La conférence parlementaire sur la crise
économique mondiale a été organisée à l’initiative de l’Union
interparlementaire afin d’instruire les parlementaires sur les bouleversements
économiques actuels et d’offrir à ceux-ci l’occasion de rencontrer quelques-uns
des experts les plus qualifiés sur le sujet afin de tirer profit de leurs
connaissances. La conférence avait aussi pour objectif de développer quelques
propositions en vue d’une stratégie parlementaire.
2. Programme et principaux
thèmes de la Conférence parlementaire sur la crise économique mondiale
La Conférence parlementaire sur la crise
économique mondiale, qui s’est tenue au Palais des Nations à Genève, était
dotée d’un programme vaste et ambitieux. Elle aura permis aux parlementaires
d’écouter les témoignages d’experts et d’échanger entre eux sur de nombreux
aspects de la situation actuelle, mais aussi sur les moyens pouvant faire en
sorte que le système économique et financier mondial émerge de la crise sur des
bases plus solides pour l’avenir. La première journée a été consacrée aux
éléments à l’origine de la crise et aux moyens d’atténuer ses impacts sur les
populations et d’endiguer la récession sociale. Les parlementaires se sont
aussi penchés sur les moyens de trouver une nouvelle voie vers la croissance et
la stabilité et d’atténuer les effets de la crise sur le développement. La
deuxième journée a été consacrée principalement à la réforme du système
financier international avant de débattre de propositions pouvant mobiliser les
parlementaires dans la recherche de solutions. Auparavant, les participants
s’étaient penchés sur la dimension genre de la crise économique. Voici en
résumé les thèmes abordés au cours des différentes réunions-débats :
·Faillites en cascade : genèse de la crise
·Politiques macroéconomiques de stimulation de
l’économie mondiale
·Créer des emplois et éviter la récession sociale
·Trouver une nouvelle voie vers la croissance et la
stabilité : les conclusions du G20
·Atténuer l’impact de la crise sur le développement
·La dimension genre de la crise économique
·La réforme du système financier international
·Éléments d’une stratégie parlementaire
La conférence n’a pas donné lieu à la
rédaction d’un document officiel à l’issue des délibérations des
parlementaires, à l’exception d’une déclaration de clôture du président de la
Conférence, M. Theo-Ben Gurirab, est reproduite en annexe. Cependant, un
rapport complet ainsi qu’un résumé des débats et des exposés devraient être
disponibles au cours des prochaines semaines.
3. La délégation canadienne
Environ 250 parlementaires originaires
d’environ 80 pays ont pris part à la conférence incluant trois parlementaires
canadiens. Représentant le Sénat : l’honorable Michel Rivard, sénateur.
Représentants la Chambre des communes : l’honorable Keith Martin, député et M.
Jean-Yves Laforest, député.
4. Faits saillants des délibérations
La crise économique et financière actuelle
affecte tous les pays. Par conséquent, les participants à la conférence ont mis
l’accent sur le besoin d’une réglementation mondiale. Plusieurs
parlementaires, surtout ceux des pays les moins avancés ont mis l’emphase sur
la nécessité d’injecter plus de liquidité dans le système financier mondial
pour stimuler la croissance économique, alors que plusieurs pays sont aux
prises avec de graves déséquilibres de leur balance des paiements. Les
participants ont affirmé que les le Fonds monétaire international (FMI) devait
être réformé et qu’il avait besoin d’un financement accru. Enfin, les
parlementaires ont souligné que le système financier mondial avait besoin de
mesures contracycliques. Par ailleurs, il a été question de la création d’une
nouvelle monnaie mondiale s’appuyant sur un nouveau panier de devises.
Le premier conférencier- Jeffrey Sachs
(Directeur du « Earth Institute » de l’Université Columbia) est
d'abord venu dire aux parlementaires que la crise actuelle était d’origine
financière. Cette crise était la résultante d’une politique monétaire trop
expansionniste, d’une insuffisance de réglementation des marchés financiers et
d’un système qui générait une succession de bulles spéculatives.
M. Sachs est venu rappeler aux
parlementaires que l’aide aux pays les moins avancés avait fait l’objet de
beaucoup de promesses et de peu d’actions. Il a réitéré le fait que les
Objectifs du millénaire relatifs à la pauvreté étaient très importants. Il a
insisté sur le fait que les pays développés doivent respecter les engagements
de Gleneagles. Enfin, il a affirmé qu’il était important de ne pas sortir de la
crise en créant une nouvelle bulle spéculative. Il privilégie une reprise
verte s’articulant autour d’investissements publics massifs dans les
technologies vertes.
Du point de vue canadien, les discussions
concernant les développements à venir au plan de la réforme des institutions
économiques mondiales et du système financier international furent parmi les éléments
les plus intéressants de cette conférence sur la crise économique mondiale.
Monsieur Jan Kregel, Chef rapporteur de la Commission d’Experts du Président de
l’Assemblée générale des Nations-Unies sur la réforme des systèmes monétaire et
financier international a présenté aux parlementaires les grands axes de
réformes à venir. En voici les grandes lignes :
Un
nouveau fonds mondial
·Le système actuel ne fournit pas de mécanismes
efficaces permettant de mobiliser les fonds disponibles dans les pays ayant
accumulé de vastes réserves de changes.
·En ce qui concerne l’utilisation des ressources du
Fonds, il existe plusieurs options complémentaires. Premièrement, il existe un
besoin urgent en ce qui a trait aux problèmes de balance des paiements et de
financement du budget de l’État, afin d’accroître la capacité des pays en
développement de procéder à des dépenses fiscales contracycliques.
·Deuxièmement, les ressources du Fonds pourraient
être investies dans des secteurs clés où les économies émergentes possèdent un
intérêt particulier, comme le développement de l’agriculture exportatrice en
Afrique combinée à la sécurité alimentaire en Asie et dans les pays arabes.
·Une autre possibilité consiste à utiliser ce Fonds
afin d’aider les pays en développement à financer des garanties de prêt à
l’exportation ou à garantir la dette de certaines entreprises afin de rassurer
les investisseurs.
·La création de ce Fonds devra s’accompagner d’une
nouvelle structure de gouvernance reflétant les nouvelles sources de
financement à l’échelle mondiale et la nécessité de donner une place plus
importante aux pays émergents, aux pays créditeurs, ainsi qu’aux pays
récipiendaires.
·Ce nouveau Fonds pourrait être sous la
responsabilité d’institutions existantes comme la Banque mondiale ou les
banques de développement régionales ou créé au sein de nouvelles institutions.
·Le Fonds pourrait être géré sur une base régionale.
Une nouvelle monnaie internationale de
réserve
·Les déséquilibres mondiaux, qui ont joué un rôle
important dans le développement de la crise, ne pourront se résorber qu’à la
seule condition de mieux gérer les risques économiques mondiaux relatifs au
système actuel qui mène à l’importante accumulation de réserves de change par
certains pays.
·L’amplitude de la crise et les lacunes de la
réponse internationale pourraient encourager la poursuite de l’accumulation de
réserves de change, contribuant ainsi aux pressions déflationnistes et
diminuant d’autant les perspectives d’une reprise économique robuste.
·Les difficultés associées à l’utilisation d’une
monnaie nationale à titre de seule monnaie de réserve internationale sont bien
connues.
·Des solutions existent au sein d’un système mondial
de réserve de change.
·Un tel système pourrait s’appuyer sur un rôle plus
important accordé aux Droits de tirage spéciaux (DTS), incluant l’émission
régulière ou cyclique de ceux-ci en fonction du volume des réserves de change
accumulées.
Conseil
de coordination des politiques économiques mondiales
·Création d’un nouveau conseil à un niveau
d’autorité équivalent à celui de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité
des Nations-Unies.
·Ce conseil économique mondial devrait se réunir au
moins une fois par année au niveau des chefs d’état et de gouvernement pour
évaluer la situation et fournir le leadership nécessaire à la résolution des
enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
·Celui-ci ferait la promotion du développement
d’objectifs cohérents au plan des politiques des principales organisations
internationales.
·Il favoriserait le développement de consensus entre
les gouvernements entre qui a trait à la mise en place de solutions efficaces
aux problèmes économiques et de gouvernance.
·Ce conseil pourrait aussi faire la promotion de la
reddition de compte et de la responsabilité au sein de toutes les organisations
économiques internationales, identifiant les lacunes devant être corrigées afin
d’assurer le bon fonctionnement du système économique et financier mondial tout
en participant à l’élaboration d’un plan de travail pour mener à bien la
réforme de celui-ci.
·Les travaux du Conseil économique mondial seraient
soutenus par un groupe international d’experts.
·La composition de ce conseil serait assurée par un
système de représentation s’appuyant sur des circonscriptions électorales
permettant à tous les continents et à toutes les principales puissances
économiques d’être représentés.
·Les institutions internationales telles que la
Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du
commerce, le Bureau international du travail et les Secrétariats des
Nations-Unies responsables des questions économiques et sociales joueraient un
rôle de soutien technique et participeraient au Conseil.
·Le Conseil économique mondial pourrait devenir une
alternative démocratique au G20 actuel.
Groupe international d’experts
·Il serait souhaitable de mettre en place un
groupe-conseil, sous l’égide des Nations-Unies, pouvant fournir une analyse
indépendante des questions économiques mondiales, incluant les aspects sociaux
et environnementaux. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat (GIEC) pourrait être un modèle à suivre.
·Ce groupe-conseil aurait pour mandat de conseiller
l’Assemblée générale, le Conseil économique et social (ECOSOC) ainsi que les
organisations internationales pertinentes, afin d’améliorer leur capacité à
prendre des décisions éclairées en ce qui concerne les lacunes de
l’architecture économique mondiale et d’évaluer les progrès et les problèmes de
fonctionnement de l’économie mondiale et des systèmes sociaux.
·Il aurait aussi le mandat de favoriser activement
le développement d’un dialogue constructif entre les autorités responsables des
politiques publics, le monde académique et les grandes organisations
internationales pertinentes.
·Ce groupe-conseil devrait être composé
d’universitaires reconnus à travers le monde, représentant tous les continents
et les groupes sociaux internationaux.
·Ce groupe-conseil devrait suivre, analyser et
évaluer les tendances de fond, les développements majeurs et la dynamique des
changements globaux affectant la population mondiale; identifier les problèmes
relatifs au système économique et financier mondial; élaborer des propositions
pour une réponse internationale cohérente; formuler des recommandations pour le
processus de prise de décision politique.
Autres institutions
·Mécanisme de gestion de la dette.
·Commission sur la dette étrangère
·Cour de faillite internationale
·Coopération fiscale international
-Tous les pays et les juridictions doivent adhérer
aux règles fiscales internationales.
·Les accords internationaux pour l’amélioration de
la coopération et la transparence en matière fiscale devraient être renforcés;
incluant le Comité d’experts des Nations-Unies sur la coopération fiscale
internationale tel que proposé au paragraphe 16 de la Déclaration de Doha. Le
Comité d’experts des Nations-Unies sur la coopération fiscale internationale
devrait voir son statut élevé à celui d’organe intergouvernemental afin de
renforcer sa capacité à favoriser la coopération internationale dans le
domaine.
·Nouvelle politique relative à un mécanisme de
surveillance qui soit indépendant du FMI
5. La participation des
parlementaires canadiens.
Les trois parlementaires canadiens ont
assisté à l’ensemble des activités prévues au programme de la conférence.
L’honorable Keith Martin a pris la parole lors de la session de questions
réponses sur les conclusions du G20 dans le contexte de l’aide au
développement. Chaudement applaudi, le député Martin a fait un plaidoyer pour
renforcer les communications entre les parlementaires en affirmant qu’elles
étaient très utiles pour obtenir des résultats concrets sur le terrain. Il a
proposé une mise en commun des cartes professionnelles et des courriels. Par
ailleurs, il a mis l’accent sur la constitution des réseaux d’expertise de base
au niveau de la santé publique et de l’éducation. Dans un premier temps, il a
donné l’exemple des efforts faits en République démocratique du Congo auprès des
victimes de la guerre et en second lieu, du travail des médecins et de
l’acheminement de médicaments au Zimbabwe.
Conclusion
Déjà bien au fait des origines et des conséquences de la crise
économique et financière dans le monde, la délégation canadienne a certainement
été en mesure de constater la solidité de la gouvernance économique au Canada
en comparaison à celle de bon nombre de pays dans le monde. Elle a pu constater
combien l’expertise canadienne en matière de régulation économique, de politique
macroéconomique et de responsabilité fiscale aurait avantage à être partagée.
Alors que l’architecture du système économique et financier mondial est à
l’aube de changements majeurs, les parlementaires peuvent jouer un rôle de
premier plan dans la diffusion de l’expertise et de la philosophie canadienne
en matière de gouvernance économique.
Respectueusement
soumis,
L’honorable Donald H.
Oliver, c.r., sénateur
Président, Groupe canadien de l’UIP