L’Association parlementaire canadienne
de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la Visite en Afghanistan des
Membres du Bureau et des Bureaux de commission de l’Assemblée parlementaire de
l’OTAN, qui s’est tenue en Afghanistan, du 23 au
26 octobre 2008. La délégation canadienne était représentée par le
sénateur Pierre Claude Nolin qui est trésorier de l’AP OTAN, vice-président de
la Commission des sciences et des technologies, et rapporteur spécial sur le
changement climatique.
INTRODUCTION
Une délégation de hauts responsables
canadiens, allemands et britanniques de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a
effectué une visite en Afghanistan au mois d’octobre 2008 pour faire le point
sur l’engagement de la communauté internationale dans ce pays. Durant les
quatre jours qu’elle a passés à Kaboul et Mazar e-Charif, elle a pu rencontrer
le chef de l’État, M. Hamid Karzaï, de hauts fonctionnaires gouvernementaux,
des parlementaires, un gouverneur de province, le général David McKiernan – qui
commande la Force internationale d’assistance à la sécurité – et ses
subordonnés, ainsi que des représentants des Nations unies et de l’Union
européenne.
Les interlocuteurs de la délégation ont
abordé des thèmes et exprimé des opinions variés et parfois contradictoires. La
plupart d’entre eux ont indiqué qu’un optimisme prudent pouvait se justifier et
que le pessimisme largement perçu dans les médias occidentaux était quelque peu
exagéré, mais certains ont souligné que les quelques mois à venir seraient cruciaux
pour l’avenir à moyen et long terme de l’Afghanistan. C’est dans cette période,
en effet, que s’inscrira la campagne de l’élection présidentielle de 2009, de
même qu’un ambitieux programme de mise en valeur de la gouvernance au niveau
sous-national. Grâce à l’arrivée de nouvelles personnalités à la tête de
plusieurs ministères clés, la perspective d’enregistrer des progrès dans divers
secteurs est bien réelle ; toutefois, l’insécurité et la corruption continuent
à entraver les efforts déployés dans tous les domaines.
Les responsables de l’OTAN et la
Coalition ont fait valoir qu’une stratégie efficace était en place mais que le
volet militaire ne pouvait à lui seul instaurer sécurité et stabilité. Tous les
interlocuteurs de la délégation ont affirmé que l’aboutissement de solutions
durables exigerait des efforts réguliers et de longue haleine de la part des
multiples acteurs internationaux dont les contributions sont grandement
appréciées par les Afghans dans leur ensemble, même si elles présentent parfois
l’une ou l’autre défectuosité.
CONTEXTE POLITIQUE
La visite de la délégation coïncidait
avec la parution, dans la presse occidentale, de plusieurs analyses assez
sombres sur les perspectives en Afghanistan, perspectives que ne partage pas le
haut représentant civil de l’OTAN, M. Fernando Gentilini. Ce dernier a dressé
la liste des résultats stratégiques de cette année, dont le renforcement du
mandat de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA),
l’arrivée à Kaboul, au mois de mars, du représentant spécial du secrétaire
général de l’ONU, M. Kai Eide, ou encore, la signature de l’accord de l’OTAN
sur la vision stratégique de la FIAS lors du Sommet de Bucarest, en avril, au
terme de réunions auxquelles participaient MM. Karzaï
et Ban Ki-moon. M. Gentilini s’est également félicité
des nouveaux fonds obtenus à la conférence des pays donateurs qui s’est tenue
en juin dans le contexte de la Stratégie nationale de développement de
l’Afghanistan (SNDA), laquelle coiffe les efforts coordonnés de la communauté
internationale dans les domaines de la sécurité, du développement et de la
gouvernance.
Le récent remaniement ministériel opéré
par M. Karzaï a été largement considéré comme un geste encourageant. Notamment,
les nouveaux titulaires des portefeuilles de l’Intérieur et de l’Agriculture
semblent particulièrement compétents et tout désignés pour occuper leurs postes
respectifs, compte tenu des problèmes qui attendent le premier (une corruption
généralisée, plus spécialement dans la police) et le second (la menace d’une
pénurie alimentaire). Ce remaniement devrait normalement inciter pays et
organisations donateurs à redoubler d’efforts.
Les interlocuteurs de la délégation ont
déclaré que l’élection présidentielle de 2009 pouvait redynamiser le processus
politique à l’échelle nationale et internationale et qu’elle pouvait être tenue
pour le prolongement du processus de Bonn. Ils ont ajouté qu’il fallait en
priorité veiller à ce que cette élection soit irréprochable dans son
déroulement. Un processus en quatre phases d’inscription sur les listes
électorales, entamé quelques semaines à peine avant l’arrivée de la délégation,
est en cours ; on n’a observé aucune tentative concertée visant à le saboter.
Pour ce qui est du choix de la date de
l’élection, des considérations pratiques (dont les conditions météorologiques)
imposent que celle-ci se tienne à l’automne. Cependant, le vice-président de la
Chambre basse (Wolesi Jirga), M. Mirwais Yasini, a indiqué à la délégation
qu’en vertu des dispositions de la Constitution elle devait avoir lieu au mois
de mars ou d’avril. La délégation a fait observer qu’il appartenait aux Afghans
de se prononcer sur ce point.
Enfin, la délégation a discuté avec bon
nombre de ses interlocuteurs d’une possible « réconciliation » de certains
éléments de l’insurrection avec le processus politique légitime et, entre
autres, d’une initiative qu’aurait lancée l’Arabie saoudite. Tout insurgé «
réconcilié » devrait prêter allégeance à la Constitution et aux principes sur
lesquels elle repose et renoncer à la violence. Cette démarche devrait être
conduite par le gouvernement afghan et, dans l’idéal, depuis une position de
force.
Les interlocuteurs de la délégation
sont convenus de la nécessité d’accroître le processus d’association et
d’appropriation de la population afghane vis-à-vis de la politique, notamment
au niveau local. C’est là un élément clé de la stratégie militaire appliquée
par la FIAS et du programme de gouvernance sous-nationale des autorités
afghanes.
RENCONTRE AVEC M. KARZAI
La délégation a été reçue par M.
Karzaï, avec lequel elle a eu un dialogue approfondi au sujet des questions les
plus diverses. Le chef de l’État a émis l’opinion que de grandes avancées
avaient été accomplies dans les domaines, par exemple, de la scolarisation et
de la santé depuis la chute des talibans. Il a cependant déploré les erreurs
commises, en particulier, dans la conduite de la lutte contre le terrorisme :
ainsi, le danger que représentaient les sanctuaires au Pakistan et l’immixtion
de ce pays n’a été mesuré que tardivement. M. Karzaï a reconnu que le Pakistan
avait souffert aussi ; il s’est réjoui de l’amélioration des relations avec le
nouveau gouvernement d’Islamabad et des discussions privées menées à tous les
niveaux.
Évoquant les informations sur les
efforts de réconciliation et sur la médiation de l’Arabie saoudite, le chef de
l’État a affirmé qu’il souscrivait aux évaluations selon lesquelles une
solution militaire seule ne pouvait être tenue pour une solution. En dernière
analyse, après six années d’opérations militaires et de pertes civiles, la
situation ne s’est assurément pas améliorée. Il a insisté pour que le processus
de réconciliation bénéficie d’un soutien adéquat de la part de la communauté
internationale et a souhaité vivement que l’Arabie saoudite entre en scène,
ajoutant que le monde islamique devait intervenir pour résoudre un problème qui
se perpétuait au nom de l’islam.
Dans l’ensemble, l’Iran a joué un rôle
positif, a indiqué M. Karzaï, même si certaines difficultés sont évidentes.
Lui-même ne dispose d’aucune preuve de première main qui confirmerait les
rumeurs d’une assistance iranienne aux taliban et il sait gré aux autorités de
Téhéran de manifester leur appui général à la présence de la communauté
internationale en Afghanistan. Cette communauté doit bien admettre que l’Iran
est et restera le voisin de l’Afghanistan.
M. Karzaï a estimé que la mise en
valeur de la gouvernance sous-nationale revêtait une priorité absolue et qu’il
était essentiel de rétablir dans le pays une sécurité fondée sur la communauté,
concept traditionnellement efficace. Il a également plaidé en faveur d’une
association plus étroite des Afghans à la planification et à la conduite des
opérations, faute de quoi celles-ci risquaient d’être compromises par des
données du renseignement médiocres et de porter des atteintes extrêmement
préjudiciables à la réputation des forces internationales auprès de la
population. Il a déploré, par ailleurs, le recours à des sociétés de sécurité
privées, lesquelles prospèrent grâce à l’insécurité.
La lutte contre la corruption pose un
problème d’une exceptionnelle difficulté, compte tenu de la pauvreté de la
majeure partie de la population et de l’effet corrosif du trafic des
stupéfiants, combinés à des structures de gouvernement et une capacité
administrative faibles. Cette lutte prendra des années. Le chef de l’État a
regretté que les moyens financiers inhérents aux contrats préparés par les pays
donateurs profitent souvent à des entrepreneurs occidentaux plutôt qu’aux
Afghans.
Selon M. Karzaï, l’Afghanistan sera
bientôt, pour autant que les progrès continuent, un petit pays paisible qui ne
menacera ni ses voisins ni la communauté internationale. Mais, dans le meilleur
des scénarios, il continuera à se débattre contre la pauvreté, l’absence
d’éducation, les stupéfiants et les problèmes de gouvernement, à l’instar
d’autres pays pauvres à travers le monde.
SECURITE
Le général David McKiernan, qui
commande la Force internationale d’assistance à la sécurité, ne pense pas que
l’insurrection soit plus forte que l’an dernier ; elle n’a pas les mêmes
ambitions, tel le contrôle de Kandahar, par exemple. Elle a plutôt modifié sa
tactique et sa stratégie en vue de mener une campagne de la peur par des
activités terroristes asymétriques. Le général a décrit l’insurrection comme
une espèce de « syndicat » rassemblant de nombreux groupes – y compris des
taliban – dont les intérêts sont variés et peuvent se chevaucher.
Le général a indiqué qu’il avait
récemment « porté une double casquette » en tant que commandant des forces des
États-Unis présentes en Afghanistan et, à ce titre, responsable de 10 900
soldats américains de plus. Cela a permis d’utiliser les moyens militaires
américains sur l’ensemble du territoire afghan et d’améliorer l’unité d’action.
Le général s’est également félicité du transfert aux Afghans de la
responsabilité principale de la sécurité de Kaboul et a estimé qu’un tel succès
pouvait se reproduire ailleurs dans le pays.
La stratégie de la FIAS repose sur
quatre mots clés : façonner, nettoyer, tenir, bâtir : façonner l’environnement
avant une opération grâce à des réunions avec les chouras (conseils) et
d’autres chefs locaux ; nettoyer une zone des insurgés qui l’occupent ; tenir
cette zone pour empêcher la réinfiltration et les représailles des taliban ;
construire en mettant en chantier des projets de développement et de
reconstruction pour apporter des avantages tangibles à la population locale.
Les responsables locaux devraient être
associés davantage aux opérations de l’OTAN, a déclaré le général, puisqu’ils
connaissent parfaitement le terrain et la situation locale. La FIAS essaie une
nouvelle méthode pour atteindre les communautés : elle travaille avec les
chouras locaux et préconise la conclusion d’un « marché » entre les autorités
locales, qui assumeront la responsabilité de leurs communautés, et le
gouvernement central, qui engagera les ressources nécessaires à leur soutien.
Il s’agit d’une démarche à la fois
globale (elle prend en compte la gouvernance et le développement en même temps
que la sécurité) et intégrée (elle s’effectue en coopération avec le
gouvernement et des acteurs internationaux). Il est indispensable de recourir à
une telle méthode et de se concentrer sur la gouvernance et le développement comme
sur la sécurité, a dit le général, de la même manière qu’il faut de la part de
la communauté internationale une volonté sans faille et une meilleure
continuité dans l’effort.
Le général a suggéré que tous les
membres de l’OTAN adoptent une stratégie de contre-insurrection, même si ce
terme n’apparaît pas dans les doctrines ou les documents de l’Organisation. De
nombreux pays ne souhaitent pas que leurs forces armées travaillent avec la
Police nationale afghane (PNA), ce qui « foncièrement erroné au 21e siècle ».
Au cours des prochaines années, la protection de la population afghane exigera
la constitution de moyens paramilitaires à l’intérieur de la PNA. Le général
pense que la formation de la PNA finira par atteindre un « point de basculement
» à partir duquel la FIAS pourra passer le relais sur le plan de la sécurité et
se retirer du pays ; il a ajouté que cela ne se produirait pas avant quelques
années.
Évoquant le rôle de la FIAS dans la
lutte contre le trafic de stupéfiants, le général a indiqué que les
autorisations existantes permettaient à l’OTAN d’épauler le gouvernement afghan
dans ses efforts, par exemple en assurant l’appui logistique, le soutien in
extremis et l’évacuation médicale. L’Organisation négocie actuellement un
élargissement de ces autorisations afin d’y inclure l’action directe contre des
objectifs liés tout à la fois aux stupéfiants et aux insurgés. Le général s’est
prononcé pour une intensification des opérations d’interdiction, faisant valoir
que les cent millions de dollars (montant estimatif) que les talibans
empochaient chaque année grâce à la drogue payaient les armes qui servaient à
tuer les soldats alliés. Il n’a pas préconisé la participation de l’OTAN aux
opérations d’arrachage des cultures de pavot, participation qui risquerait de
nuire à l’image de la FIAS dans l’opinion publique.
Déplorant la persistance de clauses
restrictives opérationnelles, le général a déclaré que, à son avis, l’OTAN
avait un avantage intrinsèque sur n’importe lequel de ses adversaires en
Afghanistan : celui du renseignement, de la vitesse, de la puissance de feu,
de la logistique et d’autres facteurs encore ; les clauses restrictives
nationales réduisent l’ampleur de cet avantage et exposent les soldats alliés à
des risques plus élevés. De plus, les insurgés sont parfaitement informés de
l’existence de ces clauses et dressent leurs plans en conséquence.
Le général a demandé le financement
intégral des besoins militaires validés, la recherche d’une meilleure façon de
développer le capital humain de l’Afghanistan pour faire en sorte que le pays
ne soit pas entièrement et indéfiniment dépendant de la communauté
internationale, et des actions visant à priver les insurgés de leurs
sanctuaires.
Le ministre de la Défense, M. Abdoul
Rahim Wardak, s’est dit confiant : si la communauté internationale maintient
son aide, l’Afghanistan pourra endiguer la menace, contrôler la situation sur
le plan de la sécurité et, en définitive, renverser la tendance. Certes, on
peut parler de succès à propos des Forces armées afghanes (FAA), mais celles-ci
manquent encore des capacités de préparation du terrain – dont des moyens
aériens et des moyens de reconnaissance – susceptibles de leur conférer une
totale indépendance. M. Wardak est persuadé qu’à terme les FAA participeront à
des missions de maintien de la paix à l’étranger pour rembourser la dette du
pays à la communauté internationale.
Le ministre a préconisé un plus large
partage des données du renseignement et l’association de responsables afghans
aux activités de planification ; il a également plaidé pour une « afghanisation
» accrue des opérations, citant comme exemple l’affectation de forces afghanes
aux missions d’arrestation. Enfin, il a fait part de ses inquiétudes au sujet
des tirs amis et des victimes civiles.
La délégation a appris que les
problèmes auxquels se heurtait la PNA formaient un obstacle majeur à
l’instauration de la sécurité au niveau local. Les policiers comptent dans
leurs rangs 70 % d’illettrés et sont largement touchés par la toxicomanie ;
aussi sont-ils fréquemment considérés comme des « proies faciles » par les
insurgés et sont pris pour cibles dans des proportions démesurées ; la PNA
affiche donc de lourdes pertes (plus de mille morts et blessés à ce jour). La
plupart des interlocuteurs de la délégation ont demandé que tout soit mis en
œuvre pour soutenir la vaste campagne anti-corruption et les réformes
policières engagées par le nouveau ministre de l’intérieur, M. Mohammad Hanif
Atmar.
La délégation a entendu un exposé sur
la Mission de police de l’Union européenne en Afghanistan (EUPOL Afghanistan),
exposé présenté par le chef adjoint de la Mission, le colonel Umberto Rocca et
ses collaborateurs. EUPOL Afghanistan a pour tâche de suivre, conseiller et
guider les policiers afghans ; en mai dernier, il a été décidé de doubler son
effectif, qui compte actuellement 174 officiers de police professionnels et
chevronnés qui ont pour consigne de privilégier la qualité par rapport à la
quantité. Selon le colonel Rocca, la Mission continue à tenter d’obtenir sur le
terrain l’aide des équipes de reconstruction provinciales (PRT) de certains
États membres.
En matière de formation policière, les
États-Unis ont choisi une méthode différente, selon le général de division
Robert Cone, qui est à la tête du Combined Security Transition Command –
Afghanistan. Le général a indiqué que Washington consacrait 95 % des dépenses
totales à ce type de formation et avait déployé 2 700 formateurs à cet effet.
Le général, dont l’unité est l’élément américain responsable de la mise sur
pied des forces de sécurité nationales afghanes, a émis l’avis que les
périodes d’affectation en Afghanistan ne doivent pas être inférieures à une
durée de douze à seize mois. Il a affirmé que c’était là un minimum pour
instaurer les relations de confiance indispensables avec les soldats afghans.
Aussi les équipes de liaison et d’encadrement opérationnel (OMLT) fournies par
l’OTAN devraient-elles rester sur place pendant un an.
Selon divers interlocuteurs de la
délégation, dont le général Cone, les FAA sont un exemple de succès. Certes,
elles continuent d’accuser quelques faiblesses sur le plan de la logistique ou
du commandement et du contrôle, entre autres, mais elles sont pleinement
engagées dans la lutte contre-insurrectionnelle et remportent des victoires non
négligeables, tout en prenant de plus en plus souvent la tête des opérations.
Le problème du recrutement ne se pose pas et la conscription n’est pas à
l’ordre du jour. Pour le général Cone, il serait judicieux d’augmenter la
rémunération des membres des forces de sécurité, car ce serait investir dans le
développement et la gouvernance : en effet, les soldats envoient leur solde à
leur tribu et à leur famille, rattachant ainsi les structures locales au
gouvernement central.
L’effectif opérationnel des FAA
s’accroît rapidement et son doublement (il passerait alors à 134 000 hommes) a
été approuvé. A plus long terme, le coût d’entretien annuel des FAA devrait
dépasser trois milliards de dollars et le gouvernement afghan ne pourrait
l’assumer seul. Cependant, le général a indiqué qu’il s’agissait là d’un
investissement raisonnable au regard des cinquante milliards que coûte chaque
année le maintien de forces internationales en Afghanistan. M. Wardak a bon
espoir qu’à longue échéance la croissance économique permettra au pays
d’entretenir seul son armée.
De l’avis du général Cone, le mandat de
la FIAS devrait englober la formation policière, tandis que les États-Unis
pourraient financer la construction d’installations et fournir l’équipement
requis, de manière à accélérer la constitution de la PNA, mais il ne donnera
pas son feu vert si un nombre suffisant de formateurs n’est pas disponible.
La délégation a visité les locaux des
commandements régionaux Nord (RC-N) et Capitale (RC-C) de la FIAS. Au RC-C,
elle a appris qu’en août les forces afghanes avaient assumé la responsabilité
première de la sécurité de Kaboul, démarche largement saluée comme une réussite
au vu de la diminution de moitié des incidents dans la capitale. Le général de
brigade Michel Stollsteiner, qui commande le RC-C, a contesté les informations
selon lesquelles Kaboul serait « encerclé » et a précisé que le nombre et la
liberté d’action des insurgés présents dans la région étaient limités. Les
membres de la délégation ont été informés des multiples activités de
coopération militaro-civile, souvent coordonnées avec des opérations telles que
des patrouilles de sécurité.
Le commandant Weigt, qui est à la tête
du RC-N, a déclaré que la situation dans le nord du pays était relativement stable
mais que la sécurité sans faille de la région ne pouvait être tenue pour
acquise, contrairement aux informations circulant à ce propos. Dans sa zone
d’opérations, les menaces sont diverses, mais il dispose des forces requises
pour faire face à n’importe quelle éventualité. Il a souligné que les succès
remportés dans la région étaient consolidés par une intensification des
activités de développement. Selon lui, la réforme de la police afghane est d’un
grand intérêt pour la zone dont il a la responsabilité ; la qualité des
policiers ainsi formés est tout aussi importante que leur nombre.
GOUVERNANCE
Beaucoup d’interlocuteurs de la
délégation ont indiqué qu’en Afghanistan le renforcement de la gouvernance
locale était vital pour la construction de l’État. En août 2007, le
gouvernement a créé la Direction indépendante pour la gouvernance locale
(DIGL), l’objectif étant de mettre en place des structures institutionnelles,
juridiques et financières pour améliorer la capacité opérationnelle des
autorités locales.
Le directeur de la DIGL, M. Jelani
Popal, a expliqué à la délégation qu’en se concentrant exclusivement, dans un
premier temps, sur l’assistance au gouvernement central la communauté
internationale avait créé à l’échelon local un vide qui, dans certaines zones,
avait été comblé par les taliban. En l’absence d’un appareil judiciaire fiable,
ceux-ci avaient mis en place, dans la province de Helmand, des tribunaux qui
s’occupaient activement de litiges fonciers. A la différence des institutions
officielles, ces tribunaux se prononçaient rapidement et étaient en mesure de
faire appliquer leurs jugements.
La DIGL a donc été créée pour
superviser les gouverneurs de province et de district, les conseils provinciaux
et les municipalités situées en dehors de Kaboul. Jusqu’ici, le résultat le
plus tangible de son action est le remplacement de treize gouverneurs de
province. Elle a aussi fait avancer l’élaboration d’une législation qui
déléguera aux provinces certains pouvoirs, notamment sur le plan financier.
DEVELOPPEMENT ET ASSISTANCE
HUMANITAIRE
Évoquant le système des PRT de l’OTAN,
M. Popal a indiqué qu’il souhaitait coopérer avec ces équipes pour donner suite
aux priorités du gouvernement par l’intermédiaire des plans de développement
provincial ; ces plans sont établis à partir de projets soumis par les
autorités locales. Il aimerait que les PRT aident les provinces à se doter de
moyens indigènes de planification et de budgétisation, au lieu de se substituer
aux autorités en question, sapant ainsi la position de ces dernières. M. Popal
voudrait également que les éléments civils des PRT soient renforcés et restent
sur place pour des périodes supérieures à six mois, de manière à garantir la
continuité de leur action. Enfin, il a suggéré que les PRT s’attachent aux
projets à plus long terme plutôt qu’aux projets Quick Impact, dont les effets
tangibles sont immédiats. Il a affirmé qu’un kilomètre de route financé par des
filières afghanes coûterait 500 000 dollars, contre pas moins d’un million de
dollars pour le même kilomètre financé sur l’aide bilatérale directe.
Selon l’assistant particulier du
représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afghanistan et chef
de la MANUA, M. Tom Gregg, aucune partie prenante ne connaît exactement le
montant de l’aide qui entre dans le pays. La Mission va envoyer sur place un
responsable chargé de procéder à une évaluation précise de l’« efficacité de
cette aide ».
Le représentant spécial de l’Union
européenne, M. Segui, a informé la délégation des sérieux problèmes humanitaires
provoqués par un hiver rigoureux suivi d’une grave sécheresse, circonstances
qui ont entraîné, par exemple, un renchérissement du prix du blé de l’ordre de
300 %. De quatre à six millions pourraient être concernés durant l’hiver qui
approche, a dit M. Segui.
La délégation a été reçue dans les
locaux de l’antenne régionale Nord de la MANUA, à Mazar e-Charif. Elle y a
entendu une série d’exposés sur différents thèmes, dont le rapatriement des
réfugiés, les problèmes économiques posés par la succession d’un hiver
rigoureux et d’une grave sécheresse, la situation précaire des enfants dans la
région, le fléau endémique de la corruption, aggravé par une autorité faible,
les entraves à la liberté d’expression et la construction de capacités au
niveau local.
Les responsables régionaux de la MANUA
ont demandé que les ressources des pays donateurs soient canalisées par les
autorités afghanes plutôt que sur un plan bilatéral et, notamment, que les
donateurs recourent plus largement au Fonds de reconstruction de l’Afghanistan,
en vue d’une appropriation accrue des projets de développement par les Afghans
eux-mêmes.
Faisant observer que l’on s’attendait,
pour les cinq prochaines années, à un déficit de 21,9 milliards de dollars en
ce qui concerne l’aide extérieure, les mêmes responsables régionaux ont demandé
un financement accru des projets à long terme par rapport aux projets Quick
Impact et une augmentation des investissements dans l’extraction des ressources
minérales du pays, dont l’exploitation peut être une source de revenus à plus
log terme. Dans la capitale provinciale, le secteur de la construction est
florissant et l’on constate une reprise d’autres activités économiques, mais
les responsables ont noté que les Afghans proprement dits ne bénéficiaient que
très peu de l’aide internationale et que leurs conditions d’existence ne
s’étaient guère améliorées depuis la chute des talibans.
Les membres de la délégation ont
rencontré le gouverneur de la province de Balkh, M. Oustad Atta Mohamed Nour.
Celui-ci a déclaré qu’il pourrait être plus efficace de faire appel aux
autorités et à la main-d’œuvre locale plutôt qu’à des entrepreneurs
occidentaux. Il a confirmé que la province possédait des ressources minérales
qui n’avaient pas encore été prospectées et que l’on y trouvait d’autres
secteurs d’activité économique au potentiel encore inexploité, comme le tissage
de tapis et l’exportation de fruits séchés. Enfin, le gouverneur a plaidé pour
une meilleure coordination globale entre forces et donateurs internationaux et
pour une association accrue des Afghans aux processus de planification.
RELATIONS PARLEMENTAIRES
La délégation a rencontré un groupe de
huit députées du Parlement afghan qui s’inquiètent avant tout du recul de la
sécurité (sur le double plan national et individuel) et des difficultés
économiques. L’une d’elles, originaire de la province de Helmand, a expliqué
que, pour des raisons de sécurité, elle n’avait pu regagner son district
pendant trois ans ; une autre a raconté que les insurgés avaient tué son frère
parce qu’elle faisait de la politique. Le nombre d’enlèvements de civils est en
augmentation et l’action des forces internationales continue à faire des
victimes dans la population, ont affirmé les députées, qui ont ajouté que le
non-respect de la primauté du droit nuisait à la société et que les forces de
police étaient pratiquement réduites à l’impuissance. Elles ont formulé
diverses propositions : recrutement d’un plus grand nombre de jeunes Afghans
pour assurer la sécurité le long des grand-routes, participation plus active de
l’OTAN à la lutte contre les stupéfiants et multiplication des programmes
d’enseignement et de formation professionnelle à l’intention des femmes de la
part de la communauté internationale. Une parlementaire a recommandé la réaffectation
exclusive des forces internationales à la sécurité des frontières.
M. Mirwais Yasini a remercié
l’Assemblée de continuer à inviter des parlementaires afghans à ses activités ;
selon lui, toutes les occasions que peuvent avoir ces parlementaires de tirer
profit de l’expérience de leurs collègues étrangers sont les bienvenues. Quant
au président de la Chambre haute (Meshrano Jirga), M. Hazrat Sibghatulla
al-Mojaddedi, il a confirmé aux membres de la délégation que des discussions se
tenaient actuellement entre le Parlement afghan et le Parlement pakistanais. La
délégation a souligné l’importance d’un tel dialogue et indiqué que l’Assemblée
pouvait y contribuer.
Respectueusement soumis,
M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)