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Rapport

 

Une délégation de l’Association interparlementaire Canada – Royaume‑Uni a visité Londres (Angleterre), Édimbourg et Glasgow (Écosse), au Royaume‑Uni, du 17 au 24 janvier 2015.

Menée par M. James Rajotte, député, la délégation se composait des membres suivants : l’honorable Joan Fraser, sénatrice, l’honorable Nancy Ruth, sénatrice, M. Ray Boughen, député, M. Gerald Keddy, député, M. Pat Martin, député, et Mme Irene Mathyssen, députée. La délégation était accompagnée par Mme Elizabeth Kingston, secrétaire de l’Association interparlementaire Canada – Royaume‑Uni.

Voici les thèmes de la visite :

Mieux connaître les questions constitutionnelles au Royaume-Uni, en particulier les négociations sur le nouvel accord constitutionnel avec l’Écosse, après le référendum de 2014, notamment :

1)    la chronologie de la dévolution et de la réforme constitutionnelle au Royaume-Uni et les répercussions sur l’Écosse, en particulier au vu des discussions sur le nouvel accord constitutionnel avec elle après la tenue du référendum;

2)    le bilan économique de l’Écosse, dont les investissements canadiens;

3)    les priorités du Royaume-Uni en 2015;

4)    les échanges commerciaux et l’investissement, notamment l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne;

5)    les affaires étrangères, notamment les questions de sécurité à l’égard du groupe État islamique et du conflit en Ukraine du point de vue du Royaume‑Uni;

6)    le rôle de la Banque d’Angleterre, dont une rencontre avec le gouverneur de la Banque, Mark Carney.

1.    Chronologie de la dévolution et de la réforme constitutionnelle au Royaume‑Uni et les répercussions sur l’Écosse, en particulier au vu des discussions sur le nouvel accord constitutionnel avec elle après la tenue du référendum

La délégation a rencontré les membres de la Commission de la dévolution (pouvoirs additionnels) du Parlement écossais et discuté des conclusions du rapport de la Commission Smith et de la réponse connexe du gouvernement britannique intitulée Scotland in the United Kingdom: An Enduring Settlement.

En 2013, le gouvernement écossais a proposé une mesure législative pour tenir un référendum sur l’indépendance de l’Écosse en septembre 2014. Celui-ci a abouti à un rejet le 18 septembre 2014; par la suite, les trois principaux partis au Royaume‑Uni ont tous promis d’accorder davantage de pouvoirs au Parlement écossais. La question référendaire était la suivante : « Should Scotland be an independent country? » (L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant?) Le non l’a remporté avec 55,3 % des voix contre le oui, en faveur de l’indépendance, avec 44,7 %. Le taux de participation de 84,6 % est le plus élevé jamais enregistré pour une élection ou un référendum au Royaume‑Uni. Fait important, les personnes âgées de 16 et de 17 ans avaient le droit de vote à cette occasion uniquement. D’après les résultats, 71 % d’entre eux ont voté pour l’indépendance de l’Écosse, et 29 %, contre.

À la suite du référendum, Lord Smith of Kelvin a été invité à convoquer cinq des principaux partis écossais pour discuter d’un accord possible selon lequel d’autres pouvoirs seraient dévolus à l’Écosse.

La Commission Smith avait pour mandat :

De lancer des pourparlers multipartites et de faciliter un processus de participation ouvert à l’échelle de l’Écosse afin de produire avant le 30 novembre 2014 un protocole d’accord assorti de recommandations sur une plus grande dévolution des pouvoirs au Parlement écossais. Ce processus sera annoncé à la publication d’un document par ordre de Sa Majesté avant le 31 octobre et aboutira à la publication des projets de disposition avant le 25 janvier. Les recommandations porteront sur d’autres pouvoirs sur le plan des finances, de l’assistance sociale et de la fiscalité, consolidant ainsi le rôle du Parlement écossais au sein du Royaume-Uni.

Il en a résulté la tenue efficace de réunions, qui selon Lord Smith est « un exploit sans précédent ». Comme celui-ci l’indique dans l’introduction de son rapport :

« Cet accord exigeait que tous les partis fassent des compromis. En effet, il était parfois question de proposer une délégation de pouvoirs plus importante que promise, tandis que d’autres fois certains partis devaient se résigner à ne pas pouvoir réaliser leurs ambitions. Tout montre que, peu importe les difficultés, les dirigeants politiques sont capables d’unir leurs forces, de collaborer et de s’entendre. Ensemble, ces nouveaux pouvoirs apporteront trois importantes améliorations à l’accord de dévolution, rendant celui-ci plus adapté, durable et stable » [traduction]

Dans le rapport, on trouve les recommandations suivantes :

Afin d’assurer une vérification appropriée des mesures législatives du Parlement écossais sur le droit de vote, le système électoral ou encore le nombre de circonscriptions et de députés régionaux au Parlement écossais, le droit britannique exigera que de telles mesures soient adoptées par une majorité des deux tiers du Parlement écossais.

Le Parlement écossais sera inscrit de manière permanente dans le droit britannique et recevra les pouvoirs concernant l’élection de ses députés et son fonctionnement. Le gouvernement écossais serait lui aussi inscrit dans la loi. Le Parlement écossais recevrait aussi le pouvoir d’accorder le droit de vote aux personnes âgées de 16 et de 17 ans, pour qu’ils puissent participer aux élections de 2016 du Parlement écossais.

Les relations intergouvernementales sont considérées comme une question problématique. Les deux gouvernements doivent collaborer pour nouer des relations plus productives, solides, visibles et transparentes. En résumé, des processus officiels doivent être mis sur pied pour permettre aux parlements écossais et britannique de travailler ensemble plus souvent dans les sphères d’intérêt commun et d’assurer une reddition de comptes par les deux gouvernements.

Même si les affaires étrangères demeurent une compétence relevant du gouvernement du Royaume-Uni, il faut pleinement tenir compte des avis des autorités décentralisées au moment d’ébaucher tout accord de gouvernance révisé concernant la présence du gouvernement écossais au sein de la délégation britannique à l’Union européenne.

Tous les aspects du régime de pension de l’État continueront d’être offerts partout au Royaume‑Uni. Certains éléments du Crédit universel, comme les prestations pour les aidants non professionnels, les personnes handicapées et les personnes malades, relèveront néanmoins du Parlement écossais. La dévolution initiale de ces pouvoirs serait accompagnée de subsides globaux accrus égaux aux dépenses de l’Écosse accordées par le gouvernement britannique. En outre, ce dernier verserait au Parlement écossais l’équivalent des économies réalisées du fait de ne plus administrer le régime de prestations en Écosse. Le Parlement écossais se verrait aussi confier le pouvoir de créer d’autres prestations dans les sphères qui lui sont dévolues, et le Royaume-Uni ajusterait, en échange, le plafond des prestations pour comprendre les versements additionnels effectués par le Parlement écossais.

Quant au transport, le pouvoir de modifier les limites de vitesse ainsi que celui de la signalisation routière seraient également transmis. Qui plus est, la délivrance de permis pour l’extraction terrestre de pétrole et de gaz serait dévolue à l’Écosse, alors que celle pour l’extraction extracôtière serait encore réservée au gouvernement du Royaume-Uni.

Tant le Parlement britannique que le Parlement écossais continueront à percevoir et à gérer ensemble les impôts sur le revenu, mais le Parlement écossais pourra décider des taux d’imposition et des tranches de revenu imposable. Les gouvernements britannique et écossais se concerteront pour éviter la double imposition et rendre la gestion des impôts aussi simple que possible pour les contribuables.

Concernant la taxe sur la valeur ajoutée perçue en Écosse, les premiers 10 % seraient affectés au budget du gouvernement écossais, lequel recevrait le pouvoir d’imposer des taxes aux voyageurs en partance d’un aéroport écossais.

La dévolution d’autres responsabilités en matière de fiscalité et de dépenses publiques serait assortie d’un cadre fiscal actualisé à l’intention de l’Écosse, qui s’harmoniserait avec celui appliqué à l’échelle du Royaume-Uni. Les points suivants y seraient intégrés :

·         Les subsides globaux versés par le Royaume‑Uni à l’Écosse seraient toujours déterminés par la formule de Barnett, soit le régime de subsides pour l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord qui établit les calculs d’après, d’une part, les pouvoirs dévolus et, d’autre part, la population.

·         La formule de financement révisée ferait en sorte que le budget d’une Écosse aux pouvoirs délégués accrus tirerait pleinement avantage des décisions stratégiques du gouvernement écossais.

·         L’Écosse ne serait aucunement lésée si d’autres pouvoirs lui étaient confiés.

·         L’Écosse ne souffrirait pas d’une quelconque décision sur les politiques prise par le Royaume-Uni ou elle-même après la dévolution;

·         Le cadre fiscal de l’Écosse doit garantir des pouvoirs d’emprunts additionnels suffisants pour assurer la stabilité budgétaire et soutenir l’investissement de capitaux. Les gouvernements britannique et écossais devront s’entendre sur ces pouvoirs d’emprunts, qui seront à revoir périodiquement. De surcroît, un cadre fiscal révisé devra faire l’objet d’un examen récurrent pour veiller à ce que ces pouvoirs continuent d’être jugés équitables, transparents et efficaces. Cet examen doit être accompagné d’une mise à jour aux parlements écossais et britannique, portant notamment les rapports de mise à jour annuels qui font état des modifications convenues au cadre fiscal de l’Écosse.

Les membres de la délégation ont pu assister à la conférence tenue à Édimbourg, où étaient exposées notamment les grandes lignes de la réponse du gouvernement britannique au rapport de la Commission Smith intitulée Scotland in the United Kingdom : An Enduring Settlement. Les organisateurs de la conférence, les très honorables David Cameron, premier ministre, et Alistair Carmichael, député et secrétaire d’État à l’Écosse, appuient vivement les travaux de la Commission. Selon eux, après la décision des électeurs écossais de demeurer au sein du Royaume‑Uni en septembre 2014 et l’adoption du rapport Smith par les cinq principaux partis politiques écossais, il resterait à présenter le projet de loi sur l’Écosse qui mettrait en œuvre les dispositions du rapport Smith et permettrait au prochain gouvernement britannique de les présenter à la prochaine législature.

2.    Bilan économique de l’Écosse, dont les investissements canadiens

Durant son séjour en Écosse, la délégation a pu se rendre dans les bureaux de la Scottish Development International, organisation chargée de la promotion des échanges commerciaux et de l’investissement du gouvernement écossais, à Glasgow, en partenariat avec Scottish Enterprise et Highlands and Islands Enterprise. Ces organisations attirent l’investissement étranger en Écosse et aident les entreprises écossaises à développer les échanges commerciaux à l’étranger.

M. Neil Francis, directeur du Commerce international et de l’investissement à la Scottish Development International, division internationale des organismes de promotion commerciale de l’Écosse, a d’ailleurs réuni un groupe de gens d’affaires dont les intérêts recoupent les relations commerciales entre le Canada et l’Écosse, dans l’industrie aérospatiale, la défense, la marine, l’externalisation des processus d’affaires, les sciences chimiques, les industries de création, l’éducation, l’énergie, les services financiers, l’alimentation et les boissons, les TIC et les technologies électroniques, les sciences de la vie, les textiles et les secteurs du tourisme. La Scottish Development International possède des bureaux au Canada et aux États‑Unis, en Asie et dans la région du Pacifique ainsi qu’en Europe, au Proche-Orient et en Afrique.

Le Canada se classe parmi les plus importants investisseurs étrangers en Écosse, et les entreprises canadiennes présentes dans cette région soutiennent plus de 5 000 emplois. En effet, celles établies à Aberdeen et ses alentours récupèrent 30 % du pétrole et du gaz extraits dans la mer du Nord, marquant ainsi la forte présence du Canada dans cette filière. Les Canadiens représentent l’un des principaux marchés de l’Écosse dans le domaine du tourisme : chaque année, plus de 100 000 Canadiens y séjournent et y dépensent plus de 100 millions de dollars. Environ 50 entreprises canadiennes ont des activités ou des représentants en Écosse, par exemple Talisman Energy, Nexen, Shawcor et Notus Electronics.

L’Écosse cherche à obtenir davantage de liaisons directes avec ses aéroports de sorte que les voyageurs n’aient pas à toujours se rendre à Londres. Selon toute attente, les vols directs constitueraient un énorme avantage pour les entreprises qui investissent en Écosse.

3.    Priorités du Royaume-Uni en 2015

La délégation s’est rendue au Parlement de Westminster et a rencontré le très honorable William Hague, premier secrétaire d’État et leader à la Chambre des communes. Ce dernier a noté que les conservateurs étaient ravis de s’occuper de la dévolution par suite du résultat serré du référendum en Écosse. Or, une fédération ne constitue pas nécessairement un contexte propice à la dévolution à cause du poids démographique et économique anglais (85 %) ainsi qu’à cause de la géographie et l’histoire du Royaume-Uni. Au lieu de cela, les trois principaux partis se penchent sur un modèle de décentralisation, car une dévolution au Royaume‑Uni exigerait de remédier à l’asymétrie des pouvoirs délégués à l’Écosse, au Pays de Galles, à l’Irlande du Nord et à l’Angleterre.

À la suite des élections de mai 2015, les trois partis – le Parti conservateur, le Parti libéral-démocrate et le Parti travailliste – se sont engagés à présenter un projet de loi sur l’Écosse à la prochaine législature. Dans les faits, le référendum en Écosse a élargi le débat sur la gouvernance de tout le Royaume‑Uni.

Il est discuté de la question du West Lothian, à savoir que les députés non anglais peuvent voter à Westminster des mesures législatives concernant l’Angleterre, mais que leurs homologues anglais ne bénéficient pas du même pouvoir au parlement de l’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord. Le référendum en Écosse a ramené la question à l’avant-plan et a permis de dégager des solutions possibles, notamment une plus grande décentralisation ou la réduction du nombre de députés à Westminster provenant de l’extérieur de l’Angleterre. Il a aussi été question de peut‑être réformer le scrutin pour accorder plus de poids aux voix anglaises pour les mesures sur l’Angleterre, ou encore pour en donner aux voix anglaises et galloises pour celles touchant l’Angleterre et le Pays de Galles. On a laissé entendre qu’il s’agissait d’une question de procédure sur laquelle la Présidence devra se prononcer.

4.    Échanges commerciaux et investissement, notamment l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne

On a également abordé la question d’inciter davantage de PME à pénétrer les marchés internationaux. Puisque le Canada est le principal partenaire commercial du Royaume-Uni après les États‑Unis, il est proposé de renforcer leur partenariat en faisant la promotion de PME, en particulier dans le transport, l’énergie, les réseaux à large bande, l’eau et le traitement des déchets.

Qui plus est, le Canada et le Royaume‑Uni cherchent à améliorer les conditions économiques mondiales au sein du G20 afin que les échanges commerciaux et l’investissement à plus forte valeur prospèrent.

Le Royaume‑Uni appuie vigoureusement l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. D’ailleurs, il cherche à diversifier son économie et à réduire sa dépendance excessive envers le secteur des services et de la finance en relançant la fabrication de produits à forte valeur. L’accord économique constituerait donc une passerelle idéale pour les exportations britanniques.

5.    Affaires étrangères, notamment les questions de sécurité à l’égard du groupe État islamique et du conflit en Ukraine du point de vue du Royaume-Uni

Le Royaume‑Uni entretient des relations exceptionnelles avec l’Union européenne du fait de sa géographie et de son histoire ainsi que de son insularité et de la perpétuation de ses traditions politiques et juridiques. Il a donc su négocier certaines exemptions avec l’Union européenne sans faire partie de la zone euro ni de l’espace Schengen. Le premier ministre Cameron a par ailleurs annoncé son intention de tenir un référendum en 2017 pour décider si le Royaume-Uni devrait rester dans l’Union européenne.

En ce qui a trait au conflit en Ukraine, le Royaume-Uni, à l’instar du Canada, impose à la Russie des sanctions dans divers secteurs pour resserrer son accès aux marchés des capitaux, à l’armement et aux technologies en matière d’énergie. En outre, il a invité la Russie à respecter le droit international et l’indépendance territoriale de l’Ukraine. À l’exemple du Canada encore, il appuie les pourparlers diplomatiques, essentiellement les protocoles de Minsk, pour résoudre le conflit.

On a aussi signalé la participation du Royaume-Uni aux frappes aériennes visant le groupe armé État islamique en Iraq dans le cadre d’une coalition dirigée par les États‑Unis.

6.    Rôle de la Banque d’Angleterre, dont une rencontre avec Mark Carney

La délégation était ravie de rencontrer M. Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre. Cette dernière agit à titre tant de banque centrale comme la Banque du Canada, que d’organisme de réglementation monétaire macroprudentielle au Royaume-Uni, dont le mandat ressemble à celui du Bureau du surintendant des institutions financières.

M. Carney a profité de l’occasion pour expliquer la structure de la Banque. Celle‑ci se compose notamment du Comité de politiques monétaires auquel neuf membres siègent et dont la fonction est analogue à celle du Conseil de direction de la Banque du Canada chargé de la politique monétaire. Elle englobe aussi le Comité de politiques financières responsable de la stabilité financière microprudentielle. Il revient au Parlement de Westminster de procéder à l’examen financier de la Banque.

En guise de conclusion, les membres de la délégation tiennent à remercier le Parlement écossais ainsi que la section du Royaume‑Uni de l’APC de Westminster de l’accueil et de l’organisation d’un programme extrêmement intéressant. De plus, la délégation tient à remercier chaleureusement le Haut‑Commissariat canadien à Londres et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de leur aimable soutien en leur fournissant toute l’information voulue avant son départ.

 

Respectueusement soumis,

 

 

L’honorable Joan Fraser, sénatrice

Association interparlementaire Canada – Royaume‑Uni

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