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Rapport

 

La délégation parlementaire de la Section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), qui a assisté au Colloque France-Canada, L’empreinte de la France au Canada après 400 ans, à Paris (France), les 7 et 8 mars 2008, a l’honneur de présenter son rapport.  La délégation était composée de l’honorable Pierre De Bané, sénateur.

Ce colloque, organisé par le Sénat français et l’Association interparlementaire France-Canada dans le cadre du 400e anniversaire de l’établissement de Samuel de Champlain à Québec en 1608, a permis aux délégués d’assister à des exposés de recherche historique sur les relations entre la France et le Canada durant et après l’ère coloniale française.

Séance d’ouverture

Le sénateur Marcel-Pierre Cléach a ouvert le colloque par des mots de bienvenue de la part du président du Sénat français et du Groupe interparlementaire France-Canada.  Le sénateur a indiqué que le colloque avait deux volets : une première partie se déroulerait à Paris et la seconde à Ottawa en novembre 2008.  Il a ensuite présenté ses remerciements au sénateur canadien Serge Joyal, qui a joué un rôle majeur dans l’organisation du colloque, et à l’ambassadeur du Canada à Paris, monsieur Marc Lortie, qui a maintenu de bonnes relations avec le groupe interparlementaire.

Le sénateur a présenté les invités d’honneurs qui étaient présents à la cérémonie d’ouverture :

·        La très honorable Beverley McLachlin, C.P., juge en chef de la Cour suprême du Canada;

·        La très honorable Andrienne Clarkson, C.P., ancienne gouverneure générale du Canada;

·        L’honorable Rose-Marie Losier-Cool, sénateur et présidente intérimaire du Sénat du Canada;

·        M. Gilbert Laurin, ambassadeur et délégué permanent du Canada auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO);

·        M. Wilfrid-Guy Licari, délégué général du Québec à Paris;

·        L’honorable Lise Bacon, sénateur et présidente de l’Association interparlementaire Canada-France;

·        M. Alfred Siefer-Gaillardin, président de l’Institut France-Amériques;

·        M. Jean-Michel Lacroix, recteur d’académie.

Pour conclure, le sénateur Cléach a exprimé sa grande affection et celle des sénateurs et députés français pour le Canada.

Le sénateur Lise Bacon a ensuite pris la parole pour remercier le sénateur Cléach et le Sénat français d’accueillir le colloque chez eux au Palais du Luxembourg.  Cette rencontre constitue la première séance d’un colloque de deux parties portant sur le même thème auquel participent des parlementaires des deux pays.  Elle a dit espérer que ce colloque puisse servir de modèle pour d’autres réunions à l’avenir.  Le colloque permettra aussi un examen approfondi de l’histoire commune du Canada et de la France, ainsi qu’un réexamen des conclusions anciennes pour voir si elles sont encore valables à la lumière des connaissances actuelles.

Selon le sénateur, il est important que le colloque soit ouvert au public pour que les citoyens puissent porter un jugement sur les observations, les réinterprétations et les conclusions présentées par les conférenciers, puisqu’elles peuvent influer sur les champs de recherche, l’élaboration de nouvelles politiques et même susciter des mesures législatives dans les parlements des deux pays.

En dernier lieu, le sénateur a dit souhaiter que le colloque examine l’héritage de Samuel de Champlain et l’influence du régime français sur les institutions canadiennes contemporaines.

L’ambassadeur du Canada en France, monsieur Marc Lortie, a souligné l’importance du colloque pour marquer les célébrations du 400e anniversaire de Québec.  Selon lui, les relations canado-françaises sont dans un âge d’or avec une coopération remarquable dans les domaines politique, culturel, militaire, scientifique et technologique.  Ce colloque aidera à mieux comprendre les liens entre les deux pays et son effet se fera sentir dans nos relations au cours de la prochaine décennie.  Il a terminé en indiquant que les gens aujourd’hui devraient s’inspirer de l’esprit d’explorateur et de pionnier de Champlain dans les champs de la découverte et des sciences.

Le sénateur Serge Joyal a commencé son allocution en résumant les différents voyages de Samuel de Champlain dans l’Est canadien.  Selon lui, le résultat de ses explorations est d’avoir ouvert le continent pour le roi de France, ce qui a mené ensuite à la création du Canada.  De plus, la fondation de Québec a aussi implanté le fait français en Amérique.

Le Canada a deux grandes cultures dont seulement une est à l’origine de la fondation du Canada.  L’influence de la France s’est fait sentir à chaque étape de son évolution.  Un des buts du colloque est l’étude de son influence tout au long de l’histoire du Canada.  Pour embrasser 400 ans, le colloque aura deux sessions, une qui se déroulera en France et l’autre au Canada.  Le sénateur a annoncé que les séances seront diffusées sur la Chaîne parlementaire du Canada (CPAC), sur la chaîne parlementaire du Sénat français et sur les ondes de Radio-Canada.  L’Université de Montréal s’est aussi engagée à publier les textes des conférenciers.

M. John Ralston Saul

L’évolution du Canada et de la France vers un modèle social fondé sur des valeurs humanistes

La délégation a d’abord entendu monsieur John Ralston Saul, auteur et essayiste canadien.  Il a expliqué dans son exposé que l’individu dans la société d’aujourd’hui est devenu un être complexe et que les élites et les institutions démocratiques de plusieurs États-nations modernes ne sont pas encore adaptées aux « complexités humanistes » de leurs citoyens.  En effet, une bonne partie du vocabulaire utilisé par les élites provient du 19e siècle et n’a pas changé.  Ce vocabulaire ancien empêche une communication efficace entre les élus et les citoyens.  Autrefois, les populations cherchaient à créer des États-nations simples à gouverner avec une administration centralisée et monolithique.  Les États-nations ont eu beaucoup de succès, mais aujourd’hui, les citoyens découvrent que des institutions politiques simples ne fonctionnent plus et ils réclament des systèmes plus complexes pour répondre à leurs besoins.  L’Europe se transforme présentement en société humaniste complexe.

Selon monsieur Saul, le Canada s’est sorti de l’ancien modèle parce que son histoire et ses expériences vont à l’encontre du concept de l’État-nation.  Au début, les élites ont essayé d’imposer le vocabulaire de l’État-nation, mais comme le Canada n’était pas une nation homogène, il a fallu développer des systèmes complexes pour gouverner une population mixte.

Le professeur Alain Beaulieu (Université du Québec à Montréal)

L’Empire colonial français et les Nations autochtones

Dans sa conférence, le professeur Alain Beaulieu examine les relations entre les autorités françaises en Nouvelle-France et les différents peuples autochtones.  Pour atteindre leurs objectifs d’augmenter l’accès à la traite des fourrures et de bâtir l’empire français en Amérique, l’appui des autochtones était nécessaire.  Plusieurs alliances ont été formées pour assurer la stabilité et encourager le commerce.  Selon le professeur, après l’établissement de bonnes relations avec les tribus avoisinantes, une politique d’assimilation et de francisation a été instituée en encourageant les mariages entre les colons français et les femmes autochtones, en envoyant des religieux pour convertir les Amérindiens au catholicisme et en leur enseignant le français.  Cette politique a eu cours dans les régions du Saint-Laurent et lors de l’expansion du régime français en Ontario.  L’assimilation a permis aux Français de pénétrer plus profondément sur le continent.

Cependant, les efforts des Français pour devenir l’autorité dominante n’ont pas donné les résultats escomptés.  Tout en reconnaissant la prééminence européenne en certaines matières, les peuples amérindiens considéraient les colons comme de bons partenaires.  Les Français ont joué le double rôle de médiateurs dans les différends et de policiers pour imposer des traités de paix entre les peuples.  Le résultat est que les Français ont établi une relation à la fois parentale et de pourvoyeur avec eux, car ils les protégeaient et les approvisionnaient.  Au fil du temps, cette relation privilégiée avec les populations de la région a provoqué des conflits avec d’autres groupes amérindiens.  De plus, la réinterprétation successive des traités par certains chefs, dû à la tradition orale et au fait que les ententes n’étaient pas écrites, ont créé des tensions insurmontables avec les Français.  Cependant, la tradition d’alliance chez les Amérindiens a signifié de grands succès pour les Français.

Le professeur John A. Dickinson (Université de Montréal)

L’héritage laissé par la France au Canada à la conclusion du Traité de Paris en 1763

Le professeur John Dickinson a énuméré plusieurs des éléments légués aux Canadiens par le régime français de 1534 à 1763.  Un examen des cartes géographiques du Québec montre clairement l’empreinte française : de nombreux lacs, rivières ou villes portent des noms religieux, du roi, de la noblesse ou de gens importants en France.  Une fois que la population a commencé à labourer la terre, un système de seigneuries parallèles au fleuve fut introduit, dont on voit encore les empreintes aujourd’hui.

Avec une population permanente et en croissance, un système judiciaire s’est développé, avec la nomination de gouverneurs, de seigneurs et de juges ainsi que la création de cours judiciaires.  L’arrivée de la Compagnie des cent associés a signifié aussi l’arrivée de notaires qui ont apporté à la colonie le Code civil de Paris ainsi que des coutumes juridiques.

En dernier lieu, le professeur Dickinson a parlé de l’influence religieuse en Nouvelle-France qui s’est maintenue sous le régime anglais.  Les églises et les ordres religieux s’occupaient des dossiers officiels, comme les actes de naissance, de baptême et de décès, ainsi que les services sociaux (écoles, hôpitaux).  Les rôles de l’État et de la religion sont étroitement liés dans la plupart des institutions jusqu’à nos jours.


La professeure Françoise Le Jeune (Université de Nantes)

Conquête ou cession – l’interprétation historique des objectifs politiques de la France à l’égard du Canada; 1763, 1778, 1804, 1837-38, 1855

La professeure Françoise Le Jeune a étudié cinq épisodes de l’histoire en Amérique du Nord en se basant sur les mémoires et les archives de la cour du roi de l’époque pour conclure que la conquête de la Nouvelle-France est un mythe.  Il s’agissait plutôt d’un abandon de la colonie par la mère patrie.  Sa recherche a montré que l’attention du roi de France était tournée vers la Louisiane et les Antilles, qui étaient plus rentables pour la couronne, plutôt que vers les colonies du Nord.  Selon ses recherches, les conseillers principaux du roi jugeaient que les colonies au nord étaient trop difficiles à défendre et que le roi n’avait pas les ressources nécessaires pour continuer à défendre ses colonies.  Donc, lors des négociations du Traité de Paris, la France a effectivement cédé la Nouvelle-France à son bénéfice.

La professeure Le Jeune a expliqué que l’abandon du Canada par la France se constate aussi à d’autres moments.  Durant la guerre d’Indépendance américaine, la France a renoncé dans son alliance avec les Américains à sa demande pour les terres du nord du continent.  Cette indifférence s’est également manifestée durant les rébellions de 1837-38.  Selon les documents gouvernementaux, les autorités ignoraient ce qui se passait dans le Haut-Canada et suivaient passivement les événements dans le Bas-Canada dans la presse dont la couverture était biaisée par des stéréotypes négatifs.

Le professeur Yves Frenette (Université d’Ottawa)

Français du Canada ou Canadiens d’Amérique

Dans son exposé, le professeur Yves Frenette s’est interrogé sur l’identité des francophones au Canada.  Est-ce que le francophone canadien s’identifie comme Canadien (ou Nord-Américain) de langue française ou comme Français du Canada?  Lors de leur établissement en Nouvelle-France, les immigrants ont « modifié leur bagage culturel et, au cours du processus, ils acquièrent de nouvelles identités ».  Par la suite, ces identités se sont transformées de nouveau, pour devenir provinciales (québécoise, franco-ontarienne, fransaskoise).  Ces groupes ont conservé des liens avec la France, mais seulement parmi d’autres influences, comme celle des États-Unis.

Les francophones réussirent à garder un trait identitaire commun autre que la langue.  Jusqu’aux décennies 1950-1970, le catholicisme et ses institutions ont eu une grande importance dans leur vie quotidienne.  L’Église catholique était responsable de l’établissement et du fonctionnement des écoles et des hôpitaux et donnait aux Acadiens et aux Canadiens français un sentiment de sécurité et d’appartenance.

Le professeur Frenette a terminé sa conférence en examinant l’influence de la culture américaine et celle de la France sur les Canadiens français.  Il démontre que les deux pays ont joué un rôle important dans l’histoire des francophones et que cette influence continue aujourd’hui.

Le professeur Guy Martinière (Université de La Rochelle)

Champlain et la fondation de Québec, entre Mémoire et Histoire – 2008/1608

Le professeur a présenté un exposé sur la présentation, l’interprétation et la perception de la vie du Samuel de Champlain au cours de l’histoire.  L’image de Champlain et son rôle dans l’établissement et l’expansion de la Nouvelle-France ont été réévalués et réinterprétés dans plusieurs ouvrages, dont son rôle d’explorateur du territoire de l’Est de l’Amérique du Nord et de père de la Nouvelle-France.

Le sénateur Jean-Pierre Raffarin (Sénat français)

Institut France-Amériques

Le colloque s’est conclu par un déjeuner-conférence de l’ancien premier ministre de France, le sénateur Jean-Pierre Raffarin.  Il a attiré l’attention des participants sur la force des liens historiques entre la France et le Canada et réitéré le point de vue général que la Nouvelle-France est le berceau du Canada.  Il a énuméré les diverses contributions de la France aux célébrations du 400e anniversaire de l’établissement de Champlain à Québec, souligné le don architectural au Centre de la Francophonie pour les Amériques et signalé les différentes missions ministérielles qui se rendront à Québec cette année.

Le sénateur a rappelé les contributions de la France à la promotion du français en Amérique et particulièrement au Canada.  Du même coup, il a souligné que la France et le Canada, à travers la Francophonie, s’emploient à défendre la diversité culturelle dans le monde.  Les populations doivent travailler ensemble pour assurer que la diversité d’opinion n’est pas étouffée mais promue, tout en respectant l’équilibre des forces.  Il est possible de construire de grands projets pour lesquels la diversité est une force.

Conclusion et remerciements

La délégation tient à remercier les organisateurs du colloque et à les féliciter de ce beau succès.  Elle tient aussi à remercier tout particulièrement le sénateur Marcel-Pierre Cléach, le sénateur Serge Joyal et l’ambassadeur du Canda à Paris, monsieur Marc Lortie.  La délégation aimerait également remercier le personnel du Sénat français, de l’Assemblée nationale et de l’ambassade du Canada à Paris et tout particulièrement messieurs Matthieu Meissonnier, Bruno Bas et Marc Berthiaume.

 

Respectueusement soumis,

 

Pierre De Bané, sénateur
Membre de la Section canadienne de
l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)

 

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