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Rapport

 

Du 31 août au 7 septembre 2011, neuf parlementaires canadiens se sont rendus en France pour participer à la 38e Réunion annuelle de l’Association interparlementaire Canada-France.  La sénatrice Claudette Tardif dirigeait la délégation composée du sénateur Gérald Comeau, du sénateur Jean-Claude Rivest, ainsi que des députés Lois Brown, Jacques Gourde, Bernard Trottier, Yvon Godin, Robert Aubin et Mauril Bélanger. La délégation était également accompagnée de Serge Pelletier, secrétaire exécutif de la délégation, et de Jean-Rodrigue Paré, analyste.

La délégation française était quant à elle dirigée par le député Georges Colombier, et composée des sénateurs Marcel-Pierre Cléach et Joël Bourdin, ainsi que des députés Marie-Noëlle Battistel, Catherine Coutelle et Jacques Desallangre. La délégation française était également accompagnée par Matthieu Meissonnier et Alexandre Michel, respectivement secrétaire de l’Association pour le Sénat et l’Assemblée nationale.

Les membres de l’Association tiennent également à souligner la précieuse collaboration de Marc Berthiaume, chargé des relations politiques et parlementaires de l’Ambassade du Canada en France.

Le présent rapport est divisé en deux parties. La première traite des présentations de l’Ambassade du Canada en France et des réunions que l’Association a tenues sur les quatre thèmes choisis : techniques électorales et enjeux démocratiques; la politique familiale, enjeu de société, enjeu économique; l’avenir de la filière nucléaire après Fukushima; et les enjeux de l’accorde libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. La deuxième partie aborde les visites et les rencontres que l’Association a eu l’occasion de tenir de lors de son passage en France.

 

I.              Réunions thématiques

Les réunions thématiques sont au cœur du travail de l’Association. Elles permettent aux parlementaires d’aborder des sujets d’intérêt commun à partir de perspectives nouvelles amenées par les dynamiques politiques propres à la France et au Canada. Les fruits du dialogue ainsi initié peuvent ensuite être relayés par les parlementaires dans leur Parlement respectif, puis vis-à-vis leur gouvernement.

 

A.   Présentations des représentants de l’Ambassade

Lors de la soirée du 31 août, la délégation canadienne a participé à un dîner de travail en présence de représentants de l’Ambassade du Canada, à l’invitation de Kim Butler, chargé d’affaires. Les présentations ont permis aux membres d’avoir un aperçu des enjeux politiques et économiques en France qui sont d’un intérêt particulier pour le gouvernement du Canada.

Enjeux politiques

Marc Berthiaume a présenté le contexte pré-électoral et la course à la direction du Parti socialiste, deux sujets d’actualités qui retiennent particulièrement l’attention. Il a rappelé les défis auxquels faisaient face le président Nicolas Sarkozy à moins d’un an des élections présidentielles. À l’inverse, le système d’élections primaires mis en place par le Parti socialiste pour choisir son candidat pour la présidentielle a permis à ce Parti de reprendre une certaine initiative et a donné une visibilité précoce aux candidats, en particulier à Martine Aubry et à François Hollande.

Enjeux économiques

Jean-Dominique Lerachi, Ministre Conseiller, Affaires économiques et commerciales, a expliqué que la crise mondiale a eu des répercussions importantes en France. Déjà, on savait que les finances publiques étaient en mauvais état, mais le contexte européen, avant la crise, n’avait jamais été suffisamment éprouvant pour entraîner une remise en cause des acquis : âge de la retraite, semaine de travail, vacances, pensions, etc. Désormais, un climat d’incertitude plane sur tous ces éléments et il devient de plus en plus difficile d’en garantir le maintien.

Enjeux diplomatiques

Louise Blais,  Ministre Conseiller, Affaires politiques, a souligné que les conséquences de la crise économique sont au cœur des discussions bilatérales qui se déroulent en marge des négociations sur un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne. Par ailleurs, le dossier énergétique, avec en tête la question des gaz de schiste et l’exploitation des sables bitumineux, continue d’être une source d’inquiétudes en France. Finalement, elle a dit souhaiter compter sur l’appui des parlementaires dans le cadre des démarches entreprises par le Canada et la France afin que les plages du Débarquement de Normandie puissent être reconnues comme site du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Dans l’ensemble, bien que les regards soient surtout portés sur l’Union européenne, il n’en demeure pas moins que la relation entre la France et le Canada continue d’être une relation privilégiée.

 

B.   Techniques électorales et enjeux démocratiques

Les travaux de l’Association sur ce thème ont été lancés le matin du 1er septembre.

Le sénateur Comeau a d’abord présenté les particularités du système électoral canadien qui limitent l’influence des sondages sur le débat démocratique. Les sondages permettent d’avoir une idée assez précise de la tendance globale des intentions de vote, mais ils ne permettent pas de savoir comment ces intentions de vote se répartiront précisément dans les circonscriptions, et ils ne peuvent donc pas anticiper précisément les résultats d’une élection. À l’inverse, en France, le scrutin proportionnel fait en sorte qu’un sondage avec un échantillonnage relativement modeste peut prédire assez précisément les résultats d’une élection. Les sondages sont donc beaucoup plus nombreux et exercent une plus grande influence, en particulier durant une élection présidentielle.

Il existe des réglementations au Canada sur la diffusion des sondages et la publication des données méthodologiques, mais elles sont rarement suivies à la lettre. C’est surtout sur ce thème qu’ont porté les discussions qui ont suivi. Le député Desallangre était d’avis que les sondages devraient tout simplement être interdits, point de vue qu’a soutenu le député Godin. Le député Colombier a ajouté que les coûts des sondages pouvaient entraîner une inégalité nuisible à la santé démocratique. Le sénateur Cléach a fait valoir que les sondages, plutôt que de se faire le simple reflet de l’opinion publique, permettent de mobiliser un certain électorat contre un candidat. Selon le sénateur Rivest, le principe de la liberté d’expression limite ce qu’il est possible d’imposer aux maisons de sondages. Il est certain qu’on préférerait que les choix se fassent sur la qualité des politiques publiques, mais la réalité est que les politiques sont friands de tels sondages, et qu’ils se concentrent sur les individus. La députée Coutelle a décrit l’emprise quasi obsessionnelle des médias pour les sondages dès que les échéances électorales approchent. Finalement, un certain consensus a paru se dégager suite à l’intervention du député Bélanger, à l’effet qu’il serait souhaitable d’exiger plus de rigueur de la part des sondeurs.

Le député Godin a par la suite fait une présentation dans laquelle il a développé un point de vue critique sur les stratégies de publicité négative qui ont fait leur apparition au cours des dernières années au Canada. Selon lui, ces stratégies entretiennent le cynisme des citoyens envers la politique et détournent des véritables problèmes. Elles contribuent à renforcer des rumeurs et des craintes parfois mal fondées, et, au lieu de centrer la discussion sur la qualité des programmes, elles ne visent qu’à détruire l’adversaire. Il a de plus critiqué la décision du gouvernement du Canada d’abolir une catégorie des subventions aux partis politiques, car cela risque d’entraîner notre système dans une dérive à l’américaine où l’argent prime sur les besoins réels des gens. Selon lui, le coût d’environ 2$ par voteur  attribué aux partis chaque année  sur la base des votes obtenus est un prix modeste à payer pour assurer une saine démocratie.

 Durant le débat qui a suivi, le député Bélanger a rappelé les événements qui ont mené à la réduction des dons corporatifs, et, en guise de compensation pour les partis pénalisés, l’introduction de subventions publiques aux partis politiques. Le député Trottier a tenu à rappeler que, malgré le projet annoncé par le gouvernement d’abolir graduellement les subventions directes sur la base des votes obtenus par chaque parti, le gouvernement maintiendrait les crédits d’impôts pour les dons des individus aux partis  et le remboursement partiel des dépenses électorales. Le député Colombier a voulu manifester son accord avec le financement public des partis politiques. Les sénateurs Rivest et Cléach ont quant à eux souligné la méfiance du public envers les personnes ou les entreprises qui contribuent aux partis politiques.

Le député Trottier a ensuite fait une présentation sur les conséquences de l’utilisation des médias sociaux dans le contexte des campagnes électorales. Bien qu’il soit difficile d’établir une relation de causalité entre leur utilisation et le soutien des électeurs, il est indéniable qu’ils contribuent à mobiliser les électeurs déjà sympathiques. Le développement des technologies offre également de nouvelles possibilités, comme les « discussions ouvertes téléphoniques » qui permettent d’identifier rapidement un grand nombre de partisans. En revanche, les médias sociaux posent un risque pour les politiciens dont les propos peuvent être rapidement repris et disséminés. Ils attachent ainsi les acteurs politiques à une sorte de « laisse électronique » dont ils ne peuvent jamais se dégager. Malgré leurs avantages, ces nouveaux médias peuvent donc également représenter un risque politique important.

Lors des débats, tous les participants ont reconnu l’utilité des médias sociaux pour rejoindre à peu de frais un grand nombre de personnes et pour mobiliser les jeunes électeurs. Le député Aubin a décrit comment avec très peu de moyens, il a pu mobiliser un grand nombre de jeunes par l’entremise de Facebook et en diffusant des vidéos sur YouTube. La députée Coutelle a évoqué le risque de coulage lors de réunions à huis clos et le fait qu’il était impossible d’effacer les traces de ce qui s’est écrit dans le cyberespace. Le député Bélanger a finalement fait un plaidoyer en faveur de la présence des candidats en personne sur le terrain lors d’une campagne électorale.

La députée Coutelle a défendu le financement public des partis politiques en rappelant les scandales qui ont marqué plusieurs campagnes dans les années 1980-1990. Par la suite, une loi adoptée en 1998 a imposé des sanctions pour les contrevenants à venir, mais a amnistié les personnes soupçonnées d’avoir participé illégalement à certaines activités de financement. En 2007, un plafond de dépenses a été introduit, ce qui a été plutôt favorable à la gauche. Le coût du financement public en France est similaire à celui du Canada, les partis touchant annuellement 1,6 euro par voix obtenue. Les partis, sous peine d’amende, sont également tenus de garantir une certaine proportion de candidatures féminines. La députée Coutelle a dit souhaiter que la tendance aux publicités négatives, bien visibles lors des campagnes présidentielles, ne fassent pas leur apparition lors des élections législatives. Finalement, elle a décrit les grandes lignes du nouveau système d’élections primaires pour la direction du Parti socialiste. Les électeurs, lors de ces primaires, doivent faire une profession de foi par laquelle ils affirment soutenir les objectifs du parti.

Le débat a porté sur les règles entourant la définition de ce qui constituait une dépense électorale ainsi que les dates à partir desquelles les publicités électorales devaient être comptabilisées. Le sénateur Bourdin a rappelé les règles en vigueur au Sénat où il n’existe pas de limites de dépenses, et diverses interventions ont ensuite permis de clarifier de part et d’autre certains détails de la logistique entourant le système électoral propre au Sénat. Le député Bélanger, par exemple, s’est intéressé à la question de la collaboration des municipalités dans le cadre d’un processus partisan qui n’est pas encadré par l’équivalent du Directeur général des élections.

 

C.   L’avenir de la filière nucléaire après Fukushima

Le député Aubin a placé sa présentation dans le contexte de la crise économique qui a amplifié la méfiance des citoyens envers leurs dirigeants, en particulier quant à la qualité de l’information qui leur a été présentée sur la gestion de la catastrophe de Fukushima. La conséquence positive est toutefois, selon lui, d’avoir rappelé toute l’importance de l’implication citoyenne dans les débats politiques, ainsi que la nécessité de garantir un flot d’informations de plus grande qualité durant les situations de crise. Seulement 15 % de l’électricité produite au Canada vient du nucléaire, et moins de 3 % au Québec et au Nouveau-Brunswick. Cela place le Canada dans une situation ambiguë où la méfiance envers le nucléaire profite à ses producteurs pétroliers, mais nuit à son rôle d’exportateur d’uranium et au développement déjà fragile de la filière CANDU. Dans certains cas, comme au Québec, les installations sont vieillissantes et posent le problème de la gestion à long terme, soit de leur fermeture complète, soit de leur rénovation, avec dans les deux cas des investissements et des risques importants. Le député Aubin a dit souhaiter un resserrement des réglementations canadiennes qui permettrait un transfert plus important vers les technologies éoliennes.

Lors du débat, la sénatrice Tardif a rappelé le retrait annoncé du gouvernement canadien du secteur nucléaire et a dit craindre le risque d’un transfert de responsabilités vers le secteur privé. La députée Brown a quant à elle voulu souligner les progrès réalisés dans les mesures de renforcement de la sûreté nucléaire. Elle a utilisé l’exemple d’une entreprise de sa région qui fabrique des pièces utilisées dans certaines installations nucléaires et dont les exigences de sécurité dépassent largement ce qui pourrait se produire dans un contexte normal. Le député Colombier a rappelé le fiasco du réacteur « Superphénix » dans les années 1980-1990 et les coûts très élevés de son démantèlement.

Le député Colombier a lu un sommaire du rapport d’étape de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce rapport décrivait les priorités d’action recommandées par l’Office, soit le renforcement de la recherche sur la sécurité nucléaire, la gestion de la sous-traitance, la sécurité aux environs des installations, le contrôle étatique de la filière nucléaire, la performance de la gestion de crise, la transparence sur les coûts du nucléaire, et finalement la mise en place de mécanismes internationaux de surveillance de la sûreté nucléaire.

Lors de la discussion, le député Desallangre a souligné la qualité du rapport de l’Office et l’accueil très favorable qu’il avait reçu à l’Assemblée nationale. Contrairement à l’approche canadienne, la France a continué d’exiger l’adoption de règles internationales communes et le renforcement d’un contrôle public du nucléaire. La sénatrice Tardif a ensuite soulevé la pertinence d’une réglementation non seulement du processus de production comme tel, mais également de l’extraction et de la vente d’uranium. Finalement, la députée Coutelle a voulu insister sur le fait qu’en France, tous les partis politiques ont rejeté la privatisation des entreprises du secteur nucléaire.

 

D.   La politique familiale, enjeu de société, enjeu économique

Le sénateur Rivest a fait porter sa présentation sur l’intervention de l’État dans le processus de transformation des modèles familiaux. Au Canada, cette problématique doit être considérée dans le contexte des questions de juridictions provinciales et fédérales. Les politiques familiales relevant essentiellement des provinces, le gouvernement fédéral ne peut agir qu’en soutien à leurs initiatives. Il a présenté les principales politiques familiales au niveau fédéral et provincial. Au niveau fédéral, la principale mesure est la Prestation canadienne fiscale pour enfant qui offre un soutien non imposable dont bénéficient surtout des familles dont les revenus sont inférieurs à la moyenne. Il y a ensuite la prestation pour garde d’enfant de 1 000 $ par enfant d’âge préscolaire, et des crédits d’impôt dont les critères varient en fonction des particularités de la situation familiale. Ces programmes fédéraux suivent la reconnaissance constitutionnel du « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral dans les juridictions provinciales.  Ce sont toutefois les provinces qui sont les plus directement responsables de ces programmes. Dans une perspective comparative, le sénateur Rivest a souligné la reconnaissance internationale des politiques québécoises de soutien à la famille, notamment dans les rapports récents de l’OCDE sur ce sujet. Les trois principales mesures mises en œuvre au Québec sont les suivantes: des mesures fiscales qui se modulent en fonction des circonstances des familles, des services de garde subventionnés à contribution réduite, et finalement la bonification du régime de congé parental qui s’ajoute aux avantages offerts aux autres Canadiens par l’entremise du Régime d’assurance-emploi. Le sénateur Rivest a conclu en rappelant l’importance symbolique de la remontée relative du taux de natalité sur le poids démographique du Québec à l’intérieur du Canada.

Lors de la discussion, le député Trottier a rappelé que la question de la natalité est intimement liée à celle de l’intégration des immigrants, puisqu’il a été démontré que ce sont d’abord eux qui contribuent le plus à maintenir ou à faire augmenter le taux de natalité.

C’est la sénatrice Muguette Dini qui est venue tout spécialement représenter le point de vue français sur cette question. Suite à une mission qui s’est rendue au Québec en 2010, elle dit avoir pu constater avec bonheur l’étendue des programmes que la province a mis en place. Son exposé a fait ressortir la très grande centralisation qui existe en France. Près des deux tiers du budget français consacré aux politiques familiales sont accaparés par les allocations familiales qui sont versées à partir du deuxième enfant. Le montant de l’allocation devient très important à partir du quatrième enfant. Les autres politiques sont modulées en fonction des circonstances particulières : revenu familial, parent isolé, enfant handicapé, etc. Il n’y a pas de système universel de garde, mais l’accès au réseau des crèches, sous contrôle municipal, est ajusté en fonction du revenu des familles. Le congé parental est un élément clé des politiques familiales, car en France, 80 % des femmes ont une activité professionnelle quelconque, et ce congé permet de ne pas briser ce lien professionnel. C’est pourquoi il y a une certaine hésitation à en proposer le prolongement puisqu’une pause professionnelle plus longue risque de nuire à l’avancement professionnel. Le partage du congé entre les parents semblerait donc la voie à privilégier.

Lors de sa présentation, la députée Coutelle a rappelé l’absence de lien démontrable entre les politiques natalistes et les variations du taux de natalité. Selon l’OCDE, la France fait bien, mais pourrait faire mieux. La difficulté consiste à mettre en place des mesures de soutien aux familles qui ne pénalisent pas l’avancement professionnel des femmes. Selon elle, le partage inéquitable des tâches domestiques devient ainsi un enjeu public. Elle a également recommandé l’introduction d’un congé de paternité non transférable à la mère, en particulier pour les familles plus défavorisées, mais il existe encore une grande résistance des employeurs.

Lors de la discussion, la sénatrice a souligné la difficulté de maintenir la double journée travail-famille, ce que le député Colombier a dit constater fréquemment dans le cas des parlementaires qui sont également mères. La députée Coutelle a donné des exemples de la pression professionnelle qui existe encore lorsque des employés doivent quitter tôt pour des raisons familiales. Le député Gourde a toutefois fait valoir que, désormais, l’un des critères importants pour attirer des employés qualifiés est la souplesse dans l’articulation des horaires. Cela ne se répercute peut-être pas encore suffisamment pour les emplois moins bien rémunérés, mais il s’agit certes d’une tendance encourageante.

 

E.   Les enjeux de l’accorde de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, et la nécessité de préserver le traitement spécifique des échanges culturels

Lors de sa présentation, le député Bélanger a décrit les multiples enjeux qui font l’objet des négociations préalables à un accorde de libre-échange, en insistant sur six dossiers qui font l’objet d’une attention particulière : le marché des produits agricoles; le marché des produits non agricoles; le commerce des services; la protection des investissements; les marchés publics; et les indications géographiques. L’une des difficultés qui influence l’ensemble des éléments de négociations est d’établir des équivalences entre les niveaux de gouvernement. Le Canada perçoit comme une injustice le fait que la France, par exemple, soit considérée comme une sous-entité par rapport à l’Union européenne, au même titre qu’une province canadienne. Cela permettrait à une entreprise française de soumissionner sur un contrat provincial au Canada, mais interdirait à une entreprise canadienne de soumissionner sur un contrat sous responsabilité d’un canton en Suisse par exemple. Le député Bélanger s’est ensuite surtout penché sur le refus du gouvernement du Canada d’inclure une clause qui exclurait la culture d’un éventuel accord. Une telle exemption culturelle se retrouve dans l’ALÉNA à l’initiative du Canada, et son absence d’un accord avec l’Union européenne pourrait inciter les États-Unis à rouvrir l’ALÉNA. À la fin des années 1990, les États-Unis avaient contesté devant l’OMC les politiques visant à protéger les périodiques canadiens.

Lors de la discussion, le député Godin a rappelé la position de principe de son parti contre le libre-échange. Le sénateur Bourdin a quant à lui parlé de la nécessité d’impliquer les provinces, car, dans le secteur de la réglementation des professions, 440 organisations différentes ont été dénombrées au Canada, et elles relèvent surtout du domaine provincial. La députée Brown a également souligné que le problème des professions se pose à l’intérieur même du Canada, en raison des réglementations provinciales parfois incompatibles.

Le sénateur Bourdin a présenté les négociations entre l’Union européenne et le Canada dans le contexte plus large de la concurrence entre l’économie nord-américaine et l’économie européenne. Selon lui, un accord entre le Canada et l’Union européenne permettrait aux entreprises américaines d’intervenir sur les marchés européens par l’entremise de leurs filiales canadiennes, et en retour, les entreprises européennes voudraient avoir accès au marché américain si elles investissent au Canada. Le Canada est donc perçu comme un cheval de Troie par les deux côtés. Il a également illustré les difficultés de telles négociations par l’exemple des indicateurs géographiques. Au Canada, c’est un régime de marques de commerce qui prévaut et il n’y a pas de traditions de lier les produits alimentaires à des terroirs régionaux. Si les volontés européennes parviennent à s’imposer, cela signifierait qu’il serait impossible à une entreprise canadienne d’annoncer son fromage comme étant, par exemple, un camembert de l’Alberta. D’autres questions en litige avec le Canada sont la création d’une zone hors-douanes pour l’industrie de la pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon, et la question toujours délicate des sables bitumineux. Certains voudraient classer comme produits distincts ceux qui sont issus des sables bitumineux.

Lors de la discussion, le député Bélanger a demandé aux parlementaires français en quoi la question de l’exemption culturelle pourrait poser un problème pour la France. Le député Colombier et le sénateur Bourdin ont répondu qu’ils ne voyaient pas en France de problèmes particuliers, mais qu’il était possible que d’autres membres de l’Union européenne voient dans cette exclusion culturelle un risque que des groupes minoritaires dans leurs pays la réclament pour eux-mêmes dans leurs propres revendications nationalistes.

 

II.            Rencontres et visites

La filière nucléaire française

Dans la foulée des discussions sur l’après-Fukushima, la délégation a visité le site de construction d’une centrale nucléaire et des installations servant au traitement des déchets nucléaires.

Le vendredi 2 septembre, en avant-midi, la délégation s’est rendue au site de la centrale nucléaire d’EDF à Flamanville. Les représentants de l’entreprise, Didier Lambert et David Newhouse, ont offert une présentation des particularités de cette centrale et du cycle complet qui va de l’extraction de l’uranium jusqu’au traitement des déchets radioactifs. La délégation a eu droit à une visite du site de construction d’un réacteur EPR (European Pressurized Reactor) de nouvelle génération et des éléments de sécurité qui entourent sa conception. Lors de la discussion, M. Lambert a expliqué que les mesures de sûreté se fondaient sur des projections de scénarios de catastrophes sur un horizon de 1 000 ans. Le député Colombier a demandé des éclaircissements sur l’état des négociations visant la vente de réacteurs du même type. La députée Coutelle a ajouté que les inquiétudes sur ces ventes sont surtout liées au fait que les entreprises qui sont engagées en sous-traitance par le constructeur de la centrale ne sont pas soumises aux mêmes contrôles de sécurité.

Dans l’après-midi, les membres ont visité l’usine de retraitement d’Areva La Hague. Les installations, d’une sophistication et d’une complexité impressionnantes, soulignent les contraintes de sûreté qui accompagnent tout le processus de recyclage des déchets nucléaires.  Accompagnés de guides au professionnalisme irréprochable, les membres ont suivi en petits groupes le processus de traitement qui va du déchargement à sec, à l’entreposage des combustibles dans des piscines, à leur vitrification, le tout sous contrôle international. Des salles de commande futuristes contrôlent chaque étape à distance. Les constats à tirer de ces visites sont que le niveau de technologie est si avancé qu’il échappe à la compréhension des non spécialistes, ce qui implique que les citoyens doivent faire preuve d’une grande confiance  envers les autorités nationale et internationale responsables de la sûreté et les spécialistes auxquels les autorités politiques doivent s’en remettre.

 

La Bataille de Normandie

La journée du samedi 3 septembre fut chargée d’émotions particulièrement intenses puisqu’elle fut consacrée à la visite des sites où se sont déroulés les événements tragiques de la Bataille de Normandie. Cette bataille, qui a débuté avec le débarquement du 6 juin 1944, s’est poursuivie jusqu’à la fin du mois d’août et a coûté la vie à environ 100 000 soldats alliés, dont 5 000 Canadiens.

La journée a débuté par une cérémonie aux morts et un dépôt de gerbe au cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer / Reviers par la sénatrice Claudette Tardif pour le Canada et le député Georges Colombier pour la France. Les maires des deux municipalités, Hubert Delalande et Daniel Guérin, ont accueilli la délégation.

Les membres se sont ensuite rendus sur le site de Juno Beach où 15 000 soldats canadiens ont débarqué le matin du 6 juin 1944. Après un bref arrêt au site du débarquement du général de Gaulle, la délégation a été chaleureusement accueillie au Centre Juno Beach de Courseulles-sur-Mer par la directrice du Centre, Nathalie Worthington, et le premier adjoint du maire, Rémy Simon. Ce Centre est le seul musée consacré aux événements de la Bataille de Normandie et il a la particularité d’être canadien. Après une cérémonie au Monument du souvenir où des gerbes ont été déposées par la sénatrice Tardif et le député Colombier, les membres ont eu droit à une visite guidée du musée.

La délégation s’est ensuite déplacée vers Bernières-sur-Mer, face à la section de Juno Beach, où le Régiment de la Chaudière est débarqué. Ils ont été accueillis par le maire, Maryvonne Mottin, et ont pu visiter la Maison des Canadiens. Celle-ci a servi de repère lors du Débarquement, et plusieurs traces de la première journée de combats y ont été préservées.

La délégation a poursuivi sa visite jusqu’à Saint-Aubin-sur-Mer où une fanfare les attendait, en compagnie des dignitaires locaux, d’anciens combattants français et de leur famille. Au son de la Marseillaise et du Ô Canada, cette cérémonie émouvante s’est déroulée devant le lieu baptisé la Brèche des Acadiens, en l’honneur des soldats du North Shore Regiment (Nouveau-Brunswick) qui ont libéré le village le soir même du 6 juin 1944.  Des gerbes ont été déposées par le sénateur acadien Gérald Comeau et le député acadien Yvon Godin. Lors des présentations, le maire honoraire de Saint-Aubin, Pierre Letellier, a relaté les événements qui ont si profondément marqué cette communauté. La sénatrice Tardif a rappelé que c’est dans l’expérience partagée de cette tragédie que s’est ancrée une fois de plus la profondeur de l’amitié entre la France et le Canada.

En après-midi, la délégation a été accueillie par Michel le Baron, maire de Cintheaux, et a participé à une cérémonie aux morts et à un dépôt de gerbes par la sénatrice Tardif et le député Colombier au cimetière militaire canadien de Cintheaux.

Elle a ensuite été accueillie au majestueux Mémorial de Caen par son directeur, Stéphane Grimaldi. Les membres ont pu se recueillir au Jardin canadien du Souvenir et une courte visite du Musée a suivi.

La journée s’est terminée au Conseil général du Calvados en présence du sénateur Jean-Léonce Dupont.

 

Mont-Saint-Michel

Le dimanche 4 septembre, les membres de la délégation se sont rendus à ce site historique et ont été accueillis par son administrateur, Jean-Marc Bouré. Après une réception à la mairie, ils ont eu droit à une visite commentée du site et de l’Abbaye par un guide dont l’éloquence et l’érudition n’ont laissé personne indifférent.

En fin de journée, les membres ont vécu l’apaisement d’une rencontre charmante avec deux représentants des Fraternités monastiques de Jérusalem. La communauté religieuse s’est récemment installée sur le Mont-Saint-Michel afin de perpétuer les fondements spirituels qui donnent sa qualité au lieu.

 

La région de la Sarthe

Les journées du 5 et 6 septembre ont été consacrées à la visite de certains sites et groupes de la commune de la Sarthe, dans le contexte d’une présentation des projets de réforme territoriale en France.

Le 5 septembre, les membres de la délégation ont d’abord visité le Circuit automobile des 24 Heures du Mans et le Musée de l’automobile. Hervé Guyomard, de l’Automobile Club de l’Ouest, y a guidé la délégation avec passion et érudition.

En après-midi, ils ont rencontré des représentants du 2ème Régiment d’infanterie de marine. Le colonel Bruno Heluin, chef de corps, a présenté l’expérience de son unité en Afghanistan. Les militaires ont offert un accueil chaleureux aux parlementaires et les échanges  sur les conséquences du retrait de l’Afghanistan se sont déroulés dans un climat de grande franchise.

Le 6 septembre, la délégation a été accueillie à Sablé, dans la zone industrielle St-Laurent, site de l’usine de poulet de Loué. Ce fleuron de l’industrie alimentaire français produit des poulets nourris au grain et élevés dans la nature. L’entreprise garde un niveau de prix assez élevé et cherche à éviter la surproduction et le dumping de ses produits, ce qui l’amène à une planification serrée. L’entreprise de Loué partage avec ses employés une partie des profits et un comité d’entreprise actif gère les relations de travail de façon à insérer l’entreprise dans la communauté.

En fin de journée, la délégation a rencontré Christine Marchand, présidente de la Communauté de communes de la Sarthe, une structure politico-administrative mise en place dans le cadre de la décentralisation en France.  La Communauté de communes a la particularité de mettre en commun des ressources entre communes rurales et urbaines, dont le niveau de développement économique est varié, créant ainsi une forme de péréquation de la richesse.  La Communauté de communes a à son crédit de nombreuses réalisations en matière d’aménagement de territoire et de développement d’infrastructures servant l’ensemble de la communauté, comme des centres de loisirs, etc.

 

Conclusion

Lors du dîner d’adieu organisé chez le sénateur Cléach à sa résidence à Lambron, en présence de plusieurs invités et hauts fonctionnaires de l’Ambassade du Canada en France, les parlementaires français et canadiens ont  à tour de rôle exprimé leur entière satisfaction vis-à-vis l’organisation de la réunion, les thématiques choisies et débattues, les visites en provinces, et particulièrement les visites des sites à la mémoire des soldats canadiens morts lors de la Bataille de Normandie en 1944. En conclusion, les objectifs de la 38e Réunion annuelle ont été atteints avec grande satisfaction par tous. Les parlementaires ont aussi souligné le caractère très convivial et amical des rapports qui se sont établis entre eux et se sont donné rendez-vous en 2012 au Canada.  Le député Georges Colombier a annoncé qu’il quitterait incessamment l’Association car il a décidé de ne pas se présenter aux élections législatives françaises en juin 2012.  Le sénateur Cléach a également annoncé qu’il cherchait activement un successeur à la tête du Groupe d’amitié France-Canada au Sénat.  Les deux parlementaires ont été remerciés très chaleureusement  pour leur contribution au développement de l’Association.  Des remerciements chaleureux ont également été adressés aux fonctionnaires des Parlements français et canadien, ainsi qu’au personnel de l’Ambassade du Canada pour leur soutien aux activités de l’Association.

 

 

Respectueusement soumis,

 

 

 

L’honorable Claudette Tardif, sénatrice
Présidente de l’Association interparlementaire Canada-France

 

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