Passer au contenu

DEDC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 décembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1845)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 21e réunion du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, créé conformément à l'ordre de la Chambre du 2 mars 2022 et à celui du Sénat du 3 mars 2022.
    La séance d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément aux ordres de la Chambre et du Sénat.
    Si des problèmes techniques surviennent, veuillez m'en informer, car il faudra peut-être alors suspendre la séance pendant quelques minutes afin de nous assurer que tous les membres sont en mesure de participer pleinement.
    J'informe les témoins que des services d'interprétation sont disponibles et qu'ils n'ont qu'à cliquer sur l'icône du globe au bas de leur écran pour y avoir accès.
    Je tiens à informer le Comité que la vérification technique du matériel utilisé par le professeur Roach a été effectuée. Les deux témoins aussi ont été informés de leur devoir de répondre aux questions.
    J'aime toujours y aller d'un petit préambule à l'intention des témoins pour qu'ils sachent qu'il peut arriver, vu la nature du Comité, qu'un membre intervienne pour reprendre la parole. Je vous prie de ne pas vous offusquer si on vous interrompt; il ne s'agit aucunement d'un affront qu'on vous fait. Les membres ont une longue liste de questions et très peu de temps pour les poser. Veuillez croire, si un sénateur ou un député intervient, que ce n'est pas par manque de respect à votre endroit.
    Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons ce soir, par vidéoconférence, Kent Roach, professeur à la faculté de droit de l'Université de Toronto, et, présente dans la salle, Leah West, professeure adjointe à la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton.
    Vous aurez chacun cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Nous allons commencer par notre témoin qui est en ligne.
    Monsieur Roach, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de m'avoir invité à contribuer aux importants travaux du comité mixte.
    Bien que je sois membre du conseil de recherche de la Commission sur l'état d'urgence, je tiens à souligner que je ne parle qu'à titre personnel et que je ne suis pas au courant des délibérations internes qui ont lieu à la Commission en vue de la préparation de son rapport.
     J'ai traité des événements qui ont mené à la déclaration de l'état d'urgence, d'abord dans mon ouvrage intitulé Canadian Policing: Why and How it Must Change, puis dans un article paru dans un numéro spécial du Criminal Law Quarterly, volume 70, numéro 2, où la professeure West a aussi publié un article.
    Dans ces deux écrits, je soutiens que le recours aux pouvoirs d'urgence était lié à des défaillances des services de police et de la gouvernance. Ce point a son importance, même dans les cas où la Loi sur les mesures d'urgence est invoquée, puisque l'article 20 de cette loi préserve les cloisonnements existants et, je dirais, fragmentés et dysfonctionnels de gouvernance entre les services de police locaux, provinciaux et nationaux.
    Permettez-moi de faire valoir trois points. Premièrement, si vous comparez les interventions policières à Ottawa et à Toronto, vous verrez que celles à Toronto ont été plus efficaces et qu'elles reflètent les leçons du rapport Morden, selon lequel il ne devrait pas y avoir de cloisonnement étanche entre les politiques et les opérations, cloisonnement qualifié plus d'une fois, et bien maladroitement, d'analogue à la « séparation entre l'Église et l'État » par la Commission sur l'état d'urgence,
    Cette leçon aurait dû être apprise depuis longtemps, du moins depuis la Commission McDonald de 1981 qui, tout comme la Cour suprême dans son arrêt dans l'affaire Campbell et Shirose en 1999, affirme que l'autonomie de la police se limite à la capacité de chaque agent de police de prendre des décisions d'application de la loi au sujet des personnes qu'il arrêtera et sur lesquelles il enquêtera. Tout le reste, à mon avis, relève des autorités gouvernementales compétentes, des autorités démocratiquement responsables. Dans une démocratie, la police ne saurait être autonome.
     Mon deuxième point concerne le projet de loi C‑303, actuellement devant le Parlement. C'est une bonne chose, en ce sens que ce texte prévoit que le ministre responsable pourra orienter les politiques de la GRC au moyen de directives publiques. Ce texte pourrait permettre de préciser la gouvernance de la police. Malheureusement, il continue de définir trop largement l'autonomie de la police en excluant les décisions opérationnelles de la GRC, y compris les opérations courantes, des directives ministérielles. Le terme « opérationnel » ne figure que dans les lois sur les services de police de l'Ontario et du Manitoba et il est, de fait, à l'origine de beaucoup de confusion et de ce genre de gouvernance lacunaire qui a fait que la Commission de services policiers d'Ottawa n'avait aucune politique publique concernant le contrôle de la manifestation avant l'arrivée du convoi sur la rue Wellington. Elle avait des politiques sur les manifestations syndicales et les manifestations autochtones, mais aucune politique publique applicable aux manifestations sur la rue Wellington.
    Le dernier point que je ferai valoir, c'est que de telles politiques sont nécessaires. Nous devons y penser de façon créative, notamment pour ce qui est de la façon d'installer des barrières en respectant à la fois le droit de manifester pacifiquement et l'obligation d'assurer la sécurité des gens.
    J'exhorte le Comité à faire preuve de créativité et à examiner les propositions de l'ancien sénateur Vernon White concernant la reconfiguration de la rue Wellington. Je vous exhorte également à envisager de donner à la GRC un rôle clair de direction des opérations policières dans la Cité parlementaire et aux postes frontaliers, mais seulement si ses politiques en matière de gouvernance et de ressources sont révisées.
     Le projet de loi C‑303 pourrait être un élément de cette réforme, mais seulement si sa définition trop large de l'autonomie opérationnelle de la police fait l'objet d'un amendement la limitant. L'autonomie de la police devrait également être définie de manière à ne pas nuire à la capacité des chefs de police de contrôler et de gérer leurs services. Encore une fois, cela peut se faire si nous la limitons au pouvoir discrétionnaire exercé dans l'application d la loi.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. J'ai des préoccupations particulières, dont je fais état dans mon article du Criminal Law Quarterly, au sujet de certains aspects des événements entourant le recours à la Loi sur les mesures d'urgence.
    Merci beaucoup de votre attention.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous passons maintenant à Mme West, pour cinq minutes.
    La parole est à vous, madame West.
    Dans le peu de temps dont je dispose aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur deux questions d'interprétation des lois qui, à mon avis, revêtent une extrême importance pour les travaux du Comité.
    La première se rapporte à la Loi sur le SCRS et à la définition de l'« état d'urgence ». La deuxième, que, je l'avoue, je n'aurai peut-être pas le temps d'aborder, c'est le critère « sous le régime des lois du Canada » qui figure dans la définition de « crise nationale ».
    Avant d'entrer dans les détails, je pense qu'il importe de préparer le terrain en rappelant le principe moderne de l'interprétation des lois et quelques règles de base.
    Le précédent bien établi de la Cour suprême sur l'interprétation des lois vient de Rizzo…

  (1850)  

[Français]

     Monsieur le président, pourriez-vous demander à la témoin de parler un peu moins rapidement, s'il vous plaît? J'ai l'impression que les interprètes ont de la difficulté à suivre la cadence.
    Merci.

[Traduction]

    Bien sûr.
    Quelqu'un d'autre a‑t‑il eu des problèmes avec l'interprétation?
    N'hésitez pas à reprendre vos propos si vous le voulez. Voilà seulement une minute que vous parlez.
    Ça va.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Le témoin peut‑il faire marche arrière un peu pour que nous ayons le contexte qu'il nous faut, s'il vous plaît?
    Pourriez-vous recommencer au début?
    Merci.
    Le premier point que je veux aborder se rapporte à la Loi sur le SCRS et à la définition de l'« état d'urgence » et le deuxième, que j'espère pouvoir aborder — sinon, ce sera pendant la période de questions — est le sens de l'expression « sous le régime des lois du Canada » et les critères de la définition de « crise nationale ».
    Statuant sur la question dans l'affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. en 1998, la Cour suprême a établi le principe de l'interprétation des lois, ou le principe moderne que nous appliquons aujourd'hui, qui est vraiment devenu un mantra. Voici le passage pertinent:
Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'économie de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.
    Quelques postulats sous-tendent l'interprétation des lois suivant ce principe. L'un d'eux est la présomption contre la tautologie, ce qui signifie qu'il faut donner un sens à chaque mot du texte de loi. Chaque élément est délibérément choisi pour remplir une fonction, et il n'y a pas de mots inutiles ou vides de sens. Le législateur ne se répète pas.
    Une deuxième présomption est celle de la cohérence interne. Il est présumé que le législateur utilise les mots et les modes d'expression de façon cohérente. Lorsqu'il a adopté une façon particulière d'exprimer quelque chose, il évite les variantes et préfère exprimer le même sens de la même façon.
    Bien sûr, tout cela repose sur la notion de la primauté du droit, qui signifie, en partie, que la loi, telle qu'elle est écrite, signifie nécessairement quelque chose de concret, d'explicable et de compréhensible pour ceux qui la lisent et qui y sont assujettis, ainsi que pour ceux qui sont chargés de l'interpréter de manière à empêcher ceux qui exercent un pouvoir conféré par la loi de le faire de façon arbitraire, abusive ou dommageable.
    Cela m'amène à la définition de l'état d'urgence. L'article 16 définit l'état d'urgence comme suit: « Situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada d'une gravité telle qu'elle constitue une situation de crise nationale ». L'expression « menaces envers la sécurité du Canada » est ensuite définie pour les besoins de cette partie de la Loi sur les mesures d'urgence. En effet, l'article 16 précise que cette expression « s'entend au sens de l'article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité », la Loi sur le SCRS.
    À la simple lecture de cette disposition, il est évident que la Loi sur les mesures d'urgence incorpore non seulement les termes de l'article 2 de la Loi sur le SCRS, mais également le sens qui leur est attribué dans cette loi. Comme nous le savons, comme je viens de le dire, chaque mot employé dans une disposition a un sens et son emploi est délibéré.
    Cette compréhension est conforme à l'intention manifeste du législateur. Au cours des débats précédant son adoption, la Loi sur les mesures d'urgence a suscité beaucoup de préoccupations quant à la possibilité qu'elle soit invoquée pour déclarer l'état d'urgence afin de réprimer la dissidence publique. De plus, nous savons que, pendant la crise du FLQ, la Loi sur les mesures de guerre avait été invoquée pour réprimer un terrorisme ayant des motifs politiques. Il n'est donc pas étonnant que cette partie de la loi ait tant retenu l'attention.
    En réponse à ces préoccupations, il a été dit clairement que seule une manifestation ou une violence répondant à la définition de « menace envers la sécurité du Canada » qui figure dans la Loi sur le SCRS et seules les menaces répondant également à la définition de « crise nationale » pouvaient justifier la déclaration de l'état d'urgence. C'est ce que le parrain du projet de loi, Perrin Beatty, a appelé un « double critère ». Il a également rappelé aux députés qui s'inquiétaient de la portée large et vague de la définition figurant dans la Loi sur le SCRS que cette définition avait fait l'objet d'un examen approfondi par le Parlement.
    Nous savons donc, à la simple lecture du texte et à la lumière de l'intention manifeste du législateur, que la signification de « menace envers la sécurité du Canada » est celle de la Loi sur le SCRS et que la portée de cette définition — passablement large, à mon avis — est limitée par la définition de « crise nationale ».
    Je tiens également à faire remarquer qu'il n'y a rien dans les autres éléments ou dispositions de la Loi sur les mesures d'urgence qui soit incompatible avec cette interprétation ou qui la remette en question.
    De plus, l'incorporation par renvoi de l'article 2 de la Loi sur le SCRS n'est pas le propre de la Loi sur les mesures d'urgence. Il en va de même de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Pour chacune de ces lois, les critères d'interprétation des seuils critiques ne sont pas nécessairement prévus dans la Loi sur le SCRS. Par exemple, dans le cas de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, c'est le procureur général qui décide dans quels cas il exercera des pouvoirs appartenant normalement aux provinces.
    Enfin, je tiens à répéter qu'il faut obligatoirement que la crise nationale résulte d'une menace définie à l'article 2. Il s'agit d'une exigence causale, ce qui signifie que, pour constituer une crise nationale, la situation doit résulter d'un concours de circonstances critiques à caractère d'urgence et de nature temporaire, échappant à la capacité d'intervention des provinces, et qu'elle doit découler de menaces de violence graves ayant des motifs politiques, en d'autres mots que les préjudices financiers ou les atteintes à la réputation et toutes sortes d'autres torts, comme ceux que nous avons certainement pu constater dans le sillage de la crise à Ottawa et dans l'ensemble du pays, doivent avoir pour cause des menaces graves de violence, au sens de la Loi sur le SCRS.

  (1855)  

    Je sais que mon temps est écoulé. Avec un peu de chance, je pourrai, au cours de la période de questions, expliquer ce qu'il faut entendre de l'expression « sous le régime des lois du Canada ».
    Merci de votre attention.
    Merci beaucoup.
    Nous amorçons maintenant un premier tour de questions de cinq minutes avec M. Motz.
    Monsieur Motz, vous avez cinq minutes. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame West, monsieur Roach, de votre comparution.
    Comme vous n'avez pas eu le temps de terminer votre déclaration liminaire, auriez-vous l'obligeance d'en remettre le texte au Comité à la fin de la journée pour que nous puissions en prendre connaissance. Je vous remercie à l'avance.
    Madame West, vous avez affirmé publiquement qu'une crise nationale est un état d'urgence qui ne peut pas résulter uniquement de l'incompétence d'une municipalité ou d'une province. Elle doit résulter d'une menace à la sécurité du Canada, ce qui signifie habituellement le terrorisme ou l'extrémisme violent, pour atteindre le seuil critique permettant d'invoquer la Loi.
    Avez-vous vu des documents ou obtenu d'autres renseignements depuis que la Loi a été invoquée indiquant que ce seuil a été atteint?
    Eh bien, je ne pense pas qu'il soit juste de me poser cette question parce que je n'ai pas eu accès à tous les renseignements sur lesquels le SCRS ou le Cabinet — surtout le Cabinet — se sont fondés pour prendre cette décision.
    Ce que je voulais dire à ce moment‑là — j'en dirais autant aujourd'hui —, c'est qu'il est essentiel que la menace à la sécurité du Canada soit la justification de l'état d'urgence, plutôt que d'en être une facette secondaire. C'était vraiment l'essentiel de ce que je cherchais à dire. Il devrait y avoir un lien de cause à effet — c'est ainsi que j'interprète la loi — plutôt que ce soit quelque chose qui se produit à la suite d'un différent motif de déclaration de l'état d'urgence.
    D'accord, c'est bon.
    L'une des choses qui me préoccupent grandement, comme sans doute de nombreux Canadiens, c'est le précédent qui sera créé quand le juge Rouleau publiera son rapport final. Au fond, il sera soit d'accord, soit en désaccord avec l'extension donnée à la définition établie dans la Loi sur le SCRS par le gouvernement et avec le seuil qui a servi de fondement pour justifier le recours à la Loi sur les mesures d'urgence.
    Madame West, pouvez-vous expliquer pourquoi il est tellement important que les futurs gouvernements soient limités par les textes de loi — comme la Loi sur le SCRS — lorsqu'il s'agit de recourir à la Loi sur les mesures d'urgence?
    Oui. Je pense que la primauté du droit exige, en particulier quand le législateur a parlé et limité le pouvoir de l'exécutif, surtout en temps de crise, que l'exécutif respecte les contraintes imposées par le législatif.
    Je pense que la Loi sur les mesures d'urgence confère un pouvoir discrétionnaire extraordinaire à l'exécutif, et c'est ainsi que quiconque l'interpréterait: c'est au gouvernement de décider s'il y a ou non des motifs raisonnables de croire qu'une menace à la sécurité du Canada existe, puis s'il est nécessaire ou non de l'invoquer. Il dispose d'un pouvoir discrétionnaire incroyable, mais quand le législateur a choisi une approche restrictive — en l'occurrence, dans la définition des menaces à la sécurité du Canada et dans les cas où elle s'applique —, il est important de respecter cette approche parce qu'il s'agit d'un choix délibéré et que la primauté du droit est le pilier qui fait de notre régime politique une démocratie libérale qui en bénéficie.
    D'accord. C'est juste. Merci.
     L'une des choses qui ont piqué mon intérêt, c'est votre gazouillis dans lequel vous disiez être d'avis qu'il y avait des faiblesses dans l'analyse juridique du premier ministre. Pouvez-vous nous en dire davantage ou nous expliquer ce que vous entendiez par cela?
     D'après ce que j'ai compris du témoignage du premier ministre devant la Commission sur l'état d'urgence, il a tenu compte de facteurs différents de ceux du SCRS pour déterminer si la définition de l'alinéa 2c) s'appliquait. Il considérait aussi que l'alinéa 2c) était plus large.
    Je ne crois pas qu'il ait vraiment dit cela, mais plutôt quelque chose du genre... Je pense que l'Association canadienne des libertés civiles l'a amené à reconnaître que les seuils étaient les mêmes, mais, interrogé par la suite sur les facteurs qui l'ont amené à croire que l'alinéa 2c) était respecté, il a énuméré divers facteurs — menaces, risque de violence, présence d'armes — sur lesquels il s'est appuyé pour prendre sa décision. Je soupçonne que le SCRS s'est aussi appuyé sur tous ces facteurs pour faire son évaluation. Tout cela ne semblait pas être quelque chose qui n'aurait pas été soumis à l'examen du SCRS.

  (1900)  

    D'accord. Si je vous comprends bien, l'interprétation plus large qu'il nous reste — que nous n'avons pas vue — pourrait inclure le même genre de choses qu'il est raisonnable de supposer que le SCRS aurait examinées. Est‑ce bien ce que vous pensez?
    Oui. Il a laissé entendre qu'il considérait que les normes étaient les mêmes dans la Loi sur le SCRS et la Loi sur les mesures d'urgence, mais qu'il s'appuyait sur des facteurs différents. Mais les facteurs énumérés sont ceux qui auraient été examinés par le SCRS.
    Et ce que le SCRS a dit, c'est qu'il n'y avait pas de seuil en vertu de l'article 2... pour atteindre le seuil nécessaire pour invoquer la Loi sur les mesures d'urgence.
    Oui, c'est ce que j'ai compris.
    Merci beaucoup.
    Excellent. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Virani.
    Monsieur Virani, vous avez cinq minutes. La parole est à vous.
    Je remercie les deux témoins de leurs témoignages. Mes questions s'adressent à M. Roach.
    Tout d'abord, je suis heureux de vous voir, monsieur Roach. Drôle de coïncidence, nous avons deux anciens de la Faculté de droit de l'Université de Toronto qui siègent ici, au moins deux.
    J'ai trois questions pour vous.
    Vous avez mentionné certains sujets sur lesquels vous avez écrit. J'ai lu quelques-uns de vos écrits. Je vais citer certains passages d'un article intitulé « The Dilemma of Mild Emergencies that are Accepted as Consistent with Human Rights », paru dans une revue allemande. Vous en avez dit quelque chose dans votre déclaration liminaire. Je veux vous y ramener.
    Vous y traitez de domaines susceptibles d'amélioration et de la responsabilité plurigouvernementale pour les services de police, en particulier dans une fédération comme le Canada. Voici ce que vous avez écrit:
L'une des limites des enquêtes ouvertes [...] en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence, c'est qu'elles ne portent que sur l'action du gouvernement fédéral, alors que les causes de l'occupation d'Ottawa et du blocus de Windsor tiennent à des défaillances des services de police locaux, notamment au chapitre de la planification de leur intervention au cours de manifestations. Rien n'oblige l'Ontario, qui a la compétence ultime sur la police locale d'Ottawa et de Windsor, à demander une enquête semblable. C'est une omission, étant donné que l'état d'urgence est défini comme une situation dépassant la capacité d'intervention de la province.
    Je sais que vous connaissez très bien l'enquête menée par le juge Rouleau, dans laquelle nous avons pu voir un vain effort pour obtenir la comparution du premier ministre de l'Ontario qui, ne voulant pas comparaître et ayant contesté la convocation devant les tribunaux, a eu gain de cause.
    Pouvez-vous nous dire ce que, de votre point de vue, nous devrions faire en tant que comité pour tenter de corriger cette situation, compte tenu des paramètres constitutionnels ou du partage des pouvoirs dans notre régime politique? Comment entrevoyez-vous des enquêtes futures auxquelles les trois ordres de gouvernement devront nécessairement participer si un état d'urgence comme celui que nous avons connu récemment devait survenir?
    Je vous cède la parole, monsieur Roach.
    Merci beaucoup.
    Vous avez tout à fait raison de dire que le premier ministre et le solliciteur général n'ont pas témoigné, ayant fait valoir avec succès le privilège parlementaire. À l'évidence, cela posera un problème dans l'avenir. Cependant, j'ai été surpris du niveau de participation provinciale et municipale à la Commission Rouleau.
    Il me semble que la seule façon pour le gouvernement fédéral d'exercer un certain contrôle sur la situation serait d'assumer lui-même, et le faire exercer par la police fédérale, le premier rôle dans ces domaines, qu'il s'agisse de la Cité parlementaire ou des zones frontalières. Je pense que c'est vraiment la seule façon dont le Parlement fédéral peut composer avec cette situation de nature intergouvernementale.
    La professeure West a mentionné la Loi sur les infractions en matière de sécurité, qui n'est pas assez connue, mais qui constitue effectivement un précédent pour la prépondérance de la responsabilité fédérale sur les compétences provinciales en matière de sécurité nationale. C'est peut-être une formule à explorer pour assurer une complète reddition de comptes en cas de crises qui, à l'avenir, pourraient toucher ces mêmes domaines d'intérêt fédéral.
    Permettez-moi d'explorer la question avec vous. Il me reste environ une minute et demie, je crois.
    Dans votre article, vous parlez aussi d'échecs sur le plan du renseignement et du maintien de l'ordre et vous faites le lien entre les deux. Il y est question de la sous-estimation de l'extrémisme de droite au détriment de... et de la surestimation de mouvements comme Al‑Qaïda et Daech par exemple, et des échecs policiers qui peuvent en résulter, car en bout de ligne c'est toujours du travail policier qu'il s'agit.
    Que recommandez-vous relativement aux défaillances des services de police? Je remarque que vous parlez également dans votre article de la façon dont les manifestants autochtones ou racisés sont parfois traités, en comparaison avec les camionneurs qui ont occupé Ottawa pendant trois semaines, et un peu aussi de certains des préjugés qui pourraient jouer. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

  (1905)  

    Oui, la gestion opérationnelle de la PPO a en fait suscité beaucoup d'éloges. Je ne vais pas me joindre à ce concert. Ce qui me préoccupe, c'est que les opérations de renseignement ont d'abord ciblé les occupations autochtones. De plus, certains des produits que nous avons vus utilisent des expressions comme « le mouvement patriote », qui ne me semblent pas vraiment menaçants au point de les réprimer.
    Bien que la GRC et le SCRS soient soumis à un examen assez rigoureux par l'OSSNR, ce n'est pas le cas de la PPO et des services policiers municipaux qui, pour leurs activités de renseignement, ne font l'objet que d'un contrôle très limité, et seulement par le directeur indépendant de la surveillance des services policiers de l'Ontario, dans la mesure où il a suffisamment de ressources pour effectuer des examens systémiques. Je crois comprendre que ce n'est pas le cas.
    Encore une fois, c'est peut-être une autre raison pour que les organismes fédéraux exercent le principal rôle de direction, puisque nous ne pouvons pas assurer un niveau approprié de reddition de comptes au niveau provincial.

[Français]

     Voilà ce qui met fin à ce tour de questions.
    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame West, je vous salue et je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    J'ai entendu les réponses que vous avez données aux questions de mon collègue M. Motz quant à la justification de la déclaration des mesures d'urgence. J'ai cru comprendre que vous n'étiez pas en mesure de déterminer si c'était justifiable ou non, compte tenu du fait que vous n'aviez pas toute la preuve en main.
    Madame West, des gens ont émis l'hypothèse qu'il s'agissait d'une situation d'urgence justifiant la proclamation en fonction d'un avis juridique qui aurait été émis. Est-ce qu'il vous apparaît essentiel de lire l'avis juridique? Est-ce que la seule connaissance que vous avez des événements est suffisante pour déterminer s'il s'agissait d'une menace à la sécurité du Canada ou pas?

[Traduction]

    La lecture de l'avis juridique m'aiderait à comprendre si mon interprétation de la loi comporte des lacunes. J'en suis venue à voir tous ces événements, l'invocation de la Loi et tout ce qui s'en est suivi en fonction de mon interprétation de la Loi. Ayant écrit sur le sujet avant que la Loi soit invoquée, ayant donné des conseils à ce sujet pendant la pandémie de COVID‑19, j'ai une bonne compréhension de ce qu'elle signifie.
    Je ne dis pas qu'il ne pourrait pas y avoir quelque précédent juridique qui pourrait éventuellement m'amener à changer d'idée. Il faudrait que je lise l'avis juridique pour voir s'il m'est possible de me raviser sur un point ou l'autre. Pour moi, là serait l'utilité de lire l'avis juridique: voir si la compréhension commune de la Loi, surtout de son article 16, pourrait donner lieu à une interprétation différente, comme le laisse entendre le gouvernement.

[Français]

    En fonction de ce que vous connaissez déjà de la situation, considérez-vous qu'il s'agissait, oui ou non, d'une menace à la sécurité du Canada?

  (1910)  

[Traduction]

    Non.

[Français]

    On avance souvent l'argument selon lequel il faut interpréter la définition de mesures d'urgence de façon plus large que le texte de la loi actuelle.
    Selon vous, quel devrait être l'écart le plus large dans lequel on pourrait interpréter cette définition, tout en gardant à l'esprit que c'est dans une situation où on souhaite procéder à une proclamation d'urgence? Il y a le texte tel qu'il est, que vous connaissez, mais si on l'interprète très largement, selon vous, jusqu'où peut-on aller pour tirer des conclusions valables et justifiables?

[Traduction]

    Voilà une question fort intéressante.
    Je pense que la définition, dans sa forme actuelle, est déjà assez large. Je crois qu'elle reflète les préoccupations exprimées par des députés de l'opposition, l'Association canadienne des libertés civiles et de l'Association du Barreau canadien à l'époque de l'étude du projet de loi.
    La définition de « menaces envers la sécurité du Canada » est intentionnellement large et quelque peu vague, parce que le SCRS est un organisme qui doit être en mesure d'interpréter les menaces possibles, des choses qui ne se sont pas encore tout à fait concrétisées et qui sont difficiles à discerner. Le fait d'avoir des limites très nettes quant à ce qui peut faire ou non l'objet d'une enquête, comme dans le cas d'une enquête criminelle, est une situation qu'on évite de créer en utilisant une formulation plus large et plus vague, comme le fait la Loi sur le SCRS. Elle n'est pas vague au point de ne rien dire, mais elle est néanmoins passablement vague.
    Quant à savoir si on peut l'interpréter de façon large... J'ai du mal à accepter qu'on élargisse la définition, surtout lorsqu'il s'agit de l'alinéa c) de la définition de « menaces envers la sécurité du Canada » à l'article 2. Il est question ici de terrorisme et d'extrémisme violent. Il est déjà assez difficile d'en déterminer le contour, de comprendre ce qu'est ou n'est pas l'extrémisme violent, par exemple. Dire que nous pourrions, selon notre compréhension actuelle de la disposition, l'interpréter dans un sens plus large, équivaudrait à dire, à ce que je vois, qu'il n'y a pas vraiment de limite. Je pense qu'il faut s'en tenir au texte.
    Ce qui est discrétionnaire, c'est de soupeser les facteurs pour déterminer si la définition s'applique ou non. Ce n'est pas de soupeser les mots eux-mêmes pour décider de leur sens.
    J'ai permis que l'échange se prolonge parce qu'il me paraissait important. Il a duré cinq minutes.
    Monsieur Roach, pourriez-vous lever un peu votre micro, s'il vous plaît, pour le son?
    Sénatrice Boniface, auriez-vous l'obligeance d'occuper le fauteuil pendant mon intervention de cinq minutes?
    Madame West, vous avez reconnu que votre avis juridique est fondé uniquement sur l'information qui a été rendue publique. Vous avez laissé entendre qu'un examen plus poussé afin de connaître ce que le gouvernement savait et comment il y a réagi vous aiderait dans votre analyse juridique pour déterminer si le gouvernement a fait ou non le bon choix. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    Monsieur Roach, partagez-vous cette opinion?
    Oui. Par exemple, il a été mentionné que la Police provinciale de l'Ontario avait des agents d'infiltration parmi les manifestants à Ottawa. Nous ne savons pas ce qu'ils ont trouvé. Je ne pense pas que vous pourrez vraiment aller au fond des choses si vous ne menez pas une enquête à huis clos, sous réserve de la confidentialité en matière de sécurité nationale.
    J'ajouterais que je pense qu'à l'avenir, vous devriez envisager une enquête qui pourrait déroger au secret professionnel de l'avocat. L'OSSNR, par exemple, est habilité à le faire.
    Je vous dirais que le Parlement a un tel pouvoir, que le secret du Cabinet n'est qu'une convention et que nous sommes, à tout prendre, les grands inquisiteurs de l'État.
    Ce que je veux faire valoir concerne davantage l'avis juridique. C'est un défi, même pour le Comité, qui a des privilèges parlementaires. Il s'agit pour nous de connaître le raisonnement juridique justifiant la décision qui a été prise afin que notre propre processus puisse suivre son cours et mener à une analyse valable.
    Je vous pose la question, mais en vous priant d'y répondre brièvement.
    Madame West, auriez-vous avantage à ce que les avis juridiques internes du gouvernement soient rendus publics pour examen par des spécialistes du domaine, comme vous, et par le public?

  (1915)  

    Oui.
    Monsieur Roach, seriez-vous d'accord pour dire qu'un avis juridique serait utile à l'avenir pour l'examen de cette question, peu importe de quel côté se situent les enjeux?
    Tout à fait.
    Vous avez mentionné l'expression « sous le régime des lois du Canada ». Je veux vous donner l'occasion d'en parler, madame West. J'aimerais savoir pourquoi vous avez soulevé la question. Je ne comprends pas très bien où vous vouliez en venir.
    Oui, l'expression « sous le régime des lois du Canada » s'entend de toute autre loi fédérale. Elle ne signifie pas littéralement toutes les autres lois du Canada. Ainsi en a décidé la Cour suprême dans l'arrêt Roberts, en 1989. Cette affaire portait sur l'interprétation de l'article 101 de la Constitution. L'expression comprend les lois fédérales ou la common law fédérale.
    Ordinairement, dans les lois fédérales, on précise « lois du Canada » ou « lois d'une province », ou encore, pour indiquer une application plus large, « toute autre loi ». L'interprétation de « sous le régime des lois du Canada » est plus logique si vous regardez également les alinéas 3a) et 3b) de la définition. L'alinéa 3a) deviendrait redondant, puisqu'il dit déjà que la situation doit échapper à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces. L'alinéa 3b) n'a rien à voir avec la compétence provinciale.
    D'un point de vue réaliste, une fois que l'exécutif a décidé que les critères énoncés aux alinéas 3a) et 3b) sont respectés, tout ce qu'il lui reste à faire, c'est déterminer s'il y a ou non d'autres lois fédérales qui s'appliquent avant d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence.
    Je dois dire que je regrette de ne pas vous avoir invitée à comparaître devant le Comité plus tôt parce que c'est une interprétation importante que nous ne connaissions pas, je crois.
    Pour que les choses soient bien claires, et pour le compte rendu, vous laissez entendre dans votre analyse et votre avis juridique que la défaillance, dans le cas qui nous occupe, des services de police au niveau municipal et le fait que la province disposait d'outils pouvant être utilisés par le ministère des Transports, et peut-être d'autres moyens pour inciter les camionneurs à cesser leur occupation, n'ont pas vraiment d'importance. Selon ce que vous comprenez de la Loi, même si ces moyens étaient disponibles, mais inutilisés, c'est seulement que les moyens prévus par les lois ou règlements fédéraux étaient épuisés.
    La première partie concerne... Si l'on invoque l'alinéa 3a), l'intervention relève de l'autorité et de la capacité de la province. Il faut vérifier si l'on dispose d'autres autorités provinciales pour remédier à la situation.
    Une fois que le gouvernement fédéral détermine que la province ou la municipalité n'a pas ces pouvoirs et que la définition est respectée, il ne lui reste que sa propre boîte à outils pour intervenir.
    Je tiens à bien comprendre ce premier point. Pensez-vous que si la province ou la municipalité a ce pouvoir et qu'elle ne l'utilise pas, le résultat est le même? Pour moi, c'est le cœur du problème. Je ne pense pas que Perrin Beatty, à l'époque, ait envisagé la possibilité d'un échec cuisant des services de police dans le cadre de cette loi. Êtes-vous d'accord avec moi?
    Je conviens que la Loi sur les mesures d'urgence sous-entend que tout le monde fait son travail. Cependant, elle cite l'« autorité » ou la « capacité ». Si, pour une raison ou une autre, la province ou la municipalité n'a pas la capacité de s'acquitter de ses fonctions ou d'utiliser ses pouvoirs, on interprétera ces deux choses distinctement, parce que le libellé indique autorité « ou » capacité. Il n'est pas nécessaire que ce soit les deux.
    Je comprends. Merci beaucoup. Cela m'aide beaucoup à analyser tout cela.
    Sénatrice Boniface, vous avez cinq minutes. Oh, vous me chronométrez aussi.
     Soit dit en passant, ce comité a d'excellents coprésidents.
     Merci beaucoup et merci de m'avoir accordé un peu plus de temps. J'ai remarqué cela.
    Sénatrice Boniface, vous avez cinq minutes. J'ai repris le fauteuil, et vous avez la parole.
     Merci à vous deux d'être venus. Je suis d'accord avec le président. Il est important de vous avoir avec nous pour entendre vos points de vue, alors merci de nous avoir consacré de votre temps.
    Ma première question s'adresse à M. Roach.
     Tout d'abord, je vous remercie pour vos commentaires. Je m'intéresse particulièrement à certaines allusions que vous avez faites sur la compétence de la police et sur le rôle de la province. Je voudrais que vous nous donniez une idée de ce qu’aurait dû être le rôle de la province en un monde idéal.
    Prenons l'exemple de Toronto, où des barrières ont été mises en place pour protéger l'infrastructure essentielle de l'hôpital. Une commission de police a donné une séance d'information complète à laquelle le maire assistait. On a ainsi évité le désarroi des services de police d'Ottawa et de la Commission de services policiers d'Ottawa.
    Parlons maintenant de la direction des opérations. Vous connaissez très bien ce sujet et vous en parlez dans votre livre, je crois. Des témoins nous l'ont mentionné ici. Je crois qu'il y a eu un malentendu entre les politiciens au sujet du rôle de la police dans cette intervention et de ce qu'elle pouvait faire ou non. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Cette question est à la base de la reddition de comptes.

  (1920)  

    En effet. Si la police dispose d'une indépendance opérationnelle complète, elle est essentiellement autonome, et elle est limitée uniquement par le fait que nous avons de bons services de police qui savent généralement se restreindre.
    Pour en revenir à la Commission McDonald, elle souligne que la politique des opérations relève du ministre responsable. Toutefois, il est trop facile pour le ministre responsable ou pour la Commission de services policiers de refuser en soulignant que tout repose sur les opérations. C'est pourquoi j'ai été très troublé de voir à nouveau dans le projet de loi C‑303, un effort louable, à mon avis, ce mantra d'indépendance opérationnelle, qui est extrêmement déroutant. Le juge Morden a dû consacrer 100 pages d'analyse juridique pour tenter d'élucider la question, et ses messages n'ont manifestement pas été retransmis à la Commission de services policiers d'Ottawa.
     Vous conviendrez avec moi que dans le cadre de l'enquête sur Ipperwash — nous la connaissons bien, vous et moi —, c'était en fait l'une des questions fondamentales, la capacité qu'ont les politiciens de diriger la police. Les renseignements qui en ont découlé auraient peut-être été utiles dans le cas qui nous occupe.
    Exactement. La partie du projet de loi C‑303 qui, à mon avis, est bonne, reprend la recommandation du juge Linden, qui indique que ce domaine changera avec le temps et que l'autorité politique qui assumera cette responsabilité devra le faire par écrit en présumant que ses instructions seront rendues publiques. Je pense que le projet de loi C‑303 est sur la bonne voie.
    Le juge Linden a dit, entre autres choses, qu'il n'y a pas de niveau d'autorité unique entre la politique et les opérations et entre l'Église et l'État. La réponse dépend de la dynamique du contexte. Dans un régime démocratique, nous devons veiller à ce que les politiques définitives soient fixées, ou non, par des personnes qui sont tenues d'en assumer la responsabilité de façon démocratique.
    J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet des renseignements — en particulier, dans ce cas‑ci, des renseignements recueillis par la police. Comme ces renseignements sont retransmis à trois niveaux, quelle surveillance, ou quel examen recommanderiez-vous pour cela?
    Je pense que s'il y avait une certaine coordination officielle avec le gouvernement fédéral, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l'OSSNR, et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement pourraient au moins examiner la question. Le problème, c'est que les provinces et les municipalités n'ont pas d'entité comme l'OSSNR et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Il y a donc une lacune dans la reddition de comptes.

[Français]

     Sénateur Carignan, vous avez la parole pour cinq minutes, s'il vous plaît.
     Ma question s'adresse au professeur Roach.
    On a dit que les mesures prises en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence étaient assujetties à la Charte canadienne des droits et libertés et qu'il ne fallait pas s'en faire puisque la Charte s'appliquait.
    Que pensez-vous de l'ordonnance de blocage des comptes bancaires de gens qui participaient au convoi à Ottawa? Ces saisies violaient-elles l'article 8 de la Charte? Dans un jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Laroche, on a déterminé qu'une ordonnance de blocage était une saisie.

  (1925)  

    Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    N'importe qui peut dire que des actes sont conformes à la Charte. J'ai très souvent écrit que la Charte ne fixe que des normes minimales. À mon avis, de nombreux aspects du décret d'urgence — pas seulement les aspects financiers — pourraient être contestés en vertu de la Charte. L'autorisation de saisir ou de geler des biens sans aucune application régulière de la loi est plutôt faible. La deuxième partie du Règlement mentionne le concept de « violation de la paix », mais on n'en parle pas comme d'une infraction, c'est très vague. Je ne soutiendrais donc pas la légitimité des mesures prises face aux aspects financiers et à la protestation en me basant sur la Charte.
    De même, la définition de l'entrave au commerce est extrêmement vague. Je pense qu'il est important que nous appliquions les normes de la Charte. Toutefois, personne ne le fera devant un tribunal, et le simple fait que le gouvernement affirme qu'une chose est conforme à la Charte ne signifie pas qu'elle le soit vraiment.

[Français]

     J'ai entendu un argument qui m'a fait dresser les cheveux sur la tête.
    Moi aussi.
    J'imagine!
    Évidemment, il faut une intervention de l'État ou du gouvernement. Par contre, des gens ont dit que, comme ce n'étaient pas eux qui avaient saisi les comptes, mais les banques, ce n'était pas une perquisition ou une saisie.
    Que pensez-vous de cet argument? A-t-il le même effet sur vous que sur moi?

[Traduction]

     En effet. Techniquement, il est vrai que la Charte ne lie que l'État. Toutefois, certaines décisions rendues en vertu de l'article 8 de la Charte, comme le fait que l'infirmière et non le policier ait obtenu un prélèvement de sang, n'immunisent personne contre l'application de la Charte.
    D'un autre côté, dans le domaine des sanctions financières, le recours à des institutions financières sous la direction de l'État pourrait fort bien, à mon avis, faire l'objet d'un examen en vertu de la Charte. Je pense que les tribunaux seront sensibles au fait qu'en soutenant le contraire, ils créeraient un écart de responsabilité assez important, parce qu'en matière de sanctions financières ou de surveillance, l'État dirige maintenant le secteur privé.
    Je pense que nos tribunaux en sont conscients et qu'ils interprètent la Charte de façon très générale. Ils ne veulent pas offrir au gouvernement une occasion de dire, essentiellement: « Cet individu n'est pas assujetti à la Charte, alors à vous de faire le sale boulot! »
     Vos cinq minutes sont écoulées.

[Français]

    Je suis désolé.

[Traduction]

    Nous passons maintenant au sénateur Harder.
    Vous avez cinq minutes, monsieur, et la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Roach.
    Monsieur Roach, vous avez soutenu que le Canada n'a pas pris la menace de l'extrémisme d'extrême droite assez au sérieux. Dans la foulée de la manifestation des convois, pouvez-vous nous dire où nous avons échoué, quelles menaces nous devrons envisager à l'avenir et si nous avons les outils juridiques nécessaires pour faire face aux menaces que vous percevez?
     Je vous remercie, sénateur Harder, pour cette question.
    Je pense que le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, a mis beaucoup de temps avant de reconnaître que l'extrémisme violent, surtout celui de l'extrême droite, tue beaucoup plus de gens que le terrorisme inspiré par Al‑Qaïda ou Daech. De nouveau, en évaluant la décision du SCRS selon laquelle la sécurité du Canada n'était pas menacée, il faut reconnaître qu'elle est arrivée assez tard. Je ne dis pas que les agents du SCRS avaient raison ou tort, mais je pense que cette observation est pertinente.
    Depuis lors, il y a eu... Encore une fois, dans l'opération Hendon, on perçoit, dans les références au « mouvement patriotique », l'idée que l'extrême droite du Canada est très semblable à celle des États-Unis. On y décèle certainement des dimensions transnationales que nous avons malheureusement aussi constatées en Nouvelle-Zélande, à Buffalo et ailleurs. Toutefois, je crois que nous devrions approfondir considérablement notre compréhension de l'extrémisme idéologique.
    Je m'attendrais à ce que cela vienne du SCRS plutôt que de la police. D'après les leçons tirées de la Commission McDonald, les policiers ne reçoivent pas la formation politique nécessaire pour faire du renseignement, et surtout pour déterminer quand l'extrémisme, qui ne devrait pas nous préoccuper énormément, se transforme en extrémisme violent. Je ne m'attends pas à ce que la police soit bien placée pour déterminer cela. Je préférerais que le SCRS prenne cette décision sous la direction du ministre et sous la surveillance de ceux qui l'entourent.
    Avons-nous besoin d'autres outils juridiques? Cela reste à voir. Je ne pense pas... Je conviens avec Mme West que dans le milieu de la sécurité au gouvernement fédéral, beaucoup de gens désirent étendre l'article 2 de la Loi sur le SCRS. Mais il fallait le faire avant et non en interprétant les faits. Mme West a raison, c'est une chose assez fondamentale dans un État de droit, mais je ne pense pas que nous puissions le faire à la hâte. C'est une chose extrêmement grave, surtout compte tenu des nouveaux pouvoirs que nous avons conférés au SCRS pour réduire la menace. Peut-être devrions-nous revenir en arrière et vraiment repenser la répartition des agents du SCRS et de la police.
    Nous savons également, grâce au rapport institutionnel que la GRC a présenté à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, qu'elle comporte quatre sections sur le renseignement, dont une se penche sur l'extrémisme idéologique. La Commission ne pourra pas suivre tout cela, d'autant plus qu'elle doit aussi s'occuper de l'Agence des services frontaliers du Canada. J'espère que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement se penchent sérieusement sur la question du point de vue des droits, afin qu'ils ne considèrent pas l'extrémisme comme un mouvement à faire surveiller par les services de renseignement, mais aussi du point de vue de l'efficacité, pour que nous le fassions avec les ressources et les compétences qui conviennent.
    Veuillez excuser la longueur de cette réponse.

  (1930)  

    C'était une longue réponse, mais elle en vaut la peine.
    Monsieur le président, ai‑je le temps de poser une autre question?
    Il vous reste 30 secondes.
    Dans ce cas, je vais m'adresser très rapidement à Mme West.
     Le directeur Vigneault a témoigné devant le Comité, comme vous le savez, pour présenter son point de vue sur le cadre juridique de l'action entreprise. Contestez-vous son témoignage?
    Non. Le directeur Vigneault a dit qu'il ne pensait pas que ce qu'il avait observé était une menace en vertu de l'alinéa 2c). Il avait reçu un avis juridique lui indiquant qu'il pourrait adopter une perspective plus large de l'alinéa 2c). Il s'en est inspiré en donnant son avis de conseiller en matière de sécurité nationale. Je pense que c'est permis.
    Puisque le sénateur Patterson n'est pas ici, nous allons passer au prochain tour, qui sera de quatre minutes.
    Monsieur Brock, vous avez la parole pour quatre minutes.
     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les deux professeurs d'être venus aujourd'hui.
    Madame West, lorsqu'il a formé le gouvernement, le premier ministre a promis aux Canadiens qu'il dirigerait un gouvernement ouvert et transparent. Il a accepté de collaborer pleinement avec le juge Rouleau lorsqu'on lui a demandé de témoigner, mais son Cabinet et lui se sont cachés derrière le principe du secret professionnel en ne divulguant pas les conseils juridiques qu'ils avaient reçus.
    Les Canadiens n'acceptent pas de se faire répondre « faites-nous confiance ». Sans avoir été au courant de cette réponse, vous avez émis l'opinion suivante dans un article juridique — dont vous êtes coauteure avec Michael Nesbitt et Jake Norris — publié dans le Criminal Law Quarterly:
pour justifier adéquatement la déclaration d'une urgence d'ordre public, le gouvernement devait fonder son invocation sur trois façons inédites, non conventionnelles et auparavant imprévues d'interpréter ce palier juridique
    Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez? Ma deuxième question porte sur la façon dont cet article a été rédigé avant que l'on ait entendu tous les témoignages. Cette opinion tient-elle toujours? Sinon, en quoi a‑t‑elle changé?

  (1935)  

    Il y a eu un léger changement, parce que nous avons écrit cela en nous fondant sur l'interprétation de l'alinéa 2c) de la Loi sur le SCRS. Nous supposions que lorsque le Cabinet lirait l'alinéa 2c), il l'interpréterait de la même façon que nous. Comme au moment de rédiger cet article, rien n'indiquait qu'une violence et des menaces de violence si graves nous amèneraient à l'alinéa 2c), nous avons écrit qu'il devrait y avoir une nouvelle façon d'interpréter l'expression « violence grave ». En nous fondant sur la justification prévue à l'article 58, nous avons examiné ce qui se passait, et il s'agissait en particulier d'un préjudice économique grave.
    Nous avons entendu dire depuis lors que l'on invoquait non pas le préjudice économique grave et le fait que les renseignements et les preuves n'étaient pas accessibles au public, mais une définition différente de l'alinéa 2c). Nous n'avions pas prévu cela en rédigeant cet article.
    Je comprends.
    Vous avez été interviewée à plusieurs reprises à l'émission Power & Politics de la CBC pendant la Commission Rouleau, et l'on vous a demandé, à vous et à un autre professeur, ce que nous avons appris du témoignage du premier ministre.
    J'ai également regardé votre fil Twitter, et dans un gazouillis à peu près au même moment — c'était probablement le jour ou le lendemain du témoignage du premier ministre —, vous avez dit que M. Trudeau, le premier ministre, présentait un argument convaincant pour qui n'est pas avocat. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Votre question est très complexe. Essentiellement...
    Il vous reste une minute, madame West.
    Oui, merci.
    Tout au long du processus — j'essayais de comprendre les faits pour les appliquer à la loi —, j'ai entendu des faits appliqués à différents éléments des définitions, mais jamais nécessairement dans le bon ordre. On ne franchissait pas le premier obstacle avant de passer au suivant. Tous les faits étaient appliqués comme si la loi n'était pas structurée. On se retrouve alors avec des faits reliés à un élément de la définition, puis avec des faits reliés à un autre élément. Cependant, on ne les présente pas vraiment en cherchant à atteindre un premier palier, puis le suivant et ainsi de suite.
    Alors je crois que les gens qui lisent simplement la loi sans vraiment chercher à l'interpréter se disent que tous les faits présentés correspondent à des éléments de la loi, donc que tout est logique. Toutefois, la loi n'est pas structurée de cette façon. Il y a une série de paliers à respecter, et chaque mot compte. C'est la raison pour laquelle j'ai trouvé son argument convaincant, mais pas si vous l'examinez du point de vue de quelqu'un qui s'intéresse à l'interprétation de la loi.
    Pour ceux qui nous suivent, je permets aux témoins de terminer leurs réflexions et leurs réponses.
    Votre intervention est complète.
    Nous allons maintenant passer à Mme Bendayan, qui dispose de quatre minutes.
    La parole est à vous.
     Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans la même veine, madame West.
    Plus tôt dans votre témoignage, vous avez dit que vous n'aviez évidemment pas tous les faits puisque vous n'avez pas accès à certains renseignements des services de sécurité et de renseignement, entre autres choses. Vous venez de dire que vous appliquez les faits à la loi, mais vous conviendrez que vous n'avez pas tous les faits.
    Mme Leah West: C'est vrai.
    Mme Rachel Bendayan: J'ai également consulté votre compte Twitter. Il semble que nous ayons consulté le même article que vous, celui du 30 novembre, de la semaine dernière. Radio-Canada/CBC y donnait plus de détails sur le complot de meurtre à Coutts, en Alberta. La GRC y avait saisi des bombes-tuyaux et plus de 36 000 cartouches.
    Dans ce reportage, il a été question de mandats de perquisition non scellés comprenant des messages textes entre les personnes accusées et « les patrons », qui disaient aux hommes accusés que l'objectif réel des manifestations était de modifier les systèmes politique, judiciaire et médical du Canada.
    Vous avez publié un gazouillis au sujet de ce reportage. Vous y avez écrit que vous étiez curieuse de savoir pourquoi ces hommes n'avaient pas été accusés d'infraction de terrorisme. Pourriez-vous nous donner une idée de ce à quoi vous faisiez allusion et, en particulier, du danger que pose l'extrémisme violent à caractère idéologique?

  (1940)  

    Certainement. La définition de « activité terroriste » est à la base d'un certain nombre d'infractions de terrorisme dans le Code criminel — ce qui diffère, je dirais, de la définition de la Loi sur le SCRS. Cette définition est beaucoup plus limitée dans le Code criminel, qui y rattache trois critères: une intention, un motif et un certain niveau d'action.
    D'après l'information obtenue et transmise dans ces articles, je constate des preuves à l'appui de ces trois critères. J'ai alors demandé pourquoi l'on n'avait pas ajouté des infractions de terrorisme aux accusations après leur dépôt.
     Merci, madame West.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Roach.
    Vous avez publié deux articles à ce sujet — parmi de nombreux autres, j'en suis sûre —, professeur. J'aimerais me reporter à votre article du 12 mai, dans lequel vous soulignez qu'il faudrait vérifier si le SCRS avait omis de recueillir ou de fournir des renseignements indiquant qu'il existait des liens entre les manifestations et l'extrémisme violent d'extrême droite. Vous ajoutez que les services de renseignement du Canada ont tardé à considérer le terrorisme d'extrême droite comme une menace à la sécurité. Je me demande si, à partir de cet article et de cette affirmation, vous pourriez nous recommander une façon de faire. Vous pourriez peut-être fournir votre réponse par écrit, parce que mon temps est très limité.
    Je vous renvoie également à votre article du 14 février 2022, publié au plus fort de l'occupation. Vous y soulignez que la GRC, dans son rôle de police fédérale, n'avait compétence que sur les biens fédéraux, ajoutant que la police locale qui était responsable de la sécurité de la rue publique qui passe devant l'édifice du Parlement et de la route principale de Windsor qui mène au pont Ambassador. Vous suggérez fortement que l'on réexamine ces ententes.
    Pour éclairer les recommandations que notre comité devra présenter, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces affirmations ainsi que de celle — si je comprends bien votre témoignage d’aujourd’hui — qui semble indiquer que tout cela suggère un échec des services policiers?
    Je ne sais pas si vous voudriez ajouter quelque chose pendant le peu de temps qu'il me reste. De nouveau, si vous pouviez fournir vos réflexions par écrit au Comité, nous vous en serions très reconnaissants.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il faudrait songer à accorder la priorité à la GRC dans l'ensemble de la Cité parlementaire et des postes frontaliers.
    Quant à l'extrémisme violent d'extrême droite et la question de savoir si la réponse du SCRS était adéquate, je pense que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ou le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement devraient examiner cette question.
    Cela met fin à cette série de questions.

[Français]

     Monsieur Fortin, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Madame West, je vais continuer où j'en étais sur la question de l'interprétation.
    Je ne veux pas critiquer ou appuyer l'opinion juridique que certains interlocuteurs ont vue, puisque nous ne l'avons pas vue. En fait, elle n'existe pas pour nous. Compte tenu de votre présence et de celle du professeur Roach, j'aimerais vérifier un principe d'interprétation.
    Dans ma compréhension des choses, lorsqu'un texte législatif est attributif de droits, on va lui donner une interprétation plus libérale et plus large, et, lorsqu'un texte législatif est plutôt privatif de droits, on va lui donner une interprétation plus restrictive et plus restreinte.
    Ai-je raison de penser cela, madame West, ou suis-je dans l'erreur?

[Traduction]

     En général, oui, si vous interprétez des droits qui privent quelqu'un de sa liberté ou de ses biens, etc. On interprète alors cela de façon plus étroite que si l'on créait une obligation positive ou un droit positif pour autrui.
    Je vais demander à M. Roach...

  (1945)  

[Français]

     Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je ne voulais pas interrompre mon collègue, je voulais attendre que la témoin réponde.
    Mon collègue semble avoir insinué, dans sa question, que des membres du Comité avaient vu des opinions juridiques. Je ne sais pas s'il fait allusion à mes questions aux témoins ou à ce que d'autres membres ont dit, mais personne n'a vu d'opinion juridique.

[Traduction]

     Lorsqu'on invoque le Règlement, il faut que le rappel soit relié à un article du Règlement. Votre rappel ne l'est pas. C'est un débat.
    Retournons où nous en étions. Vous aurez un autre tour si vous voulez réfuter ce qui a été dit ici dans le cadre du débat.
    Merci.
    Toutes mes excuses, monsieur Fortin. J'avais arrêté le chronomètre.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je n'ai présumé de rien. Je dis simplement que, pour les fins de nos travaux, il n'existe aucune opinion, puisque tout le monde a refusé...

[Traduction]

    Vous êtes en train de débattre du rappel au Règlement. Ce n'est pas nécessaire. J'ai rendu ma décision sur ce rappel au Règlement.
    Revenons à nos moutons. Poursuivons.

[Français]

     Je poursuis.
    On doit effectuer une interprétation restrictive d'un texte de loi lorsque celui-ci est privatif de droits.
    En ce qui concerne la proclamation de la Loi sur les mesures d'urgence, qui amène évidemment dans son sillage différents décrets et règlements, êtes-vous d'avis qu'il s'agit là d'une disposition privative de droits?

[Traduction]

    Oui, la proclamation de la Loi sur les mesures d'urgence a certainement limité les droits des gens, mais je pense qu'il est important de prendre du recul et de parler de ce que nous interprétons réellement, c'est‑à‑dire les termes de la définition de « menaces envers la sécurité du Canada » à l'alinéa c) de l'article 2. Nous cherchons à déterminer comment cette expression s'applique à la déclaration d'urgence.
    Cette disposition ne donne ni ne retire un droit à une personne. La règle type dans ce contexte n'a pas beaucoup d'influence dans un sens ou dans l'autre, car ce n'est pas cet élément qui donne ou qui retire un droit.
    Oui, cela correspond au contexte général de la Loi, alors il faut garder cela à l’esprit. Il s’agit potentiellement de priver des gens de leurs libertés.

[Français]

    Je vous poserai la même question, professeur Roach.
     À votre avis, doit-on interpréter de façon restrictive une disposition législative qui est privative de droits? Si oui, à votre avis, l'interprétation que l'on doit donner aux dispositions de la Loi sur les mesures d'urgence visant à permettre sa proclamation doit-elle être de nature privative de droits?

[Traduction]

    Je conviens que cette loi a privé des gens de leurs droits.
    Je n'en reviens pas que le SCRS n'ait pas pensé que la situation répondait aux critères de l'alinéa c) de la définition de l'article 2. Néanmoins, son directeur et le Cabinet, par la suite, ont recommandé la proclamation d'une situation d'urgence.
    Je pense vraiment que — de nouveau, cela risque d'entraîner un avis juridique — cela dépend en grande partie du paragraphe 17(1)...

[Français]

    Je suis désolé, monsieur Roach, il ne me reste que quelques secondes.
    Si j'ai bien compris, à votre avis, l'opinion selon laquelle on devrait interpréter de façon large les dispositions de la Loi sur les mesures d'urgence n'est pas adéquate.

[Traduction]

    Je pense que de façon générale, ce ne serait pas une bonne chose, mais n'oublions pas le paragraphe 17(1) de la Loi sur les mesures d'urgence, qui indique que le gouverneur en conseil peut agir « s’il croit, pour des motifs raisonnables ». À mon avis, cela donne peut-être une certaine marge de manœuvre, mais ce que je voulais dire, c'est que le SCRS interprète l'alinéa c) de l'article 2 plus strictement parce qu'il prive des gens de leurs droits.
    Je pense que le SCRS en est conscient, et je pense que c'est tout à fait approprié.
    D'accord. Voilà qui met fin à cette série de questions.
    Merci beaucoup.
    Je cède la présidence à la sénatrice Boniface pour mes cinq minutes. Pardon, pour mes quatre minutes. Vous voyez, j'étais généreux.
    Merci beaucoup.
    Il est très important, du moins à mon avis, que nous comprenions cela parfaitement afin d'élaborer des recommandations à ce sujet. Votre expertise en la matière est une source très précieuse de l'information de base à partir de laquelle notre comité va délibérer.
    Pour bien préciser cela, croyez-vous que la Loi sur les mesures d'urgence, dans son contexte actuel, répond adéquatement à l'objectif?
    Madame West, allez‑y.

  (1950)  

     Non.
     Monsieur Roach, allez‑y.
    Non. Je dissocierais la définition de « état d'urgence » de celle de « menace à la sécurité du Canada ». Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes, parce que...
    Je voudrais approfondir cela, monsieur Roach. Je comprends ce que vous dites, et je n'ai pas beaucoup de temps. J'aimerais savoir exactement quels amendements vous proposeriez au Comité.
    Je proposerais de supprimer l'alinéa 2c) et d'adopter une définition différente de « état d'urgence » en conservant l'article 3. Je proposerais de veiller à ce que les responsables de l'enquête — et je sais que vous croyez que cela relève de vos pouvoirs — aient accès au secret professionnel des avocats.
    Aux fins du compte rendu, nous sommes les grands enquêteurs et non le Grand Inquisiteur — je crois que je cite Star Wars, mais je m'écarte du sujet.
    Madame West, selon vous, quelles recommandations devrions-nous présenter?
    Je modifierais la définition de « état d'urgence » pour éliminer les situations d'urgence causées par des auteurs de menaces, ce que nous avons essentiellement dans le cas qui nous occupe. Si le Parlement voulait le pouvoir de répondre à des situations d’urgence causées par du terrorisme, par de la subversion, par de l’espionnage et autres, je crois qu’il faudrait quand même relier ce pouvoir à l’alinéa 2). Toutefois, pour intervenir à un état d’urgence et à des problèmes qui se déroulent près d’infrastructures critiques, je modifierais la définition d’« état d’urgence » afin de répondre à ces critères.
    On pourrait aussi proposer un projet de loi sur l'ordre public comme celui que le Royaume-Uni a présenté à son assemblée législative. On accorderait ainsi des pouvoirs précis sur différentes infractions qui menacent des infrastructures critiques et sur les menaces causées par des perturbations de l'ordre public.
    Vous m'avez peut-être entendu parler, au cours de cette réunion et d'autres études, de l'échec pratique des services de police. Cela ne fait pas partie de notre mandat, mais il n'y a pas eu de commission royale sur les services de police depuis 1962.
    Monsieur Roach, je sais que vous avez publié des articles sur l'inégalité des services de police. Je pense que l'on peut dire qu'en regardant la situation de l'extérieur, il semble que l'on a appliqué deux poids, deux mesures à ce groupe de policiers. Pensez-vous comme moi que nous devrions mettre sur pied une commission royale d'enquête sur les services de police afin d'analyser les responsabilités de la police?
    Oui, je suis tout à fait d'accord. J'envisagerais également de modifier la disposition du Code criminel relative aux émeutes, qui est archaïque.
    Il ne me reste que quelques secondes. Seriez-vous aussi en faveur d'une commission royale sur les services de police qui examine les mandats et les...
    Oui, tout à fait, et...
    Je suis désolé. Toutes mes excuses, monsieur Roach. J'aimerais que Mme West réponde rapidement à cette question.
    Pardon.
    Oh oui. Je pense surtout qu'il faut revoir la structure de la GRC.
    Seulement la GRC?
    Je veux dire de la GRC en particulier.
    Trouvez-vous aussi que dans le contexte de cet état d’urgence national et de cette déclaration d’urgence, tous les niveaux des services de police ont pratiquement échoué?
    Oh oui. Mon commentaire sur la GRC n'était pas seulement lié à la Loi sur les mesures d'urgence. C'était un commentaire très général.
    Merci beaucoup.
    Le sénateur Carignan a maintenant la parole pour quatre minutes.
    À vous la parole, monsieur.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à la professeure West et elle porte sur le caractère territorial et la différence entre une situation d'urgence localisée et une situation d'urgence qui touche le Canada en entier.
    Je lisais des discours de Perrin Beatty et, le 16 novembre 1987, il a dit ceci: « L'état d'urgence doit menacer le Canada tout entier ou être d'une telle ampleur qu'il dépasse la capacité des pouvoirs d'intervention des provinces ».
    Selon ces propos, une crise localisée ou une situation localisée ne respecterait pas la définition d'une crise nationale qui mène à la déclaration sur les mesures d'urgence.
    Pouvez-vous préciser votre pensée à ce sujet?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec vous. Je pense que si nous examinons la définition de « crise nationale », elle est précisée à l'alinéa 3a) et à l'alinéa 3b). Il faut qu'il s'agisse d'une urgence qui échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces. Deuxièmement, l'alinéa 3b) porte sur une crise qui menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir « la souveraineté, la sécurité et l'intégrité territoriale du pays ».
    Existerait‑il une urgence nationale de nature plus régionale qui ne toucherait pas vraiment tout le pays? Je le pense, oui, mais cette crise doit menacer la sécurité de tout le pays. Son intervention dépasserait donc les capacités de la province et relèverait du gouvernement fédéral.

  (1955)  

[Français]

     Je m'excuse. Étant donné que je ne vous suis pas sur Twitter, je ne peux pas m'inspirer de vos gazouillis pour vous poser des questions.
    Le maire d'Ottawa a dit qu'il avait déclaré l'état d'urgence, mais que cela ne lui donnait pas vraiment de pouvoirs et que c'était symbolique. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ces propos. Je sais que vous n'êtes pas une experte en droit municipal, mais, selon votre CV, vous avez beaucoup d'expérience en mesure d'urgence.
    Selon vous, cette déclaration? Ces mesures étaient-elles seulement symboliques ou accordaient-elles des pouvoirs importants?

[Traduction]

     Je n'ai pas compris l'interprète. Je vais essayer de répondre à votre question.
    Les mesures sont censées être nécessaires pour mettre fin à l'urgence. Je ne pense pas que quiconque puisse prétendre qu'une mesure ou un symbole soit nécessaire. Même en l'utilisant pour transmettre la gravité du problème et la façon dont on se prépare à intervenir... Je ne pense pas que cela justifierait le niveau de nécessité exigé par la Loi.

[Français]

    Le maire disait que le fait de déclarer l'état d'urgence au niveau municipal ne lui donnait pas de pouvoirs. Pourtant, il y a quand même des pouvoirs de saisie et de confiscation. Le maire a plusieurs pouvoirs, lorsqu'il déclare l'état d'urgence.
    Pouvez-vous nous en parler davantage?

[Traduction]

    C'est assez typique. La plupart des pouvoirs d'urgence municipaux sont limités à ce qui relève ordinairement de la compétence de la municipalité.
     Toutes les lois sur les mesures d'urgence donnent aux provinces des pouvoirs qui ont plus de mordant. Les pouvoirs d'urgence des provinces sont de loin les plus redoutables, comparativement à ceux des municipalités et du gouvernement fédéral. C'est logique, parce que les outils pour réagir à ce que nous considérons comme une urgence typique relèvent des provinces. Par exemple, les services de police, les services de santé et les services d'urgence relèvent des provinces.
    Cela met fin à cette série de questions.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Boniface, pour quatre minutes.
    Vous avez la parole.
    Monsieur Roach, je voulais revenir au paragraphe 17(1), parce que vous n'avez pas eu l'occasion d'en dire plus là‑dessus. Nous n'en avons pas beaucoup entendu parler au Comité.
     Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce paragraphe et nous dire comment il joue sur l'équilibre de la Loi?
    Bien sûr. Je suis d'accord avec Mme West pour dire qu'il faut avoir l'alinéa 2c), plus l'article 3, mais le paragraphe 17(1) dit: « Le gouverneur en conseil [...], s'il croit, pour des motifs raisonnables, qu'il se produit un état d'urgence justifiant en l'occurrence des mesures extraordinaires à titre temporaire [...] ». Il me semble que la question que doit se poser le Cabinet, et la question à explorer dans cet avis juridique, est de savoir s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il se produit effectivement un état d'urgence.
    À mon avis, l'alinéa 2c) dit ce qu'il dit. Sa signification ne change pas s'il est incorporé tel quel dans la Loi sur les mesures d'urgence, que ce soit une bonne idée ou non. Vous m'avez entendu. Ce que j'aimerais savoir, c'est l'interprétation qu'en a faite le procureur général du Canada. On s'en remet de plus en plus aux décideurs et aux experts du gouvernement. J'aimerais voir comment a été interprété le fait de croire pour des motifs raisonnables dont parle l'article 17, mais j'aimerais bien aussi que ce soit Noël.

  (2000)  

    J'aimerais revenir à vos commentaires sur la comparaison entre la situation à Ottawa et la situation à Toronto. Je pense que nous avons entendu des témoignages au Comité selon lesquels Toronto aurait bénéficié de l'expérience d'Ottawa.
     Eh bien, oui, dans une certaine mesure. Nous savons aussi, cependant, qu'Ottawa savait ce qui s'en venait, que ce soit par l'opération Hendon ou par les rapports du CIET.
    Par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse dire simplement « aurait bénéficié ». Je pense que Toronto a bénéficié des critiques qu'elle a reçues pour ce qu'elle a fait au G20 et qu'elle a su faire le ménage dans sa cour. Elle avait une commission des services policiers et un service de police qui travaillaient ensemble de façon fonctionnelle. Elle avait un maire qui prenait la peine de siéger à la commission des services policiers et qui n'allait pas s'amuser à négocier avec des manifestants.
    Je pense que l'expérience de Toronto peut nous apprendre beaucoup de choses. J'ai formulé des critiques au sujet de la police — vous le savez, sénatrice Boniface —, mais je crois aussi qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César. Il y a deux endroits où regarder pour voir ce qui s'est bien passé: d'abord, l'enceinte du Parlement, qui n'a pas été franchie — comme en 2014, par exemple — et ensuite Toronto. Je pense que ce sont deux réussites importantes.
    Votre comité devrait faire la part des choses et tirer des leçons autant des échecs que de ce qui a bien fonctionné.
     Je suis d'accord avec vous.
    Il ne faut pas oublier non plus... Le commissaire Carrique a témoigné qu'en un seul jour — je me trompe peut-être un peu dans mes chiffres — on a compté plus d'une centaine d'incidents à différents endroits. Je pense donc qu'il faudra aussi parler de capacité lorsque nous réfléchirons à cela, à l'avenir.
    Êtes-vous d'accord avec moi?
    Tout à fait, mais nous devons aussi songer que le solliciteur général de l'Ontario devrait assumer une certaine responsabilité en ce qui concerne ces problèmes de capacité.
     Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin au deuxième tour. Nous sommes capables d'en faire un troisième.
     Une voix: Est‑ce que le sénateur [inaudible]?
    Le coprésident (M. Matthew Green): Non, c'était pour le sénateur Carignan. Il y avait deux sénateurs dans ce tour.
    Nous envisageons un troisième tour complet, à raison de cinq minutes pour chacun, et je veux que le Comité en décide. Je crois savoir que certaines personnes souhaitent partager leur temps de parole. Je demande donc l'avis du Comité sur l'idée d'un tour à cinq minutes chacun. Comme le sénateur Patterson n'est pas ici, nous avons ce temps‑là en réserve.
    Je sais que les témoins sont avec nous depuis un certain temps, en personne ou en ligne, alors j'aimerais que le Comité me dise s'il y aurait lieu de faire une pause de cinq minutes. Voulez-vous continuer jusqu'à la fin?

[Français]

     Monsieur le président, personnellement, je n'ai pas d'objection à ce que le Comité continue ses discussions avec les témoins.
    Cependant, le Comité devait, entre 20 h et 21 h 30, s'occuper des travaux à venir, c'est-à-dire que nous devions étudier des motions. Ainsi, si nous acceptons de tenir un autre tour de questions, nous allons avoir moins de temps pour étudier les motions.
    Ai-je bien compris? Si je pose la question, c'est que la séance va être levée à 21 h 30.

[Traduction]

    C'est exact, avec un peu de jeu à la fin.
    Je m'en remets à la volonté du Comité.

[Français]

[Traduction]

     Nous pourrions prendre moins de temps, si vous voulez en récupérer une partie. Nous pourrions accorder quatre minutes au lieu de cinq. C'est à vous de voir.
     Vous voulez quatre minutes. C'est parfait. Je vous remercie de votre collaboration.
    Nous allons nous en tenir à quatre minutes chacun et nous allons reconnaître les temps de parole partagés. Les partis qui veulent partager leur temps, voulez-vous une interruption ferme à deux minutes? Voulez-vous que j'intervienne, ou que je laisse cela à votre discrétion?
     Je laisse cela à votre discrétion.
    D'accord, merci de nous permettre de régler cette question d'ordre administratif.
    Allons‑y maintenant pour le troisième tour de questions, à raison de quatre minutes chacun, en commençant par M. Motz.
    Monsieur Motz, vous disposez de quatre minutes.
    Merci. Je vais partager mon temps avec M. Brock.
    Madame West, vous avez déclaré: « Nous ne qualifions pas de terroristes des mouvements entiers de protestation parce que certains parmi les manifestants cherchent à s'en servir pour éventuellement créer de la violence. » Vous avez déclaré aussi: « Nous n'avons jamais accolé l'étiquette de terrorisme aux barrages routiers et autres moyens non violents, mais illégaux, d'obstruer une infrastructure essentielle. Ces gestes‑là ne sont pas visés par l'alinéa 2c) de la Loi sur le SCRS, peu importe l'interprétation qu'on en fait, si large soit-elle. »
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, s'il vous plaît, pour la minute et demie qui suit?

  (2005)  

    Bien sûr. Je faisais allusion aux manifestations violentes que nous avons vues dans le passé, comme celles du G8 et du G20, comme nous l'avons entendu, et du Sommet des Amériques. Nous savons qu'il y avait des éléments violents dans ces mouvements de protestation qui cherchaient à en profiter pour faire avancer leurs projets de violence, mais nous n'avons pas pour autant qualifié ces manifestations de « terroristes ».
    Il y a eu aussi dans l'histoire de notre pays une série de barrages routiers qui étaient non violents, mais illégaux. Nous nous sommes gardés de les qualifier de « terroristes », parce qu'ils ne présentaient pas cette grave menace de violence. Nous avons eu raison, à mon avis.
     Comment classeriez-vous le « convoi de la liberté »?
    Je le vois comme une constellation de barrages et de manifestations. Nous avons entendu dire que les graves menaces de violence, encore une fois, comme par le passé, venaient de ceux qui cherchaient à s'approprier le mouvement pour faire avancer leurs propres projets de violence. Je n'ai rien vu qui laisse croire que c'était la majorité des manifestants ni le but ultime qu'ils visaient. Ce n'est pas très différent des manifestations que nous avons vues antérieurement.
    Même s'il y en a peut-être parmi les manifestants, en tout cas chez ceux de Coutts, qui correspondent à la définition et qui constituent une menace terroriste, nous ne qualifions pas normalement tout le mouvement de terroriste à cause des actes de quelques-uns.
    Merci.
    Un de vos collègues de la faculté de droit de l'Université Queen's, un professeur du nom de Bruce Pardy, a écrit un article paru aujourd'hui dans le Toronto Sun. Le titre dit qu'il était nettement exagéré d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, après quoi M. Pardy donne des exemples pour expliquer son opinion. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion, l'un ou l'autre, de lire cet article, même si ce n'est pas vraiment utile pour répondre à ma question.
    Ma question s'adresse aux deux témoins, mais je commence par vous, madame West. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Sinon, expliquez-nous pourquoi.
    Je la trouve un peu trop catégorique. Comme je l'ai dit, je fonde mon opinion sur ma compréhension des lois. Qu'on me corrige si ma compréhension laisse à désirer, mais je n'ai encore rien vu qui puisse ébranler ma conviction.
    Si la Loi était interprétée de façon plus large, qu'on y voyait un moyen d'utiliser les pouvoirs nécessaires pour dissiper... la Loi sur les mesures d'urgence, en sachant qu'on adopte une position juridique fragile, là je pense que ce serait exagéré.
    Merci.
    La parole est à vous, monsieur Roach.
    Oui. Je suis plutôt d'accord.
    Pour répondre aussi à la question de votre collègue, je dirais que même à Coutts, après les arrestations, les manifestants se sont disciplinés eux-mêmes et le barrage s'est démantelé. Je pense qu'il est très important de garder cela à l'esprit, parce que je suis d'accord avec Mme West: nous ne devrions pas marquer des gens et des groupes entiers du sceau de terroristes.
     Nous passons maintenant à M. Virani.
    Monsieur Virani, vous avez la parole pendant quatre minutes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Roach, en ce qui concerne les éléments du renseignement, on vous a posé un certain nombre de questions à ce sujet. J'aimerais citer un passage d'un de vos articles, daté du 14 février dernier. Il se lit comme suit:
Le Canada a tardé à reconnaître l'extrémisme violent de droite malgré des incidents de terrorisme d'extrême droite, dont une fusillade en 2014, où un homme qui voulait renverser le gouvernement a tué trois agents de la GRC; le meurtre, en 2017, de cinq hommes dans une mosquée de Québec par un disciple de Donald Trump, de David Duke et de la mouvance antimusulmane; la tentative, en 2020, d'un réserviste militaire de s'en prendre au premier ministre Justin Trudeau, qu'il craignait de voir imposer une dictature communiste au Canada; enfin, le meurtre en 2021 de quatre membres d'une famille musulmane par un homme portant la croix gammée.
    Comment pouvons-nous aller à la source de ce genre de parti pris au sein de notre appareil de renseignement, qui ne sait pas évaluer correctement la menace que pose l'extrémisme de droite? Cela peut‑il se faire par des recommandations du Comité? Dans ce cas, que nous proposez-vous de recommander?

  (2010)  

    Je pense qu'il faut une plus grande surveillance ministérielle du SCRS et de la GRC, pour voir s'ils consacrent suffisamment de ressources et s'ils ont la formation nécessaire pour s'attaquer à ces problèmes. On aurait donc une surveillance ministérielle, en plus de l'examen de la surveillance exercée par l'exécutif et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
    Dans un autre article, vous commencez par citer le professeur Dworkin, ce qui m'a vraiment donné l'impression d'être de retour à la faculté de droit. Vous parlez de l'égalité et des notions d'égalité en ce qu'elles touchent la légitimité de la police. Ayant moi-même été témoin d'une partie de ce qui se passait ici à Ottawa, je pense que c'est vraiment critique de voir comment des gens se sont mis à traiter la police, à ne plus la respecter de la même façon, ce qui, à mon avis, est problématique dans une société.
    Vous avez écrit ceci:
Beaucoup de gens ont reproché à la police d'avoir accepté l'occupation et le blocus menés au nom de la « liberté » pendant plus de trois semaines, alors qu'elle adopte des positions plus musclées contre des blocus de terres autochtones et des manifestations de personnes racisées. Le problème de l'égalité s'est aggravé si un manque de renseignements sur le danger que des extrémistes violents d'extrême droite ne détournent l'occupation à leurs fins a contribué à l'échec des services de police qui ont laissé l'occupation d'Ottawa s'étirer pendant trois semaines.
Si on fait si peu de cas de l'égalité, il est à craindre que la police et la loi soient considérées comme illégitimes.
    J'ai trouvé intéressant aussi ce que vous dites un peu plus loin dans le même passage à propos du fait que certains ont critiqué la police pour avoir parlé aux manifestants. Vous dites que parler n'est pas nécessairement le problème; c'est le fait que si on veut parler aux manifestants, il faut le faire de façon égalitaire, qu'il s'agisse des occupants d'Ottawa ou qu'il s'agisse d'un groupe autochtone ou de Black Lives Matter.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? À l'avenir, comment la police doit-elle s'y prendre pour corriger cette situation de deux poids, deux mesures, si je peux m'exprimer ainsi?
     Oui. C'est un point sur lequel j'ai peut-être changé d'avis en raison de certains témoignages entendus depuis le 14 février, le jour de la Saint-Valentin, où j'aurais dû faire autre chose que d'écrire un texte.
    Quoi qu'il en soit, je pense que les meilleures leçons à retenir des événements d'Ipperwash et du G20 sont que la police devrait avoir un plan pour parler aux manifestants, pour leur donner l'occasion de s'autodiscipliner, tout en sachant que s'ils ne le font pas et qu'ils n'obéissent pas à la loi, alors la police devra intervenir. Je pense que la police doit aussi préserver sa neutralité. Les différents corps policiers qui prennent maintenant des mesures disciplinaires à l'endroit des agents qui ont exprimé leurs opinions politiques au sujet de la manifestation, je pense que cela démontre un souci de préserver la neutralité.
    Si nous avions un plan avancé qui disait à tout le monde que nous allons parler aux manifestants jusqu'à un point x, et si nous avions aussi des directives politiques claires à l'intention de la police, cela réglerait une partie des préoccupations au sujet de l'inégalité.
    Voilà qui met fin à cette intervention, et nous avons eu un peu l'occasion de boucler le sujet.
    Nous passons maintenant à M. Fortin, qui dispose de quatre minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame West, on sait que la Loi sur les mesures d'urgence est une loi d'exception. Je l'ai souvent qualifiée d'artillerie lourde de l'arsenal juridique du gouvernement parce qu'elle existe depuis déjà une trentaine d'années et n'a jamais été proclamée. L'ancêtre de la Loi sur les mesures d'urgence est la Loi sur les mesures de guerre, qui, elle, a été proclamée pour la dernière fois en octobre 1970 au Québec dans les circonstances qu'on connaît. C'est donc une loi qu'on n'utilise pas souvent et qu'on va uniquement proclamer dans des cas extrêmes, des cas d'exception.
    Dans le cas qui nous occupe, c'est-à-dire la situation qui s'est produite en février dernier, les événements qui sont survenus n'avaient à mon avis pas lieu d'être. On s'entend sur le fait que cela n'avait pas de sens de bloquer la rue Wellington à Ottawa. Le siège devait être levé, j'en conviens. Toutefois, la situation était quand même localisée à Ottawa. Il y a aussi eu des événements localisés au pont Ambassador, à Coutts, et ainsi de suite. Il s'agissait vraiment de situations locales. On a proclamé la Loi sur les mesures d'urgence pour répondre à des manifestations, des situations qui sont tout à fait gérables en temps normal et qui surviennent si rarement dans ces endroits précis. À mon avis, ce n'était pas justifié. Je peux me tromper. C'est mon opinion.
    Ma question est la suivante. À votre avis, quand on proclame la Loi sur les mesures d'urgence dans des situations qui ne le justifient pas, quelles en sont les conséquences?
    On s'entend sur le fait que c'est extrême. On n'avait pas proclamé la Loi sur les mesures d'urgence depuis 30 ans. La dernière fois qu'on a vu cela, c'était en octobre 1970 alors que c'était encore la Loi sur les mesures de guerre. Quel est l'effet de cette proclamation si elle est non justifiée, comme je le propose?

  (2015)  

[Traduction]

    Eh bien, si on conclut que le recours à cette loi n'était pas justifié, c'est au Comité de le faire savoir clairement au Parlement. Le Parlement a tous les recours à sa disposition. Le plus important, je pense, c'est qu'il appartient aux citoyens du Canada de décider si un gouvernement qui invoque indûment la Loi sur les mesures d'urgence devrait continuer de gouverner.

[Français]

    Cela a-t-il des conséquences sur le plan juridique ou sur celui de l'équilibre politique et international?
    Y a-t-il des conséquences autres que l'intention des électeurs de reconduire ou pas le gouvernement en poste?

[Traduction]

    Non. C'est la bonne vieille démocratie qui est le remède à cela.

[Français]

    Professeur Roach, êtes-vous du même avis?
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'y a pas de conséquences au fait de proclamer la Loi sur les mesures d'urgence lorsque ce n'est pas justifié?

[Traduction]

    Je conviens que c'est au Parlement de décider, mais j'ajouterais que votre comité est l'un des trois mécanismes de reddition de comptes au moins qui sont en marche en ce moment, en comptant la Commission Rouleau et la contestation en cours devant la Cour fédérale.
     Une des choses que j'ai constatées après le Sommet du G20 — où plus de 1 000 personnes ont été arrêtées —, c'est que cette multiplicité de mécanismes semble avoir eu l'effet pervers de diluer la reddition de comptes. Il arrive parfois qu'on ait trop d'une bonne chose. Il est certes important d'avoir ces multiples mécanismes pour exiger des comptes — et je ne conseillerais certainement pas de les éliminer tous —, mais je pense que les Canadiens vont devoir digérer les verdicts d'au moins trois de ces instances de reddition de comptes, et votre comité mixte en est une.
     Voilà qui met fin à cette intervention. Je cède maintenant la présidence à la sénatrice Boniface afin d'y aller de mes quatre minutes.
    Au sujet de la reddition de comptes, dans un article portant sur le dilemme des situations d'urgence bénignes qui sont reconnues conformes aux droits de la personne, vous avez déclaré que c'était une « omission » de ne pas exiger qu'on examine les actions de la province dans laquelle cette situation d'urgence s'est produite. Est‑ce que vous recommandez au Comité d'envisager un mécanisme qui obligerait à examiner la question de la responsabilité provinciale?
    Oui. Je pense que le mieux que vous puissiez faire, c'est de demander officiellement à la province concernée de lancer une enquête parallèle. De toute évidence, c'est ce qui s'est produit avec la commission sur les tueries de masse. Cela ne s'est pas produit dans ce cas‑ci.
    C'est certainement un facteur important à considérer. Évidemment, on invoque tout le temps l'article 33 pour affirmer la souveraineté des provinces, mais dans vos observations, monsieur, vous avez mentionné, si je me souviens bien, la prépondérance de la responsabilité fédérale. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et peut-être nous donner un peu de contexte?
    Oui. En matière de sécurité nationale, il y a moyen d'affirmer la prépondérance fédérale, comme sous la rubrique « Paix, ordre et bon gouvernement » et dans les dispositions de la Constitution sur les situations d'urgence. Tout comme la Loi sur les infractions en matière de sécurité peut confier l'initiative à la GRC et au procureur général, je pense que c'est un domaine où le Parlement pourrait établir par voie législative une prépondérance fédérale.
     Je ne vous garantis pas que les provinces ne la contesteraient pas comme une violation de leur obligation constitutionnelle en vertu du paragraphe 92(14) sur l'administration de la justice pénale, mais je pense qu'il y aurait moyen.

  (2020)  

    D'un point de vue pratique, si cela se produisait et que cela faisait l'objet d'une loi fédérale, et que les provinces rejetaient cette prétention, alors, évidemment, en ces temps troubles où s'agitent le parti Alberta First et tous ces mouvements en Saskatchewan, au Manitoba et ailleurs qui veulent rompre avec le pays, si nous envisagions de faire cela, au moins ce serait sur elles que retomberait la responsabilité. Êtes-vous d'accord?
    Oui, et la Loi sur les infractions en matière de sécurité, qui suppose une prépondérance fédérale, existe depuis la Loi sur le SCRS, et je ne crois pas qu'il y ait eu la moindre contestation à cet égard.
    En ce qui concerne l'extrémisme violent à caractère idéologique, partagez-vous mon inquiétude au sujet des rapports qui signalent la présence de militaires de haut rang, dont des membres de la Force opérationnelle interarmées 2, de membres des services de sécurité du premier ministre à un moment donné, d'anciens militaires et de militaires actifs dans les forces armées, ainsi que des liens avec la police? Avez-vous trouvé inquiétant d'apprendre que le convoi avait pu être infiltré par de tels éléments?
    Jusqu'à un certain point. J'ai trouvé plus inquiétant l'arsenal d'armes et d'explosifs qu'on a découvert à Coutts, mais oui, cela fait certainement partie du travail de renseignement effectué sur le groupe.
    Je m'inquiète aussi un peu du fait que la police semble avoir plus de liberté que le SCRS pour examiner les documents de sources ouvertes et les publications des médias sociaux. Là encore, il y a lieu de se demander si la police peut vraiment faire la part des choses ou si elle a les compétences nécessaires en matière de renseignement.
    Madame West, au sujet du commentaire précédent, pourriez-vous nous parler de ces éléments de haut rang infiltrés dans le convoi, des gens de l'armée et de la police qui étaient au fait d'une logistique et de manœuvres tactiques jamais vues auparavant, comme certains en ont témoigné?
    Pour commencer, je ne vois pas de mal à ce que des militaires à la retraite, des militaires actifs et des policiers fassent partie d'un mouvement de protestation ou aident à le diriger. Ce qui est inquiétant, c'est qu'ils aient des visées d'extrémisme violent. C'est cela qui me préoccupe.
    Voulez-vous dire renverser le gouvernement?
    Par la violence... oui.
    Merci. Cela met fin à mon tour.
    Je reprends donc la présidence et je donne la parole à la sénatrice Boniface.
     C'est à vous, sénatrice. Vous avez quatre minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adresse aux deux témoins, si vous voulez intervenir. J'essaie de formuler une recommandation qui traite, peut-être, de la participation obligatoire des provinces, ou quelque chose qui dit qu'elles ne peuvent pas se tenir en retrait, éviter de répondre ou d'assister aux réunions lorsqu'on essaie de trouver une solution ensemble.
    Y a‑t‑il moyen, en modifiant la Loi ou en la récrivant, comme je pense qu'elle devrait l'être, d'en faire une obligation?
    Sénatrice Boniface, j'espère que vous allez regarder l'article 20 de la Loi sur les mesures d'urgence, parce que je ne sais pas ce qu'il fait là depuis le début. Il préserve les silos municipaux et provinciaux en ce qui concerne les services de police. Je ne suis pas certain que ce soit nécessaire. En fait, la situation d'urgence qui nous occupe pourrait mettre au jour certaines failles de l'article 20.
    À vrai dire, je ne vois rien d'autre qu'une exigence prévue par la Loi pour inviter les provinces, comme pour l'enquête, ou une recommandation.
     En même temps, je dirais que nous devons aussi modifier ce qu'est la consultation entre le gouvernement fédéral et les provinces, et rendre obligatoire une véritable consultation de ce côté‑là aussi. L'un ne va pas sans l'autre.

  (2025)  

    Je regarde cela du point de vue du public, qui ne comprend pas toujours la séparation des rôles. Prenons le maintien de l'ordre: il y en a qui pensaient que cela relevait de la GRC ici, alors que cela relevait de la police municipale.
     J'essaie de trouver des façons d'au moins obliger les gens à venir à la table de discussion.
    Peut-être que la Conférence pour l'harmonisation des lois pourrait jeter un œil là‑dessus. Il lui arrive de se pencher sur les chevauchements de compétences. C'est une idée.
    En ce qui concerne la structure de gouvernance de la police, tant pour son efficacité que pour son rôle, si vous regardez la GRC et la Police provinciale de l'Ontario, que vous connaissez bien, pensez-vous que cela aiderait d'avoir une gouvernance de type conseil d'administration?
    Oui. Ce serait une gouvernance de ce type, mais avec une composition adéquate.
    Il y aurait suffisamment de responsabilités régies par des lois.
    Exactement.
    Nous passons maintenant au sénateur Carignan, qui dispose de quatre minutes.

[Français]

    Merci.
    Ma question s'adresse à la professeure West.
    En réponse à une question, vous avez dit qu'il n'y a pas de conséquences autres que politiques à la proclamation de la loi. Lorsqu'il y a des gestes discutables qui violent l'article 8 de la Charte, par exemple des saisies abusives, et même certains gestes prévus dans le décret, la loi prévoit quand même une possibilité d'indemnisation. Il peut aussi y voir des recours au civil pour des saisies abusives, par exemple.

[Traduction]

    Toute conclusion de la Commission, de votre comité ou de la Cour fédérale donnant à penser qu'il était déraisonnable ou injustifié d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence servirait d'argument à d'éventuelles revendications en vertu de la Charte. Des gens pourraient prétendre qu'on a indûment empiété sur leurs droits et demander réparation — peut-être une réparation pécuniaire — aux tribunaux.

[Français]

    Il pourrait donc y avoir des poursuites au civil, et on verrait peut-être un autre premier ministre s'excuser, comme M. Trudeau le fait souvent. Il y en aurait un autre qui s'excuserait d'avoir adopté la Loi sur les mesures d'urgence.

[Traduction]

    Je suis désolée. Je n'entends pas l'interprétation.
     D'accord, nous allons arrêter le chronomètre.
    Voulez-vous répéter?
    C'est à propos de s'excuser.
    Est‑ce qu'on parle de présenter des excuses? Ce serait certainement une façon d'essayer de réparer tout préjudice causé par un recours injustifiable à la Loi sur les mesures d'urgence, mais j'imagine que des jugements de cour pourraient être plus utiles.

[Français]

     J'aimerais vous entendre sur le secret professionnel. Je ne connais pas l'étendue de vos connaissances sur le sujet. Qui est le client, dans ce cas-ci?
    On a souvent entendu le ministre dire qu'il ne pouvait rien dire en raison du secret professionnel.
    Qui est le client et qui peut renoncer au secret professionnel?

[Traduction]

    Normalement, c'est le client, alors dans ce cas‑ci, ce serait le Cabinet ou le premier ministre.

[Français]

    Alors, le premier ministre ou le Cabinet pourraient y renoncer. Si nous convoquions le premier ministre pour qu'il comparaisse ici comme témoin, nous pourrions lui demander s'il renonce au secret professionnel et, le cas échéant, avoir accès à l'information.

[Traduction]

    Oui.

  (2030)  

[Français]

    D'accord.
    Il y a aussi une renonciation implicite lorsqu'on communique une information contenue dans un avis juridique à des tiers qui ne font pas partie du Cabinet. On a vu que M. Vigneault semblait avoir eu accès à cet avis juridique, alors qu'il n'était pas membre du Cabinet et qu'il n'avait pas pris part à la décision.
    Cette communication à un tiers ne constitue-t-elle pas une renonciation implicite au secret professionnel, comme on l'a vu dans plusieurs jugements, notamment?

[Traduction]

    Je dirais que non. À titre d'ancienne avocate au ministère de la Justice, je dirais que mon client serait le gouvernement. Quiconque au sein du gouvernement devait prendre cette décision aurait accès à cet avis juridique.
    S'il était important d'obtenir l'avis du directeur Vigneault, fondé sur l'avis juridique, je ne pense pas qu'il était inconvenant de lui donner accès à cet avis en tant que partie prenante du gouvernement.

[Français]

    Il faudrait donc que d'autres personnes que M. Vigneault aient vu l'avis juridique. Il faudrait que la communication ait eu lieu en dehors de ce cadre pour qu'elle puisse constituer une renonciation implicite au secret professionnel.

[Traduction]

    Je pense que quiconque au sein du gouvernement peut éclairer la prise de décisions au Cabinet devrait avoir accès à cet avis. Ce ne serait pas une atteinte au secret professionnel.
    Voilà qui met fin à cette intervention. Merci.
    Comme dernier intervenant — et merci beaucoup aux témoins qui sont restés tout au long —, nous avons le sénateur Harder, pendant quatre minutes.
    Monsieur, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, merci aux témoins, surtout d'être restés plus longtemps que prévu.
    Monsieur Roach, j'aimerais revenir sur la question dont vous avez parlé à plusieurs reprises ce soir, à savoir la fragmentation de la police au Canada, que nous avons pu constater lors des événements de février dernier. Vous avez parlé de Toronto à quelques reprises, et la sénatrice Boniface essayait d'intervenir à ce sujet aussi.
    Je ne dis pas que Toronto a profité de l'expérience d'Ottawa seulement, mais c'était séquentiel. Je comprends ce que vous dites au sujet du maire, des attitudes différentes des maires et des services de police municipaux. Il y avait certainement une différence aussi dans la participation de la Police provinciale de l'Ontario: elle était intégrée dans la stratégie adoptée à Toronto tandis qu'elle était réticente à s'en mêler à Ottawa. Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
    Vous demandez si la Police provinciale de l'Ontario a joué un plus grand rôle à Toronto qu'à Ottawa, c'est bien cela, sénateur?
    Oui.
    Je pense bien, mais je ne suis pas sûr de pouvoir en juger d'après les faits. Je sais qu'elle a joué un grand rôle à Windsor. En fait, je ne sais pas si elle a joué un si grand rôle dans les deux fins de semaine d'agitation à Toronto. Vous avez peut-être raison. Je suis...
    En tant que résidant d'Ottawa, j'avais parfois l'impression que je devais rappeler à la province de l'Ontario qu'Ottawa en fait partie. On a accordé beaucoup d'attention aux ponts, comme il se devait. On a accordé beaucoup d'attention à la ville de Toronto, mais, dans la sphère politique, de la part du premier ministre ou du solliciteur général de l'Ontario, on n'a pas accordé autant d'attention à ce qui se passait ici.
    Cela me ramène à ce que vous disiez plus tôt au sujet de la fragmentation. La fragmentation n'est pas seulement institutionnelle, en ce qui concerne le mandat de la GRC; elle fait partie aussi des règles du jeu lorsque la GRC interagit avec les provinces qui ont leurs propres corps policiers.
    Seriez-vous d'accord pour dire qu'il faudrait rédiger des protocoles d'entente sur la coordination des événements comme ceux de l'hiver dernier, pour que nous ayons une certaine assurance que de tels événements seront gérés désormais de façon plus cohérente et moins fragmentée?
     Absolument. Nous avons besoin d'encadrer le maintien de l'ordre public, pas seulement dans le cas qui nous occupe, mais aussi au G20 et dans les autres situations où il y a trois paliers qui travaillent ensemble — parfois quatre même, lorsqu'on compte les corps policiers autochtones. Je pense que nous devons travailler là‑dessus et rédiger ces protocoles.
    Idéalement, il faut qu'ils soient publics le plus possible. Il y a peut-être des détails opérationnels qui ne peuvent pas être rendus publics, mais oui, nous devons planifier la coordination de nos quatre paliers de services policiers, auxquels j'ajouterais le Service de protection parlementaire dans certains cas. Même les forces de sécurité privée ne sont pas monolithiques.
    Merci.
    Je suis tout à fait d'accord et je vous renvoie à l'enquête en cours au Sénat du Canada sur la nécessité de remanier le mandat et le rôle de la GRC. C'est une enquête qui, je l'espère, pourra susciter un débat parlementaire plus vaste sur les questions que vous venez de soulever.
    Merci.
    Comme il est maintenant 20 h 34, je tiens à remercier les deux témoins d'avoir bien voulu comparaître devant nous et d'être restés un peu plus tard pour le bien du Comité.
    Nous allons maintenant vous donner congé et vous laisser reprendre le cours de vos vies.
    Nous allons faire une pause d'environ cinq minutes, après quoi nous reprendrons pour nous occuper des travaux du Comité. La séance est suspendue.

  (2035)  


  (2040)  

     Nous reprenons.
    Nous avons des affaires internes à régler.
    Je vois que le sénateur Harder lève une main impatiente.
    Monsieur, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai bref. J'aimerais proposer la motion qui a été distribuée et qui est inscrite à mon nom.
    Je vous en fais lecture:
Suite à la dernière réunion de décembre, que:
a. le Comité n'invite aucun autre témoin;
b. les analystes soient chargés de préparer un résumé des témoignages qui sera distribué aux membres du Comité au plus tard le 10 février 2023;
c. toute discussion concernant le rapport se tienne à huis clos;
d. le Comité présente son rapport final à la Chambre des communes et au Sénat au plus tard le 31 mars 2023.
    Chers collègues, le Comité aura duré alors plus d'un an. Je crois qu'il est important de nous donner un cadre qui permette d'en arriver à un rapport susceptible de contribuer de façon significative à l'étude du Parlement.
    Merci.
    Je donne la parole à M. Motz.
    Allez‑y, monsieur Motz, à propos de la motion.

  (2045)  

    Merci, monsieur le président.
    Bien qu'on soit généralement d'accord avec le principe de ce que M. Harder veut faire, j'aurais certainement un sous-amendement à proposer, si M. Harder est d'accord, après plus ample débat.
    Ou voulez-vous que je le fasse maintenant?
    Vous êtes maître en votre domaine.
    Monsieur Harder, je propose de réévaluer la situation après la publication du rapport Rouleau et de modifier l’alinéa a) de la motion par adjonction de « d'ici la publication du rapport de la Commission sur l'état d’urgence », puis par suppression des alinéas c) et d).
    Nous avons entendu l’amendement proposé par M. Motz.
    Je donne la parole à la sénatrice Boniface au sujet de l’amendement.
     Je voudrais simplement qu'il le répète.
    Oui, avec plaisir.
    Je propose que la motion soit modifiée à l’alinéa a) par adjonction, en fin de phrase, de ce qui suit: « d'ici la publication du rapport de la Commission sur l'état d’urgence » et par suppression des alinéas c) et d).
    Le sénateur Harder a la parole au sujet de l’amendement.
    Merci beaucoup.
    Je serai bref.
    Je n’appuierai pas le sous-amendement présenté, à moins qu'on ne mentionne que ce comité pourra prendre n’importe quelle décision à la reprise de ses travaux au début de la nouvelle année. Le Comité ne sera peut-être pas d’accord pour débattre de cette motion. Je pense qu’il serait très utile de demander aux analystes de commencer à préparer le résumé des témoignages et d'envisager de déposer notre rapport d’ici le 31 mars 2023.
    J’aimerais m’inscrire sur la liste pour le moment. Ce faisant, je vais céder la présidence à la sénatrice Boniface.
    Quant à moi, nous ne sommes pas très éloignés de ce que vous recherchiez au départ. Sénateur Harder, vous dites que cela ne revient pas à officiellement clore les travaux du Comité. On veut simplement dire qu'aucun témoin ne sera invité, mais que nous préparons le rapport. Je comprends également que le rapport de la Commission sur l'état d’urgence public fera partie de notre examen global.
    Est‑ce exact?
    Oui, monsieur le président. C’est pourquoi j’ai choisi ces dates. Tout dépendra de la date à laquelle la Commission Rouleau présentera son rapport.
    Je suis également ouvert à l’idée que le Comité puisse, à la majorité, décider de convoquer un témoin auquel nous n’aurions pas pensé plus tôt. Je pense aussi très important d'organiser les travaux du Comité entre maintenant et la reprise des travaux après le congé, de fixer en principe au 31 mars 2023 le dépôt de notre rapport et d'agir en conséquence.
    D’accord. Il s’agit donc simplement de mettre fin au plan de travail actuel qui prévoit une longue liste de témoins, pour nous concentrer sur l’étude finale du rapport.
    Pour revenir sur la raison du huis clos, seriez-vous disposé à répondre à cette question?
    Oui, certainement, monsieur le président.
    La raison d’être du huis clos est de veiller à ce que, pendant l’élaboration du rapport, nous puissions avoir des échanges francs entre nous sur la façon dont nous envisageons le travail sur le rapport et d'essayer, dans la mesure du possible, de dégager un consensus sur les recommandations à formuler. Nous n'atteindrons peut-être pas l'unanimité. Il est possible que d’autres points de vue soient intégrés sans exiger de consentement unanime, mais je pense que la meilleure façon de procéder — si je me fonde sur mon expérience — c’est de travailler à huis clos.
    D’après mon expérience à la Chambre, je dirais aussi que l’étape du rapport se fait habituellement à huis clos. Pouvez-vous me dire si c'est aussi le cas au Sénat?
     C’est exact.
    D’accord, cela me va.
    Nous sommes saisis d’un amendement.
    Je donne la parole à M. Fortin.

  (2050)  

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Le sénateur Harder est-il d'accord pour scinder sa motion et pour que nous votions sur les paragraphes a), b), c) et d) séparément?

[Traduction]

    Je m’en remets au président.
    À mon avis, c’est un tout, mais il appartient au Comité d’en décider.
    Monsieur le président, si vous me le permettez, je n’ai jamais vu cela auparavant. Je pense qu’il est important de voter sur l’ensemble du projet de loi, parce qu’il se lit comme un tout. Alors vous...
    Je tiens à préciser que M. Fortin n’a pas encore cédé la parole. Il a posé une question.
     Avant de passer aux interventions, je veux m’assurer que vous avez terminé votre intervention, monsieur Fortin.

[Français]

    J'ai posé la question au sénateur Harder, puisqu'il s'agit de sa motion. Personnellement, je crois qu'il s'agit de sujets différents.
    La motion suggère que le Comité n'invite aucun autre témoin, et je suis d'accord pour qu'on y ajoute une date. M. Motz proposait que l'on réévalue cela après le dépôt du rapport Rouleau, et je suis aussi d'accord sur cela.
    Ensuite, la motion donne aux analystes l'instruction de préparer un projet de rapport. Or il s'agit d'un autre sujet.
    Enfin, la motion suggère que nous devons déposer notre rapport avant le 31 mars. L'idée de nous imposer nous-mêmes une date limite peut être bonne ou mauvaise, mais c'est assurément autre chose.
     Je pense vraiment qu'il s'agit de quatre sujets différents. Si je devais voter sur la motion maintenant, je serais malheureux de voter contre celle-ci, parce que je suis d'accord sur certaines des propositions. Si l'on garde tous ces éléments ensemble, nous n'arriverons peut-être pas à nous entendre, alors que nous pourrions sûrement nous entendre sur au moins deux ou trois d'entre eux.

[Traduction]

    Je tiens simplement à préciser que, sur le plan de la procédure, cette motion a été dûment déposée. Elle est admissible dans sa forme actuelle. Vous demandez essentiellement au motionnaire de retirer sa proposition et de la reformuler point par point, mais j’ai l’impression que ce n’est pas l’intention. De ce point de vue, bien que cette intervention soit appréciée, il n’y a pas de précédent sur le plan de la procédure.
    Y a‑t‑il d’autres personnes qui aimeraient parler de l’amendement?
    Comme nous n’avons pas de liste d’intervenants, j’aimerais maintenant mettre aux voix l’amendement de M. Motz.
    Nous pourrions peut-être demander à la greffière de lire la motion avant que nous ne passions au vote.
    M. Motz propose que la motion du sénateur Harder soit modifiée au point a) par adjonction des mots « d'ici la publication du rapport de la Commission sur l'état d’urgence » et, deuxièmement, par suppression des points c) et d).
    Vous avez entendu l’amendement tel que proposé. Nous allons maintenant passer au vote.

[Français]

    Je n'ai pas très bien compris.
    Voulez-vous que l'on supprime les points c) et d)?
    Si j'ai bien compris, nous voterions sur les points a) et b), et les points c) et d) seraient supprimés.

[Traduction]

    Est‑ce que tout va bien? D’accord. Nous allons commencer.
    (L’amendement est rejeté par 6 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
    L’amendement est rejeté.
    Nous allons maintenant passer à la motion principale.
    Monsieur Brock, allez‑y.

  (2055)  

     J’ai un deuxième amendement à proposer.
    Il se lit ainsi: « Aucun témoin jusqu’à ce que le juge Rouleau ait publié son rapport final d’ici juin 2023 ».
    Je propose que la motion soit modifiée a) à l’alinéa a) par adjonction de ce qui suit: « jusqu’à la publication du rapport de la Commission sur l'état d’urgence »; b) à l’alinéa c) par adjonction de « final » après le mot « rapport »; et c) à l’alinéa d) par substitution de « 31 mars » par « 23 juin ».
     Je dirais que votre premier amendement est redondant. Je pense qu’il vient d’être rejeté. Permettez-moi de dire qu'il répète l'amendement de M. Motz, or, on ne peut recycler un amendement qui vient d'être défait.
    Je ne pense pas que cet amendement soit recevable si vous répétez ce que nous venons de voir. Si vous voulez simplement ajouter vos deux autres points, je suis prêt à accepter qu’ils soient déposés, mais nous n’allons pas répéter les amendements.
    Je retire le renvoi à l’alinéa a) et je demande des amendements à l’alinéa c) et à l’alinéa d).
    Pour la gouverne du Comité, pourriez-vous les répéter pour que les greffiers et tous les autres puissent bien comprendre?
    Il est question d'ajouter à l’alinéa c), le mot « final » après « rapport », et de substituer à l’alinéa d) « 23 juin » à « 31 mars ».
    Monsieur Brock, voulez-vous parler de l’amendement maintenant? Vous avez encore la parole.
    J'en reste à la position énoncée.
    Cela dit, y a‑t‑il quelqu’un d’autre sur la liste des intervenants?
    Monsieur Motz, vous avez la parole.
    Je souhaite simplement dire que, selon moi, il y a consensus autour de la table sur le fait que nous devons attendre le rapport de la commission Rouleau. Nous verrons ce qu'en retirent les analystes dans leur rapport. Comme M. Harder l’a indiqué, nous devons demander aux analystes de préparer un rapport pour notre comité. Nous pourrons ensuite commencer à délibérer et à formuler des recommandations.
    Au vu du nombre de semaines de séances qu'il nous restera après la fin des travaux de la commission Rouleau, il nous sera raisonnablement impossible de tenir une échéance au 31 mars. Même si nous ne convoquions plus personne, il nous serait pratiquement impossible d’examiner les témoignages et d'analyser le rapport Rouleau pour pouvoir formuler des recommandations sur la base de ce rapport d’ici le 31 mars.
    Évidemment, le 23 juin sera la dernière journée avant l’ajournement pour l’été, si je ne me trompe pas. Si c’est plus tôt, nous aurons encore moins de séances et nous devrons terminer plus tôt. Je pense que c’est raisonnable.
    Cette formule nous permettra d’avoir un rapport complet. Nous avons entendu d’excellentes recommandations sur divers aspects: des services de police à l’interprétation de la loi, etc. Je pense que cela nous aidera à nous donner une certaine latitude, ce qui est conforme à notre rôle.
    Y a‑t‑il d’autres commentaires sur l’amendement proposé?
    Sénatrice Boniface, vous avez la parole.
     Puis‑je demander au motionnaire des précisions sur l’alinéa c) concernant le rapport final? Pourquoi cette précision? J’essaie de comprendre pourquoi c’est important.
    À ce stade de la discussion, je pense devoir rappeler que la motion initiale proposait, je crois, que nous tenions environ six réunions de trois heures chacune.
    Après notre retour du congé... Voilà le problème. La date limite est le 20 février.

  (2100)  

     Cela ne laisse que trois semaines pour préparer le rapport.
    Je pense que nous avons parlé de deux semaines après.
     Monsieur Brock, êtes-vous prêt?
    Oui, je suis prêt. Merci, monsieur le président.
    Pour répondre à la question de la sénatrice Boniface, cet amendement vise à permettre la prise en compte de l’autre motion qui n’a pas encore été déposée par mon collègue, M. Motz, relativement à la publication des avis juridiques. Si cette motion est adoptée, elle pourrait donner lieu à la publication d'un rapport provisoire avant le rapport final.
    Je ne veux pas écarter la possibilité qu’il y ait un autre rapport avant la publication du rapport final. Voilà donc l'explication.
     Je donne la parole à M. Virani.
    Je vais ensuite m’inscrire sur la liste et céder la présidence à la sénatrice Boniface.
    En ce qui concerne ce que M. Brock vient de dire, je pense qu’il s’agit d’une hypothèse quant à la façon dont nous devrions traiter cette motion, en fonction des motions futures qui pourraient ou non être adoptées.
    Deuxièmement, le 31 mars nous mettrait à cinq semaines après le dépôt du rapport de la commission Rouleau au Parlement. Rien ne nous oblige à ne siéger qu'une fois par semaine, de sorte que, s’il y a une préoccupation au sujet du calendrier des séances, nous pourrions siéger plus d’une fois par semaine. Le Comité est maître de sa propre destinée à cet égard.
    Je dirais également que nous ne devrions pas confondre ce qu’on a demandé au juge Rouleau et ce qu’on nous a demandé. Notre mandat et la motion adoptés à la Chambre et au Sénat sont techniquement différents. Il est important de ne pas le perdre de vue, car je pense qu’on a donné l’impression qu'on s'attend à ce que nous répondions à ce qui pourrait être un rapport de 300 ou 400 pages du juge Rouleau.
     Merci.
     Sénatrice Boniface, veuillez me remplacer durant mon intervention.
    Je crois avoir dit que je m’intéresse vivement à la question, que je suis prêt à accepter les conclusions de la Commission Rouleau, quelles qu’elles soient, et qu'il est à espérer que nous en tiendrons compte dans notre examen du rapport. Je sais que le temps presse. Je prends acte de la solution proposée pour nous permettre d’utiliser éventuellement les semaines de travail dans les circonscriptions ou de demander plus de temps. Le texte actuel prévoit trois réunions après le rapport final, mais je crains que ce ne soit pas suffisant. Je pense que, sur le plan logistique, nous pourrions envisager de passer plus de temps sur le rapport si nous le voulions.
    Cela dit, je respecte également l’idée que, si nous disposions de nouveaux renseignements, nous pourrions les examiner dans le cadre d’une tribune ouverte à la faveur d'une réunion portant sur les travaux du Comité. Je parle de documents que nous pourrions recevoir ou de quoi que ce soit d’autre.
     À ce stade‑ci, je pense que cette motion fait l'affaire, et j’espère que nous allons pouvoir affiner la voie à suivre. Toutefois, dans l’état actuel des choses, je suis en faveur de cette motion, conscient du fait que nous pourrions décider d'accroître la fréquence de nos réunions pour travailler sur notre rapport et organiser une tribune ouverte où l’information pourra être étudiée en public.
    J'admets que, chaque fois que nous siégeons à huis clos, après l'adoption d'une motion pour ce faire, rien ne nous empêche de décider de repasser en réunion publique. L’un n’empêche pas l’autre, du moins d’après ce que je comprends.
     Pour ce qui est des rapports provisoires, jedirais que je ne suis pas en faveur de motions de fins de travaux, venant de quelque parti que ce soit au Comité, qui pourraient donner lieu à des heures de palabres dans le cadre d’une obstruction systématique, dans le cadre d’une étude très publique et partisane. J’espère que tous les rapports qui seront présentés le seront d’une manière qui respecte le précédent établi par nos autres comités, que nous rédigerons le rapport ensemble et que nous le présenterons en tant que comité.
    Voilà ce que j’avais à dire.
    Sénatrice Boniface, je vais reprendre la présidence et donner la parole au sénateur Harder.
    Très brièvement, monsieur le président, je partage vos réflexions sur les intentions derrière tout cela. Évidemment, à mesure que nous progresserons, nous réexaminerons peut-être la situation. Cependant, je pense qu’il est important que nous agissions rapidement, car même avec cette date, plus d’un an se sera écoulé.
    Allez‑y, monsieur Fortin.

[Français]

    J'écoute nos débats et je comprends les préoccupations de tous les participants. Je ne sais pas si je devrais le proposer maintenant ou plus tard, mais ne pourrait-on pas s'entendre plutôt que de tout rejeter en bloc?
    Entre le 31 mars et le 23 juin, nous pourrions nous rencontrer, par exemple, le 15 mai ou le 30 mai. Nous avons effectivement déjà examiné la possibilité de siéger plus souvent, comme nous le suggère notre collègue M. Virani, mais nous nous sommes rendu compte que ce n'était pas possible, faute de greffiers, d'interprètes et de salles disponibles.
    Vous vous souviendrez que, au début de l'automne, nous avions demandé de siéger deux jours par semaine. On nous avait alors répondu que ce n'était plus possible et qu'il fallait s'en ternir à une journée par semaine.
    Il ne faut pas non plus s'imaginer qu'un miracle va se produire et que nous allons siéger deux ou trois jours par semaine. Nous devrons composer avec une journée par semaine. Par contre, il est vrai que, le 31 mars, c'est un peu court comme échéance. Je pense que le sénateur Harder va convenir avec moi que cette échéance ne nous laisse pas beaucoup de temps pour discuter.
    Sans attendre au 23 juin, y a-t-il moyen de s'entendre sur le 15 ou le 30 mai? Je veux bien que nous votions, mais, si nous pouvions conclure un accord informel sur une date, cela pourrait peut-être faciliter les choses.

  (2105)  

[Traduction]

     Je pense que nous avons entendu ce raisonnement.
    Passons à Mme Bendayan.

[Français]

    Oui, j'aimerais juste entendre ce qu'a à dire la greffière, parce que je n'ai pas le souvenir qu'il était impossible de trouver d'autres créneaux pour d'autres rencontres. Est-il vrai et définitif que nous ne puissions pas trouver d'autres dates en 2023?
    Je pense toutefois que c'est assez impossible de le confirmer aujourd'hui.
    Nous avons essayé et nous n'avons pas pu nous libérer.
    C'est une nouvelle année et…

[Traduction]

    Nous ne pouvons pas demander aux greffiers de faire de la devinette, mais je vais me prévaloir de ma prérogative de président pour dire que, si nous nous retrouvons face à un rejet, je demanderai l’indulgence du Comité pour en revenir à un report des dates.
    Nous sommes en train de comprendre où nous devons en venir avec ce comité. Nous faisons du très bon travail. Est‑ce que ça irait si nous en venions à un point où...? En fait, la question est de savoir si, advenant que la demande soit rejetée dans le cadre d’une entente entre parlementaires, nous ne pourrions pas présenter une motion de prolongation?
    D’accord. Vous n’avez pas à commenter. Vous n’êtes pas obligé de parler.
    Sénateur Harder, allez‑y.
    Monsieur le président, dans ces circonstances et compte tenu de l’esprit dans lequel je suis intervenu plus tôt, je serais heureux de discuter en comité de la question de savoir si cela serait approprié — et, le cas échéant, sur quelle période —, mais commençons nos travaux.
    J’ai M. Motz.
    Les coordonnateurs de nos comités ont indiqué que nous n’avons pas encore le calendrier des comités pour 2023 et nous n’avons aucune indication qu’il y aura plus de ressources disponibles qu’à l’heure actuelle. On peut supposer qu’il y en aura, mais quels comités seront annulés? Il pourrait y avoir des séances de nuit comme elles le sont... Quel impact cela aura‑t‑il?
    Même si nous... il n’est pas nécessaire de repousser jusqu'à la fin mai, mais nous pourrions viser quelque chose de raisonnable, disons un entre deux. Le 31 mars est impossible et la fin de juin est peut-être trop lointaine. Peut-être pourrions-nous nous rencontrer quelque part entre les deux dates, comme le 19 mai, ou aux environs. Nous devons être raisonnables dans nos dates parce que je ne pense pas que nous puissions tout faire en trois réunions. Même si nous avions une réunion supplémentaire de trois heures par semaine, je ne crois pas que ce serait suffisant.
    Quelqu'un d'autre?
    Allez‑y, monsieur Virani.
    Pour la gouverne de tous, je crois que les pressions relatives au calendrier des réunions se font surtout sentir dans les semaines où la Chambre siège, mais pas du tout les autres semaines. Ce sera le cas pendant au moins trois semaines, soit deux semaines en février et au moins une en mars. Je suppose donc que nous aurons plus de souplesse à ce moment‑là pour bâtir notre calendrier de réunions.
    Je signale que nous avons déjà essayé de faire cela. L’organisation de l'horaire des députés, surtout pendant les semaines de relâche, est difficile dans le meilleur des cas.
    Mais, nous sommes saisis d'un amendement à propos duquel nous avons entendu beaucoup d’interventions. Est‑ce que le Comité veut que nous passions au vote sur l’amendement, ou y a‑t‑il d’autres interventions qui pourraient constituer un moyen terme à l’amiable?
    Comme nous avons épuisé la liste, nous allons passer au vote.
    Pouvez-vous relire l’amendement, s’il vous plaît?

  (2110)  

    Oui, c’est b) à l’alinéa c) où l'on ajouterait « final » après « rapport », et c) à l’alinéa d) où l'on remplacerait « 31 mars » par « 23 juin ».
     Le vote porte sur l’amendement proposé.
    (L’amendement est rejeté par 6 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
    Nous en sommes maintenant à la motion principale.
    Allez‑y, monsieur Motz.
    Merci, monsieur le président.
    Quand on n'aboutit pas après deux fois, il faut réessayer une troisième.
    Bon, voyons. L'amendement consiste à ajouter ceci à la fin de l’alinéa a): « étant entendu que les cogreffiers invitent chaque individu et organisation figurant sur le plan de travail des analystes daté du 11 mai 2022 qui n’a pas comparu devant le comité ou la Commission sur l’état d’urgence à soumettre un mémoire au comité pour son étude, les mémoires étant priés d’être soumis aux cogreffiers dans un délai d’un mois, et que les cogreffiers s’arrangent pour que les mémoires reçus soient traduits, distribués aux membres du comité, et publiés sur le site Web du comité. »
    Vous avez entendu l’amendement. Y a‑t‑il des interventions sur l’amendement?
    Madame Bendayan, vous avez la parole.

[Français]

     Monsieur le président, j'allais simplement dire que les témoins que nous avons entendus jusqu'à présent ont tous été interrogés. On a pu leur poser des questions.
    Je crois qu'il y a des principes fondamentaux à respecter dans le travail d'un comité et le fait de traiter tous les témoins de la même façon en fait partie. Je crois que c'est profondément injuste d'accepter des témoignages écrits, sans avoir la possibilité de poser des questions, de voir et d'entendre les témoins. Je pense que, ce que font mes collègues, c'est essentiellement étirer l'étude pendant une autre année. À la suite du dépôt de ces documents et de ces témoignages écrits, ils voudront sûrement voir ces témoins pour les questionner.
    Je pense qu'on fait indirectement ce qui n'a pas pu faire directement au moyen des autres amendements.

[Traduction]

    Monsieur Brock, vous avez la parole.
    Avec tout le respect que je dois à ma collègue libérale, je dirais qu'elle suppose mal. Ce que nous essayons de faire... J’ai écouté très attentivement le plaidoyer du sénateur Harder à l'appui de sa motion, et je l’ai entendu dire très clairement que cela n'empêcherait pas d’entendre d’autres témoins. Cependant, cela n’est pas clairement énoncé dans la motion elle-même.
    Je ne veux pas manquer de respect envers le sénateur Harder, mais à moins que tel soit le cas, que nous votions et que nous nous entendions là‑dessus, il se peut que nous n’arrivions pas à un consensus pour convoquer d’autres témoins. En définitive... Je suis très étonné que ma collègue du Parti libéral s’oppose à cela, parce que nous essayons, au contraire, d’accélérer le processus. Nous étions tous d’accord pour dire que la liste que nous avions dans notre plan de travail était tout à fait ingérable dans la situation actuelle, près d’un an après le début de ce processus.
     Nous essayons d’accélérer l’audition des témoins les moins controversés en leur permettant de le faire par écrit. D’autres universitaires continuent de travailler sur ce plan de travail. Ces universitaires auront certainement préparé une déclaration écrite ou sont en mesure d'en préparer une.
    C’est une question d’efficacité. Il ne s’agit pas de compliquer les choses. Cela vient éclairer la proposition du sénateur Harder, sur laquelle nous n’avons pas encore voté.

  (2115)  

     Je vais donner la parole à M. Virani, puis...
    Vous pouvez commencer, si vous voulez.
    Quand je préside, j'ai toujours l'impression que c'est un peu abusif, alors je vais vous donner la parole et attendre.
    À propos de l’efficacité du processus, je dirais simplement que nous avons été particulièrement efficaces il y a quelques mois quand nous avons décidé tout de go — je pense que c’est l'expression qui convient — de prendre toute la preuve disponible avant l’enquête Rouleau pour l’intégrer dans nos travaux. Cela nous a conféré un degré d’efficacité énorme.
    Je remarque que la grande majorité, sinon la totalité de ces preuves a été vérifiée par voie de contre-interrogatoire. Comme nous l’avons vu, le premier ministre a été interrogé par quelque neuf avocats lors de sa comparution du vendredi, il y a quelques semaines.
    Selon moi, ce concept du contre-interrogatoire n’a jamais été aussi déterminant que lorsque nous avons dû réinviter un témoin ici et qu'il s'est fort heureusement présenté. C’est ce que je pense personnellement, mais le témoignage du représentant de GiveSendGo, ses réponses aux questions posées, a clairement démontré qu'il n'était pas crédible. Voilà, selon moi, qui a été riche d'enseignements pour tous les membres du Comité quant à la façon dont nous délibérons et quant au genre de recommandations que nous formulons.
    Le contre-interrogatoire est fondamentalement utile. Le seul élément que nous incorporons sous la forme d'un renvoi a déjà fait l’objet d’un contre-interrogatoire devant le juge Rouleau, ce qui me fait dire que Mme Bendayan a bien fait valoir son point de vue.
    Je cède la présidence à la sénatrice Boniface.
    J'estime qu'en notre capacité de parlementaires, nous devons faire preuve d’une plus grande prudence dans le cadre de cet examen et du processus de consultation publique. En fait, je suis en faveur de l’adoption de cette motion. Je crois le sénateur Harder sur parole quand il dit que, si une bombe explosait ou s'il se creusait un écart important, nous serions alors tenus à nous livrer à un examen plus poussé ou à exiger un contre-interrogatoire lors de séances d’information controversées. Il faut que ce soit clair. Du point de vue de la procédure, les séances d’information sont à égalité avec les témoignages en ce qui concerne les notes des analystes.
    C’est pour ces raisons que j’appuierai cette motion. Je suppose de bonne foi que si nous avions mené à terme notre plan de travail, sur lequel nous nous étions entendus à un moment donné, nous aurions invariablement vu ces témoins.
    Je vais tester la bonne volonté du Comité. Si cette motion est adoptée, je me tournerai vers les conservateurs pour qu’ils nous appuient globalement — bien qu'il me soit arrivé de voir des comités où cela ne se fait pas — dans le but de faire avancer les choses. Pour ces raisons, j’appuierai l’amendement visant à ce qu'on envisage la tenue de séances d’information.
     Je tiens aussi à dire officiellement que, si des écarts importants se creusent par rapport à la position consensuelle du Comité au sujet du rapport, j’appuierai également la convocation de tout témoin ayant donné une séance d’information pour qui il serait justifié de mener un nouveau contre-interrogatoire et un examen plus poussé.
    Je vais reprendre le fauteuil et donner ensuite la parole à la sénatrice Boniface.
     L’auteur de l’amendement peut‑il nous dire s’il est vraiment essentiel d'exiger cela de tout le monde et s'il ne serait pas possible de prioriser les témoins n’ayant pas comparu devant la Commission. Certaines des personnes à qui l'on s'adresserait auront comparu devant la Commission. Je me demande si vous pourriez donner... Peut-être que les coprésidents pourraient examiner cette question et faire un tri dans ces listes.
    Je n’ai peut-être pas été assez clair, mais...
    Ils peuvent décider de ne pas répondre. C’est peut-être la façon de procéder. Je pense simplement que cette façon de faire peut être déroutante pour les gens à l’autre bout qui reçoivent l’information.
    Je suis désolé. Je n’ai peut-être pas été clair quand j’ai lu la motion, mais celle‑ci s’adresse aux témoins n'ayant pas encore comparu, pas aux autres.

  (2120)  

    Non, elle parle de la Commission Rouleau.
    Oh, elle parle des témoins de la Commission.
    Sénatrice Boniface, allez‑y.
    Dans la liste — et comme je n’ai pas la liste sous les yeux, je ne sais pas vraiment —, je soupçonne qu’il y a des noms de gens ayant déjà comparu devant la Commission Rouleau, auquel cas nous avons déjà leur témoignage. Si je recevais un courrier disant: « Nous voulons plus d’informations » alors que j’ai déjà témoigné sous serment, cela n’aurait aucun sens à mes yeux..
     Je suis tout à fait d’accord, et je suggère également que les cogreffiers limitent la quantité d’informations que nous allons recevoir. Je veux dire par là que nous ne voulons pas de documents de 30 pages, mais plutôt des mémoires de cinq pages. Si les informations demandées ne tiennent pas en cinq pages, que pourraient-ils bien nous dire de plus? Nous pourrions préciser quelque chose de ce genre: réduisons un peu le nombre de pages de sorte à disposer de documents raisonnables et gérables.
    Le coprésident (M. Matthew Green): Y a‑t‑il d’autres interventions au sujet de l’amendement proposé?
    Sénateur Harder, allez‑y.
    Pour mettre fin au suspense, animé du même espoir que vous et dans l’esprit de votre intervention, monsieur le président, je vais voter pour la motion.
     Y a‑t‑il consensus ou voulez-vous passer au vote? Voulez-vous que ce soit avec dissidence ou allons-nous en terminer ici?
    Quelqu'un autour de la table a‑t‑il une idée du nombre de personnes dont nous parlons?
    Le reste du plan de travail a été distribué plus tôt. Je n’ai pas le chiffre en tête parce que je n’ai pas le plan de travail sous les yeux.
    Monsieur le président, pouvons-nous suspendre la séance pendant une minute?
    Bien sûr. Je pense que c’est raisonnable.
    Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes.

  (2120)  


  (2120)  

  (2125)  

    Nous allons reprendre nos travaux.
    Je crois que M. Virani a brièvement levé la main.
    Vous avez la parole.
    Nous en avons discuté, et les membres libéraux du Comité se disent prêts à appuyer l'amendement à une condition: que les trois coprésidents aient le pouvoir d’approuver la liste. Il ne s’agit pas simplement d’exclure des gens ayant déjà comparu devant la Commission Rouleau. mais aussi de veiller à une certaine équité entre les partis pour ce qui est du nombre de personnes invitées à déposer un mémoire.
    Cela semble raisonnable.
    La greffière semble un peu dubitative.
    Voici ce que je veux dire. Il faut veiller à demander à un nombre équitable de témoins du Parti conservateur, du Bloc québécois, du NPD, des libéraux et des sénateurs de produire des mémoires.
     Il semble que nous soyons d’accord là‑dessus.
    Pouvons-nous adopter l’amendement soumis aux coprésidents?
     Pouvons-nous en refaire lecture?
    Il est proposé que la motion soit modifiée par adjonction, à la fin de l’alinéa a), de ce qui suit: « étant entendu que les cogreffiers invitent chaque individu et organisation figurant sur le plan de travail des analystes daté du 11 mai 2022 qui n’a pas comparu devant le comité ou la Commission sur l’état d’urgence à soumettre un mémoire au comité pour son étude, les mémoires étant priés d’être soumis aux cogreffiers dans un délai d’un mois, et que les cogreffiers s’arrangent pour que les mémoires reçus soient traduits, distribués aux membres du comité, et publiés sur le site Web du comité, et que les mémoires soient limités à cinq pages, et que les trois coprésidents vérifient la liste pour assurer l’équité entre chacun des partis. »
    Monsieur le président, loin de moi l'idée de chercher la petite bête, mais là où il est question des témoins n’ayant pas comparu devant le Comité, je pense qu’il faudrait enlever le mot « chaque ». Autrement, il sera impossible d’assurer l’équité entre les partis. Il y a une certaine contradiction dans les termes.
    Comme nous ne sommes pas dans un scénario de manigances procédurales, cette tournure fonctionne.
    (L’amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
    (La motion modifiée est adoptée avec dissidence.)
    Le coprésident (M. Matthew Green): Chers collègues, nous passons à la motion suivante.
    Monsieur Motz, vous avez la parole.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Il y a quelques jours, nous avons fait circuler une motion concernant les documents que le Comité essaie d’obtenir. Cette motion est très semblable à celle déposée en mai, qui tenait compte des même préoccupations soulevées par certains membres du Comité et demandait la participation des légistes. Là aussi, comme vous le verrez dans la motion, des dates y étaient mentionnées.
    Nous avons entendu maintes fois des témoins, de même que le commissaire Rouleau et les avocats de la commission dire qu’il est malheureux que nous fonctionnions un peu en vase clos, sans avoir la totalité des documents. Il faut veiller à ce que ce comité reçoive les documents en question et à ce qu'il soit remis à la Commission sur l'état d'urgence.
    Vous pouvez intervenir au sujet de la motion, monsieur Harder.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je n’appuierai pas cette motion dans sa forme actuelle, car je trouve le processus alambiqué. Il contraindrait nos légistes à entreprendre un travail ne relevant pas de leur domaine de spécialisation.
    Quant à l'idée que nous puissions ainsi fournir à la commission Rouleau des renseignements qu’elle n’aurait pas pu obtenir par ailleurs, permettez-moi de citer ce qu'a dit le commissaire Rouleau le 25 novembre et que l'on peut lire à la page 254 de la transcription anglaise, aux lignes 18 à 25:
Plus important encore, je suis convaincu d’avoir maintenant la preuve dont j’ai besoin pour tirer des conclusions factuelles et répondre aux questions qu’on m’a demandé de poser, à savoir pourquoi le gouvernement fédéral a‑t‑il déclaré l’état d'urgence, comment a‑t‑il utilisé ses pouvoirs, et ces mesures étaient-elles appropriées? Comme je l’ai dit au début, le public veut des réponses à ces questions, et je suis convaincu que je suis maintenant bien placé pour lui en procurer.
    Je pense que nous devrions tenir compte de ce qu'a déclaré le juge Rouleau.

  (2130)  

    Allez‑y, monsieur Motz.
    Je dirais que c'est ce que nous avons entendu à la commission, au‑delà des récentes déclarations du juge Rouleau... Certes, il est parvenu à des conclusions fondées sur des faits, et il a l’impression de pouvoir prendre une décision fondée sur les données dont il dispose, mais honnêtement, il demeure qu'il est toujours en vase. L'avocat de la commission a lui-même souligné la triste réalité, à savoir que le gouvernement refuse de lui transmettre des renseignements.
    C’est une question de transparence envers le public. Le public doit avoir une idée de ce sur quoi le gouvernement s’est appuyé. Le Comité doit avoir une idée de ce sur quoi le gouvernement et le commissaire se sont fondés. Le Comité tente de faire ce qu’on lui a demandé de faire, c’est-à-dire d’examiner tous les renseignements sur lesquels le gouvernement s’est appuyé pour invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.
    Monsieur Virani, vous avez la parole.
    J’ai une question préliminaire. J'ai sous les yeux la motion que M. Motz a fait distribuer le 30 novembre. C’est une motion d’environ cinq pages. Ensuite, j’ai un document qui a été distribué par M. Motz le 6 décembre. Dans une certaine mesure, les deux se recoupent, mais je suis un peu inquiet. De quelle motion exactement parle‑t‑on?
    Nous n'en sommes pas à la motion du 29 novembre. Nous n'avions pas pu la déposer ce jour‑là. En revanche, la motion du 6 décembre demeure.
    D’accord. Nous parlons donc maintenant de la motion du 6 décembre.
    Donc, s'agissant de la motion du 6 décembre, je ne suis pas certain que ce comité — ou tout autre comité parlementaire, d’ailleurs — ait le pouvoir ou la capacité d’ordonner que des documents soient portés à l’attention de la commission d'enquête quasi-judiciaire dirigée par le juge Rouleau ou de toute autre commission. Ce document propose en deux endroits que tel soit le cas.
    La greffière pourrait peut-être nous éclairer à ce sujet.
    Quand vous voulez obtenir des précisions de la greffière, vous attendez-vous à ce qu'elle vous donne un avis juridique?
    Je me demande simplement si un comité parlementaire peut ordonner que des éléments d'information soient portés à l’attention d’une commission d’enquête judiciaire qui a déjà fini son travail de collecte de la preuve.
     Je sais ce qu’un juge peut demander, mais s’il ne demande rien, pouvons le contraindre à accepter quelque chose dans le contexte de son enquête judiciaire? Connaissez-vous un précédent à cet égard, madame la greffière?
    Je ne suis pas certain qu’il soit juste de poser cette question à la greffière. Le Comité est maître de ses décisions et il nous est possible, par le biais du vote, de déterminer ce que nous souhaitons faire de l’information recueillie. Il appartiendrait à la commissions d’enquête quasi-judiciaire d’accepter ou non ce que nous lui enverrions.
    Eh bien, monsieur le président, je pense que c’est là un élément important de l’analyse visant à déterminer comment nous allons voter sur cette question. La motion invite le Comité de faire une chose qui ne relève pas de sa compétence.
    Au point k), on dit que: « les cogreffiers doivent porter le présent ordre à l’attention de la Commission sur l’état d’urgence. » Au point g), on lit: « qu’un exemplaire des documents non censurés soit fourni à la Commission sur l’état d’urgence dès leur réception. »
    D’accord. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre point de vue.
    Y a‑t‑il d’autres points de vue sur la motion?
    Oui, sénateur.
    Monsieur le président, bien que je comprenne l’idée, je suis préoccupée par le rôle que nous demandons aux légistes de jouer. Je ne suis pas certaine que ce soit leur rôle. J’ai exprimé clairement mes préoccupations à ce sujet dans la motion précédente et, pour cette raison, je ne pourrai pas l’appuyer.
    Je pourrais peut-être faire un commentaire, monsieur le président.
    M. Motz a la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Sénatrice Boniface, proposez-vous donc que les légistes soient complètement exclus de ce processus et que l’on demande que ces documents parviennent directement au Comité? Est‑ce là ce que vous demandez?

  (2135)  

    Non, je ne parle que des légistes. Je partage la préoccupation de M. Virani, car j’ai posé la même question au sujet du renvoi au Sénat. Je me demande si c’est quelque chose qui... Je ne propose rien en fait, et je ne fais qu'exposer ma position.
    Y a‑t‑il d’autres interventions sur la motion?
    Madame Bendayan, allez‑y.
    Je crois que cela vient du livre vert, et je cherche la page. Monsieur le président, pour en revenir à vos échanges avec mon collègue, M. Virani, il est dit dans le livre vert qu’un comité n’a pas le pouvoir d’envoyer des documents à un tribunal ou à un autre organisme, et qu'il peut seulement réclamer des documents. Je voulais simplement fournir cette information à mes collègues.
    Le coprésident (M. Matthew Green): Merci. Avez-vous une page en question?
    Mme Rachel Bendayan: Je suis en train de la chercher.
     Je vous crois sur parole. Je n’ai aucune raison de penser que vous ne citez pas le protocole approprié.
    Nous avons une motion qui a été dûment présentée. Voulons-nous mettre la question aux voix?
    Nous allons la mettre aux voix.
    M. Glen Motz: Avant d’en arriver là, monsieur le président, puis‑je poser une question?
    Le coprésident (M. Matthew Green): Est‑ce une question de procédure?
    M. Glen Motz: Je recherche le consensus. Y a‑t‑il consensus sur le fait que nous voulons ces documents? Voulons-nous des documents? Si nous devons modifier le libellé...
    Un député: Je crois que la présidence a déjà demandé le vote.
    Le coprésident (M. Matthew Green): J’ai demandé le vote dans le respect de la procédure. Nous avons eu amplement l’occasion de débattre. J’ai mis l'amendement aux voix.
    Nous allons voter.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 5. [Voir le Procès-verbal])
    Le coprésident (M. Matthew Green): La procédure prévoit qu'en cas d’égalité, la motion est rejetée.
    Voilà qui met fin à l'examen des motions ayant été présentées. À moins qu’il y ait d’autres questions... Je tiens à souligner que nous devons nous arrêter à 21 h 42.
    Cela dit, le Comité souhaite-t-il que la séance soit levée?
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU