L’Association parlementaire canadienne
de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport au sujet des réunions de la
Commission de la défense et de la sécurité qui ont eu lieu à Washington, D.C et
en Floride, États-Unis du 25 au 29 janvier 2010. Le Canada a été représenté
par le Sénateur Joseph A. Day, Mme Cheryl Gallant, députée et M. Claude
Bachand, député.
RESUME
Au moment où le système de la sécurité
internationale est confronté à des défis complexes, l’administration Obama
accorde une grande importance à ses alliances et à ses partenariats et, en tout
premier lieu, à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, selon de hauts
responsables gouvernementaux. Elle envisage de collaborer étroitement avec ses
partenaires de l’OTAN dans divers domaines, depuis la campagne afghane
jusqu’aux relations avec la Russie, en passant par la conception de parades à
la menace de tirs de missiles en provenance du Proche-Orient.
Tel est le grand message que la
Commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de
l’OTAN a rapporté de sa visite annuelle aux États-Unis, en janvier 2010. La
délégation se composait de 40 parlementaires d’une vingtaine de pays membres de
l’OTAN et était conduite par le président de laCommission, Julio
Miranda Calha (Portugal) ; le président de l’Assemblée, John Tanner
(États-Unis), l’accompagnait.
A Washington, la délégation a rencontré
de hauts responsables de l’administration, dont le général James Jones, conseiller
présidentiel pour la sécurité nationale, et Ellen Tauscher, sous-secrétaire
d’État à la maîtrise des armements et à la sécurité internationale, ainsi que
d’autres fonctionnaires du département d’État et de celui de la Défense et des
spécialistes indépendants du Center for American Progress, du German
Marshall Fund et du Center for Nonproliferation Studies.
De surcroît, elle a eu avec le général
Stéphane Abrial, Commandant du Commandement Suprême Allié « Transformation » de
l’OTANune longue discussion sur l’avenir de l’Alliance. Les problèmes
inhérents à la région de l’Afghanistan et du Pakistan et au « Grand
Moyen-Orient » dans son ensemble ont été au cœur d’un entretien avec le général
David Petraeus, commandant en chef du Central Command (CENTCOM), et l’amiral
Eric Olson, qui dirige le Special Operations Command (SOCOM).
Dans le contexte de la visite annuelle
d’installations militaires américaines par la Commission, la délégation a été
reçue dans les locaux du Central Command et à Hurlburt Field, où le général
de corps d’armée Donny Wurster a décrit les missions propres à cette base,
l’accent étant mis sur le commandement des opérations spéciales des forces
aériennes. La délégation a également entendu des exposés sur la 33e escadre
tactique et sur son rôle dans la mise en place d’un centre de formation pour
les pilotes du chasseur-bombardier commun F-35.
L’OTAN
AUJOURD’HUI ET DEMAIN
La
visite de la Commission a commencé par une longue discussion sur l’avenir de
l’Alliance avec le général Stéphane Abrial, qui est à la tête du commandement suprême
allié « Transformation » de l’OTAN(CSAT). Premier officier non
américain à obtenir la direction de ce commandement – qui est co-implanté à
Norfolk, en Virginie, avec celui des forces américaines interarmées (USJFC) –,
il est donc le seul commandant de l’OTAN présent sur le territoire américain.
Selon lui, sa fonction consiste à aider les actionnaires de l’OTAN, autrement
dit, les pays membres, à mettre au point les forces les mieux adaptées aux
défis de demain et d’après-demain.
La toute première priorité du CSAT,
d’après le général Abrial, est d’appuyer les prochaines phases et innovations
des opérations en cours, depuis la formation jusqu’aux enseignements acquis,
depuis la réalisation d’une analyse de la contre-insurrection jusqu’à la mise
en œuvre de moyens techniques destinés à contrer la menace des engins explosifs
improvisés. Cependant, le CSAT s’occupe aussi de projets à long terme et dont
l’échéance peut être fixée à 2030 ou au-delà, projets qui doivent s’intégrer
dans des processus tels que l’élaboration d’un nouveau concept stratégique pour
l’OTAN.
Le général a souligné que le thème de
la défense collective était le fondement même de l’OTAN, mais il a estimé que,
dès lors que la dissuasion engendrée par l’article 5 du Traité de Washington est
efficace dans la plupart des domaines, les attaques se concentreront sur les
points faibles apparents de l’Alliance et viseront à saper la cohésion de
celle-ci ; aussi convient-il de repenser l’interprétation habituelle d’une
attaque telle qu’elle est envisagée à l’article 5. Le général a refusé toute
distinction entre les moyens utilisés pour défendre le territoire de l’Alliance
et ceux qui sont nécessaires à la projection hors zone, compte tenu de
l’augmentation de la surface géographique de l’OTAN, elle-même induite par les
élargissements successifs, et des capacités requises pour envoyer des forces
d’un pays membre de l’Alliance défendre un autre pays membre à des milliers de
kilomètres de là.
Évoquant l’avenir, le général a estimé
que ceux qui souhaitaient nuire à l’Alliance recourraient à l’avenir aux «
menaces hybrides », qui combinent simultanément l’emploi d’armes de destruction
massive, des opérations de guerre classique et de guerre irrégulière, des actes
de terrorisme et une multitude d’autres actions criminelles ou d’actes
perturbateurs. Pour parer à ce genre de menace, il convient, de l’avis du
général, de disposer de toute une gamme de moyens, car un adversaire capable de
s’adapter recherchera les failles de notre dispositif défensif pour les exploiter
à son profit.
Pour le général, l’OTAN doit se doter
des moyens qui lui permettront de concrétiser ses ambitions et exploiter de
manière optimale ses investissements dans la défense en se fondant sur les
moyens existants plutôt qu’en visant une augmentation des forces, peu probable.
Elle peut y parvenir en tirant le meilleur parti possible de l’innovation et de
la technologie et, notamment, en collaborant de manière cohérente avec
l’industrie pour assurer une information mutuelle sur les possibilités offertes
par l’innovation, leur coût et le temps nécessaire à leur mise en service.
Le général a décrit quelques-unes des
mesures que prend le CSAT pour assurer la transformation de l’Alliance :
amélioration de sa coordination avec toutes les organisations nationales
affectées à la transformation, dont l’USJFC, publication d’un catalogue des
ressources disponibles et homologuées en matière de doctrine et de formation,
présentation du CSAT en tant que principal organe de réflexion de l’OTAN pour
les questions militaires et conversion des partenariats de l’Alliance – y
compris ceux qui ont été instaurés avec l’Union européenne et l’ONU – en
véritables partenariats opérationnels.
Le général James Jones, conseiller
présidentiel pour la sécurité nationale, a convenu que l’OTAN vivait une
période cruciale du point de vue stratégique. Elle doit « changer ses points
d’ancrage » et passer d’une position de réaction à une position de prévention
pour conserver sa pertinence face aux défis du XXIe siècle. Pour garantir
l’obtention des réponses multilatérales les plus efficaces à ces défis, le
Président Obama consacre beaucoup de temps et d’efforts à l’ouverture et à
l’amélioration d’un dialogue transatlantique et d’un processus d’édification de
partenariats, selon le général Jones.
Le général s’est félicité du processus
engagé pour l’élaboration d’un nouveau concept stratégique de l’OTAN et a
suggéré aux parlementaires de prendre acte de la portée considérable dudit
processus et de la mettre en évidence. Au cours du débat, des questions
spécifiques comme le financement commun, le rôle et la nature de la Force de
réaction de l’OTAN, l’élargissement et les procédures décisionnelles devront
toutes être examinées.
Qualifiant de « centrale » et de «
prééminente » la place de l’Europe dans les projets de l’administration
américaine pour relever les défis d’ordre international, Julianne Smith, directrice
principale (Europe et OTAN)au cabinet du sous-secrétaire d’État à la
Défense chargé des affaires politiques, a exposé les priorités américaines
relatives au nouveau concept stratégique : concision (pour assurer son utilité
en tant que document de diplomatie publique), garantie selon laquelle l’OTAN
continuera à assumer sa fonction principale de défense collective et des fonctions
de gestion de crises, poursuite de la transition vers une alliance de
sécurité capable d’apporter son soutien à la résolution des problèmes liés
à la cyber sécurité ou au Grand Nord, par exemple, nécessité de tisser entre
elles actions civiles et actions militaires dans le contexte des opérations,
importance croissante des partenariats et nécessité de leur rationalisation,
créativité pour combler les insuffisances dans le secteur des capacités, et
réforme de l’OTAN, de ses forces, de ses structures de commandement et de ses
procédures décisionnelles.
AFGHANISTAN
En 2010, le général Stanley McChrystal,
qui commande la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS),
disposera des troupes dont il a besoin pour mener une campagne victorieuse de
contre-insurrection en Afghanistan, selon le général David Petraeus, commandant
en chef du Central Command(CENTCOM). Dans les considérations
qu’il a formulées à l’attention de la délégation (laquelle a été reçue dans les
locaux du CENTCOM, à Tampa), le général Petraeus a évoqué l’évolution de la
mission de la FIAS et a déclaré que le général McChrystal aurait pour la
première fois la structure et les effectifs requis pour l’emporter, à la
différence de ses prédécesseurs. Pour la première fois également, les moyens
fournis à la mission sont à la hauteur des problèmes. Le général s’est félicité
par ailleurs du regroupement des activités de formation sous l’égide de la
Mission de formation de l’OTAN en Afghanistan, laquelle selon sa propre
expérience, soutient favorablement la comparaison avec la mission analogue
établie en Irak. Mais, même dans ces conditions, le général a prédit que le
conflit se durcirait encore avant de baisser en intensité et s’attend à une
escalade de la violence en 2010. Les attaques spectaculaires de Kaboul attirent
évidemment l’attention mais ne donnent pas de véritables indications sur
l’évolution du conflit et, n’importe comment, étaient d’une intensité
relativement faible. Le général s’est félicité, d’autre part, des opérations de
contre-insurrection menées par les forces pakistanaises au cours des dix
derniers mois et en a souligné l’extrême importance.
Craig Mullaney,
directeur principal au cabinet du secrétaire à la Défenseet chargé de
l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Asie centrale, a estimé, lui aussi, que la
FIAS pouvait compter sur les forces nécessaires à une victoire. Cependant, le
principal motif de préoccupation reste l’affectation d’un nombre suffisant
d’instructeurs aux forces de sécurité afghanes (FSA), de manière que celles-ci
soient en mesure de défaire les talibans.
Évoquant l’autorisation intervenue
récemment quant au relèvement des effectifs des forces armées afghanes (FAA)
jusqu’à 270 000 hommes d’ici à octobre 2011, M. Mullaney s’est dit encouragé
par le nombre exceptionnel de recrues (environ 9 000 pour le seul mois de
décembre) dans les forces terrestres. Il a attribué cette affluence à
l’augmentation considérable des soldes, lesquelles, pour la première fois,
égalent ou excèdent celles que paient les talibans. Toutefois, l’accroissement
du nombre de recrues exige un accroissement proportionnel de celui des
instructeurs ; à cette date, il en manquerait encore quelque 1 500.
Selon M. Mullaney, il s’agit désormais,
entre autres grandes mesures, de se concentrer sur une expansion accélérée des
FSA et de veiller à leur efficacité et à leur viabilité à long terme. La
meilleure façon de décrire la mission se résume à quelques mots : « dégager,
tenir, construire et assurer la transition ». Les Afghans devront être assurés
d’un engagement durable de leurs partenaires internationaux et de leur maintien
sur place, une fois les opérations militaires terminées. Mais, parallèlement,
il convient de leur faire comprendre que l’engagement de forces combattantes
n’est pas illimité et que leur effectif commencera à se réduire à partir de
l’été 2011. L’Alliance doit aussi préciser clairement qu’il n’est ni nécessaire
ni possible de créer un État occidental moderne en Afghanistan pour atteindre
ses objectifs, a dit M. Mullaney, citant le secrétaire à la Défense des
États-Unis, M. Gates.
Tout en indiquant que l’engagement de
l’OTAN avait été rétabli pour cette mission, le général Jonesa indiqué
à la délégation que l’accomplissement de nouveaux progrès exigeait une
résolution inébranlable ; notamment, il y a lieu de résoudre le grave problème
posé par la pénurie d’instructeurs pour les FSA. Il a salué la nomination d’un
nouveau haut représentant civil de l’OTAN à Kaboul et la collaboration observée
récemment dans l’envoi de messages forts et pertinents à M. Karzaï quant à
l’adéquation de membres du Cabinet. Le général a souligné que tous les pays
membres de l’OTAN devaient faire valoir auprès des autorités d’Islamabad le
besoin de poursuivre les efforts déployés pour venir à bout du « cancer » de
l’extrémisme dans toute la région.
Margaret McKean,
du Bureau du représentant spécial du département d’État pour l’Afghanistan et
le Pakistan, a déclaré que l’année 2010 était l’année de l’application de la
stratégie de l’administration Obama en Afghanistan, après une « période de mise
en attente » due à l’élection présidentielle dans ce pays. Elle a indiqué que
les États-Unis accordaient une importance accrue à divers secteurs, dont
l’agriculture en tant que facteur de création d’emplois, un élargissement du
champ d’action au-delà de Kaboul, la nécessité de la poursuite de
l’augmentation du nombre d’experts civils envoyés sur place et des mesures
énergiques contre la corruption. Pour ce qui est du Pakistan, la priorité va à
la négociation d’un accord sur le transit des produits afghans, de manière que
ceux-ci puissent atteindre les marchés indiens, et à une stratégie de
communication pour lutter contre la propagande extrémiste diffusée dans les
médias et pour redorer l’image de l’Occident auprès de la population.
POLITIQUE DE DEFENSE DES ÉTATS-UNIS
Au moment de la visite de la
délégation, le gouvernement américain mettait la dernière main à un certain
nombre d’analyses stratégiques, dont l’examen quadriennal de la défense (EQD),
un examen du dispositif nucléaire et divers examens sur la défense antimissile
balistique et le cyber sécurité. Julianne Smith, du département de la Défense,
a confirmé que le Conseil de l’Atlantique Nord serait informé de l’EQD ; elle a
ajouté que les Alliés seraient vivement intéressés par l’importance accordée
aux partenariats et aux alliances, ainsi que par l’apparition, pour la première
fois, d’un chapitre consacré au climat et à la sécurité.
Lawrence Korb,
du Center for American Progress, a présenté une évaluation franche et
indépendante de l’état actuel des forces armées américaines. Il a rappelé à la
délégation que les conflits d’Irak et d’Afghanistan étaient les premiers
conflits d’importance que les États-Unis aient engagés sans recourir à la
conscription ni à une augmentation des impôts ; en fait, ils ont diminué les
impôts et accumulé un énorme déficit budgétaire.
Selon M. Korb, les responsables
américains avaient décidé, il y a quelque temps, de conserver des forces
d’active au sol relativement peu nombreuses, appuyées par la garde nationale et
des réservistes qui seraient rappelés pour de brèves périodes en cas de guerre
; si la guerre devait durer, une conscription serait instaurée. La logique de
cette mesure – l’instauration d’une conscription – n’a pas été suivie, ce qui a
nui aux forces armées : déploiements excessifs, abaissement des normes de
recrutement, recours accru à des sociétés privées et niveau record de blessures
et d’affections mentales. Sont venues s’ajouter à cela la mauvaise gestion de
la précédente administration et la montée en flèche du coût des armements, de
sorte que les forces américaines traversent actuellement une crise. M. Korb a
annoncé que, pour des raisons politiques, les dépenses de défense
continueraient d’augmenter durant la présidence de M. Obama, plutôt que d’être
réduites et réaffectées à d’autres domaines prioritaires.
MAITRISE
DES ARMEMENTS, ARMES NUCLEAIRES ET DEFENSE ANTIMISSILE
Ellen
Tauscher, sous-secrétaire d’État à la maîtrise des
armements et à la sécurité internationale et ancienne membre de l’Assemblée, a
évoqué pour la délégation un large assortiment des sujets dont elle a la
charge. Indiquant que le Président Obama était mû par la vision d’un monde
dénucléarisé (élément qui sera mis en avant dans l’appel – contenu dans l’examen
du dispositif nucléaire – en faveur d’une moindre dépendance vis-à-vis de ce
type d’armes pour la défense des États-Unis), elle a précisé que l’instauration
d’un climat de confiance avec la Russie, notamment par la conclusion d’un
successeur du Traité START, était un objectif prioritaire de la nouvelle
administration. Même si cette dernière vise une dénucléarisation mondiale grâce
à des interventions sur les régimes juridiques relatifs aux essais nucléaires
et aux matières fissiles, elle demeure responsable de la protection des
citoyens américains et procédera donc à des investissements judicieux pour
s’assurer que ce qui reste des arsenaux américains est fiable. L’intervenante a
souligné qu’un appel au renforcement du Traité de non-prolifération (TNP) et la
réunion au sommet sur les questions de sécurité nucléaire, réunion convoquée
par le Président Obama, figuraient parmi les mesures dignes d’intérêt prises
par l’administration.
Dans ce contexte, le spécialiste
indépendant Miles Pomper, du James Martin Center for Nonproliferation
Studies, a plaidé pour la réduction et la régulation des armes nucléaires
tactiques (non stratégiques) en Europe. Il a indiqué qu’environ 200 de ces
armes restaient déployées dans cinq pays membres européens de l’OTAN, à savoir :
la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et la Turquie. Ces systèmes
étaient destinés à empêcher l’avance de formations massives de chars, une
menace qui a disparu aujourd’hui. La distance qui sépare ces armes des
frontières d’une zone OTAN désormais élargie en réduit l’utilité militaire et,
dans la plupart des cas, d’autres armes nucléaires peuvent suffire à la
dissuasion étendue.
Ellen Tauscher a indiqué à la
délégation que les États-Unis ne souhaitaient pas agir de manière précipitée ou
unilatérale dans le domaine de la dissuasion étendue. Elle a rappelé que les
Américains étendent leur dissuasion à une trentaine de pays, dont des pays
asiatiques, et c’est là un élément que l’administration doit soupeser
soigneusement. Elle a souligné aussi que les États-Unis profiteraient des
discussions en cours au sujet du nouveau concept stratégique de l’OTAN pour
sonder leurs alliés et s’enquérir de leur avis au sujet de la politique
américaine de dissuasion étendue ; elle a, à ce propos, préconisé une étroite
consultation des gouvernements et des parlements.
Ellen Tauscher a cependant indiqué que
l’arsenal nucléaire américain n’avait guère de pouvoir dissuasif sur les
terroristes non étatiques, qui n’ont pas d’« adresse de retour à l’expéditeur »
et que la poursuite des travaux sur la défense antimissile pourrait jouer un
rôle dans la parade à ce type de menace.
Elle a fait le point sur les plans de
l’administration Obama en matière de défense antimissile, des plans qui ont été
modifiés 1) pour répondre au ralentissement du processus de mise au point des
missiles à longue portée de l’Iran, accompagné cependant d’un triplement de
l’arsenal de missiles à courte et à moyenne portée du pays et 2) pour préserver
le caractère indivisible de la sécurité de l’OTAN.
Selon John Plumb, adjoint principal
pour la politique nucléaire et la politique de défense antimissile au
département de la Défense, la nouvelle « approche adaptative graduelle » (AAG)
des États-Unis dans le domaine de la défense antimissiles repose sur un déploiement
progressif et d’ampleur variable de moyens, de manière que le dispositif puisse
s’adapter à une menace fluctuante. Faisant observer que les États-Unis étaient
sur le point de publier un examen de la défense antimissile balistique,
l’intervenant a donné à entendre que le nouveau plan avancé par
l’administration était plus souple et mieux adapté à une menace à plus courte
portée, tenue pour la plus immédiate des menaces de ce genre pour le territoire
de l’Alliance. Il a décrit les quatre phases de ce plan, lequel cherchera
d’abord à protéger le territoire en question et les forces américaines
déployées et s’achèvera, vers 2020, par la mise en service de techniques
d’interception perfectionnées destinées à parer les menaces pesant sur les
États-Unis et le Canada.
Selon l’intervenant, l’AAG représente
une contribution américaine à un système OTAN de défense antimissile (en tant
qu’élément « essentiel » de l’article 5). Washington espère que d’autres pays «
connecteront » leurs propres capacités de défense au système de commandement et
de contrôle déjà approuvé par l’OTAN [et connu sous le nom de défense active
multicouche contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD)], ce qui
assurera leur interopérabilité. Évoquant la réaction de la Russie à l’apparition
de l’AAG, l’intervenant a indiqué que la question n’avait pas été abordée lors
des négociations autour d’un nouveau Traité START et que les autorités
américaines continuaient à assurer à leurs homologues russes que ces moyens
étaient destinés à lutter contre les États voyous et n’auraient aucune retombée
sur le dispositif de dissuasion de la Fédération.
GRAND NORD
Daniel P. Fata,
vice-président du Cohen Group et chargé de recherche transatlantique au German
Marshall Fund, a présenté à la délégation un exposé sur la sécurité
arctique. Compte tenu de l’importance stratégique grandissante de cette partie
du monde, de son accessibilité accrue – conséquence des changements climatiques
– et de l’intérêt croissant qu’elle suscite donc dans les milieux scientifiques
et politiques, l’intervenant a indiqué que l’on ne savait pas encore si la
dynamique dominante dans les années à venir serait la coopération ou la
concurrence. Appelant l’attention sur l’augmentation du trafic maritime, de la
pêche et des activités sous-marines, ainsi que sur l’existence très probable de
ressources naturelles abondantes, il a estimé que cette « effervescence »
demandait une intervention préventive pour éviter, tout à la fois,
d’éventuelles tensions géopolitiques et des catastrophes environnementales.
Selon l’intervenant, la question offre une excellente occasion d’associer sans
réserve la Russie dans le partage d’informations et l’accomplissement de
missions conjointes. Interrogé sur le rôle que pouvait jouer l’OTAN, Daniel Fata
a évoqué une coopération qui se situerait dans le contexte du Conseil
OTAN-Russie et qui porterait sur l’évaluation des risques, la mise en réseau et
le partage d’informations, l’objectif étant de brosser un tableau commun des
activités menées dans l’Arctique et d’assurer une coordination des opérations
en cas de catastrophe.
Julianne Smith, du département de la
Défense, a reconnu que la sécurité de l’Arctique ne pouvait obtenir un degré de
priorité plus élevé dans le programme de l’administration américaine, au vu des
autres problèmes qui y figurent. Au sujet d’un rôle potentiel pour l’OTAN, elle
a indiqué que l’Alliance disposait dans ce domaine de capacités limitées,
s’agissant notamment de moyens extrêmement utiles dans l’Arctique tels que des
brise-glace et des systèmes de renseignement, de surveillance et de
reconnaissance. Elle a admis que l’OTAN pouvait s’acquitter de fonctions
auxiliaires en matière de réponse à une crise ou de gestion de crises mais que
d’autres entités dotées de mandats plus spécifiques, dont le Conseil arctique,
seraient bien avisées d’améliorer leurs propres capacités dans ce secteur.
VISITES D’INSTALLATIONS MILITAIRES
Comme à l’accoutumée, la Commission a
visité des installations militaires situées en dehors de Washington. Cette
année, elle s’est rendue à Hurlburt Field, quartier général du commandement des
opérations spéciales des forces aériennes (AFSOC), que dirige le général de
corps d’armée Donny Wurster. L’AFSOC se charge de diverses missions de plus en
plus demandées dans l’actuel environnement de sécurité. Des militaires de
Hurlburt servaient en Afghanistan ou assuraient le contrôle aérien à Haïti au
moment de la visite de la délégation.
Le général Wurster a expliqué que
l’échec de l’opération Eagle Claw – laquelle aurait dû permettre le
sauvetage des otages américains détenus en Iran – avait été un tournant capital
pour les forces américaines affectées aux opérations spéciales ; les dirigeants
gouvernementaux s’étaient alors rendu compte qu’ils devaient pouvoir compter, pour
l’exécution de telles opérations, sur des capacités constamment entretenues.
Les forces spéciales américaines se sont certes transformées en un instrument
extrêmement efficace, mais la délégation a appris que bon nombre de leurs
moyens dataient de la guerre du Viet Nam et devaient être rénovés. Le général a
fait observer que la plupart des pays ne pouvaient se doter d’une puissance
aérienne capable d’acheminer ses forces spéciales dans des conditions adverses,
alors même que c’est ce qui faisait le prix des forces en question.
La délégation a entendu un exposé sur
l’aménagement d’un centre de formation pour les pilotes du chasseur-bombardier
commun F-35 ; elle a pu observer un exercice de l’escadron de formation aux
tactiques spéciales et inspecter un CV-22 Osprey, ainsi qu’un avion lourd
d’attaque au sol AC-130.36. A Tampa, elle a eu l’occasion de s’entretenir avec
l’amiral Eric Olson, qui dirige le Special Operations Command (SOCOM). Ce
dernier a fait valoir que l’expansion indéniable des forces spéciales était une
réponse nécessaire aux problèmes de sécurité du XXIe siècle. L’amiral a estimé
que ces forces étaient indispensables pour la projection de puissance et
l’atténuation des causes de l’extrémisme et s’est félicité des efforts
consentis par les Alliés pour s’entraîner et opérer ensemble, surtout depuis
les attentats du 11 septembre 2001. Tout en reconnaissant que les pays membres
avaient au sujet des forces spéciales des conceptions différentes, il a salué
le travail du Centre de coordination des opérations spéciales de l’OTAN (NSCC)
et, en particulier, son rôle dans l’échange de connaissances et
d’enseignements. Il s’est également réjoui que l’OTAN ait élevé le NSCC au rang
de quartier général des forces spéciales placé sous le commandement d’un officier
général. Il a insisté sur la nécessité de poursuivre les exercices conjoints
dans le contexte de l’OTAN, démarche qui illustre la résolution de coopérer en
tant que force alliée cohésive. Cela sera d’autant plus important que la
plupart des conflits dans lesquels interviendra l’OTAN exigera la mise en œuvre
de forces spéciales dotées de compétences multiples, selon l’amiral.
Respectueusement soumis,
M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)