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Association parlementaire Canada-Afrique

RAPPORT

MEMBRES DE LA DÉLÉGATION CANADIENNE

L'Association parlementaire Canada-Afrique (« l’Association ») était représentée par Robert Oliphant, député, coprésident de l'Association; l'honorable Jim Munson, sénateur, vice-président de l'Association; Harold Albrecht, député, vice-président de l’Association; David Christopherson, député, vice-président de l'Association; Joyce Murray, députée. La délégation était accompagnée de Josée Thérien, secrétaire de l'Association, et d’André Léonard, analyste de l'Association.

OBJECTIFS DE LA MISSION

L’Association a réalisé des visites bilatérales à Tunis, Tunisie et au Caire, Égypte, du 16 au 25 janvier 2017. Il s’agissait de la deuxième mission bilatérale de l’Association en Égypte et en Tunisie, la première ayant eu lieu dans ces deux pays en 2007 et en 2009 respectivement.

Les objectifs de l’Association en Tunisie étaient les suivants :

  • assurer le suivi de la mission bilatérale effectuée en 2009 et resserrer les liens entre les parlementaires canadiens et tunisiens;
  • renforcer les relations bilatérales du Canada avec la Tunisie;
  • échanger des points de vue avec les parlementaires du gouvernement et de l’opposition sur la façon dont ils remplissent leurs rôles à titre de représentants et dans la conduite des travaux du Parlement, y compris les comités;
  • obtenir un point de vue parlementaire sur la situation en Tunisie six ans après le Printemps arabe;
  • mobiliser les parlementaires sur les questions liées à la démocratie, à la gouvernance, à la primauté du droit et aux droits de la personne;
  • discuter du contexte de la sécurité régionale;
  • examiner les activités canadiennes dans le pays et la région, notamment le travail des organisations de la société civile et des entreprises.

Les objectifs de l’Association en Égypte étaient les suivants :

  • assurer le suivi de la mission bilatérale effectuée en 2007 et resserrer les liens entre les parlementaires canadiens et égyptiens;
  • renforcer les relations bilatérales du Canada avec l’Égypte;
  • échanger des points de vue avec les parlementaires du gouvernement et de l’opposition sur la façon dont ils remplissent leurs rôles à titre de représentants et dans la conduite des travaux du Parlement, y compris les comités;
  • obtenir un point de vue parlementaire sur la situation politique actuelle en Égypte;
  • étudier les relations de l’Égypte avec les autres pays africains, ainsi qu’avec les pays du Moyen Orient, et examiner le rôle de l’Égypte au sein des organisations régionales;
  • mobiliser les parlementaires sur les questions liées à la démocratie, à la gouvernance, à la primauté du droit et aux droits de la personne;
  • discuter du contexte de la sécurité régionale;
  • faire découvrir aux parlementaires canadiens et africains le rôle du Canada en Afrique du Nord, notamment son soutien au développement et son activité commerciale.

Pour atteindre ces objectifs, la délégation a rencontré des parlementaires et des représentants des gouvernements de la Tunisie et de l’Égypte, des membres des ambassades canadiennes, des journalistes tunisiens et des groupes de la société civile.

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE

Située dans le nord de l’Afrique, avec une zone côtière donnant sur la Méditerranée, la Tunisie fait partie de la région du Maghreb. Ses voisins sont l’Algérie à l’ouest et la Libye au sud-est. Sa superficie est de 163 610 km2, soit 28 % de plus que la superficie combinée de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Tunis, la capitale, comptait près de deux millions d’habitants en 2015. Elle est également un des 24 gouvernorats (provinces) du pays[1] .

La Tunisie compte environ 11,1 millions d’habitants, dont 98 % sont d’origine arabe ou berbère. Les 2 % restant sont composés majoritairement d’Européens. La population, comme la plupart des pays africains, est relativement jeune avec 38 % de la population âgée de 24 ans ou moins. La religion officielle est l’Islam (99 % de la population); parmi les religions minoritaires, on compte le christianisme (1 % de la population) et le judaïsme. L’arabe est la langue officielle, mais le français est aussi répandu surtout dans le domaine commercial, et le berbère est parlé dans certaines régions[2] .

A. Histoire politique récente   

De décembre 2010 à janvier 2011, la Tunisie connaît un nouveau tournant dans son histoire avec une révolution qui remet en question les disparités économiques ainsi que les valeurs sociales et démocratiques du pays. Cette révolution, communément appelée la révolution de jasmin (ou révolution de la dignité) entraîne le départ, le 14 janvier 2011, du président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. Le Conseil constitutionnel désigne alors le président de la Chambre des députés Fouad Mebazaâ comme président de la République par intérim. Ce dernier nomme son gouvernement de transition dirigé par le premier ministre Béji Caïd Essebsi. Le nouveau gouvernement est chargé d’organiser les élections nationales de l’Assemblée nationale constituante, qui va remplacer les chambres de députés et de conseillers, et qui est chargée de rédiger et d’adopter la nouvelle Constitution.

Les élections législatives ont lieu le 23 octobre 2011. Ces élections sont considérées comme étant les premières élections libres et équitables du pays parce qu’elles ont permis la participation de plus de 90 partis qui étaient jusque-là interdits. Le taux de participation aux élections a été de 90 %. Le Parti islamique Ennahda a remporté 89 sièges sur les 217. Il a formé un gouvernement de coalition avec le Congrès pour la République (CPR), considéré comme étant un parti de centre gauche, qui a remporté 29 sièges et l’Ettakatol, parti social-démocrate, qui a remporté 20 sièges. Sous le nouveau gouvernement, Moncef Marzouki du CPR est devenu président de la République, Hamadi Jebali de l’Ennahda, chef du gouvernement et premier ministre, et Mustapha Ben Jaafar, d’Ettakatol, président de l’Assemblée nationale constituante. Le gouvernement, en plus de représenter les trois partis, inclut également des ministres indépendants. Ce nouveau gouvernement a été confirmé le 23 décembre 2011.

Le parti Nidaa Tounes (Appel de Tunisie) a été créé en juin 2012 par Béji Caïd Essesbi et autorisé en juillet 2012. Son but était de rassembler les forces de l’opposition.

Une nouvelle constitution est adoptée en janvier 2014. Lors des élections législatives du 26 octobre 2014, l’Assemblée nationale constituante est remplacée par l’Assemblée des représentants du peuple tunisien (ARP), qui est une assemblée unicamérale de 217 membres. Les listes de candidats des différents partis doivent comprendre autant d’hommes que de femmes, sauf dans les circonscriptions où le nombre de sièges est impair [3]. Nidaa Tounes remporte 38 % des voix et 86 des 217 sièges contre 28 % des voix et 69 sièges pour Ennahda. Ne détenant pas de majorité absolue, Nidaa Tounes doit former un gouvernement de coalition. Habib Essid devient premier ministre en février 2015. Le 30 juillet 2016, son gouvernement est renversé lors d’un vote de confiance; Youssef Chahed (Nidaa Tounes) devient premier ministre en août 2016.

Le président est élu par majorité absolue avec deux tours si nécessaire, pour un mandat de cinq ans. Lors du deuxième tour des élections présidentielles, le 21 décembre 2014, Beji Caïd Essebsi (Nidaa Tounes) est élu avec 56 % des voix, contre 44 % pour Moncef Marzouki (CPR).

B. Développement économique et social   

En 2015, le produit intérieur brut (PIB) de la Tunisie était de 126,6 milliards de dollars américains, en parité du pouvoir d’achat, ou environ 11 400 $US par habitant[4] . En 2014, les services comptaient pour 61,9 % du PIB tunisien, par rapport à 44,4 % en 1985; l’industrie représentait 29,3 % du PIB, contre 38,4 % en 1984. Enfin, l’agriculture représentait 8,8 % de la production tunisienne, contre 24,6 % en 1972. [5]

Entre 2006 et 2010, la Tunisie accueillait annuellement entre 6,5 et 7 millions de touristes internationaux. Ce chiffre est passé à 4,8 millions en 2011 et à 6 millions en 2014. Alors que le tourisme représentait l’équivalent de 16 à 19 % des exportations totales tunisiennes entre 2005 et 2010, elle ne comptait plus que pour 11,2 % en 2011 et 14,1 % en 2014[6].

Le 18 mars 2015, un attentat au musée du Bardo à Tunis a fait 22 morts, dont 21 touristes. Le 26 mai 2015, un autre attentat a fait 38 morts sur une plage, à Sousse. Le 24 novembre 2015, un autobus de la garde présidentielle a explosé, faisant 12 morts. L’état d’urgence a été décrété et prolongé plusieurs fois, la dernière fois pour une durée de trois mois, jusqu’au 16 mai 2017[7] . Cette série d’attentats terroristes a probablement contribué à la chute des recettes du tourisme, de l’ordre de 33,4 % de 2014 à 2015. Par contre, les recettes du 3e trimestre de 2016 ont augmenté de 42,1 % par rapport au 3e trimestre de 2015 [8].

L’environnement des affaires est relativement bon en Tunisie puisque le pays se classait à la 77e place sur 190 pays selon le classement de 2016 de la Banque mondiale sur la facilité à faire des affaires et en 6e place sur 20 pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord[9] .

En 2013, selon l’Organisation internationale du travail, 25,6 % des femmes participaient au marché du travail, contre 70 % des hommes. Le taux de chômage se situait à 15,9 %, soit 23 % chez les femmes et 13,3 % chez les hommes. En 2012, le taux de chômage des jeunes (15 à 24 ans) était de 35,2 %. En 2013, les dépenses publiques de protection sociale représentaient 10,4 % du PIB tunisien[10] .

En 2014, l’espérance de vie à la naissance était de 74,1 ans[11] . La prévalence du SIDA était très faible, de l’ordre de moins de 0,1 % de la population âgée de 15 à 49 ans, comparativement à 0,4 % en Italie et en Espagne[12] . La même année, la Tunisie se classait au 96e rang sur 188 pays pour ce qui est de l’Indice de développement humain du Programme de développement des Nations-Unies[13].

C. Gouvernance et droits de la personne   

Selon l’Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique, en 2016, la Tunisie se retrouvait au 7e rang sur 54 pays africains pour ce qui est de la gouvernance globale[14] . La même année, la Tunisie se classait au 69e rang sur 167 pays de l’Indice de la démocratie de The Economist [15]et en 75e position sur 176 pays selon l’Indice de perception de la corruption de Transparency International[16].

En 2016, la Tunisie était considérée comme un pays libre par l’organisation Freedom House; sur une échelle de 1 à 7 (1 étant la meilleure note possible), elle recevait la note de 1 pour les droits politiques et 3 pour les libertés civiles[17].

D. Relations Canada-Tunisie    

Les relations diplomatiques entre le Canada et la Tunisie remontent à 1957. Les deux pays sont membres de la Francophonie. Ils sont également signataires de la Convention des Nations Unies contre la corruption et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, entre autres. On dénombre entre 15 000 et 20 000 Canadiens d’origine tunisienne; ceux-ci résident principalement dans la province de Québec. Le Canada, qui est l’une des destinations les plus populaires pour les Tunisiens en ce qui a trait aux études à l’étranger, attire près de 2 000 étudiants tunisiens chaque année[18] .

En 2015, les exportations canadiennes vers la Tunisie avaient une valeur de 127,1 millions de dollars, en hausse de 38,4 % par rapport à 2014. Celles-ci ne représentaient que 0,02 % de toutes les exportations canadiennes. Ces exportations reposaient principalement sur le blé et les articles de friperie. Les importations canadiennes en provenance de la Tunisie s’élevaient quant à elles à 85,3 millions de dollars, une hausse de 14,5 % par rapport à 2014. Les biens importés reposaient principalement sur l’huile d’olive et les articles de robinetterie. En 2015, le stock d’investissement direct du Canada en Tunisie était de 32 millions de dollars, une hausse de 10,3 % par rapport à 2014. La Tunisie était la 74e destination de l’investissement direct étranger du Canada, parmi les 102 pays pour lesquels on possède des données[19] .

Les 29 et 30 novembre 2016, la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie Claude Bibeau, est allée à Tunis pour coprésider la Conférence internationale d’appui au développement économique, social et durable de la Tunisie, aussi appelée Tunisie 2020[20] . Dans le cadre de cette conférence, le gouvernement fédéral a annoncé une aide à la Tunisie de 24 millions de dollars répartis sur quatre ans, dont 20 millions de dollars pour le volet développement, axé sur des projets qui toucheront le renforcement socioéconomique des populations vulnérables, notamment les femmes, la croissance économique et la gouvernance. Les quatre millions de dollars restant serviront au volet sécurité, avec des projets axés sur la sécurité des frontières afin de limiter les mouvements des combattants étrangers, la lutte contre le financement du terrorisme et la résilience des populations touchées[21] .

RENCONTRES EN TUNISIE

1. Séance d’information présentée par Mme Carol McQueen, ambassadrice du Canada en Tunisie, Mme Carla Castaneda, conseillère en sécurité à l’ambassade du Canada en Tunisie, et Mme Marie-Ève Bilodeau, responsable pour la Tunisie, Institut national démocratique   

La délégation a eu l’occasion de recevoir une quantité d’informations provenant de l’ambassade du Canada et de l’Institut national démocratique[22] sur la situation qui prévaut en Tunisie, afin de bien être au courant des enjeux les plus importants avant de commencer ses rencontres avec les représentants d’ONG, membres de la société civile, membres de l’ARP et du gouvernement tunisien. Les discussions ont tourné autour de la situation politique, la gouvernance et la démocratie, la situation sociale, culturelle et économique de même que les questions de sécurité.

2. Rencontre avec le groupe d’amitié parlementaire Tunisie-Canada et des députés de l’Assemblée des représentants du peuple tunisien   

Ce groupe d’amitié du Parlement de la Tunisie, fondé en 2014, a eu pour la première fois l’occasion de rencontrer une délégation canadienne en visite en Tunisie. Le groupe tente de développer des liens, en vue d’améliorer les relations culturelles, sociales et économiques entre les deux pays. Son but en Tunisie est d’améliorer le développement et d’établir une égalité entre les individus et les régions tunisiennes. Les membres de ce groupe sont des députés de l’ARP, dont certains sont présidents de commissions parlementaires.

Plusieurs thèmes ont été abordés par les membres du groupe. Le terrorisme a été déclaré la principale menace qui guette la Tunisie. Il s’agit d’un grand défi, car cela demande des ressources financières importantes pour des dispositifs de lutte antiterroriste. La Tunisie ayant été historiquement un pays pacifique, son armée n’est habituellement pas très développée. Mais l’Association s’est fait dire que la Tunisie a connu du succès en 2016 à contrer une grande menace terroriste, à la suite des attaques dévastatrices de 2015. La délégation s’est vu répondre que le terrorisme requiert aussi une coopération internationale efficace à cause de sa nature mondiale. Une préoccupation actuelle du peuple tunisien est le retour des présumés djihadistes et des autres individus possiblement impliqués dans le terrorisme.

Le groupe d’amitié apprécie le soutien du Canada et espère que cette relation soit encore plus forte. Par exemple, l’apport financier du Canada pour des projets de développement, annoncé lors de la conférence Tunisie 2020, a été souligné. Des intervenants ont souhaité un soutien supplémentaire du Canada pour la démocratie tunisienne. Ils ont plaidé la cause des étudiants tunisiens, qui vivent et étudient au Canada et qui ont besoin de davantage d’appui, comme le droit de travailler à l’extérieur du campus universitaire.

Le thème de la gouvernance a été abordé. Le Parlement tunisien fait des audits qui sont revus par des commissions. Encore une fois, l’Association a été mise au courant que le Parlement manque de ressources pour examiner en profondeur les finances publiques aux fins de reddition de comptes.

D’autres intervenants ont mentionné que les médias jouent un rôle plus important dans la surveillance des politiques publiques, des processus législatifs, des activités du gouvernement et des actions des politiciens. Des membres du groupe d’amitié ont relevé la nécessité d’améliorer la communication entre l’ARP et le public : il faut mieux utiliser les médias sociaux et autres applications en ligne pour informer la population des travaux du Parlement, des politiques gouvernementales et de la législation.

3. Rencontre avec le président de l’Assemblée des représentants du peuple tunisien, son excellence Mohamed Ennaceur   

Cette courte rencontre de courtoisie a été l’occasion de renforcer les liens parlementaires existants entre les deux pays. Les membres de l’Association ont invité des députés tunisiens à visiter le Canada. Le président de l’ARP a parlé de la difficulté de faire travailler les nombreux partis politiques tunisiens ensemble. Discutant des processus législatifs du nouveau parlement, le président a ajouté que les projets de loi tunisiens, qui peuvent provenir du gouvernement ou de députés, sont renvoyés à des commissions. Les commissions législatives se réunissent presque quotidiennement, alors que les comités spéciaux se rencontrent une fois par semaine. Le président exprime son optimisme quant à la démocratie naissante en Tunisie et aux nouveaux processus parlementaires.

4. Rencontre avec des stagiaires de l’Assemblée des représentants du peuple tunisien, organisée par l’Institut national démocratique    

Cette rencontre a été l’occasion pour la délégation de discuter avec des stagiaires parlementaires, à très forte majorité composée de jeunes femmes, et qui font un travail colossal, que ce soit au niveau législatif, de l’analyse, des communications et des relations avec la société civile. C’est l’Institut national démocratique qui a mis sur pied et soutient le programme de stages. Les stagiaires peuvent travailler pour le caucus du parti de leur choix ou pour l’ARP et ses fonctions de communications maintenant plus diversifiées. Ils ne sont pas rémunérés et font généralement deux stages d’une durée de quatre mois chacun. Il s’agit d’universitaires fraîchement diplômés, dont certains détiennent des diplômes d’études supérieures et d’autres qui entendent poursuivre leurs études avant d’entrer sur le marché du travail.

Les stagiaires ont manifesté beaucoup d’intérêt pour le fonctionnement du Parlement canadien, le pays lui-même ainsi que sur les relations entre les individus et les groupes de différentes origines au Canada. Les membres de la délégation ont brossé un portait de la société canadienne et ont expliqué les grandes lignes du fonctionnement du système parlementaire canadien.

De plus, les stagiaires ont expliqué avec enthousiasme leur intérêt pour la démocratie naissante en Tunisie, leur volonté de s’impliquer dans la société civile et leur rôle qui consiste à enseigner aux générations plus âgées l’importance de la démocratie. Citant le taux de chômage extrêmement élevé chez les jeunes en Tunisie, ils avaient aussi des idées sur la manière d’améliorer la situation des jeunes dans leur pays. Par exemple, ils ont parlé du besoin d’obtenir une meilleure information sur le marché du travail, afin que les jeunes connaissent le nombre plus élevé de débouchés dans les métiers spécialisés, car il y a un surplus de diplômés universitaires. Il a été noté que le programme de stages est extrêmement populaire et très recherché chez les jeunes en raison de leur fort taux de chômage. La Tunisie reste fidèle à sa tradition ancienne d’études supérieures officielles, et bien des jeunes se détournent des métiers spécialisés. Il a aussi été proposé d’encourager financièrement les jeunes à lancer leur propre entreprise. Les stagiaires ont aussi fait valoir que, de manière générale, l’appariement entre les compétences en demande et la formation des jeunes doit être plus grand, et que les jeunes doivent être plus flexibles, c’est-à-dire accepter un emploi dans un domaine qui n’est pas exactement celui qui a été étudié, car cela permet au moins de prendre de l’expérience en milieu de travail.

5. Rencontre avec des journalistes parlementaires, organisée par l’Institut national démocratique   

La délégation a rencontré des journalistes parlementaires. La plupart étaient relativement nouveaux dans la profession, ou avaient auparavant œuvré dans le journalisme spécialisé dans les sports ou dans les arts et la culture. La démocratie naissante en Tunisie donne lieu à de nouvelles possibilités en journalisme; ainsi, on accorde davantage de ressources au journalisme politique, qui suscite de plus en plus d’intérêt.

Lors de cette discussion, il a surtout été question des relations entre journalistes et parlementaires, particulièrement sur la professionnalisation du journalisme dans une démocratie naissante. Les membres de l’Association s’arrêtent sur la nécessité de conserver l’objectivité en journalisme et de tracer des limites claires entre les politiciens, les hauts fonctionnaires du gouvernement et les journalistes. Le respect mutuel entre journalistes et politiciens a été mentionné comme étant la base à la fois d’un compte rendu des plus objectifs et de la transparence du processus politique.

Grâce à leur expérience, des membres de la délégation ont expliqué aux journalistes que la plupart des politiciens ont deux sources de motivation. Ils ont soit le désir sincère de proposer et d’appliquer des politiques pour le bien de la population et l’amélioration de la vie des citoyens, soit la soif de pouvoir et le besoin de le conserver. En ce sens, les politiciens ont besoin des journalistes. Il est signalé que les journalistes ont eux aussi besoin des politiciens pour obtenir des sujets d’articles, satisfaisant ainsi leur rédacteur en chef et respectant les délais. Les gouvernements se préoccupent plus souvent des nouvelles nationales, tandis que les simples députés ont besoin de journalistes locaux et régionaux pour transmettre leurs messages aux commettants.

Il est aussi mentionné que des journalistes tunisiens jouent un rôle important : ils servent désormais de modèle aux journalistes d’autres pays du Moyen-Orient où la liberté de presse est moins grande.

Un journaliste tunisien a indiqué qu’il serait utile d’organiser des séminaires où des journalistes tunisiens et canadiens pourraient discuter ainsi qu’échanger et apprendre des pratiques exemplaires qui soulignent le rôle considérable des journalistes dans le renforcement de la démocratie.

6. Rencontre avec Mme Naziha Laabidi, ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, et des hauts fonctionnaires de ce ministère    

La délégation a rencontré Mme Laabidi, qui a souligné l’importance de l’amitié Canada-Tunisie. La ministre a aussi présenté les grands axes de travail de son ministère, qui touchent le bien-être des femmes, des familles, des enfants et des personnes âgées.

Les priorités du ministère concernant les femmes sont l’autonomisation des femmes par le microcrédit (programme Pionnière) afin de favoriser l’entrepreneuriat la création et l’exploitation de petites et moyennes entreprises par des femmes; la lutte contre la violence faite aux femmes, par la création de centres de crise et de lignes d’écoute; et une formation à l’intérieur du gouvernement pour intégrer une analyse sexospécifique à toutes les politiques publiques. Un projet de loi contre les violences faites aux femmes sera débattu prochainement.

Pour ce qui est de la famille, la délégation a appris que les jeunes Tunisiens se marient moins à cause des coûts élevés du mariage considérés comme un fardeau en temps de difficultés économiques. Il y a aussi le fort taux d’échec de mariage et de divorce. Le ministère vise aussi à réduire le taux de divorce par des formations d’initiation à la vie conjugale. Des formations d’éducation parentale sont aussi offertes. L’amélioration des conditions de vie dans les milieux ruraux passe par des programmes d’éducation pour les femmes et par l’amélioration des réseaux de transport.

Un Code de protection de l’enfant a été adopté en 1995, mais toutes les lois tunisiennes n’ont pas encore changé pour s’y conformer. Une des priorités du ministère est la prévention de l’exploitation sexuelle des enfants et de la violence qui leur est infligée. La ministre a laissé entendre que la Tunisie devrait s’inspirer de la Convention européenne des droits de l’enfant. La Tunisie a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU.

La ministre et ses fonctionnaires ont également affirmé qu’un programme de garderies publiques géré par les municipalités était à l’étude. De plus, des activités culturelles, sportives et des « clubs de citoyenneté » existent pour les jeunes. On est en train d’évaluer la stratégie sur les enfants à l’aide d’un programme de l’UNICEF (programme SABER). La ministre a aussi mentionné l’existence de 450 centres pour enfants : le but est de réduire ce nombre, pour que les enfants soient ramenés vers des familles d’accueil, et d’offrir des services à ces familles.

Il a été souligné qu’environ 10 % de la population tunisienne se composent de personnes âgées, qui sont expérimentées, scolarisées et en santé, et que le pays doit apprendre à tirer profit de leur expérience. Il existe aussi une loi de la protection des personnes âgées.

Enfin, il a été question de l’aide étrangère. La ministre a reconnu que, pour bâtir la confiance des pays donateurs, l’argent doit être bien utilisé, la reddition de comptes doit être présente et la corruption doit être réduite.

7. Rencontre avec le président de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), M. Chafik Sarsar   

Cette rencontre a été l’occasion pour la délégation de mieux comprendre la gouvernance de l’ISIE, qui est composée d’un conseil de huit membres élus par le Parlement pour un mandat renouvelable de six ans. Il y a interdiction de se présenter à une élection de charge publique pendant cinq ans après avoir quitté l’ISIE. Les élections présidentielles, législatives, régionales, municipales et au conseil de la magistrature sont sous sa responsabilité. Le prochain défi sera d’organiser les élections municipales de 2017. M. Sarsar a souligné qu’il y a eu beaucoup de rapprochements entre l’ISIE et le Directeur général des élections au Canada.

Il a aussi beaucoup été question du financement des partis politiques, des campagnes électorales et des débats télévisés. Ces derniers relèvent davantage de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), un conseil équivalent au CRTC canadien, qui sera remplacée par l’Instance de régulation de l’audiovisuel.

Il existe un système de financement public pour les candidats, l’état fournissant 20 % du financement, le candidat 40 %, et 40 % provenant d’autres sources (dons). Le plafond total est d’environ 40 000 $. Des plaintes formelles pour des accrocs aux règles électorales peuvent être déposées auprès de tribunaux administratifs ou judiciaires.

L’accès au processus électoral pour les personnes handicapées a aussi été discuté. Par exemple, des bulletins de vote en braille sont disponibles, et le langage des signes est utilisé dans les publicités. Les bureaux de vote qui ne permettaient pas l’accès en fauteuil roulant lors des premières élections ont été rénovés pour remédier au problème.

8. Rencontre avec le premier président de la Cour des comptes, M. Abdellatif Kharrat   

Lors de cette rencontre, le mandat de la Cour des comptes a été expliqué aux membres de la délégation. Son mandat, prévu par la Constitution, est de mener des audits financiers, de conformité et de performance auprès des institutions gouvernementales. Des exemples d’audits menés récemment ont été fournis, comme celui portant sur la gestion des déchets dangereux, de même qu’un audit de conformité portant sur les campagnes électorales. Environ 30 ministères font l’objet d’une revue chaque année. Les rapports sont publiés à l’ARP. Plusieurs critères sont pris en considération pour mener une enquête, comme les actualités et les problèmes perçus.

La Cour compte 155 magistrats et quatre chambres régionales. La Cour principale, située à Tunis, compte neuf chambres dont le mandat varie par thème, comme les ressources humaines et l’agriculture. Quelques mandats seront prochainement ajoutés.

9. Dîner-causerie avec des représentants d’organisations non gouvernementales   

La délégation a rencontré des représentants de plusieurs ONG tunisiennes. Sana Ghenima, de Femmes et Leadership, une organisation qui fait la promotion du leadership féminin, a indiqué que la révolution a réussi, mais que la Tunisie en est encore au stade initial de l’élaboration à plusieurs égards. Selon elle, la déception qu’entraîne l’absence d’amélioration des conditions économiques peut mener certaines personnes à se tourner vers le terrorisme. Mme Ghenima signale que le gouvernement contrôle trop les ONG internationales. Il est proposé que l’aide canadienne prenne la forme d’un appui aux pratiques exemplaires concernant la transparence, le renforcement du rôle des femmes et, tout particulièrement, la création d’emplois pour les jeunes.

Maya Ben Khaled, de l’Institut arabe des droits de l’homme, a insisté sur le rôle primordial de l’éducation pour garder les jeunes en Tunisie. Elle a aussi noté un possible problème de manque d’éducation civique. Elle a souligné que l’aide potentielle du Canada devrait se situer dans le domaine de l’éducation.

Gabriele Reiter, de l’Organisation mondiale contre la torture, a aussi souligné le problème de corruption et d’impunité qui y est rattaché. Elle a prôné une plus grande participation de la société civile dans les processus démocratiques et a également plaidé pour une aide au niveau de l’éducation.

Ali Zeddini, de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, a mentionné que la révolution a fonctionné en raison de la force de la société civile tunisienne. Cependant, l’Association s’est fait dire que demeure un grand déséquilibre socioéconomique entre les régions de la Tunisie et entre les Tunisiens. Il a été convenu que le gouvernement et la société civile doivent travailler ensemble pour former un projet d’amélioration des conditions sociales et pour lutter contre la corruption.

10. Rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, M. Khémaies Jhinaoui   

Cette rencontre a été centrée sur trois thèmes principaux : les relations entre la Tunisie et le Canada, les problèmes généraux de la Tunisie et certains défis internationaux. Le ministre a souligné que les relations entre le Canada et la Tunisie ont toujours revêtu de l’importance. Il s’est dit heureux qu’elles semblent en gagner davantage et qu’il ait pu rencontrer la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, lors de la conférence Tunisie 2020. Notant la grande importance des relations parlementaires, il a affirmé qu’une aide canadienne sur les bonnes pratiques parlementaires et de gouvernance serait la bienvenue.

Le ministre a parlé des défis de la Tunisie sur le plan de l’économie et de la sécurité. En effet, la croissance économique est plus faible qu’auparavant, et le chômage est élevé. Il existe une disparité entre les régions. Avant 2015, l’armée et la sécurité n’étaient pas une priorité, mais les attentats terroristes ont obligé le gouvernement à repositionner de telles priorités et à réaffecter les ressources en présence de cette nouvelle menace.

La délégation a appris que le pays voisin de la Tunisie, la Libye, compte trois gouvernements non officiels et que la situation est donc fluctuante. Une grande part de la population libyenne est située à l’ouest de la Libye, près de la frontière tunisienne. En cas de guerre civile, il pourrait y avoir afflux de réfugiés.

Enfin, la priorité nationale du gouvernement est de donner de bonnes possibilités d’emploi pour les jeunes afin de s’assurer d’une société future harmonieuse et une démocratie réussie. En ce moment, l’investissement direct étranger est faible par rapport aux besoins. On laisse de nouveau entendre que le système d’éducation tunisien manque à ses obligations envers les jeunes. En effet, les programmes d’études sont de nature trop générale et loin d’être adaptés aux besoins du marché du travail. Selon le ministre, l’aide du Canada serait la bienvenue pour modifier le système d’éducation tunisien de manière à favoriser l’emploi des jeunes et une cohésion sociale.

11. Souper-causerie sur les communications parlementaires, avec du personnel et des stagiaires du département des communications et du Bureau de la société civile de l’Assemblée des représentants du peuple tunisien, organisé par l’Institut national démocratique   

La rencontre a donné l’occasion aux participants de discuter des stratégies visant à améliorer la communication entre l’ARP et la société civile. Le personnel de l’ARP a admis que l’organisation pouvait mieux faire connaître à la population les travaux du Parlement et des parlementaires. Selon certains intervenants, la société civile ne comprend pas toujours le rôle du gouvernement, ou ses usages. On a aussi laissé entendre que bien des Tunisiens se désintéressaient des questions politiques.

La révolution et la liberté de la presse qui en découle ont entraîné une hausse des demandes pour les produits de communication de l’ARP. Encore une fois, on a souligné que l’ARP n’avait pas la capacité nécessaire pour y répondre. Par conséquent, la stratégie actuelle tourne donc davantage sur l’utilisation des réseaux sociaux en raison de leurs faibles coûts. Les résultats des travaux des commissions parlementaires sont dorénavant publiés sur Internet.

Les membres de l’Association ont posé des questions sur l’accessibilité des commissions parlementaires auprès d’un plus grand public. Il a aussi été mentionné que les déplacements des comités partout au Canada ont été quelque peu utiles, et il a été proposé que les commissions parlementaires envisagent de voyager davantage à travers la Tunisie pour rejoindre la société civile. Comme il existe un grand nombre d’associations, peu d’entre elles peuvent comparaître devant les commissions. Les membres de l’Association ont donc recommandé que la société civile puisse soumettre des mémoires aux commissions.

12. Rencontre avec le président de l’Instance de lutte contre la corruption, M. Chawki Tebib   

L’Instance de lutte contre la corruption est une organisation gouvernementale. Son président, M. Tebib, a expliqué à la délégation que la corruption était installée en système en Tunisie avant la révolution et en a fourni des exemples du temps de l’ancien régime aux membres de l’Association.

M. Tebib a admis que la corruption s’est poursuivie après la révolution, et que les structures pour la contrer ne sont toujours pas entièrement mises en place. En revanche, on a connu quelques succès dans la lutte à la corruption. M. Tebib a exposé les trois principales formes de corruption en Tunisie: de petits pots-de-vin versés à des fonctionnaires, dont des policiers, des montants beaucoup plus élevés à des fonctionnaires supérieurs pour obtenir des contrats de construction ou autres types d’approvisionnement ainsi que des pots-de-vin ou des contributions politiques illicites à des titulaires de charge publique élus et à des partis politiques.

Récemment, le nouveau gouvernement de coalition a fait de la lutte à la corruption une de ses plus hautes priorités. Une « feuille de route » a été établie pour réduire la corruption. Le budget de l’Instance de lutte contre la corruption a été multiplié par six environ. Ses pouvoirs ont aussi été étendus, avec la possibilité de poursuivre des personnes soupçonnées de corruption. Une plus grande sensibilisation du public a été mise en place, tout comme des campagnes locales auprès de la population. Il s’agit notamment de distribuer des vignettes pour les voitures sur lesquelles on retrouve les numéros de téléphone pour dénoncer les tentatives de corruption par les fonctionnaires locaux, dont les policiers qui ont immobilisé un véhicule.

La délégation a été mise au courant que le secteur policier a créé des « îlots d’intégrité » : il s’agit de certains postes de police à la très grande transparence et intégrité, qui deviennent des exemples pour les autres. Ce concept pourrait ensuite s’étendre à d’autres secteurs, comme l’agriculture ou les transports.

M. Tebib a fait observer que la lutte contre la corruption politique passe par des réformes législatives. Les lois sur le financement électoral, les dons et les plafonds des dépenses se sont montrés inutiles pour décourager ce comportement non éthique. Un projet de loi prévoit la déclaration du patrimoine des députés, juges et fonctionnaires. Il a également affirmé que les sanctions devraient être plus élevées pour effacer le sentiment d’impunité. La société civile doit aussi s’impliquer pour faire changer les mentalités.

M. Tebib a souligné que la Tunisie souhaite améliorer son classement concernant la perception de la corruption, préparé par l’organisme Transparency International, de la 76e position qu’elle occupe présentement sur 168 pays, vers les cinquante premiers rangs.

13. Dîner de travail sur la thématique du contrôle parlementaire du gouvernement avec des représentants de chaque groupe parlementaire de l’Assemblée des représentants du peuple tunisien   

Cette rencontre a surtout été l’occasion pour les parlementaires tunisiens d’en apprendre davantage sur les différents mécanismes parlementaires qui existent au Canada. Les membres de la délégation ont donc parlé abondamment du rôle du Vérificateur général du Canada, des différents comités parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes, en particulier du Comité des comptes publics de la Chambre des communes, qui analyse les rapports du bureau du Vérificateur général. Il a aussi été brièvement question du rôle d’autres agents du Parlement et du Directeur parlementaire du budget.

14. Visite de l’Association TWIZA pour la démocratie locale et la bonne gouvernance    

Cette association, financée en partie par le Fonds canadien d’initiatives locales, consiste en une équipe de jeunes Tunisiens qui produisent des émissions de radio destinées à sensibiliser le public à la reddition de comptes en politique et aux problèmes de gouvernance.

La délégation a été contente de voir les efforts déployés par cette association pour informer le public et l’intéresser à la participation active à la démocratie locale. Des exemples de sujets d’émissions récentes ont été présentés à la délégation, comme la présence des parlementaires dans leur circonscription électorale, qui fait parfois défaut, ou encore la loi d’accès à l’information.

15. Rencontre avec des représentants de la société civile   

Cette rencontre a été l’occasion de rencontrer les représentants suivants provenant d’ONG internationales avec une antenne en Tunisie : Search for Common Ground, International Crisis Group, Center for the Study of Islam and Democracy, Forum of Federations (Tunisie), International Foundation for Electoral Systems, EQUITAS – Centre international d’éducation aux droits humains, et Youth Decides.

Le principal thème de cette rencontre a été la radicalisation menant à la violence ou à l’extrémisme. La délégation canadienne a entendu que les raisons de la radicalisation sont nombreuses et que plus de recherches doivent être entreprises à ce sujet. Au sein du petit groupe, il y a diverses opinions sur les causes de la radicalisation et les moyens pour la contrer. Il a été convenu que les chercheurs doivent mieux échanger et communiquer pour comprendre les multiples facteurs contribuant à la radicalisation. Ainsi, des jeunes faisant face à des conditions économiques difficiles sont des proies faciles pour des gens qui cherchent à leur enseigner une version de l’islam qui n’est pas fidèle au « véritable » islam, selon plusieurs intervenants. Un problème ayant été évoqué est la formation des imams : certains d’entre eux étudient véritablement la théologie, mais chacun peut s’autoproclamer imam et prêcher des idées contraires à l’islam.

Certains participants ont parlé d’autres schémas possibles; ainsi, des jeunes très scolarisés se radicalisent eux aussi. Certains jeunes éprouvent un manque de sens d’appartenance à la communauté, et les groupes terroristes se servent de cela pour attirer ces jeunes vers leur « communauté ». Le rôle de la famille est très important afin d’éviter la radicalisation, mais l’échec du mariage est à la hausse en Tunisie, comme il a déjà été indiqué.

Des ONG offrent d’autres solutions à la radicalisation, comme des programmes et activités sportives ou culturelles destinés aux jeunes ainsi que l’éducation des imams à la démocratie et aux droits de la personne. Par contre, ces solutions sont trop sous-financées pour apporter un véritable changement.

Un autre thème abordé a été celui du respect des droits LGBT (lesbienne, gai, bisexuel et transgenre), qui sont quasi inexistants en Tunisie. L’homosexualité est toujours illégale, ce qui est contraire à la Constitution d’après certains. Or, personne ne souhaite changer la loi, car la société rejette encore l’homosexualité. Selon les interlocuteurs, les mentalités prennent du temps à changer, et la situation des droits LGBT ne connaît aucun progrès notable en Tunisie.

16. Souper-causerie organisé par le parti Ennahda   

Ce dîner a été l’occasion de rencontrer des députés et membres du parti Ennahda, qui fait partie du gouvernement de coalition depuis août 2016. Des discussions sur la politique tunisienne ont eu lieu à chacune des tables. Un discours émouvant portant sur la compatibilité entre l’islam et les valeurs démocratiques a été prononcé par Meherzia Laabidi, députée de l’ARP. Le fait que l’Association rencontre le parti Ennahda ne signifie pas qu’elle l’endosse, car l’Association n’appuie évidemment aucun parti politique. La délégation était heureuse de pouvoir échanger avec d’autres parlementaires tunisiens, et le parti Ennahda, qui est le parti ayant le plus de sièges à l’ARP, a offert cette occasion à la délégation.

RÉPUBLIQUE ARABE D’ÉGYPTE[23]

La République arabe d’Égypte (l’Égypte) est située au nord-est du continent africain. Elle est bordée au nord par la mer Méditerranée, à l’ouest par la Libye, au sud par le Soudan et à l’est par Israël (Bande de Gaza) et la mer Rouge, qui la sépare de l’Arabie Saoudite. Sa superficie est d’environ 1 million de kilomètres carrés, ce qui correspond environ à celle de l’Ontario[24] . Le Nil traverse le pays du sud au nord et plusieurs de ses grandes villes se retrouvent le long de ce fleuve, dont la capitale, Le Caire, qui comptait 18,8 millions d’habitants en 2015, sur un total de près de 95 millions d’habitants pour le pays (estimation de 2016). Alexandrie, sur le bord de la mer Méditerranée, est la deuxième ville en importance avec près de 4,8 millions d’habitants. L’Égypte compte 27 gouvernorats (provinces).

La langue officielle est l’arabe, mais l’anglais ou le français sont compris par la plupart des personnes ayant un niveau de scolarité plus élevé. Environ 90 % de la population est musulmane (à prédominance sunnite), et 10 % est chrétienne, avec une majorité d’orthodoxes coptes. La population est très jeune : 52 % de sa population avait moins de 25 ans en 2016. Elle est aussi installée dans les villes à un taux de 43,1 % (en 2015). La population du pays croît à un taux annuel de 2,5 %.

A. Histoire politique récente   

La chute de popularité du président Moubarak, en place depuis 1981, s’accéléra avec la mise en lumière de la corruption, touchant entre autres certains membres de sa famille. Le chômage, le manque de logements, l’augmentation des prix des biens de première nécessité et le manque de liberté d’expression ont paru être d’autres causes importantes des manifestations de janvier 2011. Le 11 février 2011, M. Moubarak a quitté ses fonctions pour remettre le pouvoir à l’armée.

Le 24 juin 2012, Mohamed Morsi, issu d’une formation politique des Frères musulmans, fut élu président de la République arabe d’Égypte avec 51,7 % des voix face à son adversaire Ahmed Chafik. Après avoir tenté de cohabiter avec les militaires, Morsi destituait le chef de l’armée et s’attribuait plus de pouvoirs législatifs. En novembre 2012, le président Morsi promulguait une déclaration constitutionnelle qui lui conférait la possibilité de légiférer par décret et d’annuler des recours judiciaires déjà en cours.

La présidence de Morsi s’est révélée négative dans la mesure où l’économie s’est effondrée. Contesté par une grande partie de la population, Mohamed Morsi fut renversé le 3 juillet 2013, suivant l’ultimatum de 48 heures par l’armée pour que M. Morsi quitte le pouvoir, étant donné les vastes protestations anti-Morsi [25]. Le lendemain, M. Morsi était détenu par l’armée, alors que des mandats d’arrêt étaient lancés à l’encontre des dirigeants des Frères musulmans.

Adly Mansour, président de la Cour constitutionnelle, a prêté serment comme président par intérim. Une nouvelle constitution a été adoptée le 15 janvier 2014 après un référendum (98,1 % des votants se sont prononcés en faveur); elle succédait à la Constitution de 2012, elle-même suspendue par l’armée égyptienne après la destitution du président Morsi.

Depuis le 8 juin 2014, l’Égypte a un nouveau président en la personne du maréchal Abdel Fattah al Sissi. Il a été élu pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, avec plus de 96 % des suffrages, dans un contexte d’abstention supérieure à 50 %.

Les élections législatives les plus récentes ont eu lieu en novembre et décembre 2015. Le taux de participation à ces élections fut faible, à 28,3 %[26] . Il s’agit d’un scrutin mixte visant à pourvoir 568 sièges à la Chambre des députés, pour un mandat de cinq ans : 448 sont élus de manière uninominale, et 120 autres à un scrutin de listes de candidats; 28 autres sont nommés par le président, pour un total de 596 députés. Le Parlement est majoritairement composé de députés acquis au président al-Sissi.

Par ailleurs, l’article 2 de la Constitution de 2014 dispose que « l’islam est la religion de l’État. L’arabe est sa langue officielle. Les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation[27] ».

B. Développement économique et social   

En 2015, le produit intérieur brut (PIB) de l’Égypte était de 996,6 milliards de dollars américains, en parité du pouvoir d’achat, ou environ 10 900 $ US par habitant [28]. Le pays fait partie de la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire. La croissance du produit intérieur brut a été de 4,2 % en 2015. L’inflation était de 10,4 % la même année. De janvier 2016 à janvier 2017, l’indice des prix à la consommation avait augmenté de 28,1 % [29].

Le gouvernement égyptien, confronté à des déficits budgétaires, a dû prendre des mesures pour redresser ses finances publiques. Ces mesures comprennent des hausses des recettes fiscales, une maîtrise de la masse salariale de la fonction publique, un abandon des subventions universelles au profit de transferts ciblés et des investissements dans les infrastructures. L’Égypte est confrontée à une baisse du prix du pétrole et à une faible croissance en Europe, l’un de ses principaux partenaires commerciaux[30] .

L’économie est concentrée à 52,5 % dans les services, à 36,3 % dans l’industrie et à 11,2 % dans l’agriculture. Le déficit budgétaire du gouvernement égyptien correspondait à 11,7 % de son PIB en 2015 et la dette publique à 90,2 % du PIB. Ses exportations se composent surtout de pétrole, mais aussi de fruits et légumes, de coton et de textile [31].

Les réserves égyptiennes de devises étrangères sont passées de 36 milliards de dollars américains en 2010 à 19,6 milliards en septembre 2016. Le gouvernement égyptien souhaitait un soutien du Fonds monétaire international (FMI) depuis cinq ans[32] . En novembre 2016, le FMI a annoncé une aide de 12 milliards de dollars américains sur 3 ans, mais tenait à ce que la banque centrale égyptienne laisse flotter sa devise, ce qui fut fait en novembre 2016[33] . Avant cela, la banque centrale maintenait artificiellement un taux de change de 8,8 livres égyptiennes pour un dollar américain. Un marché noir s’est créé à cause du manque de devises étrangères : en 2016, il fallait jusqu’à 18 livres égyptiennes pour un dollar américain. La dévaluation de la livre pourrait aussi augmenter l’inflation par le biais des importations, qui devraient coûter plus cher. Pour obtenir les fonds du FMI, l’Égypte doit aussi réunir 6 milliards de dollars en prêts d’autres pays, qui pourraient provenir de Chine, d’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis [34]. Une autre condition est l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée, fixée à 13 % en 2016–2017 et 14 % en 2017–2018; cette mesure a été adoptée en août 2016 par le Parlement[35] .

L’environnement des affaires en Égypte est légèrement inférieur à la moyenne mondiale, puisque le pays se classait à la 122e place sur 190 selon le classement de 2016 de la Banque mondiale sur la facilité à faire des affaires et en 12e place sur 20 pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les principaux problèmes semblent se situer au niveau du paiement des taxes et des impôts (162e rang), de l’exécution des contrats (162e rang) et du commerce transfrontalier (168e rang). Par contre, le pays se classait beaucoup mieux pour ce qui est de la création d’entreprises (39e rang) et de l’obtention d’un permis de construire (64e rang)[36] .

En 2015, selon l’Organisation internationale du travail, 22,5 % des femmes participaient au marché du travail, contre 70,5 % des hommes. Le taux de chômage se situait à 12,9 %, soit 24,2 % chez les femmes et 9,4 % chez les hommes. Le taux de chômage des jeunes (15 à 24 ans) était de 31,3 %. En 2011, les dépenses publiques de protection sociale représentaient 13,2 % du PIB égyptien[37] .

En 2014, l’espérance de vie à la naissance était de 71,1 ans[38] . En 2015, la prévalence du SIDA était très faible, de l’ordre de moins de 0,1 % de la population âgée de 15 à 49 ans, comparativement à 0,4 % en Italie et en Espagne[39] . La même année, l’Égypte se classait au 108e rang sur 188 pays pour ce qui est de l’Indice de développement humain du Programme de développement des Nations Unies[40] .

C. Gouvernance et droits de la personne   

Selon l’Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique, en 2015, l’Égypte se retrouvait au 24e rang sur 54 pays africains pour ce qui est de la gouvernance globale. Parmi les catégories qui composent ce classement global, elle se situait au 9e rang pour le développement économique durable, au 14e rang pour le développement humain, au 34e rang pour la sécurité et l’état de droit et au 46e rang pour ce qui est de la participation et des droits de la personne[41] .

En 2016, l’Égypte se classait au 133e rang sur 167 pays de l’Indice de la démocratie de The Economist[42]. Elle était considérée comme dirigée par un régime autoritaire. La même année, le pays se classait en 108e position sur 176 selon l’Indice de perception de la corruption de Transparency International[43] . Cet indice évalue les pays en fonction de la perception de la corruption qui sévit au sein du secteur public. En 2016, l’Égypte n’était pas considérée comme un pays libre par l’organisation Freedom House; sur une échelle de 1 à 7 (1 étant la meilleure note possible), elle recevait la note de 6 pour les droits politiques et 5 pour les libertés civiles[44] .

Dans la péninsule du Sinaï, située au nord du pays, les combats entre le gouvernement et un groupe affilié à Daech (acronyme arabe du groupe armé État islamique en Irak et en Syrie) se sont intensifiés, bien que l’Égypte ait engagé des forces armées supplémentaires importantes. Le gouvernement a affirmé que l’armée avait tué des milliers de terroristes dans le Sinaï, mais n’a autorisé aucun observateur indépendant à se rendre dans la zone de conflit. Qui plus est, les habitants ont déclaré que l’armée avait tué un nombre indéterminé de civils[45] . Au moment de la visite de la délégation en Égypte, un attentat avait été commis environ un mois auparavant dans une église copte située tout près de la cathédrale Saint-Marc du Caire, faisant au moins 25 morts. Plus de deux mois après la visite de la délégation, le 9 avril 2017, deux attaques revendiquées par Daech, près de deux églises coptes, une à Alexandrie et l’autre à Tanta, ont tué au moins 47 personnes et blessé plus d’une centaine d’autres. Suite à ces événements, l’Égypte a décrété l’état d’urgence pour une période de trois mois[46] .

D. Relations Canada-Égypte   [47]

Le Canada et l’Égypte ont établi des ambassades dans leurs capitales respectives en 1954. La relation s’étend toujours à de nouveaux domaines de coopération. Les relations commerciales internationales, les questions touchant le désarmement, la Francophonie, les échanges culturels et l’éducation ne sont que quelques exemples de domaines d’intérêt commun pour les deux pays.

Au cours de la visite de l’ancien ministre des Affaires étrangères, John Baird, au Caire, en janvier 2015, le Canada et l’Égypte ont réitéré leur engagement mutuel à renforcer leurs relations bilatérales, qui ont été davantage renforcées lors de la visite du nouveau ministre de la Défense nationale Harjit Sajjan en décembre 2015.

L’Association parlementaire Canada-Afrique a effectué sa dernière visite en Égypte en mars 2007. Durant cette mission, elle avait fait de nombreuses rencontres, notamment avec le président de la chambre basse du Parlement égyptien, le Dr Fahti Sorour. Elle avait aussi visité des projets de développement communautaire dans les régions d’Ismaïla et du canal de Suez [48].

En 2015, les exportations canadiennes vers l’Égypte avaient une valeur de 428,8 millions de dollars, en baisse de 7,8 % par rapport à 2014. Celles-ci représentaient 0,1 % de toutes les exportations canadiennes. Ces exportations reposaient principalement sur les lentilles et les aéronefs. Les importations canadiennes en provenance de l’Égypte s’élevaient quant à elles à 741,2 millions de dollars, une hausse de 19,8 % par rapport à 2014. Les biens importés reposaient principalement sur l’or, et dans une moindre mesure, sur les tapis. En 2015, le stock d’investissement direct du Canada en Égypte était négatif, d’une valeur de 27 millions de dollars. En 2013, l’Égypte avait un stock d’investissement étranger de 3 milliards de dollars au Canada[49] .

RENCONTRES EN ÉGYPTE

1. Souper et séance d’information présentée par M. Troy Lulashnyk, ambassadeur du Canada en Égypte, Mme Isabelle Savard et Mme Solveig Schuster, de l’ambassade du Canada en Égypte   

L’ambassadeur et son personnel ont dressé un portrait de la situation économique, politique et sociale qui règne présentement en Égypte.

L’Égypte fait face à plusieurs problèmes, soit :

  • • Une situation économique extrêmement difficile, avec un secteur touristique en forte baisse, un taux d’inflation effarant, un prix du pétrole toujours bas, ce qui réduit les activités du canal de Suez;
  • • Des problèmes de sécurité, avec des attaques contre des églises chrétiennes, et d’autres activités terroristes, surtout dans le nord du pays, en plus du retour imminent des présumés djihadistes partis d’Égypte pour combattre en Syrie et en Irak;
  • • La corruption et les problèmes liés aux droits de la personne et à la liberté de la presse;
  • • Un niveau de scolarité très bas, un système de santé déficient, et une population qui croît à un rythme très élevé.

Par contre, certaines solutions mises en branle par le gouvernement ont été soulignées :

  • • Une volonté d’unifier les Égyptiens, peu importe leur religion, que ce soit par la reconstruction immédiate des églises détruites, ou par la présence du président Sissi à plusieurs reprises à la cathédrale copte Saint-Marc du Caire;
  • • Le développement de grands projets économiques, comme celui de l’élargissement du canal de Suez, ou la construction de nouvelles villes, dont une nouvelle capitale administrative.

2. Rencontre avec le président égyptien, M. Abdel Fattah al Sissi   

La délégation a eu la chance de rencontrer le président égyptien, M. Sissi, pour une longue réunion d’environ 90 minutes, soit trois fois plus que prévu. Le président Sissi se réjouit des relations canado-égyptiennes et parle ouvertement des défis de son pays. Le président et la délégation ont eu une discussion franche et ouverte sur les problèmes qui existent en Égypte.

La délégation a évoqué la question des droits de la personne et de la liberté de presse auprès du président. Le président Sissi a indiqué que, selon lui, la presse était presque trop libre, en ce sens qu’elle manquait de professionnalisme comme on l’entend en Occident. En général, la presse n’était pas toujours bien formée et la liberté de presse devenait « une anarchie de la presse » et sans aucune reddition de compte ni transparence. Pour ce qui est des droits de la personne, le président a dit être conscient des valeurs canadiennes en la matière, mais il accorde la priorité en ce moment à garantir des droits économiques de base aux Égyptiens et la sécurité à l’Égypte entière. Il a fait valoir que la stabilité du pays est essentielle pour y parvenir. Après la stabilisation de l’économie et la lutte contre le terrorisme viennent l’éducation et les soins de santé. Le président a souligné que le niveau d’éducation doit être plus élevé pour que les Égyptiens comprennent bien tous les enjeux liés aux droits de la personne.

Le président Sissi a affirmé que le terrorisme, et ses diverses manifestations, nuisent gravement à l’économie, en grande partie par le biais du tourisme. Cela a aussi un effet sur la perception de stabilité du pays, et donc sur l’investissement direct étranger. Il admet que l’inflation et le chômage sont tous deux très élevés et que la forte croissance de la population exacerbe ces problèmes. Le niveau de scolarité est faible, et il y a peu de ressources naturelles.

Le président a souligné certaines des réalisations de son gouvernement, soit :

  • Une attention soutenue à la liberté de religion et à l’unification des Égyptiens, peu importe leur religion, par exemple en agissant rapidement pour la reconstruction des églises détruites, et par sa présence à trois reprises à la cathédrale copte du Caire;
  • Des mesures de sécurité accrues, surtout autour des sites touristiques et des aéroports;
  • Afin de stimuler l’économie, le lancement de grands projets économiques, comme des travaux au canal de Suez, d’autres travaux d’infrastructure et la construction dans les prochaines années de nouvelles villes, dont une qui servirait de capitale administrative, une près de la mer Rouge, deux sur le bord de la Méditerranée et cinq dans le Haut-Nil (sud de l’Égypte). Cela aurait aussi pour conséquence de répondre à la croissance de la population et de diversifier la répartition de la population, qui est concentrée autour du Nil;
  • Certaines mesures pour attirer l’investissement, notamment l’aide financière du FMI, et à son insistance, l’implantation d’une taxe sur la valeur ajoutée et la dévaluation de la monnaie égyptienne.

Le président Sissi a aussi insisté sur ce qu’il voit comme une mauvaise perception de son gouvernement à l’extérieur, notamment celle voulant que la deuxième révolution (celle de 2013), qui a chassé les Frères musulmans du pouvoir, était un coup d’État de l’armée. En fait, selon le président Sissi, les manifestations contre le gouvernement Morsi étaient si grandes que l’armée n’avait de choix qu’entre faire feu sur les manifestants ou demander à l’ex-président Morsi de quitter le pouvoir.

Le président Sissi a indiqué qu’il entendait terminer son premier mandat de quatre ans et possiblement se présenter pour un second et dernier mandat (de par la Constitution).

3. Dîner avec le Comité parlementaire des affaires étrangères   

La délégation rencontrait des membres du Comité parlementaire des affaires étrangères, mais les discussions avec ceux-ci ont surtout tourné autour des affaires internes de l’Égypte et de son Parlement.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Sissi, le Parlement a été très occupé à accepter les décrets provenant du pouvoir exécutif, à l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée, à l’adoption d’un taux de change flottant et aux problèmes économiques de l’Égypte. Certains membres ont souligné qu’au début de la présidence de M. Sissi, le pouvoir exécutif dictait le travail du Parlement, mais que maintenant, les relations vont dans les deux sens. Le Parlement s’est mis à amorcer des travaux et des projets de loi.

Des membres du Comité ont avancé qu’il y a des progrès pour la promotion des droits des femmes; par exemple, 90 des 594 députés du Parlement sont des femmes. Les droits de la personne ont aussi abordés. Encore une fois, le bas niveau d’éducation est vu comme un obstacle à la compréhension des droits de la personne et au développement économique. Selon certains membres du comité, les droits de base économiques doivent être réglés en premier lieu.

La question de la sécurité a aussi été abordée. Selon des membres du Comité, ce sont les jeunes qui ont commencé la révolution de 2011, mais des extrémistes ont profité de la situation et du vide au niveau du pouvoir politique pour prendre le contrôle du gouvernement.

4. Dîner avec des membres d’organisations non gouvernementales et du Centre de recherches pour le développement international   

La délégation a rencontré des représentants d’ONG internationales avec des antennes en Égypte, soit CARE Canada, Save the Children et Plan International, de même que du Centre de recherches pour le développement international (une société d’État du gouvernement du Canada).

Il a été question d’une loi qui contrôle les ONG, qu’elles soient égyptiennes ou internationales en Égypte, et qui donne accès de façon abusive au gouvernement, selon les représentants présents, à des données sur les différents projets de recherches menés par les ONG, sans compter qu’il accorde au gouvernement la capacité de les rendre inefficaces; elle donne aussi le pouvoir au gouvernement de limoger des gestionnaires d’ONG. Le gouvernement est perçu comme ayant une grande méfiance envers les ONG, particulièrement étrangères, car elles pourraient, selon lui, vouloir déstabiliser le pays. Le gouvernement préfère une aide étrangère versée directement au gouvernement égyptien plutôt qu’aux ONG. Si l’aide ne lui est pas versée directement, il préfère qu’elle ne soit pas assortie de conditions imposées par les donateurs. Par contre, les relations ne sont pas mauvaises dans l’ensemble, et d’aucuns trouvent des moyens créatifs pour travailler dans ce contexte.

Les ONG fournissent d’autres points de vue sur le développement social. Les femmes ont un taux de participation au marché du travail très bas, mais elles travaillent beaucoup dans le secteur non structuré ou dans l’agriculture; peu ou pas payées, elles contribuent tout de même à l’économie. L’excision des organes génitaux de la femme est encore très répandue et cela est plutôt culturel que religieux, car cette pratique est présente autant chez les chrétiens que les musulmans. Une loi a été adoptée en août 2016 pour l’interdire, mais celle-ci est peu appliquée.

L’éducation publique est à un niveau très faible. Il y a parfois 60 jeunes pour un seul enseignant. Les enfants vont parfois à l’école seulement deux ou trois heures par jour, puis vont travailler. Le système de santé est aussi extrêmement déficient.

Enfin, certains représentants d’ONG ont estiment que le gouvernement mettait trop d’énergie au développement de grands projets (canal de Suez, construction de nouvelles villes), mais pas assez à l’éducation et à de petits projets, par exemple de microcrédit, qui pourrait être directement et immédiatement bénéfique à la population.

5. Rencontre avec Sheikh Ahmed Al Tayeb, grand imam de la mosquée Al Azhar   

La délégation a eu la chance de rencontrer le grand imam de la mosquée Al-Azhar, qui est l’une des personnalités les plus influentes chez les musulmans sunnites dans le monde.

Le grand imam a condamné le terrorisme, qui, à son avis, vient de mauvaises interprétations des écritures de l’islam. Selon lui, aucun texte religieux ne motive ces tueries. Il a aussi souligné les massacres qui ont cours en Libye et dans beaucoup de pays de la région ainsi que la situation géopolitique épineuse dans laquelle l’Égypte se trouve.

Il a dit apprécier l’amélioration des relations interreligieuses ces dernières années et signale les nombreux points communs entre les chrétiens et les musulmans. Pour lui, il ne faut pas considérer les coptes comme une minorité. Quelle que soit leur religion, tous sont des Égyptiens, qui jouissent des mêmes droits. Il cherche, par différents moyens, à rapprocher les deux communautés, surtout par le biais de l’éducation, la création de programmes interreligieux et les efforts pour mettre sur pied des équipes sportives composées de jeunes chrétiens et musulmans.

6. Rencontre avec le pape d’Alexandrie, Théodore II, 118e primat de l’Église copte orthodoxe   

La délégation a également eu la chance de rencontrer le primat de l’Église copte orthodoxe d’Égypte, le pape Théodore (ou Tawadros) II. Le pape a indiqué qu’il existait une bonne relation avec le gouvernement égyptien actuel, qui s’efforçait de combattre le terrorisme et s’employait à reconstruire les églises détruites. Le président Sissi a visité la cathédrale Saint-Marc du Caire à trois reprises, une première pour un président de l’Égypte, qui est vue comme une volonté d’unifier le pays, peu importe la religion. Selon le pape, un autre bon signe est l’élection d’environ 40 députés chrétiens au Parlement de l’Égypte.

Répétant ce que la délégation a entendu lors d’autres réunions, le pape a souligné qu’il existe un manque d’éducation. Dans les régions rurales, l’éducation religieuse est parfois la seule reçue.

Le rôle des femmes dans la religion a aussi été abordé. Le pape a reconnu que sa religion était traditionnelle, que seuls les hommes pouvaient être prêtres, mais que les femmes jouaient un rôle primordial au sein de l’église. Il cherche par ailleurs des moyens d’être plus inclusif.

7. Visite du parc Al-Azhar et rencontre avec des représentants de la fondation Agha Khan   

Le parc Al-Azhar a été construit par la fondation Aga Khan avec l’aide du Canada par l’ancienne Agence canadienne de développement international. Il s’agit d’une ancienne décharge qui est maintenant le plus grand parc du Caire. La délégation a pu visiter ce magnifique parc, contenant d’anciens murs restaurés, de grands espaces verts, un centre culturel et une boutique où l’on vend de l’artisanat produit dans les villages et qui est financé par l’aide du Canada. Durant la construction, la Fondation en a profité pour restaurer plusieurs mosquées sunnites à proximité du parc, suscitant ainsi de la bonne volonté dans les quartiers voisins.

Des échanges ont ensuite eu lieu avec les représentants de la fondation Aga Khan. Encore une fois, le manque d’éducation en Égypte a été évoqué. Selon les représentants de la fondation, le rôle de meneur de l’Égypte dans la région est en partie dû à la présence du grand imam, qui est très respecté, et son ton modéré a une grande influence. On a insisté sur l’importance de l’aide au développement et à la contribution bonifiée du Canada.

8. Rencontre avec M. Ali Abdel Aal, président de la Chambre des représentants   

Le président de la Chambre des représentants, M. Ali Abdel Aal, a accueilli la délégation canadienne et réitéré sa demande de l’établissement d’un groupe d’amitié parlementaire Canada-Égypte, afin de resserrer les liens entre les deux pays et de favoriser un plus grand investissement en provenance du Canada. Les membres de la délégation ont dû expliquer que l’Association a le devoir d’entretenir des relations parlementaires avec tous les pays africains et qu’elle a plus d’influence que la plupart des groupes d’amitié interparlementaire généralement peu actifs. Or, les membres de l’Association ont convenu qu’il importe de travailler aussi de manière bilatérale et qu’il serait bon d’avoir un nombre limité de membres de l’Association ayant une bonne connaissance de l’Égypte et se consacrant surtout à ces relations.

Le président a parlé du terrorisme comme étant la source de plusieurs problèmes en Égypte et a fermement condamné toute forme de terrorisme. Selon lui, il n’existe pas de terroriste modéré.

Selon lui, la nouvelle constitution fait en sorte que la démocratie est restaurée. Le Parlement est essentiellement représentatif de l’Égypte; il y a beaucoup de femmes, de chrétiens et de partis politiques.

Le président a affirmé que la liberté de presse était totale et que quiconque voulait démarrer un média (journal, télévision, etc.) n’avait qu’à présenter une notification. Il a ajouté que le président égyptien et tout le gouvernement étaient constamment l’objet de questionnements et de critiques par les médias.

Le manque d’éducation a encore été décrit comme étant un problème. L’éducation publique est gratuite jusqu’à l’université, et les frais de scolarité universitaires sont très bas. Par contre, la qualité de l’éducation n’est pas toujours présente et le gouvernement revoit les programmes d’enseignement. M. Ali Abdel Aal a suggéré que le Canada pourrait aider en ce sens.

9. Rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, M. Sameh Shoukry   

La délégation a rencontré le ministre des Affaires étrangères, qui a beaucoup parlé de défis internes en Égypte, qui ont des répercussions sur les affaires étrangères ainsi que sur le commerce et l’investissement internationaux.

Le terrorisme et la perception d’insécurité rendent les choses difficiles pour l’économie égyptienne. Il y a un sentiment grandissant que le rôle de la société civile est primordial. Certaines réformes économiques ont été entreprises, comme l’instauration d’un taux de change flottant. Le classement élevé de l’Égypte pour la création réussie d’entreprises devrait mener à davantage d’investissements.

Le thème de la corruption a aussi été abordé. Selon le ministre, il s’agit d’un problème de gouvernance, moral et économique. Les salaires des fonctionnaires ont augmenté pour lutter contre la corruption.

Au sujet des droits de la personne, le ministre a ajouté que cela préoccupait le gouvernement, car il s’agit des droits du peuple égyptien. Il faut également s’occuper des droits fondamentaux, notamment à pouvoir se nourrir et à se loger. Les problèmes d’éducation sont une grande préoccupation, car celle-ci mène à de meilleures possibilités, mais les ressources manquent pour améliorer la qualité de l’éducation, ce qui est un cercle vicieux.

Au niveau international, le ministre a mentionné des ententes de libre-échange avec certains blocs africains. Il a aussi indiqué que des ententes avec le Canada ou l’Europe étaient possibles, mais que cela devait être à l’avantage des deux parties concernées.

Le ministre a souligné qu’une résolution du conflit israélo-palestinien était capitale à l’atteinte de la paix et la stabilité dans la région.

10. Souper politico-économique avec différents représentants de la société civile   

Ce souper-échange était l’occasion pour la délégation de discuter avec différents représentants de la société civile, anciens journalistes ou membres d’ONG.

Certains ont critiqué la gestion de l’économie et le développement des projets d’infrastructures prônés par le gouvernement, qui s’occupe surtout de grands projets plutôt que de développer des projets sociaux, liés à l’éducation et au développement communautaire. Il a été observé que l’approche actuelle se rapproche plus d’une opération militaire que du développement social. Selon les représentants, une guerre civile en Égypte est peu probable, même si la situation économique est très difficile. La population est extrêmement concentrée, occupant seulement 7 % du territoire. Il est donc relativement facile d’exercer un contrôle sociopolitique.

Le secteur non structuré représente environ la moitié de l’économie, rendant le fardeau fiscal et les politiques en la matière asymétriques et souvent inefficaces. La primauté du droit est rarement appliquée, ce qui fait en sorte que les institutions gouvernementales ne peuvent exercer pleinement leur rôle. La fonction publique ne veut pas coopérer avec le gouvernement. Le niveau de corruption est élevé, et il n’y a pas de plan précis pour l’endiguer. Certains intervenants ont mentionné que le journalisme était difficile à pratiquer et que certains journalistes étaient emprisonnés. Concernant la liberté de presse, on a entendu un son de cloche qui diffère de celui donné par les dirigeants du gouvernement.

Les participants ont déclaré à la délégation que l’aide du Canada pourrait être plus efficace si elle était combinée avec l’assistance multilatérale fournie par d’autres pays. De cette façon, on augmente les chances qu’elle soit acceptée, même si elle est assortie de conditions relatives aux droits de la personne ou à l’indépendance des ONG. Une approche multilatérale pour l’aide étrangère pourrait ainsi être plus bénéfique. Le Canada est respecté, et une aide dans la gouvernance des institutions pourrait être appréciée.

11. Rencontre avec le Comité africain de la Chambre des représentants   

La délégation a rencontré des membres du Comité africain. Il est signalé que l’ancien président Nasser était très attaché à l’Afrique, et lors de la révolution de 2011 beaucoup de manifestants affichaient des portraits de Nasser, ce qui pourrait démontrer le souhait d’un attachement plus fort des Égyptiens pour l’Afrique plutôt que pour le Moyen-Orient. Le Comité a un plan de travail pour les quatre prochaines années. La question du terrorisme en est en plein cœur. Les problèmes de terrorisme ne se limitent pas à l’Égypte : l’organisation Boko Haram, qui agit surtout au Nigéria et au Tchad, a été comparée aux Frères musulmans d’Égypte par certains membres du comité.

Le Comité s’intéresse aussi à toutes les questions qui touchent l’Afrique et l’Égypte comme les droits de la personne, les impacts des changements climatiques et les défis propres aux femmes. Il veut aussi que plus d’histoire de l’Afrique soit enseignée dans les écoles. Le Comité souhaite créer des partenariats avec d’autres pays africains. On a exprimé des préoccupations concernant les projets sur le Nil dans le sud de l’Égypte, qui peuvent toucher tout le pays.

Les membres du Comité ont aussi souligné qu’une aide potentielle du Canada serait bienvenue dans le domaine de l’éducation égyptienne.

12. Rencontre avec une personne représentant une organisation défendant les droits de la personne   

Les membres de la délégation ont terminé leur séjour en Égypte par une rencontre avec une personne qui dirige une organisation défendant les droits de la personne. On avait lancé l’invitation à plusieurs autres personnes, qui l’ont déclinée. La personne avec qui la délégation a pu s’entretenir est elle-même extrêmement surveillée, son organisation est presque sans moyen, et on l’empêche de faire son travail, qui n’a rien de séditieux ou déstabilisant pour l’Égypte. La délégation a été sincèrement touchée par son courage et sa détermination.

OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS

Outre la volonté de bâtir des relations avec les parlementaires et la société civile de Tunisie et d’Égypte, le but de la visite de la délégation canadienne était d’étudier les progrès réalisés dans ces deux pays depuis le Printemps arabe de 2011 dans les domaines de la gouvernance et de la démocratie. Même si les deux pays partagent des changements survenus en 2011, ainsi que des défis économiques et de sécurité, ils sont difficilement comparables, selon leur taille, leur influence dans la région et leur situation géopolitique. Les observations suivantes portent donc sur chaque pays indépendamment, sans se livrer à des comparaisons, étant donnée la situation particulière de chaque pays.

A. République tunisienne   

Le but de la visite de la délégation canadienne en Tunisie était de répondre à des demandes précédentes venant de la Tunisie de s’impliquer au niveau parlementaire et de constater les progrès réalisés depuis la révolution de 2011, qui a déposé du pouvoir l’ancien président Ben Ali. Depuis ce temps, une nouvelle constitution a été adoptée, des élections législatives et présidentielles ont eu lieu, et un gouvernement de coalition nationale a été formé en août 2016.

La délégation a pu constater de réels progrès au sein du Parlement, des institutions et de la société tunisienne. Cependant, les acquis de la révolution demeurent fragiles en raison de plusieurs facteurs qui ont ralenti l’évolution économique et sociale du pays.

La Tunisie fait face à des conditions économiques difficiles et le taux de chômage y est élevé. Beaucoup de jeunes diplômés universitaires sont chômeurs. Certains jeunes sont radicalisés et se joignent à des groupes terroristes. Par suite des attentats terroristes perpétrés en 2015, les revenus du secteur du tourisme, qui est primordial à l’économie tunisienne, ont chuté drastiquement. On craint le retour des combattants du groupe Daech, en provenance de Syrie et d’Irak.

Il existe un certain niveau de corruption dans la société tunisienne. Certains droits, comme ceux liés à l’orientation sexuelle, ne sont pas respectés; l’homosexualité est criminelle. Même si elles ont plus de droits et d’importance, les femmes composent toujours avec des difficultés et de la discrimination.

Pour ce qui est du fonctionnement du Parlement, les ressources financières pour les parlementaires semblent très faibles. Les députés ont peu de moyens pour engager du personnel, afin de remplir toutes leurs responsabilités, que ce soit dans la capitale ou leur circonscription électorale. Il demeure difficile de communiquer avec les électeurs et de favoriser la participation civile.

Par contre, la délégation a été ravie de constater la force de la société civile tunisienne, particulièrement de sa jeunesse, qui malgré les difficultés, continue de se battre avec enthousiasme pour conserver les acquis de la révolution et faire cheminer la société. Ce sentiment était particulièrement présent lorsque la délégation a rencontré les stagiaires parlementaires, dont le dévouement et l’espoir dans le futur a fait de cette réunion un des faits marquants de la visite en Tunisie. Le gouvernement et le Parlement, de concert avec la société civile, mettent beaucoup d’efforts à lutter contre la corruption et la radicalisation, de même qu’à réduire la pauvreté qui sévit dans plusieurs régions tunisiennes.

En général, le Canada semble très bien perçu par les Tunisiens. Le travail accompli par l’ambassadrice du Canada et de son personnel à l’ambassade, qui contribuent de manière importante aux relations canado-tunisiennes, doit être souligné.

L’aide que pourrait apporter le Canada, selon ce qui a été entendu provenant de plusieurs individus rencontrés, se retrouve principalement dans les domaines suivants :

  1. Le renforcement et le soutien des institutions démocratiques, en particulier l’ARP, dont les députés peinent à remplir toutes leurs obligations, faute de moyens financiers. Une aide financière en ce sens, ou encore des échanges, stages ou séminaires organisés pour le personnel tunisien par le Parlement canadien, seraient des formes d’aide qui pourraient contribuer au renforcement de la démocratie tunisienne.
  2. Le développement économique et le renforcement des capacités productives, particulièrement dans les régions les plus pauvres de Tunisie, plus agricoles, qui ont besoin de nombreux petits projets pour se développer.
  3. Le soutien pour des échanges avec des collèges ou écoles de métiers du Canada, leur association ou par le biais du Forum canadien sur l’apprentissage, ainsi que pour une aide technique nécessaire à la mise au point de meilleurs systèmes d’information sur le marché du travail, qui permettrait de mieux apparier les domaines d’études choisis par les jeunes tunisiens et la demande de l’industrie et de faire mieux accepter les métiers spécialisés dans la société.

L’Association félicite la Tunisie pour ses progrès et l’encourage à poursuivre ses efforts de développement et de renforcement de la démocratie, pour le bien de sa population. La Tunisie est un modèle fort de liberté et de démocratie dans la région du Maghreb et du nord de l’Afrique. La délégation a très bon espoir pour son avenir au cours des prochaines décennies et a dit qu’elle se ferait un plaisir d’accueillir à son tour des parlementaires tunisiens au Canada.

B. République arabe d’Égypte   

L’Égypte est un grand pays à l’histoire millénaire. Ce pays est passé à travers de nombreuses crises, le colonialisme, la dictature et des conditions économiques difficiles. La délégation a pu apprécier une partie de la riche culture égyptienne. Ils ont aussi entendu parler de la résilience de son peuple face à des conditions socioéconomiques difficiles. Les Égyptiens ont connu deux révolutions en trois ans et renouent avec des institutions démocratiques qui doivent être reconstruites, ce qui peut prendre du temps.

Les mauvaises conditions économiques et un taux de chômage élevé, particulièrement chez les jeunes, font partie des problèmes les plus pressants. Plusieurs rencontres ont permis à la délégation de constater qu’il y a aussi des problèmes sur le plan de l’économie, de la sécurité, de l’éducation et des soins de santé, en présence d’une population, qui connaît une hausse vertigineuse, en raison du très fort taux de natalité. La corruption, les problèmes de droits de la personne et de liberté de presse ont aussi été mentionnés lors de nombreuses rencontres. La méfiance du gouvernement envers les ONG étrangères et le mauvais traitement qu’il leur inflige ont aussi été rapportés.

Par contre, de nombreux efforts sont faits par le gouvernement pour résoudre certains de ces problèmes. De grands projets d’infrastructures et de création de nouvelles villes sont en cours, afin de résorber les problèmes économiques. Des décisions politiques ont aussi dû être prises pour accepter une aide financière du FMI, comme l’imposition d’une taxe sur la valeur ajoutée nécessaire et la dévaluation de la monnaie.

La délégation a été particulièrement touchée par la volonté du gouvernement de faire de l’Égypte un pays uni, peu importe la religion pratiquée par chacun. Ceci se traduit par des actions concrètes pour reconstruire des églises détruites par des attentats. Les mesures de sécurité sont très présentes dans les sites touristiques.

Des progrès pourraient être réalisés dans le traitement de la corruption, de la primauté du droit, du respect des droits de la personne et du traitement réservé aux ONG. Comme la délégation l’a entendu, ces organisations sont présentes en Égypte pour appuyer le pays dans ses efforts de développement économique et de démocratisation. De nombreux interlocuteurs de la délégation ont relevé l’appui de l’ambassadeur du Canada et de son personnel à la promotion des droits civils, qui est grandement apprécié.

L’Association félicite néanmoins l’Égypte pour sa volonté de former un peuple uni et pluraliste et pour ses efforts initiaux de démocratisation. Beaucoup de travail reste à faire, mais l’Association pense que le Canada peut aider l’Égypte, d’une manière unilatérale ou multilatérale, dans ses efforts de développement économique, d’amélioration de son système d’éducation et dans la gouvernance de ses institutions.

REMERCIEMENTS

Les membres de la délégation souhaitent remercier le personnel de l’Ambassade du Canada en Tunisie, en particulier madame l’ambassadrice Carol McQueen, qui a été de toutes les réunions de la délégation. Des remerciements sont aussi offerts à tout le personnel de l’Ambassade, particulièrement la responsable de la sécurité, Carla Castañeda, les interprètes, chauffeurs et membres du personnel de sécurité, qui ont donné à la délégation un sentiment de sûreté. La délégation offre toute sa gratitude à Marie-Ève Bilodeau, de l’Institut national démocratique, pour son organisation sans faille de plusieurs réunions auxquelles la délégation a participé.

En Égypte, la délégation remercie l’ambassadeur Troy Lulashnyk, de même que de tout son personnel, en particulier Isabelle Savard, Solveig Schuster, Nevine Osman, pour leur travail dévoué dans l’organisation de rencontres à tous les niveaux, y compris celles du président égyptien et des dirigeants religieux musulman et copte. L’Association remercie également tous les interprètes, chauffeurs et le personnel de sécurité pour leur travail.

Respectueusement soumis,

L’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice
Coprésidente, Association parlementaire Canada-Afrique
Robert Oliphant, député
Coprésident, Association parlementaire Canada-Afrique


[1] Calculs effectués à partir de données tirées de Statistique Canada, Superficie en terre et en eau douce, par province et territoire; et Central Intelligence Agency (CIA), « Geography » et « Government » dans « Africa: Tunisia, » The World Factbook [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[2] CIA, « People and Society » dans « Africa: Tunisia, » The World Factbook, [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[3] Union interparlementaire, Tunisie : Système électoral.
[4] Bibliothèque du Parlement, Série sur le commerce et l’investissement, Canada-Tunisie (à paraître).
[5] Groupe de la Banque mondiale, Données : Tunisie.
[6] Ibid.
[7] Le Figaro.fr, « Tunisie : l’état d’urgence prolongé de trois mois », 16 février 2017.
[8] Calculs à partir de données de la Banque centrale de Tunisie, Évolution des principaux flux et soldes des paiements extérieurs.
[9] Groupe de la Banque mondiale, Classement des économies, 2016.
[10] Organisation internationale du travail, ILOSTAT, choisir : profils par pays, puis, Tunisie.
[11] Banque mondiale, Données : Tunisie.
[12] UNAIDS, AidsInfo.
[13] Programme de développement des Nations-Unies, Données sur le développement humain (1980-2015).
[15] Economist Intelligence Unit, Democracy Index 2016: Revenge of the “deplorables.” [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[16] Transparency International, Corruption Perceptions Index 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[17] Freedom House, Freedom in the World 2016 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[18] Ambassade du Canada en Tunisie, Relations Canada-Tunisie, mai 2016.
[19] Bibliothèque du Parlement, Série sur le commerce et l’investissement, Canada-Tunisie (à paraître).
[21] Gouvernement du Canada, Financement d’un soutien intégré du Canada à la Tunisie, communiqué de presse, 29 novembre 2016.
[22] L’Institut national démocratique est une organisation sans but lucratif, non partisane, qui vise à appuyer les efforts des institutions démocratiques dans 70 pays. Mme Bilodeau est la responsable de l’organisation en Tunisie. Elle a organisé certaines rencontres de la délégation.
[23] Central Intelligence Agency, « Egypt », The World Factbook.
[25] The New York Times, “Morsi Defies Egypt Army’s Ultimatum to Bend to Protest,” 2 juillet 2013.
[27] Les informations de cette section proviennent principalement de : Université Laval, Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord, Égypte.
[28] Bibliothèque du Parlement, Série sur le commerce et l’investissement, Canada-Égypte (à paraître).
[29] Trading Economics, Egypt Inflation Rate.
[30] Groupe de la Banque mondiale, Égypte – Présentation – Contexte.
[31] Central Intelligence Agency, « Egypt », The World Factbook.
[32] Daily News Egypt, “IMF loan negociations: Will Egypt make it work this time?”, 13 Avril 2016.
[34] Marie de Vergès, « Au bord de l’asphyxie, l’Égypte laisse flotter sa devise », Le Monde, 4 novembre 2016.
[35] Lefigaro.fr, « L’Égypte se dote d’une TVA », 29 août 2016.
[36] Groupe de la Banque mondiale, Classement des économies, 2016.
[37] Organisation internationale du Travail, ILOSTAT [choisir : « Profils par Pays », « Égypte »].
[38] Banque mondiale, « Égypte, République arabe », Données.
[39] UNAIDS, AidsInfo.
[40] Programme de développement des Nations Unies, Données sur le développement humain (1980-2015).
[41] Mo Ibrahim Foundation, « Portail des données », Documents en français.
[42] Economist Intelligence Unit, Democracy Index 2016: Revenge of the “deplorables.” [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[43] Transparency International, Corruption Perceptions Index 2015 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[44] Freedom House, Freedom in the World: Egypt [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
[45] Human Rights Watch, « Rapport mondial 2016 : Égypte ».
[46] Le Devoir, « L’Égypte en état d’urgence », le 11 avril 2017.
[47] Ambassade du Canada en Égypte, Relations Canada-Égypte.
[49] Bibliothèque du Parlement, Série sur le commerce et l’investissement, Canada-Égypte (à paraître).