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Rapport

Introduction

La délégation canadienne à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (l’AP OTAN) a l’honneur de présenter son rapport sur la Réunion conjointe de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l’économie et de la sécurité et de la Commission politique, qui s’est tenue à Bruxelles (Belgique) du 13 au 15 février 2015. Le Canada était représenté par la députée Cheryl Gallant, chef de la délégation canadienne, la sénatrice Raynell Andreychuck, le sénateur Daniel Lang, le sénateur Joseph A. Day ainsi que les députés Steven MacKinnon, Pierre Pau‑Hus et Anthony Rota.

Les réunions conjointes tenues une fois l’an à Bruxelles, auxquelles participent aussi les membres de la Commission sur la dimension civile de la sécurité et de la Commission des sciences et des technologies, ont pour objectif principal de permettre aux délégués de faire le point sur les activités et opérations de l’Alliance avec de hauts fonctionnaires et officiers militaires en poste au quartier général de l’OTAN. Les délégués du Canada ont assisté aussi à une séance d’information organisée par la représentante permanente du Canada à l’OTAN et ambassadrice, Mme Kerry Buck, et le représentant militaire du Canada à l’OTAN, le vice-amiral Bob Davidson.

Les réunions à Bruxelles se sont déroulées selon la règle de Chatham House.

RÉSUMÉ DES DISCUSSIONS

Lutte antiterroriste de l’Union européenne

Il est souligné que l’OTAN est une alliance de défense collective et que, par conséquent, chaque État membre est responsable de sa propre sécurité. L’OTAN appuie cependant les actions antiterroristes de l’Union européenne. Afin d’appuyer celle-ci et ses mesures pour gérer la crise des réfugiés syriens, le 2e Groupe maritime permanent de l’OTAN fournit notamment à FRONTEX (agence responsable de la sécurité à la frontière de l’Union européenne) les renseignements recueillis sur les opérations de migration clandestine dans la mer Égée. FRONTEX s’en sert ensuite pour intercepter les navires de migration clandestine et renvoyer les passagers en Turquie où on traitera leur demande d’asile en bonne et due forme.

Un délégué du Canada demande quelles règles d’engagement avaient été données au 2e Groupe maritime permanent de l’OTAN concernant le sauvetage des passagers à bord des navires de migration clandestine en détresse. Il lui est répondu que les quatre pays (Canada, Allemagne, Turquie, Grèce) dont les navires participent à l’opération de l’OTAN, sont tenus par leurs obligations nationales de respecter les lois maritimes visant les navires en détresse.

Le fait à la fois d’intensifier l’échange de renseignements et de protéger les droits à la vie privée constitue un point névralgique, puisqu’il est question de répondre à une menace terroriste lancée par des combattants étrangers rentrant au pays, dont certains profitent des flux migratoires pour rentrer en Europe sans être découverts. Il est donc indispensable d’établir une approche globale. Par exemple, les 700 analystes d’Europol s’efforcent d’apparier les renseignements criminels des pays respectifs; il a d’ailleurs été proposé d’élargir les efforts pour échanger aussi des analyses.

Des questions sont soulevées à propos de la fonctionnalité des réseaux d’échange d’informations en place, tel que le Système d’information Schengen (le SIS), qui ne permet toujours pas de procéder à l’examen systématique de chaque personne franchissant une frontière de l’Europe. En théorie, il est possible avec le SIS d’effectuer instantanément une recherche dans de multiples bases de données sur les citoyens de l’Union européenne, mais pas sur les ressortissants de pays tiers. Encore là, il faut assurer un contrôle systématique, en particulier pour repérer les passeports faux ou volés.

À cet égard, on prône l’intensification de l’échange de renseignements et l’appariement des principales bases de données européennes. Par contre, les lois sur la protection de la vie privée exigent que les renseignements personnels recueillis soient utilisés à la seule fin pour laquelle ils l’ont été, un principe représentant un obstacle. Par exemple, ce principe empêchait, jusqu’à tout récemment, l’échange de données biométriques (empreintes digitales) des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière recueillies par les États membres de l’Union européenne dans le cadre du programme Eurodac. En effet, la collection des empreintes digitales de l’Eurodac servait uniquement à déterminer le pays de l’Europe qui sera chargé de traiter le dossier des demandeurs d’asile. Elle ne pouvait donc pas être transmise aux services de police de l’Europe pour la comparer aux bases de données de casiers judiciaires, même s’il est logique de procéder ainsi pour déceler les faux papiers. La nouvelle réglementation autorise désormais la comparaison avec le système d’information sur les visas (lorsqu’elle est autorisée) ainsi qu’avec des bases de données de casiers judiciaires sous des conditions strictes et seulement aux fins de prévention d’actes terroristes ou criminels graves. Pour l’heure, Europol et les organismes d’application de la loi nationaux ne sont toujours pas autorisés à effectuer des recherches systématiques dans la base de données d’Eurodac, ni de transmettre ces données à des pays tiers.

On préconise également d’intensifier l’échange de renseignements entre l’Europe et les États‑Unis. Un représentant fait remarquer que ces derniers continuent de surclassifier leurs renseignements. Les États‑Unis ont répliqué que trop d’importance était accordée au principe visant à protéger les sources et méthodes dans les décisions sur l’échange de renseignements avec les tierces parties.

Il y a toutefois opposition à l’intensification de l’échange de renseignements. Un délégué fait valoir que les approches fondées sur les données massives ne pallient pas la difficulté d’agir en fonction des données d’avertissements disponibles.

En ce qui a trait à la lutte de l’Europe contre la radicalisation et la violence, un délégué du Canada soulève une question sur les causes premières de cette radicalisation. On avance que la cause première se trouve dans les politiques sectaires de pays comme l’Iraq, où le pouvoir n’est pas partagé équitablement entre les chiites et les sunnites. Un autre délégué souligne que le salafisme et le « climat d’intolérance » en découlant font aussi partie du problème. Il est suggéré que le financement versé par l’Arabie saoudite aux imams et mosquées du monde entier pour promouvoir l’intolérance pose aussi problème et que, vu la présence de 200 millions de musulmans en Europe, il faut consacrer davantage d’efforts à former les imams en sol européen. Pour finir, il est dit qu’il serait injuste envers les défenseurs de courants de l’Islam plus éclairés d’affirmer que la religion ne joue aucun rôle dans le terrorisme.

Programme politique de l’OTAN en vue du sommet de Varsovie

Les menaces auxquelles l’OTAN est exposée sont complexes, voire impossibles à neutraliser. Il faut des générations pour en éliminer certaines, notamment celles causées par le terrorisme. Les menaces proviennent de divers fronts, essentiellement sur les flancs est et sud. On laisse entendre que l’OTAN peut être dépassée, occupée par les crises à court terme et les problèmes à long terme comme ceux découlant de l’annexion de la Crimée par la Russie et des manœuvres agressives de ce pays dans la région de la Baltique.

L’OTAN a affecté des ressources supplémentaires pour régler le problème relativement simple de la défense collective sur le flanc est, aidant ainsi les Alliés qui s’occupent de cette situation, mais pas ceux surgissant du flanc sud. Le front à l’est oblige certes l’OTAN à combattre sur son propre territoire, ce qu’un représentant a décrit comme « dans notre nature de faire », mais il n’existe aucune solution simple, ni aucune porte de sortie en vue de mettre fin aux menaces sur le flanc sud.

Par conséquent, on fait valoir que l’OTAN doit trouver les interventions justes et adaptées aux problèmes que les deux régions présentent. Pour se préparer aux affrontements sur le flanc est, l’OTAN doit :

·         déterminer ce qu’il faut pour établir une force de dissuasion dans la conjoncture actuelle;

·         se préparer à une guerre hybride;

·         accepter de nouveaux membres tout en recherchant le dialogue avec la Russie;

·         établir une stratégie pour traiter avec la Russie sur le long terme, notamment la communication des « limites » en temps de crise.

Pour ce qui a trait à la force de dissuasion dans la conjoncture actuelle, on posera au sommet de Varsovie de l’OTAN organisé en juillet 2016 des questions clés, notamment sur le nombre nécessaire de forces déployées en avant pour établir un « dispositif-piège » efficace sur le flanc est. Au départ, l’OTAN privilégiait la mise sur pied d’une capacité de réaction rapide composée de troupes qui serviraient de renfort, mais qui répondraient aussi à d’autres urgences. Ce « dispositif-piège » est une force de type « fer de lance » composée de 5 000 membres de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation, qui font partie des 40 000 membres de la Force de réaction de l’OTAN, les deux forces étant sous l’autorité du Commandement suprême des Forces alliées en Europe (SACEUR).

Vu le comportement agressif que la Russie a montré dernièrement, les États du centre et de l’Est de l’Europe membres de l’OTAN prônent une approche maximaliste pour le « dispositif‑piège » selon laquelle des troupes seraient stationnées de manière permanente sur leur territoire respectif. Certes, le fait que les États‑Unis injectent 3,4 milliards de dollars américains dans leur initiative pour rassurer l’Europe montre que la nécessité d’un déploiement en avant plus fort est de plus en plus acceptée. Il faut cependant se pencher sur le moyen d’impliquer de multiples pays dans ce déploiement et de le pérenniser.

Dans le cadre de ses mesures visant les problèmes du flanc sud, l’OTAN doit tabler sur ses partenariats avec les acteurs régionaux autant que possible. À cet égard, il est essentiel de développer la capacité de défense de partenaires comme l’Iraq, la Tunisie et la Jordanie. Le développement de cette capacité de défense dans un environnement hostile, comme la Libye, amène un autre lot de questions que l’OTAN devra régler les prochains mois.

Même si l’OTAN ne participe pas officiellement aux opérations menées en Iraq et en Syrie par la coalition internationale, certains de ses membres y assurent un rôle prépondérant. L’OTAN les soutient par la fourniture de ressources clés que les membres ont engagées dans les opérations de la coalition, notamment son parc aérien du Système aéroporté d’alerte et de contrôle.

Budget de défense des Alliés – Réalisation de l’engagement en matière de dépenses en défense

Lorsqu’on examine le budget de défense des membres de l’OTAN, il est important de savoir qu’aucun consensus n’existe sur la teneur d’un budget de défense. En effet, un État membre peut procéder à de l’approvisionnement militaire sans toucher à son budget de défense, mais la Division de la politique de défense et de planification de l’OTAN examine l’ensemble des dépenses militaires. La Division examine aussi le résultat réel des dépenses engagées, à savoir si d’autres fonds sont simplement affectés pour satisfaire seulement les exigences en matière de défense nationale ou si les fonds sont investis dans le partage du fardeau de l’OTAN.

Concernant l’investissement dans le partage de son fardeau, l’OTAN n’a pas besoin de plus d’effectifs, mais bien de davantage de matériel et de capacités dans les catégories essentielles au maintien d’un niveau élevé de préparation. Elle a besoin d’être prête à engager un combat à forte intensité contre un État pair et adversaire. Par ailleurs, les moyens employés en Afghanistan qui se sont révélés efficaces ne fonctionneront pas sur le front est. L’OTAN doit être en mesure de composer avec plus d’une situation difficile nécessitant une préparation élevée, soit des unités dotées de tout leur effectif entièrement formé et équipé de charges, de pièces et de munitions. Il importe de ne pas oublier le libellé de la déclaration à l’issue du sommet du Pays de Galles, selon laquelle les Alliés doivent aussi faire preuve de la volonté politique requise pour mettre à disposition les capacités et déployer les forces nécessaires le moment venu. Il est donc question d’une préparation obligatoire.

Il ne suffit pas d’atteindre le niveau des effectifs nécessaires pour doter la Force de réaction de l’OTAN, qui est de 40 000 soldats : l’OTAN doit aussi assurer leur déplacement et des renforts. Il y a peu de temps, l’organisation a dû se pencher sur la façon d’assurer des renforts sur son territoire, qui implique d’obtenir les autorisations des États participants pour déplacer l’équipement militaire – dont des aéronefs armés et d’autre matériel potentiellement dangereux – sur leur sol respectif. À cet égard, une délégation fait observer que le quartier général de l’OTAN avait eu besoin de deux mois pour négocier le déploiement de 2 100 soldats participant à l’exercice récent axé sur la région de la Baltique.

Un autre participant souligne que les États‑Unis sont essentiellement les seuls parmi les Alliés à pouvoir manœuvrer à l’échelle des divisions, tandis que les autres États membres peuvent tout au plus manœuvrer à l’échelle des brigades. Un délégué du Canada demande comment il est possible de concilier les besoins de manœuvre à l’échelle des divisions avec les difficultés de préparation à une guerre hybride, soit des petites unités de soldats combattant en civil. On lui répond que l’OTAN doit être prête au combat à forte intensité tout comme aux escarmouches de la guerre hybride.

Le sommet du Pays de Galles a donné lieu à une décision importante : se pencher à nouveau sur les questions de défense civile, à savoir la continuité des activités gouvernementales, la nourriture, l’eau et les capacités cybernétiques en cas d’attaque. L’attention apportée à ces questions, toutes des responsabilités nationales, contribue à la résilience de l’OTAN. Au sommet, l’organisation avait convenu de fixer des normes raisonnables pour atteindre un niveau de résilience acceptable. En prévision du sommet de Varsovie, les États membres doivent déterminer ces normes et la manière d’évaluer la conformité à celles-ci. La délégation canadienne obtient l’assurance que l’OTAN n’est pas en train de devenir un organisme de réglementation. Au lieu de cela, les membres devraient rendre des comptes sur les questions de résilience en raison du risque potentiel aux opérations.

Évolution des relations entre l’OTAN et la Russie avant le sommet de Varsovie

Les relations tendues entre l’OTAN et la Russie sont encore plus complexes que les problèmes rencontrés lors de la guerre froide, car la Russie ne respecte plus de nombreux instruments internationaux, notamment le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et le Document de Vienne de 2011. Il est conséquemment plus possible d’obtenir la prévisibilité garantie par ces instruments. Par exemple, on a établi le Document de Vienne 2011 et les mesures de confiance afférentes en considérant que les exercices éclair, comme ceux menés en permanence par la Russie, pourraient devenir la règle au lieu de l’exception.

Même durant la guerre froide, des domaines, comme la politique sur le nucléaire, restaient « intouchables ». Le dirigeant du pays ne pouvait les aborder sans d’abord consulter le Politburo et la Douma. Sous l’égide du président Vladimir Poutine, aucun débat n’a lieu, et la guerre nucléaire n’est plus chose impensable. Ainsi, le défilé du 9 mai à Moscou a attiré les foules, et les plus chaleureux applaudissements étaient réservés aux missiles balistiques intercontinentaux. Pour la Russie, l’importance des armes nucléaires dépasse le prestige; en menaçant de les utiliser, la Russie rend l’intimidation partie intégrante de sa propagande.

Pour réduire les risques causés par le manque de transparence et les activités militaires de la Russie, notamment les incursions aériennes et les exercices constants, l’OTAN doit assortir tout pourparler d’un dispositif de défense solide et dissuasif, composé en autres choses d’armes nucléaires. Dans sa planification, il n’a d’autre choix que de tenir compte de la politique sur l’utilisation d’armes nucléaires déclarée par la Russie.

Jusqu’en 2013, la région de la mer Noire ne constituait pas une priorité pour l’OTAN. La présence de l’Alliance dans la région, dont ses capacités de défense antimissile balistique, et les déclarations prononcées à ce sujet lors des sommets antérieurs revêtent maintenant de l’importance. L’OTAN a pourtant fort à faire pour régler le problème découlant de la stratégie complexe de la Russie dans la région et ailleurs.

Par ailleurs, l’OTAN s’inquiète des agissements de Moscou : son retrait du Traité sur les forces conventionnelles en Europe, son manquement aux obligations internationales à l’égard de la Crimée et de l’Ukraine, l’accroissement de ses forces dans l’oblast de Kaliningrad (enclave entre la Pologne et la Lituanie) et les efforts visant à renforcer ses forces nucléaires.

L’OTAN a démontré sa cohésion devant ce comportement menaçant par la mise en place de son plan d’action pour la réactivité et sa détermination à affronter la Russie et les alliés de celle-ci. Elle demeure tout de même prête à négocier des modifications, notamment la mise à jour du Document de Vienne de l’OSCE et un cessez-le-feu en Syrie.

La délégation du Canada a fait remarquer plus tôt que le soutien de la Russie à la Syrie crée des difficultés sur le flanc sud de l’OTAN. D’autres se sont dits d’avis que la coopération russo-syrienne nuit à la Turquie et à l’Europe de manière plus générale et que la tactique russe de transformer les réfugiés en armes revient à utiliser des « petits hommes verts de Crimée » pour porter tort à l’OTAN. La Russie et l’OTAN ont beau avoir des objectifs divergents quant au groupe armé État islamique, mais il est beaucoup plus urgent d’obtenir un cessez-le-feu en Syrie.

État de préparation des forces pour les opérations en cours et à venir

À leur rencontre tenue à Bruxelles les 10 et 11 février 2016, les ministres de la Défense des États membres de l’OTAN ont discuté des répercussions d’un rapport récent de la Rand Corporation, intitulée « Reinforcing Deterrence on NATO’s Eastern Flank ». À la lumière des observations sur les jeux de guerre menés en 2014 et 2015, le rapport conclut que la Russie pourrait envahir les pays baltes en 60 h vu le déploiement des forces et les capacités de l’OTAN à l’heure actuelle. Toujours à la lumière des observations, le Commandement suprême des Forces alliées en Europe a été chargé de faire rapport sur la nécessité d’augmenter la présence en avant de l’OTAN dans la région de la Baltique.

Pour ce qui est des capacités de déni d’accès et d’interdiction de zone, le renforcement des capacités militaires russes à Kaliningrad est inquiétant. Ces capacités se composent notamment de systèmes de missiles sol-air S‑400, qui pourraient empêcher l’OTAN d’accéder à l’espace aérien de la région. Des préoccupations ont aussi été exprimées au sujet du possible déploiement permanent des systèmes de missiles mobiles Iskander capables de lancer divers missiles balistiques et missiles de croisière. En effet, les missiles Iskander-M sont des missiles à ogives multiples indépendamment guidés de portée tactique qui peuvent propulser de multiples ogives nucléaires simultanément sur un champ de bataille. Les missiles Iskander-K, des missiles de croisière, ont une portée suffisante pour mettre toutes les principales villes européennes au danger.

L’accroissement de la présence militaire russe dans l’oblast de Kaliningrad permet de semer la discorde entre la Pologne et la Lituanie si la petite région de Suwalki, au nord‑est de la Pologne, était envahie. Le déplacement des renforts de l’OTAN relèverait du cauchemar, selon un représentant, car il faut prendre en considération 88 ententes politiques avant de déplacer des troupes ou de l’équipement. Déjà difficile dans un environnement permissif, une telle entreprise le sera encore plus dans une situation de déni d’accès et d’interdiction de zone où des cyberattaques se produisent, d’après un participant.

Il est avancé que l’OTAN doit établir la manière de combiner les forces locales en temps de crise, le degré d’autorité à déléguer préalablement au Commandement suprême et le type de structure de commandement nécessaire. Concernant les besoins de la structure, le Commandement suprême a été sensiblement réduit les dernières années, puisque l’OTAN a surtout procédé à des déploiements au niveau de la brigade. Cette structure ne tient cependant pas en compte le fait que la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation ne suffira pas pour arrêter une invasion. Il faut réfléchir à ce qui arrivera à partir du troisième jour, d’ajouter un représentant.

Les infrastructures de transports, qu’il s’agisse des aéroports, des ports et des routes, méritent aussi réflexion, puisqu’elles sont essentielles à l’arrivée rapide des renforts. L’OTAN a mis sur pied un fonds commun à cet effet que les États‑Unis financent en partie dans le cadre de leur initiative pour rassurer l’Europe.

Quant à la guerre hybride, des questions ont été soulevées sur la vulnérabilité de l’OTAN aux « petits hommes verts » de l’Ukraine. Par ailleurs, les cyberattaques récentes contre la Grèce ont réveillé des craintes et, de fait, mettent en exergue l’importance de développer une résilience à ces tactiques. Les parlementaires sont prévenus qu’un engagement sur le renforcement des capacités de cyberdéfense sera conclu au sommet de Varsovie.

Au-delà de la question de l’échange de renseignements, l’OTAN manque d’indices et de mécanismes d’alertes officiels en matière de menaces hybrides. Il est essentiel de savoir ce qu’il faut chercher dans une guerre hybride. En effet, l’organisation doit se préparer à prendre des décisions à la lumière de renseignements fragmentaires. L’OTAN et l’Union européenne doivent établir ensemble une évaluation inclusive d’une guerre hybride et un mécanisme d’alertes lointaines puisqu’elles sont déjà tenues de travailler en étroite collaboration.

Le 10 février 2016, l’OTAN et l’Union européenne ont signé une entente sur l’échange de renseignements sur les cyberincidents. Il est avancé que les deux organisations doivent maintenant en conclure sur d’autres formes de crises dans un contexte hybride. La campagne de désinformation de la Russie sur le viol d’une femme germano-russe par des hommes associés au flux migratoire de Syriens ne représente qu’un exemple de difficulté hybride qui exige un échange de renseignements rapide.

Dès qu’une entente sur les indices et les alertes concernant les menaces hybrides sera conclue, l’OTAN sera mieux à même d’établir des plans de réponse progressive et des scénarios réalistes à partir de ceux-ci auxquels les militaires et les diplomates prendront part.

L’OTAN et la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies

On a adopté en 2000 la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies (la Résolution 1325), qui presse les États membres d’adopter une démarche sexosécifique dans l’examen de conflits armés et d’opérations de maintien de la paix. Depuis, peu de travaux de mise en œuvre ont été accomplis à l’échelle mondiale, selon un participant.

L’OTAN a néanmoins bien des raisons d’être fière à propos de la mise en œuvre même s’il reste fort à faire avant la pleine réalisation des principes énoncés dans la Résolution. Il s’agit de la plus importante coalition, dans le monde, qui promeut activement la Résolution 1325.

L’OTAN doit pérenniser les investissements réalisés et les connaissances acquises à ce sujet. Par exemple, elle doit affiner ses connaissances sur les conséquences des conflits sur les femmes et les inscrire dans un cadre de sécurité inclusive. L’intégration d’une démarche sexospécifique représente un autre moyen d’affirmer que les analyses sexospécifique devraient faire partie de toute planification.

Le pourcentage de femmes aux postes de décision supérieurs de l’OTAN a diminué en 2015, passant de 10,5 % en 2014 à 10,3 % en 2015. Il y a eu des discussions sur la nomination d’une femme pour diriger le Commandement allié Transformation.

On a mentionné aux parlementaires l’importance du maintien des femmes en poste. Les membres de l’OTAN ont besoin d’instaurer un climat de travail où le harcèlement n’est pas toléré. Le ministre de la Défense nationale du Canada qui fait continuellement référence à « ses hommes et femmes » montre bien l’exemple. Il met en évidence l’utilisation de toutes les ressources disponibles.

Dans la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation, la perspective des sexes revêt de l’importance pour certaines questions, notamment le recrutement des femmes. Par exemple, les recherches ont montré que l’attrait des hommes et les femmes envers le Groupe armé État islamique n’est pas déclenché par les mêmes facteurs.

Le cadre de la Résolution 1325 vient enrichir la réflexion des États membres de l’OTAN sur la crise des réfugiés. Il faut intégrer dès le départ une analyse sexospécifique aux évaluations des besoins.

Un participant fait valoir que l’égalité des droits constitue le fondement du système et qu’il faut donc la traduire en gestes concrets.

Guerre de l’information

L’OTAN s’est dotée d’une stratégie en affaires publiques, dont les objectifs vont comme suit : « vigilance » grâce à une veille médiatique constante; « analyse » pour mieux saisir la composition du public cible, les informations que ce dernier reçoit et la manière de contrer toute désinformation; « prévisions de contre-discours » qui sont fondées sur les valeurs de l’Alliance et déboulonnent les mythes, et « harmonisation » au sein des Affaires publiques de l’OTAN et de l’ensemble de l’organisation ainsi qu’avec les organisations partenaires.

L’OTAN a un portail Web appelé « Mise au point », qui sert à informer le public et à rejoindre directement les médias en Géorgie, en Moldavie, au Monténégro, en Russie et en Ukraine grâce à des entrevues et à des participations à des émissions-débat. L’organisation coopère aussi avec l’Union européenne pour lutter contre la désinformation répandue par la Russie.

L’imagerie satellite joue par ailleurs un rôle prépondérant. En effet, l’OTAN a fourni aux médias des images qui montrent l’accroissement des forces russes le long de la frontière ukrainienne et a marqué ainsi un moment décisif, qui a changé la perception des médias internationaux.

Ne possédant pas ses propres satellites de reconnaissance, l’OTAN ne peut donc pas étayer immédiatement ses affirmations avec des images satellites. Pour fournir aux médias les preuves qu’ils sollicitent, le Bureau des affaires publiques de l’OTAN (le Bureau) doit donc demander à ses États membres de déclassifier et de transmettre des images satellites. Bien qu’il soit plus facile d’obtenir les mêmes images d’opérateurs satellitaires, le Bureau évite de procéder ainsi, car les journalistes accordent davantage de crédibilité aux images déclassifiées.

Le Bureau ne mène pas non plus ses propres enquêtes d’opinion, et certains membres interdisent d’en commander. Il lui devient plus difficile de mesurer les répercussions de ses travaux.

Le Bureau possède peu de moyens de rejoindre le public russe, mais ses porte-parole participent assez souvent aux émissions-débat. Il faut affecter des ressources considérables pour assurer une veille constante des médias russes et réfuter toute désinformation. Le Bureau doit donc investir de manière équilibrée à la fois pour rejoindre l’intelligentsia russe et conserver l’appui des tenants de l’Alliance.

La Russie s’en tient généralement au même discours, mais elle en varie l’optique. Par exemple, elle mène une campagne contre l’Ukraine, en suspens pour le moment, et adopte maintenant une optique sur l’OTAN. C’est ce qu’illustre l’allocution prononcée par le premier ministre Dimitri Medvedev le 13 février 2016 à la conférence sur la sécurité à Munich. Dans son allocution, il laisse entendre qu’une nouvelle « guerre froide » avait commencé et que les troupes de l’OTAN déployées dans l’Europe de l’Est et les Balkans avaient la Russie dans le viseur et cherchaient à la déstabiliser. Dernièrement, la Russie a adopté une optique voulant que le Monténégro soit « enrôlé » de force dans l’OTAN.

Rôle de l’OTAN dans la dissuasion, la non-prolifération et le désarmement en Europe aujourd’hui

L’OTAN a dû adapter son dispositif de dissuasion au fil des ans. Durant la guerre froide, un tel dispositif signifiait le déploiement en avant d’effectifs et de chars lourds ainsi qu’une force nucléaire assez considérable en Europe. De nos jours, il doit être plus flexible et modulable. En effet, le dispositif devra se caractériser par l’arrivée rapide des renforts (grâce au plan d’action pour la réactivité, à la Force de réaction de l’OTAN et au déploiement en avant), la présence permanente et en rotation (appuyée par des exercices constants) et des infrastructures nécessaires aux renforts (possibilité de stationnement).

En somme, les ministres de la Défense des États membres de l’OTAN ont conclu que la vitesse, la puissance et la résilience représentaient les principaux thèmes du sommet de Varsovie.

Un dialogue constructif avec la Russie ne peut se tenir en l’absence de forces de dissuasion et de puissance. On rappelle aux parlementaires que, dans les années 1970, il y a d’abord eu un accroissement de la présence militaire pour assurer une stabilisation avant l’engagement de pourparlers sur le contrôle des armements. C’est seulement par la suite que des percées décisives ont pu être accomplies.

Le dispositif de défense solide et dissuasif de l’OTAN a fait l’objet d’un examen en 2012. Il sera peut-être inscrit à l’ordre du jour du sommet de Varsovie, mais il est plus probable qu’on discute de la réouverture du Concept stratégique. Par exemple, l’accroissement des forces russes dans la région de Kaliningrad oblige l’OTAN à se pencher sur la défense antimissile, notamment pour ce qui est des menaces posées par les missiles de croisière. On privilégie l’alerte lointaine en matière de défense antimissile dans la conjoncture actuelle. Pour repérer les lancements de missiles russes, l’OTAN a par conséquent besoin de ressources déployées en avant et en permanence, à l’exemple du système de détection interarmées à réseau maillé monté sur aérostat captif pour la défense antimissile de croisière d’attaque de l’armée américaine.

Table ronde des ambassadeurs à l’OTAN

La Présidente de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN prend la parole pour saluer la rapidité avec laquelle l’OTAN a répondu à l’appel à l’aide international concernant la crise des réfugiés. Elle exprime aussi des préoccupations sur l’utilisation des réfugiés par la Russie dans une campagne de guerre hybride contre l’OTAN, exhortant l’organisation à poursuivre ses actions de contre-propagande à cet égard.

Conclusion

Les séances de la Réunion conjointe des commissions, qui se tiennent tous les ans à Bruxelles, permettent aux délégués du Canada de discuter en profondeur des priorités actuelles de l’Alliance en matière économique et militaire avec de hauts représentants de l’OTAN et de l’Union européenne ainsi qu’avec des parlementaires d’autres États membres.

 

Respectueusement soumis,

 

 

 

Mme Cheryl Gallant, députée
Association parlementaire canadienne de l’OTAN
(AP OTAN)

 


 

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