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Rapport

Les honorables sénateurs Pierre-Claude Nolin et Joseph Day et député Joe McGuire et le député Blaine Calkins formaient la délégation canadienne qui a assisté à la réunion mixte des Commissions de la défense et de la sécurité, de l’économie et de la sécurité et politique de l’OTAN à Bruxelles (Belgique), du 17 au 19 février 2008. Ils ont participé à un dialogue franc avec les membres d’autres délégations de membres de l’OTAN, ont rencontré les membres du Conseil de l’Atlantique Nord (CAN) au siège de l’OTAN et des représentants de la Commission européenne dans les bureaux de la Commission[1].

DIMANCHE 17 FÉVRIER 2008

La première présentation a été offerte par Mme Aurelia Bouchez, conseillère du secrétaire général de l'OTAN pour les affaires régionales, économiques, politiques et sécuritaires, qui a abordé le plan d’action politique de l’OTAN, en prévision du sommet de Bucarest, en avril 2008. Elle a souligné les principales questions politiques qui retiennent l’attention de l’Alliance pour le moment, notamment les suivantes :

a.    l’élargissement des partenariats de l’OTAN au-delà de la zone euro-atlantique, plus particulièrement les pays de contact de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la Corée du Sud; la poursuite du dialogue méditerranéen; la poursuite de l’initiative de coopération d’Istanbul et le dialogue intensifié entre l’OTAN et l’Ukraine;

b.    la reconnaissance et la poursuite de l’approche globale de l’OTAN pour la gestion des crises;

c.    l’élargissement de l’OTAN et la poursuite de l’intégration en zone euro-atlantique, mettant peut-être en jeu l’Albanie, la Croatie et la Macédoine;

d.    l’amélioration des relations entre l’OTAN et la Russie;

e.    le débat relatif à la promulgation d’un nouveau concept stratégique pour l’OTAN;

f.     la discussion au sujet de la nécessité de nouvelles initiatives de sécurité dans des domaines comme le cyber sécurité et la sécurité des approvisionnements énergétiques et

g.    la poursuite de la transformation de l’OTAN afin qu’elle puisse relever de nouveaux défis sécuritaires au XXIe siècle.

La discussion entre membres qui a suivi s’est rapidement orientée vers l’importance perçue de la mission de l’OTAN en Afghanistan, surtout concernant la manière dont elle pourrait influer sur l’avenir de l’Alliance. Les membres se sont généralement entendus sur le fait que l’action militaire seule ne suffit pas et que, si l’OTAN était déjà suffisamment engagée dans la reconstruction, le programme plus large de développement déborde du rôle et des ressources de l’OTAN. Selon les membres, un développement efficace nécessite un leadership plus énergique de la part de l’Organisation des Nations Unies (ONU), une meilleure coopération entre l’OTAN et l’Union européenne (UE) et une meilleure compréhension de la nature complexe d’une approche globale de la mission[2].  Les membres ont continué de débattre de ces questions tout au long des trois jours de réunions.

Il a été rappelé aux membres que l’OTAN est passée d’une simple organisation de défense à une organisation de sécurité complexe. Cependant, l’OTAN est demeurée une organisation militaire et, en tant que telle, elle continue d’imposer des obligations à tous ses membres. L’une des principales obligations soulignées est celle du partage du fardeau, surtout sur des théâtres d’opération difficiles comme l’Afghanistan. Cette question a été soulevée à de nombreuses occasions et a attiré chaque fois beaucoup d’attention.

M. Jean-François Bureau, Secrétaire général adjoint de l’OTAN pour la Diplomatie publique, a parlé de l’importance croissante de la politique publique de l’OTAN, un autre important sujet de conversation dans toutes les réunions. Il est clair qu’aucun pays n’a parfaitement réussi à expliquer le but et le progrès de la mission en Afghanistan. Certains membres semblent souhaiter que l’OTAN fournisse l’explication directement au public tandis que d’autres estiment que de telles communications publiques incombent d’abord et avant tout aux parlements nationaux.

Pour eux, il est nécessaire que l’OTAN donne une explication claire de la stratégie de l’OTAN et produise des rapports fiables sur les progrès réalisés, afin que les membres de l’OTAN puissent s’en servir dans leurs programmes d’information du public. Ces informations devraient provenir d’un document en cours de rédaction qui servira également à délimiter les contours d’un nouveau concept stratégique.

Afin de débattre de l’intérêt immédiat du Canada, M. Blaine Calkins a souligné l’existence du rapport Manley et la volonté du Canada d’acquérir un partenaire opérationnel dans la province de Kandahar. Les hauts représentants de l’OTAN ont dit qu’ils connaissaient l’existence du rapport Manley et l’intervention de M. Calkins a servi à soutenir les commentaires de l’Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis qui attiraient encore une fois l’attention sur le besoin généralisé d’un meilleur partage du fardeau en Afghanistan.

M. Jamie Shea, Directeur de la Planification stratégique au cabinet privé du Secrétaire général de l’OTAN, a présenté à la délégation un exposé sur le travail qui conduira à un nouveau concept stratégique pour l’OTAN. Apparemment, on ne commencera pas à rédiger le nouveau concept (travail qui devait débuter dès 2008) avant le sommet de l’OTAN de 2009 à Berlin. Le nouveau concept devrait comporter un énoncé général des rôles et des principes de l’Alliance ainsi qu’un texte portant sur les nouveaux enjeux sécuritaires.

Le nouveau concept impliquerait probablement une nouvelle compréhension du sens et des conséquences de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord[3], dans le nouvel environnement sécuritaire. Étant donné que l’OTAN mène des opérations de sécurité hors-région, la défense traditionnelle des frontières est devenue la sécurité projetée des populations. Les menaces transnationales ne connaissent pas les frontières et on ne peut plus faire de distinction nette entre les menaces intérieures et les menaces extérieures; de même, l’OTAN ne peut résoudre seule tous les problèmes contemporains de sécurité mais, chose certaine, elle peut offrir une contribution considérable à une solution globale.

Dans une discussion connexe, M. Shea a réfuté l’hypothèse voulant que la mission en Afghanistan détermine l’avenir de l’Alliance, faisant valoir que l’OTAN était bien davantage que sa mission en Afghanistan.

Les membres des commissions ont eu l’occasion de s’engager dans une discussion  autour de la table avec les représentants permanents de la France, de la Lituanie, de la Turquie et des États-Unis. Il a été souligné que la France reconsidère son rôle au sein de l’OTAN et qu’il n’est pas exclu qu’elle choisisse de reprendre sa place au sein de la structure du commandement militaire de l’OTAN. Dans les faits, les forces militaires françaises travaillent depuis longtemps aux côtés des autres membres de l’OTAN. De plus, c’est un général français qui commande actuellement  la Force de l’OTAN au Kosovo (KFOR).

Le représentant permanent des États-Unis a dit que les Américains ont tendance à ressentir la menace existentielle à leur sécurité davantage que les Européens (et par voie de conséquence, que le Canadiens) et que c’est pourquoi les États-Unis continueront de réclamer un renforcement de l’OTAN et aussi de l’UE.

18 FÉVRIER 2008

Les difficultés politiques des opérations militaires de l’OTAN  ont été abordées par M. Gordon Brett, chef de la section des opérations centrales de l’OTAN. Il a confirmé que l’Afghanistan est la priorité opérationnelle de l’OTAN. La déclaration d’indépendance du Kosovo méritait toutefois qu’on en parle. L’OTAN souhaite le maintien de la KFOR, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU. Il a évoqué la présence d’autres opérations de l’OTAN en Iraq et en Méditerranée. L’OTAN se tient également prête à fournir son appui à la mission mixte de l’ONU et de l’Union africaine (UA) au Darfour ou à la mission de l’UA en Somalie, des choses qui ont par la suite été confirmées par le président de la commission militaire.

M. Brett a insisté sur le fait que l’Afghanistan exige un engagement à long terme et que l’OTAN est résolue à maintenir le cap. Des progrès considérables sont constatés. Soixante-dix pour cent des incidents graves se produisent sur seulement dix pour cent du territoire afghan, surtout dans le Sud. Il a souligné le fait que l’OTAN espérait un leadership plus fort de la part de l’ONU et un effort plus grand de la part de l’UE. Par ailleurs, on espère de plus en plus que le gouvernement afghan saura lutter plus efficacement contre la corruption.

On accélère la cadence en vue de former l’Armée nationale afghane (ANA) et la Police nationale afghane (PNA) reçoit un meilleur soutien à la formation.

Le général Ray Henault, président de la Commission militaire de l’OTAN, et le général Henri Bentégeat, président de la Commission militaire de l’UE, ont présenté des exposés portant respectivement sur les opérations militaires de l’OTAN et sur la coopération militaire entre l’OTAN et l’UE. Le général Henault a rappelé que l’Afghanistan est la priorité opérationnelle de l’OTAN mais a souligné que les niveaux approuvés des forces n’ont pas encore été atteints par tous les membres de l’OTAN. Il reste un manque à combler de 15 %. De plus, des contraintes propres à certaines forces nationales limitent leur souplesse opérationnelle et entravent, dans une certaine mesure, les opérations militaires de l’OTAN.

La transformation militaire de l’OTAN se poursuit au même rythme; la formule de répartition des forces pour la Force de réaction de l’OTAN (FRO) a été modifiée et on a fait un effort afin de réformer et de rationaliser les organisations des quartiers généraux militaires.

Le général Bentégeat a fait remarquer que 21 des 27 membres de l’UE sont également membres de l’OTAN, une réalité qui met en évidence la nécessité de coopération dans le cas d’opérations militaires mixtes de l’OTAN et de l’UE. En fait, les deux généraux ont insisté sur le fait que la coopération militaire entre l’OTAN et l’UE est bénéfique et que les fréquentes plaintes publiques sur la difficulté des rapports entre les deux organisations ne sont qu’un reflet de tensions au niveau politique.

Il est intéressant de souligner que, au sein de l’UE, comme c’est d’ailleurs le cas au sein de l’OTAN, on remarque occasionnellement un écart entre les décisions politiques et les ressources nationales qui sont consacrées à la réalisation des missions. Afin d’améliorer ses opérations militaires, l’UE cherche à améliorer la situation sur trois terrains : réforme de la structure de commandement; création de capacités et synergie dans les partenariats.

Les délégués de l’AP de l’OTAN se sont joints aux membres du CAN pour le déjeuner, qui a été suivi d’une réunion mixte des deux groupes. Le Secrétaire général de l’OTAN a parlé de quelques sujets qui seront au programme des discussions sur l’Afghanistan. Il sera question de l’élargissement de l’OTAN et on pourra inviter l’Albanie, la Croatie et la Macédoine à devenir membres. Des membres, non convaincus que les trois candidats ont terminé les réformes nécessaires, ne souhaitent pas que les invitations soient faites. On discute également afin de déterminer si l’on devrait offrir à l’Ukraine ou à la Géorgie la possibilité d’entamer un processus qui pourrait conduire à l’adhésion à l’OTAN.

Pendant la discussion, le sénateur Pierre-Claude Nolin a fait une intervention notable et a appelé tout particulièrement la France et l’Allemagne à accuser réception de l’appel lancé par le Canada qui réclame un partenaire opérationnel dans la province de Kandahar. Dans des réponses polies, les ambassadeurs de la France et de l’Allemagne ont reconnu notre besoin sans toutefois manifester une quelconque volonté d’y répondre. Un argument connexe a été fait avec force par le représentant permanent de la Grande-Bretagne qui a parlé de la question plus large du partage équitable du fardeau. Il a insisté sur le sérieux de la question et le fait qu’elle ne se réglerait pas toute seule. Le délégué américain de l’AP de l’OTAN a fait valoir le même argument avec la même vigueur.

19 FÉVRIER 2008

La quatrième séance a été tenue dans les bureaux de la Commission européenne à Bruxelles. M. Eneko Landaburu, Directeur général des relations extérieures, a présenté aux délégués des opinions franches sur les défis que comportent les relations OTAN-UE. M. David O’Sullivan, Directeur général des relations commerciales extérieures, a offert une présentation des plus intéressantes au sujet des défis commerciaux de l’UE avec ses partenaires externes et en particulier les États-Unis. Le sénateur Pierre-Claude Nolin a demandé si l’UE projetait de chercher à améliorer les échanges commerciaux avec le Canada. La réponse de M. O’Sullivan a laissé supposer que le Canada n’était pas au  sommet de l’ordre du jour de l’UE; M. O’Sullivan a néanmoins poliment dit que la question mériterait qu’on y revienne ultérieurement.

Les délégués se sont rendus au commandement des forces interarmées (JFC) de l’OTAN à Brunssum, où ils ont été accueillis et briefés par le commandant de l’établissement, le général Egon Ramms, d’Allemagne, sur le rôle de la JFC Brunssum, la mission de l’OTAN en Afghanistan et l’avenir de la force de réaction de l’OTAN (NRF). En réponse à des questions posées par le sénateur Pierre-Claude Nolin et M. Blaine Calkins, le général Ramms a souscrit à la demande faite par le Canada afin d’obtenir des troupes et des moyens additionnels dans le Sud de l’Afghanistan, mais n’est pas d’accord avec le principe selon lequel les troupes canadiennes ou autres devraient se remplacer à tour de rôle dans leur aires de responsabilité établies. La valeur tactique de laisser les troupes en place pour établir des relations à long terme avec les Afghans est très grande et cette pratique favorise grandement les efforts en matière de sécurité, de reconstruction et de développement.

À la question du sénateur Joseph Day au sujet de l’insuffisance des ressources humaines de l’OTAN dans les provinces du Sud de l’Afghanistan, le général Ramms a expliqué les difficultés globales auxquelles il se heurte à vouloir combler les niveaux d’effectifs approuvés pour toutes les activités opérationnelles de la JFC Brunssum. Les pays de l’OTAN font systématiquement défaut à leur obligation de dépêcher des troupes et des moyens suffisants en Afghanistan. Les troupes de l’OTAN en Afghanistan sont actuellement 15 % sous le minimum convenu par les instances politiques. De plus, les contributions nationales à la NRF sont régulièrement inférieures aux niveaux nécessaires et approuvés.

RÉSUMÉ

            Tout au long des réunions, trois grands sujets sont revenus fréquemment sur la table :

a.            la nécessité, pour les membres de l’OTAN, de se rallier à une stratégie comprise par tous et réalisée vigoureusement en Afghanistan, en vertu de laquelle les fardeaux opérationnels et de la reconstruction sont partagés équitablement, nonobstant les contraintes nationales et l’approche globale de l’OTAN étant appuyée par un leadership plus énergique de l’ONU et un effort plus substantiel de l’UE;

b.            les membres de l’OTAN doivent faire collectivement un meilleur travail pour informer leurs publics au sujet des objectifs stratégiques suivis en Afghanistan; la rhétorique défaitiste doit être combattue par des comptes rendus exacts des progrès effectivement réalisés et au sujet de l’ampleur des défis à relever et des sacrifices à faire et

 

c.            comme en témoignent les expériences vécues par le Canada dans la province de Kandahar, les difficultés du partage du fardeau s’étendent sur un large éventail d’activités de l’OTAN et il convient d’inverser la tendance à priver après le fait les orientations politiques des ressources nécessaires à leur exécution.

Respectueusement soumis,

M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)





[1] On trouve de l’information de base sur l’OTAN sur le site de l’organisation (http://www.nato.int/), qui a été consulté en février 2008; choisir la rubrique Dossiers, au menu principal.

[2] L’approche globale est simplement une version internationale de la démarche « pangouvernementale » du Canada, en vertu de laquelle il est reconnu que les nombreux ministères et d’autres organisations internationales ont un important rôle à jouer dans le développement global de l’Afghanistan.

[3] L’article 5 du Traité se lit comme suit : « Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales. »

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