L’Association parlementaire canadienne
de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la visite de la Commission
des sciences et des technologies et sous-commission sur la coopération et la
convergence économiques Est-Ouest, qui s’est tenue en Lituanie, du 5 au 6
novembre 2008. La visite était dirigée par le président de la Commission, M.
Michael Mates (Royaume-Uni). La délégation canadienne était composée de
sénateur Pierre Claude Nolin.
SYNOPSIS
La sécurité énergétique, la récession
économique et les relations avec la Russie ont été les principaux thèmes de la
visite effectuée les 5 et 6 novembre en Lituanie par une délégation de
l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Sous la direction de M. Michael Mates
(Royaume-Uni), Président de la Commission des sciences et des technologies
(STC), 18 membres de la STC et de la Sous-commission sur la coopération et la
convergence économiques Est-Ouest ont rencontré des hauts responsables du
gouvernement lituanien, des experts indépendants, des universitaires ainsi
qu’un grand nombre d’ambassadeurs des pays membres de l’OTAN. La délégation
s’est également rendue sur le site de la centrale nucléaire d’Ignalina.
Plusieurs orateurs ont souligné que la
Lituanie était probablement le pays européen le plus vulnérable en matière de
sécurité énergétique. Ses secteurs du gaz naturel et de l’électricité sont
pratiquement exclusivement liés à des réseaux russes et Moscou a déjà affiché
une tendance très nette à utiliser l’énergie comme instrument de politique
étrangère. On s’attend à une aggravation de la situation en 2010, lorsque la
Lituanie devra fermer la centrale nucléaire d’Ignalina, conformément à son
traité d’adhésion à l’Union européenne (UE). Cette situation ne fera
qu’accroître la dépendance de la Lituanie vis-à-vis de l’énergie russe, à moins
que d’autres mesures ne soient prises.
Bien que les perspectives économiques
de la Lituanie s’annoncent, d’une certaine manière, légèrement plus favorables
que dans les deux autres pays Baltes, les premiers signes de la récession
mondiale se sont déjà manifestés. La résilience de l’économie des pays Baltes
dépend en grande partie des performances des banques scandinaves qui jouent un
rôle essentiel dans les systèmes financiers de cette région.
De nombreux interlocuteurs lituaniens
ont souligné que la politique de la Russie à l’égard de ses voisins était
source d’inquiétude. La Lituanie a été l’un des plus fervents défenseurs de la
Géorgie avant et après la crise survenue en août en Abkhazie et en Ossétie du
Sud. Par ce biais, la Lituanie soutient fortement les projets visant à intégrer
l’Ukraine et la Géorgie au sein de l’OTAN qui seront débattus en décembre lors
de la prochaine réunion des ministres de l’OTAN.
Indépendamment du changement de
gouvernement qu’elle connaîtra prochainement, la Lituanie maintiendra à coup
sûr sa politique étrangère et de défense pro-atlantique. Les responsables
lituaniens sont largement favorables à un renforcement de la présence de l’OTAN
dans leur région.
REUNION AVEC LES AMBASSADEURS DE
L’OTAN
La visite de la délégation de l’AP-OTAN
à Vilnius a débuté par une table ronde avec les ambassadeurs de l’OTAN. Les
discussions ont d’abord porté sur les conséquences des élections du Président
et du Congrès des États-Unis, dont les résultats ont été annoncés ce matin-là.
Même si l’Administration Obama apportera des changements, la politique
américaine à l’égard de l’Europe se distinguera dans une plus large mesure par
la continuité. Le Président Obama accorde une grande importance à l’Alliance et
a évoqué des défis communs à long terme. Malgré les inquiétudes à propos de
l’Irak, il est très peu probable que le nouveau gouvernement conduise une
politique d’abandon mais il œuvrera vers un transfert rapide et sans heurt du
pouvoir. Le nouveau gouvernement devra également accorder une plus grande
attention à l’Afghanistan.
Un certain nombre d’ambassadeurs a
souligné que la sécurité énergétique constituait un enjeu clé en Lituanie et
que la dépendance du pays vis-à-vis de l’énergie russe était très préoccupante.
La fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina ne fera qu’aggraver le
problème. La Lettonie et l’Estonie sont confrontées à des problèmes similaires
et les solutions à ce dilemme doivent dépasser le cadre des frontières. L’un
des principaux défis consiste à créer des réseaux énergétiques.
L’occupation de la Géorgie par la
Russie constitue également une source de préoccupation majeure à Vilnius et le
gouvernement lituanien défend ardemment la mise en œuvre de la Déclaration du
Sommet de Bucarest qui vise à intégrer l’Ukraine et la Géorgie dans le Plan
d’action pour l’adhésion (MAP). Cependant, ce projet est perçu différemment
dans les diverses capitales alliées. En clair, contrairement à ce que beaucoup
souhaitaient, la position de la Russie n’a pas évolué, en dépit des efforts
importants consentis par l’OTAN pour parvenir à cette fin. La Russie éprouve
toujours une certaine méfiance vis-à-vis de l’Alliance. Il est difficile de
comprendre pourquoi la Russie s’est retirée du Traité sur les forces conventionnelles
en Europe (FCE) et pour quelles raisons ses dirigeants semblent si peu enclins
à voir des nations stables et prospères à ses frontières. Cependant, malgré ces
tensions, l’Ouest doit relever aux côtés de la Russie bon nombre de défis
communs, y compris celui posé par l’Iran.
Plusieurs ambassadeurs se sont
focalisés sur les actions menées par la Russie au cours de l’escalade jusqu’au
conflit. La Russie a réfuté toute implication dans les explosions survenues le
long d’un gazoduc essentiel, qui ont privé de gaz la Géorgie. En revanche, les
Russes ont distribué des passeports aux habitants d’Ossétie du Sud et
d’Abkhazie, ce qui constitue clairement un acte de provocation. Le Président
Saakashvili a limogé le chef de l’Armée géorgienne pour sa mauvaise gestion de
l’effort militaire géorgien au cours du conflit. Le peuple géorgien semble se
rendre compte que des erreurs tragiques ont été commises dont l’une, et pas la
moindre, est l’apparente mauvaise appréciation de la puissance et de la
détermination des forces russes. Un ambassadeur a laissé entendre que
Saakashvili pourrait avoir été grisé par la facilité avec laquelle L’Ajarie a
été ramenée sous le contrôle du gouvernement central et aurait mal évalué le
moment d’intervention et l’équilibre des forces dans la région. Il devrait
accorder une attention plus grande aux intérêts des Russes en raison de
l’équilibre des forces. La communauté occidentale doit maintenant aider la
Géorgie à se remettre sur pied. En effet, une Géorgie prospère constitue un
atout de taille pour favoriser la réconciliation dans la région et, au final,
la réintégration. Les solutions militaires sont vouées à l’échec.
Des commentaires ont souligné le
travail admirable du Président français Sarkozy dans l’obtention d’un
cessez-le-feu en Géorgie. La Présidence française a été extrêmement sensible à
la situation en Géorgie et a immédiatement cherché à stabiliser le conflit,
puis à le gérer. Comme ses voisins baltes, la Lituanie observe avec attention
le cours des événements en Géorgie et a affiché son soutien fort en faveur de
la Géorgie. Le Président Saakashvili s’est rendu à Vilnius pour remercier les
Lituaniens de leur soutien. La Lituanie reste très vigilante à propos de
l’application des accords conclue en août et en septembre.
Jusqu’à présent, Vilnius a été
relativement préservé des effets de la crise financière. La plupart des banques
du pays appartiennent à des pays scandinaves ; elles sont gérées d’une manière
conservatrice et sont prospères. Toutefois, la Lituanie ne sera pas épargnée si
cette crise financière devait se transformer en une récession mondiale. Le pays
connaît une croissance élevée et la population a tendance à tenir cette
croissance pour acquise. Ainsi, les récentes prévisions qui ont annoncé une
baisse de la croissance à 2% cette année, et les rumeurs de récession de
l’économie ont jeté un certain trouble. Les Lituaniens se rapprochent de plus
en plus des économies de l’UE et ces liens auront des conséquences négatives en
cas de ralentissement économique. Le marché immobilier, en particulier à
Vilnius, connaît un repli et le chômage est à la hausse. Certains ont tendance
à considérer que la situation est très similaire dans les trois pays Baltes
mais, en réalité, la situation économique varie fortement d’un pays à l’autre.
L’Estonie et la Lettonie sont déjà entrées en récession tandis que la Lituanie
est parvenue, jusqu’à présent, à maintenir un taux de croissance positif.
Cependant, la Lituanie aura du mal à maintenir ce résultat si l’économie
mondiale bascule dans une récession de grande ampleur.
Les nombreux Lituaniens qui travaillent
à l’étranger sont particulièrement menacés par la perte de leur emploi dans le
contexte actuel. Un tel cas de figure, s’il venait à se produire, aurait pour
conséquences une diminution des revenus en provenance de l’étranger et
probablement une augmentation sensible du taux de chômage national.
L’UE reconnaît que la Lituanie est
isolée et vulnérable sur le plan énergétique. L’UE a réalisé un certain nombre
d’études visant à améliorer l’intégration de la Lituanie dans les réseaux
énergétiques européens. Or, les pays Baltes ont peu progressé en la matière et
la situation devient de plus en plus délicate avec la fermeture de la centrale
nucléaire Ignalina programmée l’année prochaine. L’UE souhaite œuvrer avec
l’ensemble de la région pour éviter qu’elle ne devienne isolée et vulnérable.
Le problème est que certains membres plus anciens de l’UE voient la situation
sous un autre angle. Pour l’Europe, l’énergie est un défi technique et
environnemental alors que pour beaucoup de nouvelles démocraties, elle
représente un défi stratégique et politique. Les deux parties parlent d’une
même voix mais ont souvent des points de vue divergents à propos du thème de
l’énergie.
REUNION AU MINISTERE DES AFFAIRES
ETRANGERES
La délégation a ensuite rencontré de
hauts diplomates au ministère lituanien des Affaires Étrangères. Les
participants ont souligné que la politique étrangère de la Lituanie reposait
sur trois piliers : la politique étrangère, la représentation des intérêts
commerciaux à l’étranger et la protection des intérêts des citoyens. La
Lituanie est désormais membre de l’UE et de l’OTAN depuis quatre ans et ces
adhésions jouent un rôle fondamental pour la défense des intérêts nationaux et
des valeurs occidentales. La Lituanie estime qu’elle fait partie de l’Europe
depuis toujours et que ce rattachement à l’Europe est désormais
institutionnalisé sur les plans politique et économique. En matière de
politique étrangère, la Lituanie recherche un équilibre entre ses valeurs et
ses intérêts. Cet équilibre est dangereux.
La Lituanie a également des intérêts
régionaux et se voit peu à peu devenir le centre de gravité de la région de la
Baltique. Les pays avec lesquels la Lituanie entretient les liens les plus étroits
sont la Lettonie, l’Estonie, les pays d’Europe du Nord et la Pologne. Les
efforts de coopération menés par ces pays sont donc cruciaux pour la politique
étrangère de la Lituanie. Pour cette dernière, ces pays sont des partenaires
proches, avec des intérêts similaires.
À l’Est, les pays frontaliers ont une
importance vitale pour Lituanie, qui manifeste un vif intérêt à développer des
partenariats vers l’Est. La Lituanie est un pays frontalier qui recherche la
sécurité et la stabilité dans cette zone. Elle espère faire progresser une
vision européenne dans la région tout en facilitant la circulation des
personnes et en encourageant un plus grand libéralisme dans les relations
commerciales dans cette région. La frontière avec le Bélarus est distante de Vilnius
de 35 km seulement. Les responsables lituaniens estiment que le Bélarus a
envoyé des signaux positifs au cours de ces derniers mois et que l’Ouest se
devait de répondre en conséquence. La Lituanie souhaite que l’Ouest abroge un
ensemble de sanctions restantes. La Lituanie et le Bélarus entretiennent des
relations pacifiques et aucun problème de frontière n’existe entre ces deux
pays. Ils ont signé un accord de coopération transfrontalière et la Lituanie
souhaiterait que les habitants qui résident dans un rayon de 50 km de la
frontière puissent circuler entre les deux pays. La coopération énergétique
entre les deux pays est et restera un élément fondamental dans leurs relations.
La Lituanie souhaite importer de l’électricité d’Ukraine via le Bélarus. Après
la construction d’une nouvelle centrale nucléaire destinée à remplacer la
centrale nucléaire d’Ignalina, la Lituanie souhaiterait produire de
l’électricité qu’elle exporterait ensuite vers le Bélarus. Par ailleurs,
conformément à l’accord conclu par l’UE avec la Russie, la Lituanie soutient un
assouplissement des procédures en matière de visas. Le gouvernement
souhaiterait mener un dialogue constructif avec le Président Loukachenko afin
de jeter les bases qui permettront de promouvoir la démocratie et l’indépendance
du Bélarus.
La Lituanie considère également
l’Ukraine comme un partenaire stratégique important et soutient fortement
l’adhésion de ce pays à l’UE. Certes, la Lituanie admet que les Ukrainiens
doivent eux-mêmes s’attaquer aux principaux problèmes politiques nationaux mais
elle estime dans une large mesure que l’Ukraine fait partie de la communauté
des nations occidentales.
La Lituanie est un ardent défenseur de
la Géorgie et de l’intégration des Géorgiens dans l’Europe occidentale. Elle
estime que la Russie a porté atteinte à la souveraineté de la Géorgie et elle
n’est par conséquent pas disposée à rétablir complètement des relations avec la
Russie. Par conséquent, la Lituanie ne souhaite pas pour le moment reprendre
les réunions du Conseil OTAN Russie mais n’est pas non plus prête à geler les
relations avec la Russie. Le gouvernement lituanien estime que la Russie doit
remplir ses engagements pris dans le « Plan à six points » qui n’a pas encore
été intégralement mis en œuvre. La Lituanie souhaite que l’Alliance adopte une
attitude cohérente et ferme à l’égard de la Russie. L’Ukraine et la Géorgie
devraient se voir offrir de véritables perspectives d’adhésion à l’OTAN. Un
échec sur ce point ne ferait que justifier l’attitude de la Russie. Certes, la
population ukrainienne reste divisée à propos de l’OTAN et cet aspect doit être
pris en compte. En revanche, la Géorgie n’est pas divisée sur cette question et
les principales forces politiques du pays considèrent le Plan d’action pour
l’adhésion (MAP) comme une nécessité vitale.
De toute évidence, le peuple russe a
cautionné ce conflit. Le Kremlin a estimé qu’un petit conflit était nécessaire
pour raffermir sa propre autorité nationale. Tout comme la chute des prix de
l’énergie, ce conflit a également exacerbé la crise financière naissante en
Russie.
Cependant, les responsables lituaniens
qualifient de raisonnablement bonnes leurs relations bilatérales avec la
Russie. De très nombreux accords ont été conclus, y compris des traités
frontaliers et des accords économiques. La Russie constitue un partenaire
commercial de premier plan et un important fournisseur d’énergie. Les deux pays
ont mutuellement accepté des accords de transit pour Kaliningrad et aucun
problème majeur n’est à signaler dans bon nombre de ces domaines. Les
responsables lituaniens s’efforcent d’admettre qu’ils ne souhaitent pas isoler
la Russie. En revanche, ils souhaitent décourager les tentations impérialistes
de la Russie et cette approche dépend en partie de l’image que la Russie se fait
d’elle même. L’attitude des pays occidentaux doit être ferme sans jamais céder
à la provocation et les intérêts russes doivent être respectés. Aucune mesure
russophobe ne figure à l’ordre du jour ; l’approche choisie est fondée sur une
profonde compréhension de la Russie.
La sécurité énergétique demeure un
problème capital de politique étrangère. Le Ministère des Affaires Étrangères
a, en fait, créé un département dédié à la sécurité économique. La Lituanie est
peut-être le pays européen le plus vulnérable en matière de sécurité
énergétique. Des efforts à l’échelon national et international sont nécessaires
pour remédier à ce problème. La fermeture prochaine de la centrale nucléaire
d’Ignalina ne fera qu’aggraver la situation de la Lituanie en matière d’énergie.
Des solutions nationales et européennes sont requises et le gouvernement se
penche sur ce problème avec l’UE. De son côté, l’UE a constitué un groupe de
haut niveau à propos d’un programme d’interconnexion balte. La diversification
de l’approvisionnement en énergie, la diversification des itinéraires et la
création de nouvelles interconnexions sont autant de mesures nécessaires, tout
comme la constitution d’un marché énergétique européen réellement intégré. La
Lituanie souhaiterait également que la sécurité énergétique figure à l’ordre du
jour de l’OTAN. L’OTAN devrait apporter une contribution active, par exemple en
garantissant la sécurité physique des oléoducs, et devrait se pencher sur les
dimensions politiques sous-jacentes de la sécurité énergétique. La Lituanie a
également proposé la création sur son territoire d’un Centre d’Excellence sur
la Sécurité énergétique.
La Russie est elle-même très dépendante
des ventes de pétrole et de gaz et ne peut pas se permettre d’endosser le
statut de fournisseur peu fiable. En effet, la Russie paie le prix de son
incohérence et de ses pratiques douteuses. Les responsables lituaniens estiment
que leur pays est une île sur le plan énergétique. Le « mix » énergétique de la
Lituanie est composé d’un tiers de nucléaire, d’un tiers de pétrole et d’un
tiers de gaz, avec une part d’énergie renouvelable dans cet ensemble.
Cependant, d’ici la fin de l’année, le mix énergétique de la Lituanie sera
composé de 45 % de gaz et de 45 % de pétrole, deux ressources importées de
Russie. Le gaz est importé via un unique gazoduc et ceci souligne la
vulnérabilité réelle du pays. Avec ce gaz, la Lituanie produit à la fois de
l’électricité et du chauffage. Le précédent de l’oléoduc de Druzhba pourrait
être instructif. Dans cet exemple, la Russie a fermé l’oléoduc pour des raisons
« techniques » alors qu’en réalité, son geste exprimait sa déception suite à la
privatisation d’une raffinerie, opération au cours de laquelle une entreprise
russe a perdu un marché au profit d’une entreprise polonaise. L’oléoduc de
Druzhba est maintenant fermé depuis deux ans, bien que la Lituanie ait proposé
une assistance technique pour sa remise en service. La Russie transporte
désormais le pétrole par bateau via la mer Baltique. Cette option représente également
un coût pour la Russie et laisse à penser que des intérêts politiques étroits
priment sur les intérêts économiques en Russie. Une situation de vulnérabilité
semblable s’applique pour le gaz. La Lituanie souhaite que l’OTAN procède à une
analyse de la menace posée par cette situation.
Les responsables lituaniens ont
également accueilli avec un certain scepticisme la révision du concept
stratégique actuel. Ils estiment que celui-ci est équilibré et efficace.
Cependant, l’émergence de nouvelles idées n’a pas pour vocation de rompre un
consensus. Une telle situation, si elle venait à se produire, soulignerait le
fait que le concept englobe une dimension sur la cyber sécurité et sur la
sécurité énergétique. La défense commune doit rester la fonction centrale de
l’OTAN ; ceci est d’autant plus vrai au lendemain d’un conflit en Géorgie. Des
actions qui sortent de ce cadre sont également importantes, mais elles ne
doivent pas entraver le principe de défense commune. La Lituanie souhaiterait
que l’Alliance reconsidère le document sur la menace stratégique notamment
parce que les pays Baltes sont plus vulnérables que jamais. Ces derniers
estiment que le document doit faire l’objet d’une profonde réévaluation des
relations avec la Russie. La Lituanie approuverait également la mise en place
d’un plan d’opération d’urgence pour les pays Baltes.
Actuellement, les patrouilles aériennes
constituent la seule présence permanente de l’OTAN dans les pays Baltes. La
Lituanie souhaite une présence plus importante de l’OTAN dans le pays. Cette
présence accrue doit inclure plus d’exercices et plus d’infrastructures
physiques. Les responsables lituaniens souhaitent que l’OTAN s’engage à
poursuivre sa politique de surveillance aérienne afin d’éviter la formation
d’une Alliance à deux vitesses. Depuis longtemps, les Alliés de la Lituanie
l’encouragent à se préparer à des opérations hors zone au lieu d’investir dans
la défense traditionnelle. Désormais, la défense du territoire devient une
priorité fondamentale.
Une autre source d’inquiétude découle
de la décision, prise par les Russes au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, d’enterrer des armes chimiques dans les fonds marins. La Lituanie a
récemment organisé un séminaire international sur les armes chimiques déversées
en mer qui a réuni des représentants de 27 pays ainsi que des officiels des
Nations-Unies et de l’UE. Les parties concernées espèrent que ce séminaire
permettra d’intensifier la coopération internationale afin de faire face à ce
problème sérieux et qu’il aboutira à un soutien international en vue d’une
dépollution.
REUNION AVEC LE MINISTRE DE LA
DEFENSE
La délégation a également rencontré le
ministre de la Défense lituanien, M. Juozas Olekas. Ce dernier a souligné
plusieurs priorités clés pour l’OTAN selon la Lituanie :
* L’OTAN doit poursuivre sa mutation.
L’Alliance doit rendre sa politique de défense plus crédible encore, tout en
développant des moyens expéditionnaires ;
* L’Afghanistan reste également une
priorité. La Lituanie a envoyé une Équipe de reconstruction régionale
(Provincial Reconstruction Teams (PRT)) sur le théâtre des opérations et a
également déployé des forces spéciales dans le sud du pays. La Lituanie a
également mobilisé des forces au Kosovo et en Irak. En 2010, elle participera
aux groupes de bataille de l’UE et aux forces de réaction de l’OTAN ;
* L’OTAN doit rester actif dans zone
Euro-Atlantique ;
* Les approches de planification et de
gestion des crises doivent être adaptées mais la défense commune doit rester le
rôle central de l’OTAN. En Lituanie, l’OTAN doit jouer un rôle plus actif afin
de montrer à la population lituanienne que l’Alliance œuvre concrètement à
accroître la sécurité dans la région ;
* Enfin, l’OTAN doit être structurée
afin de faire face aux défis posés par la cyber sécurité et par la sécurité
énergétique. En effet, l’OTAN devra accroître ses propres capacités afin
d’affronter des défis non traditionnels.
Au cours de l’entretien, le ministre a
indiqué que la Lituanie souhaitait que la Communauté internationale, y compris
l’UE et l’OTAN, parle d’une même voix pour dissuader la Russie de recourir à la
force à l’encontre de ses voisins. Le ministre de la Défense a également
indiqué que la Lituanie s’apprêtait à passer à une armée professionnelle et a
mis fin à la conscription depuis septembre. La Lituanie déploie des troupes en
Afghanistan avec des rotations de service tous les six mois afin de former le
plus grand nombre de soldats possible. Du point de vue de la sécurité, la
Lituanie appuie fortement la notion d’une politique énergétique européenne
beaucoup plus marquée et approuverait les efforts visant à intégrer l’Amérique
du Nord dans le dialogue sur la sécurité énergétique. M. Olekas estime qu’un
échec de l’intégration de l’Ukraine et de la Géorgie dans le MAP en décembre
2008 serait un mauvais signe.
REUNION AU PARLEMENT SUR LES
EXIGENCES POLITIQUES, CULTURELLES, ECONOMIQUES ET ENERGETIQUES DE LA LITUANIE
Deux universitaires, Kestutis Girnius
et Virgis Valentinavicius, ont présenté les aspects politiques contemporains de
la Lituanie ainsi que la position du pays sur l’échiquier international.
La Lituanie observe avec une certaine
crainte son voisin russe. Cette attitude est parfaitement compréhensible compte
tenu du fait que la Russie a brutalement occupé le pays de 1944 à 1990. Il
subsiste un vif sentiment de vulnérabilité, que la Russie attise par exemple en
annonçant qu’elle est en droit de défendre les Russes vivant à l’étranger.
Certes, le problème est moins prononcé en Lituanie que dans les autres pays
Baltes où la population d’origine russe est beaucoup plus nombreuse, mais ceci
reste néanmoins un dilemme. L’attitude russe en Ossétie du Sud et en Abkhazie a
également renforcé ce sentiment de vulnérabilité tout comme la prédisposition
évidente des Russes à utiliser ses réserves de gaz comme un atout non seulement
économique mais également politique. Selon la doctrine édictée par Medvedev, la
Russie est en droit de jouer un rôle privilégié dans les anciennes républiques
soviétiques, une notion qui est fermement rejetée par les pays Baltes. La
presse russe publie désormais des articles particulièrement agressifs, ce qui a
également contribué à empoisonner les relations.
En Lituanie, les experts en politique
étrangère se demandent si le conflit géorgien n’était qu’un événement de
circonstance ou bien la pointe de l’iceberg. La Russie croit-elle vraiment
qu’elle a un rôle militaire à jouer dans ce qu’elle appelle l’étranger proche ?
Il est peut-être encore trop tôt pour répondre à cette question. De son côté,
la Lituanie a quelque peu modéré ses critiques. Jusqu’en 2004, les relations
avec la Russie étaient plutôt au beau fixe. Après tout, les forces russes ont
quitté la Lituanie un an avant de quitter l’Allemagne. La Lituanie a accordé la
citoyenneté à tous ses habitants russes, empêchant ainsi la Russie d’invoquer
la discrimination comme elle l’a fait en Lettonie et en Estonie. Par ailleurs,
la Lituanie a également signé avec la Russie un traité de ratification des
frontières. Il a fallu plus de six ans à la Duma pour ratifier ce traité.
Le conflit avec l’Ossétie du Sud a
durci les relations. La société lituanienne a de toute évidence éprouvé un
sentiment général de solidarité à l’égard de la Géorgie et, durant le conflit,
beaucoup de voitures ont paradé avec des drapeaux géorgiens.
D’une manière générale, la Lituanie est
confrontée à quelques dilemmes. Doit-elle jouer un rôle clé et exercer un
blocage diplomatique ou doit-elle exprimer ses craintes à propos de la Russie,
au risque de passer pour le petit garçon qui crie au loup ? Certaines personnes
des milieux des affaires craignent que les responsables lituaniens ne soient
trop fermes à l’égard des Russes et que leur attitude ne gêne non seulement la
Russie mais également certains Alliés de la Lituanie.
On observe en Lituanie une
prédisposition à regarder vers l’Est en n’accordant pas suffisamment
d’attention aux évolutions qui se produisent à l’Ouest. Cette attitude
paradoxale peut entraîner des conséquences potentiellement dommageables. Les
pays Baltes éprouvent tout d’un coup le besoin de savoir si l’OTAN dispose
réellement d’un plan de défense crédible pour la région. La Lituanie se doit de
soulever cette question dès à présent.
En Lituanie, on a l’impression que la
Russie est positionnée pour tirer les ficelles dans le pays. Nombreuses sont
les raisons qui expliquent ce sentiment. La dépendance énergétique est sans
doute la raison principale mais la Lituanie connaît également une dépendance
des transports et est exposée à d’autres vulnérabilités du marché. La Lituanie
ne gagne pas d’argent sur les marchés de l’Est, mais ceci est également un
inconvénient. En effet, quel que soit le lieu où la Russie fait des affaires,
l’« argent douteux » apparaît et ceci peut brouiller la transparence
économique. Bon nombre de responsables politiques lituaniens étaient autrefois
eux-mêmes des intermédiaires russes spécialisés dans le négoce du gaz russe ou
étaient liés à ceux-ci. Cela laisse supposer que l’argent russe issu du
commerce du gaz joue peut-être un rôle au sein des sphères politiques de la
Lituanie. Ceci fait naître le doute que les partis politiques lituaniens
peuvent, dans une large mesure, être achetés par des sociétés russes comme
Gazprom. Des preuves confirment que le gaz et l’argent russes financent
directement les partis lituaniens.
La faiblesse des institutions pose une
autre série de problèmes. Le système des partis est financé par de mystérieuses
caisses noires et une grande partie des fonds utilisés pour financer l’activité
politique n’est pas ouvertement déclarée. Ceci a pour conséquence une réduction
de la transparence politique. De plus, le système est rendu vulnérable aux
manipulations et à la corruption flagrante.
La faiblesse des institutions gagne
également les services secrets. Les responsables lituaniens ne sont pas
certains d’exercer un véritable contrôle sur leurs propres services de
sécurité. Ici aussi, les inquiétudes à propos de l’influence de l’argent du gaz
sont réelles. Malheureusement, le système politique lituanien n’est pas
suffisamment fort pour résoudre ces problèmes.
La Lituanie est également fortement
influencée par la culture russe et un nombre plus élevé de Lituaniens choisit
de regarder la télévision russe plutôt que CNN ou les autres chaînes
occidentales. Vingt pour cent des Lituaniens parlent anglais mais 80% parlent
le russe (ces chiffres varient nettement pour la nouvelle génération). Dans le
pays, beaucoup de gens ont le sentiment que la Lituanie a une meilleure
compréhension de l’Est que de l’Ouest, mais ce constat ne tient pas compte du fait
que la culture lituanienne est intrinsèquement plus occidentale en termes
d’orientation et de valeurs. Cette obsession à se tourner vers l’Est a une
composante diplomatique et signifie que la Lituanie tend à couvrir d’attentions
l’Est plutôt que l’Ouest. Cette tendance a également pour effet de sous-estimer
le caractère occidental du pays et le fait que ses problèmes doivent être
résolus dans un cadre occidental plutôt qu’oriental. On dit qu’il faut six mois
pour construire une démocratie, six mois pour construire une économie de marché
et 60 ans pour construire une société civile. Dans ce cas, la jeunesse
lituanienne sera à l’origine de nombreux changements au cours des années à
venir. La capacité des pays Baltes à traiter avec la Russie d’une manière plus
détachée et plus calme constituera un signe de maturité démocratique.
De son côté, la Russie a réitéré la
rhétorique et a même menacé de pointer des armes nucléaires vers la Pologne et
la République Tchèque en réponse à leur rôle dans le système de défense
antimissile américain proposé. Les Russes ne sont pas encore passés à l’acte et
il est important de ne pas négliger certains éléments de cette rhétorique.
PROBLEMES ENERGETIQUES ET
ECONOMIQUES
Toutes les économies des pays Baltes
sont petites et ouvertes et chacune continue d’utiliser sa propre monnaie
nationale. La Lituanie s’est d’abord alignée sur le dollar, puis sur l’euro.
L’Estonie, qui possède un conseil de la devise, s’est d’abord alignée sur le
mark allemand, puis sur l’euro. Tous les pays Baltes ont bénéficié de notations
financières relativement favorables. La Lettonie et l’Estonie sont
officiellement entrées en récession, ce qui n’est pas encore le cas pour la
Lituanie.
Depuis 2000, les trois pays Baltes ont
connu un boom économique qui a permis de réduire l’écart avec l’Europe
occidentale. En Lituanie, le revenu par habitant correspond à 63 % de la
moyenne de l’UE tandis que celui de l’Estonie est à 70 % et celui de la
Lettonie à 60 %. L’UE a joué un rôle crucial dans cette croissance, à la fois
en soutenant les réformes et en fournissant à ces petites économies un accès
vital au marché.
La réforme fiscale sera une priorité
clé du prochain gouvernement lituanien, qui a promis de mettre en œuvre un
impôt à taux unique. D’autres changements d’ordre fiscal sont envisagés.
Cependant, le déroulement de la réforme sera conditionné par la récession
actuelle. La marge de manœuvre pour une innovation monétaire est très faible,
étant donné que la Lituanie pratique un taux de change fixe et ne dispose pas
d’une politique monétaire active et indépendante. Comme ses partenaires baltes,
la Lituanie envisage le passage à l’euro mais ce dernier ne devrait
probablement pas intervenir avant 2013. L’inflation demeure un problème et la
Lituanie ne remplit toujours pas les critères d’inflation exigés pour
l’adhésion. L’écart continue de se creuser. La Lituanie affiche un taux
d’inflation de 11 % alors que les critères de Maastricht exigent un taux de 3,8
%, soit une différence de quelque 800 points de base. Les pressions
inflationnistes resteront fortes dans les trois pays. Les prix de l’électricité
pourraient doubler après la fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina et
cette hausse aura un impact sur l’indice des prix à la consommation (IPC).
C’est pour cette raison que le gouvernement prévoit une inflation à deux
chiffres en 2010.
En plein essor, le marché intérieur
russe attire les exportations en provenance des pays Baltes. Cependant, cette
source de revenu est désormais menacée car les prix du pétrole chutent et
l’économie russe connaît un ralentissement considérable. La Russie est donc un
investisseur important dans la région. Les investisseurs russes sont très
actifs sur les marchés lituaniens de l’énergie et de l’immobilier. Ainsi, ils
détiennent la centrale électrique de Kaunas. Ceci représente un facteur de
risque réel pour la région. Cependant, la Lituanie a fortement diversifié ses
relations commerciales depuis son adhésion à l’UE et la Lettonie constitue
désormais son deuxième partenaire commercial, suivie de l’Estonie et de la
Russie. En raison de l’inflation, la Lituanie a dû faire face à un déclin de la
compétitivité de ses exportations ; en revanche, l’inflation dope les ventes
dans les pays où les taux d’inflation sont encore plus élevés. Le nouveau
gouvernement œuvrera probablement à la réduction du déficit public.
À de nombreux égards, l’Estonie a été
à la pointe de la réforme économique dans la région et est parvenue à se forger
une réputation très favorable parmi les investisseurs. Les anciens
investissements étrangers tendent à attirer de nouveaux fonds et l’Estonie
continue de récolter les fruits de la rapidité et de l’habilité avec lesquelles
elle a conduit ses réformes.
PROBLEMES ENERGETIQUES CLES
Le problème énergétique clé de la
Lituanie peut être exposé dans des termes simples. La Lituanie a besoin d’un
approvisionnement en énergie sûr et à un prix raisonnable. Un certain nombre
d’experts s’attache à modeler le problème afin de déterminer un profil des
problèmes de sécurité énergétique auxquels la Lituanie est confrontée. Ce
modèle prend en compte des facteurs sociaux, géopolitiques, technologiques et
économiques.
Selon l’ambassadeur Kestutis Sadauskas,
un représentant de la Commission européenne, 80 % de la politique énergétique
de la Lituanie proviennent de Russie et, comme ce rapport le laisse entendre,
la fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina augmentera la vulnérabilité du
pays. La Commission européenne a répété à maintes reprises que la Lituanie et
ses voisins devaient prendre des mesures pour améliorer la sécurité du pays et
que la Lituanie devait accepter la fermeture d’Ignalina. En effet, la Lituanie
est exposée à des risques réels. Selon les prévisions de l’UE, les économies
européennes subiront un ralentissement en 2009 et devraient amorcer un
redressement en 2010. En revanche, on s’attend à ce que la Lituanie soit en
récession en 2010. L’une des raisons est liée à l’énergie. La Commission attend
du gouvernement qu’il s’attache à remédier à certains des problèmes structurels
sous-jacents qui assombrissent quelque peu les perspectives économiques de la
Lituanie.
Aleksandras Abisala, ancien Premier
ministre et président de la Commission gouvernementale sur la sécurité de
l’approvisionnement énergétique, a également mis en exergue la vulnérabilité de
la Lituanie en matière d’énergie. Il a d’abord souligné le fait que les pays
Baltes étaient, dans une large mesure, isolés du réseau de distribution
européen et a fait savoir que ceci était efficace d’un point de vue économique.
M. Abisala a estimé que le nouveau gouvernement devait poursuivre une stratégie
énergétique durable, fiable et abordable. Des itinéraires et des sources
d’approvisionnement alternatifs sont essentiels, étant donné que le simple jeu
de la concurrence permettra de diminuer les prix et d’améliorer les services. À
l’heure actuelle, la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur est beaucoup trop
forte. Les Russes tirent profit de ce pouvoir monopolistique en demandant
instamment des avantages politiques et économiques. Ils continueront à procéder
de la sorte tant que de nouvelles alternatives ne seront pas mises en place. Un
petit câble électrique sous-marin relie l’Estonie à la Finlande mais la
Lituanie devra établir une liaison avec l’Allemagne via la Pologne. Une autre
liaison par câble devra être établie entre les pays Baltes et la Suède afin
d’améliorer la sécurité de la région par une intégration plus large. Tous ces
projets nécessitent cependant une volonté et une action politiques. De la même
manière, la Lituanie espère construire une nouvelle centrale nucléaire à
Ignalina vers 2018. Cependant, M. Abisala a déclaré que la Commission faisait
erreur en déclarant que la Lituanie disposerait de ressources énergétiques
suffisantes après la fermeture d’Ignalina. Des études montrent que le pays ne
sera plus en mesure de faire face à des pics de charge après la fermeture
d’Ignalina. Selon M. Abisala, le problème n’a pas été suffisamment étudié avec
l’Europe et il faudrait sérieusement envisager une prolongation de l’exploitation
d’Ignalina au moins jusqu’en 2012.
Les vulnérabilités en ce qui concerne
le gaz sont encore plus marquées. Actuellement, le seul gazoduc provient de
Biélorussie. La dépendance de Kaliningrad vis-à-vis de ce même gazoduc confère
toutefois une certaine assurance. Les experts lituaniens estiment que le pays
devrait construire une installation souterraine de stockage d’énergie ainsi
qu’un terminal GNL (gaz naturel liquéfié) et un réseau de gaz avec la Pologne
puis avec l’Allemagne. Ceci permettrait à la Lituanie d’acheter du gaz auprès
d’autres fournisseurs.
La Lituanie espère augmenter le
pourcentage d’énergie renouvelable mais ne dispose pas d’équipements
hydroélectriques. De plus, la Lituanie ne dispose que d’un littoral limité pour
la construction de parcs éoliens. La biomasse constitue une autre alternative.
CENTRALE NUCLEAIRE D’IGNALINA
La délégation de l’AP-OTAN a également
visité la centrale nucléaire d’Ignalina sous la houlette de M. Viktor
Shevaldin, directeur général de la centrale a été construite dans les années 80
et a été conçue pour approvisionner en électricité la région entière, y compris
les trois pays Baltes, le Bélarus et Kaliningrad. La centrale était équipée de
deux réacteurs modérés au graphite et refroidis à l’eau de type RBMK. Sur le
plan technologique, ces réacteurs sont semblables à ceux de Tchernobyl, bien
qu’ils soient beaucoup plus sûrs. Ces réacteurs sont les plus grands du monde :
la puissance thermique développée par une unité atteint 4 800 MW tandis que la
capacité de production électrique maximale s’élève à 1 500 MW. Actuellement,
l’unique unité opérationnelle produit environ 1 300 MW. La quasi-totalité de
cette quantité est consommée sur le territoire lituanien. La centrale
d’Ignalina couvre environ 74 % des besoins de la Lituanie en électricité.
Au cours des négociations en vue de
l’adhésion à l’UE, la Lituanie a donné son accord pour la fermeture des deux
réacteurs. Le premier a été fermé en 2005 et la fermeture du second est
programmée pour décembre 2009 malgré le fait que les deux réacteurs soient
utilisables pour quelques années encore. La fermeture aura des répercussions
notables sur l’approvisionnement de la Lituanie en électricité et sur
l’économie du pays en général. En effet, les coûts de production d’électricité de
la centrale de production thermoélectrique d’Elektrenai, qui deviendra en 2010
le premier producteur d’électricité de Lituanie, sont environ trois fois plus
élevés. M. Shevaldin a souligné que la décision de fermer la centrale nucléaire
de production d’électricité était purement politique et ne reposait sur aucun
raisonnement technologique ou économique.
La fermeture de la centrale pose un
problème majeur en termes de gestion. La Lituanie reçoit un soutien important
de la part de l’UE et d’autres donateurs internationaux en vue de la fermeture
de la centrale. Ce soutien revêt une importance cruciale. En effet, la Lituanie
n’est pas en mesure de prendre en charge seule les coûts de la fermeture. Un
soutien de l’étranger est déjà utilisé pour la fermeture de l’Unité 1 et pour
la construction d’installations de stockage de combustibles utilisés.
Interrogé par les parlementaires de
l’OTAN sur les leçons tirées de l’accident de Tchernobyl, M. Shevaldin a
souligné que cet accident avait été causé par une erreur humaine au cours d’un
essai. Un tel accident ne pourrait pas se produire à Ignalina en raison des
mises à niveau techniques qui ont été réalisées. Si le moindre risque devait
survenir, des mécanismes de protection supplémentaires fermeraient
automatiquement le réacteur en l’espace de deux ou trois secondes. Des experts
internationaux confirment que le niveau de sécurité des réacteurs d’Ignalina
est semblable à celui des centrales électriques nucléaires de l’Ouest. La seule
insuffisance par rapport aux normes occidentales est l’absence de couvercle de
rétention au-dessus du réacteur qui, pour des raisons technologiques, ne peut
pas être installé dans ce type de centrale. La protection physique est assurée
par des forces spéciales du ministère de l’Intérieur et l’espace aérien
au-dessus de la centrale est protégé par une unité spéciale qui a été déployée
au lendemain des attaques du 11 septembre 2001.
Des membres de la délégation de
l’AP-OTAN se sont également intéressés aux conséquences sociales de la
fermeture pour les employés de la centrale. M. Shevaldin a déclaré qu’au moins
la moitié des 3 000 employés perdraient leur emploi et percevraient une
indemnité. Les autres employés conserveront leur poste au moins jusqu’en 2017
et seront affectés à l’enlèvement des barres de combustible du réacteur, à leur
transport vers des lieux de stockage, ainsi qu’au démantèlement et à la
décontamination de l’installation.
La direction actuelle de la centrale
n’est pas directement impliquée dans la planification d’une nouvelle centrale
en Lituanie. Si un tel projet doit voir le jour, il est probable que la
nouvelle sera construite sur le site de l’actuelle centrale d’Ignalina.
L’expérience de la Lituanie dans le domaine nucléaire, l’infrastructure
existante ainsi que l’absence d’autres centrales nucléaires dans la région sont
autant de facteurs qui plaident en faveur du projet, mais les négociations
intergouvernementales peuvent prendre plusieurs années et retardaient par
conséquent sa mise en œuvre.
Respectueusement soumis,
M. Leon Benoit,
Président Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)