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PDAM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 février 2016

[Enregistrement électronique]

  (1735)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 10e séance du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Je souhaite la bienvenue à nos invités, à nos témoins.
    Au cours des dernières séances, lorsqu'il y avait une téléconférence, nous avons choisi de commencer par celle-ci. Nous allons donc entendre en premier Derryck Smith, qui est coprésident du comité consultatif des médecins de Dying With Dignity.
    Vous avez 10 minutes, docteur Smith, et nous passerons ensuite à Sharon Baxter et à Carolyn Ells. Notre processus consiste à accorder 30 minutes aux observations des témoins. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions, à l'un de vous ou à vous tous, comme ils l'entendent.
    Docteur Smith, merci de vous joindre à nous. Vous avez la parole.
    Je m'appelle Derryck Smith. Je pratique la psychiatrie à Vancouver. J'ai été chef du service de psychiatrie de l'Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique pendant 30 ans, mais, maintenant, je travaille surtout avec des adultes. Je suis membre du conseil de Dying With Dignity Canada et président du comité consultatif des médecins. Je suis également membre du conseil de la Fédération mondiale des sociétés pour le droit de mourir dans la dignité, qui a une rencontre prévue à Amsterdam cette année au mois de mai. Les membres de votre comité voudront peut-être y assister.
    La question à l'étude me tient beaucoup à coeur non pas à cause de quelque chose concernant mes patients, mais parce que j'ai vu mon père et ma belle-mère mourir de manière atroce, ce qui était surtout dû à la démence.
    À propos des questions que vous vouliez que j'aborde, pour ce qui est de l'admissibilité, je ne désapprouve aucunement le libellé de la Cour suprême du Canada. J'ai d'ailleurs également comparu en tant que témoin expert dans l'affaire Carter. La seule chose qui me préoccupe dans le libellé de la Cour suprême, c'est la restriction de cette mesure aux « adultes capables ». Je préférerais de loin qu'elle soit restreinte aux « particuliers capables », car de nombreux adolescents sont tout à fait capables de prendre des décisions d'ordre médical. Bien entendu, cela veut dire que nous devons résoudre la question épineuse des enfants qui souffrent d'une maladie terminale, qui sont dans la souffrance. Habituellement, nous laissons leurs parents prendre toutes les autres décisions d'ordre médical. Je sais qu'il est difficile de faire pression pour que l'aide médicale à mourir s'applique également aux enfants, mais je pense que, à un moment donné, nous devrons également savoir comment aborder la question des enfants qui souffrent.
    La dernière question — qui m'intéresse particulièrement compte tenu de mon expérience avec mes deux proches —, c'est de savoir quoi faire avec les gens qui étaient capables à une certaine époque, mais qui ne le sont plus parce qu'ils sont maintenant dans un coma ou atteints de démence. Je sais qu'il existe une loi en Colombie-Britannique pour établir un lien entre des directives préalables et une intervention médicale en fin de vie. Je pense que nous devons réfléchir à la façon dont nous permettrons aux gens de prendre des décisions, lorsqu'ils en sont capables, à propos de ce qui leur arrivera lorsqu'ils ne le sont plus. Je n'ai pas de conseil à donner au comité à ce sujet, mais je pense que vous devez savoir quoi faire à cet égard, s'il y a une chose à faire.
    À propos de la prochaine question concernant les processus et les procédures, je n'ai pas beaucoup à dire sur l'opinion répandue voulant que deux médecins présentent une demande, dans un délai raisonnable. Pour une personne à l'article de la mort, « raisonnable » peut signifier quelques jours. Pour quelqu'un qui n'est pas encore à l'article de la mort, il peut s'agir d'un mois. Je crois que de s'assurer que les gens aient le temps de comprendre la décision qu'ils prennent, d'y réfléchir, d'en discuter avec leurs amis et leur famille et de la confirmer constitue une importante garantie.
    Pour ce qui est de la surveillance, je pense que les pratiques exemplaires de l'Oregon constituent un bon modèle. On y produit un rapport annuel à propos de tout ce qui concerne l'aide médicale à mourir. En procédant ainsi, nous disposerions d'un mécanisme de suivi au fil du temps. J'espère que ce sera fait à l'échelle fédérale plutôt qu'à l'échelle provinciale.
    La dernière question concerne le respect de la vie privée. Je pense que ce qui s'est fait au Québec constitue peut-être un modèle idéal. On m'a laissé entendre qu'au moins un patient, et peut-être plus, ont reçu de l'aide médicale à mourir, et nous n'avons pourtant rien vu dans la presse à ce sujet. C'est bien, car nous ne voulons pas que la vie privée des gens soit compromise. La vie privée des patients et des médecins doit être protégée, à une exception près: je crois que je suis convaincu par l'argument voulant que le certificat de décès comporte le diagnostic de la maladie ainsi que le fait qu'une aide médicale à mourir ait été accordée pour qu'il soit plus facile d'obtenir des données statistiques.
    En ce qui a trait aux rôles des professionnels de la santé et de la réglementation les concernant, je crois que la plupart des discussions menées jusqu'à maintenant portaient sur les médecins, sur les deux médecins qui prennent les décisions. Je me demande ce que nous ferons pour les gens qui habitent dans des collectivités éloignées. Je sais qu'en Colombie-Britannique, certains songent à recourir à la télémédecine pour obtenir au moins une des opinions. Il faut réfléchir au rôle, s'il y en a un, des infirmiers praticiens et des pharmaciens qui doivent manipuler les médicaments prescrits par les médecins.
    À mon avis, la façon dont nous offrons l'aide médicale à mourir devrait être axée sur les besoins des patients. Certains patients sont incapables d'avaler des médicaments. Dans cette situation, l'administration du médicament par voie intraveineuse, comme on le fait au Québec, me semble être la solution, mais je soupçonne que la vaste majorité des patients — et probablement des médecins — préférerait que des médicaments pris par voie orale soient prescrits, ce qui correspond au modèle utilisé en Oregon.
    En ce qui concerne la liberté de conscience, je ne crois pas qu'un médecin devrait être contraint d'accomplir un acte médical auquel il ne croit pas. En fait, les médecins disposent déjà d'une grande souplesse dans leur pratique. En théorie, selon ma licence, je pourrais faire de la chirurgie, mais, de toute évidence, ce n'est pas ce que je choisis de faire. Il n'est pas nécessaire d'invoquer la conscience des médecins pour leur permettre de refuser d'accomplir certains actes, dont celui-ci. Si les médecins, compte tenu de leurs croyances religieuses ou autre, ne veulent pas intervenir, je pense que nous devrions les laisser faire, mais ils devraient diriger efficacement leurs patients vers quelqu'un d'autre, car, dans ces dossiers, ce sont les droits des patients, leur autonomie, qui revêtent une importance primordiale.
    Je suis toutefois très préoccupé par les discussions visant à permettre aux établissements, aux autorités sanitaires ou aux hôpitaux, de ne pas intervenir en évoquant une certaine objection de conscience. Si nous autorisons les autorités sanitaires à ne pas intervenir, il serait possible, par exemple, que la Colombie-Britannique, l'Alberta ou l'Île-du-Prince-Édouard soit privée de ces services. Cela s'est déjà vu: les services d'avortement ne sont toujours pas offerts à l'Île-du-Prince-Édouard; les femmes doivent quitter l'île.
    À mon avis, il faut que ce soit un programme national. Ces services devraient être offerts partout au pays. Je ne pense pas que les établissements qui reçoivent des fonds publics, comme les hôpitaux ou les établissements de soins palliatifs, devraient pouvoir s'y soustraire. C'est différent lorsqu'il s'agit d'établissements privés. Le financement public devrait toutefois permettre aux établissements d'offrir ce service.
    Je sais que des établissements catholiques et le personnel médical commencent déjà à se livrer bataille en Colombie-Britannique. Un collègue médecin m'a dit qu'à l'hôpital St. Joseph, à Comox, le personnel médical a voté pour la prestation d'une aide médicale à mourir, mais je soupçonne que l'établissement, l'hôpital, n'est pas d'accord.
    J'aimerais que cette question soit abordée afin que ce service soit le plus accessible possible pour l'ensemble de la population canadienne.
    À propos des rôles des professionnels de la santé et de la réglementation les concernant, je pense que c'est assez simple. Le rôle des médecins est évident dans les discussions qui ont été transmises à votre comité par les différentes associations médicales et les organismes de réglementation professionnelle. Je n'ai pas grand-chose de plus à dire à ce sujet.
    Pour ce qui est des mesures disciplinaires, la façon la plus simple de procéder serait de laisser les organismes de réglementation professionnelle et les différentes provinces s'en occuper, car c'est déjà ainsi. Je ne peux pas m'imaginer un organisme fédéral qui doit discipliner les médecins lorsqu'il y a déjà un mécanisme en place à cette fin dans les provinces. Je laisserais les organismes de réglementation professionnelle s'occuper des mesures disciplinaires.
    Je crois que je vais m'arrêter ici. Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à témoigner devant votre comité. Je suis impatient d'entendre les autres témoins et de répondre aux questions à mesure qu'on les posera.

  (1740)  

    Merci beaucoup, docteur Smith.
    Je propose que nous passions à Carolyn Ells, qui est professeure agrégée de médecine à l'Unité d'éthique biomédicale et, je crois, à l'Hôpital général juif.
     J'étais là jusqu'à tout récemment. Je suis maintenant à plein temps à McGill.
    Merci. Le Comité nous a demandé de formuler des recommandations très concrètes, notamment, comme l'a mentionné Derryck Smith, au sujet des critères d'admissibilité, des processus, et des règles et règlements destinés aux professionnels de la santé. C'est donc en fonction de ces sujets que j'ai structuré mon propos.
    En guise de préambule et pour que vous compreniez d'où je viens, sachez que l'analyse et les recommandations qui vont suivre tiennent compte du contexte juridique actuel, dont celui du Canada, bien entendu, et, en particulier, de la décision Carter de la Cour suprême, du contexte de la prestation des soins de santé au Canada, de l'expérience du Québec en matière d'aide médicale à mourir — un sujet que j'ai suivi de près et où je suis intervenue à divers degrés —, des valeurs et points de vue importants et opposés des Canadiens — dont j'ai pris connaissance par l'intermédiaire de rapports universitaires, publics et d'autres instances comme le Comité d’experts externe sur l’examen des options en vue de fournir une réponse législative à l’égard de l’affaire Carter c. Canada, et d'autres rapports semblables qui ont été publiés avant ce groupe et au Québec —, de la philosophie, de la bioéthique, de la littérature en santé et des débats qui ont eu lieu sur ces sujets.
    En ce qui concerne mon expérience comme professionnelle de la santé, je vous informe que j'ai été inhalothérapeute pendant environ 10 ans. Après avoir étudié en philosophie et focalisé ma carrière sur la recherche universitaire en bioéthique, j'ai été conseillère en matière d'éthique en milieu hospitalier pendant environ 10 ans. Mon expérience dans ces deux domaines a fait en sorte que j'ai dû m'intéresser de nombreuses façons à la question des soins de fin de vie et elle m'a permis d'étoffer mon point de vue en la matière.
    Pour les besoins de mon exposé, je vais considérer que l'aide médicale à mourir englobe le suicide assisté par un médecin et l'euthanasie volontaire. Je fais allusion à l'aide à mourir où un médecin ou un professionnel de la santé désigné et réglementé, dans certaines circonstances et avec le consentement volontaire du patient, administre la substance qui causera la mort. Il serait ici question d'euthanasie volontaire. Dans un suicide assisté par un médecin, un médecin ou un professionnel de la santé désigné et réglementé, dans certaines circonstances et avec le consentement volontaire du patient, prescrit la substance qui causera la mort et c'est le patient lui-même qui s'administre ladite substance.
    Du point de vue de la bioéthique et, fréquemment, dans la littérature à ce sujet, on ne fait pas une grande distinction entre ces deux procédés, du moins en ce qui concerne les valeurs. Mais, comme vous le savez, certaines administrations autorisent l'un ou l'autre, et d'autres autorisent les deux. Assurément, les personnes concernées ne perçoivent pas les deux approches de la même façon.
    Dans la mesure où les recommandations et les principes énoncés en novembre 2015 dans le rapport définitif du Groupe consultatif provincial-territorial d’experts sur l’aide médicale à mourir auront une incidence sur la collaboration et les lois à l'échelon fédéral, je recommande que ces recommandations soient reprises dans la réponse du Comité. Bon nombre des recommandations que je formule dans mon exposé sont en fait tirées de ce rapport et s'en inspirent.
    En ce qui concerne l'admissibilité, la cour, par l'intermédiaire de la décision Carter , a établi qu'une personne qui satisfait aux critères suivants est admissible à l'aide médicale à mourir: une personne adulte capable qui consent clairement à mettre fin à sa vie et qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. Voilà comment la décision Carter définit l'admissibilité.
    Je suis consciente que l'affaire Carter était une affaire particulière qui portait sur la situation particulière de ceux qui en sont à l'origine. Or, d'après mon expérience, je crois qu'il devrait y avoir une plus vaste gamme de critères, et que les dispositions de la décision Carter à cet égard devraient servir de critères minimums. Par conséquent, je pense que la réponse du Comité devrait inclure des critères d'une plus vaste portée, des critères conformes à la décision Carter, mais non évoqués par elle.
    Cela dit, je crois que le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel de manière à ce que l'aide médicale à mourir soit limitée aux personnes qui sont admissibles aux soins de santé financés par l'État dans la province ou le territoire où la demande est présentée.
    Le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel afin que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir soit fondée sur la capacité d'une personne de prendre une décision plutôt que sur son âge.

  (1745)  

     Les normes et processus professionnels et légaux qui servent actuellement à établir la capacité de consentir à des soins, et en quoi consiste ce consentement, devraient être observés.
    Le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel afin que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir soit limitée aux personnes qui consentent clairement à mettre fin à leurs jours.
     Le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel afin que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir soit limitée aux personnes qui ont une maladie, un trouble ou un handicap « grave et irrémédiable » qui ne peut être soulagé par aucun moyen qui leur soit acceptable. Dans ce cas, « grave et irrémédiable » devrait être défini comme « très grave ou très sérieux ». Je souligne que ce critère d'admissibilité est plus objectif que celui que donne la décision Carter à ce sujet.
    La maladie mentale ne devrait pas empêcher l'admissibilité au suicide assisté. Toutefois, des mesures de protection législatives ou réglementaires seront justifiées lorsque la maladie, le trouble ou le handicap grave et irrémédiable sera principalement de nature mentale plutôt que de nature physique. Par respect envers mon auditoire, je ne crois pas que j'aie les connaissances nécessaires pour m'avancer davantage dans cette recommandation. Je suis néanmoins consciente que les mesures de précaution seront une question importante lorsque viendra le temps d'étendre ces pratiques aux maladies mentales et aux personnes qui en souffrent.
    En ce qui concerne les processus et les procédures, je crois que le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel afin de permettre en tout temps après un diagnostic de maladie, de trouble ou de handicap grave et irrémédiable, que toute demande d’aide médicale à mourir présentée par l’entremise d’un formulaire de déclaration du patient valide soit acceptée lorsque les souffrances deviendront intolérables. Cette disposition concerne dans une certaine mesure la situation où une personne ne serait plus apte à prendre de décision, mais qu'elle l'aurait fait alors qu'elle en était encore capable.
    Le gouvernement fédéral devrait appuyer l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie pancanadienne sur l'aide médicale à mourir. À n'en pas douter, il s'agit là d'un défi de taille, mais je crois fermement que nous avons besoin de continuité à l'échelle du pays, tant pour les soins que pour les procédures et l'accès. Le gouvernement fédéral devrait appuyer ces principes et collaborer en ce sens avec les autres gouvernements, les professions de la santé et d'autres intervenants.
    Pour ce qui est des rôles et règlements relatifs aux professionnels de la santé, je dois avouer que je ne sais pas très bien où se situe la compétence du gouvernement fédéral en la matière. Je crois qu'une bonne partie de ces questions devrait être traitée soit à l'échelon provincial, soit par les organismes de réglementation encadrant les différentes professions. Toutefois, dans la mesure où le gouvernement fédéral a effectivement un rôle à jouer pour l'établissement de paramètres généraux concernant les rôles et règlements des professionnels de la santé, voici mes recommandations.
     Le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel afin de protéger de façon appropriée et explicite les professionnels de la santé réglementés qui fournissent des services durant la prestation d'une aide médicale à mourir. Cela ne concerne pas seulement les médecins, mais bien tous les professionnels de la santé qui donnent des services de soutien.
    Le gouvernement fédéral devrait modifier le Code criminel afin de permettre à un professionnel de la santé réglementé — comme une infirmière autorisée — agissant sous la direction d'un médecin de prodiguer une aide médicale à mourir. Lorsqu'il s'agira de choisir les professionnels de la santé réglementés qui pourront assumer ce rôle, il conviendra de tenir compte du besoin de permettre un accès à l'aide médicale à mourir dans les collectivités où les Canadiens vivent ou reçoivent des services de santé.
    Je vais maintenant parler de la question de l'objection de conscience, qui a été une préoccupation de taille au Québec et qui l'est probablement encore maintenant. Depuis la mise en chantier du projet de loi 52, il y a de cela quelques années, et ensuite, lorsque la loi a été adoptée par l'Assemblée nationale, tant les professionnels de la santé que les établissements se sont beaucoup préoccupés de l'objection de conscience, et de ce qu'il leur était permis ou interdit de faire. J'ai coordonné des activités avec des conseillers en éthique dans des établissements affiliés à l'Université McGill, et je peux vous assurer que c'était une question de tous les instants.
    Mon point de vue à ce sujet est semblable à celui de notre collègue: un professionnel de la santé devrait avoir le droit de poser une objection de conscience à la prestation d'un suicide assisté. Cela ne le soustrait toutefois pas à son obligation de prodiguer des soins au patient et à celle de l'informer de toutes les options de fin de vie qui s'offrent à lui.

  (1750)  

     Certains établissements — surtout certains établissements ayant des fondements religieux — pourraient également poser une objection de conscience à la prestation de soins en fin de vie. Cela est tout à fait normal, puisque les valeurs fondamentales de ces établissements sont en conflit avec la prestation de tels services. Toutefois, comme pour les professionnels de la santé, les établissements du secteur public sont liés par des contrats sociaux. Dans une certaine mesure, nous devrions demander aux établissements laïques de permettre l'aide médicale à mourir ou, à tout le moins, de ne pas empêcher la prestation de ce type de soins dans leurs murs. Ceux qui posent objection devraient transférer le patient concerné — ou du moins, lui offrir la possibilité d'être transféré —, ou prendre des arrangements pour que des gens de l'extérieur puissent venir dans l'établissement pour donner ces services.
    Dans la mesure du possible et afin d'offrir un accès aux Canadiens, je pense que l'on devrait exiger la prestation de l'aide médicale à mourir dans certains établissements de soins de santé, notamment dans les hôpitaux régionaux et les grands hôpitaux de recours.

  (1755)  

     J'ai bien peur de devoir vous arrêter là. Merci beaucoup.
    Madame Baxter.
     Bonjour à tous. J'ai un vilain rhume, et j'espère être en mesure de me rendre jusqu'au bout sans succomber à une quinte de toux.
    Je vais surtout parler des soins palliatifs, c'est-à-dire des soins que les Canadiens reçoivent en fin de vie, et de la façon dont ces soins interagissent avec la mort provoquée par le médecin, et un peu moins des critères associés à ce type de mort. Je suis la directrice générale de l'Association canadienne des soins palliatifs. Nous travaillons dans le domaine des soins palliatifs et nous sommes la voix des prestataires de soins palliatifs à l'échelle du pays. Notre association parraine plus de 600 programmes et services enregistrés et elle compte plus de 3 000 membres.
     Nous venons tout juste de terminer une initiative triennale, « Aller de l'avant », qui visait à faire avancer nos vues au sujet des soins palliatifs qu'environ 35 % des Canadiens pourraient nécessiter. Environ 65 % des Canadiens meurent dans le contexte des soins primaires et n'ont de ce fait pas besoin des équipes et des programmes de soins palliatifs que nous offrons dans les hôpitaux. Il a été question de l'approche palliative dans les soins primaires, alors je peux dire un mot là-dessus. Il s'agit de joindre les Canadiens ayant reçu un diagnostic de démence et dont la mort s'étend sur une période de sept ou huit ans, contrairement à ceux qui ont un cancer et qui meurent dans un état d'agonie profond. Nous pouvons en dire un peu plus à ce sujet.
    Bien que la décision de la Cour suprême sur la question de la mort provoquée par le médecin ait retenu l'attention des médias, un nombre relativement restreint de Canadiens satisfont aux critères d'admissibilité à ces services. En nous basant sur ce qui se fait ailleurs dans le monde, nous nous attendons à ce que les Canadiens qui satisferont aux critères soient au nombre de 2 500 à 3 000 par année, ce qui n'est pas beaucoup. En revanche, seulement 10 % des 260 000 Canadiens qui mourront cette année connaîtront une mort soudaine. Les 90 % qui restent pourraient profiter de meilleurs soins palliatifs ou d'une approche palliative en matière de soins.
    Nous savons que tout un chacun aurait avantage à souscrire à la volonté grandissante de reconnaître que la mort fait partie de la vie et que les gens méritent d'être traités en fonction d'une approche palliative intégrée à toutes les étapes de leur maladie et dans tous les établissements de soins. Ce serait une honte si un Canadien optait pour la mort provoquée par le médecin parce que sa douleur et ses symptômes sont hors de contrôle et mal gérés, ou parce qu'on ne lui a jamais parlé des soins palliatifs. Je crois que nous convenons tous que nous souhaitons offrir les meilleurs soins de fin de vie possible à tous les Canadiens. Nous devons nous assurer que notre gouvernement se focalise sur la prestation de soins palliatifs exhaustifs et de qualité. Tous les patients devraient avoir accès à de l'information sur les options qui s'offrent à eux en fin de vie, y compris la mort provoquée par le médecin. Cette information, c'est quelque chose que nous devons tous offrir.
     Je sais que le Comité nous a demandé de focaliser nos observations sur l'admissibilité, les critères, les processus et les procédures. Je vais parler moins de la mort provoquée par le médecin et en dire plus au sujet de l'interface entre les deux orientations. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, je renvoie les membres du Comité à un exposé de plus grande envergure que nous avons fait l'automne dernier, et que vous avez tous vu, je crois.
    Il faut informer les Canadiens au sujet des options en soins palliatifs qui s'offrent à eux en fin de vie. Je pense que les Canadiens veulent parler de la mort et qu'ils ne comprennent pas nécessairement ce qui s'offrira à eux en fin de vie jusqu'au moment où ils entrent en contact avec le système de santé dans un moment de crise. Des soins palliatifs complets peuvent atténuer un grand nombre de facteurs qui font que les gens se mettent à contempler la possibilité d'une mort provoquée par le médecin. Je parle notamment du fardeau de leurs proches, de la dépression et d'une gestion inadéquate de la douleur et des symptômes.
    Il y a encore un grand vide en matière de compréhension et de discussion entre les médecins et leurs patients au sujet des options de fin de vie. Bien souvent, les docteurs ne sont pas particulièrement bien formés pour discuter de fin de vie avec leurs patients, ce qui se traduit par des objectifs de soins nébuleux, par un transfert du stress et de l'angoisse sur le dos des soignants et par un échec général à répondre aux souhaits des patients quant à la façon de passer leurs derniers jours.
    L'Association canadienne des soins palliatifs estime que nous avons besoin d'une coordination et d'un leaderhip pancanadiens pour le déploiement d'une stratégie nationale pleinement financée visant à assurer un accès universel aux soins palliatifs. Cela comprendrait une campagne de sensibilisation axée sur les soins palliatifs en général, dont la planification préalable des soins. Nous disposons de ressources et d'outils pour ce type de planification, mais nous ne les utilisons pas au maximum. Ils sont encore tout neufs.
    Au cours des dernières années, notre initiative, « Aller de l'avant », a permis la mise au point d'outils et de ressources pratiques et déployables pour venir en aide aux décideurs, aux planificateurs en santé et aux fournisseurs de services dans l'ensemble du pays. Certaines provinces ont commencé à se servir de ce nouveau cadre national, mais il est encore tôt. L'initiative est terminée, mais il faudra disséminer davantage l'information et la transmettre à toutes les provinces et à tous les territoires.

  (1800)  

    Le gouvernement fédéral est responsable d'assurer les soins de santé pour certains groupes de personnes, dont les anciens combattants, le personnel militaire, les prisonniers et les Autochtones. Tous ces groupes devraient bénéficier des mêmes soins palliatifs, mais ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. L'accès aux soins palliatifs n'est pas un service essentiel pour les membres des Premières Nations dans les réserves. Les soins à domicile sont un service essentiel, mais les soins palliatifs ne le sont pas. Il faut corriger cette situation. C'est là une excellente occasion pour le gouvernement fédéral d'améliorer le traitement réservé aux membres des Premières Nations.
    Nous devons encourager les Canadiens et les groupes de patients à défendre la cause et à parler de la mort. Nous devons également communiquer des renseignements aux établissements de soins palliatifs pour éduquer les patients et les médecins. Il est temps de normaliser cette conversation.
    Les soins palliatifs, la mort provoquée par un médecin et l'aide médicale à mourir sont des concepts distincts sur le plan philosophique et clinique. On créera de la confusion si on les confond, ce qui rendra les gens qui ont déjà peur des soins palliatifs encore plus réticents à se prévaloir de ce moyen vital et efficace d'atténuer la souffrance. Nous devrons faire attention de ne pas confondre ces concepts.
    Nous devons éduquer et appuyer les fournisseurs de soins de santé pour les aider à surmonter leur propre peur de perdre un être cher ou de mourir. Une approche palliative intégrée à l'égard des soins devrait faire partie de l'éducation de tous les fournisseurs de soins de santé. Nous devons nous assurer que nos futurs médecins et fournisseurs de soins paramédicaux connaissent bien ces concepts et sont prêts à en discuter avec leurs patients. Ce n'est que lorsque les conversations au sujet de la mort sont pleinement transparentes et que les options de fin de vie sont comprises et discutées à fond que l'on peut gérer adéquatement les demandes de mort provoquée par un médecin.
    L'Association canadienne de soins palliatifs croit que les soins palliatifs n'incluent pas la mort provoquée par un médecin. Les soins palliatifs n'accélèrent ou ne prolongent pas la mort. Ils visent à mettre fin à la souffrance, mais pas à la vie. Les Canadiens doivent bénéficier d'un accès universel aux soins palliatifs, ce qui comprend une bonne gestion des symptômes de la douleur. Tous les patients méritent d'avoir accès à l'information sur les options de fin de vie, y compris sur la mort provoquée par un médecin. Nous devons contribuer à offrir cet accès.
    La distinction entre les soins palliatifs et la mort provoquée par un médecin ne doit pas nuire à une transition harmonieuse, humanitaire et efficace entre les deux, et nous devons y travailler. Comment les patients seront-ils transférés d'un endroit à un autre, et qui s'en chargera?
    La mort provoquée par un médecin aura d'importantes répercussions sur la trajectoire de la maladie des personnes âgées et des Canadiens malades, de même que sur leurs fournisseurs de soins. Nous devons nous assurer que cette nouvelle pratique est mise en place de façon appropriée pour ne pas nuire aux programmes et aux services déjà disponibles. De plus, un plan d'action structuré et unifié doit être présenté à la population canadienne, y compris à ceux qui travaillent dans le domaine des soins palliatifs. Le plan d'action doit établir clairement des pratiques et des normes relatives aux soins qui devraient être respectées lorsqu'un médecin provoque la mort d'un patient.
    Les facteurs suivants devraient être pris en considération. Les professionnels paramédicaux, ce qui comprend les médecins, le personnel infirmier et d'autres professionnels de la santé, doivent être protégés de manière à ce que leurs décisions soient respectées et que des options de rechange soient présentées s'ils choisissent de ne pas recourir à l'aide médicale à mourir. Tous les établissements et les médecins devraient avoir le choix de ne pas provoquer la mort d'un patient, en tenant pour acquis qu'ils sont disposés à aiguiller le patient vers ce service. Je reprends certaines observations formulées par Carolyn au sujet du transfert ou de la transition vers un autre établissement.
    Dans les unités de soins palliatifs dans les hôpitaux, les médecins provoqueront la mort de patients. Les hôpitaux n'ont peut-être pas les professionnels pour le faire; ils feront peut-être appel à des spécialistes externes. Dans les programmes de soins à domicile, je peux facilement imaginer qu'on aura recours à cette pratique. Le processus dans nos centres de soins palliatifs, qui se comptent au nombre de 80 au pays, ne consiste pas à provoquer la mort. Ils demandent une exemption.
    N'oubliez pas que la majorité de ces centres reçoivent peu de financement du gouvernement. Ils sont en grande partie financés par des dons, et ils veulent s'assurer de respecter la volonté de la communauté qui amasse des fonds pour eux. Nous comprenons tous les tenants et aboutissants.
    Il vous reste une minute.
    La loi doit être mise en place pour faire en sorte que les exigences précises soient respectées pour qu'un patient puisse demander à un médecin de provoquer sa mort. Plus d'une personne devrait effectuer l'évaluation des compétences. Nous devons nous assurer de faire appel à des professionnels formés dans le cadre de ces consultations qui sont capables d'analyser adéquatement la trajectoire de la maladie d'un patient et de s'assurer que c'est la seule option pour alléger ses souffrances.
    Le gouvernement fédéral sera responsable d'élaborer une loi universelle sur la mort provoquée par un médecin que les gouvernements provinciaux pourront respecter. Il faut un ensemble de règlements et de normes de pratique qui seront appliqués à l'échelle nationale.
    Des renseignements clairs et des lignes directrices facilement accessibles doivent être à la disposition de tous les Canadiens pour qu'ils soient informés de leurs options. Ces ressources devraient être gérées dans le cadre d'une campagne de sensibilisation financée par le gouvernement fédéral et distribuées parmi les provinces.
    J'ai quelques points à soulever pour terminer.
    L'ACSP exhorte le gouvernement fédéral à envisager une stratégie fédérale nationale ou un cadre pour les soins palliatifs qui permettraient de faire ce qui suit: assurer l'accès universel pour tous les Canadiens; mener une campagne de sensibilisation nationale pour les soins palliatifs incluant la planification préalable des soins, ce qui informerait les Canadiens sur les soins dont ils peuvent se prévaloir à la fin de leur vie, dont l'option de la mort provoquée par un médecin; protéger les professionnels de la santé canadiens qui travaillent dans le domaine des soins palliatifs, ce qui comprend de leur offrir l'option de refuser la mort provoquée par un médecin, bien qu'ils puissent aiguiller un patient vers l'établissement approprié qui pourra le faire; mettre en place une loi claire et éclairée sur la mort provoquée par un médecin élaborée par le gouvernement fédéral et adoptée dans les provinces et les établissements; offrir des renseignements et des ressources facilement accessibles pour les médecins, les familles, les fournisseurs de soins et les patients concernant les options de fin de vie et la mort provoquée par un médecin.

  (1805)  

    Nous allons commencer les questions avec M. Lemieux.

[Français]

     Madame Shanahan prendra également la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Ells, de l'Université McGill.
    Les représentants des médecins en soins palliatifs nous ont déclaré qu'ils pratiquaient régulièrement l'aide médicale à mourir, car une des dernières étapes des soins palliatifs est la sédation palliative continue. Celle-ci consiste à rendre inconscient un patient qui souffre, de manière à ce que la mort naturelle survienne sans causer de détresse consciente.
    À votre avis, quelle est la différence éthique entre un médecin qui pratique l'acte de la sédation palliative et un médecin qui pratiquerait l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Bien entendu, les deux pratiques semblent être semblables en principe, mais elles sont différentes.
    La sédation palliative ou la sédation continue jusqu'à la mort — il y a diverses expressions — est une pratique acceptée dans les normes de soins dans certaines circonstances.
    Il s'agit essentiellement de mettre une personne sous sédation profonde — un peu comme on le fait lors d'une chirurgie — jusqu'à sa mort. Le décès ne survient pas rapidement dans ces cas-là. Sharon pourra vous en parler également. Le processus pour accompagner une personne vers la mort est long, et il faut ajuster les doses très soigneusement, mais c'est tout de même une option. Dans la législation québécoise, cette pratique est permise pour les personnes qui ne peuvent pas donner eux-mêmes leur consentement. Cette pratique est d'une certaine façon déjà autorisée dans la pratique médicale. Pour être honnête, je considère le dossier plus politique, vous savez, pour ce qui est d'autoriser cette pratique.
    Je pense que la grande question qui se pose, c'est l'importance du consentement. Pour ce qui est d'administrer une substance qui mettra fin à la vie d'une personne très rapidement, les professionnels de la santé, les établissements de santé et, je crois, un grand nombre de patients, de familles et de personnes préfèrent que le patient donne lui-même son consentement. Je pense que la sédation palliative ou la sédation palliative continue est une modalité d'excellent traitement parmi une foule de modalités de traitement qui ne seraient pas utilisées comme traitement de première ou de deuxième intention, mais seulement lorsque les souffrances sont épouvantables. Certaines douleurs sont terribles à voir et extrêmement difficiles à gérer. Je peux concevoir qu'il soit beaucoup plus facile pour certaines personnes d'être endormies, en quelque sorte, que d'être conscientes.
    Je ne vois pas une énorme différence sur le plan éthique. Je vois plus une différence sur le plan émotionnel. Il faut toutefois des ressources.

  (1810)  

    Madame Shanahan.
    En fait, j'aimerais continuer sur la même lancée et examiner soit avec vous, madame Ells, soit avec le Dr Smith, les critères nécessaires pour accéder aux soins palliatifs dont nous disposons actuellement. Pour que nous puissions comprendre, quelles sont les interventions médicales, ou quels médicaments sont administrés ou retirés dans le cadre du traitement? Vous pourriez ensuite nous parler un peu plus de la sédation continue.
    Il ne reste qu'une minute.
    Je pourrais peut-être diriger la discussion. Je suis tout à fait d'accord. Nous avons besoin de meilleurs soins palliatifs au Canada. Le plus gros problème à l'heure actuelle, c'est l'accès à ces soins, qui sont surtout disponibles dans les grands centres seulement.
    Toutefois, si l'on examine la situation en Oregon, on s'aperçoit qu'il y a plus de gens en soins palliatifs qui veulent une mort provoquée par un médecin que de personnes qui meurent de causes naturelles. Ce n'est pas l'un ou l'autre. Même avec les meilleurs soins palliatifs, nous allons tous mourir un jour. Ce n'est donc probablement ni l'un ni l'autre, mais les deux.
    Je pense que l'autre modèle qu'il faut garder à l'esprit, et surtout avec le modèle de la sédation continue, c'est que la grande majorité des Canadiens veulent mourir à la maison, entourés de leurs amis et de leur famille. Si l'on regarde les statistiques en Oregon, on constate que plus de 70 % des gens qui veulent une mort provoquée par un médecin finissent leurs jours chez eux. C'est l'un des grands avantages. Étant donné que personne ne se verra administrer une sédation continue à la maison, nous devrions offrir aux Canadiens des options pour qu'ils puissent finir leurs jours chez eux s'ils le souhaitent, au moment de leur choix, entourés de leurs amis et de leur famille.
    Merci, docteur Smith.
    Monsieur Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Madame Ells, représentez-vous McGill, et s'agit-il des recommandations de McGill ou les vôtres?
    Ce sont mes recommandations personnelles.
    Merci.
    Docteur Smith, de la belle province de la Colombie-Britannique, j'adore votre cravate. J'aimerais savoir si les points de vue dont vous nous avez fait part ce soir sont les mêmes que ceux de Dying with Dignity Canada ou s'il s'agit de vos opinions personnelles.
    Mes opinions représentent en grande partie celles de Dying With Dignity et du conseil des médecins. L'une des positions que j'ai exprimées, qui n'a pas fait l'objet d'un débat en profondeur ou qui n'a pas été adoptée par Dying With Dignity Canada, est la question de savoir quoi faire lorsque des enfants souffrent de maladies irréversibles, mais qui ne seront évidemment jamais en mesure de donner leur consentement eux-mêmes. J'ai soulevé cette position, car j'ai passé la majeure partie de ma vie à travailler avec des enfants et des adolescents, et je pense que nous devons vraiment réfléchir à cette question.
    Merci, docteur Smith.
    Nous avons entendu le témoignage de représentants de Dying With Dignity: Linda Jarrett, la semaine dernière, Wanda Morris, hier soir, et maintenant vous. Nous avons eu de nombreuses occasions d'entendre la position de Dying With Dignity, et ce dont vous nous avez fait part correspond tout à fait à ce que nous avons entendu des deux autres témoins.
    J'ai une question pour l'Association canadienne de soins palliatifs.
    Madame Baxter, représentez-vous la position de votre association, ou s'agit-il de vos opinions personnelles?
    Ce sont les points de vue de notre association. Depuis l'été dernier, nous sommes engagés dans un long processus pour élaborer notre énoncé. À l'automne, nous avons tenu une importante conférence réunissant 650 professionnels en soins palliatifs et fournisseurs de soins, et nous sommes parvenus à un consensus sur nos messages clés. Je n'ai pas passé en revue tous les messages clés, mais il seront énoncés dans le mémoire.

  (1815)  

    Très bien. Merci.
    Vous avez utilisé l'expression « mort provoquée par un médecin ». Le député John Aldag et moi avons organisé une assemblée publique samedi dernier, et c'est l'expression que les gens semblaient utiliser. Dans votre mémoire, que nous avons devant nous, vous dites qu'un adulte consentant devrait être une personne âgée de plus de 21 ans.
    Pour la gouverne des membres du comité, 96,6 % des gens qui ont répondu au sondage ont indiqué que l'âge du consentement devrait être fixé à 18 ans ou plus. Cela rejoint ce que vous dites. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Lorsque j'ai comparu devant le groupe d'experts à l'automne, je leur ai dit que lorsque nous avons discuté de l'âge adulte, par exemple, nous n'avons pas tenu compte des données scientifiques. Notre communauté de soins pédiatriques palliatifs a indiqué que l'on peut conduire à 16 ans, que l'on peut consommer de l'alcool à 19 ans et s'enrôler dans l'armée, et qu'on devient un adulte à 21 ans. Ces décisions sont uniquement fondées sur des opinions concernant l'âge du consentement.
    Il y a beaucoup de débats et de discussions sur le consentement des jeunes. Je pense que nous avons du mal à concevoir que des jeunes puissent être aux prises avec ce genre de problèmes, mais c'est ce que nous abordons dans notre mémoire. Ce n'est pas fondé sur des données scientifiques.
    En ce qui concerne l'expression « mort provoquée par un médecin », l'un de vos collègues de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, qui est l'un de nos organismes partenaires, et la majorité de ses membres et des membres de mon association trouvaient que l'expression « mort provoquée par un médecin  » contribuait à promouvoir l'idée que les soins palliatifs ne précipitent pas la mort. C'est un peu ce que l'expression signifie. Les professionnels qui travaillent dans le domaine des soins palliatifs aident les gens à mourir, mais ils ne mettent pas activement fin à leurs jours. Ils trouvaient donc l'expression intéressante.
    Nous sommes très hésitants. Vous remarquerez que dans notre mémoire, nous utilisons l'expression « aide médicale à mourir », et nous parlons de mort provoquée en ce moment. Nous attendons de voir ce que la loi utilisera, car je pense que nous adopterons tous l'expression qui se trouvera dans la loi en juin. En ce moment, nous sommes dans une période de transition, mais l'expression « mort provoquée » a été retenue dans la communauté des soins palliatifs.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste 20 secondes.
    La réponse sera courte. Dans les sondages, 95 % des répondants ont dit qu'il devrait y avoir une exigence pour que les soins palliatifs soient offerts aux gens afin qu'ils puissent donner leur consentement de façon éclairée. Êtes-vous d'accord?
    Absolument. Je dois dire que les provinces qui ont opté pour la mort provoquée par un médecin et l'aide médicale à mourir ont toutes fait des investissements dans les soins palliatifs, comme nous l'avons vu au Québec au cours des six derniers mois à un an. Je pense que c'est nécessaire, car autrement, les gens ne reçoivent pas les meilleurs soins possibles et choisissent de mettre fin à leur vie car nous n'avons pas fait tout ce que nous pouvions faire.
    Merci, madame Baxter. C'est difficile de vous appeler Mme Baxter, Sharon.
    Nous nous connaissons.
    Nous entendrons M. Rankin, puis Mme Sansoucy.
    Merci, monsieur le président.
    Pour la gouverne du comité, je sais, docteur Smith, que vous êtes un pédopsychiatre réputé en Colombie-Britannique et l'ancien directeur de l'Association médicale de la Colombie-Britannique, alors j'ai été fasciné par vos observations sur le problème des adultes capables et votre recommandation de permettre aux enfants de donner leur consentement, ce qui est un enjeu très complexe.
    J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Je remarque que la directive provisoire du Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique limite l'aide médicale à mourir aux adultes. J'aimerais donc vous donner l'occasion de nous expliquer comment cela fonctionnera, à votre avis.
    Je pense que dans un premier temps, nous devrions laisser aux personnes légalement compétentes le soin de décider. Il y a beaucoup de gens qui ont moins de 21 ans et qui sont compétents légalement. En Colombie-Britannique, une loi permet à de jeunes adolescents de consentir à des soins médicaux à l’insu de leurs parents. Il s’agit en particulier de pouvoir fournir des pilules contraceptives à de jeunes femmes. Au fil des ans, j’ai travaillé avec beaucoup d’adolescents, dont certains faisaient face à la mort et je pense qu'au sens de la loi, ils pourraient consentir à une aide médicale à mourir de la même façon qu’ils pourraient être légalement compétents pour consentir à d’autres types de soins médicaux.
    Lorsque vous avez affaire à un adolescent, vous souhaitez, idéalement et d’un point de vue pratique, qu’il y ait un accord entre lui et ses parents. Vous avez alors le consentement des personnes qui ont autorité, mais je ne pense pas que le fait de limiter cette mesure aux adultes… Pourquoi voudrions-nous faire souffrir des adolescents, alors que nous sommes prêts à soulager les adultes de leurs souffrances? Cela n’a aucun sens pour moi et c’est la raison pour laquelle je pense que le domaine le plus controversé — et c’est certainement le cas en Europe — est de savoir que faire des enfants qui souffrent de douleurs irrémédiables à la fin de leur vie. Je ne m’attends pas à ce que votre comité règle la question, sinon d’y réfléchir, mais le fait de limiter la mesure aux personnes compétentes apaiserait mes inquiétudes concernant les adolescents susceptibles d’être légalement compétents.

  (1820)  

    Merci, monsieur.
    Vous avez signalé un autre problème difficile, celui de quelqu’un qui n’est plus compétent. Vous avez parlé de la démence, par exemple. Là encore, le collège de la Colombie-Britannique semble dire que le patient doit conserver ses capacités mentales avant que l’on procède à l’aide médicale à mourir. Mais s’il perd la capacité d’annuler sa décision, l’aide médicale à mourir cesse d’être une option. Or, c’est vraiment le sort de ces gens-là qui vous a poussé à parler. C’est pour ces gens-là que vous voudriez que le service soit offert. Vous avez donné l’exemple de membres de votre famille.
    J’aimerais que vous développiez un peu plus le sujet.
    Avec plaisir.
    J’ai rendu visite à des gens qui en étaient aux derniers stades de la démence. Ils sont habituellement cloués au lit et souffrent d’incontinence urinaire et fécale, et portent des couches 24 heures sur 24. Ils ne savent pas qui ils sont ni où ils sont. Ils ne parlent pas. La plupart des Canadiens n’aimeraient certainement pas finir leurs jours dans cet état. En tout cas pas moi. J’ai vu mon père et ma belle-mère dans cet état. Nous devons trouver le moyen de permettre aux gens actuellement compétents de ne pas finir leurs jours de la sorte, s’ils le souhaitent. Les gens ont toute latitude pour choisir la façon dont ils souhaitent mourir. Voilà pourquoi nous devrions étudier la question plus attentivement.
    J’ai pris connaissance du témoignage du Collège des médecins et des chirurgiens, mais je suis en désaccord avec lui sur ce point, et je mets au défi les membres de votre comité de réfléchir à la façon dont ils aimeraient mourir. Que penseraient-ils de voir mourir l’un de leurs proches dans l’état déplorable du stade terminal de la maladie d’Alzheimer, cloué au lit pendant un an et portant des couches. Il n’est pas raisonnable que les gens se retrouvent dans cet état à la fin de leur vie.
    Il me reste une minute.
    Pensez-vous que le processus que nous pourrions proposer, quel qu’il soit, devrait contenir une mesure d’appel? Cela est-il nécessaire? Supposons qu’un ou des médecins refusent le service au patient. Qu’arrive-t-il alors? Le patient devrait-il avoir un droit d’appel? Ne courons-nous pas le risque que les gens cherchent un médecin complaisant?
    De façon générale, je dirais que toutes les décisions importantes de la vie doivent être assorties d’une possibilité d’appel. Le système judiciaire prévoit de nombreux niveaux d’appel. À ce que je sache, on ne trouve des systèmes d’appel qu’en Europe, pour les malades qui se voient refuser par leur médecin l’aide médicale à mourir. En Belgique, je sais que le taux d’appel est d’environ 30 %. Autrement dit, 30 % des gens dont la demande est rejetée par le médecin sont autorisés par un groupe d’examen à bénéficier de l’aide médicale à mourir. Je pense que vous devriez vous pencher sur la législation de ces pays pour voir comment cette mesure peut être opérationnelle. Mais de façon générale, je pense que toutes les décisions importantes de notre vie devraient pouvoir faire l’objet d’un appel.
    Merci, docteur Smith.
    Sénatrice Nancy Ruth.
     D’après votre expérience, docteur Smith, est-ce que les médecins connaissent bien les déterminants sociaux de la santé? Si oui, peuvent-ils faire la distinction entre un état grave et irrémédiable, et le fait qu’un patient puisse souhaiter mourir en raison des inégalités dans les soins de santé offerts, de la négligence de la société et des préjugés sociaux sur la vie, qu’il ait ou non un handicap ou un problème de santé mentale?
    C’est une question très difficile et qui demande réflexion. Je pense que les médecins sont conscients des déterminants sociaux de la santé, par exemple l’accès à des soins de santé de qualité, l’accès à l’eau potable, de la bonne nourriture et ainsi de suite. Peut-être que nous ne sommes pas aussi sensibles que nous devrions l’être à certaines des inégalités que nous voyons dans notre société, je pense aux communautés des Premières Nations et à d’autres personnes défavorisées. Je vis à Vancouver, où les rues du centre-ville sont habitées par des gens atteints de maladies mentales chroniques ou qui ont des problèmes de toxicomanie.
    Je ne prétends pas vous donner de réponse facile, parce que je ne pense pas qu’il y en a. Cependant, je crois certainement que les gens dont les principales souffrances proviennent de la maladie mentale ne devraient pas nécessairement se voir refuser l’aide médicale à mourir. En Oregon et dans les pays d’Europe par exemple, les gens souffrant de maladies mentales qui rendent leur vie intolérable sont très peu nombreux.
    J’ai connu beaucoup de gens souffrant de maladies mentales graves et je peux vous dire que beaucoup d’entre eux finissent par avoir une vie intolérable. Pourrait-on l’améliorer grâce à de meilleurs services? Probablement que oui.

  (1825)  

    Nous avons eu le témoignage d’une association psychiatrique qui disait que dans le cas d’une personne atteinte d’un cancer du côlon qui demanderait l’aide médicale à mourir et qui aurait en plus des antécédents de maladie mentale, on ferait appel à un psychiatre pour évaluer ses compétences avant de lui accorder cette aide. Êtes-vous d’accord avec cela?
    Je pense que les psychiatres ont un rôle à jouer, en particulier lorsqu'on a affaire à la maladie mentale. D’aucuns demandent que les psychiatres soient associés à toutes les décisions. Je ne pense pas que cela soit vraiment pratique ou nécessaire. Les médecins généralistes et les médecins de famille sont ceux qui déterminent habituellement si quelqu’un est compétent ou non, mais les psychiatres pourraient avoir un rôle à jouer en cas de maladie mentale.
    J’espère que mes collègues de l’Association des psychiatres du Canada vont se pencher sur le problème. J’ai pris la parole devant l’association à son assemblée générale de cette année et je crois qu’elle est à l’écoute de ces questions. Nous espérons émettre une directive à ce sujet.
    Merci.
    Je note, madame, votre travail sur les approches féministes de la bioéthique. Pourrais-je vous demander de faire une analyse comparative entre les sexes en ce qui concerne l’aide médicale à mourir? Y a-t-il dans ce domaine des aspects propres aux femmes ou aux hommes, auxquels le Comité devrait porter attention ou que nous devrions aborder dans nos recommandations?
    La déclaration de ceux qui demandent l’aide médicale à mourir et l’obtiennent devrait certainement comprendre des statistiques sur le sexe. Nous savons pertinemment que la population vieillit et que les femmes ont tendance à vivre plus longtemps que les hommes et à vivre plus pauvres que ces derniers au plan des ressources. Certaines des femmes qui arrivent à cet âge viennent d’une génération où la formation et la socialisation des femmes étaient caractérisées par une faible estime de soi, la déférence, et ainsi de suite.
    Il faut donc être prudent. N’oublions pas toutefois que les professionnels de la santé ont accompagné pendant longtemps les patients dans des situations très difficiles. Ils ont beaucoup d’expérience pour nouer une relation, établir un rapport et suivre un processus de consentement sur la façon de mourir et les soins à donner en fin de vie. Nous devons reconnaître que nous sommes déjà assez bons dans tous ces domaines et que nous n’avons pas beaucoup d’autres choses à apprendre. Mais bien sûr, nous devons prendre grand soin…
    Merci.
    Madame Baxter...
    Désolé, sénatrice, mais je crains que nous devions en rester là avec vous pour céder la parole au sénateur Cowan.
    Mes questions s’adressent au Dr Smith.
    Nous sommes tous préoccupés par l’idée que les Canadiens vulnérables pourraient être en danger dans ce régime qui doit être mis en place en réponse à l’arrêt Carter. Conviendriez-vous avec moi que les concepts de capacités, de compétences et de consentement éclairé sont bien compris par les médecins et dans le système juridique, et qu’il n’y a pas lieu de les définir davantage?
    Oui, les médecins ne peuvent pas poser d’acte médical sans le consentement de quelqu’un. Dans bien des cas, le consentement est sous-entendu. Si un patient vient me consulter, je ne lui demande pas de signer un consentement, le consentement est implicite puisqu’il est là. Mais la barre doit être relevée lorsqu’on en arrive à des choses sérieuses. Par exemple, aucun Canadien ne subira de chirurgie sans un consentement écrit.
    Je pense que l’on parle ici peut-être de l’une des décisions finales dans la vie. Nous devons donc garder la barre très haute sur le consentement éclairé auquel on doit réfléchir pendant un certain temps.
    Les docteurs sont-ils sensibilisés à ces enjeux? Je crois que le médecin moyen l’est. Les médecins de famille prennent ces décisions tous les jours dans l’évaluation des patients. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’amélioration à apporter. Il doit y avoir un programme de formation générale pour les médecins, non seulement pour les aider à faire face à la mécanique de l’aide médicale à mourir, mais aussi sur les questions philosophiques et éthiques, et les questions de consentement éclairé.
    Nous devons en apprendre davantage, mais je crois que nous en savons pour l'instant assez sur le consentement éclairé.

  (1830)  

    Cela s’applique également à l’évaluation des capacités et des compétences.
    Oui, il y a des manuels…
    Bien sûr, c’est vrai. Si dans notre système actuel un médecin a un doute sur la capacité ou la compétence — et je suis d’accord avec vous que cela dépend de la gravité de la procédure appliquée —, il peut demander un deuxième avis, voire l’opinion d’un spécialiste. La nature du doute informerait sa décision par rapport au type de seconde opinion qui serait nécessaire.
    Absolument. Les avocats me demandent de faire l’évaluation des capacités pour diverses personnes. Il y a des gens comme moi qui ont une expertise dans ce domaine.
    Je pense que c’est une très bonne idée d’avoir un groupe d’experts pour aider nos collègues sur la question difficile des compétences et des capacités. Cela pourrait se faire de façon informelle, de la même manière que pour les consultations médicales.
    Pourrais-je revenir sur la question de l’accès? Encore une fois, nous devons nous assurer que le système que nous avons conçu est disponible dans toute la mesure du possible pour les Canadiens d’un océan à l’autre, quel que soit leur lieu de résidence. J’aimerais que vous nous parliez de la nécessité de faire intervenir des gens qui ne sont pas médecins ou d’autres professionnels de la santé afin de garantir le type d’accès qui est si nécessaire.
    Je pense que les médecins sont assez bien répartis à travers le pays. L’idéal serait que chaque Canadien ait un médecin de famille, ce qui n’est malheureusement pas le cas actuellement. Je m’inquiète des communautés rurales éloignées qui n’ont peut-être pas de médecin en leur sein. Nous pourrions avoir à examiner le rôle des infirmières praticiennes et de la télémédecine. Une bonne partie des services médicaux, au moins dans ma province, sont effectués par télémédecine. La recommandation que je trouve la plus logique est que l’un des deux médecins doit évaluer le patient en personne, l’autre pouvant le faire par le service de Télésanté.
    Il faut rappeler enfin que les médecins, qu’ils administrent des médicaments par voie intraveineuse ou qu’ils en prescrivent, font appel aux pharmaciens pour les obtenir. Je pense que nous devrions réfléchir sur le rôle que pourraient jouer les pharmacies. Qu’en est-il des pharmaciens qui ne veulent pas fournir des médicaments, parce qu’ils savent que ces médicaments vont être utilisés pour provoquer la mort?
    L'hon. James S. Cowan: Merci.
    Nous allons passer à la deuxième ronde mais juste avant, j’aimerais me prévaloir de la prérogative du président en posant une question à la Dre Ells.
    D’après votre expérience passée d’éthicienne en exercice, pourriez-vous nous dire si le comité d’éthique de l’hôpital pourrait jouer un rôle dans ce domaine? La Cour suprême a déclaré que l’aide médicale à mourir entrerait en vigueur dans divers endroits et sous diverses formes. Les hôpitaux sont les endroits où les programmes d’éthique sont les plus développés.
    Vous étant occupée de l’éthique, pas seulement en théorie, mais aussi dans la pratique, pourriez-vous nous aider à comprendre le rôle que l'éthique pourrait — et devrait — jouer?
    Je ne pense pas qu’une consultation éthique auprès d’un consultant ou d’un comité s’avère nécessaire dans tous les cas. Ces ressources devraient être disponibles quand les choses sont particulièrement difficiles, mais je ne voudrais pas que leur ajout enraye le processus.

  (1835)  

    Aurait-elle un rôle au début, par l’entremise d’un organe voué à l’intérêt public, et ensuite au besoin, pour des cas inhabituels?
    Oui, absolument.
    Nous commençons la deuxième ronde par M. Arseneault.

[Français]

     Merci, monsieur le coprésident.
    Je vous remercie, docteur Smith, professeure Ells et madame Baxter. Je sais que votre temps est précieux, mais ce soir, vous nous donnez une bonne idée des questions que nous devrons aborder ensemble en comité afin d'aboutir à un projet de loi.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Baxter.
    J'ai lu le document que votre association nous a soumis. Votre association reconnaît qu'on doit répondre à l'affaire Carter par un projet de loi qui amende le Code criminel, tout en s'assurant de faire la promotion des soins palliatifs. Je comprends la dynamique de votre association.
    J'apprécie également le fait que votre association nous ait suggéré, dans l'esprit de l'affaire Carter, des réponses aux critères ou aux paramètres indiqués par la Cour suprême du Canada. Je tiens donc pour acquis, madame Baxter, que vous avez lu la décision dans l'affaire Carter.
    Le paragraphe 127 de cette décision résume la pensée ou la décision de la Cour. Sans le citer intégralement, je vous le résume en guise de rappel. L'affaire Carter dit qu'une « personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables [...] lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables [...] » peut demander une aide médicale à mourir.
     Dans l'affaire Carter, cette souffrance est perçue par le patient. Je voudrais voir comment on peut réconcilier la position de l'affaire Carter avec votre position ou celle de votre association, selon laquelle on ne devrait procéder à l'aide à mourir que dans le cas suivant, c'est-à-dire lorsque les professionnels de la santé se sont entendus qu'il n'y a plus aucune autre option à offrir pour apaiser la souffrance. À ce moment-là, et seulement à ce moment-là, on devrait offrir l'aide médicale à mourir.
     Comment pouvez-vous réconcilier cela avec l'affaire Carter?

[Traduction]

    Nous savons qu’il y aura des Canadiens qui veulent que le médecin provoque leur mort, nous savons que des Canadiens ont besoin que des médecins provoquent leur mort dans certaines situations. Je ne suis pas sûre de répondre à votre question, mais une chose est certaine, nous voulons que les Canadiens disposent des meilleures options et des meilleurs soins possibles avant qu’ils ne décident de faire appel à un médecin pour accélérer leur mort.
    Même au sein de la communauté des soins palliatifs, vous savez, un certain nombre de médecins se sont dits intéressés à provoquer la mort. La plupart d’entre eux ne sont pas intéressés, mais tous disent vouloir donner les meilleurs soins et voir s’il est possible de gérer la douleur et les symptômes. Nous aiguillerons ensuite le malade vers la meilleure personne ou le meilleur programme pour provoquer la mort.
    Ces deux approches ne s’opposent pas mutuellement. Nous voulons simplement faire en sorte de proposer d’emblée les meilleurs soins et les meilleures options possibles avant que les patients ne fassent appel à un médecin qui provoquera la mort. Voir quelqu’un dont la douleur n’est pas contrôlée est inquiétant, parce que beaucoup de Canadiens ne reçoivent pas les soins appropriés dont ils ont besoin à la fin de leur vie. Ils vivent dans l’isolement et se rendent dans les salles d’urgence des hôpitaux sans avoir les soins appropriés ni jamais avoir été aiguillé vers des programmes de soins palliatifs. Lorsqu’ils arrivent, ces personnes vivent des circonstances dramatiques. Nous voulons qu’ils disposent des meilleurs soins possibles, mais s’ils veulent par la suite qu’un médecin provoque leur mort, nous les adresserons aux médecins qui le font.

[Français]

    D'accord, je comprends ce que vous dites.
    J'ai une autre question au sujet de l'âge. J'ai entendu votre réponse tantôt à la question de...
    Il vous reste moins d'une minute.
    D'accord.
    Dans votre document, vous dites que l'âge devrait être de 21 ans pour faire une telle demande, mais qu'il faut s'assurer de prendre des précautions lorsqu'il s'agit d'une personne plus jeune. Voulez-vous dire 21 ans ou plus jeune que 21 ans?

  (1840)  

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné plus tôt, cette règle n'est pas fondée sur des recherches scientifiques exhaustives. Nous n'avions même pas beaucoup discuté avec le milieu des centres de soins palliatifs pour enfants. Leurs représentants viendront ici demain. J'ai parlé à leur avocat, qui témoignera demain. Je suis certaine que la Société canadienne de pédiatrie vous fera une meilleure réflexion.
    Le milieu des centres de soins palliatifs pour enfants représente une petite partie de notre communauté. Le Canada compte sept centres de soins palliatifs résidentiels pour enfants. Ils se préoccupent de savoir où ils se situent dans tout cela. Nous avons choisi 21 ans pour la simple et unique raison que c'est la dernière limite à ajouter. Si les gens ont une meilleure idée, je suis sûre qu'ils vous en feront part demain.
    Je dois maintenant donner la parole à M. Deltell.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le coprésident.
    Mesdames et monsieur, soyez les bienvenus dans votre Parlement.
    Ma question est fort simple. Nous sommes ici non pas pour savoir si nous sommes en faveur ou non de l'aide médicale assistée pour mourir dans la dignité, mais plutôt comment le faire.
    La Cour suprême est assez précise en nous disant qu'il faut modifier le Code criminel. Toutefois, puisque le Code criminel relève du gouvernement fédéral et que les soins de santé relèvent des gouvernements provinciaux, il s'agit de savoir quel arrimage on peut faire entre les deux.
    Selon vous, dans les recommandations que nous ferons au gouvernement, devrait-on suggérer que la loi soit très directive pour les provinces ou qu'elle leur laisse plutôt le champ libre? J'aimerais vous entendre tous les trois. Pour des fins de compréhension, j'inviterais M. Smith, de Vancouver, à répondre en premier.

[Traduction]

    Je ne demande pas mieux que de répondre à votre question, mais je n'ai pas grand-chose à vous dire à ce sujet. Je suis bien conscient des rapports de force entre le gouvernement fédéral et les provinces. J'espère que le fait de travailler ensemble dans l'intérêt des Canadiens débouchera sur un programme national, mais il est possible que nous nous retrouvions avec un pot-pourri de règlements.
    Je pense qu'il est important d'avoir un mécanisme de présentation de rapports à l'échelle nationale, même si les provinces gèrent certains détails à leur manière. À titre d'exemple, je doute que le Québec modifie sa loi actuelle pour permettre la prescription de médicaments administrés par voie orale sans y avoir longuement réfléchi. Je ne pense pas que l'on dégage un consensus national sur certains points, mais je n'ai entendu personne militer contre un système national de présentation de rapports pour que, une fois l'an, les Canadiens aient une idée du fonctionnement du système et aient l'assurance que les personnes vulnérables sont protégées, que l'aide est facilement accessible et que l'on fait les choses comme il se doit.

[Français]

    Madame Baxter?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec l'idée de présenter des rapports à l'échelle nationale, et nous avons dit préférer une loi nationale comme principe directeur. Je sais que le Québec a sa propre façon de faire et qu'il a déjà pris des mesures, mais pour ce qui est des autres provinces, nous croyons comprendre que la mise en oeuvre du processus dépendra de l'emplacement de la collectivité et des besoins de la population. Nous avons déjà parlé à des gens du Manitoba rural, où il est question de mettre en place une unité mobile. Les provinces ont toutes sortes d'idées sur la façon dont elles s'y prendraient pour répondre à leurs besoins, surtout en milieu rural.
    Je pense que nous avons besoin d'une loi nationale et d'un mécanisme national de présentation de rapports. Selon ces lignes directrices, les provinces seront chargées de la mise en oeuvre pour déterminer les mesures qui répondent aux besoins de leur population et de leurs propres systèmes de santé. Chaque système de santé provincial est unique. Nous ne commençons pas au même point à chaque fois.

[Français]

    Madame Ells?

[Traduction]

    Le système devrait l'offrir. Si les Canadiens ont le droit d'avoir accès à une aide médicale à mourir, alors j'aimerais que la loi fédérale exige de chaque province et territoire qu'ils l'offrent à leurs résidents où ils vivent. Je crois que nous devons laisser de côté les valeurs divergentes et faire des compromis pour que certaines institutions soient responsables d'offrir cette aide. Si certaines ont l'option de ne pas le faire, en particulier pour des raisons de conscience, le système doit néanmoins l'offrir.
    Je pense que nous reconnaissons tous que ce sera une tâche très ardue. Nous parlons d'un pouvoir provincial et d'une obligation fédérale, mais si nous laissons toutes les provinces décider elles-mêmes, ne pensez-vous pas que nous verrons une augmentation du tourisme interprovincial? Les Albertains voudront aller au Québec, et quoi encore?

  (1845)  

    Exactement. Voilà pourquoi je pense que nous ne devrions pas le permettre. Cela aide à justifier la prise de mesures au gouvernement fédéral pour assurer un accès à cette aide à la grandeur du pays. Les Canadiens qui sont admissibles à recevoir des soins de santé universels doivent pouvoir bénéficier de cette aide où ils vivent.
    Sénatrice Seidman.
    Merci beaucoup d'avoir témoigné aujourd'hui.
    Madame Baxter, si vous me le permettez, vous avez mentionné qu'il y avait 600 centres de soins palliatifs au pays.
    Il y a 600 centres ou programmes de soins palliatifs, offerts à la maison, à l'hôpital ou en centre. De ce nombre, seulement 80 sont des centres de soins palliatifs résidentiels.
    Merci, c'est très utile.
     Cela étant dit, je me demande si vous pourriez nous parler de la réaction des centres de soins palliatifs au projet de loi 52 au Québec, et si nous avons des leçons à en tirer en ce moment.
    Merci d'avoir posé la question, car je n'ai pas réussi à en parler.
    Les 29 centres de soins palliatifs résidentiels ou résidences au Québec ont formé une alliance et ont demandé une exemption au gouvernement provincial, alors cela vous donne matière à réflexion si vous cherchez des exemptions de sites pour les centres de soins palliatifs. Elles ont été accordées au Québec. Fait intéressant, la conseillère médicale d'un des centres de soins palliatifs souffre de la maladie de Lou-Gehrig, et elle les a suppliés de la laisser mourir dans sa propre organisation; ils ont accepté, le moment venu, de hâter sa mort avec une aide médicale dans ce centre. Quand un centre de soins palliatifs fait exception alors que les autres ont fait front commun, cela change la donne en quelque sorte, mais c'était la bonne décision pour eux.
    En règle générale, les programmes de soins palliatifs au Québec obtiennent entre 2 et 3 millions de dollars de leur financement auprès de leurs collectivités plutôt que d'être financés par l'État. Ils reçoivent du financement gouvernemental, mais environ un demi-million de dollars sur un budget de 3 millions de dollars. Ils doivent être proches de leurs collectivités puisque ce sont elles qui les financent.
    Je pense que nous verrons comment cela ira au fil du temps. En ce moment, ils se montrent fermes au Québec. Le reste des provinces se remettent en question. Les conseils d'administration se réunissent maintenant sans savoir ce que la loi leur réserve. Ils essaient de voir s'ils diront en général qu'ils préfèrent transférer les patients qui veulent une aide médicale à mourir, mais nous verrons ce qu'il en sera. Cela s'applique seulement aux centres de soins palliatifs résidentiels.
    Le reste des programmes de soins palliatifs sont vraiment très... S'ils offrent les meilleurs soins possibles et qu'une personne souhaite avoir une aide médicale à mourir, ils la dirigeront vers les personnes appropriées.
    Cela m'amène en fait à ma prochaine question, à laquelle la Dre Ells et Mme Baxter et peut-être même le Dr Smith pourraient répondre. Elle porte sur le processus d'aiguillage en tant que tel et le transfert dont tout le monde a parlé.
    J'aimerais que vous m'expliquiez comment, selon vous, cela fonctionnerait. Par exemple, lorsqu'elle a témoigné hier, la British Columbia Civil Liberties Association a proposé que les médecins aient à avertir un organisme tiers, qu'il s'agisse de l'hôpital ou de l'administration sanitaire, de leur refus. Ils n'auraient pas à offrir d'aiguillage efficace, mais simplement à les aviser, avec la permission du patient, qu'ils ne souhaitent pas offrir ce service. De cette façon, on peut transférer les soins prodigués au patient, comme on le fait au Québec en ce moment.
    Comment cela fonctionnerait-il? Est-ce du ressort des provinces? Les organismes de réglementation professionnelle élaboreront-ils un type d'approche systématisée à l'égard de ce processus? Est-ce quelque chose qui devrait figurer dans le cadre fédéral? Comment croyez-vous que cela se passerait?
    Peut-être que le Dr Smith pourrait commencer?
    À l'heure actuelle, vous constaterez qu'un organisme officiel n'est chargé de faire les aiguillages dans aucune des provinces. Les médecins de famille aiguillent les patients vers des chirurgiens, des psychiatres, etc., mais de façon plutôt informelle, alors si vous souhaitez mettre en place un système, vous n'aurez rien sur quoi vous appuyer.
    Je soupçonne que les groupes de consommateurs vont faire leur apparition. Je sais que mon organisme souhaite aider les médecins qui sont intéressés à former des organisations, alors on pourrait finir par connaître les médecins qui y participeront et ceux qui ne le feront pas. C'est le modèle que l'on suit actuellement pour la plupart des services d'avortement au Canada. J'hésiterais à institutionnaliser un système d'aiguillage, mais il faut tout de même s'assurer que l'autonomie et les besoins des patients aient préséance sur les souhaits des institutions et des médecins.
    Nous avons besoin de trouver une façon publique de faire en sorte que les médecins qui ne souhaitent pas participer aiguillent les patients afin que ceux-ci continuent à recevoir des soins, car il s'agit d'une étape cruciale dans la vie d'une personne. Ce n'est pas une étape pendant laquelle une personne veut avoir à chercher un nouveau médecin de famille. Il faut penser à la façon d'opérationnaliser tout cela, et j'ai bien peur de ne pas avoir de solution à vous offrir à ce stade.

  (1850)  

    Merci. Je comprends, car c'est exactement la raison pour laquelle j'ai posé la question. Vous avez fait valoir que nous devons penser au patient. Le processus doit être centré sur lui, alors nous devons veiller à ce qu'il ait accès à une aide médicale lorsqu'un médecin décide qu'il ne peut pas la lui offrir.
    J'aimer demander à la Dre Ells...
    Je suis désolé, mais je dois vous demander de vous arrêter ici. C'est vite passé, cinq minutes. Peut-être que vous pouvez donner un petit coup de coude au sénateur Cowan pour qu'il vous aide avec une question.
    Je suis toujours ravi d'aider la sénatrice Seidman.
    J'allais simplement commencer par faire un suivi auprès du Dr Smith et peut-être ensuite inviter d'autres personnes à se prononcer elles aussi. Je m'interroge sur la question de l'accès, celle de s'assurer que les Canadiens qui en sont rendus à cette étape cruciale de leur vie — la fin de leur vie — ont un accès égal à l'aide médicale à mourir. En règle générale, ils ne sont pas aussi mobiles qu'ils l'auraient été à d'autres étapes de leurs vies.
    Voyez-vous une façon d'y arriver sans mettre en place un cadre général à l'échelon fédéral et laisser ensuite les provinces trouver leur propre régime équivalent qui réponde aux lignes directrices et aux normes fixées au fédéral? Au bout du compte, n'est-ce pas la seule façon de garantir à tous les Canadiens le type d'accès que préconise la Cour?
    Je ne suis pas un expert en réglementation fédérale ou provinciale. Je n'aimerais pas qu'on instaure un type de processus très bureaucratique, car il s'enliserait probablement.
    Je peux vous dire qu'en Colombie-Britannique, je crois savoir que trois ou même quatre médecins de famille se sont dits intéressés à offrir ces services. Si une personne me téléphonait, je lui recommanderais d'aller les voir. Mon organisme, Dying with Dignity, dressera probablement une liste de médecins qui sont disposés à aider les patients à obtenir ce service.
    Cela dit, j'ignore si cela suffira, mais si on le fait à l'échelon fédéral ou provincial, on risque de se retrouver avec un processus bureaucratique lourd. Je ne sais pas...
    Excusez-moi. Je parlais d'un type de cadre général plutôt que d'un régime bureaucratique détaillé, mais doté de normes qui soient disponibles...
    Je suis très favorable aux normes. Je pense qu'on devrait instaurer des règles comme celle de faire en sorte que les médecins qui ne souhaitent pas offrir une aide médicale à mourir puissent facilement transférer leurs patients à des collègues qui sont disposés à le faire. C'est un lourd fardeau à imposer aux médecins qui s'y opposent, mais c'est important, car il s'agit de personnes vulnérables en fin de vie qui ne doivent pas être laissées à elles-mêmes parce que leur docteur refuse de leur offrir ce service.
    Alors pour les principes, je suis d'accord, mais pour ce qui est de la réglementation précise, je ne sais pas.
    Je veux répondre à cela.
    Nous avons de la difficulté à transférer des patients d'une place à l'autre pour recevoir des soins. Au Canada, c'est terrible. C'est terrible de passer des soins actifs aux soins de longue durée ou aux soins à domicile ou quitter l'hôpital pour recevoir des soins à domicile.
    Nous ne voulons pas que cela se produise à ce stade, alors nous devons faire en sorte que le fardeau de l'aiguillage pèse sur cette personne, le médecin ou quiconque, et veiller à ce qu'elle assure un suivi en temps opportun.
     J'ai parlé à la femme qui gère le programme de soins palliatifs en Oregon. Comme ils en sont à leur 16année, ils ont réglé une bonne partie de leurs problèmes. Même si les médicaments sont administrés par le patient et la famille, un médecin est présent, et un pharmacien doit les prescrire et tout. Leur façon de procéder est la suivante: le personnel du programme de soins palliatifs dit au revoir au patient et à la famille avant qu'un groupe comme Dying With Dignity, mais géré par l'État, prenne la relève et aide le patient à mourir.
    J'écoute ce que Derryck dit. Je pense que nous devons nous assurer d'avoir des mesures de protection ou un organisme auquel nous pouvons rapidement faire appel et sur lequel nous pouvons compter pour nous aider avec l'aiguillage.
    Puis-je demander à la Dre Ells de se prononcer brièvement sur ce point?
    Les aiguillages ou les transferts se font à deux différents échelons. L'un se passe entre les médecins traitants du patient, et l'autre peut se passer entre deux institutions. Celui qui se fait entre médecins n'est pas vraiment problématique — il requiert simplement un transfert en temps opportun. Ces exigences figurent déjà dans leurs codes de déontologie. Ils sont déjà en place.
    Cependant, les institutions devraient être tenues de savoir lesquels de leurs membres sont disposés à offrir ces services. Les institutions qui s'objectent en raison de leur conscience devraient...

  (1855)  

    Mais je ne comprends pas comment... Je peux comprendre comment une personne peut s'objecter en raison de sa conscience, mais comment un bâtiment peut-il le faire? Comment peut-il avoir une éthique...
    Ce n'est pas aussi clair, mais les hôpitaux, comme bien des institutions, ont des missions, des visions, des valeurs et des déclarations. S'il s'agit d'une organisation éthique et solide, ses valeurs doivent sous-tendre son plan stratégique et la façon dont elle met en oeuvre ses politiques et offre ses services.
    J'ai entendu parler, par exemple, d'un petit hôpital catholique particulier qui a ouvert une grande unité de soins palliatifs au Québec — il n'a pas choisi le meilleur moment — et qui a ensuite eu de la difficulté à déterminer s'il éliminerait ou non cet important service offert aux membres de sa collectivité en raison de la propre conscience de ses dirigeants.
    Merci, docteure Ells.
    Monsieur Aldag.
    Avant de poser une question, j'aimerais clarifier un point que mon collègue de Langley—Aldergrove a soulevé concernant la séance que nous avons tenue le week-end dernier avec nos collectivités respectives. Nous avons échangé de très bons renseignements, mais j'hésiterais à lancer des chiffres ou des statistiques, car le sondage n'était pas statistiquement exact. L'échantillon n'était pas représentatif. Sur des questions comme l'âge, je ne voudrais pas induire les membres du Comité en erreur en leur disant que c'est un document définitif. Je voulais simplement mettre en contexte ce qui a été fait pour les membres du Comité.
    J'invoque le Règlement. Le député Aldag a fait allusion à ce document. Il a été présenté en temps opportun, comme le Comité l'a demandé. En raison de la quantité astronomique de matériel présenté au Comité, je demanderais que ce document, qui est très exact, soit remis à chaque membre. Il faudrait le consentement unanime pour ce faire. Nous espérons pouvoir le distribuer dans les deux prochains jours, car il n'a pas encore été traduit, mais je pourrais le distribuer, et M. Aldag pourrait vraiment s'y reporter. Il ne l'a pas encore.
    Pour l’instant, je voulais tout simplement préciser que ce n’était pas un sondage exact sur le plan des statistiques ou un échantillon représentatif. À un certain moment, un groupe de personnes de nos circonscriptions nous ont fait part de leurs commentaires, ce qui est très utile pour nous. Je m’inquiétais tout simplement que ce soit pris pour autre chose que c’était, et je voulais simplement que le Comité comprenne que lorsqu’il y a des...
    Je ne crois pas que c’est un rappel au Règlement. À mon avis, nous tiendrons compte de votre intérêt à faire part du rapport aux membres du Comité. Nous le distribuerons lorsqu’il sera traduit.
    Je vais passer à ma question qui s’adresse à Mme Baxter.
    Comme je l’ai lu et vous l’avez mentionné, le cas de l’Oregon est un exemple de la manière dont les soins palliatifs peuvent augmenter à la suite de l’adoption de l’aide médicale à mourir. Selon vous, quelle est la tendance au Canada ou même sur la scène internationale en ce qui a trait aux soins palliatifs? Constatons-nous une croissance découlant de ce qui se passe ou les niveaux d’investissement demeurent-ils sensiblement stables? Nous avons l’exemple de l’Oregon qui montre comment l’aide médicale à mourir entraîne en fait une augmentation des investissements dans les soins palliatifs. Que se passe-t-il dans le domaine des soins palliatifs et quel est le lien?
    Il y a une augmentation du nombre de Canadiens qui vieillissent, qui meurent, qui sont malades et qui ont besoin de soins de fin de vie de qualité. Vous n’avez qu’à jeter un coup d’oeil autour de la table; beaucoup de personnes ont des cheveux gris dans la pièce. Je teins simplement les miens.
    Par conséquent, nous devons offrir de tels services. L’Institut canadien d’information sur la santé produit un petit tableau intéressant qui présente les causes de décès au Canada. Il y a quatre trajectoires. Il y a la mort subite, les maladies, la fragilité et les insuffisances organiques. Par « insuffisances organiques », on entend les crises de coeur, la maladie de Parkinson, les démences de longue durée, etc.
    Nous devons nous pencher sur les causes de décès au Canada et les types de services dont les Canadiens ont besoin. Les Canadiens n’ont pas tous besoin d’être suivis par un spécialiste, de soins palliatifs assurés par une équipe complète ou des interventions dont ont besoin les gens qui ont un cancer, qui ressentent de la douleur ou qui présentent des symptômes graves à la fin de leur vie. Nous devons examiner les services et l’approche en matière de soins palliatifs dont les Canadiens ont besoin.
    Nous avons connu de la difficulté à ce sujet depuis trois ou quatre ans. Si 65 % des Canadiens ne consultent jamais de spécialistes en soins palliatifs, comment pouvons-nous nous assurer de leur offrir la meilleure expérience de fin de vie qui répond à leurs besoins pour éviter qu’ils se retrouvent dans les hôpitaux? Les hospitalisations non prévues coûtent actuellement 35 000 $ par patient au cours de la dernière année de vie, parce que nous ne soutenons pas très bien les personnes qui vivent chez eux dans la collectivité. Nous pouvons faire beaucoup mieux. Nous devons nous y attarder.
    Selon moi, il est de notre responsabilité de faire beaucoup mieux à ce sujet, en particulier compte tenu de l’aide médicale à mourir. Nous avons mentionné dans notre milieu que c’est une occasion. Nous le voyons ailleurs, et d’autres endroits ont affirmé qu’ils devaient faire de leur mieux s’ils décident d’offrir l’aide médicale à mourir. Nous devons le faire. Il ne s’agit pas d’investir plusieurs millions de dollars dans les soins spécialisés ou les programmes de soins palliatifs; il s’agit de mettre de l’avant une approche axée sur les soins primaires. Cela signifie que chaque médecin et chaque infirmière discutent avec les patients et leur famille de leurs besoins. Cela signifie que nous avons des listes de vérification et que nous surveillons les indicateurs de fragilité. Nous avons des patients de 85 ans qui se présentent au bureau du médecin, et personne ne leur demande comment ils se sentent, s’ils souffrent d’isolement, s’ils ont suffisamment de nourriture ou s’ils sont tombés. Il y a beaucoup de mesures que nous pouvons prendre, et il y a beaucoup d’idées, y compris le cadre national que nous avons proposé.
    Nous sommes tous d’accord pour accomplir un meilleur travail. Si un patient choisit d’avoir recours à l’aide médicale à mourir, qu’il en soit ainsi. Nous devons être plus efficaces; il ne faut pas reporter ou retarder les choses; il faut travailler ensemble dans ces systèmes. Il ne faut pas prolonger le séjour de personnes au mauvais endroit au mauvais moment. Il y a beaucoup trop d’aînés qui sont couchés sur des civières dans les corridors des hôpitaux. Il faut vraiment faire mieux.

  (1900)  

    Merci.
    Vous avez mentionné que les centres de soins palliatifs au Québec s’étaient regroupés pour demander d’être exclus de la portée du projet de loi no 52. Cependant, au bout du compte, l’un de leurs propres membres voulait mourir dans un centre de soins palliatifs. Nous aimons les centres de soins palliatifs. C’est l’endroit idéal pour mourir par rapport à mourir à la maison sans supervision ou sur une civière dans une salle d’urgence. Les gens reçoivent déjà des soins palliatifs dans un tel centre. Pourquoi les gens n’auraient-ils pas accès à l’aide médicale à mourir dans un centre de soins palliatifs? C’est une option qu’ils ne choisiront peut-être pas. Par contre, s’ils faisaient ce choix, pourquoi n’y auraient-ils pas accès dans un centre de soins palliatifs?
    Les centres de soins palliatifs croient en la philosophie de ne pas précipiter la mort, et c’est quelque chose de différent. Ils croient aussi que leurs patients et les soins axés sur les patients sont importants. Ils ne disent pas qu’ils n’orienteraient pas les patients vers d’autres ressources.
    C’est une question difficile. Tous les centres de soins palliatifs au pays ont de la difficulté actuellement avec leur conseil d’administration, leurs employés et leurs bénévoles. Le centre de soins palliatifs à Ottawa, le May Court Hospice, a 400 bénévoles. Ces gens font don de leur temps, de leur argent et de leur énergie, parce qu’ils croient en la philosophie des centres de soins palliatifs. Ils se demandent maintenant si nous allons permettre à quelqu’un d’y mourir et se disent que nous pourrions transférer ces patients au Campus Civic, par exemple.
    Je ne suis pas certaine de la réponse. Je ne l’ai pas. Vous devrez trouver des réponses.
    Nous suspendons nos travaux durant trois ou quatre minutes pour nous donner le temps de préparer la prochaine vidéoconférence.
    Je remercie les témoins sur place et en vidéoconférence.
    Merci beaucoup d’avoir pris le temps de venir témoigner aujourd’hui.

  (1900)  


  (1910)  

    Nous reprenons nos travaux et nous entamons la deuxième partie de notre soirée.
    Je remercie nos témoins de leur présence. Nous accueillons Douglas Grant et Marjorie Hickey, du College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia, et Leo Russomanno, de l’Association des avocats criminalistes.
    Nous avons en vidéoconférence Alika Lafontaine, qui se trouve à Grande Prairie ce soir. J’ai passé beaucoup de temps à Grande Prairie.
    Nous allons commencer par vous, docteur Lafontaine, en raison de la vidéoconférence. Si nous avons des problèmes techniques, nous aurons ainsi une deuxième chance de rétablir la communication.
    Vous pouvez nous entendre et nous voir, et nous pouvons vous voir et vous entendre également. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé.
    Je m’appelle Alika Lafontaine, je suis anesthésiologiste dans le nord de l’Alberta et je suis oji-cri. J’aimerais exprimer ma gratitude aux Cris de l’Ouest du Traité no 8, où je me trouve pour la vidéoconférence, ainsi qu’au peuple algonquin, parce que les audiences ont lieu sur son territoire.
    Je vous remercie de votre invitation à témoigner devant votre comité. J’aimerais également remercier les membres du conseil d’administration de l’Association des médecins indigènes du Canada, nos anciens présidents et les membres de l’AMIC de leur contribution à mon témoignage, ainsi que le Comité consultatif sur la santé des Autochtones du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et le personnel du collège. J’aimerais en particulier remercier le Dr Tom Dignan, qui a encadré bon nombre de médecins autochtones comme moi au cours des dernières décennies.
    Le sénateur Ted Quewezance, président du sénat de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, et Mike Cachagee, directeur exécutif de la Société nationale des survivants des pensionnats autochtones, ont tous les deux été extrêmement utiles. Le sénateur Quewezance et M. Cachagee sont des survivants des pensionnats autochtones qui m’ont aidé à me souvenir de ma responsabilité à titre d’Oji-cri et m’ont rappelé que nous devons entreprendre correctement ces travaux.
    Je suis président de l’Association des médecins indigènes du Canada, la seule voix nationale des médecins métis, inuits et des Premières Nations. Depuis prés de deux décennies, des organisations nationales de médecins autochtones font des pressions pour améliorer la santé des Autochtones. Notre organisation se compose de membres actuels et d’anciens membres qui représentent chaque province et chaque territoire de notre grande fédération canadienne. À titre de l’une des trois nations fondatrices du Canada, les Autochtones apportent un point de vue crucial sur les enjeux canadiens.
    L’Association des médecins indigènes du Canada n’a pas de position officielle concernant l’aide médicale à mourir. Nos membres et nos patients autochtones n’ont pas déterminé que c’est une priorité. Ils mettent l’accent sur d’autres questions pressantes touchant la santé des Autochtones. Les commentaires que je ferai sont une réflexion des discussions que nous avons sur la question et la place que cela occupe en gros en ce qui concerne la santé des Autochtones. Certains points de vue sont les miens.
    Après avoir passé en revue vos audiences, je me sens dans l’obligation de souligner l’absence des grandes organisations nationales autochtones. À mon avis, les Autochtones n’ont pas été consultés concrètement, même si des consultations générales ont été réalisées au Canada par de nombreux autres organismes qui sont venus témoigner devant votre comité. Vous êtes tous conscients de l’élargissement des disparités en matière de santé entre les Autochtones et le reste du Canada. Compte tenu de la surreprésentation des Autochtones dans la presque totalité des catégories de personnes pouvant être admissibles et avoir recours à l’aide médicale à mourir, nous pouvons sérieusement en conclure que vous faites peut-être abstraction de la population la plus importante sur le plan proportionnel pouvant être admissible et avoir recours à un tel service. J’espère que l’apparente absence de consultations des Autochtones sera corrigée avant de prendre des décisions définitives concernant les patients autochtones et l’aide médicale à mourir.
    En ma qualité de médecin, je reconnais que l’aide médicale à mourir doit être offerte de manière réfléchie en mettant l’accent sur les patients. Je félicite les membres du Comité de leur engagement à explorer une question qui pourrait être un sujet de discorde épuisant sur le plan des émotions. Je suis reconnaissant qu’un aussi grand nombre d’organisations aient pris le temps de vous donner des conseils éclairés et je précise que mes commentaires porteront sur les patients autochtones. Les problèmes dont je parlerai ici continueront de persister que vous en teniez compte ou non.
    Mon expérience personnelle avec les patients autochtones et leurs préoccupations concernant l’aide médicale à mourir est très différente de mon expérience avec les patients canadiens non autochtones, notamment parce que l’aide médicale à mourir est une réalité dans nos collectivités depuis plus d’un siècle.
    Lorsque des enfants ont été victimes de malnutrition et d’expérimentations médicales dans les pensionnats indiens, c’était de l’aide médicale à mourir. Lorsque les médicaments traditionnels et les pratiques culturelles sont devenus illégaux, rendant les méthodes de guérison traditionnelle clandestines, c’était de l’aide médicale à mourir. Lorsque la médecine traditionnelle est détournée, affaiblie et brevetée par l’industrie privée, ainsi que les prétendues découvertes qui sont connues des Autochtones depuis des générations, ce qui nous empêche d’avoir accès à nos propres méthodes de guérison, c’est de l’aide médicale à mourir. Lorsque la médecine traditionnelle est traitée avec hostilité par les professionnels de la santé non autochtones, même si des patients en font précisément la demande, c’est de l’aide médicale à mourir.

  (1915)  

    Lorsque les services à l’enfance et à la famille s’emparent d’enfants autochtones à un taux très alarmant — si ce n’est pas le plus haut taux tout groupe démographique confondu — en se fondant sur des décisions médicales prises par la couronne et qu’une qualité non uniforme des normes contribue à la mort ou à la disparition d’enfants qui reçoivent des soins, c’est de l’aide médicale à mourir. Lorsque les traumatismes des pensionnats indiens sont perpétués d’une génération à l’autre et que nous ne faisons rien pour freiner les mauvais traitements, les dépendances et les suicides qui sont omniprésents dans nos collectivités autochtones en raison du manque de services en santé mentale, sauf en situation de crise, c’est de l’aide médicale à mourir.
    Lorsque les autorités conçoivent des programmes pour les Autochtones sans les consulter et qu’ensuite elles leur reprochent leur faible engagement à l’égard des soins de santé non autochtones, c’est de l’aide médicale à mourir. Lorsque Santé Canada prévoit 40 programmes qui n’offrent pas de soins de santé primaires complets dans les réserves et n’assure pas une transition sans heurts entre les administrations fédérales et provinciales chargées de la santé, c’est de l’aide médicale à mourir.
    Lorsque le système de santé permet la prescription de benzodiazépines, d’opioïdes, de stimulants et d’autres médicaments d’ordonnance sans tenir compte des hauts risques de dépendance et de surdose, c’est de l’aide médicale à mourir. Lorsque des professionnels de la santé demandent des services pour des patients autochtones et que leurs demandes sont refusées par des bureaucrates de Santé Canada qui ne tiennent pas compte des recommandations cliniques, c’est de l’aide médicale à mourir.
    Lorsque des postes de soins infirmiers emploient des professionnels de la santé qui n’ont pas les compétences pour assurer la prestation de soins d’urgence, qu’ils ne disposent pas d’équipement et de médicaments d’importance vitale ou que cela ne répond pas aux normes minimales des autres établissements de santé, c’est de l’aide médicale à mourir.
    Lorsqu’il n’y a aucune surveillance, aucun suivi et aucune observation des pratiques courantes, à savoir des éléments auxquels peuvent s’attendre tous les autres Canadiens qui reçoivent des soins de santé, c’est de l’aide médicale à mourir. Si un Autochtone meurt et que personne n’assure de suivi à cet égard, quelqu’un s’en soucie-t-il?
    Ce que nous demandons dans les collectivités autochtones, ce n’est pas l’aide médicale à mourir. Cela existe déjà sous d’innombrables formes. Nous demandons l’aide médicale à vivre.
    C’est dans ce contexte que je présente les neuf recommandations que voici.
    Premièrement, il faut consulter les Autochtones pour connaître leurs opinions sur l’aide médicale à mourir et savoir si c’est une priorité pour eux. Vous pouvez le faire dans le cadre de la présentation de la stratégie sur la santé de chaque Première Nation, une exigence de financement des programmes de santé dans les réserves, et de consultations nationales auprès des Autochtones à l’extérieur des réserves, des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Il faut continuer de consulter les organisations autochtones nationales et d’accorder la même valeur à leurs opinions qu’à celles des personnes qui témoignent dans le cadre du présent processus.
    Deuxièmement, il faut donner suite aux recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation en matière de santé; modifier la culture du système de soins de santé par rapport à l’aide médicale à mourir à l’égard des Autochtones et lutter contre la partialité, la discrimination et le racisme dans le domaine de la santé des Autochtones.
    Troisièmement, il faut réaffecter des fonds de Santé Canada vers les services de soins primaires en mettant moins l’accent sur les programmes de santé publique. Nous ne pouvons pas avoir un système de santé qui se fonde sur la santé publique. Il doit se fonder sur les services de soins primaires. La santé publique ne peut pas exister en vase clos, et son existence ne devrait pas se faire au détriment des services de soins primaires.
    Quatrièmement, il faut donner suite aux recommandations du rapport Naylor sur la transformation des soins de santé, y compris la création d’un conseil sur la qualité des services de santé des Autochtones de manière à ce que nous puissions suivre de manière indépendante les résultats sur la santé des Autochtones et soutenir les collectivités autochtones. Les conseils sur la qualité des services de santé sont le fondement des systèmes de santé provinciaux. Le rapport Naylor traite plus en détail de la question.
    Cinquièmement, il faut créer une stratégie nationale sur la santé des Autochtones qui intègrent sans heurts l’aide médicale à mourir. Cela mérite d’être une priorité nationale distincte en matière de santé et non une sous-catégorie qui se trouve sous d’autres priorités en matière de santé. Les mesures pour s’attaquer à cette crise devraient se trouver au même niveau que l’assurance-médicaments, la crise des opioïdes et l’aide médicale à mourir.
    Sixièmement, il faut adopter une charte des droits des patients autochtones pour garantir la transition sans heurts des soins entre les systèmes fédéral et provinciaux et faire passer les besoins des patients avant les politiques et les procédures à Santé Canada. Il faut la rédiger de manière à réduire au minimum l’ambiguïté administrative et mettre l’accent sur la responsabilité des administrations.
    Septièmement, il ne faut pas créer un programme sur l’aide médicale à mourir sans consulter directement les populations qui pourraient avoir recours à ce processus. Dans un système où tout le monde meurt déjà, la création d’un programme qui permet littéralement aux patients de mourir intentionnellement dans le système de soins de santé désintéressera et marginalisera encore plus les patients et les familles autochtones.
    Huitièmement, il faut promouvoir l’accès à un organisme d’éducation respectueux des valeurs culturelles qui donnera de l’information sur les droits de vivre et de mourir du patient et les mécanismes juridiques qui les encadrent. Il faut autonomiser les patients en les informant.
    Neuvièmement, il faut traiter de manière transparente les plaintes des patients et de leur famille en ce qui a trait à la partialité, à la discrimination et au racisme dont font preuve des fournisseurs ou des administrateurs de soins de santé qui poussent les patients ou leur famille à opter pour l’aide médicale à mourir, et ce, sans mettre l’accent sur le patient et la famille. Le processus de plainte devrait expliquer les diverses manières de présenter une plainte, y compris par l’entremise des régions sanitaires, des organismes de réglementation et d’actions civiles.

  (1920)  

    Selon moi, et je tiens à le souligner, personne dans notre système de soins de santé ne cause délibérément du tort aux patients autochtones. Cependant, les traumatismes hérités de l'histoire, les attitudes du courant dominant et la conception même du système font que les torts persistent, qu'on le veuille ou non.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de participer à ces audiences. L'aide médicale à mourir est un enjeu important pour les patients canadiens et autochtones. Meegwetch.
    Merci beaucoup, docteur Lafontaine.
    Je crois que nous allons poursuivre dans la même veine, en restant dans le domaine médical, avant de revenir au domaine juridique. Nous allons donc passer au Dr Grant et à Mme Hickey.
    Merci, messieurs les présidents, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je suis le Dr Gus Grant. Je préside la Fédération des ordres des médecins du Canada, mais je témoigne aujourd'hui en ma qualité de registraire du College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia. Je suis accompagné de ma conseillère juridique, Marjorie Hickey.
    Notre collège a compétence sur la réglementation de la profession médicale en Nouvelle-Écosse. Les objectifs du collège sont définis par une loi provinciale: servir et protéger l'intérêt public dans la pratique de la médecine, préserver l'intégrité de la profession médicale et maintenir la confiance des gens et des professionnels dans la réglementation de la médecine. Je soutiens respectueusement que toute mesure législative concernant l'aide médicale à mourir devrait chercher à compléter le travail des collèges en ce sens.
    Le volet législatif du cadre doit fournir des précisions et des certitudes aux patients et aux médecins, sans toutefois restreindre le jugement médical des médecins ou sans limiter l'accès des patients. Les aspects de l'aide médicale à mourir qui sont fondamentalement d'ordre médical et qui touchent l'exercice du jugement professionnel, l'exécution des compétences cliniques ou l'essence de la relation patient-médecin devraient continuer à être réglementés par les collèges. Comme c'est toujours le cas en médecine, les moyens cliniques utilisés pour fournir de l'aide médicale à mourir évolueront au fil du temps. La législation ne peut restreindre ce genre de progrès. Définir, c'est limiter — voilà un adage que le collège ne perd pas de vue.
    Au bout du compte, l'effet combiné de la législation et de la réglementation doit aboutir à un cadre qui inspire confiance pour protéger adéquatement les patients vulnérables, promouvoir le droit du patient à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et tenir compte de la liberté de conscience du médecin. À cette fin, le collège fait les propositions suivantes sur certains aspects particuliers de l'aide médicale à mourir, aspects qui ont déjà été portés à l'attention du Comité.
    Relativement aux critères d'admissibilité et à la question des mineurs matures, le collège demande que les modifications législatives précisent si l'aide médicale à mourir n'est offerte qu'aux adultes capables ou si elle s'applique aussi aux mineurs matures. Le collège ne prend pas de position sur cette question, si ce n'est qu'il encourage une orientation législative explicite. Le collège appuie la définition que Mme Downie vous a présentée au début de la semaine.
    Par ailleurs, il faut réfléchir au sens de la désormais célèbre expression que l'on trouve dans l'arrêt Carter: « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Ces mots célèbres et leur interprétation ne manqueront pas d'évoluer. Le collège n'estime pas que cette évolution devrait être limitée par la législation, mais si la législation ne tient pas compte de ces mots, le collège insiste pour que l'esprit de l'arrêt Carter soit maintenu. Le principal critère à utiliser pour évaluer l'admissibilité doit demeurer l'expérience de la maladie chez le patient. L'admissibilité doit être déterminée surtout en fonction de l'expérience subjective du patient.
    Toutefois, pour assurer la protection des patients vulnérables, ainsi que la confiance du public envers le cadre, l'évaluation de l'admissibilité doit comporter un élément objectif. Le mot « grave » a été interprété comme voulant dire un état pathologique très grave qui nécessite, par conséquent, une évaluation objective de la gravité par les médecins; le collège appuie cette interprétation.
    À ce sujet, je voudrais ajouter un autre point. S'il vous plaît, évitez les listes. Vu le rythme des progrès en médecine, ce qui est grave aujourd'hui pourrait fort bien être curable demain.
    J'aimerais maintenant parler de la question de savoir quand appliquer les critères d'admissibilité définis dans l'arrêt Carter. Pour assurer une réglementation efficace, nous — c'est-à-dire notre collège et les autres collèges — avons besoin d'une directive législative précise sur la question de savoir à quel moment chacun des critères d'admissibilité doit être rempli. Malheureusement, l'arrêt Carter ne donne pas d'indications claires sur ces questions, et les collèges, le nôtre y compris, préfèrent obtenir une orientation législative, au lieu d'en être réduits à extrapoler à partir de l'arrêt Carter.
     Nous devons tenir compte de la courbe de détérioration du patient. Si tous les critères doivent s'appliquer à l'étape de la prescription ou de l'administration de médicaments, les patients qui perdent leur capacité de décision ou qui ne sont plus aptes à exprimer leur expérience de souffrance intolérable ne seront pas en mesure de se prévaloir de l'aide médicale à mourir, même s'ils en avaient peut-être fait la demande au préalable, alors qu'ils en étaient encore capables.

  (1925)  

    Pour éviter ce dilemme, une mesure législative pourrait également s'avérer nécessaire afin de déterminer le rôle des directives anticipées. À cet égard, le collège se contente de reconnaître qu'une myriade de nouvelles questions se posent lorsqu'on élargit la portée de l'aide médicale à mourir pour inclure les patients ne jouissant plus de leurs facultés.
    En ce qui concerne le processus clinique, voici ce que j'en pense. La plupart des provinces ont élaboré des normes professionnelles qui reposent sur les travaux de la Fédération des ordres des médecins du Canada et de l'Association médicale canadienne, et qui sont le fruit de vastes consultations. Contrairement à ce que Mme Downie a affirmé plus tôt cette semaine, ces normes sont, en grande partie, harmonisées.
    Je dirais qu'il est préférable de confier le processus clinique à l'organisme de réglementation. Ces normes abordent des questions précises dont est saisi votre comité. Plus particulièrement, faut-il des périodes d'attente définies par voie législative? Le collège n'appuie pas l'idée de légiférer les périodes d'attente. L'objectif devrait être de permettre aux médecins de déterminer l'admissibilité sans ambivalence et de prendre le temps raisonnablement nécessaire à cet égard, sans limiter indûment l'accès du patient. Des délais prescrits empiéteraient sur cet exercice essentiel du jugement professionnel.
    Combien de médecins devraient participer au processus, et qui devraient-ils être? C'est là une question qui, selon notre collège, ne nécessite pas de mesure législative. Le collège est d'avis que l'admissibilité devrait être évaluée ou déterminée par deux médecins. Nous en sommes encore à la phase préliminaire, et je crois que l'intervention de plus d'un médecin favorisera la confiance du public.
    Nous croyons aussi que dans les cas où le problème de santé grave et irrémédiable est principalement une maladie mentale, la détermination de l'admissibilité devrait être appuyée par une évaluation psychiatrique. Dans le cadre de nos consultations, certains ont dit craindre que les patients atteints de maladie mentale qui demandent à obtenir de l'aide médicale à mourir comptent parmi les plus vulnérables. À mon avis, le public sera rassuré par l'intervention d'un psychiatre.
    La médecine repose de plus en plus sur une approche d'équipe. Les professionnels paramédicaux travaillent en collaboration avec les médecins ou sous leur direction — songeons au personnel infirmier, aux thérapeutes, aux pharmaciens attitrés — et, à ce titre, ils ont besoin de la certitude législative que leur participation à l'aide médicale à mourir ne sera pas considérée comme illégale ou criminelle.
    La question suivante est peut-être la plus controversée: quelles sont les responsabilités des médecins aux prises avec un conflit de conscience, et qui devrait prescrire ces responsabilités? Nous devons faire face à notre histoire. J'entends par là l'expérience de notre pays en matière d'avortement et d'accès à la contraception, un domaine où les médecins ayant des objections de conscience se sont heurtés, et continuent à se heurter, à la même question. Dans bien des cas, que ce soit par leur silence ou par le recours à des faux-fuyants, les médecins ont choisi, et choisissent encore, de ne pas aider les femmes à accéder à un service juridique et médical qui va à l'encontre de leurs convictions personnelles.
    En toute déférence, je ne souscris pas aux arguments que le Dr Jeffrey Blackmer, de l'AMC, a présentés à votre comité. À titre de représentant d'un organisme de réglementation, je trouve qu'il est naïf de croire que l'accès à l'aide médicale à mourir ne posera aucun problème, que ce soit pour des raisons de conscience ou de géographie. Les collèges provinciaux ne s'entendent pas à l'unanimité sur la question de la conscience. Bien que l'absence d'une approche pancanadienne soit regrettable, ce fait à lui seul ne suffit pas pour justifier l'adoption d'une loi fédérale. Les obligations professionnelles et éthiques du médecin dans une telle situation difficile relèvent clairement des lois provinciales. Les collèges, par l'entremise de la Fédération des ordres des médecins du Canada, devraient viser l'uniformité non seulement pour établir les obligations des médecins, mais aussi pour déterminer les mesures disciplinaires éventuelles à la suite d'un manquement à ces obligations.
    En ce qui concerne la surveillance et la structure du programme, permettez-moi de faire ces deux dernières observations. Devrait-on instaurer un processus de surveillance officiel? La médecine repose sur des données. Un processus de surveillance officiel permettra à la médecine de recueillir des preuves quant aux conditions qui donnent lieu à la demande d'aide médicale à mourir. On pourra ainsi suivre la chronologie des événements entre la demande et le décès et, du coup, cerner des possibilités de recherche et d'intervention.
    Par-dessus tout, j'estime que le processus doit être de nature rétrospective. La profession médicale est tout à fait capable d'évaluer l'admissibilité et la prestation de soins. Ce processus, foncièrement médical, ne devrait pas être interrompu. Nous ne pouvons pas interposer un écran administratif entre le médecin et un patient en souffrance.

  (1930)  

    En dernier lieu, j'aimerais parler de la surveillance du médicament en tant que tel. Dans les pays qui autorisent l'aide médicale à mourir, le bilan est clair. La plupart des patients qui se font prescrire un médicament pour mettre fin à leurs jours finissent par ne pas le prendre.
    Selon le New England Journal of Medicine, nous assistons à une épidémie de décès causés par des surdoses d'opioïdes, et je remercie le Dr Lafontaine d'avoir soulevé ce point. Dans l'état actuel des choses, nous risquons de trouver bientôt des médicaments de fin de vie dans nos armoires à pharmacie, l'endroit privilégié des toxicomanes et des adolescents en quête de nouvelles expériences. Il faut donc mettre en place un système rigoureux de récupération des médicaments inutilisés. Le collège approuve l'idée d'instaurer un tel système par voie législative.
    Je vous remercie de m'avoir accordé le grand privilège de témoigner devant vous. Je serai heureux de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup, docteur Grant.
    Monsieur Russomanno, vous avez 10 minutes.
    Bonsoir. Au nom de la Criminal Lawyers' Association, je vous remercie d'avoir invité notre organisation à venir vous faire part de son opinion sur un sujet aussi important. Après avoir vu la transcription des allocutions prononcées par les témoins avant moi, je me sens vraiment honoré de faire partie de ce groupe de personnes et de prendre part à ce débat.
    La Criminal Lawyers' Association représente plus de 1 500 membres, la plupart étant des avocats de la défense en Ontario. Nos efforts visent, en grande partie, à assurer un accès à la justice en droit criminel et à protéger les libertés civiles des Canadiens.
    La plupart des clients de nos membres font partie, d'une façon ou d'une autre, des groupes vulnérables. Les membres de notre organisation aident régulièrement des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, qui font partie de groupes marginalisés, qui vivent dans la pauvreté ou qui sont peu scolarisées. En l'occurrence, notre position tient compte de la norme constitutionnelle minimale qui est énoncée dans l'arrêt Carter, et du rôle joué par le Parlement et l'échelon fédéral au regard de la conformité à l'article 7.
    La Criminal Lawyers' Association est contre le dédoublement ou l'ajout de complications inutiles dans le Code criminel, lequel est déjà assez complexe. Nous nous méfions de toute tentative d'incorporer, dans le Code criminel, ce qui constitue au fond une réglementation médicale. Nous doutons aussi de la compétence du gouvernement fédéral pour ce qui est de réglementer l'aide au suicide de façon globale aux termes du Code criminel. Comme nous le savons, le Code criminel est un outil très contondant, qu'il faut utiliser avec parcimonie. Il y a donc lieu de se demander en quoi consistera le rôle du gouvernement fédéral. Sera-t-il axé sur le droit criminel, qui est le point d'ancrage de la compétence? Quelle forme cela peut-il prendre?
    Par ailleurs, quelle est la pertinence continue du droit criminel et de la réglementation de l'aide médicale à mourir après l'arrêt Carter? C'est ce dont je suis venu vous parler au nom de la Criminal Lawyers' Association.
     Ayant pris connaissance de certains des premiers témoignages et ayant passé en revue l'arrêt Carter déjà plusieurs fois, je dois dire que cette décision établit assez clairement la norme constitutionnelle minimale. Dès le premier paragraphe, qui ne peut être plus clair, on explique le problème qui se pose en raison de la conformité à l'article 7.
    L'interdiction de conseiller le suicide, prévue dans le Code criminel, a une portée trop large, si bien qu'elle dépasse l'objectif législatif. En effet, selon les principes de justice fondamentale énoncés à l'article 7, il faut d'abord examiner l'objectif législatif, puis tenir compte de ses effets. Une portée excessive signifie qu'on ratisse trop large.
    Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a affirmé que cette interdiction générale amène malheureusement certaines personnes à faire un choix « cruel ». C'est ce qu'on peut lire au premier paragraphe de la décision. Une personne qui est inapte à consentir et qui est atteinte d'une maladie ou d'un problème de santé grave et irrémédiable, lui causant des souffrances intolérables, doit faire un choix cruel: soit mettre fin prématurément à ses jours, avant d'être en proie à d'intolérables souffrances ou douleurs, soit attendre de mourir de causes naturelles. La Cour suprême a conclu que ce choix était inconstitutionnel.
    Si nous acceptons que l'interdiction de conseiller le suicide demeure dans le Code criminel — et pour les besoins de la cause, je tiens pour acquis que c'est le cas —, le rôle du gouvernement fédéral consiste alors à créer une exception qui respecte les normes constitutionnelles minimales. Au-delà de cela, à la lumière des observations que je viens de faire, le recours à une réglementation globale ne ferait qu'empiéter sur les pouvoirs des gouvernements provinciaux, à qui il incombe de réglementer les soins de santé.
    C'est tout ce que j'avais à dire pour l'instant, à moins, bien sûr, qu'il y ait des questions.

  (1935)  

     Merci de votre exposé on ne peut plus clair.
    Madame Dabrusin.
    Je remercie tout le monde d'être des nôtres ce soir.
    Docteur Lafontaine, vous avez proposé, et c'était la deuxième recommandation dans votre liste, que nous tenions compte des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Je me demande si vous pouviez nous éclairer là-dessus.
    Plus précisément, j'ai jeté un coup d'oeil à la section sur la santé. La recommandation 22 demande aux intervenants du système de santé canadien « de reconnaître la valeur des pratiques de guérison autochtones et d’utiliser ces pratiques dans le traitement de patients autochtones, en collaboration avec les aînés et les guérisseurs autochtones, lorsque ces patients en font la demande ». En ce qui concerne l'application du jugement Carter, qui est l'objet de notre mandat, pouvez-vous nous expliquer un peu quelle forme cela pourrait prendre et sur quels aspects nous devrions nous pencher?
    Merci de votre question.
    Je vais revenir sur certaines des observations faites par le Dr Grant et M. Russomanno. Le Dr Grant a mentionné qu'il ne faut pas interposer la surveillance administrative entre le patient et le médecin. Comme je l'ai dit dans mon préambule, nous avons créé un système qui fait justement cela. Quand on examine plus particulièrement l'application de l'aide médicale à mourir dans le contexte des appels à l'action lancés par la Commission de vérité et réconciliation dans le domaine de la santé, on constate que le but est d'axer le système sur le patient. Il s'agit de s'assurer que l'objectif de la loi est atteint, comme l'a dit M. Russomanno.
    L'objectif 22 ne porte pas seulement sur le respect des pratiques de guérison traditionnelles; le résultat visé est de faire en sorte que les patients obtiennent accès à ces services d'une manière axée sur leurs besoins et sur ceux de leur famille, sans toutefois perdre de vue les réalités de notre système de soins de santé. À mon avis, en ce qui concerne l'application de l'aide médicale à mourir dans le cadre des provinces, les patients autochtones passeront entre les mailles du filet, parce qu'ils relèvent de la compétence fédérale. Santé Canada est censé offrir ces programmes pour s'assurer que les Autochtones vivant dans des réserves et ceux vivant hors réserve reçoivent des soins primaires, mais il existe souvent une ambiguïté sur le plan du partage des compétences.
    Par conséquent, au moment de rédiger les règles de l'aide médicale à mourir dans le contexte des patients autochtones, il importe de toujours songer aux résultats visés: le respect de la relation patient-médecin, la transparence et la réalisation de l'objectif de la loi, peu importe la politique ou la procédure en vigueur.

  (1940)  

    Merci.
    Il y a deux aspects dont j'aimerais parler. Vous avez soulevé la question du partage des compétences. J'y ai beaucoup réfléchi. Ce que nous entrevoyons comme possibilité, c'est que si les provinces choisissent de rédiger des règlements ou des lois en matière d'inclusion qui imposent, comme condition d'accès aux soins, la participation au régime d'assurance provincial, alors... En fait, je l'ignore, et vous pouvez peut-être me donner des éclaircissements à ce sujet. Si les Autochtones vivant dans des réserves sont assurés à l'échelon fédéral, est-il possible qu'ils soient exclus du champ d'application des lois provinciales?
    Je pense que cette possibilité existe. Le Dr Grant peut probablement traiter de la capacité des collèges de réglementation de faire respecter leurs normes sur les réserves.
    N'importe lequel des nombreux reportages que vous avez vus sur des patients qui sont morts dans des communautés du Nord servies par des cliniques de Santé Canada relevant du gouvernement fédéral constituerait un bon exemple. Nous savons qu'elles ne satisfont pas aux normes. Les cliniques installées dans le nord de l'Alberta, par exemple — Fort Vermilion est sous la responsabilité d'Alberta Health Services —, doivent offrir certains services, à défaut de quoi elles sont fermées et tous les patients sont redirigés à un autre endroit où ils peuvent recevoir des soins jusqu'à ce que les normes soient respectées de nouveau. Quand la même chose se produit dans une institution relevant du gouvernement fédéral, ce n'est pas ce qui se passe.
    Pour ce qui est de dire si c'est légal ou non, je ne pense pas qu'une cause juridique l'indique. Nous parlons d'ambiguïté des compétences, mais dans le cas des services d'aide aux enfants et à la famille, quand nous avons découvert qu'il y avait de la discrimination entre les enfants relevant du gouvernement fédéral et ceux se trouvant sous la responsabilité du gouvernement provincial, il a fallu une poursuite pour qu'on puisse dire si c'était ou non la bonne chose à faire.
    Tout ce système est maintenu de deux manières. La première, c'est en maintenant l'ambiguïté et en encourageant les patients à croire que, vous savez, les choses sont ainsi; il n'y a rien qu'on puisse faire. Mais je pense qu'il y aura une poursuite, qu'elle concerne l'aide médicale à mourir ou autre chose du domaine de la santé, qui permettra de clarifier cette responsabilité et la responsabilité du transfert sans heurts des soins, déjà établie dans le principe de Jordan. La deuxième manière, c'est en assurant l'uniformité des programmes dans l'ensemble des provinces.
    Doivent-ils être exclus? Je ne le pense pas. Le sont-ils actuellement? Certainement.
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Cooper.
    Docteur Grant, ai-je bien compris que vous avez indiqué que le College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia ne prend pas position quant au fait que l'euthanasie devrait être réservée aux adultes ou offerte également aux mineurs matures, par exemple?
    Nous considérons simplement qu'il faut une orientation explicite à cet égard.
    J'ai devant moi le document intitulé Standard of Practice: Physician-Assisted Death, du College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia. Dans la section 5, qui porte sur les critères d'admissibilité, il est indiqué que le patient doit être adulte. Puis, dans la section 11, qui comprend les définitions, l'adulte est défini comme étant « une personne âgée de 19 ans ou plus ».
    Il semblerait donc que le College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia ait une position. Pourriez-vous m'expliquer cela?
    Certainement. En l'absence d'une réponse dans l'arrêt Carter, notre collège, et la plupart des collèges, ont considéré qu'il faudrait élaborer des normes, la plupart ayant loyalement adopté celles exprimées dans cet arrêt. Notre collège a toutefois jugé qu'il ne lui revenait pas d'extrapoler à partir de l'arrêt Carter. Nous avions l'impression, d'après le libellé de la décision, qu'un patient adulte correspondait précisément à cette définition. Nous admettons toutefois qu'il existe des précédents juridiques et qu'il faut éclaircir la question juridique d'un mineur mature. Nous considérons donc aujourd'hui que c'est une question qui doit être éclaircie.

  (1945)  

    Merci de cet éclaircissement.
    Passons maintenant à la question des médecins praticiens; à titre de médecin, pourriez-vous peut-être traiter de la capacité qu'aurait, par exemple, un médecin de famille de déceler et de diagnostiquer un trouble psychiatrique?
    Pour avoir pratiqué la médecine familiale pendant plus de 15 ans, je dirais que la majorité des cas qui se présentaient à mon cabinet avaient un élément, peut-être pas dominant, de maladie mentale. C'est, malheureusement, quelque chose de très courant pour les médecins de famille, et je pense que presque tous les médecins généralistes sont tout à fait à même de composer avec la maladie mentale.
    Bien entendu, lorsqu'ils se retrouvent devant un patient dont ils considèrent que l'état dépasse leurs compétences, ils font appel à des consultants pour obtenir de l'aide.
    C'est pourquoi, par exemple, il est recommandé, dans les normes établies, qu'un psychiatre réalise la deuxième évaluation dans le cas d'une maladie mentale. Pourquoi cela serait-il nécessaire si un médecin de famille peut poser le diagnostic?
    Il y a un certain nombre de questions en pareil cas. Selon la norme proposée, quand le problème grave et irrémédiable est principalement une maladie mentale, un psychiatre devrait donner son opinion sur l'admissibilité pour que le médecin qui détermine cette admissibilité puisse s'appuyer sur l'avis d'un psychiatre qui pourrait déjà être présent. Je pense qu'au cours de la dernière session — et le nom du médecin m'échappe pour le moment —, le témoin qui comparaissait par vidéoconférence a fait remarquer que l'obligation de faire intervenir un psychiatre dans tous les cas pourrait créer un problème d'accès.
    Je considère que nous devons également admettre que puisque ce nouveau service médical et ce nouveau droit des patients en sont à leur tout début, à mesure que la profession s'habitue de plus en plus à prendre des décisions sur des questions de ce genre, tous les intervenants seraient rassurés par la présence d'une opinion de psychiatre.
    Vous laissez donc entendre que l'opinion d'un psychiatre serait de mise dans toutes les affaires de ce genre, qu'elle constituerait au moins une bonne mesure de protection ou, comme vous l'avez dit, qu'elle rassurerait les intervenants.
    Ce n'est pas l'opinion du psychiatre sur laquelle nous considérons qu'il faudrait s'appuyer qui déterminerait l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Nous considérons simplement que lorsque le problème principal en est un de maladie mentale, la décision relative à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir devrait s'appuyer sur l'opinion d'un psychiatre.
    Merci, docteur Grant.
    Monsieur Rankin.
    Merci.
    Je suppose que cette question s'adresse au Dr Grant. Nous comprenons que les décisions de fin de vie, comme l'arrêt du maintien des fonctions vitales, par exemple, soulèvent les mêmes questions que celles qui nous préoccupent ici. Je pense à l'évaluation de la capacité, au consentement éclairé et à d'autres points.
    Pourriez-vous nous décrire le processus de vérification le plus rigoureux qui pourrait être appliqué avant qu'une demande complexe ou litigieuse d'arrêt du maintien des fonctions vitales soit acceptée? Comment procède-t-on?
    Tout repose sur la relation entre le patient et le médecin. L'essence de la pratique de la médecine, c'est comprendre l'état de santé de son patient, de le voir à travers ses yeux, et les médecins déterminent quotidiennement la capacité de décision ou la compétence. À la base même, l'arrêt Carter confirme que cette relation constitue la pierre angulaire sur laquelle notre système est bâti.
    Il s'agit d'un territoire nouveau. Même si la détermination de la capacité pour obtenir un consentement éclairé est fondamentale en médecine, je prévois que les médecins confrontés à cette situation recourront souvent à une autre opinion, comme nous le faisons toujours. La collaboration fait partie intégrante de notre profession. Lorsqu'ils font face à des questions nouvelles ou complexes, comme celle que vous décrivez, les médecins ont comme seconde nature d'obtenir l'opinion de collègues, qu'il s'agisse d'un psychiatre ou, dans certaines situations, comme l'a évoqué le président Oliphant dans sa question, des comités d'éthique ou des autorités sanitaires. Il est naturel pour les médecins de conforter leur opinion en faisant appel à celle d'autres personnes.

  (1950)  

    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Russomanno, et merci.
    Ma question concerne la responsabilité criminelle des médecins. Quel degré d'inconduite exposerait un médecin à une poursuite criminelle plutôt qu'à des mesures disciplinaires de son ordre professionnel? Nous nous devons de protéger les gens vulnérables. Il ne fait aucun doute que des problèmes se poseront quand un médecin qui fournit l'aide franchit la limite. On nous a demandé de mettre un grand nombre de nos oeufs dans le panier des pouvoirs disciplinaires du collège, mais il a encore une responsabilité criminelle dans certaines situations.
    J'aimerais que vous traitiez un peu de cette frontière.
    Volontiers, et comme je l'ai indiqué, le droit pénal est un moyen drastique. Il y a lieu de se demander s'il convient seulement de l'utiliser.
    Le fait de conseiller le suicide est en réalité une sous-catégorie du droit de l'homicide. Bien souvent, si ce n'est dans la totalité des cas, le fait de conseiller le suicide est simplement une autre catégorie de meurtre, sans la peine minimale obligatoire d'emprisonnement à perpétuité.
    L'utilisation du Code criminel pour criminaliser la conduite des médecins qui pourraient ne pas respecter l'exception, qui doit être créée et a en essence été prévue dans l'arrêt Carter, pourrait être considérée comme une manière très sévère de traiter ces médecins. Vous posez une excellente question. La réponse pourrait reposer davantage dans le recours au pouvoir discrétionnaire de la Couronne, puisque les procureurs de la Couronne l'exercent quotidiennement. En fait, même en déposant une accusation pour avoir conseillé le suicide au lieu d'une accusation de meurtre, on exerce un pouvoir discrétionnaire qui a une incidence considérable.
    Juste pour continuer dans la même veine, l'accusation dans le pire cas d'inconduite en serait vraisemblablement une d'aide illégale au suicide ou d'homicide.
    De meurtre, oui.
    L'une entraîne une peine maximale de 14 ans, je crois, et l'autre, une peine d'emprisonnement à perpétuité. Si c'est le cas, cela n'inciterait-il pas les médecins à préférer le suicide assisté à l'euthanasie volontaire?
    Je ne suis pas certain de comprendre en quoi cela...
    Il y a peut-être deux dispositions du Code criminel qui s'appliquent en pareille situation. L'une entraînerait une accusation d'homicide et l'autre, une accusation d'aide au suicide apportée de manière inappropriée.
    Votre question se fonde peut-être sur les réponses données par la conseillère juridique du ministère de la Justice — dont le nom m'échappe —, laquelle semble assimiler le fait de conseiller le suicide avec l'aide médicale à mourir, alors que l'euthanasie s'apparenterait davantage au meurtre. C'est un avis que je ne partage pas.
    L'aide médicale à mourir, si elle ne respecte pas l'exception prévue dans l'arrêt Carter, constitue, de toutes les manières que je peux imaginer, un meurtre. Il est à la discrétion de la Couronne de déterminer si une personne est accusée non pas de meurtre, mais d'avoir conseillé le suicide. Quand il est question d'aider et d'encourager un meurtre, par exemple, pour présenter les choses à l'extérieur du contexte de l'aide médicale au suicide, sachez que si quelqu'un founit à une personne une voiture pour s'échapper en connaissant son intention de commettre un meurtre et que cette personne tue quelqu'un, celui qui a fourni la voiture est également coupable de meurtre.
    Je vais accorder une minute supplémentaire à M. Rankin si Mme Hickey veut intervenir, car vous avez parlé de la frontière entre le droit pénal et la discipline réglementaire. J'ignore si vous voudriez ajouter quelque chose.
    J'appuierais simplement les propos de M. Russomanno sur la sévérité du Code criminel et je recommanderais vivement l'élaboration de normes professionnelles dans les domaines les plus nuancés qui font appel au jugement clinique des médecins, qui peuvent évaluer les situations individuelles, pour que le Code criminel ne contienne que des dispositions qui exigent la clarté quant aux critères d'admissibilité. Les médecins auraient ainsi la discrétion d'exercer leur jugement, et il reviendrait aux autorités médicales de réglementation provinciales d'examiner l'affaire de la manière nuancée qui peut mieux s'appliquer dans le cadre de ce mécanisme qu'en vertu de l'instrument sévère qu'est le Code criminel.

  (1955)  

    Merci. Quelle joie que d'être entourés de médecins et d'avocats.
    Des voix: Oh, oh!
    Sénatrice Seidman.
    Merci beaucoup de témoigner.
    Je commencerai par le Dr Grant.
    Quand Peter Hogg a comparu devant le Comité à la fin de janvier, il a proposé que la loi fédérale soit élaborée de manière à fournir un cadre très exhaustif quant à l'aide médicale à mourir au Canada, sous réserve qu'elle ne s'applique pas dans les provinces et les territoires ayant adopté des régimes d'aide médicale à mourir fort similaires.
    D'autres témoins nous ont par contre indiqué que le cadre fédéral devrait être beaucoup moins exhaustif.
    Avez-vous une opinion au sujet de la proposition de M. Hogg? Ce dernier est, bien entendu, un éminent expert du droit constitutionnel, et nous avons beaucoup de respect pour ce qu'il a dit, mais je pense qu'un représentant d'un collège provincial pourrait avoir de la perspective. Il n'en a aucune; il n'a pas la moindre expérience des aspects médicaux du dossier, ce qu'il a d'ailleurs admis sans hésiter.
    Je pense que ce que je crains le plus, c'est une loi trop normative. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, une grande partie de la question touche l'essence fondamentale de la médecine, qui consiste à comprendre le patient et à obtenir un consentement éclairé. Je crains que la loi fédérale ne soit trop ambitieuse, trop normative, et qu'elle ne s'immisce dans cette relation. En outre, elle n'aurait peut-être pas la souplesse nécessaire pour suivre l'évolution de la médecine.
    Ne vous méprenez pas: notre collège et les collèges en général se réjouiront de recevoir de l'orientation sur les points de l'arrêt Carter qui ne sont pas clairs ou — et c'est peut-être encore plus important — qui ne relèvent pas de notre mandat. La loi fédérale et la modification du Code criminel seront utiles dans certains domaines plus clairs, mais je recommanderais de ne pas soumettre aux contraintes de la loi cette nuance médicale, cette relation médicale qui sont au coeur de l'affaire.
    En fait, vous avez dit, au début de votre exposé, que les aspects fondamentalement médicaux et cliniques devraient relever des collèges; mais qu'en est-il du processus et des procédures, qui nous préoccupent quelque peu? Par processus et procédures, j'entends les démarches qui devraient être prises pour faire une demande d'aide médicale à mourir et pour fournir l'aide médicale à mourir.
    Avez-vous l'intention de nous dire que cela devrait rester entre le médecin et le patient?
    Je dirais que oui. Merci de me poser la question. Oui.
    Voici ce que je vous dirais: les collèges et la profession médicale ont besoin d'éclaircissements à certains égards, et dans mon mémoire, je traite de la courbe de détérioration du patient. Nous avons besoin d'orientation. Les médecins doivent savoir qu'ils s'appuient sur de solides assises juridiques. Il en va de même pour les patients et leurs familles. C'est une période extrêmement stressante pour ces dernières, et je pense qu'elles méritent de savoir que les choses se passent de manière claire et ordonnée.
    Une loi fédérale qui clarifierait les points encore nébuleux, comme le moment où on applique les critères, serait la bienvenue, mais laissez à la profession médicale ce qui est essentiellement des questions médicales.
    Merci.
    Docteur Lafontaine, merci beaucoup de l'exposé que vous nous avez présenté ce soir. Il était fort révélateur, et il était important que nous l'entendions.
    J'aimerais, si je le puis, vous poser une question plutôt pragmatique. Cela concerne certains témoignages que nous avons entendus, selon lesquels les professionnels des soins de santé réglementés, comme les infirmières autorisées ou les auxiliaires médicaux, devraient pouvoir offrir l'aide médicale à mourir sous la direction d'un médecin ou d'une infirmière praticienne. Les témoins ont particulièrement fait référence à l'accès des citoyens et de diverses personnes. Cela pourrait s'appliquer aux communautés autochtones et aux Premières Nations vivant dans le Nord, où les gens n'ont pas le même genre d'accès aisé à l'aide médicale à mourir que la loi pourrait prévoir.

  (2000)  

     C'est un excellent point; je vous remercie de la question. Je vais revenir au commentaire qui a été fait précédemment concernant la déclaration de la Cour suprême, qui a affirmé que c'est un choix « cruel ». À mon avis, en rédigeant ainsi l'arrêt Carter, la Cour suprême visait à garantir que les patients aient voix au chapitre par rapport à un choix inconstitutionnel.
    Le Dr Grant a maintes fois parlé de revenir à l'essence de la relation patient-médecin; je pense que c'est là une relation qui existe avec tout type de professionnel de la santé, qu'il soit médecin ou non.
    L'une des réalités de la médecine, c'est que si vous vous retrouvez dans la salle d'opération où je suis anesthésiste, vous n'avez aucun pouvoir. Vous n'avez que celui que je vous accorde. Si vous commencez à résister et que je détermine que vous avez déjà donné votre consentement éclairé, je peux vous donner un médicament qui altérera votre perception et vous empêchera de résister. Je pense que c'est un aspect dont il faut tenir compte dans le cas des collectivités éloignées, en particulier dans les collectivités autochtones dont vous avez parlé.
    L'objectif de tout aspect de cette mesure législative devrait être d'éliminer le déséquilibre des pouvoirs entre les médecins — ou tout autre fournisseur de soins de santé — et leurs patients. À titre de fournisseurs de soins de santé, nous avons l'extraordinaire responsabilité de l'affectation des ressources, que nous exerçons délibérément par l'intermédiaire des politiques que nous appliquons, mais aussi par l'intermédiaire de nos décisions. Plus tôt, lorsque M. Russomanno a indiqué que la Couronne dispose d'un pouvoir discrétionnaire quant au type de responsabilités applicables, on se trouve à retirer le pouvoir au patient. Tandis que nous élaborons de plus en plus de politiques — ou toute autre loi qui pourrait être adoptée — qui renforcent la position des médecins, ou des infirmières, nous devons garder à l'esprit que l'arrêt Carter visait à habiliter les patients et non à créer d'autres obstacles juridictionnels ou à accroître le déséquilibre des pouvoirs qui existe déjà entre le patient et d'autres entités.
    Que le service soit offert par une infirmière ou toute autre personne, il faut garder à l'esprit que notre objectif fondamental est de nous assurer que le patient a le choix.
     J'ajouterais brièvement que l'aide médicale à mourir n'est pas simple. En tant que personne formée pour l'administration de divers médicaments à des fins précises, je peux vous dire que cela n'a rien de simple. Par conséquent, il faut aussi savoir si une formation ultérieure sera offerte pour que les gens puissent être à l'aise d'offrir cette solution.
     Avant de céder la parole au sénateur Joyal, j'aimerais permettre à M. Russomanno de nous donner, aux fins du compte rendu, des précisions sur un aspect qui pose problème à nos analystes. Cela se rapporte à l'article 241 du Code criminel, qui comporte les alinéas a) et b). L'alinéa a) porte sur le fait de conseiller à une personne de se donner la mort. L'alinéa b) porte sur le fait d'aider ou d'encourager quelqu'un à se donner la mort.
    L'arrêt Carter traite de l'alinéa 241a), et vous faisiez constamment allusion à l'alinéa 241b), tandis que nous avons tendance à les amalgamer. Nous voulons simplement que ce soit clair, aux fins de discussion.
    Je vous remercie de l'occasion d'en parler. Nous parlons de divers types de responsabilité civile. Donc, en vertu de l'article 21, je crois...
    J'ai inversé b) et a), mais vous comprenez ce que je voulais dire.
    Je vais vous croire sur parole.
    En général, pour la plupart des infractions, les questions liées à la responsabilité civile sont traitées dans l'article 21 du Code criminel, notamment aider, inciter ou encourager quiconque à commettre une infraction. La responsabilité civile prend diverses formes. Il est possible, simplement avec des paroles, d'inciter quelqu'un à commettre un acte criminel, ce qui semble être en parallèle à l'alinéa 241b), selon lequel l'acte visant à aider — fournir à une personne un médicament entraînant la mort, par exemple — ne se limite pas à encourager par la parole, mais joue un rôle déterminant en entraînant la mort de cette personne.
    Quoi qu'il en soit, cela nous ramène à la notion de responsabilité en vertu du Code criminel. Il s'agit donc simplement de diverses formes de responsabilité civile, selon la nature de l'infraction.
    Je ne sais pas si cela aide à clarifier les choses.

  (2005)  

    Permettez-moi de consulter les analystes.
    Cela aide-t-il à clarifier le tout? Je sais que vous êtes timides...
    Très bien; nous préciserons cela plus tard. Vous pourriez rester quelques minutes de plus pour que nous puissions nous assurer d'avoir bien compris.
    Avec plaisir.
    Je vais maintenant donner la parole à un autre avocat, le sénateur Joyal.
    Vous ne serez pas surpris que je veuille continuer de parler de l'aspect juridique de la question. Pour revenir à votre réponse sur ce que nous devrions faire si un médecin ou un fournisseur de soins de santé ne respectait pas la loi que le Parlement pourrait adopter en matière d'aide médicale à mourir ou d'euthanasie, devrions-nous nous en tenir aux dispositions actuelles du Code criminel ou — compte tenu de la décision de la Cour — devrions-nous considérer qu'il pourrait y avoir des circonstances atténuantes liées au fait d'avoir conseillé le suicide ou d'y avoir participé? Comme vous le savez, il s'agit d'infractions distinctes.
    En ce qui concerne le médecin, ne devrait-il pas y avoir moyen de trouver un juste équilibre, étant donné que nous sommes dans un tout autre contexte — il existe dans ce cas une relation privilégiée, comme l'ont reconnu le docteur et Mme Hickey — et qu'il s'agit d'une profession régie par un ordre professionnel? Autrement dit, il y a là un élément qui serait absent dans le cas d'un suicide non médicalement assisté. Je parle du contexte de la vie de tous les jours, d'une situation où une personne comme moi conseillait à quelqu'un de se suicider. Je ne suis pas médecin, et je ne peux aucunement donner à quelqu'un des conseils professionnels sur sa santé.
    Ne devrions-nous pas considérer qu'il existe un juste milieu? Dans notre rapport au Parlement, par rapport aux infractions à la loi que nous sommes en voie de rédiger, ne devrions-nous pas proposer qu'on examine certains aspects de l'établissement des peines, comme les circonstances atténuantes ou diverses échelles de sanctions?
    Si j'ai bien compris, cela semble être lié à la détermination de la peine. Dans sa forme actuelle, l'article 241 prévoit une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. Il semble donc y avoir une grande latitude quant à la détermination de la peine.
    Afin de préciser également le recours au droit pénal pour rendre les médecins responsables, nous avons ajouté une protection de mens rea en vertu du droit pénal par rapport à l'aspect psychologique de l'infraction criminelle. Par exemple, on pourrait supposer que la norme de négligence ne serait pas assez élevée pour satisfaire au critère de mens rea qui, dans le Code criminel, est la plupart du temps un élément subjectif. On pourrait dire que le médecin devrait savoir pertinemment que la personne n'a pas donné son consentement éclairé. Cela pourrait atténuer certaines préoccupations voulant que les médecins soient responsables d'actes qui pourraient être contraires à l'exception prévue dans l'arrêt Carter.
    En ce qui concerne les peines, je pense qu'en général, la Criminal Lawyers' Association estime que le recours aux dispositions du Code criminel devrait être peu fréquent, et que dans bien des cas, d'autres régimes permettraient de traiter de ce genre d'inconduite, si vous me permettez d'employer ce terme. Je n'essaie pas d'atténuer la gravité de la situation, évidemment, mais il existe des organismes de réglementation chargés de traiter les dossiers des médecins qui sont négligents ou qui commettent des actes d'inconduite à cet égard.
    Je ne sais pas par quel autre moyen vous pourriez ajouter au Code criminel un pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine. Selon moi, les peines maximales actuelles offrent une marge de manoeuvre amplement suffisante. À mon avis, il s'agit d'une infraction punissable par mise en accusation. En faire une infraction mixte pourrait permettre d'accroître cette latitude, car on accorderait un plus grand pouvoir discrétionnaire au procureur du ministère public.

  (2010)  

    C'est à cela que je pensais; en fait, c'était ma prochaine question. Ainsi, la Couronne pourrait exercer un pouvoir discrétionnaire par rapport à la nature des circonstances de l'infraction, ce qui aurait pour effet d'atténuer, comme vous l'avez indiqué, la portée des dispositions actuelles du Code criminel relatives à cette infraction.
    Oui. En général, les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire entraînent une peine maximale de seulement six mois d'emprisonnement. Dans d'autres cas, le maximum est de 18 mois. C'est l'une des principales différences. En outre, lorsque le ministère public choisit de procéder par procédure sommaire, on considère en général qu'il s'agit d'une infraction moins grave. Cela pourrait être une façon d'accroître le pouvoir discrétionnaire prévu au Code criminel.
    Étant donné que vous êtes aussi avocat, docteur Grant — évidemment, Mme Hickey a sans doute une opinion à ce sujet —, qu'en pensez-vous?
    Il y a deux types d'infractions possibles. C'est peut-être trop large, mais l'une d'entre elles serait selon moi la prestation inadéquate de l'aide médicale à mourir. Si cela s'accompagnait d'une exigence de mens rea, ce serait intrinsèquement criminel. Autrement, on parle de l'exercice inapproprié du jugement professionnel, ce qui relèverait de la réglementation. Les ordres de réglementation sont au fait de ces chevauchements. Malheureusement, nous voyons trop souvent ce genre de cas.
    L'autre type d'infraction serait la restriction injustifiée de l'accès, dont j'ai parlé dans mon exposé. Cela me préoccupe. À ma connaissance, si un médecin restreint l'accès à un patient admissible, par obscurcissement ou tout autre stratagème, rien ne rend un tel acte criminel; ce sera au Comité d'en étudier la possibilité. Toutefois, je dirais qu'un organisme de réglementation traiterait le dossier avec sévérité.
    Merci, docteur Grant.
    Monsieur Aldag.
    Merci.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine, en ce qui concerne les obstacles et l'accès. Il s'agit d'examiner les pouvoirs dont disposent les organismes de réglementation provinciaux du pays pour influencer le cours des choses.
    Permettez-moi de revenir en arrière. Plusieurs médecins m'ont parlé de l'utilisation de la marijuana à des fins médicales, qu'ils considèrent comme un exemple de choses qui sont actuellement légales, mais pour lesquelles il subsiste dans la profession une incertitude quant à savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Certains médecins ont indiqué qu'ils n'en prescrivent pas parce qu'à l'ACPM, les responsabilités ne sont pas clairement définies. Certains ont le sentiment qu'ils seront pointés du doigt par les ordres des diverses provinces s'ils rédigent trop d'ordonnances.
    J'espère que vous pourrez me rassurer et me dire que les collèges des médecins joueront le rôle de facilitateurs plutôt que nuire à l'accès aux services. On a beaucoup parlé de l'objection de conscience. Il y a un collège des médecins qui ne voudra tout simplement pas participer, et j'espère que cela n'incitera pas les ordres professionnels chargés de la surveillance à mettre en place des mesures dissuasives pour restreindre la participation. Cela pourrait prendre diverses formes: sanctions, menaces de sanctions, réduction ou menace de réduction de la portée du permis d'exercice en raison d'un trop grand nombre d'ordonnances, d'une trop grande participation, voire le fait de ne pas avoir mené diverses activités. Nous avons cherché à savoir si des gens se spécialisaient dans ce domaine. Cela restreint-il leur capacité d'exercer pleinement la profession de médecin?
    J'aimerais avoir votre point de vue, celui des collèges des médecins, sur la façon d'éviter les restrictions arbitraires ou les obstacles à l'accès, et sur la façon d'habiliter les médecins. Nous avons entendu que plus 30 % d'entre eux y sont favorables. Comment pouvons-nous veiller à ce qu'ils puissent participer à des initiatives d'aide médicale à mourir sans être sous pression de la part des collèges des médecins?
    « Veiller » est un mot fort puissant. L'arrêt Carter indique clairement qu'aucun médecin ne peut être obligé d'y participer. L'ensemble des collèges s'attend — à juste titre, selon moi — à ce qu'une coalition de médecins manifeste son désir d'offrir ce service. C'est certainement arrivé dans d'autres pays permissifs. Évidemment, je pense qu'il est raisonnable, dans le cadre de nos discussions, de s'attendre à ce que certains médecins appuient cette mesure, et que d'autres ne l'appuient pas.
    Quant aux collèges des médecins, dans la foulée de l'arrêt Carter et du vide juridique qui prévalait, je peux vous dire, à titre de président de la Fédération des ordres des médecins du Canada, que tous les ordres voulaient mettre en place des cadres rigoureux concernant l'offre de tels services. Les ordres des médecins sont unanimes: le plus haut tribunal du pays a créé un droit; la question est de savoir comment faciliter son application.

  (2015)  

    Très bien. Je voulais entendre les ordres des médecins le dire. L'AMC nous l'a indiqué, mais nous n'avions pas entendu le point de vue des ordres à ce sujet.
    J'aimerais poursuivre en parlant des préoccupations de l'ACPM. Je ne sais pas qui s'exprime au nom de l'organisme, mais c'est un sujet intéressant. Cela devient-il une mesure dissuasive? Comment les médecins qui offrent des services d'aide médicale à mourir peuvent-ils savoir que cela n'aura aucune incidence sur leur admissibilité aux régimes d'assurance? La question est-elle pertinente?
    Je dirais d'abord que je ne peux m'exprimer au nom de l'ACPM...
    D'accord, mais en tant que médecin, vous connaissez sûrement les risques.
    Cela dit, je peux vous assurer qu'à l'instar des ordres des médecins, nous avons collaboré pleinement. Le plus haut tribunal du pays a reconnu cela comme un droit. L'organisme souhaite donc avoir des précisions et une orientation quant à l'accès à ce droit.
    Encore une fois, je ne parle pas au nom de l'ACPM, mais j'ai souvent des discussions avec ces gens, et je sais qu'il s'agit là de leur point de vue.
    D’accord.
    Le College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia nous a remis un document raisonné. Il comprend des sections sur les responsabilités des premiers et seconds médecins. Y a-t-il eu des discussions… est-ce au-delà de la portée de votre groupe de se pencher sur le rôle d’autres professionnels de la santé? Nous avons beaucoup discuté des infirmières et infirmières praticiennes, mais ce document ne mentionne que les médecins. Je me demande simplement s’il y a…
    La principale raison, c’est que ces métiers ne sont pas de notre ressort. Notre objectif était de combler un vide, dans la mesure du possible. C’est pourquoi nous avons élaboré le document le plus complet possible en fonction de notre compétence et l’avons partagé avec d’autres professionnels de la santé à des fins de consultation. Comme je l’ai dit dans mon exposé, il ne fait aucun doute que les travailleurs et professionnels de la santé avec qui les médecins travaillent recherchent une certaine assurance et celle-ci doit venir d’une loi, sinon il sera impossible d’offrir ce service.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à souligner que, plus tard cette semaine, nous accueillerons l’Association canadienne de protection médicale, l’ACPM. Nous pourrons alors aborder cette question plus en détail.
    Monsieur Warawa, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Albrecht.
    Ma question s’adresse au Dr Lafontaine.
    Merci d’avoir accepté de participer à cette séance par vidéoconférence. Tout comme le témoin que nous avons entendu hier, un professeur, vous vous inquiétez du manque de consultation auprès des communautés autochtones. Comme vous le savez, la Cour suprême du Canada a obligé le Parlement à mettre en place un système conçu avec soin qui impose des limites scrupuleusement surveillées et appliquées. Pour créer un tel système, il faut mener des consultations. Or, nous avons très peu de temps. Le Parlement a jusqu’au 6 juin pour mettre en œuvre une loi sur la question. Le processus actuel prendra environ un mois, ce qui nous laissera trois mois pour rédiger la loi — environ un autre mois — et la faire adopter à la Chambre et au Sénat — environ deux mois.
    Selon vous, comment devrait-on procéder pour consulter les communautés autochtones? Comment faire pour leur démontrer que nous respectons leurs positions et leurs opinions et que la consultation des communautés autochtones est importante?
    Ma réponse comporte deux volets. Premièrement, je m’attends à ce qu’une loi aussi complexe évolue avec le temps. Donc, malgré l’obligation de créer une loi raisonnée, il est important de réfléchir à son évolution. Comme l’a souligné M. Grant, un problème de santé grave et irrémédiable aujourd’hui pourrait ne plus l’être demain. En ce sens, la loi doit être souple.
    Deuxièmement, la consultation doit se dérouler sur une période de temps. Or, comme vous l’avez correctement souligné, peu importe la procédure adoptée, les trois ou quatre mois dont vous disposez ne seront pas suffisants pour mener une consultation adéquate. Les gens n’auront pas le temps de réfléchir à l’ampleur et à la portée de la question.
    Comment faire pour procéder de façon pondérée? À mon avis, vous disposez déjà d’un réseau d’organisations autochtones qui pourraient vous aider. Communiquez avec elles et demandez-leur de rédiger un exposé de position sur certains des points que j’ai soulevés. Elles auront certainement d’autres points à soulever.
    Assurez-vous qu’il existe un processus de surveillance transparent, notamment pour les peuples autochtones, y compris pour les ambiguïtés administratives qui existent parfois avec des programmes administrés par le gouvernement fédéral. Selon mon expérience auprès de patients autochtones, le plus important est de s’assurer qu’il existe un mécanisme de rétroaction pour les patients. Une fois adoptée, la loi doit comprendre une composante permettant aux patients de communiquer avec un organisme central quelconque. Peu importe que cette responsabilité revienne aux organismes de réglementation provinciaux ou autre, quelqu’un doit être responsable du traitement des plaintes liées à ce processus. Les consultations joueront un rôle important dans l’évolution de la loi.

  (2020)  

    Dans le cadre de cette évolution, selon vous, la loi devrait-elle faire l’objet d’un examen annuel ou semestriel pour favoriser les modifications nécessaires? Devrait-elle être rigoureuse dès le début pour devenir plus souple avec le temps? Le processus d’évolution rendra-t-il la loi plus rigoureuse ou plus souple?
    Le plus important avec cette loi, c’est de s’assurer que les résultats souhaités sont clairs. L’objectif est-il d’accorder plus de liberté aux procureurs de la Couronne dans leur façon d’engager des poursuites judiciaires? Est-il de s’assurer que le pouvoir revient aux organismes de réglementation? Est-il d’avoir un système axé sur les patients, c’est-à-dire que c’est le patient qui définit ce qui constitue une situation importante ouvrant la voie à une intervention de ce genre? Ça, c’est la première chose: établir des résultats souhaités clairs et bien définir la distribution du pouvoir. Deuxièmement, il faut mettre en place un système de surveillance pour s’assurer que les résultats souhaités sont atteints.
    À mon avis, avec une loi aussi complexe et qui concerne plusieurs intervenants, il est facile de se perdre dans le processus. Selon moi, la question à laquelle il faut répondre pour les peuples autochtones est la suivante: « Les patients autochtones sont-ils habilités? » Point à la ligne. Peu importe qui est responsable, c’est le résultat qu’il faudra mesurer.
    Sénatrice Seidman, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Si vous me le permettez, je vais laisser mon temps de parole au sénateur Joyal.
    D’accord. Nous avons suffisamment de temps pour vous deux, si vous le voulez, environ quatre minutes chacun.
    Je vais tout de même laisser mon temps de parole au sénateur Joyal.
    Merci, monsieur le président. Voilà un exemple de l’indépendance et de la non-partisanerie du Sénat.
    Monsieur Russomanno, j’aimerais revenir à la définition de l’infraction mixte. On retrouve un certain nombre d’infractions mixtes dans le Code criminel. Pourriez-vous nous expliquer les principes qui régissent l’infraction mixte par rapport à un acte criminel? Autrement dit, quels sont les éléments importants qui définissent une infraction mixte et un acte criminel?
    Dans le cas d’un acte criminel, il n’y a aucune limite de temps quant au moment où l’acte présumé a été commis. Il peut avoir été commis plusieurs années plus tôt. Dans le cas d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou d’une infraction mixte qui permet le recours à une procédure sommaire, l’infraction présumée doit avoir été commise tout au plus 6 mois avant. Je vais revenir un peu en arrière et dire que, dans le cas d’une infraction mixte, la Couronne peut choisir de procéder par voie de mise en accusation ou par procédure sommaire. Un acte criminel est un acte criminel. Point à la ligne. L’autre limite relative à une infraction punissable par procédure sommaire, c’est que la peine maximale est de 18 mois, et seulement pour quelques infractions.
    Sur le plan procédural, il y a d’autres limites relatives aux infractions punissables par procédure sommaire, notamment, elles sont jugées dans les cours provinciales — par exemple, en Ontario, ce serait la Cour de justice de l’Ontario — et il n’est pas possible d’avoir un procès devant juge et jury.
    Sauf exception, dans le cas d’un acte criminel, on peut choisir le mode de procès avec enquête préliminaire ou un procès devant juge et jury. Évidemment, il y a des exceptions, mais ce sont là les principales différences entre une infraction mixte, où il y a un choix de procédure, et un acte criminel.

  (2025)  

    Selon vous, dans le contexte de l’aide médicale à mourir, existe-t-il des circonstances qui favoriseraient la création d’une infraction différente de celles que prévoient les tribunaux par rapport à l’article 241?
    Vous voulez parler d’une infraction qui reposerait sur des éléments différents? J’ignore à quoi ressemblerait une telle infraction.
    Je dirais que, compte tenu de l’objectif législatif, soit, comme le précise la Cour suprême dans l’arrêt Carter, protéger les personnes vulnérables lorsqu’elles se trouvent en position de faiblesse, contraindre quelqu’un à se suicider constitue une infraction très grave. En vertu du mens rea, il s’agit d’une infraction très grave, car, dans ce contexte, un médecin causerait la mort qu’une personne sans le consentement de cette dernière.
    Je répète ce que j’ai dit plus tôt: un tel geste est essentiellement un meurtre. On y retrouve les mêmes éléments: la causalité, une cause de décès accessoire importante et l’intention précise de causer la mort d’une personne. J’ignore si l’on pourrait créer une nouvelle infraction criminelle ou si la CLA appuierait la création de nouveaux actes criminels pour criminaliser le comportement des personnes dans ce contexte.
    Concernant le rôle du College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia, lorsque vous menez une enquête pour un cas de négligence professionnelle, comment faites-vous la distinction entre la négligence professionnelle, qui, dans certains cas, peut avoir des conséquences importantes sur l’intégrité physique d’une personne, et une infraction au Code criminel?
    Pour revenir à la discussion que vous avez eue avec M. Russomanno, ce qui m’inquiète d’une infraction de style mixte, une accusation criminelle édulcorée, c’est que les médecins hésiteraient à offrir ce service. Une telle infraction pourrait les dissuader d’offrir ce service.
    Les organismes de réglementation doivent souvent traiter des plaintes et mener des enquêtes qui pourraient empiéter sur le domaine criminel. Parfois, les obligations des organismes de réglementation sont bien articulées. Par exemple, si nous prenons connaissance d’un cas d’abus sexuel envers un mineur, nous sommes tenus par la loi d’informer immédiatement les organismes d’application de la loi. Il faudrait nous fournir une orientation claire par rapport aux dispositions du Code criminel, orientation que nous respecterions.
    Je ne peux pas parler au nom des autres organismes de réglementation, mais en Nouvelle-Écosse, nous entretenons une relation de travail efficace et étroite avec les organismes d’application de la loi. Si nous croyons qu’un dossier pourrait avoir des conséquences criminelles ou si nous avons des doutes que des activités criminelles sont menées, en fonction des risques immédiats pour la sécurité publique, nous prenons certaines mesures, par exemple, suspendre temporairement le permis d’exercer d’un médecin, et attendons que la Couronne mène une enquête criminelle. Ça fonctionne bien.
    Vous avez donc déjà eu recours à ce processus…
    Malheureusement, oui.
    Bien entendu, personne ne veut qu’une telle chose se produise.
    Vous comprenez certainement que nous sommes en terrain inconnu. Nous voulons nous assurer que le système juridique, dans sa forme actuelle, et le système professionnel offrent des garanties nécessaires à la mise en œuvre d’une telle option sur laquelle la Cour suprême nous demande de légiférer.

  (2030)  

    Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur.
    Voilà qui met fin aux quatre minutes que m’a laissées la sénatrice Seidman.
    Elle vous a laissé six minutes et demie, sénateur, même sept minutes.
    D’accord. Merci.
    Si j’ai bien compris, docteur Grant, vous êtes médecin de famille, c’est bien cela?
    Auparavant, oui.
    Lundi, nous avons accueilli la Dre Francine Lemire, du Collège des médecins de famille du Canada. Vous la connaissez peut-être.
    Elle a répondu à des questions très précises sur l’obligation d’un médecin à aiguiller un patient lorsqu’il a une objection de conscience à fournir une aide médicale à mourir, un droit que nous devons maintenant respecter à la suite de la décision de la Cour suprême.
    Où se situe votre organisme de réglementation à cet égard? Êtes-vous d’accord avec la Dre Lemire qu’un médecin ne peut pas abandonner son patient et lui dire de se chercher un autre médecin dans les Pages jaunes ou dans Internet? Selon vous, par rapport au patient, quelle est la responsabilité d’un médecin qui désire exercer son droit à une objection de conscience?
    Je dirais d’emblée que tous les organismes de réglementation au pays s’entendent pour dire que les médecins ne peuvent pas abandonner leurs patients. Le médecin qui a une objection de conscience ne peut pas abandonner son patient. Il doit continuer à lui donner des soins. Tous les organismes de réglementation s’entendent sur ce point.
    Là où leur opinion diffère, c’est si les médecins ont une obligation concrète d’aiguiller efficacement leurs patients ou de les aiguiller indirectement par l’entremise d’un autre organisme, ou s’il revient aux médecins d’aiguiller indirectement les patients ou de leur fournir des renseignements et de s’assurer qu’ils ont bien compris. C’est là où les opinions divergent.
    Nous pouvons tirer des leçons de l’expérience des pays du Benelux où, au fil des ans, un réseau de médecins disposés à offrir l’aide médicale à mourir s’est établi, réduisant ainsi le problème de l’accès à ce service. Nous avons inclus dans nos normes — et cela rejoint la question de M. Cooper — ce que dit l’arrêt Carter. Nous ne tentons pas d’écrire une nouvelle loi ou d’élargir l’application d’une loi en vigueur. Nous voulions simplement mettre en oeuvre la décision dans l’affaire Carter.
    L’arrêt Carter nous donne une orientation claire. Je crois qu’il s’agit essentiellement d’une question médicale et que les organismes de réglementation doivent harmoniser leur approche. Puisque nous faisions essentiellement du surplace, notre approche, en Nouvelle-Écosse, a été de recommander que les médecins aiguillent efficacement leurs patients, mais nous avons obligé les médecins qui ne sont pas à l’aise à aiguiller directement leurs patients à les aiguiller indirectement en leur fournissant les renseignements nécessaires.
    Il y a des différences dans la façon de procéder entre les organismes de réglementation du pays.
    Merci, docteur Grant, et merci aussi à vous, sénateur.
    Je me sens généreux aujourd'hui, et c'est le jour de la marmotte, alors je vais accorder quelques minutes à M. Albrecht afin qu'il puisse poser une brève question.
    J'espère que vous ne faites pas d'association entre le jour de la marmotte et moi.
    Des voix: Oh, oh!
    Ce n'est qu'une fête nationale.
    Merci.
    Je vais tâcher d'être bref et de respecter le temps qui m'est alloué.
    Je suis un peu confus quant à la protection de la liberté de conscience. Vous avez parlé de l'arrêt Carter. Au paragraphe 132, la Cour a conclu clairement ce qui suit: « À notre avis, rien dans la déclaration d'invalidité que nous proposons de prononcer ne contraindrait les médecins à dispenser une aide médicale à mourir. » Je pense qu'il y aurait désaccord entre les divers professionnels, qu'ils soient du domaine du droit ou de la médecine, sur ce que cela veut dire. Est-ce que cela inclut l'aiguillage actif, voire l'aiguillage passif? Je ne voudrais pas me lancer dans de tels arguments pour l'instant, mais je pense que la définition pourrait faire l'objet d'un débat.
    Ce qui me préoccupe, c'est qu'il est ici question de conscience, et que selon moi, le Comité doit s'assurer de protéger le droit à la liberté de conscience des médecins, y compris celui de ne pas aiguiller leurs patients. Parmi les administrations ayant légalisé le suicide assisté par un médecin ou l'euthanasie, aucune n'oblige les médecins à aiguiller leurs patients vers d'autres médecins.
    Je veux simplement m'assurer que notre point de vue, ainsi que celui des médecins ou des autres professionnels de la santé, ne soit pas compromis par des pressions externes qui nous obligent à aller à l'encontre de notre conscience. Le fait d'obliger des médecins à agir contre leur conscience ne pourrait-il pas entraîner chez eux des troubles de stress post-traumatique ou d'autres problèmes d'ordre psychiatrique?
    C'est une question très existentielle. Soyons plus pratiques. Supposons que la réglementation soit établie à l'échelle des provinces, n'est-il pas possible qu'un médecin qui pratique en Nouvelle-Écosse, où le système est plus rigide, déménage au Nouveau-Brunswick, par exemple, ou dans une autre province où il y a davantage de souplesse et ce que j'appellerais un régime plus « ouvert », c'est-à-dire qui permet aux médecins de pratiquer selon leur conscience dans tous les domaines de la médecine?

  (2035)  

    Je pense que j'ai compris toutes vos questions.
    Vous conviendrez tous qu'il s'agit d'une question très vaste. Naturellement, la meilleure façon d'y remédier serait de définir dans la loi ce qu'on entend par « aide ». S'il y a des contradictions entre les collèges, c'est parce qu'ils attendent tous une orientation fédérale et qu'ils essaient chacun de leur côté d'interpréter l'arrêt Carter, sans orientation précise ni autorisation légale claire. Je crois qu'il est tout à fait possible que les collèges harmonisent leur approche en fonction de l'esprit de la loi.
    Je le répète, il y a deux choses qui m'inquiètent terriblement: d'une part, que la loi s'immisce dans les relations patient-médecin et d'autre part — et je le dis avec tristesse —, que nous, en tant que professionnels, nous heurtions à la même question que par le passé, lorsque l'avortement et l'accès à la contraception sont devenus un droit légal.
    Merci, monsieur Grant.
    Merci à tous nos témoins. Vous avez énormément contribué à notre débat et à notre discussion.
    Avant de lever la séance, je rappelle aux membres du Comité que nous allons nous réunir demain à 17 heures, mais je vous demanderais de vérifier vos courriels, parce que le vote à la Chambre des communes se tiendra désormais à 15 heures. L'heure a été changée, et nous avions prévu d'aller voter pendant la pause. Nous essayons de voir si nous serons capables de déplacer les témoins, mais je ne crois pas que ce soit possible de le faire sans être impolis, etc., alors il se peut que nous ayons la moitié de la séance, le souper, puis l'autre moitié de la séance, à moins que nous réussissions à regrouper tous les témoins dans le même créneau horaire.
    Encore une fois, je vous remercie.
    La séance est levée.
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