L’avenir du régime global de non-prolifération nucléaire sera régi
dans une large mesure par les conclusions de la Conférence d’examen sur le
Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui s’est tenue à New York du 3 au
28 mai. Une délégation composée de dix membres de la Commission des sciences et
des technologies (STC) de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN conduite par
Michael Mates (Royaume-Uni) et Pierre Claude Nolin (Canada), respectivement
président et vice-président de la STC, s’est rendue sur place pour assister à
la séance inaugurale de la Conférence.
Les réunions tenues dans le cadre de la Conférence ont porté sur les
défis clés à relever dans le contexte du TNP, comme le renforcement du régime
international de garanties destiné à infléchir la prolifération nucléaire,
l’adoption de nouvelles mesures en vue de réduire les arsenaux nucléaires
actuels, le traitement à réserver aux cas de non-respect du Traité – on pense
ici au programme nucléaire iranien - et la mise en place d’une zone exempte
d’armes nucléaires au Moyen-Orient. La délégation de l’AP-OTAN a pu entendre
les allocutions prononcées par Ban Ki‑Moon, secrétaire général des
Nations unies, Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA), Hillary Clinton, secrétaire d’Etat américaine,
Mahmoud Ahmadinejad, président de l’Iran, Catherine Ashton, haute
représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité,
ainsi que par d’autres personnalités internationales de premier plan.
On peut espérer que la Conférence d’examen de cette année ne
débouchera pas sur un échec, comme cela avait été le cas lors de la mouture
précédente, en 2005. Cette évolution tient principalement aux progrès réalisés
entretemps dans le domaine du désarmement nucléaire avec la conclusion du
nouveau Traité START et la publication des conclusions de la dernière Revue du
dispositif nucléaire des Etats-Unis. Il n’empêche que de profondes divergences
subsistent entre, d’une part, certains pays du Mouvement des non alignés
opposés à l’introduction de mesures internationales de vérification plus
poussées et, d’autre part, les Etats officiellement détenteurs d’armes
nucléaires, accusés de faire traîner le processus de désarmement. Reste à voir
si un compromis pourra intervenir entre les différents membres du TNP avant la
conclusion de la Conférence d’examen.
La délégation a aussi entendu des exposés sur la gestion de la
sécurité à New York, une question qui est revenue au premier plan avec la
tentative récente d’attentat terroriste à Times Square. Elle s’est
également rendue au siège du Commandement suprême allié
Transformation (SACT) de
l’OTAN, à Norfolk, pour débattre de la transformation de l’Alliance. Enfin, le
groupe a rencontré des experts lors d’une table ronde sur la menace
bioterroriste organisée à Washington DC par Emergent BioSolutions, une
entreprise américaine à la pointe des biotechnologies.
CONFÉRENCE D’EXAMEN DU TNP
Avant l’ouverture de la Conférence d’examen du TNP, la délégation de
l’Assemblée s’est retrouvée dans les locaux de la mission de la Turquie auprès
des Nations unies pour y entendre des exposés faits par son Excellence M. Ertuğrul
Apakan, ambassadeur de la Turquie, par William Potter, directeur du Centre
James Martin d’études sur la non-prolifération et par le
colonel Paul Van Der Heijden, officier de liaison militaire
de l’OTAN auprès des Nations unies.
L’ambassadeur Apakan a rappelé que suite à l’échec de la Conférence
d’examen du TNP tenue en 2005, le régime global de non-prolifération nucléaire
aborde aujourd’hui une phase décisive. Selon lui, les trois piliers du TNP –
désarmement nucléaire, non-prolifération et droit d’utiliser l’énergie
nucléaire de manière pacifique – se trouvent sur un pied d’égalité et doivent
donc être renforcés de manière équilibrée. Il a exprimé l’espoir que la
Conférence d’examen de 2010 permettrait d’atteindre cet objectif. L’ambassadeur
Apakan a tout particulièrement insisté sur la nécessité d’éviter une course aux
armes nucléaires au Moyen-Orient et s’est déclaré favorable au projet qui
consisterait à instaurer dans la région une zone exempte d’armes nucléaires.
Il n’est pas exclu, a déclaré M. Potter, que la Conférence d’examen
de 2010 reste dans l’histoire comme un succès, mais si tel devait être le cas, ce
serait principalement en raison de l’échec de la réunion de 2005, qui a eu pour
effet de placer le seuil de réussite particulièrement bas. Le principal facteur
incitant à un relatif optimisme est l’évolution de la position des Etats-Unis,
aujourd’hui ouverts à certaines idées que l’administration précédente aurait
considérées comme inacceptables avant de les rejeter d’emblée. Mais les clés de
la réussite ne se trouvent pas dans les mains des seuls Etats-Unis, et il
faudra que les autres Etats officiellement détenteurs de l’arme nucléaire
soient également prêts à en faire plus. M. Potter a par ailleurs fait observer
que les Etats membres se répartissent en plusieurs groupes avec des agendas
différents et qu’il n’existe pas de ciment solide qui permette de les faire
converger sur la voie du consensus, comme cela avait été le cas lors de la
Conférence d’examen de 2000 avec la Coalition pour un nouvel agenda. Il a
suggéré que l’on abandonne la stratégie rétrograde consistant à se focaliser
sur les violations du TNP et que l’on évite de désigner des responsables. Seule
une stratégie tournée vers l’avenir permettra de dégager un consensus et
d’obtenir des résultats concrets dans le cadre de cette Conférence d’examen.
M. Potter a aussi souligné que faute d’une proposition innovante sur la
situation au Moyen-Orient (comme, par exemple, la nomination d’un négociateur
spécial des Nations unies pour la résolution des questions régionales), la
Conférence risquait d’échouer.
Le colonel Van Der Heijden a, quant à lui, évoqué les relations
OTAN-ONU. Il a souligné que les rangs des troupes chargées de maintenir la paix
au nom des Nations unies avaient singulièrement grossi au cours des dernières
années, mais que la majorité de ces hommes venaient d’Asie et d’Afrique. Parallèlement,
les contributions en troupes des pays de l’OTAN aux missions des Nations unies
se font moins conséquentes. Du coup, la visibilité de l’Alliance au sein des
Nations unies est moins importante que les membres de l’OTAN tendent à le
penser. Ceci dit, la coopération pratique entre les deux organisations se
renforce aujourd’hui de manière significative en raison, notamment, de
plusieurs problématiques importantes auxquelles elles sont toutes deux
confrontées - Kosovo, Afghanistan, lutte contre la piraterie, etc.
La délégation de l’AP-OTAN était présente au siège des Nations unies
le 3 mai pour assister à la séance d’ouverture de la Conférence d’examen du
TNP. Plusieurs personnalités internationales de premier plan ont pris la parole
à cette occasion. Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, a rappelé que le
TNP devrait rester la pierre angulaire du régime de non-prolifération
nucléaire. Il a suggéré de renforcer ce dernier en concentrant les efforts sur
cinq points de repères :
·la poursuite des progrès en matière de
désarmement nucléaire ;
·l’universalisation du TNP (adhésion de l’Inde,
du Pakistan et d’Israël et retour de la Corée du Nord parmi les membres) ;
·le renforcement de régimes juridiques
internationaux instaurés notamment par le Traité d’interdiction complète des
essais nucléaires et la Convention sur le terrorisme nucléaire ;
·la création d’une zone exempte d’armes
nucléaires au Moyen-Orient ;
·et enfin, le renforcement du processus d’examen
du TNP grâce à la publication systématique de rapports nationaux et à un appui
organisationnel plus poussé.
Le secrétaire général a par ailleurs exhorté les autorités
iraniennes à coopérer pleinement avec l’AIEA et à respecter les résolutions du
Conseil de sécurité des Nations unies.
M. Amano, directeur général de l’AIEA, a déclaré que les
vérificateurs de l’Agence ne sont pas en mesure de confirmer que le programme
matériel iranien est entièrement pacifique.
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a qualifié la possession
d’armes nucléaires d’ « acte honteux et répugnant ». Il a
critiqué « certains Etats nucléaires » d’être responsables de la
lenteur du désarmement nucléaire et les a accusés de brandir de telles armes
contre d’autres pays, dont l’Iran. Selon le président iranien, le régime du TNP
est injuste car il ne garantit pas à tous ses membres le droit de mener des
programmes nucléaires pacifiques. Il a également annoncé que Téhéran était
disposé à avaliser le projet d’échange de carburant.
La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a réaffirmé l’engagement
de son pays en faveur de la vision d’un monde exempt d’armes nucléaires. Le
nouveau Traité START signé il y a peu montre que les Etats-Unis et la Russie
ont adopté des mesures « irréversibles, transparentes, vérifiables pour
faire baisser le nombre d’armes nucléaires dans [leurs arsenaux
respectifs]. » Les Etats-Unis ont également renforcé la transparence de
leur arsenal nucléaire, et réitéré leur engagement à ne pas utiliser de telles
armes contre les pays pleinement respectueux du TNP. Mme Clinton s’est déclarée
elle aussi favorable à la mise en place d’une zone exempte d’armes nucléaires
au Moyen-Orient. Elle a annoncé que son pays comptait dégager 500 millions de
dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années au titre d’une nouvelle
Initiative de l’AIEA sur les utilisations pacifiques de l’atome.
En ce qui concerne l’Iran, la secrétaire d’Etat américaine a indiqué
que Téhéran « défiait le Conseil de sécurité de l’ONU et l’AIEA et mettait
en péril l’avenir du régime de non-prolifération ». Elle a lancé un appel
à l’Iran pour que ce pays mette un terme à ses efforts visant à
« détourner l’attention et à diviser », l’exhortant à se montrer
constructif et à se conformer à ses obligations internationales.
Le 4 mai, les membres de la STC ont poursuivi les discussions sur
l’avenir du régime global de non-prolifération nucléaire avec l’ambassadeur
Martin Ney, vice-représentant permanent de l’Allemagne auprès des Nations
unies. Ce dernier a indiqué que l’équation qui prévalait en 1968 (année de
signature du TNP) n’était plus valable : nombre de pays en voie de
développement sont aujourd’hui déçus par la lenteur du désarmement nucléaire et
ont le sentiment qu’on leur interdit d’accéder aux technologies nucléaires
grâce auxquelles ils pourraient mener à bien des programmes à vocation
pacifique. La redynamisation du régime devrait dès lors concerner chacun des
trois piliers, à savoir le désarmement (en mettant l’accent sur la notion dite
« Global Zero »), la non-prolifération (via l’universalisation du
Protocole additionnel et d’autres mesures) et l’utilisation pacifique de
l’atome (en plaçant sous contrôle multinational les installations
d’enrichissement de l’uranium et de retraitement du combustible usé).
S’agissant de l’Iran, l’ambassadeur considère que la réponse doit s’élargir au
niveau international ; la prise de sanctions strictement nationales ne sera
pas efficace et aura pour seul effet d’amener l’Iran à rechercher d’autres
partenaires. Ceci étant dit, il importe, si l’on veut amener l’Iran à
abandonner son programme nucléaire ambigu, de mettre le peuple iranien face à
un véritable choix et de lui proposer des mesures d’encouragement. Exercer une
forte pression sur Téhéran ne servirait à rien, vu que la population soutient
en majorité les projets nucléaires du gouvernement.
EXPOSÉS SUR LA SÉCURITÉ À NEW YORK
La délégation de l’AP-OTAN a aussi entendu une série d’exposés sur
la gestion de la sécurité dans la ville de New York. Cette séance d’information
avait été organisée par Michael Balboni, ancien vice-secrétaire pour la
Sécurité publique de l’Etat de New York. Pour des raisons de sécurité,
certaines informations sensibles particulières communiquées dans le cadre de
ces exposés ne seront pas reproduites dans ces pages.
M. Balboni a commencé par évoquer la tentative récente d’attentat
terroriste à l’explosif perpétrée à Times Square. L’échec de ce projet montre
combien les différents organismes responsables et la population new-yorkaise
sont dorénavant sensibilisés à ce type de menaces. L’intensification visible
des activités terroristes ces dernières années a de quoi inquiéter, car il
s’avère extrêmement difficile de faire face à ces menaces asymétriques. D’un
autre côté, les tentatives d’attentats de Noël dernier et l’attaque programmée
sur Times Square montrent qu’on l’on a affaire à des terroristes souvent peu
expérimentés. M. Balboni a mis l’accent sur le rôle des citoyens ;
ainsi, dans le cas de l’incident de Times Square, c’est un marchand ambulant
qui a donné l’alerte.
L’intervention de Terry Hastings, chef d’état-major adjoint au
Bureau de la sécurité intérieure de l’Etat de New York (OHS), portait sur le
rôle de cet organisme en matière de prévention, de protection et de préparation
face aux attentats terroristes et autres situations dangereuses.
M. Hastings a aussi rappelé que l’analyse du renseignement et la mise en
commun de l’information contribuent de manière essentielle à la prévention
d’incidents du type de l’attentat manqué de Times Square. L’OHS organise
également des entraînements et des exercices de lutte antiterroriste reposant
entre autres sur des scénarios faisant intervenir des ADM. L’OHS soutient
l’Opération Safeguard qui a pour objectif, dans les 16 zones de lutte
antiterroriste que compte l’Etat, d’aller à la rencontre d’entités du secteur
privé dans le but de nouer avec elles un partenariat et de mieux sensibiliser
le public aux indices et activités suspectes qui pourraient faire penser au
terrorisme. En ce qui concerne la protection des infrastructures essentielles,
l’OHS organise la visite de certains sites critiques conjointement avec des
partenaires aux niveaux fédéral, des Etats et local, ainsi qu’avec des
propriétaires et exploitants du secteur privé. L’OHS participe aussi à
l’établissement de plans de protection et à des activités de partage de
l’information avec les parties prenantes intéressées. M. Hastings a également
évoqué les différentes technologies que les hommes du service de la Sécurité
intérieure sont amenés à utiliser.
Le général Patrick Murphy, adjudant-général de l’Etat de New York, a
évoqué la contribution de la Garde nationale de l’Etat de New York à la sûreté
et à la sécurité des populations locales. Forte de quelque 20 000 membres
répartis dans tout l’Etat de New York, la Garde nationale prête main forte sur
le plan intérieur à différentes autorités civiles, et fournit par ailleurs une
contribution aux missions menées par les Etats-Unis à l’étranger. Elle regroupe
des éléments de l’armée de terre, des forces navales et aériennes. La Garde nationale
prend ses ordres auprès du gouverneur au jour le jour, mais exerce aussi des
attributions au niveau fédéral. Elle a pour mission d’assister les autres
services lorsque ces derniers ont besoin de moyens supplémentaires (police,
pompiers, services de sécurité aéroportuaire, etc. – en tout, 53 partenaires au
niveau des Etats et à l’échelon fédéral).
La Garde nationale de l’Etat de New York a connu une mutation
profonde, passant d’un dispositif autrefois stationnaire à une configuration
plus flexible et plus efficace. Les membres de sa force opérationnelle EmpireShield sont prêts à assister les autorités civiles sur bref préavis. Ils
patrouillent également dans les aéroports, à Pennsylvania Station et
dans d’autres nœuds de communication particulièrement fréquentés. La nouvelle
stratégie axe les efforts sur les cibles d’action terroriste les plus
vraisemblables de la zone métropolitaine de New York, où vivent
19 millions de personnes. Le général Murphy a également évoqué les
technologies de pointe dont dispose la Garde nationale. En conclusion, il a
déclaré que l’Etat de New York fait office de modèle pour les agences des
autres Etats.
Ronald J. Masciana, chef-adjoint du Bureau de sécurité de l’Agence
des transports métropolitains, a évoqué les vulnérabilités dont souffre
actuellement le réseau new-yorkais des transports en commun et les stratégies
mises en œuvre par l’Agence pour combattre d’éventuelles menaces terroristes.
Il s’est en particulier attardé sur la menace bioterroriste et a décrit les
technologies déjà utilisées ou en cours de développement qui doivent permettre
de la réduire au minimum.
LE COMMANDEMENT ALLIÉ TRANSFORMATION DE L’OTAN (ACT)
Les parlementaires de l’OTAN ont quitté New York pour se rendre à
Norfolk, en Virginie, où ils ont visité le siège du Commandement suprêmeallié Transformation de
l’OTAN. Au nom de l’ACT, le lieutenant général à la retraite Jim Soligan, chef
d’Etat-major adjoint, a souhaité la bienvenue à la délégation et souligné, dans
son allocution liminaire, l’importance de la coopération avec les
parlementaires nationaux.
Le brigadier général José Demaria a ensuite fait un exposé sur la
politique de commandement de l’ACT. Le rôle de l’ACT, a-t-il souligné, consiste
à piloter la transformation militaire de l’OTAN, à mettre en place des
conditions propices au développement, pour les missions de l’OTAN, des
solutions technologiques présentant un bon rapport qualité-prix, et de
renforcer l’interopérabilité des forces de l’OTAN. L’ACT se considère comme le
premier acteur de l’Alliance au service du changement. Il travaille en étroite
coopération avec les Etats membres, des organisations non gouvernementales, le
monde universitaire et l’industrie. Divers centres d’excellence et agences
fonctionnant sous l’égide de l’ACT sont répartis sur tout le territoire de
l’Alliance.
L’approche de la transformation militaire prônée par l’ACT n’est pas
révolutionnaire, mais évolutive. En termes de développement capacitaire, l’ACT
fixe les modalités de la conduite des opérations futures, définit les capacités
qu’il faudra mobiliser aux fins de celles-ci et aide ensuite les pays à
acquérir – à titre individuel ou collectif – les moyens voulus, à entraîner et
à former leurs troupes en vue des opérations à venir et à élaborer les
doctrines et normes militaires pertinentes. L’ACT a pour objectif d’incorporer
les développements capacitaires à court, à moyen et à long terme dans un cadre
conceptuel intégré. C’est dans le domaine du développement capacitaire à moyen
terme (par ex., fusion du renseignement, capacités réseau centriques, systèmes
de commandement et de contrôle, etc.) que l’ACT apporte un véritable
« plus » à l’Alliance.
L’ACT contribue de manière significative au développement de
l’Approche globale qui doit présider à la mission de l’OTAN en Afghanistan. Il
travaille sur un plan d’action dans lequel sont recensées les mesures
spécifiques destinées à mettre l’Approche globale en œuvre au plan
opérationnel. L’ACT aide par ailleurs les pays à aligner leur planification de
défense sur les buts de l’Approche globale.
Au cours des échanges avec les parlementaires de l’OTAN, le général
Soligan et le général Demaria ont expliqué le rôle que joue l’ACT dans
l’établissement du nouveau Concept stratégique de l’OTAN. L’ACT formule des
avis et diffuse des documents spécialisés sur des questions spécifiques comme
la sécurité spatiale, le cyber défense, les systèmes de commandement et de
contrôle de demain, etc. Le général Soligan a précisé que l’identification des
nouveaux défis n’était qu’une première étape – si les politiciens décident, par
exemple, de faire figurer la sécurité énergétique dans le mandat de l’Alliance,
il appartient ensuite aux agences comme l’ACT de mener une réflexion sur les
incidences concrètes qu’aura cette mesure en termes de capacités et de
doctrine.
Le Major Général Kjell Ove Skare a évoqué le très sérieux problème
des engins explosifs improvisés (EEI), qui se trouvent à l'origine de 70%
environ des pertes subies par les Alliés en Afghanistan. L'ACT a mis sur pied
une équipe de projet intégrée sur la lutte contre les EEI dont les travaux ont
pour objectif d'atténuer la menace que ces derniers font peser sur les troupes.
Étant donné que le danger représenté par les EEI ne disparaîtra pas de sitôt,
il importe avant tout de préparer les troupes à y faire face. Les avancées
technologiques renforçant la capacité de détection des EEI jouent ici un rôle
crucial, de même que le partage du renseignement, qui doit permettre d’acquérir
une connaissance plus approfondie de la situation. La coopération avec les
organes non militaires chargés du maintien de l'ordre et d'autres acteurs
civils est elle aussi indispensable. Une meilleure protection contre la menace
que représentent les EEI passe également par la coopération multinationale,
notamment sous la forme d’un financement commun des équipements et de
l’entraînement conjoint. Alors que les budgets de la défense font l’objet de
coupes sombres d’un bout à l’autre de l’Alliance, les parlementaires ont un
rôle fondamental à jouer dans ce contexte, qu’il s’agisse de dégager des
crédits suffisants, de lever les réserves nationales ou d’encourager la
coopération internationale. La détection et la neutralisation des EEI font
appel à des technologies robotiques et sans pilote trop coûteuses pour de nombreux
Alliés, et une mise en commun des capacités et des ressources s’avère donc
essentielle.
Le Major Général Jaap Willemse a évoqué la contribution de l'ACT à
la mise au point du système OTAN de défense antimissile. L'OTAN a adopté, dans
ce domaine, une approche à deux voies :
·la conception d'un système ALTBMD censé protéger
ses troupes déployées contre des missiles à courte et à moyenne portée et
·l'étude d'un éventuel bouclier antimissile
devant mettre à l'abri le territoire et les populations de l'Alliance.
Alors que les pays développent actuellement, à leur niveau, toute
une série de capacités de défense antimissile, on s’attend à ce que l’OTAN joue
un rôle de plus en visible dans ce domaine, notamment en fournissant des
systèmes de commandement, de contrôle et de communication adaptés à l'ALTBMD
et, plus tard peut-être, un bouclier antimissile complet. Ceci dit, de
nombreuses questions de première importance restent à régler dans ce contexte,
comme les relations avec la Fédération de Russie, la gestion des débris après
l'interception et les coûts, considérables, attachés à ce type de projets.
Le général Demaria a quant à lui présenté une des initiatives
majeures pilotées par l'ACT ces dernières années, à savoir le projet Futurs
Multiples. Futurs Multiples envisage quatre scénarios plausibles
pour la planète en 2030 :
·la face cachée de l'exclusivité (sur les
importantes retombées de la mondialisation, du changement climatique et d’une
distribution déficiente des ressources sur l'aptitude des États à préserver
leur souveraineté);
·la stabilité trompeuse (sur la nécessité de
gérer l'évolution démographique consécutive au vieillissement des populations
et à la présence de populations migrantes jeunes);
·le choc des modernités (ébauche d’un monde où la
foi dans le rationalisme et les innovations technologiques se sont conjuguées
pour permettre à des sociétés dotées de réseaux de pointe de se connecter entre
elles presque partout dans le monde)
·la politique des nouvelles puissances (sur une
croissance de la richesse absolue accompagnée d'une prolifération généralisée
des ADM).
L'équipe de l'ACT a également évoqué les retombées spécifiques de
chacune de ces projections en termes militaires et de sécurité.
Naturellement, aucun de ces scénarios ne se concrétisera jusqu'au
moindre détail tel que décrit plus haut ; il faut plutôt y voir un moyen
d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion et de se détacher des questions
urgentes du moment pour se concentrer sur les grands enjeux de demain. Ces
projections dans le futur offrent à l'OTAN des instruments jusqu’à présent
inégalés pour influer positivement sur l'environnement de demain et contribuent
en même temps à faire en sorte que l'Alliance soit suffisamment alerte et
souple pour affronter les enjeux à la fois imprévisibles et complexes dont
l'avenir est porteur.
Après avoir entendu les exposés de l'ACT, la délégation de
l'Assemblée a visité l'USSCarr, une frégate multi-missions de la
marine des États-Unis.
EXPOSÉS SUR LES MENACES BIOLOGIQUES
Le 6 mai, la délégation de la STC a entendu à Washington une série
d'exposés présentés par des experts sur le bioterrorisme et la bio défense.
Cette session était organisée par la société Emergent BioSolutions, qui
figure parmi les principaux partenaires du gouvernement fédéral américain pour
le développement, la fabrication et la fourniture de contre-mesures médicales
de pointe en termes de bio défense.
Dans son allocution d'ouverture, Fouad El-Hibri, président du
Conseil d'administration d’Emergent BioSolutions, a déclaré que le monde
d'aujourd'hui, en devenant un espace restreint, devient également plus
vulnérable à la menace bioterroriste. Il est essentiel, si l'on veut atténuer
les incidences d'une attaque biologique, de se doter de contre-mesures
médicales. Ces dernières peuvent s'avérer effectivement très efficaces. Un
partenariat étroit entre les pouvoirs publics et l'industrie sera donc
déterminant. En effet, le gouvernement va gérer la demande, rechercher les
capitaux, les talents et les ressources nécessaires, tandis que le secteur
privé, plus efficace lorsqu’il s’agit de produire, développera concrètement les
moyens demandés. EmergentBioSolutions offre un bon exemple
d'un tel partenariat. Après avoir racheté à l'État du Michigan sa principale
unité de production située à Lansing, la firme a bénéficié dans les premiers
temps d'un soutien gouvernemental qui lui a permis de s’imposer en tant que
producteur efficace d’agents de qualité et est parvenue à devenir un important
fournisseur du département de la Défense. Le produit-phare d’Emergent BioSolutions
est le BioThrax, seul vaccin fabriqué sous licence qui permette de prévenir la
maladie du charbon, ou anthrax. Si l’on veut assurer une protection complète
des populations face à des attaques biologiques, il faut cependant développer
un éventail de nouvelles contre-mesures qui puissent tenir chacun des
différents agents pathogènes en échec. D'après M. El-Hibri, cet objectif
pourrait être atteint d'ici une décennie, à condition d’encourager
l’indispensable partenariat entre secteurs public et privé.
L’exposé de Daniel J. Abdun-Nabi, président-directeur général, avait
pour objectif de présenter EmergentBioSolutions. L’orateur a
déclaré que les principaux clients de cette dernière sont le gouvernement
américain et ses différentes agences. Il a aussi fait observer que si l'anthrax
est effectivement un agent pathogène susceptible d’intéresser fortement des
terroristes, il n’en faut pas moins se concentrer également sur d’autres
maladies, la tuberculose par exemple. Bien que l'agent pathogène à l'origine de
la tuberculose ne soit pas l’œuvre de l'homme, cette maladie fait peser une
grave menace sur nos populations et nos économies. C’est pourquoi Emergent BioSolutions
travaille actuellement à la mise au point d'un vaccin contre la tuberculose.
L'orateur suivant était H. James Saxton, ancien membre du Congrès
des États-Unis, qui a mis en exergue le rôle important des législateurs pour
sensibiliser le public à la menace terroriste. Nos sociétés et nos dirigeants
doivent être vigilants et faire en sorte que les mécanismes de défense
nécessaires soient en place. L’anthrax constitue une menace particulièrement
sérieuse du fait qu’il est relativement facile à produire (la procédure à
suivre est disponible sur Internet) et à disséminer (via le réseau du métro,
par exemple). De faibles quantités de pathogènes suffisent en outre pour
obtenir un effet dévastateur. Il est dès lors nécessaire, à côté des
contre-mesures médicales comme les vaccins que développe Emergent
BioSolutions, de mettre au point des capteurs capables de détecter en temps
réel la présence d’agents pathogènes mortels.
Au cours du débat, les participants ont demandé aux experts pourquoi
les attaques biologiques étaient restées à ce jour si rares, et leur portée, si
limitée. L’explication pourrait tenir au fait que les organisations terroristes
attendent peut-être le bon moment pour mener une frappe spectaculaire dans une
capitale occidentale. A supposer qu’un tel incident se produise, nos sociétés
demanderont aux politiciens de s’expliquer sur les mesures prises pour prévenir
une telle attaque et s’y préparer. Ceci étant dit, si nos pays sont prêts et
disposent de stocks suffisants de contre-mesures, les terroristes ne seront pas
incités à passer à l’action. Tant les parlementaires de l’OTAN que les
participants américains ont dû reconnaître que le niveau de sensibilisation au
problème est moins élevé en Europe qu’aux États-Unis. Le financement des
contre-mesures biologiques reste limité en Europe, en raison notamment de
l’opinion répandue selon laquelle les gouvernements ont réagi de manière
exagérée (et consacré des montants excessifs) à l’épidémie de grippe porcine de
l’an dernier. Quoiqu’il en soit, les différents orateurs ont pressé les Alliés
européens d’œuvrer plus activement à la constitution de stocks de
contre-mesures suffisants à l’échelon régional ou national.
Robert Kadlec, retraité du ministère de la Sécurité intérieure, a
présenté un historique de la guerre biologique et dressé un bilan de la
situation actuelle. Il devient chaque jour plus évident que certaines
organisations terroristes, comme Al-Qaida, éprouvent un intérêt croissant pour
certains agents pathogènes mortels et cherchent à recruter des biologistes.
Avec la mondialisation, cette menace devient de plus en plus concrète.
L’orateur a décrit les efforts que déploie le gouvernement des États-Unis pour
mettre le pays à l’abri des attaques biologiques. Il a souligné que les
États-Unis avaient déjà, pour l’essentiel, mis en place l’arsenal législatif
voulu et que les autorités – tant l’administration actuelle que la précédente –
accordent à cette question une attention suffisante. Immuniser la population
tout entière n’est pas réaliste, a insisté M. Kadlec, mais il faut absolument
disposer de stocks de vaccins ne fut-ce que partiels à l’intention des
intervenants de première ligne et des premières victimes.
Tevi Troy, chercheur invité à l’HudsonInstitute et
anciennement vice-directeur du Département américain des services sanitaires et
sociaux, a rappelé pour sa part que les deux grands partis américains ont passé
un accord sur la défense biologique et que cette dernière figure parmi les
priorités essentielles du gouvernement. L’attaque à l’anthrax dirigée en 2001
contre le Congrès a rapidement donné lieu à l’adoption d’une législation
adaptée et à un relèvement du financement de la recherche sur les
contre-mesures et les méthodes de diagnostic. D’autres pays ont eux aussi
progressé sur cette voie ; ainsi, M. Troy a fait état de plusieurs projets
de grande envergure menés en Turquie, en Australie et en Autriche. L’Union
européenne pourrait toutefois en faire plus pour consolider sa bio-industrie.
L’OTAN devrait elle aussi envisager des mesures de bio défense et ce, même dans
le contexte de sa mission relevant de l’article 5, car un pays touché par une
attaque biologique se trouve forcément en butte à de profondes difficultés
politiques, économiques et physiques. Les structures de l’Alliance pourraient
être mises à profit pour partager l’information et éviter des doubles emplois inutiles.
On peut également citer, entre autres recommandations, une coopération plus
étroite entre agences de renseignement ; un renforcement de la sécurité
physique dans les installations de recherche biologique ; la création, à
l’intention des Alliés, d’une base de données protégées sur les agents
pathogènes et les contre-mesures et enfin, l’adoption de mesures propres à
stimuler les investissements.
Michael Rogers, membre de la Chambre des
représentants des États-Unis, a clos la séance et exhortant ses collègues
européens à appuyer les politiques et mesures conçues pour protéger nos
sociétés face aux menaces biologiques.
Respectueusement
soumis,
L’honorable Sénatrice Jane Cordy
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)