SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 1er juin 1998

• 1153

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour à tous. Nous entamons la 33e séance du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

Je voudrais tout d'abord rappeler à chacun d'entre vous le mandat du comité. Il s'agit d'étudier et d'analyser les questions concernant les arrangements de garde et de droits de visite après une séparation ou un divorce, et en particulier, d'évaluer la nécessité d'axer davantage les principes et la pratique du droit de la famille sur l'enfant de façon à insister sur les responsabilités parentales conjointes et les ententes parentales axées sur l'enfant, sur ses besoins et sur ses intérêts.

Nous accueillons notre premier témoin, du Centre jeunesse de l'Outaouais, Louise Carignan.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Avant de commencer, madame la présidente, je voudrais signaler officiellement que cette réunion était convoquée pour 11 h 30 alors qu'il est actuellement 11 h 55 et que la séance n'a pas pu commencer parce que le comité n'avait pas les six parlementaires indispensables pour auditionner des témoins. Je tenais à le signaler officiellement.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je suis ici depuis 11 heures.

• 1155

La sénatrice Anne Cools: Je vous crois, et nous sommes plusieurs dans le même cas, mais je voudrais...

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's Lib.): Je n'étais pas là parce que je n'ai pas été informée de cette réunion avant d'arriver à Ottawa.

La sénatrice Anne Cools: Mais vous étiez là. Ce sont ceux...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson):

[Note de la rédaction: Inaudible]

La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, c'est moi qui ai la parole.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson):

[Note de la rédaction: Inaudible] Dont acte.

La sénatrice Anne Cools: Je n'ai pas terminé, madame la présidente. Je voulais dire que les règles du Parlement et l'ordre de renvoi adressé à ce comité... Lorsqu'on dit qu'il faut six membres du comité pour auditionner des témoins, c'est une façon de réduire le quorum.

Je répète simplement une fois de plus que ce comité fonctionne presque toujours sans quorum et a beaucoup de mal à respecter l'exigence de six membres. Je voudrais indiquer également à la présidente que ce chiffre de six correspond au nombre de membres exigés pour que le comité puisse auditionner des témoins, si bien que lorsque nous sommes cinq, il faudrait interrompre la séance.

Je rappelle simplement la règle. Il semble que plus personne ne la connaisse.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

La sénatrice Anne Cools: Je tenais à la rappeler publiquement.

Je vous prie de nous excuser. C'est pour cela que nous sommes un peu en retard. Il n'y avait pas suffisamment de parlementaires dans cette salle.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Carignan, je vous invite à prendre la parole.

Mme Louise Carignan (travailleuse sociale à la protection de la jeunesse, Centre jeunesse de l'Outaouais): Bonjour. Je suis bien impressionnée d'être ici. Ce délai et toute la circulation autour du Parlement m'ont permis de relaxer un peu. On voit que ça bouge vraiment.

J'ai été travailleuse sociale en Ontario et je travaille maintenant au Québec. J'ai le plaisir de venir partager mon opinion professionnelle en tant que travailleuse sociale depuis bientôt 20 ans. J'ai travaillé de façon directe et indirecte en vue de résoudre des problèmes de garde légale et j'ai toujours oeuvré dans le domaine de la protection de la jeunesse.

La plupart des enfants qui sont dirigés à la Protection de la jeunesse ont vécu ou vivront une situation de séparation. De nos jours, à peu près un enfant sur deux devra vivre la séparation de ses parents.

Ce matin, j'aimerais d'abord vous parler d'un cas vécu. J'ai dû me présenter devant le tribunal dans le cas d'un couple qui s'est séparé il y a six ans. Lors de la séparation, il avait été entendu que le père garderait le plus vieux et que la mère garderait le plus jeune. Cette décision comportait entre autres un aspect financier. Cet arrangement convenait très bien aux deux parents, mais on a très peu tenu compte des besoins des enfants. La fratrie était séparée et, pour les deux parents, c'était une bonne façon de poursuivre le conflit par l'entremise des deux enfants puisque chacun d'eux avait un enfant en otage. Cela leur permettait de se faire des reproches l'un l'autre et de dire: «Regarde comment tu élèves le plus jeune» ou «Regarde comment tu élèves le plus vieux» et ainsi de suite.

Que ce soit en Ontario ou au Québec, les services de protection de la jeunesse vivent ce genre de situation de façon régulière. Nous avons des signalements chroniques, qui reviennent et nous voyons que, finalement, c'est toujours la guerre entre les deux parents qui se poursuit.

Comment en arriver à solutionner ce problème? J'ai le goût de vous proposer ce matin certaines recommandations visant à prévenir les situations de divorce. Aujourd'hui, en 1998, à l'approche de l'an 2000, la plupart de nos enfants vivront la séparation de leurs parents. Les orientations des professionnels et des parents qui auront à vivre ce genre de situation devraient se baser sur deux prémisses: c'est le couple qui divorce, mais les enfants, eux, n'ont pas à divorcer de leurs parents. On demeure parents de nos enfants pour la vie. La façon dont on joue notre rôle et dont on exerce nos droits et responsabilités est peut-être appelée à changer.

• 1200

Je crois profondément que la présence des deux parents dans la vie de l'enfant est absolument nécessaire pour lui assurer un développement global et équilibré. Comment orchestrer cela et le rendre opérationnel? Il y a beaucoup de discussions sur la table à ce sujet, mais aussi beaucoup de discussions sous la table parce que les situations ne sont pas toujours claires, à la fois pour les parents et pour les enfants.

Quant à la prévention au niveau des situations de divorce dont je parlais, il faudrait éduquer les jeunes conjoints dès le début de leur vie de couple et de leur vie familiale. On apprend à être parent et à vivre en famille. Nous devrions développer des services en ce sens afin d'éviter les ruptures dommageables dont souffrent aussi les enfants.

Je recommanderais une sensibilisation de la population aux besoins de l'enfant et à l'impact qu'a sur lui le divorce. Bien qu'on sache qu'il y a un impact sur les enfants, on devrait davantage s'attarder sur des facteurs tels l'âge, le sexe et la personnalité des enfants et ne pas reléguer aux oubliettes leurs besoins, qui deviennent à un moment donné très cruciaux et très apparents. Dans le cas qu'on a porté devant le tribunal et dont je vous ai entretenus ce matin, on en est rendu à prendre des mesures de protection parce que les deux enfants de cette famille ont des troubles de comportement graves. Si ce couple qui a divorcé il y a six ans avait dû avoir recours à un mécanisme de médiation obligatoire dès le début de la séparation, on aurait pu éviter la cristallisation du conflit entre les deux parents et la triangulation des enfants, qui sont en quelque sorte devenus des otages, des messagers et des témoins des parents qui sont en colère l'un contre l'autre.

Je voudrais privilégier l'instauration d'un programme d'aide aux familles en difficulté et à risque de se séparer. La Loi sur la santé et les services sociaux à la famille de l'Ontario renferme des dispositions en vue de protéger l'enfant qui est à risque. Au Québec, nous n'avons malheureusement pas cette variante-là au niveau de la loi et nous avons beaucoup de difficulté à prendre une longueur d'avance et à être aptes à prévenir des situations très dramatiques pour les enfants. Cette protection devrait être promue de plus en plus, tout comme un programme d'appui concret en vue de minimiser l'impact du divorce sur le développement des enfants.

Quand les parents divorcent, ils sont dans un état vulnérable et ils doivent eux-mêmes aller chercher des services d'appui. Il serait souhaitable que ces services soient déjà disponibles et facilement accessibles au sein de certains organismes. Nous pourrions mettre sur pied un programme de médiation dans nos institutions et offrir un service d'appui parallèle à l'intention des enfants.

J'aimerais aussi qu'on mette sur pied des programmes en vue de la promotion du maintien du lien entre les deux parents. À mon avis, les deux parents ont un rôle fondamental à jouer si on veut que notre jeunesse soit équilibrée. Il arrive que les ententes auxquelles en sont venus les parents qui ont divorcé il y a 10 ans ne répondent plus vraiment aux besoins actuels. Il est dommage que la plupart des ententes conclues sur le plan juridique deviennent en quelque sorte coulées dans le ciment. On dit: «Ce sont tes droits et ce sont mes droits. Cela, tu n'y as pas droit.» Encore une fois, les besoins des enfants sont mis aux oubliettes.

J'ai remarqué que la plupart des enfants avec qui j'ai travaillé avaient aussi besoin de maintenir des liens avec la famille élargie. Pour eux, leur grand-mère, leur parrain et leur marraine sont importants. Ce sont des personnes significatives qui ont des rôles à jouer à certains moments dans la vie de ces enfants et, pourtant, on est porté à les mettre de côté.

• 1205

Il est aussi très important de maintenir la fratrie sous le même toit. Dans le cas dont je vous parlais, on s'était divisé en deux familles: la mère et un fils d'une part, et le père et l'autre fils d'autre part. Les deux frères n'ont pas appris à vivre ensemble. Lorsqu'ils se voient les fins de semaine, ils vivent une situation conflictuelle. Chacun a le statut d'enfant unique pendant toute la semaine et une fin de semaine sur deux, chacun doit partager sa mère ou son père. L'enfant dit: «C'est mon parent.» Il est important, surtout pour les enfants en bas âge dont les parents se séparent, que les enfants puissent être deux à aller chez le papa la fin de semaine ou l'inverse. C'est sécurisant d'être à deux et ainsi de suite.

Je vous parle aussi à la lumière de mon expérience personnelle parce que j'ai vécu une séparation il y a un certain nombre d'années. J'ai toujours tenu à ce que mes deux enfants soient avec l'un des deux parents en tout temps et j'en vois les effets très positifs chez eux présentement. Ils ont appris à vivre ensemble et à se supporter. Ils sont capables de se parler franchement et honnêtement. Je ne voudrais pas trop entrer dans les détails.

Les solutions qu'on a trouvées jusqu'à maintenant ne sont pas nécessairement les meilleures, bien que je reconnaisse qu'on a quand même réussi certaines choses. Les trois principales solutions qu'on retrouve dans les cas de séparation et de divorce sont: la médiation, le tribunal et la psychothérapie.

Il faut faire un effort au niveau législatif pour encourager la médiation et former des professionnels, qu'ils travaillent dans le domaine du droit, de la santé ou des services sociaux, pour apporter des solutions de conciliation et de négociation. Naturellement, on pourra plus facilement avoir recours à la médiation dans le cas de parents qui ont de la maturité, un bon jugement et une bonne flexibilité. La médiation a pour effet d'apporter une forme d'objectivité et de neutralité. L'intervenant a pour but de travailler à vraiment défendre l'intérêt des enfants. Naturellement, la médiation n'est pas une panacée ou un remède à ce malaise que vit notre société. Il faut parfois avoir recours au tribunal, comme j'ai dû le faire dans le cas dont je vous ai parlé ce matin. À ce moment-là, on fait une démarche beaucoup plus claire, sauf qu'on est en présence d'adversaires: un parent d'un côté et un parent de l'autre.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi, madame Carignan. Est-ce que vous avez presque fini? Nous avons très peu de temps.

Mme Louise Carignan: Oui.

Cela représente aussi pour les parents une solution coûteuse et un long processus pendant lequel les besoins des enfants sont en attente. Il arrive souvent qu'après avoir comparu devant le tribunal, on se retrouve dans un conflit non résolu sur les plans émotif et psychosocial.

Naturellement, une autre solution serait la psychothérapie. Malheureusement, certains parents divorcent à cause des problèmes personnels de l'un des deux parents ou des deux parents, ou en raison d'un problème d'incompétence ou d'incapacité parentale.

Toutes ces solutions demeurent, mais on devrait les intensifier et mettre sur la sellette les besoins des enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Est-ce qu'il y a des questions?

Madame St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Merci beaucoup. Je voudrais d'abord remercier notre témoin, Mme Carignan, et nous excuser de notre retard.

Vous nous avez parlé de la protection des enfants à risque. Vous avez dit qu'on intervenait en Ontario, mais pas au Québec. J'aimerais que vous m'en parliez un peu plus. Comment fait-on pour identifier un enfant à risque dans un cas de séparation ou de divorce?

• 1210

Mme Louise Carignan: Lorsqu'un enfant entend des propos dénigreurs à l'égard de son autre parent, cela le met en conflit de loyauté par rapport à l'autre parent. L'enfant aime ses deux parents et veut continuer d'aimer ses deux parents. Par exemple, lorsqu'un enfant va chez son père et que ce dernier parle contre la mère, il ne se sent pas à l'aise d'aimer sa mère. Il veut continuer de plaire à papa parce qu'il veut son amour. Il se demande s'il devrait faire comme papa et se mettre à détester maman. Pour l'enfant, l'image du parent est drôlement importante. Il a besoin de croire à la crédibilité de ses deux parents.

Mme Caroline St-Hilaire: Est-ce que vous identifiez ces enfants à risque avant la séparation ou lors de la médiation? Je ne comprends pas. Quand commencez-vous à établir qu'un enfant est à risque? J'imagine que vous travaillez avec cette clientèle-là.

Mme Louise Carignan: L'enfant est à risque dès qu'il y a conflit entre les deux parents. Le conflit entre les parents peut se vivre de façon verbale, mais aussi physique. Quand les deux parents qui sont en voie de séparation commencent à s'appeler de toutes sortes de noms et à se lancer des assiettes ou des pots de fleurs, comme dans le dossier de ce matin, cela insécurise l'enfant. L'enfant est à risque de mauvais traitements physiques parce qu'il risque de recevoir sur la tête un pot de fleurs ou une assiette et il ne se sent plus en sécurité face à ses deux parents. Il devient à risque parce qu'on compromet son développement alors qu'il a besoin de sécurité, de stabilité et de continuité dans sa vie. Plus l'enfant est jeune, plus il lui est difficile de comprendre la complexité de son environnement dans de telles circonstances.

Mme Caroline St-Hilaire: D'accord. Vous n'avez pas tellement parlé de votre centre de jeunesse. J'aimerais savoir quelle est votre clientèle, quel âge ont les jeunes et quelle sorte de conflits ils vivent. Est-ce que ce sont des cas de violence conjugale?

Mme Louise Carignan: Le Centre jeunesse de l'Outaouais oeuvre auprès des enfants de 0 à 18 ans. Nous travaillons avec les familles aux prises avec la maltraitance, les abus physique, les abus sexuel, la négligence, le manque de supervision, les troubles de comportement sévères et la criminalité. Notre clientèle compte aussi des parents qui ont de la difficulté à appliquer leur discipline, qui mettent les enfants en situation d'abandon et qui sont toxicomanes.

Mme Caroline St-Hilaire: Qui place les enfants chez vous? Est-ce que ce sont les parents ou la DPJ?

Mme Louise Carignan: Un parent peut en faire la demande parce qu'il se sent à bout de ressources, parce qu'il a identifié que son enfant avait des problèmes, mais n'est pas capable d'en venir à bout et de le contrôler. L'enfant peut alors être placé. Nous pouvons aussi prendre la décision de placer l'enfant en raison de l'attitude ou du comportement du parent.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup.

Comme vous le savez, la Loi sur le divorce fixe la façon dont les choses doivent se passer. J'aimerais que vous nous disiez quelles modifications il faudrait apporter à cette loi. Vous préconisez un recours plus fréquent à la médiation ainsi qu'une meilleure formation des médiateurs, et vous dénoncez les procédures accusatoires et coûteuses devant les tribunaux. Comment faudrait-il modifier la Loi sur le divorce pour promouvoir les solutions que vous recommandez?

[Français]

Mme Louise Carignan: Je voudrais avant tout qu'on modifie les délais. Des avocats seraient sans doute mieux placés que moi pour répondre à cette question, mais je me demande si on ne pourrait pas modifier la Loi sur le divorce à cet égard. Je trouve pénible que lorsque les parents divorcent et comparaissent devant le tribunal, l'enfant doive attendre deux ans avant de savoir exactement ce qui va se passer. Entre-temps, il y a une foule de jeux qui surviennent entre les deux parents.

Nous avons un secteur qui s'appelle l'expertise psychosociale pour la Cour supérieure, qui intervient justement dans les cas de divorce. Nous rencontrons les deux parents ou les enfants et nous faisons des recommandations pour ces enfants-là. J'ai ici les facteurs sur lesquels on se base pour faire nos recommandations.

• 1215

La loi devrait prévoir qu'aussitôt que les parents ne sont plus capables de s'entendre ou ne font plus preuve de volonté de s'entendre, il faudrait aller de l'avant dans l'intérêt des enfants. On devrait les diriger vers une expertise et trancher la question le plus rapidement possible.

Lorsqu'un enfant a deux ans, une période de deux ans est longue, et ce sont deux années très importantes dans sa vie. L'enfant ne peut pas supporter les délais que lui impose la justice. Je souhaite donc qu'on puisse réduire les délais et être très clair.

Selon les dispositions de notre Loi sur la protection de la jeunesse ou encore celles de la Loi sur la santé et les services sociaux de l'Ontario, lorsqu'il y a un signalement, nous disposons de 30 jours pour faire une évaluation et donner une orientation. On devrait aller dans ce sens-là, sauf qu'on se retrouverait face à une zone noire dans la Loi sur le divorce. Les parents ne sont pas fous. S'ils divorcent et qu'ils ne sont pas intéressés à en venir à un règlement, ils ne voudront pas entreprendre des démarches juridiques. Cet aspect deviendrait difficile. D'autre part, les parents de ces enfants ne sont pas nécessairement mariés et ne demanderont donc pas le divorce. C'est une autre variable qu'il faudrait considérer dans les décisions.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Bien. Vous recommandez donc des mécanismes permettant de résoudre rapidement un conflit; vous êtes favorables à la médiation ou à l'arbitrage, de façon à diminuer le nombre des recours aux tribunaux. Vous semblez recommander la suppression des possibilités d'actions conflictuelles par une modification des règles proprement dites, alors que s'il n'y a pas de mécanisme en place—d'incitatifs insidieux, pourrait-on dire—, personne n'y aura recours.

Ai-je bien résumé vos propos?

Mme Louise Carignan: Voulez-vous répéter les deux dernières phrases? Je vous ai mal entendu.

M. Paul Forseth: J'essayais de dire qu'à certains égards, les possibilités d'intervention créent une demande. Si des conjoints en conflit ont la possibilité de recourir aux règles actuelles pour s'affronter en pure perte, peut-être faudrait-il modifier ces règles.

[Français]

Mme Louise Carignan: Il faut se baser sur les deux prémisses de départ: il faut reconnaître que les parents peuvent divorcer, mais qu'ils vont et doivent rester parents. Dans cette chicane, il y a un des deux parents qui ne veut pas se faire éliminer et qui ne veut pas nécessairement être un parent à temps partiel ou un payeur ou une payeuse de pension alimentaire. D'un tel point de vue, on ne reconnaît pas vraiment les besoins des enfants. On se trompe et on se dirige vers des scénarios pleins de frustration pour les enfants et pour les deux parents. De plus en plus, les études sont concluantes à cet égard.

Il est essoufflant d'être chef de famille monoparentale de nos jours. Il faut s'obliger à en venir à une entente afin de ne pas diviser ces enfants physiquement et au plan de leurs émotions.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, madame la sénatrice.

Je voudrais insister sur cette question. Sans vouloir paraître présomptueux—c'est la première fois que je participe aux travaux de ce comité, et je tiens à remercier ses membres et sa présidence de m'avoir accueilli—mais comme on parle d'un plus grand recours à la médiation, j'aimerais avoir quelques détails à ce sujet. Est-ce que vous dites qu'il faudrait ralentir la procédure de divorce de façon à permettre à la médiation d'intervenir pour considérer tous les aspects de la situation? Est-ce que vous envisagez également une formule de divorce sans égard à la faute? Avez-vous envisagé des changements en ce sens?

• 1220

J'aurai une autre question à poser sur l'affirmation selon laquelle il faut apprendre la responsabilité parentale, mais je ne sais pas si je dois poser cette question dès maintenant ou plus tard, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Adressez-vous les deux questions à ce témoin ou à un autre?

M. Philip Mayfield: À ce témoin.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Eh bien, posez vos deux questions, car de toute façon, ce seront les dernières.

M. Philip Mayfield: Très bien.

Vous avez dit qu'il fallait apprendre les responsabilités parentales. D'habitude, on découvre ces responsabilités quand on est soi-même enfant, auprès des parents et des grands-parents, et j'aimerais savoir si vous pensez à une modification de la loi ou un ajout législatif qui viendrait appuyer votre affirmation.

[Français]

Mme Louise Carignan: À mon avis, il n'y a pas actuellement de programmes clairs qui nous enseignent à être de bons parents. Autrefois, il n'y avait que deux ou trois méthodes d'éducation et le choix n'était pas compliqué. Mais les méthodes d'éducation se sont multipliées depuis. De plus, nos jeunes n'apprennent plus de la même façon. Il faut aussi tenir compte de la mobilité ou de la diversité des familles, lesquelles ont bien changé. On peut croire qu'on apprend à être parent par l'exemple, mais si on n'a pas eu un bon modèle de parent, on est fini. Que peut-on faire? J'ai eu une bonne mère et je suis capable de bien materner mes enfants, de m'ajuster et ainsi de suite. Si je n'avais pas eu une bonne mère, où aurais-je appris? C'est souvent le problème des parents qui viennent au Centre jeunesse de l'Outaouais ou de ceux qui se présentaient à la Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton, où je travaillais auparavant.

[Traduction]

M. Philip Mayfield: En ce qui concerne ma première question sur le ralentissement de la procédure de divorce aux fins de la médiation, pourriez-vous me dire précisément comment il faudrait modifier la loi à cette fin?

[Français]

Mme Louise Carignan: Je sais que la Loi sur le divorce relève du fédéral et qu'au Québec, nous sommes maintenant obligés d'aller consulter un médiateur dans les situations de divorce ou de séparation. Cette approche remporte un succès certain. Les statistiques indiquent que 50 p. 100 des dossiers se règlent par voie de médiation.

Quant à l'idée du no-fault divorce, du divorce par consentement mutuel, je pense qu'il ne faut pas jouer le jeu du parent qui veut blâmer l'autre. Il faut plutôt arriver à accepter un état de fait et se résigner face à une situation, se dire qu'entre nous ça ne marche plus, que ça a déjà marché, mais que maintenant ça ne marche plus. Il faut se poser des questions. Que fait-on? Quelles qualités puis-je aller chercher chez l'autre parent afin d'en faire bénéficier les enfants? Moi, comme parent, malgré ma séparation ou mon divorce, de quelles qualités puis-je faire bénéficier mes enfants? Si on se pose les questions de cette façon, on va faire les choses différemment et se rapprocher des besoins des enfants.

On nous signale de nombreuses situations où l'on blâme l'autre parent. Ces situations deviennent difficiles pour nous, les intervenants de la protection de la jeunesse. Il y a de la confusion quant à la source des troubles de comportement. Un parent peut nous dire: «Mon enfant fait des cauchemars et a baissé ses culottes. Il doit donc avoir été violenté sexuellement.» On relève une foule de choses qui pourraient être liées à des mauvais traitements, à des réactions normales au développement ou à des réactions normales à la suite de la séparation des deux parents. C'est une expérience difficile pour les enfants.

[Traduction]

M. Philip Mayfield: Excusez-moi, madame la présidente. Disons, pour éviter de perdre du temps, que je voulais savoir si, de l'avis du témoin, il y avait lieu de modifier les dispositions concernant le divorce sans égard à la faute. S'il n'y a aucun changement, je m'en accommode. Je comprends ce que signifie le divorce sans égard à la faute. Merci.

• 1225

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

[Français]

Madame Carignan, merci beaucoup de votre intéressante présentation.

[Traduction]

Nous accueillons maintenant à la table des témoins le Centre de service familial d'Ottawa-Carleton, représenté par ses deux coprésidentes, Katherine Morrison et Sandy Milne, ainsi que Patricia Houde et Drew McLay, qui sont médiateurs au Centre de médiation familiale de Peterborough.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Morrison et madame Milne, voulez-vous commencer par des remarques introductives aussi brèves que possible, de façon qu'il nous reste du temps pour les questions?

Mme Sandy Milne (coprésidente du Sous-comité du droit de la famille, Comité régional de coordination pour contrer la violence faite aux femmes): Bonjour. Je m'appelle Sandy Milne. Je suis travailleuse sociale au Centre de service familial d'Ottawa-Carleton, un organisme de counselling familial accrédité auprès des services à la famille de l'Ontario et du Canada. Je travaille au sein d'un programme de lutte contre les mauvais traitements et je suis titulaire d'une maîtrise en travail social. En juillet 1997, j'ai présenté un document à la Conférence internationale sur les enfants victimes de violence en milieu familial.

Je suis coprésidente du Sous-comité du droit de la famille, qui relève du Comité régional de coordination pour contrer la violence faite aux femmes; il s'agit d'une coalition d'organismes dont le mandat est de mettre un terme à la violence faite aux femmes et aux enfants. C'est à ce titre que j'interviens aujourd'hui.

D'autres travailleurs de première ligne, des membres du comité et des personnes intéressées m'accompagnent. Joan Gullen, qui est membre du comité, a dû décliner votre invitation.

Mme Katherine Morrison (coprésidente du Sous-comité du droit de la famille, Comité régional de coordination pour contrer la violence faite aux femmes): Bonjour. Je m'appelle Katherine Morrison. Je suis ici aujourd'hui parce que je travaille au Sous-comité du droit de la famille depuis près de trois ans et parce que je voudrais évoquer la dimension humaine du sujet qui nous occupe aujourd'hui.

En juillet 1994, ma maison a été entièrement détruite par un incendie. Mon ex-mari, qui est le père de ma dernière, a été arrêté. Il a fallu trois ans et demi pour le condamner d'incendie criminel et d'atteinte à la vie. Cet incendie avait été précédé, 14 mois plus tôt, par un autre incendie que la police avait jugé suspect.

Au moment de l'incendie, ma fille aînée avait 12 ans et la plus jeune avait neuf mois. Par ailleurs, une amie de mon aînée ainsi que mes parents âgés se trouvaient avec moi et mes filles dans la maison lorsque l'explosion s'est produite. Par chance, nous avons tous pu sortir. Nos animaux de compagnie n'ont pas eu la même chance. Presque tout a été détruit.

J'ai apporté des photos de mes filles et de mes parents prises par mon ex-conjoint quelques heures seulement avant qu'il n'essaie de nous tuer—c'est du moins mon avis. Il a également pris des photos de notre maison et du terrain. J'ai aussi une photo qu'il a prise le lendemain de l'incendie. C'est tout ce qui me reste des souvenirs de ma fille avant l'incendie.

Mon ex-mari est maintenant en liberté après avoir passé une seule nuit en prison, et il a porté sa condamnation et sa sentence en appel. Il a toujours un droit de visite sans surveillance auprès de ma petite fille.

Tous ces événements ont eu sur moi un effet dévastateur. Je ne comprends pas comment on accorde un droit de visite à cet homme, dont je suis persuadée qu'il a essayé de nous tuer et de tuer sa propre fille. J'approuve sans réserve toutes les recommandations du mémoire que Sandy et moi présentons aujourd'hui au nom du Sous-comité du droit de la famille. À titre personnel, j'implore le comité de considérer les actes violents avec le plus grand sérieux. La vie de ma fille doit avoir priorité sur les droits de son père.

Le Sous-comité du droit de la famille a été constitué en 1992 sur la base des craintes très sérieuses pour la sécurité physique et la santé émotive des femmes et des enfants confrontés à la violence. Il met l'accent sur l'expérience des femmes maltraitées qui se retrouvent aux prises avec le droit de la famille, notamment sur des questions de garde et de droit de visite.

Le Sous-comité du droit de la famille a participé à un programme de recherches juridiques de l'Université d'Ottawa et a reçu des fonds pour gérer un groupe de soutien à des femmes victimes de violence sur les questions de garde et de droit de visite. Le Sous-comité du droit de la famille se compose de conseillers professionnels, de personnes qui travaillent dans des abris pour femmes, d'avocats spécialistes du droit de la famille et de femmes qui ont une expérience du système judiciaire. Les conseillers professionnels qui ont contribué collectivement à ce mémoire ont travaillé auprès de centaines de familles de la région d'Ottawa-Carleton dont la femme avait été victime de violence.

• 1230

Notre mémoire vise à mettre en lumière la violence faite aux femmes en tant qu'élément essentiel à prendre en compte dans les décisions concernant la garde et le droit de visite. Nous souhaitons présenter aujourd'hui l'expérience des enfants victimes de violence dans leur foyer et de faire passer ce sujet au premier plan, car il est trop souvent occulté dans les décisions judiciaires sur la garde et le droit de visite. Nous recommandons des changements juridiques. Nous insistons sur le fait que c'est la sécurité, et non la violence, qui est conforme aux intérêts de l'enfant. Et lorsque la mère est victime de violence, les enfants sont en danger.

Nous considérons également que la violence faite à la mère est une forme de mauvais traitements de l'enfant. Ce recours à la violence remet en question l'aptitude du père à assumer ses responsabilités parentales et doit être considéré pour les enfants comme un mauvais exemple qui risque d'avoir de graves conséquences à long terme.

Nous insistons sur le fait que la violence se poursuit après la séparation. On s'imagine souvent que la violence cesse lorsque les conjoints se séparent, mais notre expérience auprès des femmes victimes de violence nous indique le contraire.

Je voudrais parler brièvement des séquelles que conserve l'enfant qui assiste à des scènes de violence contre sa mère.

Depuis 10 ans, il existe des groupes de thérapie pour les enfants de la région d'Ottawa-Carleton. Les effets des situations de ce genre sur le comportement et la stabilité émotive des enfants sont très variés. Je voudrais vous soumettre les exemples suivants.

L'un des effets les plus pernicieux, c'est que les enfants apprennent que la violence est une façon normale de résoudre les problèmes. Nous rencontrons de nombreux enfants très extrovertis, avec des comportements agressifs chez eux, à l'école et auprès de leur entourage. Les mères signalent souvent des attaques physiques et verbales répétées contre elles-mêmes, contre les frères et soeurs, les animaux de compagnie ainsi que les biens familiaux, et des actes d'intimidation où l'enfant brandit un couteau de cuisine, donne des coups de pied ou de poing, profère des insultes ou perse un mur en le frappant. Si ces enfants ne sont pas traités, ils peuvent infliger eux-mêmes de mauvais traitements. Ils éprouvent des problèmes scolaires et leurs résultats en souffrent.

Les enfants qui assistent à des scènes de violence contre leur mère sont aussi traumatisés que ceux qui sont directement victimes de mauvais traitements. Ils peuvent avoir des problèmes de stress post-traumatique. Je pense à une famille dont la fillette de huit ans n'a jamais été frappée par son père, mais elle a vu sa mère se faire frapper jusqu'au sang. Trois ans plus tard, elle est toujours stressées, elle fait des cauchemars, répond brusquement et connaît de graves difficultés scolaires.

Ces enfants ont une mauvaise estime d'eux-mêmes et ont l'air déprimé. On a dû soigner des fillettes qui avaient avalé des agrafes.

La crainte des enfants se manifeste par des problèmes physiques et une anxiété chronique. Ils déclarent souvent avoir peur que leur mère se fasse tuer et qu'ils n'aient plus personne pour s'occuper d'eux. Souvent, ils ont entendu leur père proférer des menaces de mort. Ils vont craindre de partir en colonie de vacance parce qu'ils s'inquiètent de ce qui pourrait arriver à leur mère pendant leur absence.

Voilà le genre de situations que nous rencontrons et dont nous voulons faire part au comité, parce qu'elles sont très graves.

Je voudrais maintenant passer à...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que vous êtes sur le point de terminer?

Mme Sandy Milne: Oui.

Nous voudrions aborder les problèmes de la garde et du droit de visite, puis présenter nos recommandations, qui seront brèves.

Mme Katherine Morrison: Dans certains cas, il faudrait éviter que les enfants voient leur père violent. L'idéologie dominante voulant que les enfants aient des contacts avec leur père est préjudiciable aux enfants dont le père est violent. Un père violent peut conserver le même comportement bien après la séparation et le divorce.

Mme Sandy Milne: Passons aux recommandations.

Nous pensons qu'un système axé sur les enfants devrait se conformer aux recommandations suivantes:

Le système judiciaire devrait énoncer un protocole qui prenne en compte la violence faite à la mère lors des décisions sur la garde et le droit de visite. Ce protocole devrait comporter les éléments suivants.

• 1235

Lorsqu'il y a eu condamnation pour voies de fait ou que des accusations ont été portées, la garde provisoire devrait être immédiatement accordée à la mère en tant que dispensatrice principale de soins et le droit de visite ne devrait jamais être accordé sans surveillance.

En cas de violence, il ne devrait y avoir aucun régime parental conjoint, aucune présomption de garde conjointe ni de médiation.

Les juges devraient suivre des cours sur la dynamique et les conséquences des mauvais traitements.

Les professionnels devraient suivre des cours sur un protocole de prise en compte de la violence.

Les organismes de protection de l'enfance devraient reconnaître que le fait d'assister à des mauvais traitements est une forme de mauvais traitement en soi, et que la sécurité des enfants doit être considérée comme prioritaire.

Il faudrait étendre le programme des visites sous surveillance.

Il faudrait accorder des fonds suffisants au programme d'aide juridique pour assurer la sécurité des femmes et des enfants, car les dossiers sont très complexes et l'aide juridique se tarit rapidement.

Il faudrait mettre en place un système national d'application des pensions alimentaires et des services d'aide à l'enfance.

Voilà qui résume notre point de vue.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame Houde ou monsieur McLay, s'il vous plaît.

M. Drew McLay (médiateur, Centre de médiation familiale de Peterborough): Merci beaucoup de nous avoir invités. Je m'appelle Drew McLay. Ma partenaire s'appelle Patricia Houde. Nous gérons le Centre de médiation familiale de Peterborough. Nous sommes tous deux des médiateurs en matière de droit de la famille et chefs de famille monoparentale qui ont eu affaire au système judiciaire.

Nous sommes ici aujourd'hui pour dire qu'il est essentiel d'obliger les parents qui se séparent, qui divorcent ou qui s'affrontent pour obtenir la garde à assister à un séminaire de formation pour parents, où on leur dira exactement ce qui risque de se passer et ce qui risque de résulter pour eux-mêmes et pour leurs enfants des décisions qu'ils prennent à ce moment crucial de leur vie. Ces séminaires ont donné de très bons résultats dans différentes localités des États-Unis et du Canada. Ma partenaire vous en parlera tout à l'heure.

Je voudrais vous présenter une analogie qui me semble révélatrice du sort actuel des parents qui se séparent ou qui divorcent et de leurs enfants. Je l'appelle le voyage tragique.

Imaginons un parent et des enfants qui partent en voyage. Peut-être n'ont-ils pas envie de partir, mais ils s'y sont néanmoins obligés. Le but du voyage est d'arriver dans un lointain pays. Cependant, pour y arriver, il faut traverser un autre pays qu'ils ne connaissent pas.

Le parent et les enfants ont peur, ils sont tristes, désorientés, et peut-être contrariés de devoir faire ce voyage.

Ils découvrent d'abord qu'ils entrent dans un pays inconnu dont ils ne comprennent pas la langue. Ensuite, ils constatent que le voyage risque de leur coûter beaucoup plus qu'ils n'avaient prévu et qu'ils risquent d'arriver à destination totalement démunis. Ils constatent ensuite que selon toute vraisemblance, le voyage va durer beaucoup plus longtemps que prévu, peut-être même plusieurs années. Puis ils constatent que les lois de ce pays sont différentes de celles qu'ils connaissent et que dans ce pays, la personne qui leur en veut peut faire en toute impunité des allégations fondées ou non.

Tout cela provoque une grande tension pour les parents et les enfants. Le parent peut se sentir débordé et prendre des décisions qui ne sont pas conformes aux intérêts des enfants.

Alors que le voyage devait initialement profiter aux parents et aux enfants, les sentiments d'impuissance, de colère et de peur peuvent amener les parents à agir de façon irrationnelle. Dans le but de se protéger et de protéger leurs enfants, ils peuvent prendre des décisions qu'ils n'auraient jamais prises en temps normal.

À la limite, ils peuvent essayer de fuir le pays à la faveur de la nuit en emportant leurs enfants. Ou bien, se sentant impuissants et vaincus ils peuvent abandonner leurs enfants et prendre la fuite. Mais plus vraisemblablement, ils seront dans un tel état de détresse qu'ils vont rester sur la défensive.

Petit à petit, ils seront moins sensibles aux besoins et aux craintes de leurs enfants. Ils commenceront à dire ou à faire des choses contraires à leur personnalité. De façon inconsciente, ils peuvent même inciter leurs enfants à faire ou à dire de choses qu'ils ne diraient pas normalement. Ils peuvent céder à des comportements malsains, voire illégaux.

• 1240

Empêtrés dans leurs sentiments de crainte, de culpabilité et de colère, ils peuvent finir par être totalement insensibles aux effets dévastateurs du voyage et de leur comportement sur la stabilité émotive des enfants.

Leurs enfants commencent à manifester un comportement tout à fait anormal. Les parents ne comprennent plus leur propre comportement ni les réactions de leurs enfants.

Le plus tragique, c'est qu'on pourrait éviter tout cela si le parent achetait un guide touristique et une carte avant d'entreprendre ce voyage. Le guide expliquerait, entre autres choses, ce à quoi ils peuvent s'attendre en traversant l'autre pays et donnerait des indications pour éviter les pièges qui attendent le voyageur inexpérimenté.

Le guide donnerait également des stratégies et des trucs permettant au parent et aux enfants d'arriver à bon port.

La carte montrerait qu'il est possible de se rendre à destination sans traverser ce pays inconnu et hostile. Elle indiquerait un itinéraire permettant aux parents et aux enfants de se rendre à destination en évitant en grande partie les craintes et les anxiétés.

Finalement, grâce au guide touristique et à la carte, le parent et les enfants auraient une bien meilleure chance d'arriver à destination dans un meilleur état de santé physique, psychologique, affective et financière.

Nous savons tous qu'il existe des cours ou des séminaires de préparation au mariage. Ces cours sont facultatifs. Chacun est libre d'y assister ou non. Je considère que dans les situations de ce genre, on a simplement deux adultes qui vont subir les conséquences directes de leurs propres décisions concernant le mariage.

En cas de séparation ou de divorce des parents, ce sont généralement les enfants qui souffrent le plus de l'ignorance des parents.

Par conséquent, je préconise soit des cours obligatoires sur la séparation ou le divorce pour les parents, ou au moins que l'on mette des crédits à la disposition des organismes comme le nôtre qui organisent des cours de ce genre et qui peuvent aider les parents à éviter les problèmes qu'on rencontre au cours de ce genre de voyage.

Finalement, si l'on peut faire comprendre aux parents que c'est ce conflit entre eux, plutôt que la séparation proprement dite, qui constitue en lui-même une forme de mauvais traitement des enfants et qui déstabilise leur affectivité, on aura fait un pas en avant considérable.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame Houde, avez-vous quelque chose à ajouter? Nous avons très peu de temps pour les questions.

Mme Patricia Houde (médiatrice, Centre de médiation familiale de Peterborough): Non. J'avais un exposé, mais...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous avons reçu vos documents et nous pourrons les lire. À moins que vous n'ayez quelque chose de tout à fait différent, je préfère que l'on passe aux questions. Êtes-vous d'accord?

Mme Patricia Houde: Oui.

Je voudrais simplement reprendre le commentaire de Drew concernant les cours destinés aux parents.

Je pense qu'il est important de reconnaître l'intérêt de ces cours pour ceux qui sont au début d'une procédure de séparation ou de divorce et qui se trouvent confronter au système judiciaire. Ils devraient avoir la possibilité d'assister à des cours sur la responsabilité parentale.

Dans notre travail, nous reconnaissons que bien souvent, les parents entament ces procédures sans se rendre compte des effets dévastateurs qui peuvent en résulter pour leurs enfants.

Je sais que nous manquons de temps, mais c'est une question très importante.

J'aimerais que vous considériez les avantages des cours de formation pour les parents. Ils ont donné de bons résultats aux États-Unis et dans certaines régions du Canada, et ils ont fait l'objet d'excellentes études.

L'une des études de l'association du Barreau des États-Unis indique que les enfants souffrent davantage, à long terme, du comportement de leurs parents et du conflit qui les oppose que de la séparation proprement dite.

En Utah, on a réalisé en 1994, une étude auprès de 13 670 répondants et on a constaté que seuls 29 p. 100 des répondants ont déclaré qu'ils seraient mécontents de devoir suivre un tel cours. Mais à la fin, lorsqu'on leur demandait si des cours sur la responsabilité parentale devraient être obligatoires pour les parents en instance de divorce, 79 p. 100 des répondants ont dit, à la surprise des enquêteurs, je suppose, qu'ils profiteraient effectivement de cours obligatoires sur la responsabilité parentale, ou qu'ils en avaient profité.

• 1245

Je tiens à respecter vos délais, mais je pense qu'il s'agit d'une question très importante et je voudrais inviter le comité à considérer sérieusement les avantages de tels cours.

Le service du procureur général de l'Ontario réalise actuellement un projet pilote à Toronto. Je fais partie du conseil d'administration de l'Association ontarienne pour la médiation familiale. Avec Drew et d'autres médiateurs, j'ai assisté à l'assemblée générale annuelle de l'Association la fin de semaine dernière à Toronto. Un représentant du procureur général nous a dit que ce projet pilote allait être lancé à Toronto et qu'il comportait des cours sur la responsabilité parentale.

Je vous remercie de votre attention.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Quelles sont les exigences techniques de la réalisation d'un tel projet pilote ? Est-il soumis aux règles des tribunaux? Est-ce que vous recommandez des changements dans la loi à cet effet? Nous avons beaucoup entendu parler de l'intérêt des cours de formation, mais nous nous interrogeons toujours sur les moyens les plus appropriés au plan technique.

Mme Patricia Houde: C'est une question difficile, monsieur Forseth, car il y a sans doute de bons arguments de part et d'autre. Si nous pouvons prendre l'initiative et rendre ces cours obligatoires, ils seront sans doute plus utiles en définitive. Je travaille depuis un certain temps dans le domaine des services sociaux et de la justice criminelle, et je sais qu'on se heurte toujours à une certaine résistance lorsqu'on veut obliger les gens à faire certaines choses.

Je me souviens des premiers programmes de gestion de la colère, et de lutte contre la toxicomanie et l'alcoolisme, et de la façon dont on les avait rendus obligatoires. Je me souviens que les gens montaient un petit peu sur leurs ergots, car personne n'aime que l'on lui dise quoi faire, même si c'est dans leur meilleur intérêt. À la longue, et en tout cas en ce qui concerne ces programmes de formation obligatoires destinés aux parents, j'espère que l'on verra les résistances s'atténuer rapidement.

Je pense également qu'il serait extrêmement prudent de donner une formation aux juges. Nous avons la chance de travailler avec certains...

M. Paul Forseth: Excusez-moi de vous interrompre. En ce qui concerne votre projet pilote, est-il facultatif ou obligatoire?

Mme Patricia Houde: Pour le moment c'est facultatif. Nous travaillons là-dessus avec un juge principal des tribunaux de la famille, et un juge divisionnaire d'un tribunal ordinaire de Peterborough, et nous avons la chance d'avoir affaire à des gens qui comprennent l'intérêt de ce genre de projet.

M. Paul Forseth: On a déjà d'autres exemples de ce type de projet pilote, mais au palier national c'était obligatoire. Vous aurez peut-être alors intérêt à vous reporter à ces exemples où le programme était obligatoire.

Mme Patricia Houde: Oui, merci. Nous avons déjà effectivement fait une recherche dans ce sens, pour repérer des exemples intéressants. Je crois qu'en Alberta et à Vancouver...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Y a-t-il d'autres questions?

M. Paul Forseth: J'ai fini.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Docteur Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Pour revenir aux recherches qui sont faites, nous avons beaucoup entendu dire des conséquences pour l'enfant de la violence dont il est témoin, ce qui d'une certaine manière est une forme de mauvais traitement imposé à l'enfant, même si celui-ci n'est pas battu. Vous recommandez donc, lorsqu'il s'agit d'une famille où la violence règne, que l'on crée une procédure distincte de divorce pour ces couples.

Mme Sandy Milne: Oui.

Mme Carolyn Bennett: C'est ce que l'on me répète en permanence. À partir du moment où l'on parle d'un mariage désuni, s'il y a en plus de la violence, on passe par cette procédure; s'il n'y a pas de violence dans la famille, ils peuvent alors passer par l'autre procédure, plus de médiation et une procédure de REC.

• 1250

Mme Sandy Milne: Exactement. En annexe à notre mémoire j'ai le Gardianship Amendment Act de Nouvelle-Zélande, qui adopte des dispositions spéciales en cas de violence, tout cela dans le cadre de leur Loi sur le divorce. C'est quelque chose que le comité pourrait étudier, en envisageant d'incorporer ce genre de chose dans le droit canadien.

Mme Carolyn Bennett: Ce que nous constatons par ailleurs, c'est que tout le système d'assistance publique à l'enfance se détériore. Que vous appeliez cela la protection de l'enfance ou l'assistance aux enfants, ou même dans certains cas on parle d'ami du tribunal qui serait chargé de s'assurer que les intérêts de l'enfant sont effectivement... Lorsque l'on dit qu'il faudrait former effectivement ceux qui sont chargés de détecter les situations de mauvais traitement ou de violence, on pense immédiatement à ces personnes qui ont des postes de responsabilité et à ce qu'ils devraient faire pour protéger l'enfant.

Mme Sandy Milne: Les juges en particulier, mais également les responsables de l'évaluation des familles sont très souvent mal informés de ces problèmes de violence. Je crois qu'il faut souligner cet aspect de la question lorsque l'on envisage des plans de redressement pour ces familles, et que l'on veut mettre les enfants en sécurité.

Mme Carolyn Bennett: Dans certains cas les juges émettent une ordonnance de droit de visite surveillée, mais de toute évidence rien n'est prévu pour cela dans la province. Il faudrait des ressources prévues à cet effet.

Mme Sandy Milne: Exactement, sinon rien n'est possible.

Mme Carolyn Bennett: Vous avez parlé je crois de «protocole» pour les situations de violence. Il faudrait faire quelque chose de multidisciplinaire allant des juges aux avocats, aux médiateurs, et cela devrait être largement accepté. Pensez-vous qu'il faille inscrire cela dans le droit?

Mme Sandy Milne: Absolument.

Kay Marshall est avocate auprès du Sous-comité du droit de la famille, et elle pourrait peut-être en parler en connaissance de cause.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous vous nommer, pour le compte rendu de séance?

Mme Kay Marshall (Sous-comité du droit de la famille, Comité régional de coordination pour contrer la violence faites aux femmes): Je m'appelle Kay Marshall, je suis une spécialiste du droit de la famille. Je fais partie du comité, mais je suis également membre de l'Association nationale de la femme et du droit. Nous avons présenté un mémoire sur ces questions de modification de la loi qui s'appliqueraient à ce cas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous êtes donc favorable à ce genre de recommandations.

Mme Sandy Milne: Oui, et dans notre mémoire nous appuyons la recommandation de l'Association nationale de la femme et du droit.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St. Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: J'aimerais tout d'abord vous remercier de votre témoignage.

Si j'ai bien compris, vous travaillez principalement auprès des femmes qui ont été violentées, bien que ce soit aussi le cas de certains hommes. Est-ce que vous travaillez exclusivement auprès des femmes violentées ou s'il y a aussi des hommes?

[Traduction]

Mme Sandy Milne: Il s'agit là surtout de la violence faite aux mères. Ce sont les femmes qui sont victimes de mauvais traitements.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: D'accord. Durant les audiences du comité, on nous a dit qu'on portait parfois de fausses accusations. Étant donné que vous travaillez auprès des femmes, j'aimerais que vous me laissiez savoir si les femmes qui vont vous voir ont déjà fait de fausses accusations ou si elles portent principalement des accusations fondées.

[Traduction]

Mme Sandy Milne: Laissons de côté la question des fausses accusations. Dans le cas de la plupart des femmes avec lesquelles nous travaillons il y a condamnation pour coups et blessures, et dans certains cas certaines restent marquées à vie. Le cas de la fausse accusation peut se présenter, mais de façon très générale, lorsque les femmes déposent une plainte, nous constatons très souvent que les violences commises étaient plus graves que ce que la femme n'avait au début décrit.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Merci beaucoup.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Merci infiniment à vous quatre d'être venus. Ça été un peu court, mais ce sera dans le compte rendu de séance et nous avons vos mémoires.

• 1255

Mme Sandy Milne: Merci beaucoup de nous avoir invitées.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous recevons maintenant le professeur DeKeseredy de l'Université Carleton. Allez-y.

M. Walter DeKeseredy (professeur de sociologie, Université Carleton): Merci.

Honorables membres du comité, c'est un plaisir et un honneur d'être invité à prendre la parole devant vous. Je mesure parfaitement l'ampleur de votre tâche, la gravité du travail que vous entreprenez, et en même temps la difficulté des questions à débattre.

Je suis professeur de sociologie. J'ai consacré environ 20 ans de ma vie à l'étude de la violence faite aux femmes dans les relations intimes. Je me suis concentré surtout sur la violence faite aux femmes lors de rendez-vous, mais également sur la souffrance qu'elles connaissent après une séparation, en raison de mauvais traitements et de violence qui peuvent parfois entraîner la mort.

Depuis quelques années—et cela en réponse à deux grandes enquêtes faites à l'échelle nationale et commanditées par notre gouvernement, et également en réponse à d'autres études et articles—, nous avons souvent entendu l'argument selon lequel «il n'y a pas que les hommes», ou dans d'autres cas on utilise l'argument de la symétrie des sexes en ce qui concerne le recours à la violence; on parle également d'un combat réciproque, laissant entendre que les deux partenaires d'une relation intime sont violents à parts égales.

Ce genre d'argument s'appuie en général sur un matériel anecdotique et empirique que l'on retrouve entre autres dans les médias et dans d'autres sources, mais les défenseurs de cette thèse s'inspirent également du modèle «conflict tactics scale», que vous connaissez certainement, puisque M. Murray Straus vous l'a présenté ici, en même temps que Reena Summers; je ne vais donc pas entrer dans le détail de ce modèle. Je suis sûr que vous avez des exemplaires de ce que j'ai publiés et que vous les avez lus.

Mon objectif aujourd'hui est double. D'abord je me livrerai à une analyse critique des données du modèle «conflict tactics scale», selon lesquelles les femmes seraient aussi, sinon plus violentes que les hommes dans les rapports hétérosexuels intimes. Deuxièmement, je vais vous soumettre des données de l'enquête nationale faite sur un échantillon représentatif, laquelle conteste l'idée courante et erronée de certains spécialistes canadiens et américains, selon lesquels cette violence des relations hétérosexuelles intimes est un phénomène de symétrie. Ce que je tiens surtout à souligner ici aujourd'hui c'est que, dans les relations de couple ou de rencontres occasionnelles, la violence des hommes n'est pas la même que celle des femmes.

Je vais d'abord vous parler des faiblesses et insuffisances du modèle «conflict tactics scale-2». J'ai, à divers titres, beaucoup travaillé sur ce modèle. Cet instrument largement utilisé vous demande de consigner, parmi toute une gamme de réactions possibles allant de la discussion calme au recours à une arme, laquelle a été utilisée au moment d'une situation de conflit ou d'une querelle. Cet éventail va de la simple discussion dans le calme à l'utilisation d'un couteau ou d'une arme à feu.

Malheureusement, il est rare que l'on trouve dans la même étude la combinaison du CTS avec une indication de signification, de motivation ou de résultats, tels que la blessure. Au lieu de cela, toutes ces actions, tous ces actes sont affectés du même coefficient de valeur. Ainsi, que l'on pousse brutalement quelqu'un dans l'escalier, ou que l'on écarte quelqu'un qui vous empêche de fuir, il s'agit, dans ce modèle, d'actes de violence comparables.

De plus, toutes les études qui s'appuient sur ce modèle en excluant dans la mesure, le contexte, la signification et la motivation lorsqu'il s'agit d'actes entraînant blessure, montrent systématiquement que les femmes sont aussi violentes que les hommes. On aboutit à une symétrie des sexes. Lorsque vous interrogez les femmes sur la fréquence de tel ou tel de leurs actes violents, et que vous posez ensuite la même question aux hommes, les fréquences sont pour ainsi dire identiques, ou même légèrement supérieures dans la colonne des femmes.

Mais est-ce que ce décompte brut—fait selon le modèle du «conflict tactics scale» du Dr Straus et d'autres—prouve qu'il y a véritablement une symétrie entre les sexes, ou qu'il y a simplement une situation de lutte réciproque? Voilà une question qui n'est pas sans importance.

• 1300

Il peut arriver qu'une femme frappe un homme dans l'intention de le blesser, cela ne fait aucun doute. Il y a aussi des maris battus, et des hommes qui sont battus lors de rencontres de rendez-vous, tout cela est largement reconnu. Cependant, il semble avéré et attesté que les femmes sont dans une très large mesure les premières victimes de cette violence des relations hétérosexuelles intimes, comme je l'explique par la suite, et cela en dépit des conclusions très douteuses du modèle CTS portant sur la symétrie sexuelle, thèse défendue par Reena Summers et le Dr Straus, et dont vous retrouverez l'analyse dans les documents que je vous ai fait distribuer.

Ainsi, ce modèle CTS ne permet pas, seul, de tenir compte de variations propres à chaque sexe dans la mesure de la violence intime, car les hommes, comme beaucoup de psychologues éminents l'ont fait remarquer, ont tendance à minimiser leurs actes de violence lorsqu'ils sont interrogés. C'est ce que confirment des tests très fiables sur la désirabilité sociale. L'autre chose qu'il ne faut pas perdre de vue c'est que le CTS ne mesure que la violence en réponse à une situation de conflit, laissant ainsi de côté toutes les situations où l'homme agresse de façon arbitraire et inattendue, ainsi que les cas où l'homme a recours à la violence pour se rendre maître d'une situation, comme lorsqu'il bat la femme qui se refuse.

Si vous vous reportez au préambule du CTS, il y est déclaré que quelle que soit l'entente de couple, il y a toujours des querelles, des désaccords, etc. Les couples doivent alors indiquer combien de fois ils ont utilisé certains moyens tactiques de résolution d'un différend. On peut donc dire que de façon générale le contexte est très souvent ignoré.

Alors que la nouvelle version du CTS est une mesure de la violence sexuelle, la plupart de la recherche disponible aujourd'hui utilise la vieille version du CTS, laquelle ne tenait pas compte de la violence à proprement parler sexuelle ni des autres actes entraînant des lésions corporelles graves.

De fait, le CTS et CTS2 ne tiennent pas compte de toute une gamme de douleurs et souffrances que connaissent les femmes dans ces relations violentes. Ce qui est peut-être encore plus important, c'est que le CTS n'inclut pas dans son analyse de la violence les notions de contexte, de signification et de motivation. Ainsi il ne mesure pas la situation de légitime défense.

Une partie de l'information anecdotique utilisée par le CTS nous vient de journalistes tels que Patricia Pearson; mon analyse des conclusions du CTS me permet de dire que ce modèle ne nous donne pas une image fidèle de la réalité de la violence des relations intimes entre hommes et femmes. Bien sûr il arrive que les femmes soient violentes. Cependant, plutôt que de se livrer à un décompte du nombre de fois où elles le sont, ou de faire du sensationnalisme comme dans le cas de Lorena Bobbitt, nous devrions nous demander pourquoi elles ont été violentes.

Cette question me paraît d'une importance primordiale, en même temps d'ailleurs qu'à docteur Daniel Saunders, Martin Schwartz et Shahid Alvi. Nous avons analysé les données de l'enquête nationale canadienne à base d'un échantillon représentatif, pour répondre à cette question importante, et je vais vous livrer les résultats de notre travail.

À la suite de certaines études faites aux États-Unis sur la violence lors de rendez-vous et la violence entre époux, selon lesquelles la légitime défense était une situation fréquente de violence entre hommes et femmes, mes collègues et moi-même avons fait l'hypothèse suivante: une partie importante de ces violences dans les fréquentations entre étudiants canadiens, sont des cas où les femmes ont estimé devoir se défendre. Nous avons également émis l'hypothèse selon laquelle il y a une corrélation statistique positive forte entre la réponse—c'est-à-dire la réponse à une attaque—et la nécessité de se défendre, comme le démontre l'étude américaine tout à fait innovatrice de Daniel Saunders en 1986.

Ces hypothèses ont ensuite été testées à partir de chiffres recueillis auprès de 1 835 femmes qui ont été interrogées lors de l'enquête nationale canadienne sur les mauvais traitements dont sont victimes les femmes lors de rendez-vous, enquête dirigée par Katherine Helly en 1992. Cette étude était parrainée par Santé Canada, et les résultats, y compris ceux qui sont présentés ici, ont été reproduits dans diverses parutions scientifiques et études universitaires.

Exactement comme les hommes interrogés dans notre étude, les femmes avaient été priées de répondre à une version légèrement modifiée du CTS que vous connaissez, et des catégories intermédiaires—les trois premières catégories de CTS sont celles de la violence dite légère, ce qui ne me convient pas parce qu'une gifle peut casser une dent, et lorsque l'on pousse quelqu'un dans les escaliers cela peut entraîner des fractures du crâne et des traumatismes—et nous avions donc ajouté, aux catégories de violence légère et aussi aux catégories de violence grave, des questions de contexte, de signification et de motivation.

Voilà les questions que nous posions:

• 1305

À la suite de chacune de ces questions ont présentait une ligne continue représentant un pourcentage, allant de 0 p. 100 à 100 p. 100. Il y avait des intervalles à tous les 10 p. 100, et la personne répondant devait indiquer sur la ligne où elle se situait.

D'autres variables ont été mesurées, notamment les mauvais traitements psychologiques et sexuels, l'état de santé, etc. Pour des raisons de temps, je ne peux pas entrer dans le détail de ces variables...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Justement, professeur, vous avez largement dépassé les cinq minutes.

M. Walter DeKeseredy: Excusez-moi. Je croyais avoir plus de temps.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous voulons pouvoir poser des questions.

M. Walter DeKeseredy: Très bien. Je vais simplement maintenant résumer, et ce sera tout.

Nous avons constaté—vous retrouverez ça dans certains de nos documents—que la violence dont les femmes faisaient état était souvent une violence de légitime défense. Celles qui avaient été le plus souvent victimes d'actes de violence étaient également celles qui invoquaient le plus grand nombre de situations de légitime défense. Celles qui étaient séparées étaient également celles qui avaient le plus tendance à se défendre.

De toute façon, vous avez les documents devant vous. L'idée essentielle étant que l'idée que l'on peut se faire de cette violence n'est plus la même si l'on se pose des questions de contexte, de signification et de motivation. Il est donc très dangereux de se limiter à un décompte brut des comportements et gestes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

M. Forseth.

M. Paul Forseth: Vous avez entendu les témoins précédents, qui recommandaient une procédure juridique distincte, avec toute une procédure distincte de résolution des différends, etc., et cela dès que la violence entre en ligne de compte. À partir de ce que vous nous dites, je me demande si c'est une bonne solution.

La violence, d'où qu'elle vienne et qui qu'elle vise, est inacceptable et déplorable, et nous sommes surtout ici pour éviter le plus possible, dans l'intérêt de l'enfant, ces manipulations et tractations, qui peuvent inclure une certaine violence sous diverses formes. Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus, compte tenu des recherches que vous avez faites, et en tenant compte des témoignages précédents.

M. Walter DeKeseredy: Voici ce que je pense. Il faut effectivement des protections juridiques, mais nous avons trop tendance à nous en remettre à la loi comme outil principal d'action sociale. Comme nous le savons, alors que nous avons des politiques d'arrestation bien définies, etc., la plupart des agents de police ne procèdent pas à ces arrestations. Je pense aussi que les femmes veulent pouvoir décider de pouvoir rester ou partir, car rien n'est jamais si simple.

Je dirais qu'une des choses sur lesquelles nous devrions nous pencher à propos de la violence—sachant que dans la majorité des cas ce sont les femmes qui en sont victimes, dans les relations intimes entre adultes—c'est la possibilité de s'en aller, le genre de soutien que peut offrir la société par l'intermédiaire des avocats et le degré d'indépendance économique que l'on peut avoir. Je crois donc qu'il nous faut regarder plus loin qu'une intervention au criminel ou au civil. Il y a d'autres types de soutien social qui contribuent à la diminution de la violence.

Il faut envisager une formule multidimensionnelle plutôt que purement juridique. C'est un problème extrêmement complexe qui exige des solutions très variées.

M. Paul Forseth: Nous avons une Loi sur le divorce, un texte juridique. Nous avons entendu des témoignages venant de toutes parts à propos de cette loi et à propos de tout ce domaine du droit de la famille et des mécanismes de règlement des différends qui sont totalement inappropriés et qui ne servent pas les enfants. Nous essayons de trouver un genre de thème auquel nous raccrocher. Il nous est arrivé, et tout dépend des points de vue, que l'on nous cite des statistiques et des études ou autres comme preuves. Nous avons reçu des témoignages qui se contredisaient totalement les uns les autres.

Or il va nous falloir faire certaines recommandations sur la façon de modifier éventuellement la Loi sur le divorce en ce qui concerne les règles touchant le règlement des différends afin de prendre davantage en considération l'intérêt des enfants et toute la dynamique entourant ces situations.

M. Walter DeKeseredy: Tout d'abord, la séparation est le moment le plus dangereux pour les femmes. Le taux de violence contre les femmes après la séparation est terriblement élevé. En fait, ici, dans la région d'Ottawa-Carleton, nous avons une épidémie d'homicides et d'infanticides après séparation et suivis de suicides.

• 1310

Ce qui est nécessaire, peut-être parallèlement à la Loi sur le divorce, c'est un suivi après toute procédure, toute intervention juridique parce que durant la séparation, le taux de violence, etc., est tout à fait alarmant.

Outre toutes les décisions qui seront prises au sujet de la Loi sur le divorce, il nous faut surveiller ce qui se passe pour les victimes de violence familiale, surtout si le problème n'est pas nouveau, parce que le taux de violence après séparation est trois à quatre fois supérieur à ce qu'il est lorsque le couple est encore ensemble.

Je suis tout à fait choqué que les autorités ne se soient pas penchées sur ce problème. On parle de femmes battues, de viols dans le mariage, ce qui est évidemment important. Mais lorsque l'on sort d'une relation conjugale, que ce soit le divorce ou la séparation, il y a un moment très critique et j'estime que les décideurs devraient se pencher là-dessus et surveiller les choses très attentivement. Le suivi après une décision juridique est tout aussi important que ce qui se passe au tribunal.

M. Paul Forseth: Cela fait penser à une déclaration de guerre quand toutes les autres options semblent épuisées. Dans une telle analogie, si quelqu'un en difficulté ne voit pas d'autre solution, qu'il n'y a pas d'autre solution socialement acceptable, on va jusqu'au bout. Je me demande si les problèmes systémiques eux-mêmes ne sont pas à l'origine d'une partie de cette violence.

M. Walter DeKeseredy: À mon avis, le système juridique est patriarcal. On parle de «homme raisonnable», etc. partout dans le Code criminel. La loi semble très biaisée et n'offre pas une protection suffisante, en particulier à beaucoup de femmes victimes de violence.

Évidemment, pour nombre de gens, les choix sont structurés. Ce n'est pas simplement: «Je veux divorcer», ou «Je veux la séparation», etc. Beaucoup ne quitteront pas un conjoint violent pour des raisons économiques. Beaucoup n'ont pas le choix. On se demande pourquoi ces femmes restent. Quand on a deux enfants et que l'on dépend économiquement de ce conjoint et qu'en plus on ferme partout dans la province les abris secondaires, il ne faut pas se demander pourquoi les gens sont obligés d'accepter certaines situations. C'est un choix structuré.

Il faut donc faire très attention quand on parle des solutions qui existent, parce que celles-ci ne sont pas toujours à notre disposition.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aurais une ou deux questions parce que je trouve que vous avez soulevé certains points très intéressants.

Si je ne m'abuse, votre étude a été financée par le ministère de la Santé.

M. Walter DeKeseredy: Oui.

La sénatrice Anne Cools: Combien cela a-t-il coûté?

M. Walter DeKeseredy: Cela leur a coûté 250 000 $.

La sénatrice Anne Cools: Bien.

Dans votre déclaration liminaire, ce matin, vous avez déclaré que la plupart de ces études révélaient une certaine symétrie mais que nous devions rester sceptiques face à de telles études. Toutefois...

J'aimerais poser quelques questions, madame la présidente, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Lorsque vous avez soumis votre rapport il y a quelques années au ministère de la Santé, y avait-il quoi que ce soit sur les actes de violence commis par des femmes?

M. Walter DeKeseredy: Sénatrice Cools, nous n'avons pas simplement soumis un rapport mais plusieurs. Toute une série. Le premier nous avait été demandé et il s'agissait d'une subvention, non pas d'un contrat. On nous avait demandé d'examiner le problème de la violence dont sont victimes les femmes dans les fréquentations. Il y a ensuite eu d'autres rapports qui portaient sur différentes sources de violence, etc.

La sénatrice Anne Cools: Je parle d'une étude en particulier qui s'intitule: «The incidence and prevalence of woman abuse in Canadian university and college dating relationships: Results from a national survey». Je suis très au courant de ce que vous avez publié. Cette étude particulière est différente parce que celle-ci est financée par le Trésor public. La question est donc un peu différente.

Je vous demande si lorsque vous avez présenté votre rapport, vous avez inclus des résultats d'études sur la violence féminine?

M. Walter DeKeseredy: Non.

La sénatrice Anne Cools: Non.

M. Walter DeKeseredy: Non.

La sénatrice Anne Cools: D'accord. Peut-être alors pourrais-je vous demander pourquoi?

M. Walter DeKeseredy: Pourquoi? Parce que lorsque l'on a un éventail de données aussi large que celui-là, on ne peut pas tout mettre dans un rapport de 25 pages. Ce n'était pas le rapport final que l'on nous a demandé de soumettre à Santé Canada. Nous avons soumis celui-là de notre propre chef. Nous avons promis qu'au fur et à mesure de notre analyse, nous soumettrions des rapports.

Je ne connais pas un chercheur au monde, même le Dr Straus, qui pourrait fournir les résultats de tout ce qu'il a réuni à l'occasion d'une étude nationale.

• 1315

La sénatrice Anne Cools: Il a répondu à ma question. Il a répondu non.

Avez-vous présenté un rapport et de quel rapport s'agirait-il, sur la violence féminine?

M. Walter DeKeseredy: Cela a paru dans Sociological Spectrum, 17, no 2, 1997: «Woman abuse on campus: Results from the Canadian national survey»; «Woman Abuse, a sociological story», «Unsettling Truth; Battered women policy, politics and contemporary research in Canada»; le réseau de courrier électronique du National Institute of Justice et plusieurs autres sources.

La sénatrice Anne Cools: D'accord. Mais me tromperais-je en disant qu'il s'agit là de revues spécialisées privées?

M. Walter DeKeseredy: Non et d'ailleurs, les données sont publiques.

La sénatrice Anne Cools: Nous reviendrons aux données dans quelques minutes.

M. Walter DeKeseredy: D'accord. Certainement.

La sénatrice Anne Cools: Vous avez parlé ce matin de ce que vous avez découvert à propos de la réciprocité et vous nous avez dit de tenir compte des cas de légitime défense. Parfait. J'ai un article devant moi qui s'intitule «Women's Use of Violence», qui est paru en 1997 dans le Sociological Spectrum. Il porte sur certains des documents dont vient de nous parler M. DeKeseredy.

J'aimerais vous lire la page 204—il s'agit de W.S. DeKeseredy et al, tout un groupe:

C'est ce que vous avez dit. N'est-ce pas?

M. Walter DeKeseredy: Oui.

La sénatrice Anne Cools: Très bien.

J'aimerais passer maintenant aux trois questions que vous avez énoncées; il y a des tas de gens qui auraient pas mal de choses à dire au sujet de ces questions. Je m'en abstiendrai moi-même.

La première, vous venez de la lire et je n'ai donc pas besoin de la répéter. Elle se trouve à la page 206. La voici: Combien de fois estimez-vous avoir été motivée par la nécessité de vous défendre? On passe à la dernière à propos des initiatives.

Ce qui est intéressant au sujet de cet article c'est que vous vous préparez au fait que ce ne sont pas toutes les femmes qui vont attribuer leur violence à l'autodéfense et que vous façonnez vos questions de façon à obtenir la réponse que vous semblez rechercher. Toutefois, à une autre page où l'on trouve l'un de vos tableaux, il y a une petite note qui dit que 39 p. 100 ont décliné d'invoquer l'un de ces trois motifs pour expliquer un acte de violence mineur et que 33 p. 100 n'ont pu invoquer l'un de ces motifs pour expliquer des actes de violence graves.

Vous pourriez peut-être nous dire, étant donné que vous semblez vous fonder sur beaucoup d'hypothèses et de théories, pourquoi après tous ces efforts laborieux de votre part, beaucoup de femmes aient décliné d'invoquer même ces trois catégories.

M. Walter DeKeseredy: Beaucoup hésitent à se souvenir d'événements traumatisants, craignent les représailles, sont gênées, etc. Il est très difficile, que l'on s'adresse à des hommes, des femmes, des enfants ou quiconque, d'obtenir un taux de réponse de 100 p. 100. Ceci est donc assez courant dans toute recherche sur des sujets délicats. On constate assez fréquemment que beaucoup ne répondent pas. Cela se retrouve dans tout type de recherche même, si on interroge les gens sur leur revenu et leur emploi.

La sénatrice Anne Cools: D'accord. Enfin, j'ai remarqué que dans votre article, au tableau 1 à la page 206, vous constatez que 46 p. 100 des femmes ont eu recours à la violence. Pourriez-vous comparer ces résultats concernant les femmes à ceux que vous avez concernant les hommes dans votre premier document? Montrez-nous où se situent les différences, si différences il y a.

• 1320

M. Walter DeKeseredy: Très bien. Dans le rapport sur les hommes, nous avons demandé quels événements se sont produits dans l'année qui a précédé l'enquête et ce qui s'était produit depuis qu'ils avaient quitté l'école secondaire.

L'article que vous avez sous les yeux porte sur ce qui s'est produit depuis qu'ils ont quitté l'école secondaire. Je répète que vous avez donné le chiffre pour les femmes. Depuis qu'ils ont quitté l'école secondaire, 17,8 p. 100 des hommes ont déclaré avoir fait usage de violence, ce qui n'est pas surprenant. Il y a une grosse différence entre les sexes, ce qui n'est pas surprenant pour plusieurs raisons.

La sénatrice Anne Cools: Les rapports des femmes sur ce que les hommes leur ont fait...

M. Walter DeKeseredy: Donne des résultats supérieurs.

La sénatrice Anne Cools: Si vous pouviez maintenant vous reporter à votre propre document sur la fréquence et la prévalence de la violence contre les femmes au tableau 9 et au même rapport également suite à l'interrogation de femmes, mais l'un portant sur la violence contre elles et l'autre sur la violence dont elles se sont rendu coupables et que vous comparez les deux, c'est ça qui est intéressant.

M. Walter DeKeseredy: Est-ce que vous me demandez pourquoi je n'ai pas fait cette comparaison ou est-ce que vous me dites que j'aurais dû la faire?

La sénatrice Anne Cools: Non, je vous demande simplement de comparer les deux.

M. Walter DeKeseredy: Je vous ai donné le taux de prévalence global chez les hommes et les femmes. Je vous ai dit que 17,8 p. 100 des hommes déclaraient avoir eu recours à la violence depuis l'école secondaire. C'est environ 46 p. 100 de...

La sénatrice Anne Cools: Je parle du tableau 1 figurant dans votre article, à propos du type de violence. Il s'agit de vos recherches.

M. Walter DeKeseredy: Je ne comprends pas bien votre question.

La sénatrice Anne Cools: Permettez-moi alors de revenir un peu en arrière. Je parle du tableau 1 dans votre article: «The meanings and motives of women's use of violence in Canadian college dating relationships: Results from a national survey», et du tableau 9 de votre rapport: «The incidence and prevalence of woman abuse in Canadian university and college dating relationships». Le tableau 1 fait état des actes de violence commis par des femmes contre leurs petits amis ou fréquentations et le tableau 9 fait également état de ce que vous auraient dit les femmes. Il s'agit dans les deux cas de rapports par des femmes sur la violence dont auraient fait usage leurs amis contre elles.

Je vous demandais si vous ne pourriez pas expliquer ces deux résultats au comité. Je serai heureuse de vous prêter mes documents si vous ne les avez pas sous les yeux.

M. Walter DeKeseredy: Vous me demandez de parler au comité d'incidents qui peuvent aller d'un objet que l'on lance à quelqu'un à l'utilisation d'un couteau ou d'une arme. Je suppose que vous me demandez de dire les chiffres.

La sénatrice Anne Cools: J'aimerais que vous commenciez au tableau 1 et que vous passiez des actes de violence mineurs aux actes plus graves, puisque nous parlions des deux dans le même ordre, et que vous compariez les deux résultats des rapports présentés par les femmes.

M. Walter DeKeseredy: Si on compare les deux tableaux, on constate que dans la majorité des cas, la violence à l'égard des femmes et la violence dont sont responsables les femmes ne sont relativement pas très graves. C'est ce que révèlent la majorité des études.

La sénatrice Anne Cools: Je vous demande simplement de lire les chiffres.

M. Walter DeKeseredy: Je vous demandais justement si c'est ce que vous voulez que je fasse. Très bien, voilà les chiffres pour chaque point. C'est ce que vous voulez?

Voici le recours à la violence par les femmes contre leur partenaire dans une fréquentation depuis qu'elles ont quitté l'école secondaire: lancer quelque chose—21 p. 100; pousser, attraper ou bousculer—34,9 p. 100; frapper—23,6 p. 100; coups de pied, morsures ou coups de poing—16,1 p. 100; frapper ou essayer de frapper avec un objet—16,4 p. 100; battre—1,3 p. 100; étrangler, 1,1 p. 100; menacer avec un couteau ou une arme—1,3 p. 100; usage d'un couteau ou d'une arme—0,1 p. 100.

• 1325

La sénatrice Anne Cools: Non, monsieur DeKeseredy, je vous demandais de comparer. En voici donc un, passons à l'autre. De cette façon, le comité pourra entendre la comparaison. Vous avez simplement lu une colonne et j'essaie de comparer les deux colonnes.

M. Walter DeKeseredy: D'accord. Donc...

La sénatrice Anne Cools: Si vous voulez, je peux le faire moi-même. Je pensais que vous préféreriez défendre vos propres données.

M. Walter DeKeseredy: Non, je n'ai pas peur de défendre mes propres données, je me demandais...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvez-vous le faire? Il y a encore deux personnes qui voudraient poser des questions.

La sénatrice Anne Cools: Il s'agit dans les deux cas de rapports concernant les femmes. Donc, dans une étude, les femmes ont déclaré qu'on leur a lancé quelque chose à la figure, dans une proportion de 11,1 p. 100; dans une proportion de 21 p. 100, elles ont lancé un objet à la figure de l'autre. Pour ce qui est de se faire pousser, attraper ou bousculer, les femmes ont dit que c'est ce qu'elles ont subi dans 31,4 p. 100 des cas et qu'elles l'ont fait dans 34,9 p. 100 des cas. Pour ce qui est de frapper, elles ont dit avoir été frappées dans 11,1 p. 100 des cas, alors qu'elles, elles ont frappé l'autre dans 23,6 p. 100 des cas. Pour les coups de pied, les morsures ou les coups de poing, c'est 8,1 p. 100 des cas quand il s'agit des hommes, alors que c'est 16,1 p. 100 dans le cas des femmes.

Je vais continuer. Quant à ceux qui ont frappé ou essayé de frapper avec un objet, les chiffres sont de 8,1 p. 100 et de 16,4 p. 100. De se faire battre, 3,7 p. 100, contre 1,3 p. 100. De se faire étrangler, 4,8 p. 100—ceci est supérieur, contre 1,1 p. 100. De se faire menacer avec un couteau ou une arme, 2,4 p. 100 contre 1,3 p. 100. Quant à l'utilisation du couteau ou d'une arme, c'est 0,5 p. 100 contre 0,01 p. 100.

J'aimerais donc, monsieur DeKeseredy, que vous nous expliquiez ces chiffres scientifiquement.

M. Walter DeKeseredy: Les chiffres bruts sont différents, mais, sénatrice Cools, si vous avez lu l'article sur le recours à la violence par les femmes, vous savez que lorsque l'on remet les choses dans leur contexte, lorsque l'on attache une signification aux actes et que l'on invoque les motifs, les résultats sont différents, peut-être pas pour vous, mais pour d'autres. Les raisons pour lesquelles on a recours à la violence sont plus importantes que les chiffres bruts.

La sénatrice Anne Cools: Je suis tout à fait d'accord.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Allez-vous continuer parce qu'il y a encore d'autres questions?

Sénatrice Milne.

La sénatrice Lorna Milne (Brampton, Lib.): Je n'ai pas vraiment de question à poser. Professeur, vous avez parlé de documentation que vous auriez remise au comité. Tout ce que j'ai, c'est ce document. Nous avez-vous fourni certaines des études statistiques dont vous avez parlé?

M. Walter DeKeseredy: Oui.

La sénatrice Lorna Milne: Le greffier me dit qu'il ne les a pas reçus.

M. Walter DeKeseredy: Bon. Il doit y avoir une erreur de communication. Mme Casavant m'a appelé pour me dire qu'elle avait cet ouvrage à la bibliothèque et qu'elle photocopierait le chapitre 6 à l'intention du comité avec le rapport détaillé sur le contexte, la signification et les motifs du recours à la violence par les femmes. Je suis donc désolé si certaines choses vous ont paru un peu confuses.

La sénatrice Lorna Milne: Ce n'est pas grave, je pensais simplement que tout ce contexte et toutes ces statistiques cités par la sénatrice Cools pourraient être utiles à l'ensemble du comité. Il faudrait que nous ayons tout le contexte.

M. Walter DeKeseredy: C'est très vrai.

La sénatrice Anne Cools: Peut-être que le professeur pourrait nous fournir l'ensemble de son oeuvre, y compris les séries de données demandées par le ministère de la Santé.

M. Walter DeKeseredy: Vous voulez toutes ces données? Aucun problème.

La sénatrice Anne Cools: Tout ce que vous avez, donnez-nous l'ensemble.

M. Walter DeKeseredy: Certainement, pas de problème. Cela existe depuis 1992. C'était dans toutes les universités. Santé Canada vous les donnera.

La sénatrice Anne Cools: Nous sommes des parlementaires ici. C'est un peu différent.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous obtiendrons cela.

Monsieur Mayfield, vous poserez la dernière question.

M. Philip Mayfield: J'ai en fait plus d'une question. L'une porte sur l'âge dans les études que vous avez faites. Faites-vous une différence entre les groupes d'âge des agresseurs et des victimes? Y a-t-il une corrélation entre des sujets plus vieux par rapport à des plus jeunes ou plus jeunes par rapport à des plus vieux?

• 1329

M. Walter DeKeseredy: J'ai parlé de cela récemment. Ce que l'on retrouve toujours, qu'il s'agisse de violence dans les relations intimes ou de violence dans la rue, c'est que le groupe des 18 à 24 ans, quel que soit le type de violence, est le groupe à plus haut risque. Il y a une certaine maturité qui joue dans tous les types de crimes violents. Lorsque les gens atteignent le milieu de la trentaine, le niveau de violence diminue sensiblement.

• 1330

Ce qui est intéressant, aussi, c'est que dans les cas de violence conjugale, il y a un autre facteur dont il faut tenir compte. Le niveau de violence après 35 ans diminue parce qu'il y a aussi davantage de séparations. Il y a dissolution des mariages. Si vous suivez l'âge de 18 à 55 ans, vous constaterez que les taux sont plus faibles à partir de la fin de la trentaine et plus élevé au début de l'échelle. On constate la même chose dans tout le monde occidental.

M. Philip Mayfield: Cela s'applique, je suppose, à tous les actes violents. Est-ce qu'une personne jeune serait moins portée à commettre un acte violent contre une personne plus âgée dans une relation intime?

M. Walter DeKeseredy: Non, les plus jeunes sont plus portés à des actes de violence. Il y a une relation positive très forte avec l'âge. On le constate aussi aux États-Unis. Quel que soit le type d'orientation théorique que l'on puisse avoir, l'âge est l'un des éléments déterminants les plus forts du crime en général.

M. Philip Mayfield: Quelqu'un de plus jeune serait plus porté à cela même si, par exemple, la femme est nettement plus âgée?

M. Walter DeKeseredy: Oui.

M. Philip Mayfield: Une femme plus jeune serait plus portée à commettre un acte violent contre un homme, même s'il est plus âgé. C'est cela?

M. Walter DeKeseredy: Oui.

M. Philip Mayfield: Je vois. J'ai été assez troublé de vous entendre parler du taux élevé de décès et de suicide après séparation. Pourriez-vous essayer d'expliquer cela?

M. Walter DeKeseredy: Oui, absolument. On fait beaucoup de recherche clinique là-dessus actuellement dans les pénitenciers en Ontario. Ce sont essentiellement des psychologues, mais il y a aussi des sociologues comme le Dr Desmond Ellis au centre de recherche de Lamarsh. La similitude entre les interprétations psychologiques et sociologiques est très intéressante parce que ces deux professions ont souvent des avis totalement contraires.

Ce que l'on voit souvent—la police vous le dira aussi—c'est que les gens disent: «Si je ne peux pas t'avoir, personne d'autre ne t'aura». Les gens peuvent être extrêmement possessifs, jaloux, etc. et l'homme peut se sentir menacé dans sa masculinité. Beaucoup d'hommes interprètent le fait qu'on les quitte comme un échec, comme une rupture et comme une lutte pour l'indépendance. C'est ce que révèlent les études sur les homicides—et nous avons à ce sujet des données parmi les plus exactes du monde—qui indiquent que presque tous les homicides après séparation—suivis de suicides—sont le fait d'hommes qui partent à la recherche de leurs femmes, les tuent, tuent leurs enfants et se tuent ensuite comme dans le cas de Sylvie Boucher récemment dans la région de Hull.

M. Philip Mayfield: J'aimerais poser une autre question. Là encore, ce ne sont que des hypothèses, pour moi, mais j'entends les hommes parler de la façon dont cela se passe au tribunal et de la division des biens entre les époux ainsi que de la difficulté que l'on a à traiter avec le conjoint pour le partage des responsabilités parentales, le fait que l'on perd le droit de visite, etc. J'hésite presque à poser la question parce que je trouve tout cela répugnant, mais serait-il possible qu'une personne un peu dérangée pense qu'il est plus facile de tuer l'autre que de passer par tout cela?

M. Walter DeKeseredy: Non, pas d'après ce que j'ai appris à l'occasion des entretiens que j'ai eus avec des hommes extrêmement violents ni des discussions que j'ai eues avec des experts en la matière. Ce n'est pas comme cela que l'on voit les choses. Ce dont les hommes ne se remettent pas, c'est du fait que la relation ait été détruite.

La question d'un divorce... Certes, on s'inquiète des questions financières mais c'est le côté émotif, la rupture, le manque... Beaucoup de ces hommes, d'ailleurs, qui ont commis cet homicide après séparation étaient émotivement très attachés à ces partenaires et quand ils perdent cela, quand l'autre part, ils ont ce genre de problème.

Par contre, il y a un autre groupe d'hommes qui ont tué leur femme et leurs enfants suite à un sentiment d'échec. Ils peuvent avoir perdu un emploi. Beaucoup estiment qu'ils ne sont plus dignes d'être un homme. Ils ne peuvent plus subvenir aux besoins de leurs familles et ils tuent leurs partenaires, ce qui est une autre forme de contrôle, etc.

La question du divorce n'entre pas en jeu dans le processus cognitif. C'est juste, «elle est partie».

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup. Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Pourriez-vous citer certaines de ces études sur ces homicides après séparation parce que j'ai cherché et ce n'était pas facile à trouver. D'ailleurs, la seule étude importante dont je me souvienne sur l'homicide de conjoint était de Chimbos. Peut-être pourriez-vous nous fournir une liste.

• 1335

M. Walter DeKeseredy: Certainement. Il y a un rapport qui est à la disposition de tout le comité.

La sénatrice Anne Cools: C'est très important mais il faut se souvenir que nous parlons là de—et ces mots ne plaisent pas à tout le monde—de pathologies, de terribles pathologies.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous donc des références?

M. Walter DeKeseredy: Oui, madame. Il y a un rapport commandé par Santé Canada qui couvre toutes les études de violence familiale effectuées au Canada et il y a un extrait du Juristat effectué par Martin Daly et Margo Wilson qui sont deux des principaux experts au monde en matière d'homicide après séparation. Tout est là-dedans.

Robert Silverman et Leslie Kennedy—Kennedy est à l'Université de l'Alberta, le professeur Silverman à Queen's—ont publié un livre très important intitulé Deadly Deeds. Il y a plusieurs sources que je me ferai un plaisir de vous fournir au retour. Je vous enverrai une liste de tout cela.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Merci, monsieur DeKeseredy.

Nous allons nous interrompre et nous reprendrons à 15 h 30.

• 1337




• 1537

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Nous avons un groupe de témoins pendant une heure. Tout d'abord Advocacy for Kids in Care—PAIN (The People Against Injustice). Ce groupe est représenté par Mme Anne Marsden, qui est apparemment arrivée mais que l'on nÂa pas encore vue. Elle se joindra peut-être à nous. De Ex-Fathers, M. Lloyd Gorling et Barry Aubin; et de la revue Everyman, David Shackleton, qui en est le rédacteur en chef.

Nous devions également être accompagnés d'un représentant de Freedom for Kids, M. Nicholas Kovats. Apparemment, ils sont sur la Colline, mais ils ne sont pas ici. Nous allons donc commencer la réunion, et s'ils arrivent, ils pourront se joindre à nous.

Messieurs, vous devez connaître notre procédure. Je vous demande de faire un exposé de cinq minutes ou moins. Nous aimons garder un peu de temps pour pouvoir vous poser des questions, des questions qui sont nombreuses.

Monsieur Gorling, nous allons commencer par vous. Je vous en prie.

M. Lloyd Gorling (fondateur, Ex-Fathers): Merci beaucoup. Je suis accompagné de Barry Aubin, et nous représentons Ex-Fathers.

Nous sommes heureux d'avoir pu répondre à l'invitation du comité et de participer à ses audiences. Ex-Fathers est un groupe d'hommes et de femmes qui voudrait redresser les injustices aux pères et aux enfants dans les familles séparées. Nous sommes basés principalement dans la région de Cornwall et dans le sud-est de l'Ontario, mais nous donnons notre aide à des gens dans tout le pays.

À titre d'information, un ancien père est un homme à qui l'on a refusé la chance d'élever son enfant. Ex-Fathers est affilié à Equal Parents of Canada et, en règle générale, approuve les recommandations soumises par cet organisme.

J'aimerais faire observer au comité que nous ne sommes absolument pas des professionnels dans le domaine des sciences sociales pas plus que dans le domaine du droit. Je n'ai aucune prétention à cet égard.

Nous demandons au comité parlementaire de donner suite à trois recommandations que je vais maintenant énoncer.

La première est que les pères ne devraient pas perdre leurs enfants après une séparation. Les enfants ont besoin de l'attention, de la présence et de l'amour de leur père, et cela sans entrave. De leur côté, les pères après l'échec du mariage, tiennent autant à s'occuper de leurs enfants et à leur donner leur affection qu'avant.

Première recommandation: s'assurer qu'aucun père n'est privé contre sa volonté de la possibilité d'exercer son rôle de parent, quel que soit son statut matrimonial, à moins que le père ait mis en danger le bien-être de l'enfant et que l'on ait épuisé toutes les autres solutions possibles.

D'après cette première recommandation, un père est un père tout autant après un divorce qu'avant. Cette constatation très simple ne correspond pas à la réalité des pères à l'heure actuelle, car avant une séparation ils sont des pères, mais après ils deviennent des ex-pères. Libérez les enfants de leur prison matriarcale. Redonnez-leur leurs pères. Les enfants ont besoin de pères et non de visiteurs.

La deuxième recommandation c'est qu'un père séparé qui tient à s'occuper lui-même de son enfant ne doit pas être tenu d'entretenir la mère de l'enfant. La séparation maritale marque la fin des obligations conjugales et financières entre le père et la mère. Voici donc la recommandation: s'assurer qu'aucun père qui souhaite s'occuper de son enfant n'est tenu de payer l'entretien de l'enfant pendant que celui-ci est chez sa mère, à moins que le père ait mis en danger le bien-être de l'enfant et que l'on ait épuisé toutes les autres solutions possibles.

• 1540

Personne ne paierait une gardienne dont il n'a pas besoin. Si nous voulons que les pères entretiennent leurs enfants financièrement, nous devons leur donner leurs enfants. Le véritable soutien d'un enfant, c'est un véritable père. Si cette recommandation était adoptée, certaines mères seraient forcées de commencer à assumer certaines responsabilités qu'elles ont pu ignorer ou contourner par le passé. C'est ce qui devrait se faire.

La troisième recommandation demande au Parlement de reconnaître l'androphobie qui existe dans le droit de la famille. Devant les tribunaux de la famille au Canada et dans d'autres institutions, les pères se heurtent à une véritable misandrie, et cela les prive de leurs enfants et les asservit financièrement. Si la loi reconnaissait cela, il en résulterait une diminution des coûts légaux des familles et du gouvernement, élimination de l'absentéisme paternel, la réduction des comportements autodestructeurs chez les pères séparés, une diminution de la violence et des enfants en meilleure santé et plus heureux, plus à l'aise dans la société.

Voilà la troisième recommandation: offrir des excuses aux pères et aux enfants séparés pour la misandrie du système judiciaire familial. Le temps est venu de reconnaître cette injustice et de mettre les choses au point. Nous ne pouvons absolument pas balayer sous le tapis le plus grand abus des droits de la personne de l'histoire canadienne moderne.

Les recommandations qui précèdent figurent dans une pétition organisée par Ex-Fathers et adressée au gouvernement de l'Ontario. C'est une pétition qui a été très bien reçue par le public. Dans notre région, nous avons eu plus de 500 signatures. Des femmes et des hommes l'ont signée volontiers.

Je suis convaincu que ces trois recommandations sont axées sur les raisons pour lesquelles les hommes veulent avoir des enfants et veulent les élever, et non pas sur la pratique actuelle du droit de la famille qui est axée sur les raisons pour lesquelles ils ne veulent pas avoir d'enfants ou les élever.

J'aimerais ajouter une recommandation supplémentaire. Je considère que c'est une question très urgente. Les tensions provoquées par la longue oppression des pères atteignent un point où beaucoup d'ex-pères ne se contentent plus de se battre pour obtenir justice devant nos tribunaux. Le coût social est extrêmement élevé. Je suis certain de ne pas être le premier à en parler devant le comité. Ces coûts se traduisent par de nombreux incidents de désobéissance civile, des pères qui refusent d'obéir à des ordonnances, des faillites, des décrochages, qui très souvent aboutissent au bien-être, et également des incidents de violence.

La quatrième recommandation est donc la suivante: je prie instamment le comité de préparer et de soumettre un rapport intérimaire dans les délais les plus courts pour signifier votre intention de proposer qu'on fasse des excuses aux pères et aux enfants séparés par la misandrie du droit de la famille dont nous avons parlé dans notre troisième recommandation. La publication d'un tel rapport intérimaire préviendrait un grand nombre d'incidents regrettables, et pendant ce temps, le comité puis le Parlement pourraient, avec la lenteur qui les caractérise, rectifier les pires violations des droits de la personne de l'histoire canadienne moderne.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Monsieur Aubin, vous êtes ici avec M. Gorley; est-ce que vous avez l'intention de parler également? D'accord, c'est très bien.

Monsieur Shackleton, s'il vous plaît.

M. David Shackleton (rédacteur en chef et éditeur du magazine Everyman): Pour commencer, je tiens à dire à quel point je suis reconnaissant et honoré de participer à votre processus démocratique. Merci.

Le terme anglais «deadbeat» (mauvais payeur) est entré dans le langage courant au XVIIIe siècle, quand un tel comportement était considéré honteux et immoral et comme un refus de payer plutôt qu'une incapacité de le faire. L'indignation suscitée à juste titre par de tels scélérats a incité la population à exiger des sanctions, et les prisons spéciales pour mauvais payeurs se sont multipliées. Toutefois, on s'est finalement rendu compte que les débiteurs étaient souvent victimes des circonstances et non des scélérats immoraux et qu'en les jetant en prison on ne faisait que les démotiver et les empêcher de rembourser leurs dettes. À la fin du siècle, ces prisons avaient disparu.

Les lois modernes sur le divorce et les procédures connexes ressemblent beaucoup aux lois du XIXe siècle sur la dette. Désireux de trouver des boucs émissaires, nous avons oublié les facteurs complexes associés à l'éclatement des familles. On a même ressuscité le terme «deadbeat» qui est devenu «deadbeat dad» (pères mauvais payeurs) pour justifier des punitions plus sévères.

Les enfants doivent avoir et méritent deux parents pleinement engagés. C'est la norme dans les familles intactes, alors pourquoi cela changerait-il du jour au lendemain en cas de divorce? En quoi consiste le rôle parental? Pour la plupart d'entre nous, avoir des enfants est un compromis. Nous le faisons pour le plaisir de voir une vie nouvelle croître et prendre forme, d'assister aux premiers pas de l'enfant, d'entendre ses premiers mots, de partager l'excitation de le voir correctement lacer ses chaussures, d'essuyer ses larmes et de partager ses rires. Nous le faisons pour sentir que quelqu'un a besoin de nous, nous voulons nous sentir nécessaires, aimer et être aimés en retour, voilà la motivation.

• 1545

En échange de ces satisfactions, nous sommes prêts à faire le travail nécessaire: gagner de l'argent pour payer la nourriture, les vêtements, le loyer et les leçons de piano, faire la lessive, préparer les repas, laver la vaisselle, changer les couches et amener les enfants aux réunions de guides ou de scouts.

Que se passe-t-il en cas de divorce? Si les parents se retrouvent devant les tribunaux, c'est à la mère, à moins qu'elle ne soit tout à fait inapte, que sera confié le rôle principal pour élever les enfants, et le père devra verser une pension alimentaire et aura un droit de visite. La mère conserve donc ainsi la plupart des plaisirs liés à l'activité parentale et des obligations. Pour le père, toutefois, la situation vient de changer du tout au tout.

Le pouvoir et l'influence étaient autrefois partagés également entre les parents, et c'est maintenant la mère qui a pris le dessus. Contrairement à elle, il n'est plus jugé capable de répondre aux besoins de son enfant par la société, mais on lui dit combien il doit payer et quand il doit le faire. Sa capacité à orienter et à influencer l'éducation de son enfant est fortement réduite, et la mère peut facilement annuler ses décisions. Même pour voir ses enfants, il dépend de la bonne volonté de celle-ci, car, contrairement à ce qui se passe pour les ordonnances alimentaires, les autorités n'imposent pas le respect du droit de visite.

En bref, il est devenu un parent de deuxième classe, qui a souvent l'impression qu'on n'a plus besoin de lui pour ce qu'il est et qu'on apprécie seulement son argent. Et, il faut bien le reconnaître, il a de bonnes raisons d'avoir cette impression. Peu de gens, hommes ou femmes, peuvent accepter des restrictions aussi étendues des plaisirs de l'éducation et continuer néanmoins à s'acquitter de leurs devoirs. Mais comme pour les débiteurs au siècle dernier, nous sommes devenus obsédés par l'idée de forcer les pères à remplir leurs devoirs, et nous ne tenons pas compte du fait que nous les privons systématiquement de toute motivation et de tout pouvoir.

Le droit et la politique donnent de bons résultats quand ils s'inspirent de la nature humaine au lieu de s'opposer à elle. La façon dont le mouvement des hommes conçoit l'éducation partagée est que les parents doivent partager également les plaisirs et les obligations de l'éducation des enfants. Il faut modifier la législation du divorce et la pratique des tribunaux pour faire de cette conception l'élément déterminant, nous verrons alors un accroissement de la qualité et de l'engagement des parents dans l'éducation des enfants après le divorce.

Voici mes recommandations.

Premièrement, encourager dans la mesure du possible, les parents à s'entendre entre eux sur les modalités de l'éducation des enfants après le divorce.

Deuxièmement, exiger une médiation obligatoire avant de passer devant les tribunaux. Pour que cela puisse fonctionner, il faut cesser de considérer que les procès favorisent un des sexes ou qu'ils puissent être manipulés au moyen d'accusations de violence non fondées. La procédure judiciaire qui suit devrait entraîner des conséquences négatives pour ceux qui ne participent pas de bonne foi au processus de médiation.

Troisièmement, modifier le Code criminel afin d'accuser quelqu'un délibérément et sans fondement d'une infraction criminelle constitue une infraction criminelle, et que celle-ci soit passible de la même sanction que la prétendue infraction.

Quatrièmement, modifier la Loi sur le divorce pour insister sur le fait que les enfants ont besoin des deux parents et pour que les tribunaux cherchent désormais à privilégier l'éducation partagée dans toute la mesure du possible, ce qui signifie que les parents partagent aussi bien les obligations que les plaisir liés à l'éducation des enfants.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

En dernier, nous passons à M. Kovats, qui n'était pas là au début. Je vous demande donc d'essayer de limiter vos commentaires à cinq minutes environ.

M. Nicholas Kovats (Freedom for Kids): Bien, merci.

Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité mixte. Je vous remercie de nous permettre de participer à votre comité.

Freedom for Kids a été conçu au départ par M. Henry Richter et moi-même, Nicholas Kovats, dans le but d'attirer l'attention du monde sur les violations des droits de la personne au Canada, en particulier la violation des droits des enfants canadiens dans le contexte du divorce.

• 1550

Freedom for Kids a créé une porte d'accès au Comité des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, dont le numéro de référence est G/SO215/51, pour l'examen continu des dossiers canadiens—il y en a maintenant plus de 40—où l'on dénote une obstruction systémique et bureaucratique dans le contexte du droit canadien de la famille.

Nous avons actuellement 250 membres répartis dans différents pays, et liés électroniquement grâce au réseau étendu à l'échelle du monde. Nous aidons les enfants et leurs parents à soumettre leur cas aux Nations Unies et nous fournissons un accès immédiat à un réseau international, national et provincial de professionnels et d'autres spécialistes qui peuvent répondre à leurs besoins en matière d'informations.

Comme le définit le Protocole facultatif des Nations Unies se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le PIRDCP, nous avons «épuisé tous les recours internes disponibles» pour les assister dans leurs tentatives continues et désespérées d'aider leurs enfants. Le Canada a adhéré au Protocole facultatif en août 1976.

De fait, l'article 24, au paragraphe 1, stipule que tout enfant «a droit... aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur». De plus, l'article 23, au paragraphe 4, stipule que les États parties au pacte doivent «assurer l'égalité des droits et des responsabilités des époux» y compris lors de la dissolution du mariage, et que «des dispositions seront prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire».

Parmi les cas soumis, on trouve les exemples suivants: l'enlèvement par un parent ou un organisme officiel d'enfants qu'on garde sur place, qu'on amène dans un autre pays ou une autre province; l'obstruction exercée par divers organismes provinciaux de protection des enfants et le refus d'aider à assurer la sécurité continue et les besoins immédiats des enfants canadiens, comme en fait foi la documentation médicale fournie par des parents inquiets; la discrimination en raison de l'état civil dont on fait régulièrement preuve à l'endroit d'un parent divorcé qui tente d'avoir accès aux dossiers scolaires, médicaux et autres de leurs enfants; la condamnation injustifiée de parents canadiens en raison de parjure et de faux témoignage, préparés par des officiers de justice; et l'incitatif financier pour qu'on utilise les maisons canadiennes d'hébergement pour femmes battues comme endroits pour amener les enfants enlevés, dans le but de gonfler les statistiques d'utilisation de ces maisons, aux fins des exigences financières du gouvernement.

Voici nos recommandations. Tout en reconnaissant le contexte international et la perspective à long terme de nos activités, nous souhaitons proposer des recommandations qui s'appliquent au Canada, et demeurent donc dans le contexte du mandat du comité mixte.

Premièrement, il faut inscrire dans la Loi fédérale sur le divorce, la présomption automatique quant à la garde physique conjointe et égale des enfants biologiques au moment de la dissolution du mariage. Les enfants ont besoin de cette assurance immédiate quant à leurs rapports fondamentaux et inaliénables avec leurs deux parents.

Deuxièmement, les allégations de sévices formulées contre le parent d'un enfant lors de procédures au civil, en matière de droit de la famille, devraient être spécifiquement traitées dans un tribunal pénal, en utilisant ses règles de la preuve strictes.

Troisièmement, un avocat canadien devrait être tenu criminellement responsable lorsqu'il reprend des parjures qui entraînent une condamnation injustifiée de parents innocents.

Quatrièmement, les parents qui empêchent l'autre parent d'établir des rapports avec leurs enfants quand un tribunal a rendu une ordonnance à cet effet, devraient être tenus responsables devant un tribunal pénal.

Cinquièmement, tout organisme, municipal, provincial ou fédéral qui enfreint une ordonnance valide d'un tribunal et qui a été complice de l'enlèvement d'enfants canadiens devrait payer une amende, on devrait mettre fin à son financement gouvernemental, et porter des accusations au criminel contre son directeur.

Sixièmement, la Charte canadienne des droits et libertés devrait être clarifiée pour éliminer la discrimination contre les parents en raison de leur état matrimonial.

Septièmement, l'appareil judiciaire canadien du droit de la famille devrait être justifiable devant des organismes civils composés de parents et de professionnels compétents ayant de l'expérience avec les enfants—des pédiatres, par exemple—dont la subsistance ne dépend pas des procédures en matière de droit de la famille.

Huitièmement, lorsqu'on a des cas documentés d'activisme dans l'appareil judiciaire canadien du droit de la famille dans les tribunaux civils de première instance, comme par exemple l'absence d'enregistrement de la transcription des témoignages devant le tribunal, de la violence verbale de la part de parents, et d'interprétation très diverses des procédures, il faudrait les soumettre aux organismes civils sus mentionnés.

• 1555

Neuvièmement, les recommandations finales du comité et leur mise en oeuvre subséquente par le ministère fédéral de la Justice devraient être supervisées par une délégation spéciale d'observateurs des Nations Unies et d'autres organisations internationales.

J'ai deux conclusions. Les communications entre le ministère fédéral de la Justice et diverses ONG canadiennes dans le domaine du divorce au cours des 11 dernières années ont démontré que le ministère met exclusivement l'accent sur les éléments financiers des rapports à la suite d'un divorce, sans tenir compte de tous les besoins particuliers au développement des enfants du divorce au Canada.

La façon dont l'appareil judiciaire canadien et ses principaux intervenants ne tiennent pas compte de la nécessité de la participation fondamentale des parents à l'éducation des enfants pour leur permettre de maximiser leur potentiel et pour devenir des adultes productifs va à l'encontre des principes humains fondamentaux en vertu desquels nous devons nous occuper de nos citoyens les plus vulnérables.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Je vous remercie tous. Vous avez tous respecté le temps qui vous était alloué. Vous vous en êtes tenus aux cinq minutes prévues, ce qui est très inhabituel à ce comité. Je tiens à le signaler.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous commencerons par M. Forseth.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Il y a quelques instants, nous avons entendu une recommandation d'un rapport provisoire. J'en déduis que vous laissez vraiment supposer qu'il y a une urgence réelle. Lorsque vous parlez de fausses allégations et d'autres questions, vous nous donnez certes l'impression que le système lui-même est presqu'en train de devenir responsable d'abus, créant inutilement de nouvelles victimes.

Notre comité envisage certes d'examiner le fonctionnement du système, en particulier en ce qui concerne la Loi sur le divorce, pour aider les enfants et les parents responsables des enfants à se séparer, et s'ils choisissent le divorce, à rendre ce divorce le moins pénible possible en leur permettant aussi d'accomplir leurs devoirs de parents.

Comme certaines des recommandations semblent viser le système, avez-vous des recommandations précises au sujet de la Loi sur le divorce comme telle?

M. Lloyd Gorling: Mes recommandations étaient formulées en termes très généraux, je le reconnais. De fait, nous l'avons fait parce que nous croyions qu'on aurait tort de faire autre chose qu'une refonte complète de la Loi sur le divorce, et même, du droit de la famille au Canada.

Nous faisons particulièrement une mise en garde contre l'utilisation par exemple de l'expression «l'intérêt de l'enfant», une expression utilisée par l'industrie du divorce pour opprimer les pères et les enfants au point où l'on en est venu à mépriser l'expression et à l'utiliser pour se moquer des avocats et les ridiculiser.

L'objectif principal de ce rapport provisoire est donc, à mon avis, de donner une orientation afin que les pères et les enfants soient entendus par le comité, pour que les choses puissent maintenant commencer à se régler, pour qu'on puisse se concentre, en réalité, sur la bonne façon de procéder. Il est très important à mon avis que vous examiniez par exemple l'idée d'une déclaration de réconciliation, afin que les pères et les enfants puissent reconnaître qu'il y aura une fin à tout cela, à un moment donné, qu'on reviendra à un système juste, comme il se doit, et qu'ils n'auront plus à se sentir aussi désespérés.

M. Paul Forseth: Je suis d'accord avec vous pour dire que l'expression «l'intérêt de l'enfant» est certainement utilisée d'une manière vague, indéfinie. Après avoir entendu certains témoignages, il serait peut-être utile de dresser une liste des critères utilisés dans la loi pour indiquer ce qu'on entend par «l'intérêt de l'enfant», sans être nécessairement une liste sans fin, mais quelque chose qui nous permettrait d'essayer de définir cela dans la loi, de donner un certain sens à cette expression. Que pensez-vous de cette idée?

M. Lloyd Gorling: De fait, il y a une liste relativement longue à différents endroits. Par exemple, quand on parle de la capacité de subvenir aux besoins de l'enfant, on voit que cela ne s'applique pas aux pères, mais seulement au... Quelque chose d'autre sera toujours plus important.

Dans la liste des éléments, il semble que l'expression le principal dispensateur de soins ne s'applique pas aux pères. Le système est tel qu'il est difficile en ce moment de le ratisfoler en quelque sorte pour l'améliorer. C'est ce que je crois et c'est ce que nous croyons. Il serait préférable, que nous repensions vraiment à ce que nous faisons aux familles qui utilisent la Loi sur le divorce et d'envisager d'abord de faire une déclaration dans laquelle on reconnaît que le système est vraiment détraqué et doit être modifié, afin que nous puissions nous mettre à la tâche d'une manière plus positive, au lieu d'essayer de faire du simple rafistolage.

• 1600

M. Paul Forseth: Vous dites que vous recherchez l'équité, la justice et le bon sens, et pourtant vous dites que ce n'est pas tellement la loi qui pose un problème, mais plutôt ceux qui l'appliquent. Ensuite, vous dites que le système est détraqué.

Où se trouve le problème? Comment ce système s'est-il tellement détraqué? Qu'est-ce qui cloche, puisque vous dites qu'il ne faut pas nécessairement une refonte complète des lois?

M. Lloyd Gorling: Ce n'est pas tellement les lois qui sont mauvaises. Elles pourraient en réalité être utilisées telles quelles, si ce n'était de la misandrie qui règne dans le système.

Mais étant donné le problème qui s'est manifesté et la façon dont on interprète les choses, ainsi que les procédures suivies actuellement, dans les tribunaux et dans les cabinets d'avocats et ailleurs, il est très important d'apporter la grande modification nécessaire pour orienter tout le monde vers les bonnes réponses.

La bonne réponse, à mon avis, est nettement que si l'on est un père avant le divorce, on devrait continuer d'être un père après. On ne devrait pas devenir un ex-père. On ne devrait certainement pas devenir un chèque de pension ou un portefeuille, comme c'est le cas présentement.

Je ne pense donc pas que le problème se situe tellement dans les lois, il se situe plutôt dans ce que l'on en a fait et dans la façon dont on les utilise. Pour remédier à cette situation, j'estime que nous devons modifier considérablement les lois.

M. Paul Forseth: Je vais donc demander une autre précision. Vous devez évidemment avoir fait des hypothèses ou des déductions quant à la raison pour laquelle il en est ainsi, ou pour laquelle les choses sont telles que vous le dites.

M. Lloyd Gorling: Je dirais que je ne suis pas venu ici spécialement pour parler de l'historique du divorce, mais plutôt des faits. Je suis convaincu qu'il y a des gens qui aimeraient savoir comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle, qui en est responsable et quelles sont les raisons de cet état de choses. Il s'agit simplement de savoir si les choses vont bien ou mal... et je pense qu'elles vont mal, et beaucoup de statistiques le montrent. Il est malheureux que nous devions utiliser des statistiques, car on aurait dû remédier à la situation la première fois que les choses ont mal été, au lieu d'attendre d'en arriver à un grave problème social.

M. Paul Forseth: À l'origine de tout changement, il faut admettre qu'un problème existe. J'essayais d'éplucher toutes les pelures de l'oignon pour en arriver au coeur même du problème.

On a fait des commentaires sur le mandat du comité, disant que si nous voulions vraiment aider les enfants du pays, nous regardons peut-être dans la mauvaise direction, et qu'en bricolant la Loi sur le divorce, nous ne changerons absolument rien à la situation. Ce sont d'autres témoignages que nous avons entendus. J'essayais donc de savoir si vous aviez d'autres choses pertinentes à dire quant à la source du véritable problème.

M. Lloyd Gorling: Je n'ai peut-être pas de choses pertinentes à dire à ce sujet, et je suis peut-être plus optimiste que les autres témoins au sujet de la modification de la Loi sur le divorce.

Je pense qu'il faut vraiment un énoncé très clair au sujet des rapports entre les pères et les enfants, de l'importance des pères dans la vie de l'enfant, ainsi que de l'importance de l'enfant dans la vie du père. Si nous commençons ainsi par un énoncé clair dans lequel nous reconnaissons que les choses ont mal tourné dans le passé et que nous sommes disposés à apporter les changements nécessaires pour remédier à la situation, je pense que les choses changeront.

Je pense que le changement peut survenir très rapidement, car beaucoup de gens ont besoin de cette orientation dans leur travail dans le domaine du droit de la famille et auprès des familles en général. De fait, je suis très optimiste à cet égard.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

La sénatrice Lucie Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin (Shawinigan, Lib.): Si cela ne vous dérange pas, je vais parler en français parce que c'est plus facile pour moi et vous aurez donc besoin d'avoir recours à l'interprétation.

[Français]

L'un d'entre vous a dit que les enfants avaient besoin des deux parents dans le cadre de leur éducation et que la garde partagée, le shared parenting, serait la meilleure solution. J'admire le fait que les pères veulent de plus en plus partager la garde de leurs enfants et assumer leurs responsabilités, mais lorsque les enfants habitent chez leur père ou leur mère selon une formule de temps partagé, ne croyez-vous pas que le succès du shared parenting, comme on l'appelle, repose sur les épaules des enfants plutôt que sur celles des parents?

• 1605

Si vous étiez capables de vous entendre, comme vous l'avez proposé, sur un plan spécifique de garde de l'enfant avant d'arriver au divorce, ne vaudrait-il pas mieux pour l'enfant de confier sa garde au meilleur parent plutôt que de le faire habiter chez papa pendant un certain temps et chez maman pendant un autre temps? Je ne le sais pas et je me demande ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Est-ce que vous vous entendez sur un plan spécifique et est-ce que c'est le meilleur des deux parents, ou celui qui a le plus de disponibilité, qui en a la garde?

[Traduction]

M. David Shackleton: Il est clair dans mon esprit que la loi et les politiques ne peuvent pas transformer des parents qui se préoccupent plus de leurs propres intérêts que de ceux de leurs enfants en meilleurs parents. Ce n'est pas faisable. Nous ne pouvons pas faire cela. Nous ne pouvons pas transformer des parents qui éprouvent de la colère et de l'amertume l'un envers l'autre, à cause d'un divorce, en parent qui n'éprouvent plus de colère et d'amertume l'un envers l'autre à cause du divorce.

Quels sont les bons arrangements parentaux? Je crois que l'essence même du partage des responsabilités parentales est le fait que le tribunal, le médiateur ou quelqu'un d'autre—ou les parents qui cherchent une solution ensemble, s'ils le peuvent—trouveront une solution satisfaisante pour les deux parents et pour les enfants. Cela signifie qu'on doit être disposé à examiner la situation particulière de la famille concernée. C'est essentiellement la raison pour laquelle les tribunaux s'occupent de chaque cas en particulier, afin de pouvoir tenir compte des caractéristiques particulières à chaque cas.

Je ne suis donc pas favorable à un partage systématique à parts égales à raison d'une demi-semaine ou d'une semaine à la fois. Je pense qu'une solution catégorique comme celle-là se ressentirait de tous les inconvénients que vous avez signalés. Ce que je veux dire c'est qu'à l'heure actuelle nous semblons déjà avoir certaines formules arrêtées reposant entre autres sur l'hypothèse que c'est généralement la mère qui élève le mieux l'enfant. Mais je pense que cette hypothèse est erronée. Cela doit disparaître. Et même si la Loi sur le divorce ne le prescrit pas comme tel, c'est ce qui se passe en réalité.

Dans notre société, il est illégal de dire que dans une catégorie d'emploi, un homme fera du meilleur travail qu'une femme. C'est illégal. Mais il n'en va pas de même devant les tribunaux de la famille. C'est donc une hypothèse que nous devons éliminer.

En second lieu, nous devons pouvoir juger des qualités respectives des deux parents sans prismes déformants et admettre que les hommes, c'est-à-dire les pères, ont des qualités différentes de celles des femmes, les mères, et nous devons donc arrêter de ne prendre en compte que ce que les femmes font pour élever les enfants.

Effectivement, je tiens à ce que les enfants soient élevés par les deux parents sans qu'il y ait structure rigide, car cette formule répond à la fois aux besoins des enfants et à ceux des parents en offrant aux uns comme aux autres un contexte réaliste.

M. Nicholas Kovats: Si vous me permettez d'intervenir...

M. Lloyd Gorling: Je voudrais simplement revenir rapidement sur l'un des postulats de votre question, en l'occurrence que les pères veulent en fait assumer de plus en plus la responsabilité d'élever les enfants, comme si cela n'avait jamais été le cas.

Permettez-moi de dire qu'à mon avis, les pères ont toujours fait preuve d'un grand sens de leurs responsabilités familiales. D'ailleurs, la famille au sens classique du terme a toujours été très lourde à porter pour les pères, ce qui faisait qu'il leur était extrêmement difficile, vu toutes leurs responsabilités et surtout les responsabilités financières, de faire quoi que ce soit d'autre. Malgré cela, une relation très forte entre un père et son enfant était jadis la norme, mais ce n'est plus le cas maintenant à cause du droit de la famille.

Il importe je pense de bien comprendre que le fait d'élever des enfants ensemble veut dire que, puisque le père et la mère ne vivent plus ensemble, vous n'êtes plus simplement des parents. Élever des enfants à deux revient à dire que puisque vous étiez le père avant la séparation, vous êtes toujours le père après la séparation et vous serez toujours l'un des deux parents, tout comme cela aurait été le cas s'il n'y avait pas eu séparation.

Toujours à ce sujet, je dirais que toute cette notion qui veut que l'un des deux parents soit meilleur que l'autre nécessite une réflexion très approfondie. Tout d'abord, non seulement est-ce pratiquement impossible et également extrêmement coûteux d'essayer même de déterminer lequel des deux est le meilleur parent, mais je suis également convaincu que dans la majorité des cas, c'est totalement faux. Lorsqu'on élève les enfants à deux, c'est précisément dans le but de ne pas avoir à déterminer ce genre de choses.

Si vous êtes père avant la séparation, vous restez père après la séparation et vous ne devriez pas avoir à prouver que vous l'êtes toujours. Vous ne devriez pas devoir vous soumettre à un test psychologique ou autre. Vous avez déjà payé le prix. Vous êtes le père et vous devriez pouvoir le rester.

• 1610

C'est cette méthode que je recommanderais avant tout autre chose pour déterminer ce qu'il doit advenir du rôle de la mère et du père après la séparation.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie.

Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup monsieur le président.

Monsieur Kovats, je voudrais vous demander si j'ai bien entendu. Avez-vous effectivement dit que les foyers ou les refuges pour femmes étaient des pépinières de ravisseurs d'enfants?

M. Nicholas Kovats: En effet, et cela apparaît très clairement dans certains des dossiers que vous avons soumis à Genève. Certains de ces foyers sont utilisés comme des conduits et les policiers sont complices lorsque des enfants en sont soustraits. En premier lieu, c'est le père qu'on fait sortir et si jamais il se risque à pénétrer sur les lieux...

Pour vous donner un cas précis, au foyer Red Door de Toronto, il y eu le cas d'une famille africaine qui était arrivée au Canada en se réclamant du statut de réfugié et, apparemment elle avait été conseillée. Elle a séjourné environ 11 jours. Le père s'y trouvait séparé de sa femme et de son enfant et le personnel du refuge lui a dit qu'il ne pouvait plus communiquer ni avec la mère, ni avec l'enfant.

Les choses se sont rapidement mises en place de sorte que les agents de la Division 52 sont intervenus et une enquête a été entamée à la plus grande confusion du père. Ensuite, le père a été expulsé du refuge, une simple valise à la main et, pendant trois jours, il est resté assis dans le parc. Il n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait son enfant.

Même si l'homme en question a réussi à obtenir, chose très rare, une ordonnance d'urgence lui donnant la garde provisoire de l'enfant afin d'empêcher celui-ci de disparaître, il n'a pas réussi et son enfant a été emmené par des policiers. Il semblerait que le ministère des Services sociaux ait payé à la mère et à l'enfant un billet d'avion pour qu'ils puissent aller en Nouvelle-Écosse où la mère a obtenu une ordonnance provisoire en sa faveur, si bien que tout d'un coup il y eut un conflit total entre les deux juridictions puisqu'il y avait deux ordonnances contradictoires.

Le père s'est rendu en vain en Nouvelle-Écosse pour essayer de rectifier la situation, mais une fois encore son enfant lui a été enlevé et emmené dans un pays d'Afrique.

De fait, d'après les dossiers américains que nous avons pu voir, c'est la ville d'Atlanta en Georgie qui est le principal sas par lequel transite les enfants enlevés. C'est une véritable passoire. J'ai d'ailleurs ici trois articles qui ont été publiés dans des revues. Il est difficile d'obtenir des dossiers américains puisque c'est le FBI qui est l'organisme compétent, mais en revanche le réseau souterrain y fonctionne apparemment au vu et su de tous.

Étant donné que nous sommes nous très respectueux ou très compatissants envers les foyers d'accueil et les refuges au Canada, il y a énormément d'enfants américains qui sont entrés dans le réseau via Atlanta qui se retrouvent chez nous. On leur procure de nouvelles identités, de nouveaux passeports, et c'est un fameux pétrin.

M. Philip Mayfield: Vous semblez dire que ce réseau est relativement bien organisé et qu'il y a des contacts non seulement entre les foyers et refuges, mais également entre les gouvernements. Est-ce bien cela?

M. Nicholas Kovats: En effet. Il y a des organismes provinciaux—qui sont dirais-je au bas de l'échelle, des petits fonctionnaires—qui font de l'obstruction ou qui facilitent les enlèvements. On pourrait dire effectivement que c'est bien organisé, mais tout est relatif.

J'ai en main le texte d'une entente sur mesure qui a été conclue entre un refuge et un corps policier du Nord de l'Ontario. Ce texte force à la conclusion qu'il échappe à tout contrôle public. Dès lors que l'enfant est absorbé par le réseau, il devient pratiquement impossible de l'en soustraire par des voies légales normales.

Je viens de recevoir un coup de téléphone du Nouveau Jersey, il s'agissait d'une famille qui me téléphonait au nom de son frère. C'était un citoyen américain ayant perdu son enfant, de nationalité canadienne qui s'est retrouvé dans un refuge de Montréal. J'ai dit que peut-être avait-il transité par Atlanta, ce qui n'est pas certain, mais le père avait réussi à localiser son enfant à Montréal, mais en pure perte car il n'a pas pu le récupérer.

M. Philip Mayfield: Mais un enlèvement, même dans ces circonstances, serait illégal, n'est-ce pas?

• 1615

M. Nicholas Kovats: Effectivement. Aux États-Unis, c'est un délit fédéral et c'est également le cas je crois au Canada.

Pour répondre à la question du sénateur, l'enfant en question avait trois ans, je crois en 1995.

Mme Sheila Finestone: Madame la présidente, mon collègue pourrait-il découvrir quels sont les recours qui ont été invoqués ici au Canada dans le cadre du système canadien et également pourquoi il a dû saisir les Nations Unies?

M. Philip Mayfield: J'aimerais beaucoup savoir qu'elle est l'attitude des pouvoirs publics canadiens, de la police et des tribunaux, dans les cas de ce genre.

M. Nicholas Kovats: La question est excellente. Nous avons un dossier à ce sujet et, dans l'affaire dont je viens de vous parler, la toute première, les Affaires étrangères sont également intervenues.

C'est un peu compliqué, mais deux passeports ont été émis à Washington alors que les négociations pour la récupération de l'enfant étaient en cours. Sur ces entrefaites, les affaires étrangères négociaient pour leur part un marché très complet avec le pays en question pour l'acquisition d'avions militaires d'occasion. Je ne m'attendais pas à rentrer dans ce niveau de détail au sujet de l'enlèvement en question, mais cela fait partie de nos préoccupations. Peut-être le gouvernement donne-t-il tout naturellement la préférence aux relations économiques avec les pays favorisés plutôt que de s'occuper du sort d'un enfant. Mais ce genre de choses est tout à fait évident dans un grand nombre de cas d'enfants enlevés au Canada et amenés à l'étranger. Je viens d'ailleurs tout récemment de créer un organisme sous l'appellation Freedom for Kids Abduction Group qui s'occupe tout particulièrement des enfants canadiens et de leurs parents qui ont perdu...

Ce n'est pas facile à faire. Dans bien des cas, les parents sont déprimés. Souvent, le dossier traîne deux ou trois ans et il n'y a aucun recours immédiat. Le personnel de l'ambassade peut vérifier certaines choses. Certains parents, se prévalant de leur droit de visite, y engloutissent des milliers de dollars. Et si l'enfant a été emmené dans un pays musulman, il est extrêmement difficile de lui rendre visite librement.

M. Philip Mayfield: Pour en revenir à ce cas d'enlèvement, on a fait traverser une frontière à l'enfant pour essayer délibérément de le soustraire...

M. Nicholas Kovats: Pour couper tout contact entre l'enfant et l'autre parent. C'est l'une des façons les plus efficaces pour provoquer chez l'enfant ce qu'on appelle l'aliénation parentale, ce dont le comité a certainement déjà entendu parlé, et c'est toujours très affligeant pour l'enfant.

M. Paul Forseth: Je voudrais simplement ajouter que, avec les meilleures intentions du monde, les pouvoirs publics canadiens donnent leur caution. Supposons qu'une mère quitte le pays et qu'elle apporte la preuve que ses jours sont en danger, prétendant que le père est un agresseur sexuel et un ainsi de suite, elle parvient en racontant tout cela à obtenir la caution du système canadien alors qu'en fait, toute son histoire est fausse et la femme qui réclame ainsi les ressources de l'État parvient à gagner en racontant des histoires, en manipulant le système et en sachant fort bien quelles ficelles elle doit tirer pour mobiliser les pouvoirs publics canadiens.

M. Nicholas Kovats: Cela ressemble un peu à une condition de ressources, mais il n'existe aucune procédure bien arrêtée. D'après ce que je sais de la plaque tournante d'Atlanta, qu'on pourrait également appeler le tunnel des enlèvements, pour ce faire accepter, il suffit de décrire oralement sa situation. Faye Yager ne s'en cache d'ailleurs pas, elle le clame à tous les médias.

Plus particulièrement, si vous voulez rejoindre Barbara Snider, qui enquête spécialement dans ce domaine, à la Société des enfants disparus d'Oakville, elle pourra vous confirmer qu'elle a déjà eu des démêlés avec Faye Yager et son organisation.

Je voudrais également citer pour mémoire que le sous-comité de la Chambre sur les droits de la personne vient de publier un rapport sur l'enlèvement international d'enfants et je pense que c'est Mme Beaumier, une députée de Mississauga, qui est l'une des personnes à l'origine de ce rapport.

M. Philip Mayfield: Monsieur Kovats, avez-vous personnellement connaissance du fait que des parents qui veulent prendre le large ou couper tout contact avec l'autre conjoint sont conseillés et renseignés sur la façon de s'y prendre comme vous l'avez vous-même décrit, par le personnel des refuges pour femmes.

M. Nicholas Kovats: Ces gens-là ne s'en cachent pas, dans une certaine mesure. Effectivement, ces femmes y sont conseillées. Mais à notre époque, il est extrêmement difficile de mettre la main sur leurs protocoles. Moi-même, j'ai pénétré une fois dans un refuge pour faire appliquer une ordonnance de la cour; il s'agissait du premier dossier que je vous ai mentionné et j'étais à la recherche de l'enfant en question. Il nous a fallu trois heures environ pour convaincre la division intéressée, la Division 55 je crois, du quartier de Beaches, de nous prendre au sérieux.

• 1620

En fin de compte, un sergent qui n'était pas de service a réussi à persuader trois heures plus tard ses collègues locaux d'intervenir. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, un seul membre du personnel était présent. Je n'y ai vu pratiquement que des mères avec leurs enfants. La scène n'était pas claire. Nous avons dû attendre là—je l'ai fait moi-même—pendant que le père, accompagné d'un policier, fouillait les lieux, mais son enfant ne s'y trouvait pas.

M. Philip Mayfield: Je vous ai entendu dire, je crois, que c'était la politique...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Puis-je vous demander, monsieur Mayfield, de conclure sur cette question?

M. Philip Mayfield: Ce sera ma dernière question, monsieur, et je vous remercie.

Je voudrais simplement avoir un éclaircissement. D'après ce que vous nous avez dit, je conclus que les refuges pour femmes ont pour politique d'offrir, à titre individuel et en réseau avec les autres refuges, tous les renseignements permettant à un parent de soustraire illégalement son enfant à la garde de l'autre parent. Me trompais-je?

M. Nicholas Kovats: Non. L'une des affaires dont, à ma souvenance, les médias ont fait le plus de cas a été celle, qui a fait l'objet d'un article dans la revue Times de ce père—le nom m'échappe—de Philadelphie qui avait perdu son enfant suite à l'intervention de l'organisation de Faye Yager. On n'aurait pas pu trouver plus évident que cela parce que tout cela avait été dit et fait au grand jour.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Kovats, vous avez fait allusion à plusieurs cas. Avez-vous des noms ou des dossiers à nous donner à ce sujet?

M. Nicholas Kovats: J'ai effectivement des dossiers et des numéros de dossier individuels, mais je ne les ai pas ici à Ottawa—c'est un autre collègue qui les a pour l'instant—mais je serais tout disposé à les soumettre au comité avec une foule de détails sous forme de mémoire. Cela ne poserait aucune difficulté.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie. Madame Finestone.

Mme Finestone: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je n'avais pas l'intention de poursuivre ce genre de conversation ou d'intervenir auprès du témoin, mais je pense qu'il est tout à fait essentiel de bien comprendre qu'il s'agit là de cas exceptionnels et qu'il ne faudrait pas en profiter pour accuser les refuges pour femmes de tous les péchés.

Il est je crois très important de signaler le rôle capital que ces refuges jouent dans notre société, chaque fois qu'il faut impérativement soustraire une femme et ses enfants à un père violent ou toute autre personne qui s'en prend à eux ou qui les harcèle. Je ne pense pas du tout que le témoignage que nous venons d'entendre me fasse changer d'avis. Je ne pense pas non plus qu'il changera en quoi que ce soit la perception que se fait la société dans son ensemble du rôle très important que jouent ces services.

En second lieu, d'après mon expérience sur le plan international, je sais fort bien qu'il y a une série de cas d'enlèvement d'enfant dû au fait que l'un des deux parents, l'un des conjoints, ne tombe pas sous le coup de la charia, cette législation qui permet à l'un des parents—le père pour être précis—d'avoir la garde de son enfant s'il s'agit d'un garçon à l'âge de 9 ans et s'il s'agit d'une fille à l'âge de 12 ans... à moins qu'il ne s'agisse de 7 ans, 9 ans et 12 ans, j'ai oublié les trois dates exactes. C'est donc une législation qui est différente de la législation canadienne.

Si vous habitez au Canada, peu importe votre pays d'origine, si vous êtes citoyen canadien, vous tombez sous le coup des lois du Canada. Par conséquent, enlever un enfant en invoquant la loi d'une autre culture n'est selon moi pas la façon dont les choses se passent ici au Canada.

Cela, je voulais le dire pour mémoire. Il est absolument injustifié de jeter le doute sur la façon dont les refuges pour femmes sont administrés au Canada. J'en connais fort bien deux, et ils sont excellents. Ils sont à Montréal et ils sont extrêmement bien administrés.

Ainsi, pour revenir à ce dont je voulais vraiment discuter, madame la présidente, nous revenons tout juste d'une fin de semaine pendant laquelle nous avons entendu des témoins étrangers nous parler de ce qu'ils entendent par «élever des enfants au foyer et hors foyer» et du rôle de chacun des deux parents ainsi que de leurs responsabilités mutuelles.

Dans ces pays, on semble surtout s'intéresser aux enfants dont le père est inconnu. On compte entre 1,2 et 1,5 million d'enfants dont le père, en l'occurrence, n'a pas été identifié. C'est surtout de ces cas-là qu'ils s'occupent.

• 1625

Mais pendant votre exposé, ce qui m'a particulièrement intéressé... Je m'intéresse beaucoup au droit de visite des pères, des grands-mères et des grands-parents. Il m'apparaît d'une importance vitale pour les enfants—c'est là dessus que j'insiste—qu'ils aient l'occasion de grandir et de s'épanouir grâce aux contacts avec les deux parents.

Il m'apparaît aussi important que la vie culturelle et la vie familiale se poursuivent du mieux possible compte tenu des circonstances du divorce, et que les parents, dans l'intérêt de l'enfant, s'efforcent d'assurer la confiance, de ne pas utiliser l'enfant comme un jouet, un pion, un bouc émissaire, parce qu'ils ne peuvent pas s'entendre. J'estime que le seul objectif devrait être d'élever l'enfant.

Par conséquent, du point de vue de la modification du comportement sociétal... Monsieur et madame les coprésidents, je pense qu'il serait bon pour nous de remonter un peu le cours de l'histoire. Dans le passé, jusqu'à la fin de la Deuxième guerre mondiale, en général, le rôle du père était de gagner de l'argent et le rôle de la mère, de rester à la maison pour prendre soin des enfants; les deux travaillaient néanmoins. Travailler à la maison, c'est du travail, même s'il n'est pas rémunéré, même si celle qui s'acquitte de ce travail ne fait pas partie de la main-d'oeuvre active.

Il y a eu un changement important dans le comportement de notre société, qui a entraîné une modification de la participation des parents à la vie de leurs enfants. Dans mon temps, les pères ne changeaient pas les couches; aujourd'hui, ils sont beaucoup plus actifs, ils changent des couches, mais ils prennent soin aussi de leurs enfants, ils leur accordent leur soutien émotif, pas seulement pendant les week-ends.

Il est donc essentiel pour nous de nous rappeler cette contribution oubliée au développement des enfants qu'est celle du père, et que les enfants ont besoin de plus que d'un soutien financier. Ils ont besoin d'un soutien émotif et développemental de leurs deux parents pour bien grandir et s'épanouir psychologiquement.

Je suis d'avis—et j'aimerais savoir ce que vous en pensez—que cette situation ne relève pas du domaine juridique. À bien des égards, c'est une situation personnelle. J'aimerais croire que la politique gouvernementale peut avoir une incidence là-dessus et aussi traduire les changements qui se sont produits depuis deux ou trois décennies. J'aimerais croire que la politique gouvernementale peut influer sur le comportement culturel et la croissance sociétale.

La question que je me pose, après avoir entendu des témoins à Washington... Les études montrent que, après deux ou trois ans, en raison des circonstances, les visites des pères même les plus dévoués, s'espacent dans la majorité des cas.

Estimez-vous que nous pouvons apporter des changements sociétaux par le biais de mesures législatives? C'est ma question.

M. David Shackleton: J'aimerais vous répondre. Je suis d'accord avec vous: l'intérêt des pères a tendance à décliner après quelques années. Dans mon exposé, j'ai tenté de vous décrire la situation réelle. Lorsque nous devenons parents, nous avons des attentes, et si ces attentes changent radicalement, si notre expérience est radicalement différente de ce que nous anticipions et de ce pourquoi nous nous étions engagés, cela a des conséquences inévitables sur notre motivation.

J'estime—et c'est ce que disent aussi les politiques et les lois en matière familiale aujourd'hui—que, après un divorce, les pères constatent que ce qui leur plaisait le plus dans leur rôle de parent n'existe plus. Il ne leur reste plus que des tâches. Après un divorce, ce sont les mères qui assument le rôle de premier parent. Ce sont elles qui se dévouent à leurs enfants, qui guident leurs enfants. Elles se sentent intimement liées à leurs enfants, elles éprouvent un sentiment d'engagement significatif à leur égard. C'est là la principale source de satisfaction quand on est parent.

Les pères, eux, jouent un rôle de moindre importance. Ils estiment que ce qu'ils ont à dire est secondaire, que ce sont les décisions de la mère qui priment. S'il y a conflit entre les parents, la mère peut habituellement compter sur l'enfant. L'enfant dépend beaucoup plus de la mère car c'est elle le principal dispensateur de soins.

Mme Sheila Finestone: Mais je voulais savoir...

M. David Shackleton: Que pouvons-nous faire?

• 1630

Mme Sheila Finestone: Nous sommes ici pour formuler des recommandations au ministre. Quelle recommandation pratique... pratico-pratique, comme on dit en français, feriez-vous? Quelle sorte de changement nous suggérez-vous?

M. David Shackleton: Tout au long du processus de séparation, à partir de la médiation obligatoire qui m'apparaît essentielle jusqu'à l'instance, si c'est nécessaire, le plus important, c'est de trouver une façon de permettre aux parents de participer de façon significative et à long terme à la vie de leur enfant—et non pas à la vie de l'autre, puisque cette relation a pris fin. Les parents ont besoin d'une relation significative et équilibrée avec leur enfant, une relation qui les alimente suffisamment en ce qui leur apportait le plus de satisfaction lorsqu'ils vivaient en famille. Si les parents n'ont pas cela et, aujourd'hui, la plupart des pères ne l'ont pas, leur motivation s'effritera, comme le veut la nature humaine.

Mme Sheila Finestone: Votre réponse est très émouvante, mais elle n'est pas pratique. J'aimerais savoir comment la mettre en pratique.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): M. Gorling vous le dira.

M. Lloyd Gorling: Je vais certainement tenter de vous le dire.

Puisque nous parlons de choses pratiques, j'aimerais vous faire une suggestion très pratique. Commençons par présenter des excuses aux pères séparés et à leurs enfants. J'implore le comité de recommander que l'on présente des excuses, que l'on amorce le processus de réconciliation, que l'on reconnaisse que l'on s'est trompé. On s'est trompé dès le départ. Avant que ne paraissent les premières statistiques, nous savions qu'on s'était trompé. On s'est trompé dès le départ et on aurait dû prendre des correctifs il y a longtemps.

Si on présente des excuses, on pourra ensuite commencer à améliorer le système de façon pratique, en faisant d'abord ce que j'ai recommandé, à savoir, cesser d'enlever les enfants à leurs pères. Il faut que les enfants et leurs pères puissent rester ensemble. C'est une solution très pratique. Je sais que cela soulève bien des préoccupations...

Mme Sheila Finestone: Si on vous avait écouté, vous n'auriez pas eu ce problème, n'est-ce pas? Il y a une raison qui justifie la rupture du lien entre le père, la mère et l'enfant. Comment peut-on éviter cette rupture? Quelle recommandation pourrions-nous formuler, outre des excuses qui vous feront peut-être plaisir mais qui ne changeront pas les choses?

M. Lloyd Gorling: Je crois que cela changerait les choses. Le système est maintenant prêt. Récemment, bien des choses se sont passées et je pense que les gens sont sensibilisés. Notre pétition a été très bien reçue dans notre collectivité et nous avons demandé très précisément qu'on ne sépare pas les pères de leurs enfants. Nous avons demandé précisément que les pères n'aient pas à verser d'argent à la mère de leur enfant et nous avons aussi demandé précisément des excuses. On a clairement reconnu que c'est nécessaire.

Le problème, c'est que les autorités n'ont pas encore compris, peut-être parce qu'elles sont là depuis trop longtemps et qu'elles interprètent les lois, les règles et les procédures de la même façon depuis trop longtemps. Je crois que si on se donnait une orientation—et j'estime que le Parlement peut ouvrir la voie à cet égard—des changements s'ensuivraient.

Pour répondre à votre question, la seule autre réponse que je peux vous donner est celle de la coparentalité. C'est un concept bien connu et bien compris. Dans notre région, cela se fait. Je connais un homme qui travaille à l'usine. Il travaille par quarts de 12 heures, trois jours consécutifs. Lorsqu'il travaille, il n'a pas ses enfants. Il consacre ses journées à travailler très fort. Lorsqu'il a congé, ses enfants sont avec lui. La garde est donc partagée équitablement. Les enfants sont satisfaits, les parents sont satisfaits. Je recommande fortement ce concept comme solution de départ.

M. David Shackleton: J'aimerais ajouter une chose, si vous me le permettez.

Je réfléchis depuis un moment à la solution pratique qu'il nous faudrait. D'une certaine façon, c'est comme si on se demandait: «Qu'est-ce que la santé?». La santé est difficile à définir. Qu'est-ce qu'une relation saine? C'est difficile à décrire, parce qu'il n'y a pas de symptômes, comme lorsqu'on est malade.

Je retourne la question et je vous demande quels sont les symptômes d'une relation qui va mal qui pourraient être supprimés. C'est ce que je voudrais vous dire. À l'heure actuelle, la partie qui est disposée à jouer le jeu peut manipuler le système comme elle le veut. À l'heure actuelle, ce sont surtout les femmes qui manipulent le système car nous sommes très sensibles aux allégations de violence et d'agression. Dans le système existant, on peut donc faire des allégations de ce genre presque toujours impunément. La seule façon de punir les fausses allégations à l'heure actuelle, c'est de porter des accusations de méfait public, ce qu'on ne fait pratiquement jamais. C'est la police qui doit porter cette accusation et la police est presque impuissante.

• 1635

Qu'il soit bien clair que les parties doivent faire preuve de bonne foi si on veut trouver une solution qui les satisfasse toutes. Tant qu'il y aura manipulation, tant qu'une des parties estimera pouvoir obtenir ce qu'elle veut sans faire de compromis avec l'autre camp, rien ne changera. Cela m'apparaît comme un symptôme du problème fondamental qui existe actuellement, un symptôme auquel on peut s'attaquer directement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Je crois savoir qu'il y aura encore deux courtes questions. Nous avons commencé avec un peu de retard, alors, votre temps n'est pas encore écoulé, mais nous tentons quand même de nous en tenir à notre horaire. Les sénatrices Cools et Milne ont chacune une question à poser.

La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins.

J'ai été frappée par ce qu'a dit M. Shackleton sur la loi et son application, la nécessité d'imposer comme principe fondamental la collaboration de bonne foi entre la loi et le citoyen. Je vous remercie d'avoir fait cette remarque.

Nous avons entendu un témoin à Charlottetown, dans l'île-du-Prince-Édouard. Je crois qu'elle s'appelle Mme Craig; elle est avocate. Elle a fait une observation que bien d'autres aussi ont faite et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Elle nous a dit que la Loi sur le divorce n'est pas si mauvaise que cela, car on n'aurait jamais cru qu'elle serait défigurée comme elle l'a été par les avocats et les juges. Selon elle, on devrait plutôt examiner la culture dans laquelle la loi est appliquée et mise en oeuvre. Si je ne me trompe pas, je crois qu'elle a dit que le Parlement n'avait pas adopté la Loi sur le divorce pour permettre à des juges comme Mme Claire L'Heureux-Dubé d'imposer sa soi-disant perspective féministe, de réécrire les lois et de dire, essentiellement, comme elle l'a fait plus d'une fois, que les parents qui n'ont pas la garde ne sont que des visiteurs intéressés.

Cette dame m'a semblé avoir un point de vue assez impartial. Je devrais peut-être relire son témoignage car je le comprends peut-être avec d'autres, mais j'ai trouvé ses remarques innovatrices. Elle nous a dit que la loi comme telle n'est pas si mauvaise et qu'elle ferait l'affaire si on la modifiait, mais selon elle, c'est la mise en oeuvre de la loi, la culture dans laquelle la loi est exécutée...

Peut-être que certains des témoins aimeraient me dire ce qu'ils en pensent.

M. Lloyd Gorling: J'ai moi-même dit tout à l'heure que je ne crois pas que ce soit la Loi sur le divorce qui constitue le problème. Si elle était interprétée comme on envisageait qu'elle le serait et, certainement comme elle devrait l'être, elle ne constituerait pas un problème.

Le véritable problème, c'est que, en droit de la famille, on tient pour acquis qu'on donnera la garde de l'enfant à un parent, et c'est cela qui constitue le point de départ. C'est cela qu'on devrait changer. Il faut qu'on cesse de penser ainsi. Il faut qu'on cesse de penser que les enfants ne doivent vivre qu'avec un parent après la séparation. Les enfants devraient continuer à avoir deux parents.

À l'heure actuelle, après la séparation, il n'y a plus qu'un parent qui joue ce rôle; l'autre apparaît un peu comme un oncle. D'ailleurs, les Grands Frères sont souvent en contact plus étroit avec votre enfant que vous l'êtes. Voilà où il faut apporter des changements. C'est de ce principe dont devrait s'inspirer la Loi sur le divorce, ce qui n'est pas le cas et c'est là que le bât blesse. Ainsi, en incluant dans la Loi sur le divorce et dans les lois sur la famille, la présomption de coparentalité, on réglerait le problème.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame la sénatrice Milne.

La sénatrice Lorna Milne: Merci, monsieur le président.

Dans l'intérêt de l'enfant—j'ai trouvé intéressant ce qu'a dit Mme Finestone sur la nécessité pour le gouvernement de travailler à quelque chose de précis. Il est difficile de définir «les intérêts de l'enfant»; d'ailleurs, certains d'entre vous ont remarqué que cette expression est presque devenue péjorative.

• 1640

Monsieur Shackleton, votre approche m'apparaît intéressante et je me demande quel modèle équilibré vous pourriez nous suggérer.

M. Gorling nous en a recommandé un. Peut-être pourriez-vous nous faire une suggestion plus précise.

M. David Shackleton: Je ne comprends pas bien la question.

La sénatrice Lorna Milne: Un modèle équilibré du rôle que les parents devraient jouer après le divorce.

M. David Shackleton: Je n'ai pas de modèle pour cela. Je souhaite que le système soit équilibré de façon à ce qu'il reconnaisse les qualités des parents sans égard au sexe, sans permettre la manipulation ni les allégations sans fondement—ce genre de choses.

J'estime aussi que la loi actuelle n'est pas si mauvaise. C'est son application qui pose des problèmes, à mon avis.

La sénatrice Lorna Milne: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Je vous remercie d'être venu cet après-midi et d'avoir contribué aux travaux de notre comité. Je sais que vous avez prélevé du temps sur votre journée de travail pour être ici, et je vous en remercie.

M. David Shackleton: J'aimerais souligner à quel point vos travaux sont importants, je dirais même cruciaux. Je vous admire pour l'intégrité dont vous faites preuve et des efforts que vous déployez tous dans l'examen sérieux de cette question et dans la recherche de solutions véritables.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je prie maintenant le Dr Mahoney de bien vouloir prendre place.

Nous avons une demi-heure à vous consacrer. Le Dr Mahoney représente la Société canadienne de pédiatrie. Soyez le bienvenu, docteur.

Dr William J. Mahoney (Société canadienne de pédiatrie): Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous êtes ici depuis un moment, alors vous savez comment nous fonctionnons; nous vous serions gré de limiter vos remarques liminaires à cinq minutes.

Dr William J. Mahoney: C'est ce que je tenterai de faire.

Je suis ici à titre de représentant de la Société canadienne de pédiatrie, la société canadienne qui regroupe les pédiatres du pays. Vous l'ignorez peut-être, mais le médecin est le professionnel de la santé qui voit les enfants le plus régulièrement et le plus fréquemment. En fait, de 30 à 40 p. 100 des consultations pédiatriques portent sur les problèmes émotifs, de développement et de comportement que connaissent les enfants.

Mme Sheila Finestone: J'aimerais que la consultation avec les témoins précédents se tienne à l'extérieur afin que nous puissions entendre ce témoin-ci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Messieurs et madame la sénatrice Cools, nous écoutons en ce moment un témoin; je vous prie de tenir votre conversation à l'extérieur.

La sénatrice Anne Cools: Je cherchais à obtenir le nom de la personne que vous essayiez de citer pour voir si son cas est légitime.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Désolé, docteur Mahoney. Poursuivez.

Dr William Mahoney: Je sais que les contacts entre l'appareil judiciaire et les services sanitaires et sociaux sont difficiles et que cela cause des problèmes. Notre Société estime qu'il est important de parler au nom des enfants.

La séparation et le divorce ont toujours des effets sur les enfants, mais les démarches subséquentes viennent accroître ces effets négatifs. L'enfant voit des adultes en désaccord qui se querellent, se disputent, sont en colère et qui souffrent. Il est très difficile pour l'enfant de faire face à des décisions qui lui échappent tout à fait. Il est extrêmement difficile pour lui d'exprimer un avis en faveur d'un des deux parents. Ses avis varie selon l'âge de l'enfant, les événements de tous les jours et ses perceptions. Les affirmations de l'enfant peuvent s'interpréter de façon variable, en fonction de l'orientation, des idées préconçues et des compétences de l'évaluateur.

• 1645

L'enfant a des besoins qui varient selon l'âge, sa maturité physique et psychologique et son milieu. Par manque d'expérience, de formation ou d'instruction, il arrive que les parents ne connaissent pas très bien les besoins particuliers de l'enfant. La société doit donc en être consciente et les incorporer au processus.

Voici brièvement les recommandations qui se trouvent dans le mémoire.

Premièrement, la société devrait décourager les agissements des parents et des avocats qui font durer le stress imposé aux enfants. Il est prouvé que la médiation peut réduire les tensions et donner de meilleurs résultats chez les enfants. Des lignes directrices claires qui préconisent cette démarche, et assorties d'incitations concrètes, rendront l'épreuve moins difficile pour l'enfant.

L'enfant a des besoins fondamentaux. Quels sont-ils? L'amour inconditionnel, l'encadrement, la stabilité, la cohérence, un enseignement adapté à ses besoins et la possibilité de développer ses aptitudes sociales et cognitives. Lorsque des décisions sont prises, il faut accorder une importance prioritaire à ces besoins de base.

L'enfant handicapé dispose d'un réseau de soutien complet et coordonné, à l'école ou dans le milieu. Le bouleversement de ce réseau peut avoir d'autres conséquences négatives sur la santé, l'instruction et l'état affectif de l'enfant.

Il faut d'abord et avant tout recenser clairement les besoins de l'enfant. Puisque l'on sait que le divorce ou la séparation fait payer à l'enfant un prix émotif important, le coût du traitement devrait être calculé dans le processus.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Nous allons passer aux questions, à commencer par celles de M. Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, docteur Mahoney. Vos recommandations sont intéressantes et j'aimerais brièvement poser quelques questions.

On a souvent dit au comité qu'il faut écouter l'enfant. Ma question ne découle pas directement de votre témoignage, mais vous qui avez de l'expérience, dites-nous comment nous pouvons le faire.

Ce que je veux dire, c'est que l'on peut bien écouter ce que l'enfant a à dire, mais on ne sait pas quel a été son bouleversement affectif et si l'on accepte ce qu'il nous dit à la lettre, il n'est peut-être pas dans son intérêt de faire exactement ce qu'il demande. Il y a d'autres considérations.

D'après votre expérience, comment s'assure-t-on d'écouter ce que l'enfant a à dire dans ces situations?

Dr William Mahoney: C'est pourquoi j'ai expressément parlé des besoins de l'enfant: la cohérence, l'encadrement, le maintien tel quel de certains systèmes dans son milieu, si possible. Tels sont ces besoins, et l'enfant nous dit: «J'aimerais que les choses soient comme ça.»

Par exemple, on sait que l'enfant de onze ou douze ans veut aller à l'école et fréquenter ses amis. Si vous lui demandez ce qu'il veut, c'est ce qu'il vous répondra. Mais on ne lui donne pas nécessairement le moyen de le dire.

M. Eric Lowther: Je voudrais aller un peu plus loin et en discuter de façon un peu plus concrète, parce que je vois mal les choses dans l'abstrait.

Par exemple, si l'on parle de cohérence et de stabilité, avant la rupture, il y avait une certaine dynamique à la maison, et des témoins nous ont dit que cela pourrait être le point de départ pour trouver des modalités après la séparation ou le divorce. Cela semble aller dans le même sens de ce que vous dites à propos de la cohérence et du maintien de la dynamique, ou de ce à quoi l'enfant est habitué.

Je pense que tout cela va dans le même sens, mais à cause de tous les tiraillements émotifs de l'enfant, il pourrait très bien dire qu'il ne veut plus vivre à tel ou tel endroit.

Faut-il écouter l'enfant? Faut-il revenir au modèle de stabilité dont vous parliez?

• 1650

Je sais que je simplifie à outrance, mais j'essaie de savoir ce que vous, un professionnel, pensez de la crédibilité que l'on doit donner à l'enfant dans ce débat, même si je sais que cela varie en fonction de l'âge. Je crains qu'il soit à ce point tiraillé sur le plan affectif et utilisé par un parent contre l'autre que sa situation soit pire que par le passé si on l'écoute.

Dr William Mahoney: Mais c'est précisément pourquoi je recommande la médiation, dont le but est d'empêcher ce qui se fait actuellement, lorsque l'enfant est coincé dans une atmosphère d'animosité et de lutte entre les deux parents, parce que c'est cela qui cause le stress chez l'enfant, qui le place entre les deux.

M. Eric Lowther: Pensez-vous que l'enfant devrait avoir voix au chapitre?

Dr William Mahoney: Cela dépend de son âge et de sa maturité.

Par exemple, le nourrisson de six mois ne peut pas avoir voix au chapitre. Nous essayons de trouver des principes qui s'appliquent à tous les âges et c'est pourquoi—j'ignore si cette une question de droit ou de politique—la société doit reconnaître que le développement de l'enfant est un processus et qu'à certaines étapes l'enfant peut réfléchir de façon abstraite et qu'à d'autres il ne le peut pas et qu'à d'autres encore il ne peut même pas parler.

M. Eric Lowther: L'enfant devrait-il avoir un avocat?

Dr William Mahoney: L'enfant devrait avoir un défenseur qui s'assure que ses droits sont bien définis. Quant à savoir comment idéalement cette personne devrait être désignée, je m'en remettrais à ceux qui travaillent tout le temps dans ce domaine. Mais l'enfant a besoin d'un porte-parole qui, lui aussi, reconnaît ces divers degrés et l'évolution des besoins de l'enfant.

M. Eric Lowther: Merci, docteur Mahoney.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Dans la même veine, je pense que l'on n'a pas défini ce que l'on entend par l'intérêt de l'enfant. Dans certaines provinces, le juge est censé examiner une liste de questions pour trancher.

Pourriez-vous nous recommander des éléments à inscrire dans la loi, des points que le juge examinerait pour déterminer où réside l'intérêt de l'enfant?

Dr William Mahoney: Comme j'ignore ce que l'on doit trouver dans une loi par opposition aux règlements ou aux lignes directrices, je ne suis pas sûr, mais il faut en tout cas définir les besoins particuliers de l'enfant.

Il faut définir la structure de soutien de l'enfant, ce qui comprend la famille élargie, parce que son rôle est important. Par exemple, si l'enfant a des rapports étroits avec un grand-parent et si à cause du décès ou d'une autre raison ces liens sont rompus, l'enfant sera inévitablement touché et devra traverser son deuil. Il faut donc en tenir compte lorsque l'on parle de son intérêt.

Mme Carolyn Bennett: Ce qui m'inquiète, c'est qu'à moins d'adopter quelque chose comme un plan parental souple qui permet de mettre à jour continuellement les besoins de l'enfant, il arrive un jour où l'enfant manque son entraînement de soccer pour aller à l'église. Peut-être est-il important pour un des parents que l'enfant soit à l'église dix heures par jour, tandis que l'autre estime que l'enfant devrait aller à son match de soccer ou à sa fête d'anniversaire. Si l'on n'évalue pas ces éléments en permanence, longtemps après avoir quitté le tribunal, je ne vois pas comment on pourra protéger l'intérêt de l'enfant.

Dr William Mahoney: Encore une fois—j'ignore si c'est possible, mais on commence par définir l'idéal puis on voit si c'est réalisable—le plan doit recenser et reconnaître l'évolution des besoins de l'enfant et la meilleure façon de le faire.

Mme Carolyn Bennett: Parfois un intervenant désintéressé, parfois le défenseur de l'enfant—mais ce doit être un rôle permanent.

J'ai une autre question à vous poser, qui va dans le sens de celle de M. Lowther, à propos des divorces hargneux. À votre avis, devrait-on toujours nommer un avocat ou un défenseur de l'enfant?

• 1655

Dr William Mahoney: Parlez-vous des cas où la médiation a échoué?

Mme Carolyn Bennett: Ou même seulement pour s'assurer que l'enfant a voix au chapitre pendant la médiation.

Les divorces hargneux ne se prêtent pas à la médiation. La sénatrice Cools et moi-même ne nous entendons pas sur les chiffres, mais que ce soit 10 ou 20 p. 100, il y en a un petit nombre qui ne se règlent pas d'eux-mêmes. Évidemment, ce qui m'intéresse, c'est le reste, et la question de savoir si l'intérêt de l'enfant est protégé, mais faut-il recommander que la voix de l'enfant soit entendue dans tous les cas de divorces hargneux?

Dr William Mahoney: Lorsque la médiation a échoué et que les adultes ne s'entendent même pas sur un cadre qui sert au mieux l'intérêt de l'enfant et qui reconnaisse ses besoins, l'enfant aura forcément besoin d'un porte-parole parce que l'un des deux parents ne peut pas remplir ce rôle.

Mme Carolyn Bennett: Un porte-parole qui assure une certaine continuité?

Dr William Mahoney: Oui, forcément.

Mme Carolyn Bennett: Mon autre question porte sur le cas où l'enfant dit ne jamais plus vouloir revoir un parent ou de celui pour qui la décision a déjà été prise. Y a-t-il place pour une sorte de thérapie de soutien ou de counselling pour cet enfant, du seul fait qu'il a fait cette déclaration? ne faut-il pas interpréter cela comme si un parent était mort?

Dr William Mahoney: Comme le clinicien,—ce qui est aussi une de mes fonctions—j'ai beaucoup de mal à vous répondre, parce que dans son emportement, selon son âge, l'enfant dit toutes sortes de choses. Comment analyser une affirmation comme celle-là? Faut-il plutôt analyser tout un comportement? Mais si l'on essaie concrètement de recenser ce que j'appelle les besoins de l'enfant, on pourra alors faire sortir ces choses.

Rien que parce qu'un enfant a dit à son maître qu'il déteste son père ou sa mère... Immanquablement, l'enfant aura une crise de colère et sera furieux en plus d'être triste.

Mme Carolyn Bennett: A-t-il besoin d'aide?

Dr William Mahoney: Oui, c'est clair. Nous savons qu'entre 30 et 40 p. 100—et c'est ce qui explique ma dernière recommandation—éprouveront un trouble émotif ou de comportement quelconque à l'issue du processus tel qu'il existe aujourd'hui.

Mme Carolyn Bennett: Et cette aide devrait être fournie gratuitement?

Dr William Mahoney: Eh bien, rien n'est gratuit, mais il faut prévoir cette aide.

Mme Carolyn Bennett: L'enfant peut payer avec son argent de poche, n'est-ce pas?

Dr William Mahoney: Oui.

Mme Carolyn Bennett: Très bien.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur Mahoney, d'après vous, quels sont les principaux problèmes des enfants du divorce? Quelles sont les principales difficultés qu'ils rencontrent?

Dr William Mahoney: Je peux vous dire ce qui se passe dans mon cabinet.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui.

Dr William Mahoney: Il y a antagonisme déclaré entre les parents si les deux sont là. Il y a manque de communication s'il n'y a qu'un des deux qui est là. Lorsque l'on discute des problèmes dans mon bureau et que des conseils sont donnés, ils ne seront peut-être pas transmis à l'autre parent. On reproche le comportement de l'enfant à l'autre parent. Par exemple, on dira que l'enfant a mal réagi le dimanche soir et le lundi, après telle ou telle chose.

Il faut aussi reconnaître et admettre l'influence de la violence, de la toxicomanie et des problèmes affectifs des parents sur l'enfant. Je rencontre des cas où cela se produit; il faut alors y faire face et dire qu'il faut trouver une solution.

Voilà le genre de choses que je vois dans mon cabinet.

La sénatrice Lucie Pépin: Combien de temps faut-il à l'enfant pour surmonter ces difficultés?

Dr William Mahoney: Dans bien des cas, cela se mesure en années plutôt qu'en mois ou qu'en semaines. Et il peut s'agir d'enfants tout à fait à la hauteur mais qui sont affectés à tel point qu'il leur faudra plusieurs années pour s'en remettre et assimiler dans leur esprit le fait qu'ils ne peuvent rien changer à la situation et qu'ils veulent maintenant passer à autre chose.

• 1700

Il y a autre chose. Si vous demandez à l'enfant: «Si tu avais trois voeux, qu'est-ce qu'ils seraient?» Comme clinicien, c'est une question que je pose aux enfants. Très souvent, ils me disent: «Je voudrais que papa et maman reviennent ensemble.» C'est très difficile, parce que c'est cela qu'ils veulent, mais ce n'est pas possible. Ils ont besoin d'aide pour passer par-dessus.

La sénatrice Lucie Pépin: Mais qu'arrive-t-il à l'enfant qui ne peut pas parler—l'enfant qui est trop jeune, de deux ou trois ans? Vous devez en voir dans votre pratique?

Dr William Mahoney: Oui.

La sénatrice Lucie Pépin: Quelles sont les difficultés dans leurs cas?

Dr William Mahoney: Eh bien, cela dépend pour beaucoup des problèmes du parent. Pour interpréter le comportement de l'enfant à cet âge, on observe ce comportement et on écoute les problèmes dont nous parle le parent. Si le parent dit: «Voici ce qui s'est produit; il faut travailler ensemble pour répondre aux besoins de l'enfant», on a alors affaire à des problèmes assez typiques. À l'inverse, s'il y a beaucoup de colère, d'antipathie ou de dépression chez le parent, on observe souvent des problèmes de comportement, et c'est la raison pour laquelle ils viennent me voir.

La sénatrice Lucie Pépin: Je pense qu'il faudra prendre une décision à propos de l'octroi de la garde au meilleur parent.

[Français]

Quels sont les points les plus importants sur lesquels on doit insister, que ce soit dans la médiation ou non, quand il s'agit de reconnaître qui est le meilleur parent lorsque l'enfant est trop jeune pour parler, disons lorsqu'il a moins de cinq ans? Ou pensez-vous plutôt que les enfants de 0 à 4 ans peuvent s'adapter assez facilement à une garde partagée?

[Traduction]

Dr William Mahoney: Quand vous dites «le meilleur», vous supposez un instrument de mesure. Or, il n'y a pas de bon instrument pour mesurer la qualité d'un parent. Nous recourons souvent aux valeurs des gens et nous affirmons implicitement que c'est la façon de mesurer ce qui fait un bon ou un mauvais parent.

Il n'y a pas d'instrument scientifique vraiment fiable pour le mesurer, et c'est pourquoi il faut utiliser d'autres mesures de la santé affective. Quels sont les éléments observables qui, nous le savons, influent sur la santé affective de l'enfant? C'est intéressant. Le revenu du parent est un facteur. Nous savons que le revenu familial est un facteur de santé et qu'en deçà d'un certain niveau, la santé de l'enfant en souffre. Les déménagements en sont un autre. Si l'on examine les prédicateurs d'un phénomène psychosocial négatif, l'un des plus fiable est le déménagement des parents.

La sénatrice Lucie Pépin: Le tempérament, avez-vous dit?

Dr William Mahoney: Non, les déménagements; le déplacement d'un endroit à l'autre.

La sénatrice Lucie Pépin: Bon, je vois.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Encore une fois, nous sommes à court de temps. Nous ne disposons que d'une demi-heure. Madame Finestone, peut-être voudrez-vous poser une question, suivie par M. Mayfield, qui veut en poser une.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je veux donc vous poser la question suivante. On estime souvent que le parent pauvre dans le développement de l'enfant c'est le père et qu'il faut à l'enfant autre chose que de l'argent—il a besoin de ses parents et de tous ses grands-parents. Cela étant, qu'est-ce que le père vous dit lorsqu'il va vous consulter?

Dr William Mahoney: C'est difficile parce que d'ordinaire, puisque je suis pédiatre, le père est là avec l'enfant.

Mme Sheila Finestone: Même l'enfant de 12 ans?

Dr William Mahoney: Je vois des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans.

Mme Sheila Finestone: Je vois. Très bien. Dans ce cas, ce que vous entendez nous intéresse.

Dr William Mahoney: D'ordinaire, le père accompagne l'enfant. Souvent il est là parce qu'ils ont des rapports qui sont assez bons. Le plus souvent, si les rapports entre eux ne sont pas bons, la garde a été confiée à la mère et c'est elle qui l'accompagne chez le pédiatre. Mon échantillon est donc biaisé.

Ce qui frustre le père, encore une fois, c'est l'absence de contrôle, les difficultés de communication—et cela est vrai de part et d'autre—lorsqu'il s'agit de s'entendre sur les règles, par exemple. C'est pourquoi j'insiste tant sur la cohérence; c'est important dans l'éducation de l'enfant. Voilà le genre d'éléments dont on sait qu'ils doivent être en place.

• 1705

Mme Sheila Finestone: J'aimerais poser une question supplémentaire. Avaient-ils un plan parental au moment de la séparation ou du divorce?

Monsieur le président, il est important de connaître les dispositions qui ont été prises lorsqu'il n'y a que la mère ou le père qui accompagne l'enfant chez le pédiatre et quelle est la nature de la communication, car nous sommes en présence d'un pédiatre... Cela montre assez bien le genre de problèmes qu'ils rencontrent quand ils n'ont pas de plan parental. Je suis seulement curieuse, si ça ne vous dérange pas.

Dr William Mahoney: D'habitude, les seules indications que nous avons sont ce que précise l'ordonnance du tribunal. Beaucoup de physiciens ne savent pas que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant a le droit d'être informé. Comme praticien, j'hésite à communiquer ces renseignements parce que cela doit habituellement se faire par téléphone, et je ne suis pas rémunéré pour cela.

Mme Sheila Finestone: Vous êtes président de la Société de pédiatrie...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: D'accord, je m'excuse.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Désolé. Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup, monsieur le président.

Docteur Mahoney, je serai bref. Vous avez parlé de défense de droits de l'enfant. Dans toute la dynamique qui existe entre deux personnes qui essaient de mettre fin à une relation tout en conservant des liens avec leur enfant, comment selon vous le défenseur des droits de l'enfant pourrait-il être choisi? Qui s'en chargerait? Qui choisirait ce défenseur?

Dr William Mahoney: Le défenseur doit être impartial et penser d'abord à l'enfant. Comment faire en sorte que ce soit le cas? Il faut d'abord s'assurer qu'il puisse être formé pour qu'il soit bien au courant des différents degrés de développement de l'enfant, ses besoins de base, que ce soit son centre d'intérêt, et qu'il puisse les interpréter objectivement. C'est son travail. La priorité c'est de s'occuper des besoins de l'enfant.

M. Philip Mayfield: Comment cela pourrait-il se faire? Chez un juge ou un travailleur social? Qui déciderait: Vous avez été formé, vous êtes le défenseur, c'est moi qui vous désigne? Qui ferait ce choix et comment...?

Dr William Mahoney: D'abord, les parents pourraient s'entendre sur ce choix.

M. Philip Mayfield: Oui. C'est une possibilité.

Dr William Mahoney: Si les parents ne s'entendent pas, cela devrait se faire par le système qui est en place. J'imagine que c'est le tribunal qui pourrait désigner le défenseur de l'enfant. Idéalement, par contre, en cas de séparation ou de divorce, la médiation est là pour aider les parents à tomber d'accord, parce qu'au bout du compte, c'est cela qui profite à l'enfant.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, docteur Mahoney. Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous remercier, et à remercier aussi la Société canadienne de pédiatrie de vous avoir permis de comparaître. Vous savez, un médecin siège au comité, et je dois dire que cela fait plaisir d'entendre une contre-expertise. Merci beaucoup.

Des voix: Oh, oh!

Mme Sheila Finestone: Monsieur le président, j'aimerais obtenir des renseignements de la Société canadienne de pédiatrie et des omnipraticiens. Je suggérerais que l'on envoie une lettre demandant quels renseignements ou lignes directrices sont donnés aux pédiatres et aux omnipraticiens en ce qui concerne les ordonnances judiciaires et le droit à l'information. Je voulais poser la question, mais j'ai manqué de temps. Je crois fermement qu'ils devraient savoir que ceux qui ont le droit d'être informés le sont effectivement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Si c'est une demande en bonne et due forme, je dois demander s'il y a consentement pour envoyer cette lettre. Y a-t-il consentement?

Des voix: Oui.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Dr William Mahoney: Puis-je répondre à cette question?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien sûr.

• 1710

Dr William Mahoney: Je peux vous donner une réponse à deux titres. D'abord, je suis le président du comité psychosocial de la Société canadienne de pédiatrie et notre mandat est de déterminer de quels renseignements les pédiatres et les omnipraticiens ont besoin au sujet de ces questions et de les leur communiquer. Si l'on constate un manque de connaissances sur le sujet, nous rédigerons un article qui sera publié dans une revue savante et qui sera donc à leur disposition. Elle est distribuée à tous les médecins qui s'occupent d'enfants au pays.

Il y a ensuite l'enseignement donné dans les facultés de médecine et dans les programmes de troisième cycle, ce dont je m'occupe aussi, pour veiller à ce que l'enseignement soit à jour et que les praticiens sachent bien quels principes ils doivent suivre lorsqu'ils traitent des enfants en bas âge.

Mme Sheila Finestone: Sauf que vous avez dit que beaucoup de médecins ne sont pas au courant de leurs droits, et c'est pourquoi un peu de recyclage s'impose.

Dr William Mahoney: C'est une autre partie de notre mandat.

Mme Sheila Finestone: Excellent.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Elle trouve toujours le moyen d'obtenir ce qu'elle veut!

Merci beaucoup.

Je vais maintenant inviter à comparaître MM. Rade, Bloom et Pierre Bougie.

Certains des témoins ont passé la journée ici et savent déjà comment nous procédons. Nous disposons d'une demi-heure, chers collègues et nous allons commencer par M. Bloom.

M. Robert Bloom (à titre personnel): Madame et monsieur les coprésidents, distingués membres du comité, je m'appelle Robert Bloom et j'habite à Kingston.

Le 20 novembre 1994, ma vie a basculé et mes cauchemars juridiques ont commencé. L'avocat de mon ex-épouse a obtenu contre moi une ordonnance d'interdiction de communiquer en invoquant comme motif que j'étais porté à la violence et que je constituais une menace pour mon ex-épouse et sa famille. Du coup, aux yeux de tous, j'ai été dépeint comme un homme violent résolu à nuire à mon ex-épouse et à mes enfants.

Lors de ma première rencontre avec mon avocat, l'avocat de mon ex-femme m'a demandé de renoncer par écrit à mes droits parentaux et à tous mes autres biens personnels acquis pendant le mariage, de quitter la province et de ne plus jamais essayer de communiquer avec les enfants. En échange, je devais recevoir 2 500 $ pour recommencer une nouvelle vie et il y avait une possibilité que j'aie à verser une pension alimentaire. Je devais également quitter la province.

J'ai refusé de me plier à cette demande. L'avocat de mon ex-femme m'a alors informé que des allégations très méchantes seraient faites à mon égard au tribunal si je ne signais pas l'entente. Les allégations ont été faites, mais elles n'étaient pas fondées.

En revenant chez moi après le travail un soir, j'ai trouvé un panneau «à vendre» sur la pelouse. Lorsque j'ai appelé l'agent immobilier, il m'a dit que le propriétaire avait mis la maison en vente et que je devais vider les lieux sur-le-champ ou alors je serais expulsé de force.

Le tribunal a ensuite été saisi de la question du foyer familial. À l'époque, le juge du tribunal de la famille m'a ordonné d'habiter dans la maison familiale jusqu'à ce qu'elle soit vendue. J'avais fait régulièrement l'objet de menaces et d'intimidation de la part de mes beaux-parents. Il me faudrait trop de temps pour raconter le cauchemar que je vivais alors.

Le tribunal a ensuite été saisi de la question des pensions alimentaires. L'avocat de mon ex-femme exigeait que je verse 1 500 $ par mois. Le juge m'a ordonné de verser 800 $ par mois à mon ex-femme. À l'heure actuelle, je paie 520 $ par mois, ce qui est très difficile. Après avoir remboursé mon hypothèque et payé d'autres frais courants, il ne reste pas grand-chose.

Je travaille actuellement dans quatre endroits différents et je loue une chambre de ma maison pour joindre les deux bouts. Je suis diabétique et j'ai parfois beaucoup de mal à acheter les biens essentiels dont j'ai besoin, y compris l'insuline.

J'ai l'obligation de subvenir aux besoins de mes fils, mais je pense que le système devrait être équitable et ne pas causer de telles difficultés à l'une des parties en cause.

Lors de ma première rencontre avec les responsables de l'exécution des ordonnances familiales, on m'a traité de père indigne sans aucune raison apparente, et on ne m'a pas expliqué pourquoi tout mon chèque de paie avait été confisqué. Il me restait très peu d'argent. Une fois tout réglé, je pense qu'il me restait 45 $. Comment peut-on vivre avec 45 $?

Puis mon ex-femme a déposé une attestation sous serment auprès des services d'exécution des ordonnances familiales en disant que je n'avais pas payé la pension alimentaire, et à nouveau on m'a confisqué mon chèque de paie. Je n'ai pas vu mes fils pendant six mois à l'époque.

Puis le droit de visite a été de nouveau accordé et tout allait bien jusqu'à ce que les questions de garde et de droit de visite reviennent sur le tapis. Encore une fois, je n'ai plus eu le droit de voir mes enfants, cette fois-ci pendant trois mois. C'était parce que j'avais refusé de signer l'entente précédente. À mon avis, ces demandes n'étaient pas dans l'intérêt supérieur de mes fils.

• 1715

Nous nous sommes de nouveau retrouvés devant le tribunal de la famille où nous avons négocié à nouveau mes droits de visite. J'ai quitté le tribunal avec une ordonnance en main. Ce n'était ni juste ni équitable, mais au moins il y était indiqué clairement quand je pouvais voir mes fils. Ce n'était pas bien, à mes yeux.

Depuis deux ans, je n'ai passé qu'une seule fois des vacances avec mes fils, car leur mère refuse de faire preuve de souplesse même avec un préavis écrit de 60 jours, ce qui est prévu dans l'ordonnance du tribunal. Je me suis fait refuser l'accès une quarantaine de fois. J'ai déposé de nombreuses plaintes auprès de la police, et tout ce qu'on me répond, c'est de prendre un avocat, de la traîner devant le tribunal de la famille et d'obtenir une nouvelle ordonnance. Les policiers ont refusé de porter des accusations auprès de mon ex-femme. Si c'était un homme qui agissait ainsi, la police n'hésiterait pas à l'accuser. À mon avis, il y a là deux poids, deux mesures.

J'ai déjà en main une ordonnance du tribunal qui précise clairement quand et pendant combien de temps je peux voir mes enfants. Pourquoi devrais-je dépenser encore de l'argent pour obtenir une autre ordonnance si je sais qu'elle ne sera pas respectée? La Loi sur le droit de la famille, sous sa forme actuelle, est à mon avis un moyen qui permet aux avocats de se livrer à des abus dans leur intérêt financier personnel.

Je n'ai pas vu mes fils avant le 19 mai dernier. C'était ma dernière visite. La fois précédente, c'était le 16 février, il y a environ 93 jours, et je ne sais pas quand je vais les revoir. J'ai l'intention de comparaître à nouveau devant le tribunal de la famille, mais cette fois-ci je me passerai d'avocat car je n'ai pas les moyens d'en payer un. Voilà donc où j'en suis.

Malheureusement, il arrive que les mariages se soldent par un échec et, en dernier ressort, nous devenons tous victimes du système juridique et des avocats qui prétendent défendre nos intérêts supérieurs. Il ne s'agit pas de savoir qui aura la garde des enfants mais comment un des parents s'appauvrira tandis que l'autre s'enrichira rapidement. J'ai l'impression que la loi du pays devrait tenir compte des opinions et des besoins de tous les intéressés, c'est-à-dire nos enfants.

Puis-je faire mes recommandations?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

M. Robert Bloom: Premièrement, on ne devrait pas confier la garde exclusive à un seul parent, il ne devrait y avoir que la garde conjointe, à moins qu'un des parents n'ait été reconnu coupable de mauvais traitements envers ses enfants ou qu'il y ait eu décès ou maladie grave. Les avocats devraient rendre compte de leurs actes, conformément au projet de loi S-4 de la sénatrice Cools.

Il ne devrait pas y avoir d'exigence relative à la résidence principale. Il faudrait que les deux parents soient responsables des soins et du bien-être des enfants. Les deux parents devraient participer à la pension alimentaire, quel que soit celui qui a la garde des enfants. Si une ordonnance de pension alimentaire est accordée, le parent qui a la garde devrait présenter des reçus pour l'achat des biens essentiels, comme l'alimentation, l'habillement et les loisirs.

Les pensions alimentaires pour enfants devraient être fonction du salaire net du parent et une fois toutes les déductions effectuées, et non du salaire annuel brut. Le montant des pensions alimentaires devrait être imposable. Le bénéficiaire devrait payer, c'est-à-dire les enfants. Cela donnerait plus d'argent aux enfants.

Il faudrait créer un organisme ou un système pour l'exécution des ordonnances rendues par le tribunal de la famille.

Je tiens à remercier le comité de m'avoir permis de présenter mon mémoire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Bloom.

Monsieur Bougie.

M. Pierre Bougie (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Pierre Bougie. J'ai 38 ans, je suis divorcé depuis environ 13 ans et je suis le père de trois enfants. Toutes nos histoires se ressemblent en général et je vais donc sauter quelques détails pour être aussi bref que possible.

Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître pour faire part de mes idées, préoccupations et même recommandations sur les questions importantes touchant le droit de visite et la garde des enfants.

Étant donné que l'issue des dispositions relatives au droit de visite et à la garde des enfants est d'une importance cruciale pour l'épanouissement psychologique et moral et le développement général des enfants en cause, je voudrais parler tout d'abord des questions relatives à la garde et ensuite, je ferai quelques remarques sur le droit de visite.

N'oublions pas que la plupart du temps, le parent qui n'a pas la garde des enfants perd souvent son droit d'exercer une influence sur l'éducation de l'enfant, par exemple en ce qui concerne la langue qu'il va apprendre en premier et l'école qu'il va fréquenter, surtout quand les deux parents parlent des langues différentes. Une fois les parents séparés, celui qui n'a pas la garde des enfants n'a pratiquement plus son mot à dire dans quoi que ce soit, ce qui me paraît très important.

Quant à la garde, je n'ai jamais pu donner une réponse exacte à l'un de mes enfants lorsqu'ils m'ont demandé qui décidait quel parent doit avoir la garde et pour quelle raison; pourquoi eux les enfants n'avaient pas le droit de décider ou de donner au moins leur avis et pourquoi la majorité de leurs amis vivaient toujours avec leur mère et jamais avec leur père.

Je ne sais pas si ces décisions se fondent uniquement sur l'expérience passée, mais nous approchons de l'an 2000 et la vie des gens a beaucoup changé. Il nous faut sans doute créer de nouveaux comités pour examiner ces questions sous un angle différent parce que les temps ont changé et que nous devons nous adapter.

• 1720

Permettez-moi de vous citer un bref exemple: il y a 13 ans, de nombreux avocats m'ont dit que je n'avais pas la moindre chance d'obtenir la garde de mes enfants puisque mon ex-femme et toute sa famille étaient des chrétiens reconvertis qui avaient beaucoup d'influence sur le plan religieux dans le diocèse. Pour cette raison, de toute évidence, mon ex-femme a obtenu la garde des enfants et j'ai été obligé de quitter le foyer familial. J'ai perdu la maison. Je suis parti avec ma vieille camionnette Volkswagen, une lampe en cuivre et mon chien, un point c'est tout.

Une annulation de mariage a également été accordée. Je ne sais pas pourquoi, puisque nous avions deux enfants. Je sais pourquoi maintenant: pour une question de responsabilité.

J'estime avoir été puni pour une rupture de mariage dont je suis prêt à assumer ma part de responsabilité, mais faut-il en déduire que parce qu'elle est devenue une chrétienne reconvertie, ma femme était plus compétente ou mieux placée pour élever notre enfant que moi, pour la simple raison que je n'affichais pas mes convictions religieuses comme le font ces personnes? J'ai peut-être ma façon de voir les choses et mes propres convictions. Ce n'est pas parce que je ne les affiche pas au grand jour que je ne suis pas aussi compétent ou que je n'ai pas autant de qualités de parent pour élever un enfant.

Néanmoins, en dernier ressort, j'ai été lésé de mon droit de participer pleinement à la vie quotidienne de mes enfants, à leurs joies et à leur bonheur, ainsi qu'aux bons et mauvais moments des meilleures années de leur vie, depuis l'époque des couches jusqu'à celle de l'adolescence.

Je crois en Dieu. Je pratique à ma façon. Je n'ai pas l'impression que l'on aurait dû invoquer la religion à l'époque pour rendre une décision contre moi relativement à la garde des enfants.

C'est pourquoi j'insiste sur le fait que les questions de garde sont extrêmement importantes au moment de la séparation et du divorce, et non un ou deux ans plus tard lorsque les querelles sont terminées. En fait, j'appuie sans réserve l'égalité et c'est pourquoi j'estime qu'elle doit se manifester à tous les niveaux de notre vie, pas simplement dans le domaine du travail, mais également dans celui du droit de la famille, surtout lorsqu'une séparation ou une rupture de mariage survient.

Tout cela est bien beau sur le plan juridique, mais n'oublions pas l'angoisse, la douleur et la frustration et les problèmes de santé, comme la dépression, que connaissent les parents qui n'ont pas la garde des enfants et qui font continuellement l'objet de mesures de contrôle et d'intimidation de la part du parent qui a la garde. Bon nombre des exemples cités par M. Bloom s'appliquent à ma situation personnelle, et il est donc inutile de les répéter.

Le bien-être de nos enfants exigent que nous nous attaquions à ce problème sur-le-champ, de manière équitable et en mettant davantage l'accent sur l'intérêt des enfants dans nos politiques et usages relatifs aux droits de la famille.

Pour résumer, je ferai une recommandation en ce qui a trait à la garde des enfants: il faudrait créer des comités spéciaux qui se pencheraient sur chaque cas individuellement. Je sais que c'est difficile, mais nous cherchons toujours des façons de créer de l'emploi. Pour des questions aussi importantes que le bien-être des enfants, les lois d'ensemble ou les formules générales ne sont pas une panacée. Il faut absolument examiner chaque cas individuellement.

De toute évidence, il faut renforcer les critères du mariage, de façon à justifier davantage les causes de séparation et de divorce. On pourrait imposer des conditions particulières avant d'accorder le divorce, notamment en ce qui a trait à la garde des enfants. En traitant chaque cas à part, on pourrait prendre des dispositions sur mesure, relativement à la garde des enfants, dans l'intérêt des parents et tout en tenant compte des besoins des enfants concernés, afin d'offrir à ces derniers les meilleures conditions possibles d'épanouissement et d'avenir, en dépit du comportement puéril de leurs parents au moment de la rupture du mariage.

En fixant un critère d'au moins un an de service de counselling régulier pour les deux parents et parfois même en présence des enfants, on pourrait en arriver à une solution plus juste et plus acceptable.

Ce n'est qu'une idée que je lance, mais on pourrait peut-être constituer un comité. Dès qu'un mariage commence à battre de l'aile ou que le couple envisage un divorce, toutes les personnes en cause pourraient s'inscrire auprès du comité. On pourrait alors participer à des consultations pendant un an, voire 18 mois, ou quelle que soit la période fixée par le comité. Le dossier serait examiné et analysé pendant toute l'année. Une fois qu'un délai suffisant se serait écoulé—la présence serait obligatoire—on pourrait alors et seulement alors prendre la décision en matière de garde des enfants et d'autres dispositions.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous presque terminé? Votre temps de parole est écoulé.

M. Pierre Bougie: Oui, presque. J'allais citer un autre exemple, mais je vais passer directement à ma conclusion.

Pour conclure, j'aimerais remercier le comité d'avoir pris le temps de m'écouter. Je sais qu'il existe une foule d'autres questions à l'étude, mais je compte également présenter une nouvelle demande pour comparaître au sujet des autres questions, notamment les nouvelles lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants. À ce sujet, je suis tout à fait d'accord avec M. Bloom.

Je vais déclarer pour la deuxième fois une faillite personnelle. Même si j'ai fait la preuve de difficultés excessives au tribunal, j'ai perdu ma cause. Je n'ai toujours pas vu mon fils. Cela fait trois ans et demi, et je n'ai pas encore vu mon fils une seule fois. J'ai encore perdu. Étant donné qu'elle a présenté la requête, je dois payer moi-même mon avocat pour ma défense. J'ai fini par devoir payer son avocat car la requête est venue d'elle. Je n'ai toujours pas vu mon fils depuis trois ans et demi.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

J'aimerais obtenir une précision. Vous avez dit que votre mariage avait été annulé. Est-ce en vertu du droit canon, du droit courant ou de la common law?

M. Pierre Bougie: Non, c'était un mariage chrétien.

• 1725

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Toutefois, l'annulation a été accordée par l'Église catholique?

M. Pierre Bougie: Oui.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Merci.

Monsieur Rade.

M. Joe Rade (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Au fait, bon après-midi à tous.

Je tiens tout d'abord à remercier les membres du comité et le président, monsieur Gallaway, de m'avoir permis de témoigner pour parler de la question cruciale du droit de visite et de la garde des enfants, question qui, à mon humble avis, a anéanti plus de vies et de relations parents-enfants que les pires épidémies qu'on puisse imaginer.

La Loi sur le divorce comporte plusieurs volets qui, à mon avis, exigent une refonte immédiate. Toutefois, étant donné le peu de temps dont je dispose, je ne parlerai que de l'aspect qui a influé sur la vie de milliers d'enfants et de parents, y compris malheureusement mon fils Michael âgé de sept ans et moi-même. Je veux parler du refus du droit de visite, lequel a atteint des proportions épidémiques.

Je vous demande de m'excuser si je vous parais un peu nerveux. C'est la première fois que je comparais devant des personnalités aussi éminentes.

J'ai assisté à de nombreuses audiences de votre comité ainsi qu'à celles sur le projet de loi C-41. J'ai siégé au conseil d'administration du Canadian Council for Co-parenting (Conseil canadien de l'éducation partagée des enfants). Je suis membre de la National Shared Parenting Association. Dernièrement, j'ai fait publier plusieurs lettres à ce sujet dans le Ottawa Citizen.

Avant toute chose, cependant, je suis un père de famille qui, grâce en grande partie au mythe voulant que «c'est la mère qui sait, c'est le père qui paie», n'a pas vu son enfant depuis près de sept mois.

En octobre 1997, je suis allé chercher mon enfant que j'avais le droit de voir un week-end sur deux en vertu d'une ordonnance du tribunal. Mon fils et sa mère étaient absents. Cela ne m'a pas surpris puisque la mère m'avait déjà informé, dans trois lettres précédentes, qu'elle ne respecterait pas l'ordonnance.

Mon avocat m'a conseillé de suivre la procédure normale en matière d'échange. Sinon, comme cela s'était déjà produit auparavant, la mère prétendrait que je n'avais pas exercé mon droit de visite. J'ai déposé un rapport auprès de la station locale de la Police provinciale de l'Ontario, laquelle m'a informé qu'elle ne pourrait pas faire exécuter l'ordonnance.

Par la suite, après avoir appris par le biais de mon avocat que la mère avait annulé tout droit de visite, de façon unilatérale et sans l'autorisation du tribunal, j'ai, sur la recommandation de mon avocat, proposé une motion pour outrage au tribunal, ce qui était la seule solution juridique possible pour moi à l'époque. Le juge qui présidait à l'audience a rejeté la motion, en invoquant entre autres choses, ce qui se fondait essentiellement sur des fausses allégations, que le procès nuit à l'enfant. En outre, le juge a annulé tout droit de visite et est allé jusqu'à prendre une mesure sans précédent, du moins dans les causes dont sont saisis les tribunaux provinciaux, en me demandant des dommages-intérêts pour avoir demandé qu'on rétablisse mon droit de visite.

Je vous pose la question: Qu'est-ce qui cloche dans tout cela? Jusqu'à aujourd'hui, je me bats encore pour récupérer mon droit de visite auprès de mon enfant.

Ce scénario est courant pour les parents qui n'ont pas la garde des enfants, la plupart du temps les pères de famille, comme vous le savez sans doute. L'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille a déclaré dans un rapport en 1992 que trois parents sur quatre, parmi ceux qui n'ont pas obtenu la garde, ont des problèmes pour exercer leur droit de visite auprès de leurs enfants. Cela sert-il l'intérêt supérieur des enfants? À mon humble avis, non.

Il est ressorti d'une enquête effectuée aux États-Unis par G. Walker en 1986, dont il fait état dans son livre intitulé Solomon's Children: Exploding the Myths of Divorce, que parmi les adultes dont les parents avaient divorcé à l'époque où les déclarants étaient encore mineurs, 42 p. 100 des mères ayant obtenu la garde avaient essayé d'empêcher leurs enfants de voir leur père. Une enquête semblable effectuée aux États-Unis en 1980 par Wallerstein et Kelly a révélé que près de la moitié des mères étaient pour l'interruption des droits de visite du père.

Le refus du droit de visite, à mon avis, est l'une des formes les plus préjudiciables de mauvais traitements des enfants. Oui, j'ai bien dit mauvais traitements des enfants. Même si la société et les tribunaux punissent la plupart du temps de façon très sévère, ce qui est normal à mon avis, les personnes qui se livrent à d'autres formes de mauvais traitements des enfants, ils punissent rarement, voire jamais, les parents ayant obtenu la garde lorsqu'ils se livrent à des actes illégaux et méprisables.

Sur ce, j'aimerais féliciter l'honorable juge Patrick Dunn, qui a dernièrement pris une mesure courageuse en se dissociant de la plupart de ses pairs et en condamnant une mère de Toronto à 60 jours de prison après qu'elle eut refusé à au moins 40 reprises à son ancien mari le droit de visite accordé par le tribunal.

On justifie la non-exécution des ordonnances attributives de droit de visite en disant que de telles interventions ne sont pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne saurais être plus d'accord avec cela. Toutefois, à un moment donné, le refus du droit d'accès d'un des parents va également à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant.

• 1730

Paradoxalement, mesdames et messieurs les membres du comité, les mêmes théoriciens qui avancent ce genre de principes ne voient aucune conséquence néfaste au fait que la police fasse exécuter les ordonnances de garde. Je n'arrive pas à comprendre ce principe de deux poids, deux mesures, si ce n'est pour dire que cela fait du tort à nos enfants et que c'est manifestement injuste pour les hommes.

Le refus du droit de visite du père a des effets catastrophiques et dévastateurs sur les enfants. Comme le prouvent de nombreuses études, les enfants concernés sont plus susceptibles d'avoir des problèmes affectifs et de comportement accrus, des problèmes d'apprentissage et des troubles du comportement, parmi bien d'autres problèmes. Des statistiques établies par une commission américaine sur les enfants résument clairement la situation: les familles gynoparentales, soit moins de 20 p. 100 de l'ensemble des familles, produisent plus de 80 p. 100 des jeunes criminels. Ces statistiques sont assez atterrantes, à mon avis.

Mesdames et messieurs, le moment est venu d'agir. Le refus du droit de visite est inacceptable, c'est aussi simple que cela. Cela ne sert en aucun cas—je le répète, en aucun cas—l'intérêt supérieur de l'enfant. Il faut y mettre un terme et ce, dans les plus brefs délais; autrement, nous en porterons tous le fardeau lorsque nos enfants seront devenus adultes.

Pour conclure, j'aimerais faire plusieurs recommandations.

Premièrement, les ordonnances attributives du droit de visite devraient être traitées comme toutes les autres ordonnances du tribunal, et donc assujetties aux mêmes mesures d'exécution. Il ne faudrait pas prévoir de dispositions particulières dans l'ordonnance de droit de visite pour obliger la police à l'exécuter, ce qui est le cas à l'heure actuelle.

Deuxièmement, les parents qui ont obtenu la garde et qui enfreignent délibérément et systématiquement les ordonnances de droit de visite devraient, après trois infractions, être passibles de peines d'emprisonnement. Cela réduirait considérablement le nombre de cas, à mon avis.

Troisièmement et pour terminer, lorsque le parent qui a obtenu la garde entrave continuellement et de façon évidente les rapports entre l'enfant et l'autre parent, la garde de l'enfant devrait être confiée à ce dernier.

Merci beaucoup de votre patience, mesdames et messieurs les membres du comité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Rade.

Nous avons quelques questions, et nous commencerons par M. Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir nous raconter leurs histoires, ce qui est utile à tous. Votre témoignage a été excellent. Il est peut-être un peu intimidant de venir ici prendre la parole devant autant de paires d'yeux qui vous fixent, et vous vous êtes très bien tirer d'affaire.

J'ai deux brèves questions à poser. Premièrement, les trois témoins ont été très clairs sur un point: il faut nous assurer que le parent qui n'a pas obtenu la garde ait le droit de visite et que celui-ci soit mis en vigueur. Toutefois, il est ressorti d'autres témoignages reçus par le comité que certains parents qui obtiennent le droit de visite ne l'exercent pas. Dans ces cas-là, que devrait-il se passer, à votre avis? Ce ne sont pas tous les pères qui, par exemple, prennent le temps d'aller voir leurs enfants. Que se passe-t-il dans ces cas-là? Avez-vous une idée des mesures qu'il faudrait prendre dans ces cas-là?

M. Joe Rade: À mon avis, ces cas-là sont en minorité. Je ne pense pas que ce soit juste, car nous savons tous qu'il existe de mauvaises personnes. Que ce soit des hommes ou des femmes, il y a toujours des gens qui ne s'intéressent pas à la vie de leurs enfants. Je trouve toujours injuste, en tant que parent n'ayant pas obtenu la garde, d'être mis dans le même panier que ces individus insensibles.

Dans mon cas personnel, je n'ai pas fait autant d'essais que mes amis ici présents, mais au cours des six derniers mois, j'ai comparu devant—je ne citerai pas le nom du juge—à six reprises pour récupérer mon droit de visite. Dans trois cas, le juge m'a imposé des dommages-intérêts pour avoir demandé qu'on rétablisse mon droit de visite.

M. Eric Lowther: Très bien, je comprends votre point de vue et je voudrais permettre aux deux autres témoins de répondre s'ils le désirent.

M. Pierre Bougie: Il existe déjà tout un système contre les fameux pères indignes qui ne versent pas la pension alimentaire pour leurs enfants et ne leur rendent pas visite. De toute évidence, leur permis de conduire est révoqué s'ils ne payent pas; ils finissent par se faire prendre. C'est au moins un début. Il ne faut pas s'en tenir là, il faudrait faire encore plus.

Quant à leur décision de voir ou non leurs enfants, je ne sais pas comment on pourrait y remédier. Le parent manque de toute évidence à son devoir d'une certaine façon s'il refuse de voir ses enfants. Il y a au moins déjà des choses qui se font, toutefois.

M. Eric Lowther: Monsieur Bloom, avez-vous une observation à faire?

M. Robert Bloom: Si un père ne veut pas voir son fils ou ses enfants, c'est lui le perdant. L'enfant est privé également de ne pas voir son parent, et il faudrait donc y remédier. L'enfant a le droit de voir ses deux parents et si l'un d'entre eux refuse de voir ses enfants, c'est qu'il adopte un comportement anormal et il faudrait faire quelque chose. Quoi, je n'en sais rien, mais c'est injuste pour l'enfant.

• 1735

M. Eric Lowther: Puis-je vous poser une deuxième brève question?

Monsieur Rade, vous nous avez fait certaines recommandations dans les cas où les droits de visite sont refusés. Vos suggestions n'étaient pas aussi claires à mes yeux que celles de M. Bloom ou de Pierre. Pourriez-vous tous trois nous dire clairement la solution que vous préconisez en cas de refus répété de droit de visite? Avez-vous une idée à ce sujet?

M. Robert Bloom: Un agent de la Police provinciale de l'Ontario m'a dit que si c'était un homme qui refusait à son ex-femme le droit de voir les enfants, il serait appréhendé et mis sous les verrous jusqu'à ce qu'il comparaisse devant un juge et que son cas soit réglé. Il devrait en aller de même pour une femme. Si elle refuse l'accès à l'autre parent, il ne devrait pas y avoir de différence entre hommes et femmes, le système devrait être équitable quel que soit le sexe du parent. Elle devrait être passible des mêmes sanctions qu'un homme. Elle devrait être incarcérée ou du moins perdre son droit de garde si c'est elle qui a obtenu la garde des enfants. Il ne faudrait pas faire de distinction entre les pères et les mères, comme c'est le cas à l'heure actuelle et les policiers vous le diront clairement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield: Merci, monsieur Gallaway.

Nous avons entendu parler de pères indignes, mais vous, monsieur Bloom, avez parlé d'un parent qui s'appauvrit tandis que l'autre s'enrichit rapidement; je crois que c'est l'expression que vous avez utilisée. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails à ce sujet. Vous semblez dire qu'il n'y a pas que la pension alimentaire des enfants qui est en cause. Ce n'était peut-être pas vous, mais vos collègues nous ont dit que les frais de tribunal des deux parents doivent être assumés par le parent qui n'a pas la garde des enfants. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire lorsque vous dites qu'un des parents s'enrichit aux dépens de l'autre?

M. Robert Bloom: Pour ma part, je gagne beaucoup moins que mon ex-femme et, en dépit de cela, je verse près de la moitié de la pension alimentaire destinée aux enfants. Je pense même qu'à un moment, je fournissais 40 p. 100 des revenus du ménage.

Je n'ai pas été en mesure d'amener mes enfants en vacances. Mon ex-femme elle cependant voyage souvent avec eux, et cela peut durer des semaines. Je n'ai pas les moyens d'avoir une belle et grande maison. Je vis au contraire dans quelque chose de très petit et de modeste. Je n'ai pas non plus les moyens de m'acheter ou même de louer une automobile impressionnante, et c'est d'ailleurs le cas de la plupart des parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants. Ils ont de très modestes voitures d'occasion. La plupart d'entre eux doivent avoir deux ou trois emplois tout simplement pour boucler leur budget, tandis que le parent ayant la garde et qui en outre reçoit une pension alimentaire, n'a habituellement pas ces contraintes.

Si je ne fais que mentionner la possibilité de retourner devant les tribunaux, je reçois instantanément un avis précisant qu'on va demander une pension plus généreuse. En règle générale, c'est ainsi. On est satisfait dès lors que le parent n'ayant pas la garde est maintenu dans une situation pécuniaire très difficile. On dirait qu'il n'y a jamais moyen de faire de progrès car l'autre partie a toujours une longueur d'avance sur nous. On semble stagner. On ne progresse pas, on n'obtient rien, on n'accomplit rien, et pendant ce temps l'autre parent accumule des richesses.

M. Pierre Bougie: Je peux vous donner un très bon exemple de cela. Lorsque ma cause était devant le tribunal, j'ai parlé de mon niveau de vie pour prouver que le mien était beaucoup plus faible que celui de mon ex-femme. Je vis en effet dans un très petit trois-pièces dans un sous-sol. J'ai aussi une autre fille de 15 ans qui vient me voir à toutes les deux fins de semaine. Elle fait presque six pieds de hauteur, et en dépit de cela elle doit coucher dans un lit de camp qu'il faut installer au milieu de la salle de séjour. Or, elle me demande toujours comment il se fait que sa mère peut l'amener faire des voyages et que moi je ne peux jamais lui acheter quoi que ce soit ou faire quoi que ce soit pour elle et ses frères et soeurs. Je comprends bien cela.

Aussi, les états financiers que fournissent la femme et le mari à leurs avocats ne sont jamais exacts. Ainsi par exemple j'ai parcouru les états financiers de mon ex-femme, et ils m'ont paru ridicules. Ils indiquaient qu'elle était endettée de 1 000 $ par mois. Elle avait donc manifestement besoin d'une pension alimentaire plus généreuse, tout au moins d'après ce document. Or deux semaines plus tard, elle s'installait ou était déjà installée dans un duplex de trois chambres à coucher. Elle a deux véhicules et vit dans un duplex de trois chambres à coucher seule avec son fils, et pendant ce temps je loge dans un appartement de sous-sol, deux des trois enfants qui devraient venir me voir le font lorsqu'ils le peuvent, et ils doivent dormir en plein milieu de la salle de séjour. J'ai prouvé qu'il y avait là difficultés excessives et j'ai quand même perdu ma cause.

• 1740

Une semaine plus tard, je me rends chez moi, et je vois que mon ex-femme possède un Bronco II, c'est-à-dire une belle petite camionnette, et une Honda Civic à quatre portes flambant neuve, que je n'avais jamais vue auparavant. Elle a aussi entre 3 000 $ et 7 000 $ en REER. Pendant ce temps-là, je suis à ce point endetté que je suis encore une fois au bord de la faillite.

M. Philip Mayfield: Je n'ai pas l'intention de vous poser d'autres questions de nature personnelle. Cela dit, est-ce que votre appauvrissement et les richesses dont votre femme dispose tiennent au fait que votre femme gagne davantage ou que sa famille à l'aise l'a soutenue, ou est-ce parce qu'on est allé chercher votre argent?

M. Pierre Bougie: C'est en partie à cause de cela. Pendant les premiers mois où je voyais mon enfant, il ne portait jamais de camisole, il portait toujours des guenilles. Pourtant, je versais des sommes considérables à mon ex-femme à tous les mois. Je lui ai d'ailleurs demandé ce qu'elle en faisait, et elle m'a répondu qu'elle les mettait de côté pour acheter des vêtements pour l'école et des choses de ce genre. J'ai donc acheté 12 camisoles pour mon fils. La fin de semaine suivante, je ne l'ai pas vu en porter une et je n'en ai jamais vu la couleur après non plus. Je ne sais donc pas.

M. Philip Mayfield: Dites-vous qu'il devrait y avoir vérification des comptes?

M. Pierre Bougie: Oui, des vérifications ou tout au moins, que le fardeau de la preuve ne retombe pas toujours sur l'homme lorsqu'il s'agit d'établir que le salaire est demeuré le même, mais qu'il tombe aussi sur la femme. Aussi, si l'enfant ne va plus en garderie, pourquoi faudrait-il encore payer pour ces services? C'est toujours à l'homme de prouver ce qu'il gagne ou ne gagne pas, tandis qu'on donne carte blanche à l'autre parent.

M. Philip Mayfield: Vous demandez donc qu'il y ait une vérification égale des comptes des deux parents.

M. Pierre Bougie: Oui, une vérification générale et de l'équité à l'endroit des deux parents, c'est tout.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Notre temps de parole est écoulé.

Monsieur Rade, vous vouliez donner le nom d'un juge. Vous avez tout à fait le droit de le faire ici. Nous nous demandons aussi de nous fournir le numéro de dossier et le titre du recours en justice, mais vous avez tout à fait le loisir de donner le nom d'un juge devant le comité.

M. Joe Rade: Eh bien, il s'agit de monsieur le juge Renaud, de la division de Cornwall.

J'aimerais préciser d'abord que je ne tiens pas à ce que cela aille trop loin car j'en suis à l'étape préparatoire au procès, et j'espère bien aller jusqu'au procès. Toutefois, monsieur le juge Renaud s'est saisi du dossier. Ainsi que je le disais auparavant, il a rejeté trois de mes requêtes de droit de visite, et m'a condamné aux dépens deux fois. La dernière fois que j'ai comparu devant lui, il m'a ordonné de payer une part de ces coûts, sans quoi je ne serais plus autorisé à prendre d'autres mesures en justice.

Si monsieur le président me le permet, j'aimerais lire une partie du procès-verbal de ma requête du 13 mai. Ce sera très bref. Il s'agit de mes arguments récapitulatifs adressés à monsieur le juge Renaud:

C'est tout, monsieur le président.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien, merci.

Je tiens à vous remercier tous au nom de tous les membres du comité, d'avoir bien voulu participer à ces audiences. Je me rends bien compte que vos témoignages représentaient votre vie personnelle dans ce qu'elle a de plus intime, et vous n'avez pourtant pas hésité à rendre tout cela public; nous vous en sommes donc reconnaissants ainsi que d'avoir participé aux travaux du comité. Merci beaucoup.

Le comité va prendre une pause de 15 minutes. Chers collègues, vous n'ignorez pas qu'il doit y avoir un vote à la Chambre. La sonnerie sera donc déclenchée à 18 h 30. Si notre témoin de 18 h 30 arrive, il se peut que nous commencions un peu en avance, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Le dîner est servi, nous allons donc faire la pause jusqu'à l'arrivée du prochain témoin.

• 1745




• 1819

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous reprenons nos travaux.

Monsieur Cheriton, la parole est à vous pour cinq minutes environ. Ensuite nous passerons aux questions.

M. Glen Cheriton (rédacteur en chef et recherchiste, FatherCraft Canada): Merci.

FatherCraft est avant tout un service de soutien s'adressant aux pères ainsi qu'un service d'édition. Nous existons depuis 1973, et ce sous diverses formes.

• 1820

Je tiens d'abord à remercier le comité de se pencher sur un sujet aussi important et parfois très épineux.

J'aimerais insister sur deux points. D'abord, le comité doit envisager toute cette question sous l'angle du besoin qu'ont les enfants de leur père. Cela me paraît particulièrement important après le divorce.

Après un divorce, dans la très grande majorité des cas, et ici je vais insister sur le fait que la situation s'aggrave plutôt qu'elle ne s'améliore, les enfants n'ont plus de pères pour s'occuper d'eux.

J'insisterai sur le fait que cela se passe ainsi en raison des idées tendancieuses qu'on observe dans le système de justice et dans les systèmes d'aide sociale. Il n'y a rien là de naturel, c'est plutôt le résultat créé de toutes pièces par ce préjugé systémique. Je vais d'ailleurs en donner des preuves.

J'ai une liste de recommandations à vous soumettre, mais je ne vais pas les parcourir. J'aimerais d'abord évoquer mon expérience. J'ai d'abord commencé par m'occuper des pères ayant la garde des enfants, donc des pères chefs de famille monoparentale. Ils représentent une proportion relativement faible de la population, et ils n'ont pas vraiment fait l'objet d'études. Toutefois, à écouter leurs témoignages franchement renversants, et là j'admets qu'il m'a fallu du temps pour reconnaître ce qui se passait, j'ai fini par décider d'effectuer les recherches moi-même afin de savoir ce qui se passait. Je me suis par la suite rendu compte que tout cela n'était que la partie émergée de l'iceberg.

Lorsqu'on se penche sur la situation des pères, il est très intéressant de comparer celle des pères chefs de famille monoparentale à celle des mères chefs de famille monoparentale. Or, selon une étude effectuée en 1994 par le ministère du Développement des ressources humaines et qui portait sur les politiques sociales, en dépit du soutien généreux offert aux mères monoparentales, malgré l'augmentation du revenu gagné des mères et des femmes, il y avait davantage d'enfants vivant dans la pauvreté dans des familles monoparentales dirigées par une femme que 10 ans auparavant.

Or on observait tout à fait le contraire chez les pères chefs de famille monoparentale. En effet, malgré la stagnation des salaires des hommes, de l'alourdissement des taxes et même parfois de la diminution de leur salaire, dans les familles ayant à leur tête un homme seul, les enfants se retrouvaient moins souvent sous le seuil de la pauvreté. En conséquence, en dépit de l'appui très modeste qu'on leur apporte et du peu d'attention qu'on accorde à ce rôle assez peu traditionnel, on peut dire que les pères seuls se tirent fort honorablement de leur situation.

Si on se reporte à l'étude chronologique actuelle portant sur les enfants et les familles émanant de Statistique Canada et du ministère du Développement des ressources humaines, on constate que les conditions économiques et les familles monoparentales ayant à leur tête un père se rapprochent tellement de celles des familles intactes, qu'on a tout simplement retranché des résultats les données qui s'y rapportaient. On a donc écarté la proportion des familles monoparentales connaissant le plus de succès et on ne l'étudie pas.

À ma connaissance, en vertu des politiques gouvernementales, on est censé effectuer une analyse selon les sexes, ce qui veut dire établir des liens entre les hommes et les femmes, et voir l'interaction entre les deux, mais dans les faits, on a délibérément éliminé ce sous-groupe en raison du succès qu'il a obtenu.

C'est tout à fait absurde. Si vous vous penchez sur les études effectuées aux États-Unis, ou n'importe où ailleurs au monde, vous y verrez que les familles monoparentales ayant à leur tête des pères seuls sont des exemples de succès étonnants.

Ici, j'aimerais proposer quelques explications de cela, car le problème est beaucoup plus vaste qu'on le pense. Dans le cas où c'est un homme qui est à la tête d'une famille monoparentale, lorsque l'enfant est en garderie, il est confié presque exclusivement à des femmes. Pendant les premières années d'école, il sera encore une fois presque uniquement formé par des femmes. En outre, le père seul est presque toujours entouré de ses soeurs, de sa mère, ou même d'une nouvelle femme ou d'une nouvelle compagne qui, toutes, participent aux fonctions parentales. L'enfant n'est donc pas privé d'un modèle féminin; en revanche, dans les familles monoparentales ayant une femme à leur tête, dans la plupart des cas, les hommes ne peuvent pas jouer leur rôle de parent auprès des enfants.

Il ne s'agit pas de prétendre que les pères chefs de famille monoparentale ont réponse à tout, mais il semble bien que dans l'état actuel de notre société, il devient presque impossible de remplacer le père une fois qu'il est parti. C'est pour cela qu'il est particulièrement important d'en parler par rapport à la garde et au droit de visite. Une fois qu'on a perdu le père, on n'a plus les ressources nécessaires pour le remplacer.

Au sujet des effets de ce préjugé systémique, je tenais à trouver des preuves solides.

• 1825

Justement, l'étude effectuée par Finnie, Strippinis et Gilliberti, du ministère de la Justice du Canada, et utilisant des données de 1991 établissait que dans 76 p. 100 des cas accordait la garde exclusive à la mère et dans 10 p. 100 des cas au père, et dans 11 p. 100 des cas, on accordait la garde partagée. D'ailleurs, cette étude a servi dans la cause Thibaudeau présentée devant la Cour suprême.

Au même moment, selon l'Institut Vanier de la famille, 22 p. 100 des familles monoparentales avaient un homme à leur tête. C'est étonnant. Ce qu'on remarque ici c'est que dans près de la moitié de ces cas, les pères se voyaient attribuer la garde des enfants après l'avoir perdue devant les tribunaux. C'était parce que la mère avait eu des difficultés, soit financières, soit d'autre nature, et avait donc remis les enfants au père, ou parce que les enfants étaient tellement difficiles au moment où ils abordaient l'adolescence, qu'ils tenaient à vivre avec leur père, ou encore pour d'autres motifs.

On peut donc conclure que dans un grand nombre de cas, les pères seuls prennent chez eux des enfants à problème et réussissent quand même à les éduquer aussi bien que dans les familles à deux parents. Cela m'a paru vraiment étonnant car presque sans exception tous les autres services qui essaient de venir en aide aux enfants en difficulté, qu'il s'agisse de foyers pour délinquants, de foyers d'accueil, ou d'autres services sociaux, malgré les sommes d'argent considérables dont ils disposent, sont très loin d'arriver aux mêmes résultats qu'un père de famille monoparentale. Ce dernier accueille un enfant perturbé au moment de l'adolescence et réussit tout de même à résoudre un bon nombre de ses problèmes.

Bien entendu, ces pères ne sont pas parfaits, mais là où je veux en venir, c'est qu'il faut tenir compte des raisons pour lesquelles les pères chefs de famille monoparentale obtiennent de si bons résultats car il ne faut pas se contenter d'étudier les problèmes, il faut aussi reconnaître les solutions. Or, bon nombre des problèmes découlent du fait que le père est exclu de la vie des enfants.

Je me suis penché sur toutes ces questions des pensions alimentaires. Là aussi on trouve un très bon exemple de système tendancieux. D'ailleurs, d'après le rapport Finnie et Strippinis, 91 p. 100 des mères qui avaient la garde exclusive des enfants avaient aussi bénéficié d'une ordonnance de pension alimentaire pour enfants tandis que seulement 30 p. 100 des pères seuls l'avaient eue. On peut donc dire que 70 p. 100 des pères ont obtenu la garde de leurs enfants parce qu'ils avaient renoncé à leur droit de recevoir une pension alimentaire.

Seuls 9 p. 100 des mères—chiffre qui correspond à la même proportion d'hommes dont le revenu leur permet d'exiger une pension alimentaire—ne reçoivent pas de pension alimentaire, selon les lignes directrices en la matière. Cette proportion n'est donc pas déraisonnable.

Si toutefois vous regardez ce qui se passe... On a adopté une loi comportant des lignes directrices en matière de pension alimentaire. Or, selon une étude effectuée à Edmonton et qui a été soumise au comité des pensions alimentaires, mais dont le nom m'échappe en ce moment...

La sénatrice Cools: L'étude du Dr Gardiner?

M. Glen Cheriton: Oui, c'est cela. Elle portait sur les droits de garde échelonnés sur six ans en Alberta. Pendant cette période, le docteur Gardiner a remarqué que la garde exclusive accordée au père a reculé, passant de 10 p. 100 à 4,5 p. 100. C'est une baisse énorme. Cela tient au fait que les juges ne veulent pas faire cela aux femmes, à savoir les obliger à assumer ces lourdes obligations de payer les pensions.

Les pensions alimentaires ont donc rendu encore plus tendancieux un système qui l'était déjà. Elles excluent encore davantage les pères. On ne rectifie donc pas le tir, bien au contraire, le système est de plus en plus défavorable au père.

Permettez-moi d'évoquer un autre cas. Récemment...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous arrivez à la fin de votre temps de parole, donc si vous...

M. Glen Cheriton: Je n'ai qu'une autre chose à ajouter après quoi je conclurai.

J'ai obtenu des données fiscales remontant en 1995, où l'on trouve une répartition des pensions alimentaires selon les niveaux de revenu et les provinces. Cela établit combien les parents non gardiens versent selon les divers niveaux de revenu.

On constate que le système judiciaire, en dessous d'un revenu de 10 000 $, traite avec autant de dureté les parents non gardiens, que ce soit le père ou la mère, mais que plus le revenu augmente, plus il y a un grand écart entre les pères et les mères, écart qui ne fait que se creuser davantage au fur et à mesure que croît le revenu. Entre 40 000 $ et 50 000 $, un père qui n'a pas la garde doit payer une pension alimentaire cinq fois supérieure à ce que paie une mère n'ayant pas la garde.

Cela pour vous montrer à quel point le système juridique est défavorable aux pères, ce qui a pour résultat de les exclure de la vie de leurs enfants.

Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Vous avez étudié les faits, et vous nous avez donné des informations intéressantes. Avez-vous pris ces données par écrit, et les avez-vous déposées auprès du comité en indiquant vos sources afin que nous puissions les consulter pour la rédaction de notre rapport?

• 1830

M. Glen Cheriton: Oui. J'ai présenté un mémoire que j'ai envoyé par télécopieur au comité, et je peux vous fournir la documentation à l'appui.

Pour la ventilation, je dispose ici des données complètes du ministère des Finances, que je ferai parvenir au comité.

Les autres données sur cette disparité proviennent en grande partie d'une étude, datant de mai 1992 et intitulée Access to Children Following Parental Relationship Breakdown in Alberta. Je peux vous fournir ces références.

M. Eric Lowther: Vous êtes-vous mis à la recherche de ces inégalités, ou bien est-ce en faisant vos recherches que vous les avez débusquées? Comment avez-vous procédé?

M. Glen Cheriton: Je me suis lancé là-dedans par incrédulité devant les récits que me faisaient certains pères. Je pensais pouvoir aisément réfuter leurs assertions, mais j'ai constaté exactement l'inverse, à savoir que la situation était bien pire qu'ils le disaient, et ne faisait qu'empirer.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins.

Je voudrais réitérer ce que j'ai souvent dit: l'étude mentionnée par M. Cheriton a été faite par le Dr Barry Gardiner pour—si je ne me trompe—la Cour du Banc de la Reine, ou pour l'un des principaux tribunaux de l'Alberta.

Je n'arrête pas de le répéter: nos attachés de recherche pourraient peut-être nous fournir des données sur lesquelles nous puissions travailler et pour cela examiner la transcription de l'étude, par le Comité sénatorial des affaires sociales, du projet de loi C-41 et de sa mise en application, et nous fournir le témoignage de M. Barry Gardiner, qui a préparé l'étude dont parlait M. Cheriton

Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

La sénatrice Anne Cools: Peut-être que les attachés de recherche feront quelque chose.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur Cheriton, vous disiez que les familles monoparentales qui ont à leur tête le père sont les plus efficaces. Dites-moi pourquoi, parce que c'est là une question qui nous intéresse vivement.

M. Glen Cheriton: Permettez-moi de faire ici une analogie: j'ai l'impression que les femmes, en politique, ont exercé sur les lois une influence tout à fait disproportionnée par rapport à leur nombre. C'est une tendance semblable que je constate dans la pratique de la paternité: les pères n'y constituent qu'un petit nombre, mais ils doivent franchir de multiples barrières. Ils sont donc là un groupe très particulier, avant tout.

Mme Finestone:

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Glen Cheriton: Non, ce ne sont pas des dieux, mais vous savez...

Cette situation est due partiellement au fait qu'il s'agit d'un groupe particulier, qui prend sa tâche très au sérieux et partiellement, je pense, leurs enfants savent qu'on ne les paie pas pour faire cela. Toute notre politique sociale semble insister sur le fait que la paternité ne se rétribue pas: les crédits d'impôt vont aux mères, et les enfants savent donc que les pères agissent uniquement par amour.

Un des problèmes qu'on a, sitôt que se présente une situation de garde et de droit de visite, c'est que les enfants commencent à poser des questions: Ma mère agit-elle de façon intéressée? Est-ce que mon père s'abstient de me voir parce qu'il ne veut pas avoir à faire ses paiements? L'image de la paternité comme de la maternité souffre quand on la rabaisse à des considérations pécuniaires.

Il faut envisager le rôle parental comme un devoir, qui vous permet de transmettre à vos enfants des valeurs. Les enfants disaient justement que quand ils étaient élevés par leur père celui-ci leur transmettait des valeurs, ils avaient l'impression que pour le père il ne s'agissait pas simplement d'un travail, mais d'une transmission de valeurs.

La sénatrice Lucie Pépin: Je ne vous comprends peut-être pas bien, et je veux bien que le père ait beaucoup de qualités, mais vous disiez, il me semble, qu'en tant que groupe les pères réussissaient mieux que les mères. Je ne vous suis pas bien quand vous affirmez que les enfants se sentent aimés par leur père; ils pensent également être aimés par leur mère, même si c'est le père qui verse une pension alimentaire.

M. Glen Cheriton: Il y a un fait remarquable à cet égard: ce psychiatre de Montréal affirme que l'une des différences entre les hommes et les femmes, en tant que parents, c'est qu'on entend souvent les mères se plaindre de ce que l'enfant grandisse trop. Les pères ne disent presque jamais cela, en tout cas ce psychiatre n'a jamais entendu un père se plaindre de cela.

• 1835

La différence, c'est que sitôt que les enfants atteignent un certain niveau—c'est du moins ce qu'il dit—ce que fait le père les intéresse de plus en plus. Je travaille souvent avec des hommes des minorités visibles, et les rôles sont assez clairement tracés entre hommes et femmes. Dans la plupart de ces communautés on reconnaît obscurément—comme d'ailleurs chez les Autochtones—qu'il arrive un moment où les enfants doivent se libérer en quelque sorte de la mère, et que le père les aide à s'ouvrir au monde. Au fur et à mesure que les enfants grandissent, s'ils ont été entièrement élevés par la mère, le besoin se fait sentir de changer le droit de garde et d'établir le lien avec l'autre parent, à savoir le père.

Je vous semble peut-être un peu mystérieuse, mais vous trouverez une bonne explication de ce phénomène dans les ouvrages de Guy Corneau, le psychiatre montréalais qui est l'auteur de Père absent, fils manqué. Il vous démontre ce phénomène bien mieux que je ne pourrais le faire.

La sénatrice Lucie Pépin: Il y a encore une autre explication que j'aimerais que vous nous donniez. Vous dites que les pères qui n'ont pas la garde payent une pension alimentaire plus élevée que ne le font les mères. Quelle en est la raison? Est-ce parce que les hommes généralement gagnent davantage? Pourriez-vous expliciter cette affirmation?

M. Glen Cheriton: C'était la première explication qu'on m'a donnée là-dessus. J'ai établi une ventilation, sur quatre ans, entre hommes et femmes et j'ai pu constater que ces différences, considérables, ne faisaient que s'accroître. Pour éliminer cette différence j'ai pu obtenir une ventilation selon le revenu et j'ai constaté une différence considérable entre la pension alimentaire versée par les femmes dont la tranche de revenu se situe entre 40 000 et 50 000 $ et la tranche d'hommes à revenu correspondant: avec le même revenu, en moyenne, l'homme paye une somme cinq fois plus élevée.

Je ne sais quelle autre explication trouver à ce fait, sinon qu'on peut en trouver l'origine à deux endroits, dont l'un est les ordonnances. D'après les données réunies par Finnie et Strippinis, il ressort clairement que les tribunaux ordonnent au père de verser comme pension alimentaire un pourcentage beaucoup plus élevé de son revenu. Cela n'explique toutefois pas toute la différence qui tient également—c'est l'une des raisons pour lesquelles je me suis intéressé à cette question—au fait que les pères ayant la garde de leurs enfants affirmaient que les organismes chargés de recueillir les pensions alimentaires ne mettaient tout simplement pas en vigueur les ordonnances et essayaient délibérément, en fait, de renverser la décision de garde. Si un père se plaignait de ne pas recevoir la pension alimentaire, on s'efforcerait de lui enlever cette garde.

La sénatrice Lucie Pépin: Je sais qu'au Québec, à l'heure actuelle...

M. Philip Mayfield: Je n'ai pas entendu d'où provenaient vos données. Pourriez-vous répéter le nom, s'il vous plaît?

M. Glen Cheriton: Il y a plusieurs sources. Il y a une étude effectuée par Justice Canada qui, sauf erreur, a été publiée en janvier 1995, et qui se fonde sur des données recueillies en 1991 par Finnie, Strippinis et Gilliberti.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Un instant, je vous prie.

[Traduction]

Au Québec à l'heure actuelle, il existe un système de barèmes, et le père ou la mère, en fonction de leurs revenus, sont au même niveau. Même si l'on est la mère, si on a un revenu, on paie un pourcentage et il en va de même pour le père. Ce système est en vigueur depuis un an ou deux et tout le monde est assujetti aux mêmes règles.

Je suis prête à me pencher sur la question, mais à vous écouter, et même si je suis toute prête à croire que les pères font leur part et sont d'excellents parents, etc., j'essaie de comprendre si vous ne manquez pas d'objectivité à l'égard de la mère. Je dis cela parce que vous avez dit que les familles monoparentales dirigées par le père sont plus efficaces que les familles gynoparentales, mais je n'en suis pas encore convaincue. Il me faut lire les études.

M. Glen Cheriton: Je ne dis pas qu'il faille... Je ne demande pas au comité de le croire. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas prendre de décision à ce sujet tant que le ministère du Développement des ressources humaines déclare, dans son étude longitudinale, qu'on ne tiendra pas compte de toutes les familles monoparentales dont le chef est un homme. Ce n'est pas ce que je veux dire. Cela paraît de toute façon absurde. C'est un peu comme si l'on disait que l'on va examiner les secteurs d'activité au Canada et que puisque l'informatique n'est pas très importante, on n'en tiendra pas compte dans nos calculs. C'est absurde.

• 1840

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone, vous avez la parole.

Mme Finestone: J'ai deux questions à poser. Tout d'abord, vous avez l'air de dire que les ordonnances de pension alimentaire sont étroitement liées à la garde des enfants et au droit de visite.

M. Glen Cheriton: Oui.

Mme Finestone: Si le projet de loi a été adopté en prévoyant des ordonnances de pension alimentaire distinctes des ordonnances de droit de visite et de garde des enfants, c'était pour s'assurer que l'on supprime l'un des obstacles qui nous empêchait d'accorder la plus haute priorité à l'intérêt supérieur de l'enfant. Vous avez l'air de dire que nous n'y sommes pas parvenus.

M. Glen Cheriton: C'est exact.

Mme Finestone: Merci.

Deuxièmement, vous n'avez pas parlé du problème de pouvoir voir ou ne pas voir vos enfants. Vous avez dit que les pères sont absents de la vie de leurs enfants dans la mesure où ils ont besoin d'eux. Est-ce exact?

M. Glen Cheriton: C'est exact.

Mme Finestone: Est-ce à cause des tribunaux, à cause des décisions des juges? Est-ce là qu'il y a une injustice?

M. Glen Cheriton: Je veux dire que bon nombre des problèmes sont dus au manque d'objectivité des tribunaux. Toutefois, il y a aussi beaucoup d'injustice dans les programmes d'aide à l'éducation des enfants actuellement en vigueur. Il existe énormément de mesures d'aide à l'intention des femmes. Par exemple, à Ottawa-Carleton, il existe un groupe de soutien en matière de droit de visite et de garde des enfants qui n'est réservé qu'aux femmes.

Mme Finestone: Rien n'empêche les hommes, comme nous pouvons le voir, de s'organiser également.

Toutefois, voici ma dernière question. Savez-vous que si le juge, en rendant une ordonnance attributive du droit de visite, signale dans sa décision que la police est autorisée à exécuter cette ordonnance, il est inutile de présenter une autre requête, il vous suffit de faire appliquer l'ordonnance par la police?

M. Glen Cheriton: J'ai l'impression que la police hésite beaucoup à faire appliquer les ordonnances relatives au droit de visite. Je crois savoir également que la GRC commence à refuser de prendre des mesures pour exécuter des ordonnances de garde ou de droit de visite dans les régions...

Mme Finestone: C'était les deux questions que je voulais poser, car il importe que nous nous penchions sur ces points. Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Mayfield, vous nous quittez?

M. Philip Mayfield: Je vais poser la question. Puis je devrai malheureusement vous quitter, à cause du vote.

Vous avez dit que, lorsque les pères ne font plus partie de la famille, il n'existe pas de ressources pour les remplacer. Parallèlement, vous avez dit que d'une façon disproportionnée, une partie du revenu des hommes est versée aux femmes seules qui ont obtenu la garde des enfants.

Auparavant, un témoin, un père qui n'est plus le chef de famille, a dit que, d'après son expérience, le système a pour effet d'appauvrir un parent tandis que l'autre s'enrichit rapidement. J'aimerais que vous précisiez pourquoi vous dites qu'il n'existe pas de ressources suffisantes alors qu'il y a apparemment plus de ressources qui sont versées...

Je ne sais pas si j'aurai le temps d'entendre votre réponse ou non; si je dois partir, ce n'est pas par manque d'intérêt.

M. Glen Cheriton: Dans mon mémoire, je fais une allusion intéressante à une étude effectuée aux États-Unis. Celle-ci portait sur le revenu que devraient obtenir les femmes pour élever leurs enfants—en étudiant divers indicateurs sociaux—de la même façon que si le père était encore là. L'étude a porté sur les familles monoparentales dont le chef était des femmes ou des hommes. Pour la famille dirigée par le père seul, il s'est avéré qu'il y avait une petite différence, de l'ordre de 6 000 $ pour les filles, mais aucune différence pour les garçons. Toutefois, si l'on considérait une famille gynoparentale qui élève un garçon, cette mère seule aurait eu besoin de 52 000 $ de plus en revenu supplémentaire pour élever son enfant dans les mêmes conditions que s'il était élevé par une famille complète.

Or, ces chiffres sont sidérants. Ils laissent entendre que la valeur de remplacement du père dans une famille complète, et la plupart des enfants sont élevés dans ce genre de famille au Canada... Je suis un père de famille qui est resté intacte. Je n'ai jamais versé de pension alimentaire ni reçu de tels versements. J'ai calculé le coût, la contribution que font les pères. En un mot, cela équivaut à un demi-billion de dollars par an. Voilà la valeur de remplacement des pères de famille.

Je ne pense pas que les gouvernements à tous les paliers disposent d'un demi-billon de dollars pour remplacer les pères. Je n'ai pas tenu compte des écarts sur le plan fiscal ou entre le dollar américain et le dollar canadien, mais ce montant devrait nous faire dresser les cheveux sur la tête.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Veuillez m'excuser, monsieur Cheriton, mais il nous faut suspendre la séance.

• 1845

La sénatrice Anne Cools: Nous sommes parfaitement d'accord avec vous sur ce point, madame la présidente, parce qu'il n'y a pas un seul député présent. C'est une chose. Deuxièmement, nous ne sommes pas six membres du comité présents et nous ne devons pas entendre de témoignages ou même siéger si nous n'avons pas un quorum de six personnes ou si aucun député des Communes n'est présent.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons simplement suspendre la séance jusqu'à leur retour.

• 1846




• 1921

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Encore cinq minutes.

Madame Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin: Je vais m'exprimer en français car cela m'est plus facile.

[Français]

J'aimerais revenir à votre affirmation selon laquelle les hommes sont des parents plus efficaces que les femmes. Je vais me faire un peu l'avocat du diable. Je me demande si leur succès n'est pas dû au fait que la majorité du temps, ces pères-là ont une conjointe ou une deuxième épouse qui fait fonctionner la maisonnée et qui les aide dans leur rôle de parent, ainsi qu'au fait qu'on les compare à des mères qui n'ont pas de conjoint ou de deuxième époux. Comme on le sait, il est plus difficile pour une mère avec des enfants de trouver un conjoint. Elle doit travailler à l'extérieur du domicile, faire le jogging entre les enfants, le travail et la garderie, tout cela avec un revenu moindre. Je voudrais savoir si cette étude a tenu compte de ces différences et comparé ces états de choses. Vous pouvez me répondre en anglais.

[Traduction]

M. Glen Cheriton: Merci.

Tout d'abord, les études dont j'ai parlé portaient sur des familles monoparentales dirigées par un père seul et non sur celles dont le père était remarié. Nous comparons donc des ménages dirigés par un père seul à des ménages dirigés par une mère seule, des familles monoparentales. Il est tout à fait vrai que les familles dirigées par un père seul ont beaucoup plus tendance à faire participer les femmes—la mère, la soeur, la nouvelle amie du père—à l'éducation des enfants. Je ne pense pas que nous devrions dire que du fait que la mère n'agit pas ainsi, quelle qu'en soit la raison... Je ne porte aucun jugement à l'égard de la mère, mais sa réussite lui revient de plein droit et s'il y parvient en faisant participer d'autres personnes à l'éducation de ses enfants, il nous faut néanmoins lui attribuer le mérite de cette réussite. Si elle le fait par...

La sénatrice Lucie Pépin: C'est parce que, à mon avis, la situation est un peu différente selon l'angle sous lequel on se place.

• 1925

M. Glen Cheriton: C'est vrai. Tout ce que je dis, c'est que c'est une chose, je pense que c'est là où je fais une distinction—si le père chef de famille monoparentale, sans qu'il en coûte quoi que ce soit à la société, au gouvernement, se fait aider par soeur, sa mère, une nouvelle amie, alors il faudrait lui accorder le crédit de ce succès, et on ne devrait pas se servir de cela pour...

La sénatrice Lucie Pépin: Nous devons cependant tenir compte du fait également que la mère très souvent ne peut pas trouver un petit ami parce qu'elle a les enfants et que ses revenus sont moins élevés. C'est tout. Je pense que nous devons garder les choses en perspective un peu.

M. Glen Cheriton: Je ne sais pas si le mandat de votre comité est de trouver des petits amis pour les mères chefs de famille monoparentale...

La sénatrice Lucie Pépin: Ce n'est pas du tout ce que je dis.

M. Glen Cheriton: Quoi qu'il en soit, je dis tout simplement que l'on semble dire qu'en fait les pères chefs de famille monoparentale qui, sans qu'il en coûte quoi que ce soit à la société, partagent leurs responsabilités parentales avec d'autres personnes...tandis que nous avons des mères qui reçoivent des montants énormes d'aide gouvernementale, des refuges pour femmes battues, des organisations parentales, et tout cela coûte énormément d'argent aux contribuables.

Il y a une étude qui a été faite par le Caledon Institute. Je crois que d'après les résultats de cette étude qui ont été publiés dans le numéro de janvier 1995 de la revue Châtelaine, les gouvernements à tous les paliers dépensent 6,1 milliards de dollars par an pour les mères seules. C'est un montant assez considérable. Ces femmes coûtent de l'argent pour les services de garde d'enfants et d'autres services de soutien qui sont la plupart financés à même les impôts du contribuable... Si un père réussit à faire un meilleur travail grâce à des services de soutien non financés par le contribuable, s'il réussit à obtenir par lui-même d'une façon non traditionnelle plutôt qu'en faisant appel à des services très coûteux, il faut lui en reconnaître le mérite.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: On parle de deux choses différentes. Soyons bien clairs. C'est bien beau de dire que les pères de famille n'utilisent pas l'argent du gouvernement alors que les épouses sont prises pour le faire, mais bien souvent, elles ont des raisons. Leur milieu est un peu différent et la famille est un peu différente. Les pères ont peut-être certains avantages que les femmes n'ont pas. Je n'ai rien contre ça, mais je veux simplement qu'on clarifie les choses.

Je voudrais savoir également si

[Traduction]

vous connaissez le pourcentage d'hommes qui veulent être le premier pourvoyeur de soins après le divorce. Avez-vous des statistiques à ce sujet?

M. Glen Cheriton: Je n'ai pas de chiffres à ce sujet. Je crois comprendre que dans son livre The Myth of Male Power, Warren Farrell publie des statistiques selon lesquelles entre 85 p. 100 et 90 p. 100—je devrai trouver le chiffre exact—des pères préféreraient être à la maison avec leurs enfants s'ils en avaient les moyens financièrement. Leroy Stone de Statistique Canada a fait une étude sur la participation des pères aux responsabilités parentales et aux soins de l'enfant dans une famille intacte. Cette étude révèle que dans environ 15 p. 100 des cas, les pères étaient en fait le parent qui s'occupait le plus des enfants et qu'en moyenne les pères dispensaient environ le tiers des soins aux enfants dans les familles intactes.

Ce qui m'inquiète, c'est le fait qu'après le divorce, le tribunal semble réduire cette participation de 15 p. 100 ou de 33 p. 100 des responsabilités parentales à 4 p. 100 ou 5 p. 100. Cela semble démontrer clairement que le système judiciaire introduit en fait un parti pris et perturbe ce que les mères et les pères considèrent comme étant une répartition idéale des tâches.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Est-ce que vous voulez dire qu'au moment du divorce, on ne tient pas compte du fait que des pères étaient le principal parent lorsqu'ils étaient mariés et on donne la garde des enfants aux mères?

[Traduction]

M. Glen Cheriton: Oui, je dis que dans un grand nombre de cas, les pères étaient le principal parent et les tribunaux accordent la garde des enfants aux mères parce que le système n'est pas impartial. J'aimerais souligner que l'étude Finnie-Strippinis révèle qu'en fait, les pères qui ont obtenu la garde, la garde exclusive de leurs enfants, avaient en fait un revenu considérablement plus élevé. Donc, en fait, on a peut-être l'impression que les pères ont toujours un revenu plus élevé et que de ce fait ils obtiennent la garde de leurs enfants, mais cela est faux. Tout indique que c'est en fait tout à fait le contraire, du moins dans l'étude Finnie: ce revenu élevé signifie en fait qu'il perd la garde de ses enfants.

• 1930

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Puis-je passer à la sénatrice Cohen, s'il vous plaît?

La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Merci.

Monsieur Cheriton, au cours de nos audiences que nous tenons depuis ces derniers mois, nous avons entendu de nombreux témoignages émouvants de pères et ces derniers ont fait des observations hostiles au sujet de toute la situation concernant la garde des enfants et des droits de visite. Nous sommes d'avis que les pères comptent et que dans l'intérêt de l'enfant ce dernier devrait avoir des contacts avec les deux parents. Comme un témoin l'a dit, ce n'est pas parce que papa et maman ne s'aiment plus que l'enfant ne peut plus aimer papa et maman.

Par ailleurs, nous avons entendu de nombreuses allégations au sujet de la partialité des programmes à l'égard des femmes et au sujet des dépenses gouvernementales pour les programmes de promotion de la femme, les programmes de recherche et les groupes de soutien pour les femmes, et on nous a dit qu'aucun crédit n'était consacré à la recherche, etc., pour les pères. Nous avons posé des questions et, en fait, il n'existe pas beaucoup de statistiques.

J'ai remarqué dans vos recommandations—et, en passant, bon nombre de vos recommandations ne sont pas tellement différentes des nôtres—à la recommandation 9 vous dites:

Je voulais tout simplement dire, en raison des points d'interrogation, en raison des préoccupations qu'un si grand nombre de témoins nous ont exprimé, et parce que nous n'avons pas les faits dans tous les cas pour étayer bon nombre des préoccupations, que notre comité devrait peut-être envisager une telle recommandation pour être juste et équitable à l'égard des deux parents. Je voulais tout simplement vous faire part de ce commentaire et vous demander ce que vous en pensez.

M. Glen Cheriton: Oui, je pense que c'est une idée merveilleuse.

Une chose sur laquelle j'ai de l'information, c'est qu'il y a eu un certain nombre de conférences internationales vraiment intéressantes sur le rôle du père. En fait, les Nations Unies en ont parrainé deux. Le Canada n'a participé à aucune de ces deux conférences. Il n'y avait pas un seul représentant du Canada. À ma connaissance, c'est le seul domaine où il est question de la famille et du rôle parental où le Canada brille par son absence.

Il y a une autre question que j'aimerais porter à votre attention. Le Jour du Souvenir, au cours des cérémonies, on a la mère de la Croix d'argent, mais il n'y a jamais eu un père de la Croix d'argent. Je pense que nous devons avoir quelque chose qui a non seulement une valeur pratique sur le plan de la recherche, mais aussi une valeur symbolique pour montrer que le gouvernement apprécie les pères.

La sénatrice Erminie Cohen: Est-ce que ce n'est pas parce qu'un si grand nombre de pères de la Croix d'argent sont morts sur le champ de bataille, car à l'époque il n'était pas courant que les femmes fassent partie des Forces armées? Nous reconnaissons donc la femme qui a perdu son conjoint, son fils ou son frère.

M. Glen Cheriton: Oui, quoique de façon générale... Écoutez, une mère qui est décorée de la Croix d'argent est la mère de quelqu'un qui est mort sur le champ de bataille. Il ne faut pas oublier cependant qu'en fait chaque enfant, chaque personne qui a donné sa vie pour le Canada a en fait un père et une mère. Ce que nous disons en fait, c'est que seule la mère a perdu son enfant, non pas le père. Le fait que nous n'ayons jamais décoré un père de la Croix d'argent signifie que les pères ne sont pas considérés comme faisant partie de la famille, et c'est la même chose en ce qui concerne la Loi de l'impôt sur le revenu, dans laquelle on dit spécifiquement que le crédit d'impôt pour enfants va à la mère.

Nous devons faire quelque chose sur le plan pratique. Je pense que nous devons également faire quelque chose pour montrer aux hommes qu'ils sont appréciés comme parent.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, aviez-vous une question à lui poser aux fins du compte rendu?

La sénatrice Anne Cools: Je voulais lui poser une question, et cela fait déjà un bon moment. Je voulais demander un éclaircissement, mais la sénatrice Pépin me dit que ce point a déjà été éclairci. Il s'agit de l'utilisation du terme «mère ou père seul», «single». Le terme «single» signifie célibataire, quelqu'un qui n'a jamais été marié. Une personne qui était mariée et qui est divorcée n'est pas célibataire, et cela porte à confusion. Quoi qu'il en soit, la sénatrice Pépin me dit que cela ne lui pose pas de problème.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.

Monsieur Szabo, nous avons déjà beaucoup de retard, mais vouliez-vous poser une petite question? Soyez bref, car autrement nous ne pourrons jamais entrer chez nous, et nous avons encore un autre groupe à entendre.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je comprends. J'ai une toute petite question.

À mon avis, votre témoignage donne l'impression que vous opposez les hommes aux femmes. Je ne sais pas si vous vous rendez compte que c'est l'impression que vous nous avez donnée. Je pense que la sénatrice Pépin demandait si les hommes étaient mieux que les femmes... J'ai l'impression que les membres du comité et peut-être le public en général ne veulent pas opposer les hommes aux femmes et veulent plutôt tenter de régler ces questions de façon plus humaine et de faire ce qui est bien pour les enfants.

• 1935

Je voudrais vous demander de faire quelques commentaires sur ce que je viens de dire.

M. Glen Cheriton: Je vais certainement tenter d'être bref.

Mon intention n'est pas d'opposer les hommes aux femmes. En fait, je pense qu'une bonne partie de mon travail consiste justement à réconcilier les hommes et les femmes, à faire en sorte qu'ils travaillent ensemble. Je constate qu'une bonne partie du travail que je fais pour appuyer les pères seuls reçoit un excellent appui des femmes. De nombreux cas me sont recommandés par des femmes. Je fais certainement une bonne partie de ce travail pour honorer ce que m'ont appris ma femme et ma mère au sujet des responsabilités parentales. J'ai également trois soeurs. Si c'est l'impression que j'ai donnée, ce n'était certainement pas mon intention.

Je pense que le système manque d'impartialité, et ce n'est pas une attaque contre les femmes. Le manque d'impartialité du système nuit aux femmes autant qu'aux hommes et cela nuit certainement encore davantage aux enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, monsieur Cheriton.

Nos trois derniers témoins aujourd'hui sont M. Brian Blak, M. Allen Crawford et M. Marc Wickham.

Monsieur Crawford, vous pouvez commencer. Vous avez cinq minutes, puisqu'il ne nous reste qu'une demi-heure.

M. Allen Crawford (témoignage à titre personnel): Oui, je comprends. Merci beaucoup, madame la présidente.

Je suis personnellement très heureux de l'existence de votre comité et j'ai beaucoup de respect pour vos objectifs. Je ne suis pas ici pour représenter les mères ou les pères; je suis ici pour représenter les enfants.

Le travail que fait votre comité aura un impact positif énorme sur la vie d'un grand nombre de jeunes Canadiens et cela est très louable. Trop souvent, le divorce ou la désintégration de la famille est tout à fait désastreux pour les enfants. Pourquoi? Comment pouvons-nous empêcher que ce soit le cas? C'est cette question qui m'a surtout préoccupé et qui continue de me préoccuper, et c'est ce dont j'aimerais vous parler aujourd'hui.

Je ne suis pas un expert en la matière, mais j'ai une expérience de première main avec le divorce, tant comme enfant dont les parents ont divorcé qu'en tant que père divorcé. Malheureusement, dans les deux cas, le divorce a eu un impact extrêmement négatif sur ma vie et la vie de mes enfants.

Il est trop tard pour que votre comité annule ou atténue les dommages causés à mes enfants. Cependant, j'exhorte votre comité à n'utiliser qu'un critère pour déterminer chacune de ses recommandations et pour tout le rapport: est-ce que cela va réduire au minimum la possibilité de dommages aux enfants du mariage? Lorsque je parle de mariage, je veux parler à la fois du mariage au sens légal et de l'union de fait.

Pourquoi faut-il que les enfants souffrent à ce point du divorce de leurs parents? Après avoir essayé de trouver réponse à cette question, j'ai conclu que la seule vraie raison était l'égoïsme de l'un ou des deux parents. Il suffit en réalité qu'un seul parent soit égoïste. La souffrance psychologique et le traumatisme d'un partenaire lorsque le mariage éclate empêche ce partenaire de garder une attitude responsable et raisonnée face aux responsabilités parentales. L'objectif de ce partenaire est de se justifier et l'arme la plus forte dont il dispose pour le faire est l'enfant.

Le processus de divorce au Canada est certainement à blâmer en partie également. Le système judiciaire tel qu'il existe à l'heure actuelle encourage considérablement les parents, tant sur le plan financier qu'émotionnel, à se servir des enfants comme monnaie d'échange. J'ai essayé de comprendre comment la société peut précipiter les parents dans un système accusatoire et s'attendre à ce que ces derniers en ressortent comme des partenaires dont l'objectif est d'élever mutuellement des enfants sains et en santé. Par conséquent, il me semble que notre gouvernement a la responsabilité, envers la société et envers les enfants canadiens, de changer ce paradigme. Un changement de paradigme est ce qui m'amène devant votre comité aujourd'hui.

Les travaux que j'ai faits dans le cadre de mon cours universitaire m'ont appris que plus il y avait de certitude dans la vie d'une personne, moins il y avait de stress et moins il y avait de possibilités de conflits. Par conséquent, mes recommandations, si on me donne l'occasion de les lire aux fins du compte rendu, visent surtout à apporter des éléments de cette certitude à la famille après le divorce. Si votre comité réussit à établir un cadre pour une série de conditions prédéfinies en cas de divorce visant à protéger les enfants, je crois qu'il y aura moins de possibilités de conflits entre les partenaires et que les enfants en profiteront énormément.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter et je prie pour que vos travaux transforment avec succès la société canadienne et améliorent la vie de millions de nos enfants.

• 1940

Maintenant, si vous me le permettez, j'aimerais vous lire mes recommandations.

a) La garde conjointe est automatiquement accordée aux deux parents.

b) La garde exclusive ne sera accordée que si l'une ou les deux conditions suivantes sont remplies: il a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que l'autre parent est coupable de violence physique, psychologique ou émotionnelle; ou lorsqu'un parent renonce volontairement à la garde.

c) Lorsque cela est possible, deux résidences seront établies pour l'enfant. Cela aidera à égaliser le temps que chaque parent passe avec l'enfant.

d) La pension alimentaire pour enfants devrait être ajustée afin de tenir compte du temps passé avec chaque parent. Cela encouragera chaque parent à passer le plus de temps possible avec son enfant. En d'autres termes, le fait de passer du temps avec les enfants est avantageux sur le plan financier, non pas le contraire.

e) Le counselling familial devrait être automatiquement ordonné par le tribunal de la famille pour les familles qui éclatent et qui ont des enfants de plus de 12 ans qui fréquentent toujours à plein temps un établissement d'enseignement. Si la famille n'arrive pas à s'entendre à l'unanimité au sujet du conseiller, le tribunal doit nommer un conseiller. Le counselling familial se poursuit aussi longtemps que le conseiller le recommande. Le coût du counselling sera partagé également entre les deux parents.

f) Les enfants de plus de 12 ans qui souhaitent changer de domicile devraient être tenus d'assister à des séances de counselling familial dans les mêmes conditions que ci-dessus.

g) Si un enfant n'assiste pas aux séances de counselling familial, la pension alimentaire sera réduite. On doit éliminer les incitatifs financiers qui empêchent les enfants d'acquérir de la maturité.

h) Un parent qui n'assiste pas aux séances de counselling familial cessera de recevoir la pension alimentaire pour enfants et risque de perdre sa garde de l'enfant et ses droits de visite.

i) Les enfants de plus de 12 ans qui fréquentent un établissement d'enseignement à plein temps devront maintenir des rapports égaux avec les deux parents. Lorsqu'un enfant ne maintient pas des rapports égaux, il est alors tenu d'assister régulièrement à des séances de counselling familial.

j) Pour qu'il continue à être considéré comme un enfant du mariage, l'enfant doit respecter toutes les conditions suivantes. Il doit continuer à fréquenter un établissement d'enseignement à plein temps. Il doit continuer à maintenir des rapports avec les deux parents. Il doit résider avec au moins un des deux parents.

k) Les enfants qui ne respectent pas toutes les conditions ci-dessus peuvent continuer à être considérés comme des enfants du mariage pourvu qu'ils respectent toutes les conditions suivantes: l'enfant souffre d'une affection physique ou psychologique ou les deux qui, de l'avis du médecin traitant, empêche l'enfant d'être responsable de lui-même; l'enfant reçoit des soins réguliers continus pour traiter cette affection physique ou psychologique; l'enfant doit continuer de fréquenter un établissement d'enseignement, du moins à plein temps; l'enfant doit continuer de maintenir un rapport avec les deux parents; l'enfant doit résider avec au moins un des deux parents.

l) Le tribunal peut exiger que les parents d'un enfant, peu importe l'âge de l'enfant, assiste à des séances de counselling familial à la demande de l'autre parent. Ces séances de counselling se poursuivent jusqu'à ce que le conseiller juge qu'un parent n'a plus besoin de counselling. Si un parent n'assiste pas à ces séances, il perd la pension alimentaire pour enfants ou ses droits de visite ou les deux.

(m), Si un conseiller détermine que le parent qui reçoit une pension alimentaire pour enfant est coupable de violence physique émotionnelle ou psychologique à l'égard de l'enfant, le tribunal peut réduire la pension alimentaire pour enfant.

(n), À la demande de l'un ou l'autre parent ou à la suite de l'ordonnance d'un tribunal, le tribunal de la famille nomme et entend une personne qui représentera l'enfant de façon indépendante, responsable et impartiale. Le coût de la représentation sera partagé également entre les deux parents.

(o), Aucun juge n'est nommé au tribunal de la famille et ne peut rendre de jugement dans le cadre du droit de la famille sans avoir d'abord terminé au moins un niveau minimum d'études dans le domaine de la famille et de la psychologie de l'enfant.

Encore une fois, merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Blak.

M. Brian Blak (témoignage à titre individuel): Bonsoir. J'aimerais remercier tout le monde de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole. Je suis très nerveux. Je suis certain que cela est évident. Je vais essayer d'être aussi bref que possible.

J'ai déjà été fier d'être Canadien, comme la plupart des citoyens de ce pays. Je n'aurais jamais vraiment pu dire pourquoi j'aimais autant mon pays ni dire exactement en quoi consistait cette insaisissable identité canadienne. Je savais tout simplement que c'était ici qu'il faisait bon vivre et que c'était le meilleur pays au monde.

Tout cela a changé pour moi maintenant. Aujourd'hui, j'ai honte d'être citoyen canadien. J'en ai assez du manque de leadership et de bon sens dans ce pays. J'ai ce sentiment parce que le système s'est effondré et que ce n'est pas beau à voir. Il ne semble pas y avoir beaucoup d'espoir pour l'avenir. J'ai ce sentiment parce que mes deux merveilleuses filles, Sabina et Emily, ne peuvent plus voir leur père.

Pourquoi? Il doit y avoir une raison, un secret mystérieux. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de secret. Il n'y a pas vraiment de raison. L'explication se trouve en fait dans le système, dans les politiques et les pratiques officielles et non officielles du système judiciaire, la Loi sur le divorce, le projet de loi C-41 et ses lignes directrices, le milieu juridique et les professionnels de l'évaluation en matière de garde. Tous ces représentants ont un principal défaut aveuglant: ils causent un tort irréparable à des milliers d'enfants qu'ils prétendent aider d'une voix stridente.

Comment est-ce possible? Cela est possible lorsque le tribunal de divorce oblige les pères à prouver leur valeur en tant que parents généreux et bons, à prouver à l'État qu'ils peuvent élever leurs enfants d'une façon qui est acceptable pour l'État, alors que les juges ne prennent même pas le temps de lire les rapports d'évaluation en matière de garde. C'est quelque chose que j'aimerais souligner: les pratiques d'évaluation en matière de garde dans l'industrie du divorce. Ce ne sont que quelques-unes des dures réalités prédominantes dans le système.

• 1945

Le manque d'impartialité de ces rapports est tout à fait honteux. Lorsque je peux dire devant vous aujourd'hui que l'on présente dans ces rapports d'évaluation comme étant un fait accompli qu'un père est coupable de violence à l'égard de son enfant et de sa conjointe alors qu'il n'y a aucune preuve, qu'est-ce que l'on peut faire?

Lorsque les juges approuvent les rapports des travailleurs sociaux sans les avoir lus, et qu'ils ne tiennent même pas compte des rapports des psychologues et des psychiatres, cela est injuste. C'est une forme de misandrie.

Moi-même, je n'ai jamais eu de père, et je ne cherche pas à attirer la pitié pour cela. C'était une dure réalité de mon enfance. Mais j'ai eu la chance d'avoir une mère qui m'aimait et qui s'est bien occupé de moi, de mes frères et de ma soeur. Nous étions pauvres et nous avons été élevés grâce à l'aide sociale, mais ma mère nous a tous très bien élevés. Lentement mais sûrement, j'ai réussi à sortir de la pauvreté. Je suis allé au collège et j'ai obtenu un diplôme, j'ai commencé une carrière et j'ai profité des résultats de cet effort et je les ai partagés. J'ai rencontré une femme et nous nous sommes mariés. Nous avons planifié la naissance de nos enfants, nous avons acheté une maison et tout allait très bien en apparence, sauf que ce n'était pas vraiment le cas. Il se trouve que nous n'étions pas faits l'un pour l'autre et que c'était un mauvais mariage.

Je ne prétends pas ne pas avoir eu ma part de blâme pour l'effondrement de notre mariage. Je n'étais pas parfait. Nous n'étions ni l'un ni l'autre parfaits.

J'ai fait tout ce que la société me demandait de faire et s'attendait à ce que je fasse, pourtant j'en suis là. Quel crime ai-je commis? Je travaille fort. Je n'arrivais pas à la maison tard le soir après être passé au pub local. Je rentrais vite à la maison pour être avec mes enfants. J'ai changé un millier de couches, fait des milliers de fois la lessive, préparé plus que quelques repas et je ne compte pas les heures que j'ai passées avec mes filles. L'époque où je passais du temps avec mes filles est révolue, et nous voulons qu'elle revienne.

Je ne suis pas le seul dans cette situation. Je sais d'après les procès-verbaux de votre comité que d'autres ont été victimes de fausses accusations et qu'ils ont tenté de réparer cette injustice.

Les mauvais mariages prennent fin et la vie continue. Nos enfants ne devraient pas en faire les frais et voir réduites les heures qu'ils passent avec leur père. Le père est vital pour les enfants et pour la société et les enfants ne devraient pas être punis ni utilisés comme otage par un parent pour se venger de l'autre. Le coût en est trop élevé pour nous tous.

Aujourd'hui, je souffre quotidiennement parce que mes enfants me manquent. Chaque jour, je vis dans la peur qu'une vérification de ma boîte aux lettres m'amènera de nouveau devant le tribunal, apportera une autre évaluation ou une autre fausse accusation.

Je souhaite ravoir ce que j'ai toujours voulu et ce que j'ai déjà eu: être un père actif qui participe à l'éducation de mes enfants que j'aime et je souhaite que le gouvernement de notre pays et ses laquais cessent d'inventer et de se prévaloir de politiques qui disloquent au-delà de toute raison dans la vie de ses citoyens.

Je veux vivre dans le Canada que je connaissais, un endroit où une personne est réellement innocente jusqu'à ce qu'elle soit trouvée coupable, un endroit où tout le monde est vraiment traité de façon égale par la loi, un endroit dont je peux être fier de parler à mes enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, monsieur Blak.

Monsieur Wickham.

M. Marc Wickham (témoignage à titre individuel): J'aimerais remercier le comité de me permettre de venir lui faire part de mon expérience du processus de divorce, particulièrement en ce qui concerne la garde et le droit de visite, afin que vous puissiez mieux comprendre les problèmes, l'iniquité et l'injustice du système actuel en matière de droit de la famille.

Étant donné le peu de temps dont je dispose, je me suis demandé quelle était la meilleure façon pour moi de vous présenter les principaux points que je désire faire ressortir concernant cette question qui est très complexe et importante, et j'ai décidé tout simplement de vous faire part de mon expérience personnelle.

J'ai 36 ans et je suis le père non gardien d'une fillette de sept ans. Je me suis remarié et j'ai un excellent rapport avec ma femme, avec ma mère et avec d'autres femmes, et j'ai deux autres enfants issus de mon second mariage. Je me considère comme étant une personne honnête, bien éduquée et qui a été élevée dans une excellente famille. Jamais je n'ai voulu mettre fin à ma relation avec mon ex-femme. La décision d'abord de se séparer, et ensuite de mettre fin à notre mariage a été prise par elle seule.

En raison de l'existence du divorce sans égard à la faute et du fait que l'on n'encourage pas les familles à rester ensemble, elle a été libre de prendre cette décision. J'ai tenté de garder la famille intacte en organisant des séances de counselling familial auxquelles j'ai assisté. Il y a eu une première série de séances avant notre séparation et une autre série après notre séparation. Cependant, mon ex-femme n'y a pas mis tout son coeur et a préféré ne pas suivre les conseils du conseiller et elle a cessé d'assister aux séances de la deuxième série après seulement deux séances.

La première chose que mon ex-femme a faite a été de m'accuser de violence contre elle et contre notre fille. Je dois souligner que jamais il n'avait été question de cela, soit en personne ou lors des séances de counselling. Mon ex-femme n'a jamais donné de détails concernant...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi, c'est un peu difficile pour les interprètes lorsque vous parlez si rapidement. Je vous demanderais de ralentir un peu. Merci.

M. Marc Wickham: Je n'aurai pas le temps de passer au travers de toute ma présentation. Elle fait six pages.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous pourriez peut-être résumer un peu...

M. Marc Wickham: Même si je raconte mes expériences sous forme d'anecdotes, j'ai toutes les références juridiques dont vous aurez besoin. Je serai heureux de vous les donner.

• 1950

Mon ex-femme n'a jamais donné de détails sur ces événements qu'elle appelait abusifs. Ces accusations ont eu l'effet immédiat de m'aliéner tous nos anciens amis, et sa famille. Depuis, ces gens-là ne m'adressent plus la parole.

Mon ex-femme et son avocat ont utilisé toutes les méthodes juridiques possibles pour me mettre des bâtons dans les roues. Premièrement, ils ont essayé de rejeter ma poursuite à cause de la juridiction. Puis, ils m'ont discrédité et m'ont accusé d'être un père violent. J'ai même dû passer trois heures—à 200 $ l'heure—à me défendre devant mon propre avocat.

J'ai demandé à mon avocat ce que je pouvais faire pour me défendre contre ces fausses accusations, et il a répondu que je ne pouvais pas faire grand-chose. Il m'a dit que la poursuite me coûterait beaucoup de temps et d'argent, et que les résultats seraient incertains.

On a aussi accusé mes parents et mes frères. On a analysé les activités et les conversations que j'ai eues avec ma fille pendant nos visites, et nous sommes arrivés au point où les membres de ma famille s'imposaient des limites dans leurs relations avec ma fille pour ne pas être accusés une deuxième fois.

J'ai fait beaucoup de lecture et de recherche, et j'ai finalement compris que je n'aurais jamais la garde partagée de notre fille, surtout parce que les tribunaux n'imposent pas la garde partagée si la femme ne veut pas l'accepter, pour n'importe quelle raison personnelle.

Ma deuxième femme a changé de juridiction deux fois. À chaque changement, on m'a réduit mes droits de visite considérablement. Mon ex-femme me dit d'ailleurs qu'elle a toujours considéré notre entente initiale comme temporaire, et qu'elle n'avait jamais eu l'intention de permettre les visites prolongées que j'avais négociées dans la première entente et de continuer au-delà d'un an. Elle m'a très souvent dit qu'elle préfère que j'abandonne tout simplement ma fille.

La deuxième fois qu'on a modifié l'entente, les fausses accusations ont recommencé. Sans aucune preuve à l'appui, on m'a accusé de racisme envers un certain groupe ethnique, qui était d'ailleurs le groupe ethnique du juge qui devait entendre notre cause ce jour-là, et qui est aussi le même groupe auquel appartient l'ami de mon ex-femme.

L'avocat de mon ex-femme—qui ne m'avait jamais vu ou rencontré—m'a dit qu'un homme de mon caractère ne méritait pas d'avoir les droits de visite qu'on m'offrait, et que je devais simplement accepter ce qu'on m'offrait et me taire.

Mon droit de téléphoner chaque jour à ma fille est limité à une certaine heure de la journée, quand mon ex-femme et son nouveau mari sont absents. Son nouveau mari considère ces appels téléphoniques comme étant perturbateurs.

Tout le processus a été marqué par un manque total d'équilibre et d'équité. J'ai fait l'objet de fausses accusations, et on m'a refusé un accès équitable à ma fille, essentiellement parce que je suis un homme. C'est moi qui ai supporté la plupart des conséquences négatives, des perturbations et des inconvénients découlant de la dissolution de mon premier mariage, même si ce n'était pas moi qui voulais mettre fin au mariage.

Mon ex-femme a décidé unilatéralement de mettre fin à notre mariage, a refusé de coopérer dans la formulation d'ententes de séparation et de divorce, et a malicieusement recouru à de fausses accusations—tout cela dans le cadre d'une stratégie destinée à se débarrasser de moi sans perdre les avantages qu'elle avait du temps de notre mariage, y compris l'avantage de vivre chaque jour avec notre fille et d'avoir accès à une aide financière, une belle somme qu'elle pouvait dépenser à sa guise.

Elle a continué sa vie, sans se préoccuper des conséquences négatives de l'échec de notre mariage. Mais moi, je dois vivre avec ces conséquences chaque jour, et je continuerai à les subir pour le reste de ma vie en grande partie. Tout cela me coûte très cher, m'impose un lourd fardeau, à moi et à ma nouvelle femme, de même qu'à notre famille immédiate et à ma famille élargie.

Je m'arrêterai donc là. Je me suis contenté de n'aborder que quelques-unes des principales questions en matière de droit de la famille.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, avons-nous une référence pour cette affaire étant donné que le témoin fait mention...

La coprésidente (la sénatrice Landon-Pearson): Oui, nous l'avons.

La sénatrice Anne Cools: ...d'événements bien précis.

M. Marc Wickham: Pour ce qui est des ententes et des modifications, voici la première référence: Cour supérieure, district de Montréal, numéro 500-12-216-830-947.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Les parties s'appelaient comment?

M. Marc Wickman: Marc Wickham, plaignant, contre Janice Gobert, intimé.

D'autres modifications ont été apportées dans l'État du Michigan, à la neuvième cour de circuit du comté de Kalamazoo, le dossier numéro E960420TZ: Janice Gobert, plaignante, contre Marc Wickham, intimé. Il y a aussi un deuxième dossier à la cour de circuit du comté de Kalamazoo: Le même numéro de dossier—E960420TZ—mais à une date différente.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Sénatrice Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin: J'aimerais vous remercier de votre présentation.

Mme Sheila Finestone: Excusez-moi, sénatrice...

La sénatrice Lucie Pépin: Pas de problème.

• 1955

Mme Sheila Finestone: Je voulais mentionner que le même problème de fausses accusations et de difficultés entourant la garde et le droit de visite—une situation très triste et décourageante—s'est posé au Canada aussi, non seulement aux États-Unis. N'est-ce pas vrai?

M. Marc Wickham: Oui, c'est exact.

Mme Sheila Finestone: Merci.

La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur Crawford, dans une de vos recommandations—je crois que c'est la recommandation numéro 1—vous indiquez que les enfants ayant plus de 12 ans devraient partager leur temps équitablement entre les deux parents. Pourriez-vous relire cette recommandation—je parle de la recommandation i): un enfant âgé de plus de 12 ans devrait partager son temps équitablement entre les deux parents.

M. Allen Crawford: Je ne disais pas que l'enfant devrait passer autant de temps avec la mère qu'avec le père ou vice versa. Peut-être que si vous écoutiez l'interprétation... Dans la recommandation k) et dans d'autres, y compris la recommandation j), j'indique que l'enfant doit continuer à maintenir une relation avec les deux parents. Je ne parlais pas du temps, mais de la relation.

La sénatrice Lucie Pépin:

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Allen Crawford: J'ai dit cela? Oh, pardon.

La sénatrice Lucie Pépin: Oui, vous parliez d'enfants qui avaient plus de 12 ans et qui allaient à l'école ou quelque chose de semblable.

Voici ma question: je comprends qu'il est très important que les enfants voient leur mère et leur père. Mais parfois quand les enfants sont des adolescents, quand ils vivent avec leurs deux parents et disent parfois en fin de semaine qu'ils veulent aller voir leurs amis, c'est acceptable. Souvent, ils veulent le faire même quand les parents sont divorcés. Mais cela devient difficile, parce qu'un parent se sent privé de la compagnie de son enfant. Mais il faut vous mettre à la place de l'enfant. Je ne comprends pas très bien votre recommandation. Quand les enfants grandissent, il faut les laisser...

M. Philip Mayfield: Rappel au Règlement, monsieur le président. Permettez-moi de vous lire la recommandation c). «Quand c'est possible, il faudra établir une double résidence pour les enfants. Un tel système contribuerait à l'égalisation du temps que chaque parent peut passer avec l'enfant». Je voulais juste clarifier cela.

M. Allen Crawford: Oui. Dans mon mémoire, cette recommandation vise les enfants ayant moins de 12 ans.

J'ai divisé les enfants en trois groupes. Le premier groupe comprend les enfants ayant moins de 12 ans. Dans certaines juridictions, on parle d'enfants ayant moins de 10 ans. Normalement, quand les tribunaux décident où les enfants devraient vivre, et qui devrait avoir la garde, ils utilisent la limite de 10 à 12 ans. J'établis cette limite à 12 ans. Les mêmes règlements devraient s'appliquer à tous les enfants ayant moins de 12 ans.

Pour ce qui est des enfants qui atteignent l'âge de 12 ans et jusqu'à ce qu'ils ne soient plus enfants du mariage, ou jusqu'à l'âge de 18 ans, oui, je suis certainement au courant des questions, y ayant fait face moi-même.

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement le temps que la relation. Je ne voudrais pas parler de ma situation personnelle, parce que je ne suis pas ici pour me représenter, mais je suis conscient des dommages dont souffre ma fille à cause du fait qu'elle n'était pas obligée de maintenir des liens avec moi. Le fait est qu'elle a choisi, adolescente, de ne pas avoir de rapports avec son père. Nous ne permettons pas aux enfants de cet âge de voter ni d'avoir le moindre impact sur leur vie personnelle au niveau des structures de la société, mais nous permettons aux enfants... En fait, on permet non seulement aux enfants, mais les tribunaux sont en faveur du paiement d'une pension alimentaire pour un enfant qui ne veut pas maintenir de rapports avec le parent qui n'en a pas la garde.

Je ne milite pas en faveur d'un sexe ou de l'autre à cet égard. L'enfant devrait être encouragé à tout prix à maintenir une relation avec les deux parents. Il devrait y avoir des incitatifs qui encourageraient le parent ayant la garde à s'assurer que l'enfant le fait, parce que c'est dans l'intérêt de l'enfant.

La sénatrice Lucie Pépin: Je suis d'accord. J'avais l'impression qu'il incombait à l'enfant de le faire. Merci beaucoup.

M. Allen Crawford: Oui, l'enfant devrait assumer un certain degré de responsabilité. Si on lui permet d'avoir la responsabilité de choisir le parent avec lequel il vivra, ne devrait-on pas aussi lui donner la responsabilité de maintenir des liens avec l'autre parent et, ensuite, prévoir des sanctions s'il ne le fait pas, tout comme on le fait pour les adultes dans notre société. Si on enfreint les règles de la société, il y a des conséquences. Malheureusement, dans notre société, en vertu des lois de la famille, ce n'est pas ce qui se passe pas à l'heure actuelle.

• 2000

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci beaucoup.

Dans votre cas, monsieur Wickham, pour ce qui est de l'allégation, avez-vous à un moment pu déterminer pourquoi la question de l'allégation d'abus a été soulevée, ou à quel moment dans les procédures cela a été évoqué? Nous essayons de comprendre un petit peu la motivation.

M. Marc Wickham: On s'est servi de cela comme tactique procédurale pour retarder certaines choses, parce que mon ancienne femme avait déménagé de juridictions, et n'avait pas respecté les exigences au titre de la résidence lui permettant de rapatrier le dossier dans sa nouvelle juridiction. Alors, on s'en servait strictement d'une façon procédurale, et aussi pour gaspiller du temps et de l'argent, et en arriver à un règlement hors cour.

Le processus a duré 18 mois dans le premier cas, et les accusations de racisme ont été évoquées, précisément, parce que nous étions bien décidés à faire entendre l'affaire devant un juge.

M. Paul Szabo: Savez-vous ce qu'est le syndrome de l'aliénation parentale?

M. Marc Wickham: Oui.

M. Paul Szabo: Est-ce qu'il y avait des indices de cela dans votre cas?

M. Marc Wickham: Non, il n'y en avait pas, parce que les accusations faites contre moi étaient complètement fausses, et j'entretiens des liens très profonds avec ma fille.

M. Paul Szabo: Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Est-ce qu'il y a d'autres questions? La sénatrice Cools et puis la sénatrice Cohen.

La sénatrice Cools: Monsieur Wickham, pour ce qui est des fausses accusations dont vous parlez, a-t-on jamais porté des accusations criminelles contre vous?

M. Marc Wickham: Jamais. On s'en servait seulement dans les coulisses des tribunaux.

La sénatrice Cools: Est-ce que cela figure dans vos documents—déclarations d'allégation, déclarations de défense, avis de motion?

M. Marc Wickham: Les documents n'en font pas état.

La sénatrice Anne Cools: Mais c'était de véritables menaces.

M. Marc Wickham: Oui. Il faut comprendre les procédures légales dans une instance de divorce. La plupart des négociations se passent dans des salles lors de réunions avec votre avocat, au téléphone, etc. Toutes ces choses se passent à l'extérieur du tribunal.

On ne s'est présenté devant le juge qu'une fois l'accord conclu.

La sénatrice Anne Cools: Bien.

D'accord, merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: J'ai une question pour vous, monsieur Black. Vous avez mentionné toute la procédure qui consiste à obliger les pères à démontrer leur valeur. Un témoin à Halifax nous a dit ne jamais avoir eu l'occasion de porter son affaire devant le tribunal. Elle a été tranchée en faveur de l'autre parent.

Il avait recommandé d'inclure, dès le début de la procédure, l'histoire des rapports familiaux pour avoir une audition des faits équilibrée et permettre au père de s'exprimer.

Je voulais vous en parler pour que vous me disiez—vous pouvez tous répondre—si cela aurait changé quelque chose dans votre cas.

M. Brian Blak: Je suis certain que oui, et j'espère toujours y arriver. Je ne me suis pas encore rendu jusque-là, même si je suis dans cette «situation», pour le dire ainsi, depuis au moins un an et demi. Les choses continuent pour moi, et j'ai toujours l'impression que je n'ai vraiment pas eu l'occasion de m faire entendre. J'aimerais beaucoup avoir l'occasion de le faire.

Je suis aussi d'accord avec votre affirmation générale qu'il serait très souhaitable que les processus soient accélérés.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Monsieur Crawford?

• 2005

M. Allen Crawford: Je suis certainement fortement en faveur de cette recommandation.

Malheureusement, dans la dernière affaire, ma femme a choisi de faire présenter une déclaration sous serment par ma fille. Cela a été présenté à 3 h 30 de l'après-midi un mercredi, et le procès a commencé à 9 h du matin le vendredi. Nous avons demandé une suspension des procédures pour pouvoir présenter des éléments de preuve, au fond pour remplir les blancs laissés par l'autre partie.

S'il y avait un dossier concernant les liens des deux parents avec l'enfant—en l'occurrence, avec les deux enfants—cela aiderait beaucoup à faire comprendre l'affaire au tribunal.

Un des problèmes tient au temps que les juges accordent à ces questions. Dans mon cas, une heure a peut-être été consacrée à juger de ma vie et des vies de mes enfants sans qu'on comprenne bien ce qui se passait. Au milieu de mon procès, la juge a été interrompue pour accorder une mainlevée sur une propriété. Elle semblait se préoccuper davantage de cette procédure que de l'impact de son jugement sur ma fille—non sur moi. Je ne suis pas inquiet pour moi-même. Je suis un adulte. Je m'inquiète pour ma fille. Je m'inquiète pour mes enfants. Je ne peux rien faire pour eux, mais je peux essayer de faire quelque chose pour tous les autres enfants qui vont passer par tout ce processus au Canada.

La sénatrice Erminie Cohen: Quand vous n'avez pas la possibilité de vous faire entendre devant le tribunal, ou lorsque vous estimez devoir faire la démonstration de vos mérites et que personne n'écoute vraiment, lorsque vous estimez que personne n'écoute, croyez-vous que s'il y avait eu l'histoire des rapports familiaux au début des procédures cela aurait changé quelque chose par rapport aux accusations—aux fausses accusations, comme vous les qualifiez—qui ont été portées contre vous?

M. Marc Wickham: Oui, mais de nombreux facteurs entrent en jeu. Mon ancienne femme avait son doctorat en éducation. On n'a jamais douté de ses compétences. On a estimé que tout ce qu'elle disait constituait la vérité. J'avais beaucoup de gens qui auraient pu témoigner de mes capacités de bon parent, etc., mais dans une procédure examinée à la hâte, où la plupart de l'action se passe dans les coulisses, aucun de ces détails n'a été présenté.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Est-ce que quelqu'un d'autre veut poser une question?

Mme Sheila Finestone: Je serais curieuse de savoir si quelqu'un parmi vous trois a l'impression que les choses seraient différentes, si on réglait certaines choses à l'extérieur du tribunal, établissait un genre de tribunal administratif, retirait les avocats de la scène et imposait un genre de médiation. Ce qui m'intéresse vraiment, ce sont des mesures pratiques qu'on pourrait recommander. Une loi qui se fonde sur des exceptions est faible. D'après moi, il est essentiel de concevoir une approche fondamentale visant un changement à notre système judiciaire.

Alors est-ce qu'il faut modifier la Loi sur le divorce? Est-ce qu'il faut changer les procédures judiciaires? Est-ce qu'il faut changer l'éducation et la formation des juges? Est-ce qu'il faut prévoir un meilleur service de médiation, et est-ce qu'il faut prévoir une médiation obligatoire? Est-ce qu'il faut changer la terminologie qui parle de la garde des enfants et du droit de visite, qui donne l'impression que vous êtes soit gagnant ou perdant? Est-ce qu'il faut prévoir un changement de terminologie?

Qu'est-ce qui, d'après vous, améliorerait votre situation? Est-ce à cause de notre processus de cour criminelle qu'on a pu vous accuser faussement et que vous avez par la suite subi un préjudice irréparable et perdu amis et famille? Est-ce qu'il faut changer notre processus criminel pour empêcher ces fausses allégations?

Qu'est-ce qui vous permettra Brian, d'obtenir le droit de visite?

Allen Crawford, je ne serai jamais d'accord avec votre liste de recommandations, mais pourquoi pensez-vous que vous êtes en mesure de savoir ce qui sera dans le meilleur intérêt de vos enfants?

Voulez-vous commencer, Marc, s'il vous plaît?

M. Marc Wickham: Eh bien, vous avez déjà souligné beaucoup d'éléments qui pourraient améliorer la situation, mais il faut que ces choses-là soient mises dans le bon contexte. Qu'est-ce que j'entends par cela? Je crois qu'une présomption de garde conjointe au départ contribuerait beaucoup à éliminer bon nombre d'obstacles. Si cette présomption figurait en partant, on pourrait ensuite imposer la médiation, parce qu'on aurait déjà éliminé en bonne partie les motifs du conflit. Resterait ensuite à s'attaquer à la mise en application.

• 2010

En ce qui concerne ces fausses allégations, je crois qu'il faut prévoir des conséquences, parce qu'à l'heure actuelle il ne semble pas y en avoir. En fait, on prévoit quelques conséquences, mais le processus judiciaire coûte très cher et il est difficile de donner suite à ces processus, surtout lorsque vous êtes déjà en pleine poursuite judiciaire. Je crois qu'il serait fort utile de prévoir des mesures très rigoureuses pour décourager toute fausse allégation.

Mme Sheila Finestone: Merci.

M. Brian Blak: J'aimerais répondre à cette question en faisant allusion aux six recommandations que j'avais écrites mais que je n'ai pas mentionnées plus tôt. J'espère que ces recommandations vont répondre à votre question.

Je crois également qu'il faut prévoir une présomption de partage du rôle parental en vertu de la loi. Ce concept doit englober une responsabilité égale en ce qui concerne le temps passé chez un parent, les questions en ce qui concerne l'éducation et la santé, toutes les décisions et questions financières importantes. Une telle présomption appuyée par la loi pourrait dissuader une personne de faire de fausses allégations.

De plus, on pourrait atténuer ce problème de fausses allégations d'abus en les traitant comme des infractions criminelles qui seraient peut-être passibles des mêmes sanctions juridiques que dans le cas d'abus démontré. Par exemple, on pourrait empêcher un avocat d'exercer s'il faisait sciemment de fausses allégations ou portait des accusations délibérément trompeuses au nom de ceux qu'il représente. Je ne vise pas exclusivement les avocats, parce que je crois qu'il serait utile d'appliquer le même principe au travailleur social, par exemple.

Très brièvement, si vous me le permettez, ceux qui travaillent dans le domaine de l'évaluation de garde d'enfant devraient avoir, au minimum, un doctorat ou un diplôme en psychologie. Il serait également utile d'établir une corporation de travailleurs sociaux à laquelle ces derniers rendraient des comptes.

Personnellement, j'ai subi une évaluation de garde d'enfants effectuée par deux travailleurs sociaux ayant une maîtrise dans le domaine. À mon avis, et de l'avis de bien d'autres, y compris de certaines personnes ayant des diplômes en psychologie, le rapport était très biaisé. Je crois qu'une obligation de rendre compte ferait beaucoup pour égaliser les chances.

Enfin, il serait peut-être approprié de faire une évaluation annuelle indépendante du rendement des juges.

Mme Sheila Finestone: C'est la première fois qu'on entend parler d'une telle recommandation. C'est très bien. Merci beaucoup.

Monsieur Crawford.

M. Allen Crawford: Je suis désolé que vous n'aimiez pas mes recommandations.

Il faut préciser trois choses. Premièrement, la question de la médiation. Nous avons essayé la médiation. C'était l'une de mes premières recommandations. Malheureusement, la médiation n'a pas marché, parce qu'il suffit qu'une partie décide de ne pas faire preuve de bonne volonté pour que ça ne marche pas. Il faut que les deux parties adoptent une attitude positive pour que ça marche. Par conséquent, je crois que la médiation obligatoire est vouée à l'échec si on n'enlève pas certains obstacles.

Mme Sheila Finestone: Croyez-vous à la garde exclusive?

M. Allen Crawford: Non, je ne crois pas du tout à la garde exclusive. Ma première recommandation, c'est une présomption de garde conjointe. Absolument. Je veux que les deux parents jouent un rôle égal dans l'éducation des enfants.

Deuxièmement, j'aimerais vous parler de l'importance des services de consultation familiale. Franchement, je n'aime pas vous raconter mon histoire personnelle, mais je crois sérieusement aujourd'hui que mes deux enfants seraient en meilleure santé s'ils avaient accès à des services de consultation familiale. Aujourd'hui mon fils, grâce à Dieu, voit un travailleur social, un psychologue et un psychiatre. C'était un étudiant doué. C'était un enfant doué. Il a fini par vivre dans les rues pendant une courte période, malgré tous mes efforts. Il a été toxicomane. Il est maintenant schizophrène et il souffre de maniaco-dépression. À l'heure actuelle, une très bonne équipe d'experts travaille auprès de lui.

Il préfère vivre avec sa mère, malgré toute la violence affective et psychologique qu'elle lui fait subir continuellement. Il me parle souvent—et je note ses appels dans un registre—et j'essaie de l'aider pendant ses périodes difficiles, et la seule recommandation que je peux lui faire, c'est d'amener sa mère voir un psychologue, ce qui est la même recommandation faite par deux psychologues indépendants.

Je ne vous raconte pas cette histoire parce que je veux faire valoir mon point de vue égoïste. Je le fais pour mes enfants et dans le but d'aider d'autres enfants.

• 2015

Au moment de la rupture de mon mariage, j'ai dit à mes deux enfants: «Allez voir vos propres conseillers. C'est quelque chose entre votre mère et moi et il y a trois versions de cette même histoire. Si cela est possible, il ne faut pas écouter ces versions, il faut reconnaître qu'il existe trois versions: sa version, la mienne et la vérité. Et que malgré nos désirs de leur dire ce que nous croyons être la vérité»...

Mme Sheila Finestone: Mais je crois qu'il y a beaucoup plus que cela. Il y a d'abord votre point de vue, le point de vue de votre femme, et de vos enfants, et ensuite il y a peut-être le point de vue des psychologues, des sociologues et de tous les autres intervenants.

M. Allen Crawford: Oui. D'accord. Je crois que ces autres points de vue ont tendance à être baisés, penchant soit du côté de la mère ou de celui du père, et c'est pour cette raison que je dis que la vérité se trouve au milieu. Mais ça, c'est un point débattu.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que j'ai dit à mes deux enfants: «Allez voir un conseiller. Je vais le payer. Vous pouvez le voir, tout seuls, quand vous voulez, c'est à vous de décider. Je ne vous poserai jamais de questions à ce sujet.» La mère de mes enfants leur a dit que c'était le père qui était malade, c'était moi qui avais besoin des services de consultation. Je ne peux pas vous dire comment les choses se sont détériorées. Je ne veux pas entrer dans les détails de mon cas. Mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que la santé de mes enfants serait meilleure aujourd'hui s'ils avaient eu accès à un service de consultation.

Enfin, je suis d'accord avec ce que vous disiez au début de vos recommandations. Nous pourrions—et je vais répéter ce que Marc et Brian ont dit—expliquer clairement ce qui va se passer après la rupture du mariage et dire, «Écoutez, si vous voulez mettre fin à votre mariage, c'est très bien, mais voici les conditions qui s'imposent.» De cette manière, on élimine les conflits entre les partenaires. Et si on peut éliminer ces conflits, on accroît la possibilité que nos enfants soient élevés par des parents qui au moins font un effort de viser l'intérêt de leurs enfants.

Alors, peu importe ce que ce comité peut proposer comme recommandations, il faut éliminer la possibilité de conflit entre parents. Quant à la médiation, malheureusement, d'après moi, cela ne marche pas.

Mme Sheila Finestone: Eh bien, souvent la médiation ne marche pas. S'il n'y a aucune volonté en ce qui concerne ce qui est dans l'intérêt de l'enfant et s'il y a tellement de rancoeur persistante qui pousse les parents à nuire aux enfants par l'entremise de leurs rapports négatifs entre eux, eh bien, il n'y a pas moyen de régler le problème par une loi. Mais pour vous donner un peu plus de courage—ou bien pour nous en donner tous un peu plus—il faut dire que plus de 80 p. 100 des divorces trouvent une solution appropriée.

Je ne connais pas la réponse. Je sais que c'est un processus très douloureux pour chacun de vous, et je tiens à vous remercier d'avoir comparu.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup à vous trois.

La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, est-ce qu'on pourrait peut-être tenir une séance à huis clos pour quelques minutes pour discuter de notre programme de cette semaine.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.

La sénatrice Anne Cools: Il n'y a pas de séance prévue demain matin. Nous sommes inquiets.

[La séance se poursuit à huis clos]