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Annexe 1

Conférence parlementaire sur l’OMC
16 septembre 2010, siège de l’OMC, Genève

22e session du Comité de pilotage
Résumé des discussions avec le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy

M. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, s’est présenté à la réunion du Comité de pilotage pour discuter des développements récents à l’OMC.

1.  Cycle de négociations actuel

M. Lamy a donné un aperçu de l’état du cycle de négociations multilatérales de Doha. Il a indiqué que les négociations en sont encore où elles étaient il y a un an. Environ vingt pour cent des questions à régler sont toujours en cours de discussion – notamment en ce qui concerne les services, les droits de douane sur les produits industriels, l’agriculture et les mesures de facilitation du commerce. Les négociations sur les subventions aux pêcheries et la question du coton demeurent très difficiles. Jusqu’en juin 2010, M. Lamy estimait que les négociations étaient dans une impasse, la volonté et l’énergie politiques des participants étant très faibles. Il a indiqué que, dans la plupart des dossiers, les États-Unis prenaient l’offensive et la Chine demeurait sur la défensive, mais que la situation politique dans certains pays crée beaucoup d’incertitude, notamment l’imminence des élections de mi-mandat aux États-Unis. La majorité des pays en développement deviennent impatients et frustrés parce qu’ils estiment qu’une entente a déjà été proposée et que les derniers détails ne peuvent être négociés qu’entre les plus gros acteurs. M. Lamy a mentionné que des groupes spéciaux examineront chacun une question et discuteront des aspects techniques de l’entente en septembre et en octobre et qu’un déblocage politique surviendrait peut-être par la suite.

En répondant à une question sur l’utilisation d’autres tribunes pour discuter de règles commerciales, il a souligné que l’OMC demeure le forum idéal. D’autres forums, comme les réunions des pays du G20, peuvent toutefois servir à exercer des pressions politiques. Par exemple, le système de surveillance de l’OMC, utilisé pendant les deux dernières années pour déceler les mesures protectionnistes potentielles, a été lancé grâce à l’appui des pays du G20. M. Lamy a aussi indiqué que les chefs de ces pays avaient eu un échange de vues productif sur le cycle de Doha lors de leur dernière réunion à Toronto. Ce forum est important sur le plan du leadership, mais on n’y discute pas des aspects techniques des négociations.

À propos de l’idée de scinder les négociations, à savoir conclure l’entente à partir des éléments déjà acceptés et laisser ceux qui restent pour un autre cycle, M. Lamy a convenu qu’elle était intéressante, mais pas vraiment applicable. Dans une négociation, il faut que chacun fasse des concessions. Par exemple, un pays ne signera pas sans contrepartie une entente qui ne prévoit que le traitement en franchise et hors contingent des pays les moins avancés.

En ce qui concerne le rôle des acteurs non étatiques, M. Lamy a mentionné que le Forum public de l’OMC constitue une première étape vers une discussion ouverte entre l’Organisation et ces acteurs. D’après lui, c’est au niveau national que le rôle des acteurs non étatiques est le plus important parce que la légitimité repose au sein des gouvernements nationaux. Ces derniers sont les organes décisionnels dans les tribunes internationales, qui, à son avis, ont toujours eu beaucoup de difficulté à acquérir une légitimité. Il a argué en outre que les problèmes mondiaux doivent être ramenés au niveau local, d’où l’importance du rôle des acteurs non étatiques à l’échelon national.

2.  Le Sommet sur les objectifs du Millénaire pour le développement

M. Lamy a aussi parlé de l’imminent Sommet sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) [2]. L’OMC devra faire rapport de l’ampleur de sa contribution à la réalisation des OMD, notamment du huitième « Mettre en place un partenariat mondial pour le développement » et du premier « Réduire l’extrême pauvreté et la faim ». D’après lui, la contribution de l’OMC a généralement été positive (60 % des objectifs réalisés).

L’ouverture des échanges a été avantageuse pour les pays en développement, mais il faut s’efforcer davantage de promouvoir l’aide pour le commerce et le renforcement des capacités commerciales de ces pays. M. Lamy a indiqué qu’il était plus difficile d’obtenir des fonds pour ces initiatives durant une crise économique. Il a souligné que les pays en développement ont profité des disciplines de l’OMC : l’Organisation représente une police d’assurance contre le protectionnisme, mais, comme l’emploi ne s’est pas encore redressé, le protectionnisme demeure tentant.

Quand on lui a demandé les raisons pour lesquelles on changerait les règles commerciales actuelles s’il est démontré qu’elles favorisent la reprise économique, M. Lamy a souligné la nécessité de rééquilibrer le système commercial multilatéral en faveur des pays en développement.

D’autres membres lui ont posé des questions au sujet de l’impact du commerce sur la crise alimentaire. M. Lamy a indiqué que les prix des aliments continueront de grimper à moyen terme, en raison de la diversification des régimes alimentaires, et que les activités de production devraient s’ajuster en conséquence. Sur le court terme, la crise alimentaire de 2010 est quelque peu différente de celle de 2008 car il est possible d’inonder les marchés de denrées afin de faire chuter les prix – en 2008, les stocks avaient atteint un creux inégalé depuis des dizaines d’années. Le problème des pays qui ont imposé des restrictions à l’exportation demeure préoccupant, parce que celles-ci continuent de priver de nourriture les pays qui doivent en importer. M. Lamy a reconnu que la discipline de l’OMC concernant les restrictions à l’exportation est très faible.

Un membre s’est dit préoccupé que la libéralisation des échanges internationaux a encore mauvaise réputation et qu’elle est parfois considérée comme une cause des problèmes économiques. M. Lamy lui a répondu que les perceptions sur le commerce varient énormément d’un pays à l’autre : l’Australie, le Chili et Singapour le perçoivent d’une manière très positive. Ce n’est pas autant le cas pour d’autres pays. Il a indiqué qu’il a personnellement consacré le tiers de son temps à des activités de sensibilisation. Il cite souvent l’exemple d’un produit électronique de 150 $ exporté par la Chine aux États-Unis : 60 $ retournent au Japon, 50 $ aux États-Unis, etc. Il estime qu’aujourd’hui, la plupart des produits ne sont pas « fabriqués dans le pays X ou Y », mais « dans le monde », et qu’il est donc encore moins judicieux aujourd’hui que par le passé de faire obstacle au commerce. L’OMC utilise de plus en plus les nouvelles technologies pour communiquer les avantages du commerce, notamment les réseaux sociaux. Mais, comme l’Organisation a des ressources limitées, elle ne peut se prononcer que sur les grands enjeux. Il faut adapter une communication détaillée à la situation locale en tenant compte des différences nationales ou culturelles, ce qui dépasse la capacité de l’OMC.

3.  Les relations entre les règles commerciales et d’autres questions (l’environnement et les normes sanitaires)

Les relations entre l’OMC ou les règles commerciales en général et d’autres questions d’intérêt mondial, comme l’environnement, ont souvent été débattues au Forum public de l’OMC cette année, comme les années précédentes.

M. Lamy a souligné que l’OMC négocie, applique les règles du commerce international et entend les contestations y afférents. Les questions environnementales, les normes du travail, les règles sanitaires et celles régissant la propriété intellectuelle sont négociées dans leurs tribunes respectives, et les membres sont obligés de les respecter dans la mesure où elles ont été définies dans ces tribunes. Dans certains cas, on a jeté des ponts explicites entre le commerce et une autre question, comme l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l’Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (santé et environnement) et l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (environnement). Les questions sociales et les droits de la personne figurent dans le préambule des accords de l’OMC, mais il n’existe aucun pont explicite entre le commerce et les normes sociales.

Bien qu’aucune règle de l’OMC ne concerne les changements climatiques en particulier, les mesures et politiques en la matière touchent le commerce international de diverses façons. Par exemple, les mesures prises à l’échelle nationale pour atténuer les changements climatiques et s’y adapter peuvent avoir une incidence sur le commerce international (puisqu’elles peuvent modifier les conditions de la concurrence) et pourraient être assujetties aux règles de l’OMC. Le recueil de règles de l’OMC peut donc être pertinent en ce qui concerne l’examen des mesures de lutte contre les changements climatiques.

M. Lamy a noté toutefois que la jurisprudence relative à l’Organe de règlement des différends montre que les règles de l’OMC ne peuvent pas être interprétées en faisant abstraction du droit international.


4.  Conclusion

M. Lamy a remercié le Comité de pilotage de lui avoir donné la possibilité de communiquer ses vues sur diverses questions aux parlementaires. Il a aussi accepté, en principe, d’accueillir la prochaine Conférence parlementaire sur l’OMC au siège de cette dernière, à Genève.

 



[2] Le Sommet a eu lieu du 20 au 22 septembre, à New York (États-Unis), quelques jours après l’exposé de M. Lamy devant le Comité de pilotage.

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