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Rapport

 

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la visite de la Commission des sciences et des technologies et sous-commission sur la coopération et la convergence économiques Est-Ouest, qui s’est tenue en Lituanie, du 5 au 6 novembre 2008. La visite était dirigée par le président de la Commission, M. Michael Mates (Royaume-Uni). La délégation canadienne était composée de sénateur Pierre Claude Nolin.

 SYNOPSIS

La sécurité énergétique, la récession économique et les relations avec la Russie ont été les principaux thèmes de la visite effectuée les 5 et 6 novembre en Lituanie par une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Sous la direction de M. Michael Mates (Royaume-Uni), Président de la Commission des sciences et des technologies (STC), 18 membres de la STC et de la Sous-commission sur la coopération et la convergence économiques Est-Ouest ont rencontré des hauts responsables du gouvernement lituanien, des experts indépendants, des universitaires ainsi qu’un grand nombre d’ambassadeurs des pays membres de l’OTAN. La délégation s’est également rendue sur le site de la centrale nucléaire d’Ignalina.

Plusieurs orateurs ont souligné que la Lituanie était probablement le pays européen le plus vulnérable en matière de sécurité énergétique. Ses secteurs du gaz naturel et de l’électricité sont pratiquement exclusivement liés à des réseaux russes et Moscou a déjà affiché une tendance très nette à utiliser l’énergie comme instrument de politique étrangère. On s’attend à une aggravation de la situation en 2010, lorsque la Lituanie devra fermer la centrale nucléaire d’Ignalina, conformément à son traité d’adhésion à l’Union européenne (UE). Cette situation ne fera qu’accroître la dépendance de la Lituanie vis-à-vis de l’énergie russe, à moins que d’autres mesures ne soient prises.

Bien que les perspectives économiques de la Lituanie s’annoncent, d’une certaine manière, légèrement plus favorables que dans les deux autres pays Baltes, les premiers signes de la récession mondiale se sont déjà manifestés. La résilience de l’économie des pays Baltes dépend en grande partie des performances des banques scandinaves qui jouent un rôle essentiel dans les systèmes financiers de cette région.

De nombreux interlocuteurs lituaniens ont souligné que la politique de la Russie à l’égard de ses voisins était source d’inquiétude. La Lituanie a été l’un des plus fervents défenseurs de la Géorgie avant et après la crise survenue en août en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Par ce biais, la Lituanie soutient fortement les projets visant à intégrer l’Ukraine et la Géorgie au sein de l’OTAN qui seront débattus en décembre lors de la prochaine réunion des ministres de l’OTAN.

Indépendamment du changement de gouvernement qu’elle connaîtra prochainement, la Lituanie maintiendra à coup sûr sa politique étrangère et de défense pro-atlantique. Les responsables lituaniens sont largement favorables à un renforcement de la présence de l’OTAN dans leur région.

REUNION AVEC LES AMBASSADEURS DE L’OTAN

La visite de la délégation de l’AP-OTAN à Vilnius a débuté par une table ronde avec les ambassadeurs de l’OTAN. Les discussions ont d’abord porté sur les conséquences des élections du Président et du Congrès des États-Unis, dont les résultats ont été annoncés ce matin-là. Même si l’Administration Obama apportera des changements, la politique américaine à l’égard de l’Europe se distinguera dans une plus large mesure par la continuité. Le Président Obama accorde une grande importance à l’Alliance et a évoqué des défis communs à long terme. Malgré les inquiétudes à propos de l’Irak, il est très peu probable que le nouveau gouvernement conduise une politique d’abandon mais il œuvrera vers un transfert rapide et sans heurt du pouvoir. Le nouveau gouvernement devra également accorder une plus grande attention à l’Afghanistan.

Un certain nombre d’ambassadeurs a souligné que la sécurité énergétique constituait un enjeu clé en Lituanie et que la dépendance du pays vis-à-vis de l’énergie russe était très préoccupante. La fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina ne fera qu’aggraver le problème. La Lettonie et l’Estonie sont confrontées à des problèmes similaires et les solutions à ce dilemme doivent dépasser le cadre des frontières. L’un des principaux défis consiste à créer des réseaux énergétiques.

L’occupation de la Géorgie par la Russie constitue également une source de préoccupation majeure à Vilnius et le gouvernement lituanien défend ardemment la mise en œuvre de la Déclaration du Sommet de Bucarest qui vise à intégrer l’Ukraine et la Géorgie dans le Plan d’action pour l’adhésion (MAP). Cependant, ce projet est perçu différemment dans les diverses capitales alliées. En clair, contrairement à ce que beaucoup souhaitaient, la position de la Russie n’a pas évolué, en dépit des efforts importants consentis par l’OTAN pour parvenir à cette fin. La Russie éprouve toujours une certaine méfiance vis-à-vis de l’Alliance. Il est difficile de comprendre pourquoi la Russie s’est retirée du Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) et pour quelles raisons ses dirigeants semblent si peu enclins à voir des nations stables et prospères à ses frontières. Cependant, malgré ces tensions, l’Ouest doit relever aux côtés de la Russie bon nombre de défis communs, y compris celui posé par l’Iran.

Plusieurs ambassadeurs se sont focalisés sur les actions menées par la Russie au cours de l’escalade jusqu’au conflit. La Russie a réfuté toute implication dans les explosions survenues le long d’un gazoduc essentiel, qui ont privé de gaz la Géorgie. En revanche, les Russes ont distribué des passeports aux habitants d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, ce qui constitue clairement un acte de provocation. Le Président Saakashvili a limogé le chef de l’Armée géorgienne pour sa mauvaise gestion de l’effort militaire géorgien au cours du conflit. Le peuple géorgien semble se rendre compte que des erreurs tragiques ont été commises dont l’une, et pas la moindre, est l’apparente mauvaise appréciation de la puissance et de la détermination des forces russes. Un ambassadeur a laissé entendre que Saakashvili pourrait avoir été grisé par la facilité avec laquelle L’Ajarie a été ramenée sous le contrôle du gouvernement central et aurait mal évalué le moment d’intervention et l’équilibre des forces dans la région. Il devrait accorder une attention plus grande aux intérêts des Russes en raison de l’équilibre des forces. La communauté occidentale doit maintenant aider la Géorgie à se remettre sur pied. En effet, une Géorgie prospère constitue un atout de taille pour favoriser la réconciliation dans la région et, au final, la réintégration. Les solutions militaires sont vouées à l’échec.

Des commentaires ont souligné le travail admirable du Président français Sarkozy dans l’obtention d’un cessez-le-feu en Géorgie. La Présidence française a été extrêmement sensible à la situation en Géorgie et a immédiatement cherché à stabiliser le conflit, puis à le gérer. Comme ses voisins baltes, la Lituanie observe avec attention le cours des événements en Géorgie et a affiché son soutien fort en faveur de la Géorgie. Le Président Saakashvili s’est rendu à Vilnius pour remercier les Lituaniens de leur soutien. La Lituanie reste très vigilante à propos de l’application des accords conclue en août et en septembre.

Jusqu’à présent, Vilnius a été relativement préservé des effets de la crise financière. La plupart des banques du pays appartiennent à des pays scandinaves ; elles sont gérées d’une manière conservatrice et sont prospères. Toutefois, la Lituanie ne sera pas épargnée si cette crise financière devait se transformer en une récession mondiale. Le pays connaît une croissance élevée et la population a tendance à tenir cette croissance pour acquise. Ainsi, les récentes prévisions qui ont annoncé une baisse de la croissance à 2% cette année, et les rumeurs de récession de l’économie ont jeté un certain trouble. Les Lituaniens se rapprochent de plus en plus des économies de l’UE et ces liens auront des conséquences négatives en cas de ralentissement économique. Le marché immobilier, en particulier à Vilnius, connaît un repli et le chômage est à la hausse. Certains ont tendance à considérer que la situation est très similaire dans les trois pays Baltes mais, en réalité, la situation économique varie fortement d’un pays à l’autre. L’Estonie et la Lettonie sont déjà entrées en récession tandis que la Lituanie est parvenue, jusqu’à présent, à maintenir un taux de croissance positif. Cependant, la Lituanie aura du mal à maintenir ce résultat si l’économie mondiale bascule dans une récession de grande ampleur.

Les nombreux Lituaniens qui travaillent à l’étranger sont particulièrement menacés par la perte de leur emploi dans le contexte actuel. Un tel cas de figure, s’il venait à se produire, aurait pour conséquences une diminution des revenus en provenance de l’étranger et probablement une augmentation sensible du taux de chômage national.

L’UE reconnaît que la Lituanie est isolée et vulnérable sur le plan énergétique. L’UE a réalisé un certain nombre d’études visant à améliorer l’intégration de la Lituanie dans les réseaux énergétiques européens. Or, les pays Baltes ont peu progressé en la matière et la situation devient de plus en plus délicate avec la fermeture de la centrale nucléaire Ignalina programmée l’année prochaine. L’UE souhaite œuvrer avec l’ensemble de la région pour éviter qu’elle ne devienne isolée et vulnérable. Le problème est que certains membres plus anciens de l’UE voient la situation sous un autre angle. Pour l’Europe, l’énergie est un défi technique et environnemental alors que pour beaucoup de nouvelles démocraties, elle représente un défi stratégique et politique. Les deux parties parlent d’une même voix mais ont souvent des points de vue divergents à propos du thème de l’énergie.

REUNION AU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES

La délégation a ensuite rencontré de hauts diplomates au ministère lituanien des Affaires Étrangères. Les participants ont souligné que la politique étrangère de la Lituanie reposait sur trois piliers : la politique étrangère, la représentation des intérêts commerciaux à l’étranger et la protection des intérêts des citoyens. La Lituanie est désormais membre de l’UE et de l’OTAN depuis quatre ans et ces adhésions jouent un rôle fondamental pour la défense des intérêts nationaux et des valeurs occidentales. La Lituanie estime qu’elle fait partie de l’Europe depuis toujours et que ce rattachement à l’Europe est désormais institutionnalisé sur les plans politique et économique. En matière de politique étrangère, la Lituanie recherche un équilibre entre ses valeurs et ses intérêts. Cet équilibre est dangereux.

La Lituanie a également des intérêts régionaux et se voit peu à peu devenir le centre de gravité de la région de la Baltique. Les pays avec lesquels la Lituanie entretient les liens les plus étroits sont la Lettonie, l’Estonie, les pays d’Europe du Nord et la Pologne. Les efforts de coopération menés par ces pays sont donc cruciaux pour la politique étrangère de la Lituanie. Pour cette dernière, ces pays sont des partenaires proches, avec des intérêts similaires.

À l’Est, les pays frontaliers ont une importance vitale pour Lituanie, qui manifeste un vif intérêt à développer des partenariats vers l’Est. La Lituanie est un pays frontalier qui recherche la sécurité et la stabilité dans cette zone. Elle espère faire progresser une vision européenne dans la région tout en facilitant la circulation des personnes et en encourageant un plus grand libéralisme dans les relations commerciales dans cette région. La frontière avec le Bélarus est distante de Vilnius de 35 km seulement. Les responsables lituaniens estiment que le Bélarus a envoyé des signaux positifs au cours de ces derniers mois et que l’Ouest se devait de répondre en conséquence. La Lituanie souhaite que l’Ouest abroge un ensemble de sanctions restantes. La Lituanie et le Bélarus entretiennent des relations pacifiques et aucun problème de frontière n’existe entre ces deux pays. Ils ont signé un accord de coopération transfrontalière et la Lituanie souhaiterait que les habitants qui résident dans un rayon de 50 km de la frontière puissent circuler entre les deux pays. La coopération énergétique entre les deux pays est et restera un élément fondamental dans leurs relations. La Lituanie souhaite importer de l’électricité d’Ukraine via le Bélarus. Après la construction d’une nouvelle centrale nucléaire destinée à remplacer la centrale nucléaire d’Ignalina, la Lituanie souhaiterait produire de l’électricité qu’elle exporterait ensuite vers le Bélarus. Par ailleurs, conformément à l’accord conclu par l’UE avec la Russie, la Lituanie soutient un assouplissement des procédures en matière de visas. Le gouvernement souhaiterait mener un dialogue constructif avec le Président Loukachenko afin de jeter les bases qui permettront de promouvoir la démocratie et l’indépendance du Bélarus.

La Lituanie considère également l’Ukraine comme un partenaire stratégique important et soutient fortement l’adhésion de ce pays à l’UE. Certes, la Lituanie admet que les Ukrainiens doivent eux-mêmes s’attaquer aux principaux problèmes politiques nationaux mais elle estime dans une large mesure que l’Ukraine fait partie de la communauté des nations occidentales.

La Lituanie est un ardent défenseur de la Géorgie et de l’intégration des Géorgiens dans l’Europe occidentale. Elle estime que la Russie a porté atteinte à la souveraineté de la Géorgie et elle n’est par conséquent pas disposée à rétablir complètement des relations avec la Russie. Par conséquent, la Lituanie ne souhaite pas pour le moment reprendre les réunions du Conseil OTAN Russie mais n’est pas non plus prête à geler les relations avec la Russie. Le gouvernement lituanien estime que la Russie doit remplir ses engagements pris dans le « Plan à six points » qui n’a pas encore été intégralement mis en œuvre. La Lituanie souhaite que l’Alliance adopte une attitude cohérente et ferme à l’égard de la Russie. L’Ukraine et la Géorgie devraient se voir offrir de véritables perspectives d’adhésion à l’OTAN. Un échec sur ce point ne ferait que justifier l’attitude de la Russie. Certes, la population ukrainienne reste divisée à propos de l’OTAN et cet aspect doit être pris en compte. En revanche, la Géorgie n’est pas divisée sur cette question et les principales forces politiques du pays considèrent le Plan d’action pour l’adhésion (MAP) comme une nécessité vitale.

De toute évidence, le peuple russe a cautionné ce conflit. Le Kremlin a estimé qu’un petit conflit était nécessaire pour raffermir sa propre autorité nationale. Tout comme la chute des prix de l’énergie, ce conflit a également exacerbé la crise financière naissante en Russie. 

Cependant, les responsables lituaniens qualifient de raisonnablement bonnes leurs relations bilatérales avec la Russie. De très nombreux accords ont été conclus, y compris des traités frontaliers et des accords économiques. La Russie constitue un partenaire commercial de premier plan et un important fournisseur d’énergie. Les deux pays ont mutuellement accepté des accords de transit pour Kaliningrad et aucun problème majeur n’est à signaler dans bon nombre de ces domaines. Les responsables lituaniens s’efforcent d’admettre qu’ils ne souhaitent pas isoler la Russie. En revanche, ils souhaitent décourager les tentations impérialistes de la Russie et cette approche dépend en partie de l’image que la Russie se fait d’elle même. L’attitude des pays occidentaux doit être ferme sans jamais céder à la provocation et les intérêts russes doivent être respectés. Aucune mesure russophobe ne figure à l’ordre du jour ; l’approche choisie est fondée sur une profonde compréhension de la Russie.

La sécurité énergétique demeure un problème capital de politique étrangère. Le Ministère des Affaires Étrangères a, en fait, créé un département dédié à la sécurité économique. La Lituanie est peut-être le pays européen le plus vulnérable en matière de sécurité énergétique. Des efforts à l’échelon national et international sont nécessaires pour remédier à ce problème. La fermeture prochaine de la centrale nucléaire d’Ignalina ne fera qu’aggraver la situation de la Lituanie en matière d’énergie. Des solutions nationales et européennes sont requises et le gouvernement se penche sur ce problème avec l’UE. De son côté, l’UE a constitué un groupe de haut niveau à propos d’un programme d’interconnexion balte. La diversification de l’approvisionnement en énergie, la diversification des itinéraires et la création de nouvelles interconnexions sont autant de mesures nécessaires, tout comme la constitution d’un marché énergétique européen réellement intégré. La Lituanie souhaiterait également que la sécurité énergétique figure à l’ordre du jour de l’OTAN. L’OTAN devrait apporter une contribution active, par exemple en garantissant la sécurité physique des oléoducs, et devrait se pencher sur les dimensions politiques sous-jacentes de la sécurité énergétique. La Lituanie a également proposé la création sur son territoire d’un Centre d’Excellence sur la Sécurité énergétique.

La Russie est elle-même très dépendante des ventes de pétrole et de gaz et ne peut pas se permettre d’endosser le statut de fournisseur peu fiable. En effet, la Russie paie le prix de son incohérence et de ses pratiques douteuses. Les responsables lituaniens estiment que leur pays est une île sur le plan énergétique. Le « mix » énergétique de la Lituanie est composé d’un tiers de nucléaire, d’un tiers de pétrole et d’un tiers de gaz, avec une part d’énergie renouvelable dans cet ensemble. Cependant, d’ici la fin de l’année, le mix énergétique de la Lituanie sera composé de 45 % de gaz et de 45 % de pétrole, deux ressources importées de Russie. Le gaz est importé via un unique gazoduc et ceci souligne la vulnérabilité réelle du pays. Avec ce gaz, la Lituanie produit à la fois de l’électricité et du chauffage. Le précédent de l’oléoduc de Druzhba pourrait être instructif. Dans cet exemple, la Russie a fermé l’oléoduc pour des raisons « techniques » alors qu’en réalité, son geste exprimait sa déception suite à la privatisation d’une raffinerie, opération au cours de laquelle une entreprise russe a perdu un marché au profit d’une entreprise polonaise. L’oléoduc de Druzhba est maintenant fermé depuis deux ans, bien que la Lituanie ait proposé une assistance technique pour sa remise en service. La Russie transporte désormais le pétrole par bateau via la mer Baltique. Cette option représente également un coût pour la Russie et laisse à penser que des intérêts politiques étroits priment sur les intérêts économiques en Russie. Une situation de vulnérabilité semblable s’applique pour le gaz. La Lituanie souhaite que l’OTAN procède à une analyse de la menace posée par cette situation.

Les responsables lituaniens ont également accueilli avec un certain scepticisme la révision du concept stratégique actuel. Ils estiment que celui-ci est équilibré et efficace. Cependant, l’émergence de nouvelles idées n’a pas pour vocation de rompre un consensus. Une telle situation, si elle venait à se produire, soulignerait le fait que le concept englobe une dimension sur la cyber sécurité et sur la sécurité énergétique. La défense commune doit rester la fonction centrale de l’OTAN ; ceci est d’autant plus vrai au lendemain d’un conflit en Géorgie. Des actions qui sortent de ce cadre sont également importantes, mais elles ne doivent pas entraver le principe de défense commune. La Lituanie souhaiterait que l’Alliance reconsidère le document sur la menace stratégique notamment parce que les pays Baltes sont plus vulnérables que jamais. Ces derniers estiment que le document doit faire l’objet d’une profonde réévaluation des relations avec la Russie. La Lituanie approuverait également la mise en place d’un plan d’opération d’urgence pour les pays Baltes.

Actuellement, les patrouilles aériennes constituent la seule présence permanente de l’OTAN dans les pays Baltes. La Lituanie souhaite une présence plus importante de l’OTAN dans le pays. Cette présence accrue doit inclure plus d’exercices et plus d’infrastructures physiques. Les responsables lituaniens souhaitent que l’OTAN s’engage à poursuivre sa politique de surveillance aérienne afin d’éviter la formation d’une Alliance à deux vitesses. Depuis longtemps, les Alliés de la Lituanie l’encouragent à se préparer à des opérations hors zone au lieu d’investir dans la défense traditionnelle. Désormais, la défense du territoire devient une priorité fondamentale.

Une autre source d’inquiétude découle de la décision, prise par les Russes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, d’enterrer des armes chimiques dans les fonds marins. La Lituanie a récemment organisé un séminaire international sur les armes chimiques déversées en mer qui a réuni des représentants de 27 pays ainsi que des officiels des Nations-Unies et de l’UE. Les parties concernées espèrent que ce séminaire permettra d’intensifier la coopération internationale afin de faire face à ce problème sérieux et qu’il aboutira à un soutien international en vue d’une dépollution.

REUNION AVEC LE MINISTRE DE LA DEFENSE

La délégation a également rencontré le ministre de la Défense lituanien, M. Juozas Olekas. Ce dernier a souligné plusieurs priorités clés pour l’OTAN selon la Lituanie :

* L’OTAN doit poursuivre sa mutation. L’Alliance doit rendre sa politique de défense plus crédible encore, tout en développant des moyens expéditionnaires ;

* L’Afghanistan reste également une priorité. La Lituanie a envoyé une Équipe de reconstruction régionale (Provincial Reconstruction Teams (PRT)) sur le théâtre des opérations et a également déployé des forces spéciales dans le sud du pays. La Lituanie a également mobilisé des forces au Kosovo et en Irak. En 2010, elle participera aux groupes de bataille de l’UE et aux forces de réaction de l’OTAN ;

* L’OTAN doit rester actif dans zone Euro-Atlantique ;

* Les approches de planification et de gestion des crises doivent être adaptées mais la défense commune doit rester le rôle central de l’OTAN. En Lituanie, l’OTAN doit jouer un rôle plus actif afin de montrer à la population lituanienne que l’Alliance œuvre concrètement à accroître la sécurité dans la région ;

* Enfin, l’OTAN doit être structurée afin de faire face aux défis posés par la cyber sécurité et par la sécurité énergétique. En effet, l’OTAN devra accroître ses propres capacités afin d’affronter des défis non traditionnels.

Au cours de l’entretien, le ministre a indiqué que la Lituanie souhaitait que la Communauté internationale, y compris l’UE et l’OTAN, parle d’une même voix pour dissuader la Russie de recourir à la force à l’encontre de ses voisins. Le ministre de la Défense a également indiqué que la Lituanie s’apprêtait à passer à une armée professionnelle et a mis fin à la conscription depuis septembre. La Lituanie déploie des troupes en Afghanistan avec des rotations de service tous les six mois afin de former le plus grand nombre de soldats possible. Du point de vue de la sécurité, la Lituanie appuie fortement la notion d’une politique énergétique européenne beaucoup plus marquée et approuverait les efforts visant à intégrer l’Amérique du Nord dans le dialogue sur la sécurité énergétique. M. Olekas estime qu’un échec de l’intégration de l’Ukraine et de la Géorgie dans le MAP en décembre 2008 serait un mauvais signe.

REUNION AU PARLEMENT SUR LES EXIGENCES POLITIQUES, CULTURELLES, ECONOMIQUES ET ENERGETIQUES DE LA LITUANIE

Deux universitaires, Kestutis Girnius et Virgis Valentinavicius, ont présenté les aspects politiques contemporains de la Lituanie ainsi que la position du pays sur l’échiquier international.

La Lituanie observe avec une certaine crainte son voisin russe. Cette attitude est parfaitement compréhensible compte tenu du fait que la Russie a brutalement occupé le pays de 1944 à 1990. Il subsiste un vif sentiment de vulnérabilité, que la Russie attise par exemple en annonçant qu’elle est en droit de défendre les Russes vivant à l’étranger. Certes, le problème est moins prononcé en Lituanie que dans les autres pays Baltes où la population d’origine russe est beaucoup plus nombreuse, mais ceci reste néanmoins un dilemme. L’attitude russe en Ossétie du Sud et en Abkhazie a également renforcé ce sentiment de vulnérabilité tout comme la prédisposition évidente des Russes à utiliser ses réserves de gaz comme un atout non seulement économique mais également politique. Selon la doctrine édictée par Medvedev, la Russie est en droit de jouer un rôle privilégié dans les anciennes républiques soviétiques, une notion qui est fermement rejetée par les pays Baltes. La presse russe publie désormais des articles particulièrement agressifs, ce qui a également contribué à empoisonner les relations.

En Lituanie, les experts en politique étrangère se demandent si le conflit géorgien n’était qu’un événement de circonstance ou bien la pointe de l’iceberg. La Russie croit-elle vraiment qu’elle a un rôle militaire à jouer dans ce qu’elle appelle l’étranger proche ? Il est peut-être encore trop tôt pour répondre à cette question. De son côté, la Lituanie a quelque peu modéré ses critiques. Jusqu’en 2004, les relations avec la Russie étaient plutôt au beau fixe. Après tout, les forces russes ont quitté la Lituanie un an avant de quitter l’Allemagne. La Lituanie a accordé la citoyenneté à tous ses habitants russes, empêchant ainsi la Russie d’invoquer la discrimination comme elle l’a fait en Lettonie et en Estonie. Par ailleurs, la Lituanie a également signé avec la Russie un traité de ratification des frontières. Il a fallu plus de six ans à la Duma pour ratifier ce traité.

Le conflit avec l’Ossétie du Sud a durci les relations. La société lituanienne a de toute évidence éprouvé un sentiment général de solidarité à l’égard de la Géorgie et, durant le conflit, beaucoup de voitures ont paradé avec des drapeaux géorgiens.

D’une manière générale, la Lituanie est confrontée à quelques dilemmes. Doit-elle jouer un rôle clé et exercer un blocage diplomatique ou doit-elle exprimer ses craintes à propos de la Russie, au risque de passer pour le petit garçon qui crie au loup ? Certaines personnes des milieux des affaires craignent que les responsables lituaniens ne soient trop fermes à l’égard des Russes et que leur attitude ne gêne non seulement la Russie mais également certains Alliés de la Lituanie.

On observe en Lituanie une prédisposition à regarder vers l’Est en n’accordant pas suffisamment d’attention aux évolutions qui se produisent à l’Ouest. Cette attitude paradoxale peut entraîner des conséquences potentiellement dommageables. Les pays Baltes éprouvent tout d’un coup le besoin de savoir si l’OTAN dispose réellement d’un plan de défense crédible pour la région. La Lituanie se doit de soulever cette question dès à présent.

En Lituanie, on a l’impression que la Russie est positionnée pour tirer les ficelles dans le pays. Nombreuses sont les raisons qui expliquent ce sentiment. La dépendance énergétique est sans doute la raison principale mais la Lituanie connaît également une dépendance des transports et est exposée à d’autres vulnérabilités du marché. La Lituanie ne gagne pas d’argent sur les marchés de l’Est, mais ceci est également un inconvénient. En effet, quel que soit le lieu où la Russie fait des affaires, l’« argent douteux » apparaît et ceci peut brouiller la transparence économique. Bon nombre de responsables politiques lituaniens étaient autrefois eux-mêmes des intermédiaires russes spécialisés dans le négoce du gaz russe ou étaient liés à ceux-ci. Cela laisse supposer que l’argent russe issu du commerce du gaz joue peut-être un rôle au sein des sphères politiques de la Lituanie. Ceci fait naître le doute que les partis politiques lituaniens peuvent, dans une large mesure, être achetés par des sociétés russes comme Gazprom. Des preuves confirment que le gaz et l’argent russes financent directement les partis lituaniens.

La faiblesse des institutions pose une autre série de problèmes. Le système des partis est financé par de mystérieuses caisses noires et une grande partie des fonds utilisés pour financer l’activité politique n’est pas ouvertement déclarée. Ceci a pour conséquence une réduction de la transparence politique. De plus, le système est rendu vulnérable aux manipulations et à la corruption flagrante.

La faiblesse des institutions gagne également les services secrets. Les responsables lituaniens ne sont pas certains d’exercer un véritable contrôle sur leurs propres services de sécurité. Ici aussi, les inquiétudes à propos de l’influence de l’argent du gaz sont réelles. Malheureusement, le système politique lituanien n’est pas suffisamment fort pour résoudre ces problèmes.

La Lituanie est également fortement influencée par la culture russe et un nombre plus élevé de Lituaniens choisit de regarder la télévision russe plutôt que CNN ou les autres chaînes occidentales. Vingt pour cent des Lituaniens parlent anglais mais 80% parlent le russe (ces chiffres varient nettement pour la nouvelle génération). Dans le pays, beaucoup de gens ont le sentiment que la Lituanie a une meilleure compréhension de l’Est que de l’Ouest, mais ce constat ne tient pas compte du fait que la culture lituanienne est intrinsèquement plus occidentale en termes d’orientation et de valeurs. Cette obsession à se tourner vers l’Est a une composante diplomatique et signifie que la Lituanie tend à couvrir d’attentions l’Est plutôt que l’Ouest. Cette tendance a également pour effet de sous-estimer le caractère occidental du pays et le fait que ses problèmes doivent être résolus dans un cadre occidental plutôt qu’oriental. On dit qu’il faut six mois pour construire une démocratie, six mois pour construire une économie de marché et 60  ans pour construire une société civile. Dans ce cas, la jeunesse lituanienne sera à l’origine de nombreux changements au cours des années à venir. La capacité des pays Baltes à traiter avec la Russie d’une manière plus détachée et plus calme constituera un signe de maturité démocratique.

De son côté, la Russie a réitéré la rhétorique et a même menacé de pointer des armes nucléaires vers la Pologne et la République Tchèque en réponse à leur rôle dans le système de défense antimissile américain proposé. Les Russes ne sont pas encore passés à l’acte et il est important de ne pas négliger certains éléments de cette rhétorique.

PROBLEMES ENERGETIQUES ET ECONOMIQUES

Toutes les économies des pays Baltes sont petites et ouvertes et chacune continue d’utiliser sa propre monnaie nationale. La Lituanie s’est d’abord alignée sur le dollar, puis sur l’euro. L’Estonie, qui possède un conseil de la devise, s’est d’abord alignée sur le mark allemand, puis sur l’euro. Tous les pays Baltes ont bénéficié de notations financières relativement favorables. La Lettonie et l’Estonie sont officiellement entrées en récession, ce qui n’est pas encore le cas pour la Lituanie.

Depuis 2000, les trois pays Baltes ont connu un boom économique qui a permis de réduire l’écart avec l’Europe occidentale. En Lituanie, le revenu par habitant correspond à 63 % de la moyenne de l’UE tandis que celui de l’Estonie est à 70 % et celui de la Lettonie à 60 %. L’UE a joué un rôle crucial dans cette croissance, à la fois en soutenant les réformes et en fournissant à ces petites économies un accès vital au marché.

La réforme fiscale sera une priorité clé du prochain gouvernement lituanien, qui a promis de mettre en œuvre un impôt à taux unique. D’autres changements d’ordre fiscal sont envisagés. Cependant, le déroulement de la réforme sera conditionné par la récession actuelle. La marge de manœuvre pour une innovation monétaire est très faible, étant donné que la Lituanie pratique un taux de change fixe et ne dispose pas d’une politique monétaire active et indépendante. Comme ses partenaires baltes, la Lituanie envisage le passage à l’euro mais ce dernier ne devrait probablement pas intervenir avant 2013. L’inflation demeure un problème et la Lituanie ne remplit toujours pas les critères d’inflation exigés pour l’adhésion. L’écart continue de se creuser. La Lituanie affiche un taux d’inflation de 11 % alors que les critères de Maastricht exigent un taux de 3,8 %, soit une différence de quelque 800 points de base. Les pressions inflationnistes resteront fortes dans les trois pays. Les prix de l’électricité pourraient doubler après la fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina et cette hausse aura un impact sur l’indice des prix à la consommation (IPC). C’est pour cette raison que le gouvernement prévoit une inflation à deux chiffres en 2010.

En plein essor, le marché intérieur russe attire les exportations en provenance des pays Baltes. Cependant, cette source de revenu est désormais menacée car les prix du pétrole chutent et l’économie russe connaît un ralentissement considérable. La Russie est donc un investisseur important dans la région. Les investisseurs russes sont très actifs sur les marchés lituaniens de l’énergie et de l’immobilier. Ainsi, ils détiennent la centrale électrique de Kaunas. Ceci représente un facteur de risque réel pour la région. Cependant, la Lituanie a fortement diversifié ses relations commerciales depuis son adhésion à l’UE et la Lettonie constitue désormais son deuxième partenaire commercial, suivie de l’Estonie et de la Russie. En raison de l’inflation, la Lituanie a dû faire face à un déclin de la compétitivité de ses exportations ; en revanche, l’inflation dope les ventes dans les pays où les taux d’inflation sont encore plus élevés. Le nouveau gouvernement œuvrera probablement à la réduction du déficit public.

 À de nombreux égards, l’Estonie a été à la pointe de la réforme économique dans la région et est parvenue à se forger une réputation très favorable parmi les investisseurs. Les anciens investissements étrangers tendent à attirer de nouveaux fonds et l’Estonie continue de récolter les fruits de la rapidité et de l’habilité avec lesquelles elle a conduit ses réformes.

PROBLEMES ENERGETIQUES CLES

Le problème énergétique clé de la Lituanie peut être exposé dans des termes simples. La Lituanie a besoin d’un approvisionnement en énergie sûr et à un prix raisonnable. Un certain nombre d’experts s’attache à modeler le problème afin de déterminer un profil des problèmes de sécurité énergétique auxquels la Lituanie est confrontée. Ce modèle prend en compte des facteurs sociaux, géopolitiques, technologiques et économiques.

Selon l’ambassadeur Kestutis Sadauskas, un représentant de la Commission européenne, 80 % de la politique énergétique de la Lituanie proviennent de Russie et, comme ce rapport le laisse entendre, la fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina augmentera la vulnérabilité du pays. La Commission européenne a répété à maintes reprises que la Lituanie et ses voisins devaient prendre des mesures pour améliorer la sécurité du pays et que la Lituanie devait accepter la fermeture d’Ignalina. En effet, la Lituanie est exposée à des risques réels. Selon les prévisions de l’UE, les économies européennes subiront un ralentissement en 2009 et devraient amorcer un redressement en 2010. En revanche, on s’attend à ce que la Lituanie soit en récession en 2010. L’une des raisons est liée à l’énergie. La Commission attend du gouvernement qu’il s’attache à remédier à certains des problèmes structurels sous-jacents qui assombrissent quelque peu les perspectives économiques de la Lituanie.

Aleksandras Abisala, ancien Premier ministre et président de la Commission gouvernementale sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique, a également mis en exergue la vulnérabilité de la Lituanie en matière d’énergie. Il a d’abord souligné le fait que les pays Baltes étaient, dans une large mesure, isolés du réseau de distribution européen et a fait savoir que ceci était efficace d’un point de vue économique. M. Abisala a estimé que le nouveau gouvernement devait poursuivre une stratégie énergétique durable, fiable et abordable. Des itinéraires et des sources d’approvisionnement alternatifs sont essentiels, étant donné que le simple jeu de la concurrence permettra de diminuer les prix et d’améliorer les services. À l’heure actuelle, la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur est beaucoup trop forte. Les Russes tirent profit de ce pouvoir monopolistique en demandant instamment des avantages politiques et économiques. Ils continueront à procéder de la sorte tant que de nouvelles alternatives ne seront pas mises en place. Un petit câble électrique sous-marin relie l’Estonie à la Finlande mais la Lituanie devra établir une liaison avec l’Allemagne via la Pologne. Une autre liaison par câble devra être établie entre les pays Baltes et la Suède afin d’améliorer la sécurité de la région par une intégration plus large. Tous ces projets nécessitent cependant une volonté et une action politiques. De la même manière, la Lituanie espère construire une nouvelle centrale nucléaire à Ignalina vers 2018. Cependant, M. Abisala a déclaré que la Commission faisait erreur en déclarant que la Lituanie disposerait de ressources énergétiques suffisantes après la fermeture d’Ignalina. Des études montrent que le pays ne sera plus en mesure de faire face à des pics de charge après la fermeture d’Ignalina. Selon M. Abisala, le problème n’a pas été suffisamment étudié avec l’Europe et il faudrait sérieusement envisager une prolongation de l’exploitation d’Ignalina au moins jusqu’en 2012.

Les vulnérabilités en ce qui concerne le gaz sont encore plus marquées. Actuellement, le seul gazoduc provient de Biélorussie. La dépendance de Kaliningrad vis-à-vis de ce même gazoduc confère toutefois une certaine assurance. Les experts lituaniens estiment que le pays devrait construire une installation souterraine de stockage d’énergie ainsi qu’un terminal GNL (gaz naturel liquéfié) et un réseau de gaz avec la Pologne puis avec l’Allemagne. Ceci permettrait à la Lituanie d’acheter du gaz auprès d’autres fournisseurs.

La Lituanie espère augmenter le pourcentage d’énergie renouvelable mais ne dispose pas d’équipements hydroélectriques. De plus, la Lituanie ne dispose que d’un littoral limité pour la construction de parcs éoliens. La biomasse constitue une autre alternative.

CENTRALE NUCLEAIRE D’IGNALINA

La délégation de l’AP-OTAN a également visité la centrale nucléaire d’Ignalina sous la houlette de M. Viktor Shevaldin, directeur général de la centrale a été construite dans les années 80 et a été conçue pour approvisionner en électricité la région entière, y compris les trois pays Baltes, le Bélarus et Kaliningrad. La centrale était équipée de deux réacteurs modérés au graphite et refroidis à l’eau de type RBMK. Sur le plan technologique, ces réacteurs sont semblables à ceux de Tchernobyl, bien qu’ils soient beaucoup plus sûrs. Ces réacteurs sont les plus grands du monde : la puissance thermique développée par une unité atteint 4 800 MW tandis que la capacité de production électrique maximale s’élève à 1 500 MW. Actuellement, l’unique unité opérationnelle produit environ 1 300 MW. La quasi-totalité de cette quantité est consommée sur le territoire lituanien. La centrale d’Ignalina couvre environ 74 % des besoins de la Lituanie en électricité.

Au cours des négociations en vue de l’adhésion à l’UE, la Lituanie a donné son accord pour la fermeture des deux réacteurs. Le premier a été fermé en 2005 et la fermeture du second est programmée pour décembre 2009 malgré le fait que les deux réacteurs soient utilisables pour quelques années encore. La fermeture aura des répercussions notables sur l’approvisionnement de la Lituanie en électricité et sur l’économie du pays en général. En effet, les coûts de production d’électricité de la centrale de production thermoélectrique d’Elektrenai, qui deviendra en 2010 le premier producteur d’électricité de Lituanie, sont environ trois fois plus élevés. M. Shevaldin a souligné que la décision de fermer la centrale nucléaire de production d’électricité était purement politique et ne reposait sur aucun raisonnement technologique ou économique.

La fermeture de la centrale pose un problème majeur en termes de gestion. La Lituanie reçoit un soutien important de la part de l’UE et d’autres donateurs internationaux en vue de la fermeture de la centrale. Ce soutien revêt une importance cruciale. En effet, la Lituanie n’est pas en mesure de prendre en charge seule les coûts de la fermeture. Un soutien de l’étranger est déjà utilisé pour la fermeture de l’Unité 1 et pour la construction d’installations de stockage de combustibles utilisés.

Interrogé par les parlementaires de l’OTAN sur les leçons tirées de l’accident de Tchernobyl, M. Shevaldin a souligné que cet accident avait été causé par une erreur humaine au cours d’un essai. Un tel accident ne pourrait pas se produire à Ignalina en raison des mises à niveau techniques qui ont été réalisées. Si le moindre risque devait survenir, des mécanismes de protection supplémentaires fermeraient automatiquement le réacteur en l’espace de deux ou trois secondes. Des experts internationaux confirment que le niveau de sécurité des réacteurs d’Ignalina est semblable à celui des centrales électriques nucléaires de l’Ouest. La seule insuffisance par rapport aux normes occidentales est l’absence de couvercle de rétention au-dessus du réacteur qui, pour des raisons technologiques, ne peut pas être installé dans ce type de centrale. La protection physique est assurée par des forces spéciales du ministère de l’Intérieur et l’espace aérien au-dessus de la centrale est protégé par une unité spéciale qui a été déployée au lendemain des attaques du 11 septembre 2001.

Des membres de la délégation de l’AP-OTAN se sont également intéressés aux conséquences sociales de la fermeture pour les employés de la centrale. M. Shevaldin a déclaré qu’au moins la moitié des 3 000 employés perdraient leur emploi et percevraient une indemnité. Les autres employés conserveront leur poste au moins jusqu’en 2017 et seront affectés à l’enlèvement des barres de combustible du réacteur, à leur transport vers des lieux de stockage, ainsi qu’au démantèlement et à la décontamination de l’installation.

La direction actuelle de la centrale n’est pas directement impliquée dans la planification d’une nouvelle centrale en Lituanie. Si un tel projet doit voir le jour, il est probable que la nouvelle sera construite sur le site de l’actuelle centrale d’Ignalina. L’expérience de la Lituanie dans le domaine nucléaire, l’infrastructure existante ainsi que l’absence d’autres centrales nucléaires dans la région sont autant de facteurs qui plaident en faveur du projet, mais les négociations intergouvernementales peuvent prendre plusieurs années et retardaient par conséquent sa mise en œuvre.

 

Respectueusement soumis,

 

M. Leon Benoit,
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)



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