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Rapport

 

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la visite de la commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, qui s’est tenue en Australie, du 22 au 26 septembre 2008. Conduite par le président de la Commission, M. Julio Miranda Calha, la délégation était composée de parlementaires de 12 pays de l’OTAN.  La délégation canadienne était composée de sénateur Joseph A. Day.

Les relations entre l’OTAN et l’Australie se sont considérablement renforcées au cours des dernières années, principalement en raison de leur coopération sur le terrain en Afghanistan. Bien que cette coopération puisse être améliorée dans certains domaines opérationnels, les arrangements actuels entre les deux parties sont globalement satisfaisants. L’Australie se satisfait de son statut de « pays de contact », qui lui permet d’avoir avec l’Alliance des relations souples et pragmatiques fondées sur des intérêts mutuels, et elle ne serait pas très favorable à une institutionnalisation excessive de sa relation avec l’OTAN.

Il conviendrait par ailleurs, parallèlement au renforcement des relations entre le pouvoir exécutif australien et l’Alliance, d’intensifier le dialogue entre le Parlement australien et l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

La visite de la délégation avait plusieurs objectifs. Tout d’abord, les parlementaires des pays membres de l’OTAN voulaient, par leur présence, manifester la gratitude des pays de l’Alliance à l’égard de l’Australie pour son importante contribution à la mission en Afghanistan. Ensuite, les membres de la Commission souhaitaient s’entretenir avec de hauts responsables australiens pour connaître leur point de vue sur les relations de leur pays avec l’OTAN, leur évaluation des progrès en Afghanistan et leurs inquiétudes les plus vives en matière de sécurité. Enfin, la délégation avait pour ambition de nouer des contacts interparlementaires afin d’accroître la participation des parlementaires australiens aux activités de l’Assemblée.

L’un des moments les plus importants de la visite a donc été le dialogue avec des membres du Parlement australien. La délégation a également rencontré le ministre de la Défense, le chef des forces de défense australiennes, de hauts responsables du ministère de la Défense et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce, des officiers militaires récemment rentrés d’Afghanistan, le fournisseur d’équipements de défense Thales Australia, ainsi que des experts indépendants. Les membres de la Commission ont en outre visité deux grandes installations militaires : la caserne Victoria, à Sydney, et celle de Laverack, à Townsville.

Pour finir, le Président de la Commission et plusieurs délégués se sont rendus au Parlement de Canberra, où ils ont présenté un exposé sur le rôle de l’AP-OTAN et échangé des points de vue sur des questions telles que le conflit en Afghanistan, les relations OTAN-Australie et l’avenir de l’Alliance.

I.          LA VISION STRATEGIQUE ET LA POLITIQUE EN MATIERE DE DEFENSE DE L’AUSTRALIE

Selon plusieurs responsables et experts indépendants, la vision stratégique de l’Australie repose sur trois éléments essentiels : son alliance de longue date avec les Etats-Unis, son engagement croissant avec les autres pays de la région (en particulier l’Indonésie), et sa contribution aux institutions multilatérales, dont les Nations unies.

L’alliance bilatérale avec les Etats-Unis est la première composante – et la plus importante – de la politique australienne en matière de sécurité. Bien que l’Australie ait depuis longtemps noué des liens et conclu des accords de coopération avec le Royaume-Uni et le Canada, sa relation avec les Etats-Unis et sa prédominance stratégique en Asie continuent d’occuper la première place dans sa politique sécuritaire.

Si l’Australie bénéficie d’un environnement relativement stable en Asie, la concurrence stratégique n’en est pas moins présente. Les principaux défis à cet égard sont la montée en puissance de la Chine et de l’Inde, la persistance de problèmes anciens non résolus (le conflit coréen, par exemple) et la concurrence concernant les revendications de souveraineté sur la mer de Chine méridionale.

La délégation de l’AP-OTAN s’est rendue à l’Université nationale australienne (Australian National University - ANU), où elle s’est entretenue avec le professeur Hugh White et plusieurs de ses confrères. Selon le professeur White, la proximité géographique de l’Australie avec un certain nombre d’Etats relativement petits et peu puissants a conduit le pays à centrer son volet militaire sur les capacités expéditionnaires ainsi que sur les activités de stabilisation et reconstruction. L’Australie a donc mis en place une structure de forces reposant sur une armée de terre de petite taille et relativement légère, avec des opérations de stabilisation et de lutte anti rébellion, ainsi que des capacités aériennes et maritimes de haut niveau. Le pays consacre près de 2 % de son PIB à la défense, un budget qui s’est accru de 3 % par an ces dernières années.

L’élaboration d’un nouveau Livre blanc sur la défense – dont la version précédente avait été diffusée en 2000 – était en cours au moment de la visite des délégués. Ce document a offert au gouvernement de M. Rudd la possibilité de redéfinir les politiques nationales de sécurité et de défense en décrivant dans les grandes lignes les menaces auxquelles l’Australie est confrontée et la manière dont elle prévoit d’y faire face.

Les experts et les hauts responsables – parmi lesquels M. David Johnston, porte-parole de l’opposition sur la Défense – ont reconnu que l’Australie avait affiché ces dernières décennies un large consensus en ce qui concerne sa politique de défense et de sécurité. Ainsi, les hausses du budget militaire qui avaient été proposées par le précédent gouvernement de M. Howard ont été approuvées aussi bien par la majorité que par l’opposition. M. Johnston a fait savoir que le consensus sur la question du déploiement de soldats à l’étranger en vue de servir les intérêts en matière de sécurité de l’Australie et de ses alliés datait d’une vingtaine d’années. Ce large consensus ainsi que la nette continuité de la politique de défense et de sécurité donnera sans doute naissance à un Livre blanc qui reflétera en grande partie les choix passés et appellera au maintien du cap qui avait été pris précédemment.

L’armée australienne, de taille relativement faible, est soumise à la pression d’un rythme opérationnel extrêmement élevé, a fait remarquer le Maréchal de l’armée de l’air Angus Houston, chef des forces de défense australiennes. L’une des réponses apportées par le gouvernement de M. Rudd a été la récente décision de porter le cycle de rotation des déploiements à huit mois (au lieu de six actuellement), dans le but notamment d’accroître la prévisibilité, à la fois pour les planificateurs et les soldats.

Lors de leur visite au Commandement des forces terrestres de la caserne Victoria, à Sydney, les membres de la délégation ont reçu des informations très utiles sur les activités menées par ce commandement ainsi que sur la génération des forces déployées en Afghanistan. Effectuant ensuite une visite d’information auprès du fournisseur d’équipements de défense Thales Australia, les délégués ont pu observer le véhicule blindé Bushmaster qui, grâce à son train roulant en forme de V, a fait preuve de son efficacité contre les dispositifs explosifs de circonstance. Les membres de la Commission ont également visité le centre australien de transformation et de technologies nouvelles (Australian Transformation and Innovation Centre – ATiC).

La délégation s’est ensuite rendue à la caserne Laverack, à Townsville, l’une des plus grandes bases militaires australiennes. Elle y a assisté à un exposé exhaustif du commandant du Centre d’entraînement au combat, où sont formés les soldats avant leur déploiement en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) dirigée par l’OTAN. Les délégués ont également reçu des informations sur le 3ème régiment, qui est spécialisé dans l’infanterie légère et constitue le noyau des forces prêtes à l’action de l’armée de terre.

Les membres de la Commission se sont réjouis de pouvoir rencontrer une unité australienne qui est rentrée de sa mission en Afghanistan en avril. Le commandant du Groupe de reconstruction n° 3 (RTF‑3), le lieutenant-colonel David Wainright, a fait part de quelques-unes de ses réflexions sur son expérience dans ce pays, à savoir : la nécessité de remettre en question les modes de pensée occidentaux et d’utiliser les moyens de renforcement des capacités existant sur place ; le caractère spécifique de chaque province, qui fait du plan directeur un instrument inadapté ; la complexité des opérations faisant intervenir plusieurs pays et plusieurs institutions ; la nécessité de recenser plusieurs groupes de population et de cibler chacun d’eux par alternance ; l’utilité d’une participation visible aux projets d’une « main afghane ».


II.         LES RELATIONS ENTRE L’OTAN ET L’AUSTRALIE

Comme l’ont affirmé des hauts responsables du ministère de la Défense ainsi que du ministère des Affaires étrangères et du Commerce, l’Australie et l’OTAN ont en commun un certain nombre d’intérêts, ce à quoi il convient d’ajouter que l’Australie soutient et apprécie le rôle du commandement allié de la FIAS. Le ministre de la Défense Joël Fitzgibbon a insisté sur ce point et s’est félicité de la fréquence de plus en plus grande des actions de l’Australie aux côtés de l’OTAN ainsi que du dialogue avec cette dernière.

Les représentants du ministère de la Défense ainsi que du ministère des Affaires étrangères et du Commerce ont indiqué que l’Australie était en contact avec l’OTAN depuis de nombreuses années, principalement via des activités bilatérales avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Cela signifie par conséquent que l’Australie est déjà familiarisée avec la doctrine et les règles de fonctionnement de l’OTAN, avec ses publications et ses accords de normalisation, ainsi qu’avec plusieurs de ses groupes de travail et organes spécialisés.

Il a toutefois fallu attendre l’époque récente pour que cette relation évolue et prenne la forme d’une coopération orientée vers des objectifs précis. Il y a plus de trois ans, les dirigeants australiens ont visité le siège de l’OTAN et appelé l’attention sur l’indivisibilité de la sécurité internationale. Leur message clé – à savoir le caractère mondial des problèmes de sécurité et la coopération internationale qu’il convient de mettre en œuvre pour les résoudre – a été bien accueilli par l’Alliance, qui a estimé que la vision et les valeurs stratégiques de l’Australie en faisaient un partenaire évident.

Des mesures institutionnelles n’ont pas tardé à être prises pour concrétiser cette coopération : un accord relatif à la mise en commun des informations classifiées a été conclu en avril 2005, et un conseiller australien pour la défense a été détaché à Bruxelles auprès de l’OTAN et de l’UE en septembre de la même année.

Les responsables australiens ont répété à plusieurs reprises que leur pays était satisfait de son statut actuel de « pays de contact », qui permet un dialogue stratégique ainsi qu’une coopération flexible, concrète et personnalisée. Les représentants du ministère de la Défense ont indiqué en particulier que l’Australie était très sensible aux efforts déployés récemment par l’OTAN pour lui permettre de participer davantage aux activités (planification et autres) de l’Alliance. Il s’agissait notamment d’un ensemble d’activités de coopération rentrant dans le cadre du Partenariat pour la paix (PPP) proposé par l’OTAN.

III.        LE POINT DE VUE DE L’AUSTRALIE SUR LES PROGRES EN AFGHANISTAN

La mission en Afghanistan représente pour l’Australie sa première participation à une opération dirigée par l’OTAN. Les hauts responsables australiens ont indiqué que si l’Australie était engagée en Afghanistan – malgré l’existence de nombreuses autres opérations, qui plus est plus proches géographiquement –, cela était dû à plusieurs raisons : le pays a conscience de la nécessité de participer en première ligne à la guerre contre le terrorisme, sachant que le conflit afghan s’est déjà étendu vers l’Asie du Sud-est ; les événements du 11 septembre et le mandat des Nations unies confèrent à la mission un soutien politique de grande ampleur au sein de la société australienne ; enfin, l’Australie doit apporter un soutien visible aux Etats-Unis et à ses partenaires.

Comme l’a expliqué le Maréchal de l’armée de l’air Angus Houston, chef des forces de défense australiennes, la contribution de l’Australie était initialement de 240 hommes, mais elle s’est régulièrement renforcée pour atteindre le chiffre d’environ 1 100 soldats.

La contribution de l’Australie se manifeste principalement par sa participation à l’équipe de reconstruction provinciale – dirigée par les Pays-Bas – qui est postée dans la province d’Uruzgan et est spécialisée dans le génie de combat. Le travail consiste à construire des installations civiles, comme par exemple des écoles et des centres médicaux, mais aussi des bases d’opérations avancées pour les forces de sécurité afghanes. L’Australie a également déployé des hélicoptères Chinook[1], un groupe d’opérations spéciales, une unité de contrôle radar et de compte rendu installée sur le théâtre, ainsi que plusieurs administrateurs rattachés au quartier général de Kaboul et à celui de Kandahar. Enfin, l’Australie a également apporté une contribution au fonds d’affectation spéciale pour les hélicoptères qui a été constitué par le Royaume-Uni et la France dans le but de financer la mise à niveau d’hélicoptères qui, sinon, ne répondraient pas aux critères de qualité d’un déploiement en Afghanistan.

L’Australie s’est par ailleurs engagée dès 2001 à fournir, dans le cadre de son programme d’aide à l’étranger, une enveloppe de 580 millions de dollars australiens pour l’Afghanistan, et elle a également déployé plusieurs fonctionnaires de police chargés d’apporter conseils et formation à la police nationale afghane, en mettant l’accent sur la lutte contre les stupéfiants.

La nature de la contribution australienne est toutefois en train de changer, car dans les prochains mois, une équipe de formation semblable à l’équipe de mentorat et de liaison de l’OTAN sera ajoutée aux déploiements existants de l’Australie. Cette initiative reflète un changement général dans l’orientation de la mission, qui va désormais dans le sens de la formation et de l’encadrement des forces de sécurité afghanes.

Les responsables de la défense ont fait remarquer que lorsqu’elle a créé une équipe spéciale pour le mentorat et la reconstruction, l’Australie a envoyé 25 soldats en formation au Centre d’entraînement multinational interarmées de Hohenfelz, en Allemagne. Une fois formés, ces instructeurs dispenseront à leur tour une formation en Australie, afin de garantir une compatibilité avec les équipes de mentorat et de liaison de l’OTAN.

L’Australie est en Afghanistan « pour longtemps », a-t-on assuré à plusieurs reprises aux délégués. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle signe « un chèque en blanc » : l’Australie attend des autres pays qu’ils poursuivent et renforcent leurs efforts, afin d’éviter que l’impasse stratégique ne s’aggrave et que le mouvement de rébellion ne dure plus longtemps que ne le souhaiterait la communauté internationale. Une action soutenue sur le long terme, associant la communauté internationale, les partenaires régionaux et le gouvernement afghan, serait nécessaire pour que l’Afghanistan puisse devenir autonome, performant sur le plan de la gouvernance, économiquement viable et capable d’assurer seul sa sécurité, et pour qu’il ne se transforme pas en refuge pour les terroristes et se dote d’une politique de lutte contre les stupéfiants efficace.

Bien que les responsables de la défense australiens aient qualifié d’étape importante l’approbation par l’OTAN d’un plan politico-militaire global – en coopération avec les pays non membres de l’OTAN  fournisseurs de troupes–, ils ont estimé que sa mise en œuvre était une épreuve de taille et ont mis en avant la nécessité de poursuivre les consultations concernant les évaluations.

Le ministre de la Défense Joël Fitzgibbon a déclaré ne pas avoir constaté pour l’instant de réel progrès dans la mise en œuvre du nouveau plan de l’OTAN. Ses sujets d’inquiétude sont notamment : l’absence de nouvelles contributions majeures en contingents, hormis celle des Etats-Unis ; le manque de nouveauté dans les approches de la lutte antistupéfiants ; les difficultés rencontrées par l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Kai Eide, qui pourraient être la conséquence d’un soutien insuffisant de la part de l’ONU et de ses Etats membres ; enfin, les problèmes concernant le rôle du Pakistan. M. Fitzgibbon a indiqué que la réalisation de progrès nécessitait plusieurs éléments : plus d’argent, plus de soldats avec davantage d’expérience dans la lutte anti rébellion, plus de coordination et moins de restrictions.

L’Afghanistan n’a pas encore atteint sa « masse critique » en termes de sécurité, a précisé M. Fitzgibbon, qui a ajouté que le personnel des organisations humanitaires ne pouvait toujours pas travailler librement dans le pays. Son idée est de mettre en œuvre, sous la direction des Etats-Unis, une stratégie de « l’accélération » semblable à celle adoptée en Irak, mais d’une ampleur beaucoup plus grande que ne le suggèrent les candidats à l’élection présidentielle américaine, afin de pouvoir atteindre un niveau de troupes suffisant sur le théâtre.

IV.       LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE PARLEMENTAIRE

Lors de leurs rencontres avec les représentants de la Chambre et du Sénat du Parlement australien, ainsi que de leurs discussions avec la Commission conjointe des affaires étrangères, de la défense et du commerce, les membres de la délégation ont insisté sur l’utilité et l’importance d’une participation accrue des parlementaires australiens aux activités de l’Assemblée. Leurs interlocuteurs australiens ont affirmé avoir pensé que ce dialogue datait d’une époque révolue, vu que l’Australie n’y avait pas pris part depuis le début des années 90. Ils ont cependant souligné qu’ils comprenaient mieux désormais l'intérêt et l'importance qu'il pouvait y avoir à renouer ce dialogue. Il a donc été convenu que l'Assemblée communiquerait aux dirigeants des instances parlementaires australiennes des informations pertinentes sur ses activités, et que le Parlement australien accorderait à ces informations toute l'attention qu'elles méritent.

 

Respectueusement soumis,

 

M. Leon Benoit, député

Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)





[1]     Cette contribution était particulièrement importante car les deux hélicoptères déployés représentaient un tiers de la force totale de l’Australie en la matière, et donc le déploiement maximal. Ces hélicoptères pouvaient rayonner sur toute la région sud de l’Afghanistan dans le cadre de la FIAS.

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