Le député Leon Benoit a mené une
délégation canadienne au Forum parlementaire transatlantique qui a eu lieu à
Washington du 15 au 16 décembre 2008. La délégation se composait des députés
Claude Bachand et Cheryl Gallant et des sénateurs George Furey et Pierre-Claude
Nolin.
La huitième édition annuelle du Forum
se tenait sous les auspices de la National Defence University des États-Unis en
collaboration avec l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et l’Atlantic Council of
the United States. Plus de cent parlementaires de pays membres et partenaires
de l’OTAN y assistaient, soit le plus grand nombre jamais enregistré. Les
législateurs européens et canadiens ont pu faire le point des débats américains
sur la politique étrangère et de sécurité en discutant directement avec de
hauts représentants des milieux stratégiques et gouvernementaux de Washington.
Une quinzaine d’experts ont entretenu
les parlementaires de questions comme la nécessité de doter l’OTAN d’un nouveau
concept stratégique, la crise économique et financière mondiale, la
stabilisation de l’Afghanistan, l’évolution de la situation en Russie et les
perspectives de la nouvelle administration américaine. La présidente de la
Chambre des représentants, l’honorable Nancy Pelosi, a reçu tous les assistants
en l’honneur du représentant John Tanner, nouveau président de l’Assemblée
parlementaire de l’OTAN, dans la salle des statues de l'édifice du Capitole.
Elle a souligné la contribution essentielle du Forum à la discussion des enjeux
de sécurité et au dégagement de consensus parmi les alliés.
Les quatre premières séances ont eu
lieu le lundi 15 décembre. Dans son discours d’ouverture, le
président-directeur général de l’Atlantic Council of the United States a
indiqué que l’inauguration de Barack Obama offrirait peut-être une occasion de
resserrer les liens entre les États-Unis et l’Europe, mais qu’il faudrait aussi
que l’Europe soit disposée à la saisir. Il a noté que beaucoup avaient hâte que
l’OTAN adopte un nouveau concept stratégique dans l’espoir qu’il servira à
dénouer l’impasse dans les relations entre l’OTAN et l’Union européenne.
La première séance portait sur la
relation transatlantique de sécurité. Selon le premier intervenant, les
États-Unis et l’Europe semblent s’entendre sur les trois principales menaces
pesant sur eux – les armes de destruction massive, le terrorisme et
l’instabilité causée aux États faillit, mais ils ne s’entendent pas
nécessairement sur la façon de les contrer. Moins convaincu de la convergence
des perceptions de la menace, un autre intervenant se demandait si, avec
l’émergence des menaces « hors zone » contre la sécurité occidentale,
l’axe de la relation américano-européenne ne se déplaçait pas à l’extérieur de
l’Europe. Il se pourrait cependant que la résurgence de la Russie ramène le
nœud de la sécurité en Europe, mais il ne faudrait pas que cela crée un clivage
artificiel entre les États-Unis et l’Europe ou les détourne de leurs efforts
pour relever les défis à l’étranger. Dans ces conditions, il importe d’autant
plus de concevoir et de proclamer le nouveau concept stratégique de l’OTAN de
manière qu’il obtienne l’appui des populations de tous les pays membres.
La deuxième séance traitait des options
qui s’offrent à la nouvelle administration américaine au Moyen-Orient. Un
ancien ministre afghan a défini l’insurrection, le gouvernement afghan, la
communauté internationale, l’OTAN et le gouvernement américain comme
« forces motrices » en Afghanistan. Il estime que l’insurrection est
largement fondée sur une criminalité qui siphonne une partie des fonds de
développement. Selon lui, le gouvernement afghan est incompétent et ne respecte
pas la règle du droit. D’autre part, la communauté internationale lui semble
tout à fait inefficace et entravée par ses processus bureaucratiques. Chose
plus problématique, les équipes de reconstruction provinciales de l’OTAN
continuent de travailler en fonction de leurs priorités nationales plutôt que
d’un plan coordonné de l’OTAN. Dans bien des cas, l’OTAN fait du travail dont
les civils devraient se charger, mais à cause de l’inefficacité de la
communauté internationale, les militaires n’ont pas d’autre choix. À noter que,
bien qu’il n’ait pas rangé le Pakistan parmi les « forces motrices »
en Afghanistan, l’intervenant estime que les événements et les forces à l’œuvre
au Pakistan sont au cœur de l’insurrection afghane.
Dans une intervention assez
prémonitoire, l’intervenant suivant a observé que le conflit israélo-arabe
constituerait une priorité pour le nouveau président américain, notant qu’il
s’agit du plus vieux conflit régional subsistant au Moyen-Orient et qu’il
contrarie grandement tous les Arabes. Il a fait état des deux solutions
stratégiques traditionnelles, à savoir celle des « deux États » et
celle d’un seul État (binational). Deux possibilités s’offrent aux États-Unis.
Ils pourraient ou bien, chose improbable, se désengager tout simplement du
conflit et laisser les deux adversaires se débrouiller tout seuls, ou bien,
chose malheureusement plus que probable selon l’intervenant, continuer de s’en
mêler tant bien que mal.
La troisième session était consacrée
aux défis économiques mondiaux. Le modérateur a amorcé le débat en notant que
c’est la première « récession synchronisée du G7 » depuis la fin de
la guerre froide et que le Fonds monétaire international (FMI) « redevient
actif » face à des programmes d’aide économique régionaux qui rechignent
au soutien d’un FMI « américano centriste ». Un panéliste a noté que
le protectionnisme gagnait du terrain aux États-Unis et que le commerce extérieur
ne serait peut-être plus une grande priorité. Il estime cependant que l’Accord
de libre-échange nord-américain (ALENA) est « probablement sauf ». Un
autre panéliste a commenté les cinq problèmes qui attendent le nouveau chef du
National Economic Council des États-Unis. Selon lui, il faudra primo un
programme de relance économique plus musclé, secundo une politique de
desserrement du crédit et tertio une politique monétaire plus agressive. Il y a
aussi les difficultés financières imminentes de la zone euro, où il estime
qu’un certain nombre de pays sont sur le point de manquer à leurs engagements.
Enfin, les marchés émergents ont besoin d’aide pour traverser la récession.
Quant au FMI, il redevient actif en effet, mais seulement pour certains, juge l’intervenant.
Le FMI n’a apparemment pas assez d’argent « prêtable » et il n’y a
pas ou guère d’organismes qui soient disposés à prêter de l’argent à la Russie
à cause du lourd endettement de son secteur privé.
Pendant la quatrième séance, il a été
question des relations entre les États-Unis et la Russie. Un spécialiste des
affaires russes a soutenu que la Russie était en train de perdre son statut de
« superpuissance énergétique ». Elle réduit sa production et son
géant gazier national, Gazprom, passe pour peu fiable. La bourse russe ayant
piqué du nez, l’exécution des grands projets d’infrastructure énergétique est
improbable et les capitaux sortent du pays à flots. La corruption endémique
détourne les investissements étrangers. Les difficultés intérieures vont
entraver l’action de la Russie à l’étranger. Un ancien ambassadeur américain à
la retraite membre d’un groupe de travail sur l’avenir des relations
américano-russes a observé que, dans ces circonstances, la Russie voit d’un œil
inquiet l’élargissement de l’OTAN et l’installation de dispositifs de défense
antimissiles balistiques en Pologne et dans la République tchèque.
La cinquième séance a eu lieu le mardi
16 décembre. Le général James Mattis, United States Marine Corps, commandant
suprême allié Transformation et commandant des Forces interarmées des
États-Unis, a parlé des nouveaux défis stratégiques et de la transformation de
l’OTAN. Selon lui, l’époque est à la fois prometteuse et périlleuse. L’OTAN
envisage cinq « futurs alternatifs » pour que ses capacités
militaires restent utiles et efficaces. Il faut notamment que ses capacités
puissent être déployées et maintenues partout dans le monde. Il y a eu débat
sur le fait que, tout en se bornant à offrir à leurs maîtres politiques des
avis d’ordre militaire, les états-majors ont la responsabilité politique de
mieux expliquer au public pourquoi il faut des forces armées robustes et
l’importance des missions qui leur sont confiées. En ce qui concerne
l’Afghanistan, les législateurs doivent poursuivre leurs efforts pour expliquer
à leurs diverses clientèles pourquoi « nous sommes du bon bord ».
La sixième séance portait sur les défis
que pose le terrorisme à la communauté transatlantique. Un expert a expliqué
qu’il ne fallait jamais se limiter à un seul outil dans la lutte antiterroriste
et que l’action militaire était nécessaire quoique à elle seule insuffisante.
Il faut examiner les causes profondes et déployer un large programme capable de
toutes les traiter.
L’avenir de la politique américaine du
point de vue des médias a occupé la septième séance. Selon deux éminents
correspondants politiques, l’extraordinaire popularité de Barack Obama au pays
et à l’étranger offre l’occasion d’améliorer les relations à la fois nationales
et internationales. Toutefois, ont-ils mis en garde, la popularité d’Obama
repose jusqu’ici sur rien d’autre que l’espoir puisqu’il n’a encore rien fait
même si les nominations annoncées sont encourageantes. Le nouveau président se
trouve donc devant le défi imposant de « faire bouger les choses
vite » dès son arrivée au pouvoir. Il est néanmoins intéressant de noter
que, par leur ton général et leur réaction, les assistants s’attendaient à une
amélioration des relations transatlantiques sous une nouvelle administration
Obama.
Respectueusement soumis,
Mme Cheryl Gallant, députée
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)