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Rapport

M. Bob Mills, député, a dirigé la délégation composée de trois parlementaires à la Huitième Conférence des parlementaires de la région arctique[1] à Fairbanks, en Alaska, du 12 au 14 août 2008.  Le Sénat du Canada était représenté par l’honorable Yoine Goldstein et la Chambre des communes par MM. Bob Mills et Dennis Bevington.  La délégation a bénéficié de l’appui de M. Philippe Méla, secrétaire administratif de la délégation, et de Mme Lalita Acharya, conseillère du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement.  Le Comité permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA)[2] a tenu deux réunions dans le cadre de la Conférence, auxquelles le Canada a été représenté par l’honorable Yoine Goldstein (réunion un) et M. Bob Mills (réunion deux).

La première Conférence des parlementaires de la région arctique (appelée ci‑après « Conférence ») a eu lieu en Islande en 1993, et le CPPRA a été créé l’année suivante. La Conférence a lieu dans un différent État de l’Arctique tous les deux ans depuis la deuxième conférence à Yellowknife en 1996, année de la création du Conseil de l’Arctique, composé de huit États membres[3], lors d’une réunion ministérielle à Ottawa.  Le Conseil de l’Arctique prévoit aussi la participation de représentants d’associations autochtones internationales et d’organismes élus.  À l’heure actuelle, six de ces organes ont le statut de « participant permanent » au Conseil, lequel prévoit des rencontres ministérielles tous les deux ans.  Le CPPRA est admis au Conseil de l’Arctique à titre d’observateur.  Un de ses principaux rôles est de faire avancer les dossiers du Conseil de l’Arctique, principalement sur les questions de développement durable.  Les représentants des participants permanents autochtones bénéficient du même statut au sein du CPPRA qu’au Conseil.


La Huitième Conférence, tenue par les États-Unis, comptait plus d’une centaine de participants, dont des délégués des huit membres du Conseil de l’Arctique.  Comme dans le passé, la Conférence s’est penchée sur des grands thèmes présentés par les conférenciers d’honneur.  Les thèmes de la Conférence cette année étaient les suivants :

·        la santé humaine dans l’Arctique;

·        la politique maritime de l’Arctique;

·        l’adaptation aux changements climatiques;

·        les ressources énergétiques de l’Arctique : mise en valeur des ressources énergétiques rurales.

Ces thèmes se reflètent dans les sous-titres utilisés dans la déclaration de la Conférence (voir l’annexe 1), que les délégations ont adoptée par consensus à la fin de la rencontre.  La déclaration sera transmise aux gouvernements lors de la prochaine réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique qui se tiendra en avril 2009 en Norvège, sous la présidence du Danemark.

TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE

La Conférence commence par les allocutions de bienvenue prononcées par Lisa Murkowski, sénatrice américaine de l’Alaska; Mark Hamilton, président de l’Université de l’Alaska; Patricia Cochran, présidente du Conseil circumpolaire inuit (CCI); et Sarah Palin, gouverneure de l’État de l’Alaska.

Fait à souligner, Mme Cochran (CCI) fait part des préoccupations concernant ce qu’elle considère l’exclusion des peuples autochtones de l’Arctique de certaines tribunes internationales portant sur les questions de la région.  Elle cite, à titre d’exemple, la réunion, en mai 2008, des cinq États en bordure de l’océan Arctique (le Canada, le Danemark, la Norvège, la Russie et les États‑Unis) qui a abouti à la Déclaration de l’Ilulissat (annexe 2).  Les Inuits, dit-elle, ont été exclus de cette rencontre. Mme Cochran discute aussi du nombre croissant d’États et d’organisations non gouvernementales de l’extérieur de la région arctique qui souhaitent pouvoir assister au Conseil de l’Arctique à titre d’observateurs.  Elle précise qu’avant d’ajouter des observateurs au Conseil, il faut poser des questions sur l’engagement passé des groupes intéressés à l’égard des peuples autochtones et sur les mesures qu’ils prendraient pour accroître la participation des peuples autochtones au sein du Conseil.

A.   LA SANTÉ HUMAINE DANS L’ARCTIQUE

1.    Dr Alan Parkinson, directeur adjoint du Programme d’enquêtes dans l’Arctique du Centre national des maladies infectieuses, Centers for Disease Control and Prevention (CDC) : La santé humaine dans l’Arctique

La session sur la santé humaine dans l’Arctique commence par un exposé du Dr Alan Parkinson sur les efforts déployés pour améliorer le bien-être et la santé des populations de la région. Il aborde d’abord le Programme d’enquêtes dans l’Arctique (Arctic Investigations Program ou AIP) des CDC, situé à Anchorage, en Alaska.  La mission du Programme est de prévenir la morbidité et la mortalité associées aux maladies infectieuses chez les populations arctiques et subarctiques, l’accent étant mis sur les maladies qui se déclarent fréquemment et causent de grandes préoccupations chez les peuples autochtones.

            Dr Parkinson souligne que la santé humaine s’est améliorée dans l’Arctique au cours des 50 dernières années.  Cette amélioration est en grande partie attribuable à la réduction de la morbidité et de la mortalité causées par les maladies infectieuses, comme la tuberculose, et les maladies de l’enfance à prévention vaccinale.  L’approvisionnement en eau salubre, l’évacuation des eaux usées et l’amélioration des soins de santé ont également permis d’accroître l’espérance de vie des populations arctiques.

            Dr Parkinson souligne toutefois également qu’il reste d’importants défis à relever dans le domaine de la santé humaine dans l’Arctique.  En Alaska, par exemple, l’espérance de vie et les taux de mortalité attribuable à des blessures non intentionnelles, de suicide et de mortalité par cancer sont beaucoup plus élevés qu’ailleurs aux États-Unis.  D’autres facteurs nuisent à la santé et au bien-être : les contaminants environnementaux qui s’infiltrent dans l’alimentation traditionnelle; les changements économiques rapides, la modernisation et les maladies « modernes » connexes (p. ex., l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires); les effets directs et indirects sur la santé des changements climatiques (p. ex. les changements dans les maladies à transmission vectorielle et dans l’accès à l’eau saine).

            Du fait que ces questions sont des défis d’ordre circumpolaire, Dr Parkinson signale certaines des tribunes internationales qui ont cherché à régler ces questions, dont l’Initiative sur la santé humaine dans l’Arctique (Arctic Human Health Initiative ou AHHI) du Conseil de l’Arctique.  L’AHHI est un projet du Conseil de l’Arctique, mené par les États-Unis pendant l’Année polaire internationale (API) dans le but d’accroître la sensibilisation et de donner plus de visibilité aux problèmes de santé des populations arctiques, de favoriser la recherche sur la santé humaine et de promouvoir des stratégies sanitaires qui amélioreront la santé et le bien-être de tous les résidents de l’Arctique.  L’Initiative a donné lieu à tout un éventail de projets de recherche, d’éducation et de communication.

En terminant, Dr Parkinson formule certaines recommandations sur la façon dont les parlementaires de la Conférence peuvent aider à améliorer la santé des citoyens de l’Arctique :

·        appuyer l’élaboration d’un plan stratégique visant les activités de santé humaine au Conseil de l’Arctique;

·        cerner les priorités en santé humaine qui nécessitent une intervention et formuler des recommandations à l’intention du Conseil de l’Arctique;

·        assurer l’appui de leur pays aux réseaux arctiques qui favorisent la collaboration sur les questions de santé des peuples arctiques;

·        promouvoir des tribunes permettant d’échanger des renseignements sur les meilleures pratiques.

2.    Mme Leanndra Ross et Dr Douglas Eby : Travail préventif sur la santé des peuples autochtones – le modèle de soins NUKA de la Fondation Southcentral : des soins de santé appartenant aux clients et axés sur eux

            Dans leur exposé, Mme Ross et Dr Eby décrivent l’extraordinaire amélioration dans les résultats cliniques, les coûts par habitant et la satisfaction des patients et du personnel réalisée grâce à un fournisseur de soins de santé alaskien.  Il y a dix ans, la Fondation Southcentral à Anchorage, en Alaska, fournissait aux patients des soins de santé inefficaces et impersonnels.  En 1999, la Fondation Southcentral et le Consortium tribal autochtone sur la santé de l’Alaska ont signé une entente afin de prendre en charge la gestion de tous les services de santé des Indiens sur le campus de la santé autochtone de l’Alaska, à Anchorage.  Depuis, la Fondation a modifié sa façon tant de concevoir que d’administrer ses programmes.

            Un des principaux changements est que les Autochtones sont maintenant les propriétaires de la Fondation et qu’ils la dirigent (62 p. 100 des gestionnaires sont des Autochtones de l’Alaska ou des Amérindiens).  De plus, les services de la Fondation ont été remaniés afin de mieux répondre aux besoins et aux volontés des patients.  Par exemple, des services de médecine traditionnelle et de médecines douces sont offerts au même titre que les soins de santé habituels.  La Fondation Southcentral est aussi dotée d’un service de recherche et veut devenir un centre d’excellence pour la recherche sur la santé autochtone en Alaska et la formation de chercheurs autochtones de l’Alaska.

            Dr Eby fait état des résultats obtenus depuis la mise en œuvre de changements au système de prestation de services de santé.  Il souligne une diminution de 40 p. 100 des soins urgents à l’urgence, une diminution de 50 p. 100 des soins spécialisés et une diminution de 20 p. 100 des visites pour soins primaires.

B.   RAPPORTS SPÉCIAUX SUR LA POLITIQUE MARITIME DE L’ARCTIQUE

1.    Contre-amiral Henrik Kudsk, commandant, commandement du Groenland : La sécurité maritime dans l’Arctique

Le contre-amiral Henrik Kudsk donne un aperçu des responsabilités et des capacités de recherche et sauvetage du commandement du Groenland.  Il souligne que le commandement ne compte qu’un nombre limité de navires et d’aéronefs et une patrouille de chiens de traîneau, et ne dispose d’aucune ressource réservée à la recherche et sauvetage.  Le commandement est autorisé à demander un soutien supplémentaire aux navires militaires et civils, entre autres.  Pour ce qui est des ressources internationales pouvant être appelées en renfort, l’unité de recherche et sauvetage la plus proche est basée Reykjavik, en Islande.

            L’exposé du contre-amiral porte principalement sur les nouveaux défis que doit relever le service de recherche et sauvetage du commandement du Groenland, notamment l’activité en mer, les nouvelles voies de navigation internationales, l’accroissement de l’activité scientifique et l’augmentation des croisières touristiques.

            Les croisières touristiques ont beaucoup augmenté au cours des dernières années.  En 2007, 30 navires de croisière ont sillonné les eaux groenlandaises, avec quelque 23 000 passagers à bord.  En 2008, 45 navires de croisière étaient attendus au large des côtes groenlandaises, transportant jusqu’à 55 000 passagers, soit l’équivalent de la population du Groenland.  Or, le contre-amiral, rappelant les accidents qui se sont produits en mer dans l’Antarctique en 2007, ajoute que ce n’est qu’une question de temps, à son avis, avant que des accidents semblables se produisent dans les eaux arctiques.  Il informe les participants à la Conférence que les ressources de recherche et sauvetage dans la région ne sont pas suffisantes pour faire face à ce genre d’accidents.  Il souligne également que le commandement du Groenland a conseillé aux croisiéristes de coordonner leurs voyages dans les zones éloignées (c’est-à-dire avoir plus d’un navire de croisière à la fois dans la région).

            Le contre-amiral signale que l’Organisation maritime internationale[4] a publié des lignes directrices sur la façon d’équiper et d’exploiter les navires qui naviguent dans les eaux englacées de l’Arctique, mais ce ne sont que des recommandations[5].  L’Autorité maritime danoise a proposé l’adoption d’un code obligatoire régissant le pilotage et l’équipement des navires qui circulent dans les eaux englacées.  Le contre-amiral demande aux parlementaires de la région arctique de soulever la question auprès de leurs parlements respectifs.


M. Lawson Brigham, président de l’Évaluation de la navigation maritime dans l’Arctique : Le point sur l’Évaluation de la navigation maritime dans l’Arctique

            M. Brigham fait le point sur l’état de l’Évaluation de la navigation maritime dans l’Arctique, un projet commandé par le Conseil de l’Arctique (Groupe de travail sur la protection des milieux marins de l’Arctique) et dirigé par le Canada, la Finlande et les États-Unis. L’Évaluation a été commandée par le Conseil de l’Arctique en 2004, et les résultats seront connus en 2009.  Le rapport portera sur la sécurité maritime et la protection des milieux marins.  Dans un premier temps, l’Évaluation a porté sur l’intensité de la navigation maritime dans l’Arctique et les répercussions environnementales, sociales et économiques.  L’étape finale de l’Évaluation prévoit la création d’une série de scénarios pour l’avenir (jusqu’en 2050) concernant la navigation maritime dans l’Arctique.

            L’Évaluation s’est poursuivie récemment, soit en mars 2008, avec un atelier sur les incidents maritimes dans l’Arctique; les participants, qui provenaient du Canada, du Danemark, de la Finlande, de la Norvège, de la Russie, de l’Afrique du Sud et des États-Unis, ont simulé des incidents (p. ex., une barge échouée contenant des explosifs, une collision ou un incendie mettant en cause une plate-forme de forage mobile et des navires de soutien).  Un atelier a eu lieu en 2007 pour examiner l’avenir de la navigation maritime dans l’Arctique en 2050 selon divers scénarios de gouvernance (de la situation stable régie par des règles, jusqu’à la situation instable gérée par à-coups) et de demandes de ressources et d’échanges commerciaux.

            Le rapport final (un document de recherche) comptera plus de 1 500 pages et comprendra des chapitres sur la géographie maritime de l’Arctique; l’histoire du transport maritime dans l’Arctique et sa gestion; des scénarios et des visions d’avenir (2020 et 2050), les répercussions environnementales et l’infrastructure maritime dans l’Arctique.  Le rapport négocié sera plus court, soit 125 pages, et contiendra les conclusions de l’Évaluation, un programme de recherche et des recommandations.

            M. Brigham termine son exposé en formulant quatre recommandations aux parlementaires de la région arctique :

1.    appuyer l’œuvre de l’Organisation maritime internationale;

2.    appuyer l’achèvement, la vaste diffusion et la mise en œuvre des recommandations et du programme de recherche de l’Évaluation;

3.    favoriser l’investissement dans l’infrastructure par les États de l’Arctique et l’industrie maritime mondiale;

4.    appuyer l’élaboration d’un accord en matière de recherche et sauvetage dans l’Arctique pour les régions maritimes et aéronautiques, lequel accord devra être mis en œuvre par les organismes maritimes et aéronautiques civils des huit États de l’Arctique.

2.    M. Björn Bjarnason, ministre de la Justice et des Affaires ecclésiastiques, Islande : Le rôle de la société civile en matière de sécurité dans l’Atlantique Nord

            L’exposé de Björn Bjarnason porte principalement sur la participation de l’Islande à la sécurité de l’Atlantique Nord et sur l’importance des institutions civiles dans tous les aspects de l’exploration et de l’activité arctiques.  Selon M. Bjarnason, le Grand Nord européen, avec ses vastes ressources énergétiques et les nouveaux corridors de transport énergétique est‑ouest, est bien placé pour devenir l’une des principales régions de l’économie mondiale.  De plus, les voies maritimes pour le transport d’énergie de la Russie et de la Norvège vers l’Amérique du Nord traversent notamment les eaux islandaises, de sorte que l’Islande, par sa situation géographique, est un élément clé pour ce qui est d’assurer la sécurité dans l’Atlantique Nord et la sécurité énergétique aux États-Unis.

            L’Islande n’a pas d’armée, et sa participation à la sécurité dans l’Atlantique Nord est de nature civile.  M. Bjarnason insiste sur l’importance des traités existants, comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), afin d’établir un cadre juridique permettant de délimiter les espaces maritimes et de régler pacifiquement les différends.  Il présente les efforts continus de l’Islande pour déterminer les limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins.  Il fait part de l’accord entre l’Islande, le Danemark (au nom des îles Féroé) et de la Norvège sur la division d’une partie de cette zone qui, à sa connaissance, est le seul accord sur la division du plateau continental au-delà de 200 milles conclu par plus de deux États. M. Bjarnason affirme que l’accord est un modèle de règlement pacifique de différends entre pays voisins.

            Selon M. Bjarnason, le prix relativement élevé du pétrole et du gaz fait que le monde peut s’attendre à de grandes percées dans la technologie d’exploration et dans l’exploitation du pétrole et du gaz arctiques.  Dans ce contexte, il réclame une plus étroite collaboration entre les pays de l’océan Atlantique Nord et de la mer Baltique afin de resserrer la surveillance et la sécurité en mer.  Le ministre Bjanarson cite la création en 2007 du Forum de la garde côtière de l’Atlantique Nord, comptant 18 membres, à titre d’exemple d’une telle coopération.  Le Forum est une organisation non officieuse servant à faciliter la coopération multilatérale sur les questions nécessitant des opérations mixtes par exemple le trafic de drogue illégale, la sécurité maritime, la protection de l’environnement, les échanges d’information, l’application des dispositions sur les pêches, la migration illégale et les opérations de recherche et sauvetage.


3.    Contre-amiral Gene Brooks, commandant, Garde côtière des États-Unis : L’évolution de l’Arctique et les opérations de la Garde côtière

            Le contre-amiral amorce son exposé en parlant de l’évolution de la frontière de l’Arctique. Il souligne l’ouverture de nouvelles voies de navigation (en raison du recul de la glace marine dans l’Arctique) qui posent problème en raison des différends internationaux sur les frontières de l’Arctique, et précise que ces frontières doivent être établies en collaboration.  D’autres changements ou défis se présentent dans l’Arctique : l’érosion du littoral, les vastes quantités de ressources inexploitées (pétrole, gaz et minéraux); l’accroissement de l’écotourisme (particulièrement les navires de croisière), et l’absence d’un port à services complets au-delà de Nome en Alaska; le déplacement des stocks de poissons vers le Nord; la présence d’espèces menacées et en voie de disparition, dont certaines constituent les « canaris des changements environnementaux » et revêtent une grande importance politique.

            En conclusion, le contre-amiral Brooks est d’avis que tous les changements dans l’Arctique signifient que les missions de la Garde côtière dans le Sud de l’Alaska doivent être élargies pour englober le nord de l’État.  De plus, tous les organismes fédéraux, locaux et d’État doivent se préparer à fonctionner à longueur d’année dans l’Arctique, quelle que soit la saison.

C.   RAPPORT D’ÉTAPE DU CONSEIL DE L’ARCTIQUE ET DU CPPRA

1.    M. Robert Kvile, haut représentant de l’Arctique, ministère des Affaires étrangères, Norvège

            Robert Kvile donne un aperçu des priorités et de l’orientation générale des travaux du Conseil de l’Arctique.  La question des changements climatiques continue de figurer en priorité dans le programme du Conseil, lequel il mène à cet égard trois grands projets :

1) Le projet sur la neige, l’eau, la glace et le pergélisol dans l’Arctique, qui cartographie l’état et les conséquences du recul de la glace marine dans l’Arctique, de la fonte du glacier du Groenland et des changements dans le pergélisol et l’enneigement dans l’Arctique; le rapport final sera présenté à la réunion ministérielle en 2011, après le rapport d’étape présenté aux ministres le printemps prochain;

2) un projet sur les facteurs autres que le dioxyde de carbone contribuant aux changements climatiques : carbone noir, méthane et ozone troposphérique;

3) un projet sur l’adaptation aux changements climatiques, servant à cerner et à mettre en commun l’expertise en adaptation, les meilleures pratiques et les mesures possibles étant donné les besoins et les conditions dans l’Arctique.


            Le Conseil de l’Arctique poursuit également les projets suivants :

·        l’identification des meilleures pratiques de gestion de l’océan en fonction de l’écosystème de l’Arctique;

·        la publication prochaine du rapport général sur l’évaluation du pétrole et du gaz par le Groupe de travail sur le Programme de contrôle et d’évaluation de l’Arctique.  Le rapport montre clairement la vulnérabilité des écosystèmes arctiques et réclame une réglementation stricte des activités de forage et de l’équipement d’intervention en cas d’urgence.  Il réclame également une mise à jour des lignes directrices sur l’exploitation extracôtière du pétrole et du gaz dans l’Arctique, lesquelles ont été formulées en 1997 et révisées en 2002;

·        la création du groupe sur la durabilité des réseaux d’observation en Arctique (Sustaining Arctic Observing Networks ou SAON), composé de 13 partenaires internationaux.  L’objectif du projet est de mettre sur pied un réseau de contrôle en vue d’assurer la conservation et la gestion durable de l’Arctique, en fonction des connaissances;

·        une proposition de la Norvège afin d’exploiter au maximum l’héritage de l’Année polaire internationale (API) et d’effectuer l’application sociale des conclusions des recherches; de maintenir un réseau d’observation de l’Arctique; d’assurer aux scientifiques l’accès aux régions de l’Arctique (particulièrement la Russie); d’accroître la coopération scientifique et le financement circumarctique.  Puisque la proposition n’a pas été acceptée par tous les membres, le projet sera mis en œuvre seulement par les parties intéressées et le secrétariat de l’API;

·        l’Évaluation de la navigation maritime dans l’Arctique.

            M. Kvile signale l’attention accrue portée aux questions juridiques et à la question d’adopter éventuellement un nouvel instrument juridique pour l’Arctique.  Il souligne la Déclaration d’Ilulissat, qui laisse supposer que l’UNCLOS répond entièrement à ces besoins.  L’accroissement de l’intérêt que suscite l’Arctique donne lieu également à un plus grand nombre de demandes du statut d’observateur au Conseil de l’Arctique.  La Chine et l’Italie, en 2007, et la Corée du Sud, en mai 2008, ont présenté de telles demandes.  Selon les règles de procédure du Conseil, le statut d’observateur est ouvert à des États de l’extérieur de la région, à des organisations intergouvernementales et à des ONG qui, de l’avis du Conseil, peuvent contribuer à ses travaux.  Cependant, M. Kvile insiste sur le fait qu’il faudra appliquer d’autres critères tant pour examiner les demandes que pour définir le rôle que les observateurs devraient jouer au sein du Conseil.  Les hauts représentants de l’Arctique ont amorcé une discussion sur ces questions et espèrent présenter leurs recommandations à la prochaine réunion ministérielle.


2.    Mme Hill-Marta Solberg, présidente du Comité permanent des parlementaires de la région arctique

            Mme Hill-Marta Solberg présente un résumé des travaux du CPPRA depuis la dernière conférence, en 2006.  Voici certains des principaux projets réalisés :

·        un colloque sur l’adaptation aux changements climatiques et les frontières et l’accès à la mer, tenu conjointement avec l’Université de l’Arctique à Rovaniemi (Finlande) en février 2008;

·        le colloque « L’Arctique : baromètre du changement climatique mondial » aux Nations Unies, en juin 2008;

·        une rencontre avec le chef de la Section des traités à l’ONU afin de proposer que les traités onusiens se rapportant à l’Arctique soient pris en compte à la réunion annuelle sur les traités de l’Organisation.  À la suite à cette rencontre, le secrétaire général de l’ONU a accepté que les traités se rapportant à l’Année polaire internationale soient inscrits dans la liste des traités en vue de la réunion annuelle de 2008;

·        la participation à la Conférence parlementaire de la dimension septentrionale (de l’Union européenne) en février 2007.  L’objectif du CPPRA est de faire en sorte que la politique de l’UE sur la dimension septentrionale comprenne un solide volet arctique;

·        un colloque, en septembre 2006, avec le programme Grid-Arendal du PNUE sur les accords environnementaux multilatéraux et leur incidence pour l’Arctique.  Le colloque faisait directement suite à la Déclaration de Kiruna, avec l’intention d’avoir un aperçu des accords environnementaux concernant l’Arctique.

            Mme Solberg signale que le Parlement européen est en train de préparer le premier Forum parlementaire de la dimension septentrionale, qui devrait avoir lieu au printemps 2009.  Elle souligne que le CPPRA doit participer à la préparation de cette conférence et continuer d’y faire résonner clairement la voix de l’Arctique.  Mme Solberg mentionne également la politique de l’Arctique qu’élabore actuellement l’UE et insiste sur l’importance pour le CPPRA d’encourager l’UE à élaborer une politique énergique.

            Selon Mme Solberg, le Conseil de l’Arctique doit intensifier sa participation et son leadership politique.  À l’heure actuelle, les réunions ministérielles ont lieu tous les deux ans; Mme Solberg recommande, étant donné l’importance géopolitique croissante de l’Arctique, que les ministres se réunissent chaque année.  L’intensification du leadership politique doit se faire en parallèle avec les travaux visant à ce que les États observateurs soient mis à contribution plus efficacement au Conseil de l’Arctique.  De plus, les parlementaires devraient assister à ces rencontres afin de politiser davantage le rôle du Conseil de l’Arctique (le CPPRA est habituellement représenté à ces réunions par son secrétariat). Cette participation serait très utile pour établir un lien entre l’élaboration de politiques au Conseil de l’Arctique et les parlements nationaux.

            Mme Solberg recommande que le Conseil de l’Arctique lance un processus de création d’un protocole d’entente sur l’Arctique.  Cet instrument pourrait engager les nations de la région arctique et d’autres États intéressés à faire de l’Arctique une région pacifique et prospère; souligner l’importance du cadre juridique existant relativement à l’Arctique; aborder la question de la protection de l’environnement arctique.  Grâce à cet instrument, le Conseil de l’Arctique jetterait les fondements d’une coopération plus étroite entre les États de l’Arctique et les autres.

3.    Mme Margaret F. Hayes, directrice, Bureau des affaires maritimes, Département d’État des États-Unis : Éléments nouveaux de la politique américaine sur l’Arctique

            Margaret Hayes donne un aperçu de la politique américaine sur l’Arctique, établie lorsque les États-Unis ont acheté l’Alaska à la Russie en 1857.  À l’époque, l’accent était mis sur la politique étrangère.  Maintenant, la politique prévoit aussi la protection de l’environnement, le développement énergétique, la recherche scientifique et les questions de santé.  Depuis un an et demi, la Direction de l’exécutif américaine examine la politique sur l’Arctique; c’est la première fois qu’un examen interne est effectué depuis 1994.  La politique remaniée devrait être publiée prochainement.

            Mme Hayes ne peut pas parler du contenu de la politique remaniée, mais elle souligne qu’il y a eu de nombreux changements depuis 1994, surtout en ce qui concerne les changements climatiques.  La fonte de la glace marine ouvrira l’Arctique à la navigation, aux croisières touristiques et au développement énergétique.  Les États-Unis, face au développement accru de l’Arctique, souhaitent assurer la protection de l’environnement.  La politique remaniée visera la sécurité nationale; la gouvernance internationale; le plateau continental et les questions de frontières; la coopération scientifique internationale; la navigation, les questions économiques, dont l’énergie; la protection de l’environnement et la conservation des ressources naturelles.

            Mme Hayes fait remarquer que la politique de 1994 a précédé la création du Conseil de l’Arctique.  Les États-Unis prévoient de continuer d’appuyer fermement le Conseil.  Au cours des derniers mois, la situation a beaucoup avancé sur le plan diplomatique à l’extérieur du Conseil de l’Arctique, notamment avec la publication de la Déclaration d’Ilulissat.  Selon Mme Hayes, l’amélioration de la capacité internationale de promouvoir la sauvegarde de la vie humaine en mer dans l’Arctique constitue la première question à aborder en application directe de la Déclaration d’Ilulissat.

            Mme Hayes affirme que la politique américaine sur le climat est fondée en science en vue de permettre des décisions éclairées.  Citant à titre d’exemple une récente étude de la Commission géologique des États-Unis, laquelle indique que 22 p. 100 des réserves pétrolières et gazières non découvertes sont situées au nord du cercle polaire arctique[6], Mme Hayes fait observer qu’il faut plus de recherches scientifiques de ce genre avant de prendre des décisions sur l’utilisation future des ressources et sur l’environnement.  Elle souligne que les États-Unis recueillent des données sur l’étendue du plateau continental à 200 milles des côtes.  Elle fait également observer que les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans des programmes de recherche menés par plusieurs organismes au cours des dernières années, et que les agences américaines consacrent plus de 360 millions de dollars par année à la recherche dans la région arctique.  Elle souligne également que les États-Unis appuient sans réserve l’Année polaire internationale.

D.   ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

1.     M. Mead Treadwell, président, Commission américaine de recherches dans l’Arctique (U.S. Arctic Research Commission) : Comment l’Alaska s’adapte-t-il aux changements climatiques?  

            M. Treadwell décrit la Commission américaine des recherches dans l’Arctique, établie en 1984 : il s’agit d’un organisme composé de sept membres, à savoir des scientifiques et des leaders du monde des affaires et autochtones, qui conseille le président et le Congrès quant aux objectifs du programme américain de recherches dans l’Arctique.  Le programme est doté de crédits annuels d’environ 400 millions de dollars, qui sont répartis parmi au moins 15 organismes fédéraux.  Il assure la coopération avec plus d’une dizaine de pays.  Le programme est axé sur cinq grandes questions : changements dans l’environnement de l’océan Arctique et de la mer de Béring; santé humaine dans l’Arctique; infrastructures civiles; évaluation des ressources naturelles et sciences de la Terre; enfin, protection des langues, identités et cultures autochtones. 

            M. Treadwell fait remarquer que les Alaskiens souhaitent mieux connaître le problème du réchauffement planétaire, contribuer à le contrer et, parallèlement, s’y adapter et, dans la mesure du possible, en bénéficier. Il souligne qu’il est très important d’en savoir davantage sur les effets des interactions.  Au fur et à mesure que la glace recule, le sol absorbe davantage de chaleur du soleil.  La perte de cet « albédo » – la réflexion de la chaleur du soleil qui retourne dans l’espace – conjuguée à la libération de gaz à effet de serre contenus dans le pergélisol – pourrait faire en sorte que l’Arctique alourdisse le bilan calorifique de la Terre.  C’est pourquoi M. Treadwell exhorte les parlementaires des pays arctiques à appuyer et à surveiller l’engagement international envers le Réseau d’observation de l’Arctique (Arctic Observing Network).  Il insiste également sur le fait que les parlementaires devraient aider les chercheurs de l’Arctique à obtenir un meilleur accès à l’océan Arctique.  L’UNCLOS n’assure pas l’accès des scientifiques à cette région et la pratique actuelle de la Russie, consistant à refuser fréquemment l’accès aux navires de recherche dans les eaux arctiques, pourrait entraver le flux des connaissances en provenance de l’Arctique.

            M. Treadwell fait remarquer que l’on a proposé deux approches onéreuses de la lutte contre les changements climatiques – des taxes sur le carbone et des régimes de plafonds et d’échanges de crédits.  À son avis, il faut essayer ces approches, mais rien ne garantit qu’elles donneront de bons résultats; seule l’innovation offre de réelles solutions.  La Commission américaine des recherches dans l’Arctique prépare en ce moment son rapport sur les objectifs pour le prochain président et pour le Congrès; elle met l’accent sur les projets de recherche et de démonstration que l’on peut mettre en œuvre dans le Nord et qui atténueront la gravité des changements climatiques à l’échelle planétaire.  M. Treadwell précise que les travaux en cours sur l’adaptation aux changements climatiques en Alaska comprennent le dépistage des maladies zoonotiques et le génie civil visant la préservation des infrastructures.  Au moment où l’océan Arctique s’ouvre à la navigation commerciale, M. Treadwell insiste également sur l’importance qu’il y a à veiller à ce que les règles soient judicieuses et à ce qu’on fasse des investissements afin que cette navigation soit sûre et fiable.  Il se peut, aussi, que l’Alaska parvienne à profiter des régimes d’atténuation et d’adaptation.  Par exemple, l’Assemblée législative alaskienne a lancé une étude afin d’établir de quelle façon la gestion des forêts pourrait procurer des recettes à cet État par l’intermédiaire de régimes d’échange de carbone.

2.    M. Robert Mills, député fédéral, Canada : De nouvelles idées pour s’attaquer aux changements climatiques

            Robert Mills présente un aperçu de diverses sources de rechange potentielles d’énergie, dont le solaire, l’éolien, la gazéification des déchets, les centrales hydroélectriques au fil de l’eau, la géothermie, le nucléaire, la captation et le stockage du carbone, le charbon propre et l’hydrogène.  Il évoque également les avantages d’un réseau électrique intégré, faisant mention du succès de projets européens dans ce domaine.  Pourquoi, demande-t-il, ne constituerait-on pas un réseau électrique intégré regroupant l’Alaska, le Yukon, la Colombie-Britannique, l’Alberta, les États de Washington, d’Orégon et de Californie, réseau qui utiliserait de multiples sources d’énergie? M. Mills consacre la plus grande partie de sa communication à l’énergie solaire et à la gazéification des déchets.

            Il brosse un tableau des difficultés auxquelles il s’est heurté lorsqu’il a voulu mettre en œuvre son propre projet dans le domaine de l’énergie solaire et vendre sa production excédentaire d’électricité au réseau de l’Alberta, au Canada.  Il lui a fallu, pour cela, obtenir un permis, ce qui a nécessité beaucoup de paperasserie, et une autorisation de diverses instances gouvernementales avant de pouvoir installer les panneaux et vendre au réseau.  Le conférencier affirme qu’alors que les gouvernements disent souhaiter que des particuliers mènent à bien des projets de cette nature, la réalité, dans les faits, est que le régime réglementaire pose des obstacles.  M. Mills a exercé des pressions – qui ont abouti – pour que soient modifiées les règles applicables à la vente d’énergie au réseau dans son territoire d’activité.  Il souligne que les parlementaires devraient s’employer à faire en sorte que la réglementation n’ait pas valeur de désincitatif pour les particuliers désireux de mettre en place des technologies de rechange dans le domaine de l’énergie.

            M. Mills décrit la technologie sous-tendant la gazéification des déchets, laquelle se fonde sur le chauffage de déchets solides à haute température et leur transformation en gaz.  On les brûle ensuite dans une turbine à haute efficacité pour ainsi produire de l’électricité.  Les scories résultant de ce procédé peuvent servir à la fabrication de béton et d’asphalte. De l’avis de M. Mills, la gazéification ne produit pas de substances nocives et ce procédé est rentable.

            Le conférencier souligne à quel point il importe que les politiciens, les fonctionnaires et le public prennent le virage du changement pour combattre les changements climatiques et d’autres problèmes environnementaux.  Il exprime sa conviction que les parlementaires doivent faire preuve de leadership, structurer une vision, cesser de parler des problèmes et commencer à parler plutôt des solutions.

3.    M. Mikhaïl Nikolaev, vice-président du Conseil de la fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie : Problèmes des changements climatiques planétaires et défis pour l’Homme

            Mikhaîl Nikolaev affirme que, d’un jour à l’autre, les preuves de la réalité des changements climatiques s’accumulent.  En guise d’exemple, il renvoie à des données récentes sur la fonte des glaces de l’océan Arctique, lesquelles donnent à penser que cette fonte se fait à un rythme beaucoup plus rapide que ce qu’on avait prédit, et que 40 p. 100 de la couverture de glace des eaux arctiques en été aura disparu d’ici 2050.

            M. Nikolaev soutient que les changements climatiques sont l’enjeu décisif de notre époque et que, si on ne prend pas les mesures nécessaires, cela aura des conséquences dévastatrices dans quelques décennies.  Il fait remarquer que les changements climatiques et l’accroissement de l’activité économique dans le Nord perturbent la vie des populations autochtones.  À ses yeux, la coopération internationale, particulièrement par l’intermédiaire d’organismes comme le Conseil de l’Arctique et le Conseil euro-arctique de la mer de Barents, revêt de l’importance pour le règlement des problèmes qui se posent aux populations autochtones.

            M. Nikolaev souligne que si l’on veut être à même d’adopter des politiques éclairées sur les changements climatiques, il importe de renforcer la recherche scientifique dans l’Arctique.  Il propose que, puisque l’Année polaire internationale se termine, l’on déploie davantage d’efforts en matière de planification d’une conférence internationale, sous l’égide de l’ONU, sur la coopération mondiale dans l’Arctique.  À son avis, ajoute-t-il, les Nations Unies devraient élaborer des mesures en vue de l’adaptation des infrastructures aux changements climatiques.

            En conclusion, M. Nikolaev signale que la Fédération de Russie a mis en œuvre plusieurs programmes à l’échelle fédérale qui visent à soutenir le développement économique durable de régions de l’Arctique, le développement social des populations de l’Arctique, et à garantir la protection des écosystèmes arctiques.  Toutefois, il insiste sur le fait qu’à lui seul, un État ne peut résoudre le problème des changements climatiques et qu’un resserrement de la coopération internationale dans ce domaine est essentiel.

E.   LES RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES DE L’ARCTIQUE – MISE EN VALEUR DES RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES RURALES

1.    M. George Cannelos, directeur général, Commission Denali : La Commission Denali commente les expériences menées en Alaska  

            George Cannelos entame sa communication en décrivant « l’Alaska rural », qui abrite plus de 50 p. 100 de la population de l’État.  Il indique que les conditions de vie et les problèmes de santé (p. ex., les taux de mortalité infantile et l’incidence de la tuberculose) dans une grande partie de cette région se comparent aux réalités du monde en développement.  Les Alaskiens des zones rurales sont confrontés à des problèmes qui accompagnent le coût relativement élevé de l’énergie : un solde migratoire net défavorisant les collectivités rurales et, deuxièmement, les structures démographiques faussées dans de nombreuses collectivités rurales de petite taille, qui ne comptent que très peu d’hommes et pas de femmes dans la tranche des 20-29 ans.

            La Commission Denali[7] a été formée en 1998 pour s’attaquer à certains de ces problèmes dans une démarche stratégique.  La Commission est un organisme indépendant regroupant en collaboration les gouvernements fédéraux, des États, locaux et tribaux.  Composée de sept commissaires, elle a un petit nombre d’employés et des frais généraux relativement peu élevés (moins de 5 p. 100); elle pratique le partage des ressources (avec d’autres organisations) et elle est résolue à appliquer les principes de l’ouverture et de la transparence en ce qui concerne ses projets et ses données.  De plus, les décisions relatives au financement se prennent en Alaska.

            Pour ce qui est des questions énergétiques dans l’Alaska rural, la Commission a mis l’accent sur les enjeux suivants : remplacement des systèmes de carburant en vrac; rehaussement de la qualité des centrales énergétiques; économies d’énergie; énergies renouvelables; renforcement des capacités (p. ex., formation) et mise en place d’une économie durable.  M. Cannelos donne des exemples de travaux soutenus par la Commission Denali en Alaska dans chacun de ces champs d’intervention.  Il se dit convaincu que, pour être viable, chaque région a besoin d’un point d’ancrage dans le secteur privé.  Un projet doit satisfaire aux conditions suivantes afin d’obtenir un

financement de la part de la Commission Denali : i) être souhaité à l’échelle locale; ii) comporter un plan opérationnel viable; iii) être conforme aux politiques de la Commission; iv) avoir de multiples partenaires en matière de financement (de préférence); v) être situé dans un secteur ne présentant pas de risque pour l’environnement; vi) apporter une contribution au village et à la région.

            M. Cannelos insiste sur le fait que l’Alaska doit se doter d’une nouvelle vision dans le domaine de l’énergie.  La Commission Denali, affirme-t-il, doit soutenir la conception de bâtiments écologiques, s’employer vigoureusement à la mise au point de solutions nouvelles au moyen d’énergies renouvelables, mener à terme les projets relevant du programme Héritage énergétique, trouver des solutions régionales concernant la problématique de l’énergie en zone rurale, participer au dialogue sur la politique arctique et mettre  en commun les leçons apprises.

2.    M. Gudni A. Jóhannesson, directeur général, Orkustofnun, Office national de l’énergie de l’Islande : Énergie géothermique – Expérience de l’Islande et potentiel pour d’autres pays

            M. Gudni Jóhannesson axe sa communication sur la mise en commun des expériences de l’Islande dans le domaine de l’énergie géothermique.  Dans un premier temps, il fait remarquer que la géothermie ne représente qu’un faible pourcentage de la production mondiale d’électricité (0, 32 p. 100 en 2004).  Or, les sources connues d’énergie géothermique pourraient, théoriquement, remplacer 30 p. 100 de la consommation mondiale d’énergie primaire.  M. Jóhannesson indique toutefois que l’exemple islandais démontre que l’exploitation de champs géothermiques débouche souvent sur de nouvelles découvertes.  En 2007, la capacité installée totale pour la production d’électricité géothermique s’élevait à 9,7 GW.  Selon les projections, la production d’électricité pourrait atteindre 40 GWe d’ici 2020.

            Le conférencier décrit la complexité et le caractère multidisciplinaire (cartographie géologique, géochimie et géophysique) du processus de prospection en matière de géothermie.  Il donne ensuite un aperçu historique des expériences de son pays en ce qui a trait à l’énergie géothermique.  L’année 1900 a été marquée par la première tentative d’acheminer dans des canalisations, vers des maisons et des serres, les eaux de sources thermales; en 1928, le premier système de chauffage géothermique de quartiers était installé à Reykjavik.  En 1970, la géothermie assurait le chauffage de 40 p. 100 des maisons.  Aujourd’hui, ce taux atteint 90 p. 100, le reste provenant d’autres sources d’électricité.

            En Islande, la plus grande partie de l’énergie géothermique sert au chauffage des bâtiments (57,4 p. 100) et le reste est utilisé pour la production d’électricité (16 p. 100), l’aquaculture (10 p. 100), la fonte de la neige (5,4 p. 100), l’industrie (5 p. 100), les piscines (4 p, 100) et les serres (3 p. 100).  Selon M. Jóhannesson, comparativement aux combustibles fossiles, le recours à la géothermie permet d’épargner de 1,5 à 4,4 millions de tonnes de CO2 par année, selon le type de combustible fossile avec lequel on fait la comparaison.

            Les premières tentatives de production d’électricité d’origine géothermique en Islande ont débuté vers 1950 et, dans les années 1970, une centrale géothermique y a été construite.  Le pays compte maintenant six centrales géothermiques d’une capacité installée totale de 485 MWe[8], dont la production annuelle dépasse les 3600 GWh.  On s’attend à ce que les nouvelles centrales géothermiques qui sont prévues portent la capacité totale de production de courant à 1 GW.  Des technologies nouvelles ou affinées ont rehaussé la capacité de repérer avec davantage d’exactitude des sources d’énergie géothermique et de forer à des températures plus élevées (jusqu’à 500ºC). De plus, on est en train de mettre au point de nouvelles turbines afin d’extraire de l’énergie mécanique de l’eau et de la vapeur à des températures plus basses.

            M. Jóhannesson fait observer que l’Islande participe à divers programmes de formation et à des échanges d’informations liés à la géothermie. Des spécialistes islandais de ce domaine, des secteurs aussi bien public que privé, sont recrutés comme consultants dans le monde entier.

3.    M. James Hemsath, attaché supérieur de recherches, Institute of the North : Observations tirées du Sommet de l’énergie dans l’Arctique et résultats de l’Équipe d’intervention en énergie arctique (Arctic Energy Action Team) 

            Le dernier conférencier d’honneur de la conférence, James Hemsath, décrit d’abord l’Institute of the North (ION), qui a été créé pour aborder des questions importantes pour la population de l’Arctique, particulièrement en ce qui concerne la problématique de la « connectivité », c.‑à‑d. des télécommunications, de l’aviation et des transports maritimes.  Il y a trois ans, l’ION a lancé des discussions sur l’encouragement aux systèmes d’énergie et sur la mise en valeur de l’Arctique en qualité de « province énergétique ».  L’ION a présenté une proposition à l’API en faveur de la préparation d’un sommet « ayant pour but de réunir les populations de l’Arctique afin qu’elles discutent, mettent en commun leurs expériences et élaborent une approche équilibrée de l’exploitation d’une énergie extractive, renouvelable et rurale, dans chaque cas de manière durable, en soutenant la perspective de la création d’une richesse énergétique et de l’élimination de la pauvreté dans ce domaine ».   L’API et le Conseil de l’Arctique ont entériné le projet – le Sommet de l’énergie dans l’Arctique - en 2006.

            Le Sommet comporte trois grands volets :

1.    Un programme de sensibilisation éducative, qui est mis en œuvre par l’intermédiaire d’un site Web[9] sur l’énergie dans l’Arctique et d’un bulletin d’information électronique;

2.    Une conférence sur la technologie, tenue à Anchorage, en Alaska, en octobre 2007, à laquelle ont assisté plus de 300 personnes de 14 pays.  Ont marqué la conférence une série de plénières, des documents techniques et des séances en compagnie de groupes d’experts portant sur quatre secteurs : énergie « extractive », énergie renouvelable, problématique de l’énergie dans les zones rurales et dynamique du développement durable (l’environnement, l’éducation, la planification et les savoirs traditionnels);

3.    Une « Équipe d’intervention en énergie arctique » (Arctic Energy Action Team ou AEAT), qui constitue une activité de suivi de la conférence. L’AEAT accomplit une grande partie de son travail de manière virtuelle, par l’intermédiaire de « Google Groupes ».  L’AEAT a cerné les trois thèmes à aborder dans un premier temps en matière d’énergie – énergie extractive, énergie renouvelable et questions d’énergie dans les régions rurales – et un domaine à étudier dans chacun de ces thèmes – 1) l’exploitation du charbon de l’Arctique; 2) la mise en valeur potentielle de l’énergie marémotrice; 3) la réduction des coûts du transport dans les villages ruraux par la mise au point de carburants de rechange.  L’objectif recherché consiste à établir les besoins en technologie de chaque secteur et à élaborer une feuille de route technologique en vue du développement et de la démonstration de technologies habilitantes. Un rapport doit être présenté au Conseil de l’Arctique en 2009.

Respectueusement soumis,

 

 

L’honorable Yoine Goldstein, sénateur
Association parlementaire Canada-Europe





[1] La Conférence des parlementaires de la région arctique est un organisme parlementaire composé de délégations nommées par les parlements nationaux des États de l’Arctique (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède et États-Unis) et le Parlement européen. La Conférence comprend aussi des participants permanents représentant les peuples autochtones, ainsi que des observateurs. La Conférence se réunit tous les deux ans.

[2] Le Comité permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA) est l’organe représentatif de la Conférence des parlementaires de la région arctique pendant le reste de l’année. Entre les assemblées, le CPPRA œuvre pour assurer la coopération parlementaire et réaliser le programme du Conseil de l’Arctique. Il assiste à titre d’observateur aux travaux du Conseil de l’Arctique, organe intergouvernemental de haut niveau.

 

 

[4] L’Organisation maritime internationale est l’agence des Nations Unies qui se charge de renforcer la sécurité en mer et de prévenir la pollution du milieu marin par les navires.

[5] Organisation maritime internationale, Guidelines for Ships Operating in Arctic Ice-Covered Waters (lignes directrices pour les navires naviguant dans les eaux prises par les glaces de l’Arctique), http://www.imo.org/includes/blastDataOnly.asp/data_id%3D6629/1056-MEPC-Circ399.pdf.

[6] U.S. Geological Survey, Circum-Arctic Resource Appraisal: Estimates of Undiscovered Oil and Gas North of the Arctic Circle, 2008, http://pubs.usgs.gov/fs/2008/3049/fs2008-3049.pdf.

[7] Constituée par le Congrès en1998, la Commission Denali est un partenariat entre le gouvernement fédéral et l’État visant à doter l’ensemble de l’Arctique de services d’utilité publique et d’infrastructures d’une importance cruciale et à prodiguer un soutien économique à toute la région.

[8] MWe = Production d’une centrale en mégawatts d’électricité.

 

[9] Le Sommet de l’énergie dans l’Arctique, https://www.confmanager.com/main.cfm?cid=680.

 

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