Réunion de la commission des questions
économiques et du développement
Londres, Royaume-Uni, 19-20 janvier 2006
L’hon. Lorna Milne, sénatrice, s’est
rendue à Londres à titre de déléguée canadienne à la réunion annuelle de la
Commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD). Elle était accompagnée du secrétaire
Philippe Méla et du conseiller Marcus Pistor de l’Association.
Cette réunion annuelle a pour but
d’engager les cadres supérieurs de la BERD dans des discussions sur les
activités actuelles et futures de la BERD dans les économies en transition des
pays de l’Europe centrale et orientale et de l’ancienne Union soviétique. Les
résultats de la réunion et les renseignements fournis par les responsables de
la BERD forment la base du rapport annuel de la Commission sur «La contribution
de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) au
développement économique en Europe centrale et orientale», qui sera débattu
pendant la session de juin de l’APCE à Strasbourg.
Pendant son séjour à Londres, la
sénatrice Milne a été mise au courant par Scott Clark, l’administrateur
canadien de la BERD, des interventions et de la position du Canada dans les
débats en cours sur l’avenir de la Banque. Elle a également participé à une
réunion régulière de la Commission et à une visite des bureaux londoniens de
Swiss Re pour parler de l’industrie de la réassurance.
A. Mise au courant de M. Scott Clark,
directeur exécutif pour le Canada à la BERD
La délégation a bénéficié d’une
excellente mise au courant de Scott Clark, directeur exécutif pour le Canada et
le Maroc à la BERD, et de sa conseillère Michelle Kaminski. Il a surtout
été question de l’avenir à moyen terme de la Banque et notamment du Troisième
examen des ressources en capital en cours, qui déterminera les ressources
pouvant être investies entre 2006 et 2010. L’une des grandes questions à l’étude,
qui devra être tranchée à l’assemblée générale annuelle en mai, est le volume
des investissements prévus dans les huit pays qui se sont joints à l’Union
européenne (UE) en 2004 – l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la
Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie – et la Roumanie et
la Bulgarie qui sont censées le faire en 2007. L’UE et la plupart de ses
membres souhaitent voir la Banque maintenir une forte présence dans les pays en
voie d’adhésion à l’UE, estimant qu’il subsiste d’importants «écarts de
transition». D’autres actionnaires de la BERD, notamment le Canada, les États‑Unis,
le Royaume‑Uni et l’Australie, préconisent une réduction sensible et
rapide du volume d’activité dans les pays en voie d’adhésion à l’UE et un déplacement
de l’accent et des ressources vers les pays à l’économie de marché moins
développée.
Le Canada souhaite liquider les
opérations dans les pays en voie d’adhésion à l’UE et encourager un mouvement
vers le sud et l’est conformément au mandat de transition de la BERD. Sur le
point de savoir si la Banque devrait augmenter son activité en Russie, le
gouvernement croit que les investissements atteignent déjà la limite
prudentielle et que toute augmentation serait contre-indiquée vu le recul des
efforts de réforme et l’augmentation de l’ingérence de l’État.
Les discussions entourant le Troisième
examen des ressources en capital touchent à la question politique plus large de
l’avenir de la BERD comme institution multilatérale, surtout pour les
actionnaires non européens, dont l’intérêt pour le maintien d’une banque
d’investissement multilatérale axée sur l’Europe et l’ancienne Union soviétique
décline peut-être pour plusieurs raisons : les objectifs fixés dans son
mandat ont largement été atteints dans bon nombre des pays en transition de
l’Europe centrale et orientale; l’UE joue un rôle grandissant dans les autres
économies en transition, notamment dans les Balkans et semble vouloir lier plus
étroitement la BERD à ses propres stratégies d’investissement et de
développement économique; d’autres anciens pays communistes continuent de
poser de sérieux obstacles à l’augmentation de l’activité de la BERD sous forme
de conditions politiques et(ou) économiques; et la Russie semble renverser
certaines de ses réformes économiques et pratiquer une politique économique
moins dépendante des donateurs internationaux. Selon M. Clark, le moment
du décès de la BERD sera probablement déterminé par les États‑Unis, «à
moins que la Russie ne décide elle-même de cesser d’être un pays d’opérations».
(1)
Plusieurs autres questions ont été
abordées pendant la mise au courant, dont l’application de l’Article 1 de
l’Accord portant création de la BERD qui dispose que «l'objet de la Banque est
[de favoriser la transition dans les pays] qui s'engagent à respecter et
mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du
pluralisme et de l'économie de marché…» (2) Les actionnaires ne
s’entendent pas sur la mesure dans laquelle il doit être rigoureusement
appliqué, le Canada insistant peut-être le plus pour qu’il le soit, en
particulier à l’égard du Belarus, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan.
Il a aussi été largement question de la
participation éventuelle de la BERD au projet Sakhalin II, le plus gros
projet pétrolier et gazier au monde. Selon M. Clark, ce dossier est
largement considéré comme pierre de touche de la politique environnementale de
la Banque. Selon le site web de la BERD : «Le deuxième phase du projet
Sakhalin II consiste à construire deux plates-formes de production et de
forage extracôtières et des oléoducs menant sous l’eau jusqu’à la pointe
septentrionale de l’île de Sakhalin, puis sur terre jusqu’à la pointe
méridionale de l’île à des terminaux d’exportation de pétrole et de gaz et à
une usine de gaz de pétrole liquéfié.» (3) Une bonne partie du
pétrole et du gaz serait transportée au large de la côte ouest du Canada et des
États-Unis.
C’est un projet controversé à cause de
son impact potentiel sur la vie marine et l’économie de subsistance locale, sur
les rivières à saumons (en partie à cause des déversements éventuels de
l’oléoduc qui les traversera), sur les sites de nidification d’une espèce
d’aigle menacée et sur la dernière population connue de la baleine grise de
l’Ouest, autre espèce menacée. Des ONG de conservation et de protection de
l’environnement et d’autres détracteurs ont soulevé de graves préoccupations
concernant à la fois l’impact potentiel du projet et le fait que le consortium
du projet, la Sakhalin Energy Investment Company Ltd., qui a à sa tête la Royal
Dutch Shell, (4) n’aurait procédé ni à une évaluation
environnementale ni à une étude de base en bonne et due forme. La BERD, à qui
le consortium a demandé de contribuer au projet, a exprimé des préoccupations
semblables et n’a pas encore décidé si elle y participerait ou non. En
décembre 2005, elle a annoncé qu’elle «considère l’abondante documentation de
la société sur les répercussions de Sakhalin II (Phase 2) sur
l’environnement, la société, la santé et la sécurité comme "pouvant servir
de base à des consultations". Sakhalin Energy va maintenant publier sa
dernière étude d’impact sur l’environnement et les commentaires du grand public
seront d’un précieux secours pour déterminer si le projet répond aux exigences
financières et environnementales de la Banque et peut bénéficier d’un
financement.» (5)
B. Réunion de la Commission des
questions économiques et du développement de l’APCE avec des responsables de la
BERD
Les réunions de la Commission à la BERD
comportaient un programme complet d’exposés et de discussions avec des
responsables de la Banque. Les parlementaires et leurs adjoints ont pu
discuter librement avec eux à un déjeuner offert par la Banque.
Programme des réunions avec des hauts
responsables de la BERD
09h30 – 09h35
Jean Lemierre, président de la BERD,
souhaite la bienvenue à la Commission et M. Evgeni Kirilov, président de la
Commission, lui donne la réponse
09h35 – 10h05
Allocution du président Lemierre
10h05 – 10h10
Fabrizio Saccomanni, vice-président à
la Gestion des risques, assume la présidence
10h10 – 10h50
Développements économiques dans les
pays en transition en 2005 Sam Frankhauser, directeur, Études de politique et
stratégie sectorielle
10h50 – 11h30
Turn Around Management Program (TAM)
et Business Advisory Services Program (BAS)
Charlotte Salford, directrice du TAM et du BAS
11h30 – 12h20
L’évaluation à la BERD Fredrik
Korfker, évaluateur en chef, Département de l’évaluation
12h20 – 12h30
Conclusions de la présidence
Les exposés approfondis et informatifs
des responsables de la BERD (6) ont été
suivis de discussions avec les membres de la Commission et les délégués
canadiens, qui ont soulevé un certain nombre de questions dont les suivantes :
la politique énergétique à la lumière des tensions actuelles entre la Russie et
des pays de l’ancienne Union soviétique sur l’approvisionnement et le prix du
gaz et du pétrole, les défis auxquels fait face l’économie russe, l’évolution
de la situation en Ukraine et l’activité de la BERD dans les Balkans de l’Ouest
où l’avenir du Monténégro et du Kosovo reste incertain. La sénatrice Milne a
posé au président Lemierre plusieurs questions sur la Russie. À sa question
sur l’augmentation apparente de l’intervention de l’État en Russie, il a
répondu que c’était surtout un problème dans le secteur pétrolier et gazier et
que les autres secteurs étaient encore relativement libres de l’intervention de
l’État. Il a ensuite parlé de l’évaluation des risques et de son impact sur la
décision de la Banque d’investir davantage dans ce pays en notant que la BERD
«n’a pas encore atteint la limite prudentielle en Russie et n’a pas l’intention
de l’augmenter». Enfin, M. Lemierre a déclaré qu’il partageait les inquiétudes
de la sénatrice Milne concernant le projet Sakhalin II, notamment le fait que
Sakhalin Energy Investment n’a pas procédé à une évaluation environnementale en
bonne et due forme. Notant que la BERD ne déciderait pas d’investir ou non dans
le projet avant avril ou mai prochain au plus tôt et qu’il croyait que «les ONG
ont raison dans ce dossier», il a expliqué que la Banque travaillait avec Shell
et les ONG pour s’assurer que le consortium la consultera dans ce dossier.
Pendant la discussion consécutive à
l’exposé de Charlotte Salford sur le Turn Around Management (TAM) Program
(Programme de gestion de redressement) et le Business Advisory Services (BAS)
Program (Programme de services consultatifs d’affaires) (7) la sénatrice Milne s’est déclarée intéressée par la façon dont la
BERD recrute pour ces programmes des gestionnaires d’expérience dans les
économies de marché avancées. Mme Salford, directrice des programmes TAM et
BAS, a expliqué que la BERD tâchait de recruter des directeurs généraux à la
retraite. Par exemple, en 2005, elle interviewé plus de 250 anciens directeurs
généraux lors d’un séjour au Canada. Après un processus d’évaluation, les noms
d’anciens directeurs généraux qualifiés sont versés dans une base de données
qui sert à trouver des gens d’expérience pour des projets particuliers dans les
pays d’opérations de la BERD.
C. Réunion de la Commission des
questions économiques et du développement de l’APCE
Après les réunions avec les
responsables de la BERD, la Commission s’est réunie pour discuter de projets de
rapports sur le développement économique en Ukraine et l’intérêt de l’Europe
pour la poursuite du développement économique de la Russie, pour entendre un
rapport verbal sur la Conférence parlementaire de l’Organisation mondiale du
commerce à Hong Kong (décembre 2005), discuter de ses priorités pour 2006
et de ses relations avec le Parlement européen et considérer la possibilité de
produire un rapport sur les fonds de placement spéculatifs.
D. Activités de la Commission sans
rapport avec la BERD : Réunion à Swiss Re
Enfin, la Commission a tenu une
demi-journée de réunions dans les bureaux londoniens de Swiss Re, «l’un des
principaux réassureurs au monde et le premier réassureur vie et santé au
monde». Les réunions ont eu lieu au 30 St. Mary Axe, le nouvel et
audacieux immeuble de bureaux conçu par l’architecte renommé
Norman Foster. Elles ont porté surtout sur l’histoire de l’industrie de
la réassurance, les défis que lui pose une économie globalisée et les risques
émergeants.
Programme
14h15 – 15h00
Visite de l’immeuble
15h00 – 15h15
Bienvenue et introduction John
Fitzpatrick, membre du Conseil de direction du Groupe
15h15 – 15h45
Risques émergeants
Annabelle Hett, Chef, Gestion des risques émergeants
Sujets :
Évolution des risques
Nouveaux risques
Accélération du rythme du changement
Opinion publique
Les risques futurs sont-ils
assurables?
La méthode de Swiss Re pour cerner et
gérer les risques émergeants
15h45 – 16h15
Marché international de la
réassurance
Thomas Hess, Chef, Recherches et consultations économiques
Sujets :
Environnement économique
Performance de la souscription
Maintien de la santé financière –
course à la profitabilité
Conquête de nouveaux marchés et
adoption de nouvelles solutions
Perspectives du marché
16h15 – 16h45
Réglementation de la réassurance
Michael Koller, chef, Affaires réglementaires du Groupe
Sujets :
Évolution rapide de la réglementation
et de la comptabilité
Normes de fonds propres : Directive
sur la solvabilité II
Gouvernance d’entreprise : Loi
Sarbanes-Oxley
Gestion des risques : Risque
opérationnel
Comptabilité : International
Financial Reporting Standards (IFRS) et International Accounting Standards
(IAS)
Supervision du Groupe
Défis qui se posent à une société de
services financiers
Position et évaluation de Swiss Re
E. Contexte : La BERD
Fondée en 1991 dans la foulée de
l’effondrement des régimes communistes d’Europe centrale et orientale, la
Banque européenne pour la reconstruction et le développement a pour mandat de «faciliter
le passage à l’économie de marché dans les pays de l’Europe centrale et de
l’Europe du Sud-est de même que dans les républiques de l’ancienne Union
soviétique, et de favoriser l’initiative privée et l’esprit d’entreprise dans
les pays qui s’engagent à respecter les principes fondamentaux de la démocratie
pluraliste, du pluralisme et de l’économie de marché» été fondée.» (8) Elle
offre du financement de projet (capitaux propres, prêts et garanties de prêts)
surtout au secteur privé, mais aussi aux gouvernements de 27 pays.
En vertu de son mandat, la Banque ne
peut intervenir que dans les pays acquis aux droits de la personne et aux
principes démocratiques. En outre, ses investissements doivent témoigner de
son engagement en faveur d’une solide gouvernance d’entreprise et du respect de
l’environnement. Voici ce que prévoit plus précisément son mandat :
Chaque investissement de la BERD doit :
·avoir un impact positif sur la transition,
c'est-à-dire contribuer à promouvoir l'économie de marché dans le pays en
question;
·soutenir l'investissement privé et non pas s'y
substituer;
·respecter les principes de saine gestion
bancaire.
Grâce à ses investissements, la BERD
soutient :
·les réformes structurelles et sectorielles;
·la concurrence, la privatisation et l'esprit
d'entreprise;
·le renforcement des institutions financières et
des systèmes juridiques;
·le développement des infrastructures nécessaires
au secteur privé;
·la mise en œuvre d'une bonne gouvernance
d'entreprise et la prise de conscience des questions d'environnement.
Dans son rôle de catalyseur des
réformes, la BERD :
·encourage le cofinancement et les
investissements étrangers directs;
·mobilise les capitaux intérieurs;
·fournit une aide technique (9)
Le Canada est le huitième actionnaire –
à égalité avec l’Espagne et après les autres pays du G‑7 et la Russie –
contribuant pour 3,4 % au capitale de la Banque. Le ministre des Finances est
un gouverneur de la BERD; et l’un des 23 membres du conseil
d’administration est nommé par le gouvernement canadien. (10)