblée législative. Le Cabinet
a ensuite présenté un modèle de réforme totalement différent sans avoir
consulté les membres élus. Ces derniers ont accueilli négativement le nouveau
modèle; selon eux, il témoignait du mépris du Roi et du Cabinet envers le
travail du comité. Ces actions ont par la suite mené aux émeutes qui ont
détruit une grande partie du centre de Nuku’alofa en 2006.
En outre, deux représentants élus
présents à la rencontre ont été accusés de délits criminels liés aux émeutes.
Cependant, la cause n’a pas encore été entendue devant les tribunaux, et tous
deux étaient d’avis qu’on abandonnerait totalement les accusations dont ils
font l’objet ou que celles-ci seraient réduites et qu’ils seraient accusés
d’infractions mineures.
Les deux rencontres ont permis aux
délégués d’obtenir beaucoup d’information sur la situation politique actuelle
des Tonga et de mieux comprendre les difficultés auxquelles le pays est
confronté dans sa transition vers une démocratie parlementaire plus
représentative.
Au cours de leur rencontre avec
l’honorable ‘Alisi Taumoepeau, procureure générale et ministre de la justice,
les délégués en ont appris davantage sur les répercussions des émeutes de
novembre 2006 à Nuku’alofa. Elle a expliqué que certaines des accusations
ont été totalement abandonnées et que d’autres ont été réduites de façon
considérable. Elle a toutefois ajouté qu’il ne serait pas dans l’intérêt du
peuple tongan de ne pas intenter de poursuites et qu’une telle situation
ébranlerait la confiance de la population en la primauté du droit. Par
ailleurs, il a été clairement établi que les émeutes ont été en grande partie
influencées par certains des représentants du peuple. Par conséquent, il
fallait permettre d’enclencher le processus juridique.
La rencontre s’est poursuivie avec une
discussion sur le système juridique en place dans les Tonga et sur la formation
des avocats et des juges, qui, pour la plupart, ont été formés et ont acquis
leur expérience en Nouvelle-Zélande et en Australie. Mme Taumoepeau a fait
remarqué qu’au cours des années, le système juridique tongan a acquis une bonne
réputation auprès des autres pays du Pacifique Sud du fait qu’on a réussi à
mettre en place des formes alternatives de justice, notamment la médiation pour
la résolution de conflits, qui reflète mieux la culture tongane. Depuis qu’elle
a été nommée procureure générale et ministre de la justice, des changements ont
été apportés au système judiciaire; l’adoption des réformes entraînerait
également d’autres changements. En effet, le cycle parlementaire et législatif
passerait de trois à cinq ans, et son bureau serait responsable de
l’élaboration de tout changement constitutionnel et électoral nécessaire à la
mise en œuvre les réformes proposées. Pour accomplir cette tâche, il faudra
plus de personnel formé à la rédaction de lois. La ministre a alors parlé aux
délégués de la possibilité d’offrir des bourses d’études aux jeunes tongans en
droit afin qu’ils étudient à l’étranger dans ces domaines de spécialisation.
Les délégués n’ont formulé aucun commentaire. Ils ont toutefois acceptés
d’examiner les possibilités que pouvaient offrir les écoles de droits des
diverses universités canandiennes.
La délégation souhaite remercier les
parlementaires, le personnel administratif et les gens des Tonga pour leur
accueil chaleureux et la générosité dont ils ont fait preuve durant cette
visite. Tout le monde a travaillé fort pour que les délégués aient l’occasion
d’en apprendre le plus possible sur cette nation insulaire, sa fière histoire
et ses attentes pour l’avenir. Il convient également de remercier
Mme Pamela Deacon, sous-ministre et commissaire du Haut-Commissariat
du Canada en Nouvelle-Zélande, et le personnel à Wellington, qui n’ont pas
ménagé d’effort pour aider la délégation avant et durant leur visite aux Tonga.
Respectueusement
soumis,
M. Russ Hiebert, député, président
Section canadienne
de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC)