SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 20 mai 1998

• 1135

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour et bienvenue à la 28e réunion du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

Avant de commencer, je tiens à rappeler à tous en quoi consiste notre mandat. Le mandat du Comité mixte spécial est d'examiner et d'analyser les questions liées aux ententes de garde et de visite après la séparation et le divorce, d'évaluer le besoin d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille, c'est-à-dire d'une approche qui mette l'accent sur les responsabilités de chaque parent et sur les besoins des enfants et leur meilleur intérêt, au moment de la conclusion des ententes concernant l'éducation des enfants.

Nous aimerions souhaiter la bienvenue à notre premier témoin aujourd'hui, M. Gerald Chipeur, qui est accompagné de Mme Barbara Johnston. Nous vous saurions gré de nous présenter l'exposé le plus bref possible pour que nous ayons le temps de vous poser des questions.

M. Gerald Chipeur (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup.

Bienvenue en Alberta. C'est bien de comparaître devant le comité mixte dans notre propre province.

L'objet de l'exposé que nous allons vous présenter ce matin est de mettre en lumière l'approche que la Cour suprême et d'autres tribunaux du Canada ont adoptée de la question de la religion dans les litiges relatifs à la garde des enfants et au droit d'accès. Nous essaierons ensuite de vous montrer que des lois sont nécessaires pour assurer le respect de la Charte des droits et libertés et des obligations internationales du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.

La convention oblige un gouvernement à prouver qu'il y a eu ingérence pour des motifs religieux dans des questions de garde et de droit d'accès avant qu'il puisse intervenir dans une situation donnée. Selon nous, il en est de même de la Charte.

Malheureusement, les tribunaux du Canada n'ont pas encore expressément adopté cette norme. Au contraire, ils sont demeurés essentiellement silencieux au sujet de cette importante question. Le silence des tribunaux a permis aux parties à des litiges portant sur la garde des enfants et les visites—les plaideurs—d'utiliser la religion comme arme.

Le critère que nous allons vous proposer est fondé sur les principes que renferment la convention et la Charte. Nous l'avons défini dans notre mémoire, mais pour vous le résumer brièvement, je dirai tout d'abord que la Loi sur le divorce devrait interdire aux tribunaux de tenir compte de la question de la religion jusqu'à ce qu'une des parties ait montré que les actions de l'autre qui sont de nature religieuse sont nuisibles ou pourraient être nuisibles à l'enfant.

Nous sommes de cet avis du fait que l'État—et les tribunaux font partie de l'appareil de l'État—n'ont aucune raison d'enquêter sur les vues et les convictions religieuses d'un citoyen à moins qu'il ait au préalable été démontré, comme le veut la Charte, que cette enquête est justifiable dans une société libre et démocratique.

• 1140

Selon nous, il devrait y avoir un seuil qu'une des parties doit dépasser avant que la religion intervienne.

Une fois qu'il est question de religion, nous pensons que les tribunaux devraient s'assurer qu'une des parties, celle qui dit que la religion pose un problème, prouve que l'activité religieuse en question est en réalité nuisible. À notre avis, la religion ne devrait jamais intervenir dans les décisions des tribunaux en ce sens qu'ils ne devraient pas se poser la question suivante: quelle est la meilleure religion ou est-il préférable de ne pas du tout en avoir?

Prenons les autres dispositions de la Charte, l'article 15, par exemple, et posons-nous les questions suivantes. Tiendriez-vous compte du sexe? Tiendriez-vous compte de la race? Tiendriez-vous compte de l'origine nationale? Est-ce qu'un de ces facteurs entrerait même en ligne de compte? Je crois de toute évidence que la réponse à ces questions est non.

Nous estimons que la même règle devrait s'appliquer à la religion en vertu de la Loi sur le divorce. Malheureusement, les juges n'ont pas pu se retenir; ils ont entamé des enquêtes et sont même allés jusqu'à dire, dans certains cas, qu'ils allaient confier la garde d'un enfant au parent pratiquant la religion de la majorité plutôt qu'à l'autre, parce qu'on s'en moquerait à l'école s'il était élevé dans la religion de la minorité.

Je peux vous donner une liste sans fin de situations où des juges ont laissé libre cours à leurs préjugés, parfois innocemment, parfois en sachant fort bien ce qu'ils faisaient, avec une certaine inquiétude dans certains cas, mais ils le font néanmoins parce que la Loi sur le divorce ne les en empêche pas.

Même si le critère du meilleur intérêt, tel qu'il est défini dans la Loi sur le divorce, ne pose en lui-même aucun problème, dans trois causes où la Cour suprême du Canada a eu l'occasion de se prononcer sur cette question particulière—et mes collègues et moi-même étions présents à la Cour suprême à l'une de ces trois occasions—nous lui avons demandé de dire que la Charte interdit qu'on enquête ou qu'on porte un jugement sur la religion. À ces trois occasions, les juges avaient des avis tellement partagés qu'ils n'ont pas pu en arriver à un critère rationnel. C'est la raison pour laquelle les parties aux litiges continuent à se servir de la religion devant les tribunaux comme arme et comme monnaie d'échange.

Par exemple, dans l'affaire la plus récente, le père disait que la mère amenait trop souvent l'enfant avec elle à l'église alors qu'il aurait lui-même voulu l'amener au base-ball. Il a donc donné à entendre qu'il était nuisible pour l'enfant que sa mère l'amène à l'église. Il l'a accusée de l'amener à l'église trop souvent puisqu'il y passait des heures et des heures, ce qui n'était pas très bon pour l'enfant.

En fin de compte, le tribunal a dit que cet argument n'était pas fondé, mais même s'il ne l'était pas, l'affaire s'est rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada. Des milliers de dollars ont été dépensés en honoraires d'avocats et l'expérience a été traumatisante pour l'enfant et les parents alors que s'il avait été clair dans la loi que le critère à retenir est le meilleur intérêt de l'enfant et qu'il n'est pas question de faire intervenir des motifs religieux tant que compte n'a pas d'abord été tenu de ce critère...

J'aurais une dernière observation à faire et c'est qu'il est important de comprendre que, dans une certaine mesure, certains juges de la Cour suprême ont faussé le critère du meilleur intérêt en posant la mauvaise question. Si on disait simplement aux tribunaux qu'ils devraient traiter une mère et un père mariés de la même manière qu'une mère et un père divorcés, et vice versa, je ne pense pas qu'ils tomberaient dans ce piège, mais, pour une raison ou une autre, lorsqu'un divorce se produit, les juges croient qu'ils ont un rôle plus important à jouer, un rôle qui empiète sur les droits des parents et qui en fait les autorise à leur dire ce qu'ils doivent faire en ce qui concerne la religion, chose à laquelle ils ne songeraient même pas si ces parents étaient mariés et vivaient heureux ensemble.

• 1145

Il est important que la loi dise clairement, comme la Loi sur le divorce le fait, mais plus énergiquement encore dans ce cas-ci, qu'il ne convient pas qu'un juge traite des parents divorcés différemment des parents mariés.

D'une certaine manière, il va falloir qu'il y ait un changement de philosophie dans les tribunaux et je pense que la modification que nous proposons à la Loi sur le divorce peut aider à modifier la mentalité actuelle qui veut que l'État soit toujours le meilleur juge. C'est l'État, par l'intermédiaire du juge, qui dit «voici ce qu'il y a de mieux dans l'intérêt de l'enfant». Je crois qu'il serait bon que l'État se montre un peu plus sage et un peu plus humble et qu'il admette qu'il n'a pas toutes les réponses et qu'il devrait peut-être, aussi imparfaits que soient les parents, les laisser prendre eux-mêmes les décisions concernant leurs enfants. Il pourrait indiquer son intention de ne pas intervenir à moins d'être absolument sûr qu'un préjudice a été causé.

Après tout, si on peut prouver qu'il y a eu préjudice, peu importe que l'enfant se soit retrouvé seul parce que le parent était à la taverne ou à l'église, le résultat est le même. Ce que nous disons, c'est qu'il s'agit du critère dont il faudrait tenir compte.

Nous répondrons maintenant avec plaisir à toutes les questions que vous pourriez avoir à nous poser à propos de notre exposé ou sur tout autre sujet.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Qui aimerait commencer?

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): ...

[Note de la rédaction: Inaudible]... une affaire où vous aviez l'impression qu'il y avait eu un préjudice? Je me demandais si vous pouviez nous donner un exemple de la façon dont, selon vous, la décision rendue par un juge au sujet de la religion n'a pas servi au mieux les intérêts d'un enfant.

M. Gerald Chipeur: Laissez-moi vous donner les trois exemples dont je vous parlais. C'est très clair.

Les deux premiers concernent des pères qui étaient membres des Témoins de Jéhovah et des mères qui étaient membres d'une confession de la majorité. Les deux mères—une venait de la Colombie-Britannique et l'autre du Québec—ont dit qu'il était nuisible pour leurs enfants que leur père leur parle de religion. Il était nuisible que le père les amène à l'église. Il était nuisible que le père les ait avec lui en présence d'autres membres de sa confession.

Chacune des mères a obtenu de tribunaux inférieurs des ordonnances interdisant au père de parler à ses enfants de sa religion—de leur dire même un seul mot à ce sujet. Cela englobe la prière et tout le reste. Le père ne peut pas les amener à l'église. Il ne peut même pas se trouver avec eux en présence d'autres membres de sa confession.

Les juges de la Colombie-Britannique avaient tellement de préjugés contre ce père et sa religion qu'ils ont ordonné que les frais sur la base procureur-client soient payés par le père et par son église parce qu'ils s'étaient opposés à une demande de la mère de soustraire complètement les enfants à la religion du père.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Madame la présidente, il fait allusion à des cas très précis. Je pense qu'il veut parler de trois cas. Pour que nous sachions de quoi il parle, pourrait-il...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oh, oui.

M. Gerald Chipeur: Bien sûr. Il s'agit de l'affaire Young c. Young.

L'affaire Plouffe c. Shea est celle dont je vous parlais pour le Québec.

En fin de compte, la Cour suprême du Canada a indiqué dans l'affaire Young c. Young qu'il ne devrait pas y avoir de telles restrictions, que le père devrait pouvoir faire ce qu'il veut avec ses enfants.

C'est toutes sortes de petites choses comme dans l'affaire la plus récente, St. Laurent c. Soucy, où la Cour d'appel du Québec a maintenu une ordonnance selon laquelle un parent ne peut pas aller rendre visite à ses voisins avec son enfant s'il a l'intention de parler de religion avec eux; il ne peut pas amener son enfant à l'église trop souvent—et ces restrictions touchent au coeur même de la religion plutôt qu'à de simples questions de procédure concernant un préjudice possible. La cour a rendu cette décision après avoir entendu le témoignage d'un seul expert qui a indiqué que cela ne cause aucun préjudice, qu'il n'y a rien de mal à cela, que ce n'est pas nuisible pour l'enfant. Le juge de première instance a écarté le témoignage d'expert et retenu celui du père qui n'aimait pas la religion de la mère et voulait que son enfant aille aux parties de base-ball avec lui plutôt qu'à l'église avec elle.

• 1150

Je pourrais vous donner d'autres exemples. Des juges ont rendu des ordonnances quant au genre de prières... Des juges ont décidé qu'un enfant ne serait exposé qu'à la philosophie orthodoxe juive. Je ne sais pas comment ils vont s'y prendre pour les faire respecter. Qui va décider de ce qui est orthodoxe et de ce qui ne l'est pas? Ils ont dit qu'un enfant ne peut manger que certains types d'aliments ou boire certains types de boissons. Les juges font donc des efforts plutôt particuliers sur le plan religieux pour favoriser le meilleur intérêt de l'enfant.

Notre position, bien terre à terre, c'est que si des problèmes surgissent à la maison, c'est aux parents et à l'enfant de les régler. Une tierce partie neutre ne peut pas tout régler en essayant d'appliquer le critère du meilleur intérêt aux pratiques et croyances religieuses des parents et de l'enfant de ce mariage et de cette famille.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous une question?

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.

Madame la présidente, je me demandais si nous ne pouvions pas laisser la parole aux membres du comité qui viennent de l'Alberta.

C'est une vieille tradition parlementaire.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): J'imagine que la sénatrice Cools veut qu'au nom de tous les Albertains ici présents, et j'en fais partie à titre de député de Calgary-Centre, je souhaite la bienvenue au comité en Alberta. J'espère que vous aimerez votre séjour à Edmonton et que vous aurez la chance de voir un coucher de soleil. Voilà.

Je vous remercie, madame la présidente.

La sénatrice Thelma Chalifoux (Alberta): Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser, mais je suis la sénatrice Chalifoux. Je viens du nord de l'Alberta et je suis autochtone. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue moi aussi et vous dire que je suis très heureuse de l'intérêt porté au problème que le comité a abordé.

Ma famille vit en Alberta depuis bien des générations, et y vivait avant même que la province existe. De nombreuses questions ont été soulevées et je suis contente que vous soyez venus parler de la religion.

J'ai une question. Parce que ces affaires ont créé un précédent, quelles répercussions auront-elles pour les Premières nations, sur la spiritualité des autochtones et sur la religion des Premières nations? Nous avons un grand nombre de mariages mixtes et en quoi donc le précédent les touchera-t-il?

M. Gerald Chipeur: Ma réponse comme avocat est que je n'ai pas la réponse à cette question, et c'est là le problème. La Cour suprême a créé une grande incertitude en n'y répondant pas. Ce que nous voulons, c'est une certaine certitude, c'est savoir qu'un juge en particulier ne dira pas qu'une religion est pire que telle ou telle autre.

Malheureusement, même ici à Edmonton, un argument qu'on a très bien réussi à faire valoir met le problème en lumière. Une mère a dit croire que le père ne devrait pas avoir accès à son enfant parce que c'est un sorcier, un membre de l'organisation wicca. Le juge albertain a indiqué que c'était une question de religion et que les juges n'ont pas à s'en mêler.

Ce juge a dit à juste titre que son rôle n'était pas d'évaluer la religion wicca par opposition à une autre. Malheureusement, ce n'est pas toujours la décision qui a été prise partout au Canada. On ne sait jamais si un juge ne dira pas que si l'enfant est élevé dans la sorcellerie, on se moquera de lui à l'école ou il ne subira pas le bon type d'influence morale, de sorte que la garde devrait être accordée à l'autre parent ou que l'accès devrait lui être refusé.

• 1155

Le problème, ce n'est pas tant qu'il n'y a pas de précédent dans un sens ou dans l'autre. Il y a des précédents dans les deux cas. Nous voulons que des précisions soient apportées à la loi afin que la religion, au même titre que le sexe, la race et tous les autres motifs énumérés à l'article 15 de la Charte, ne soit pas invoquée à moins qu'il puisse être prouvé qu'il y a eu préjudice.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.

Les témoins ont parlé de trois affaires et cité la cause Young c. Young. Avant de leur poser ma question, j'aimerais qu'ils me donnent le nom des deux autres affaires.

Lorsque vous avez dit être intervenus, j'ai eu l'impression que vous vouliez dire que vous aviez témoigné.

M. Gerald Chipeur: Oui, nous avons témoigné en qualité d'intervenants dans l'affaire Young c. Young, et dans l'affaire Plouffe contre Shea, c'est-à-dire P. c. S. dans les décisions publiées. C'est dans notre mémoire. Nous avons aussi été invités à témoigner dans l'affaire St. Laurent c. Soucy, c'est-à-dire S. c. S. Je pense dans...

La sénatrice Anne Cools: Donc, vous n'êtes pas intervenus dans l'affaire P.(D) c. S.(C)?

M. Gerald Chipeur: Oui, vous voulez parler de la décision Plouffe c. Shea. Nous sommes intervenus dans ces trois affaires.

La sénatrice Anne Cools: C'est parfait. Je tenais à en être certaine. Je suis au courant de vos travaux.

Vous avez dit des choses très réfléchies. Vous avez dit entre autres que l'État devrait faire preuve de sagesse...

M. Gerald Chipeur: Et d'humilité.

La sénatrice Anne Cools: ... et d'humilité—lorsque les juges et la cour définissent... mais je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit après. Quelques phrases plus loin, vous avez parlé de la corruption par les juges de la doctrine du meilleur intérêt de l'enfant.

Je suis également très au courant de vos travaux en général sur les questions d'activisme judiciaire. J'ai lu très attentivement un grand nombre de vos publications et je sais à quel point vous êtes préoccupé par tout le phénomène de l'activisme judiciaire. Les affaires dont vous avez parlé ont bien mis ces préoccupations en lumière.

Je me demandais si vous pouviez nous faire part de vos commentaires en tenant compte de la corruption par les juges de la doctrine du meilleur intérêt de l'enfant et du phénomène de la corruption judiciaire. Jusqu'à maintenant, l'État a délégué aux juges son pouvoir de décider ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Je me demandais si vous pouviez commenter l'une des affaires dans lesquelles vous êtes intervenu, Young c. Young, où Mme L'Heureux-Dubé qui, comme nous le savons, est un juge féministe, a dit: «Le rôle du parent ayant un droit d'accès est celui d'un observateur très intéressé.»

À un autre moment, dans l'affaire P.(D) c. S.(C), et vous connaissez probablement cette cause comme le fond de votre poche—et je vous lis un extrait d'un document qui a pour titre The Best Interests of the Child—elle en est arrivée à la conclusion que les restrictions concernant l'accès étaient nécessaires pour favoriser le meilleur intérêt de l'enfant puisqu'elle avait constaté que le père faisait preuve d'un fanatisme religieux et que son comportement laissait à désirer.

Je me demandais si vous pouviez nous faire un lien entre vos préoccupations et les énoncés que je viens de vous lire. La loi est bien loin d'être claire à ce sujet et les juges ont énormément ajouté à la confusion.

M. Gerald Chipeur: Le point que nous avons fait valoir après que ces deux décisions ont été rendues, c'est que nous avons eu huit avis différents dans ces affaires même s'il n'y avait que sept juges.

La sénatrice Anne Cools: Oui, je sais.

M. Gerald Chipeur: À moins que je ne me trompe, Mme le juge L'Heureux-Dubé s'est rangée du côté de la minorité dans l'affaire Young c. Young, mais du côté de la majorité dans P.(D) c. S.(C).

Il est impossible de déterminer ce que la loi dit à en juger par ces deux affaires. Malheureusement, dans l'affaire la plus récente, St. Laurent c. Soucy, les juges ont écarté la question en un paragraphe. Nous n'avons donc aucune directive des tribunaux.

• 1200

En ce qui concerne précisément la question que vous avez soulevée, le paragraphe 16(10) de la Loi sur le divorce précise que le tribunal doit appliquer le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contact compatible avec son propre intérêt.

La priorité est de faire en sorte qu'il ait le plus de contact possible, puis vient le membre de phrase «compatible avec son propre intérêt». Comment appliquer ce critère? Ce juge a décidé qu'elle allait elle-même déterminer en quoi consiste l'intérêt de l'enfant, qu'elle n'allait faire preuve d'aucune humilité et qu'elle était la mieux placée pour savoir ce qui est dans l'intérêt de cet enfant. Dans ce cas, elle croyait que le père était un fanatique.

Compte tenu de l'idée qu'elle se faisait des croyances religieuses du père, elle en est arrivée à la conclusion que le critère du meilleur intérêt l'autorisait à ne pas donner suite au paragraphe 16(10). Elle pouvait dire qu'elle n'allait pas permettre le plus de contact possible.

Selon nous, Mme le juge L'Heureux-Dubé n'aurait pas dû utiliser de cette façon le critère du meilleur intérêt défini au paragraphe 16(10) et laisser libre cours à ses préjugés religieux contre les croyances du père à moins d'en être d'abord arrivée indépendamment à la décision non seulement que le père avait des opinions religieuses fanatiques, mais aussi que l'enfant allait en subir un préjudice.

Jamais il n'y a eu, dans aucune de ces causes, constatation de préjudice. La preuve de préjudice n'a pas été établie et on n'a constaté aucun préjudice. Aucun argument n'a été invoqué. On s'est contenté de se demander ce qu'il y avait de mieux à faire dans l'intérêt de l'enfant. Chacun a dit son mot à propos de ce qu'il croyait être le mieux. La mère, le juge, le père et le psychologue avaient chacun leur idée. Nous estimons que ce n'est pas là la façon de régler les problèmes lorsqu'il s'agit d'une question aussi importante que la liberté de religion.

Les parents ont un rôle et des responsabilités peu importe qu'ils aient un droit d'accès ou la garde et, selon nous, ils ont un rôle essentiel à jouer en vertu du paragraphe 16(10) et pas seulement un rôle d'observateurs intéressés dont les tribunaux peuvent faire fi. Ils doivent être considérés comme prioritaires pour les tribunaux, mais les tribunaux ne leur accordent pas la priorité. Ils disent en fait qu'ils sont plus importants pour l'enfant que les parents eux-mêmes. Si la cour pense qu'un parent est un fanatique, elle n'a même pas à en arriver à la conclusion que ce fanatisme est préjudiciable; elle n'a qu'à en arriver à la conclusion qu'elle n'aime pas les croyances du parent en question.

Nous pensons que ce n'est pas ainsi qu'il convient d'interpréter le paragraphe 16(10). Ce n'est pas que nous croyions que la Charte ou que la convention... Il est important de comprendre que nous vous demandons de faire en sorte que la loi soit conforme à la Charte, qui est un document constitutionnel, et à la Convention relative aux droits de l'enfant, dont certaines obligations législatives découlent pour le Canada. Nous estimons que l'interprétation actuelle n'est pas suffisamment claire pour empêcher les parents d'agir d'une façon qui enfreindrait la Charte et la Convention relative aux droits de l'enfant.

La sénatrice Anne Cools: Je dois vous dire que, comme toujours, vos réponses sont très bien réfléchies. C'est toujours un plaisir de vous écouter.

J'ai une dernière petite question. Quels conseils pouvez-vous nous donner, sachant bien entendu que le Parlement a un droit de regard sur les juges en vertu de la Constitution? Que devrions-nous faire avec les juges qui choisissent de déroger à la doctrine du meilleur intérêt de l'enfant et les juges qui refusent d'appliquer la loi de la manière prévue par le Parlement?

M. Gerald Chipeur: Dans la décision la plus récente rendue par la Cour suprême dans ce domaine, les juges ont proposé un dialogue. Je suggérerais au Parlement que vous entamiez ce dialogue...

La sénatrice Anne Cools: Bien.

M. Gerald Chipeur: ... car vous avez un rôle à jouer. Si les juges s'aventurent dans une direction autre que celle que vous aviez choisie, ne vous contentez pas de dire que ce sont les juges qui l'ont dit, la plus haute cour du pays qui l'a dit, parce que là ne s'arrête pas l'histoire.

Le Parlement peut adopter des lois pour préciser ce qu'il voulait dire et faire marche arrière. C'est ce que vous avez fait bien des fois dans le passé. Il est arrivé à de nombreuses reprises que la Cour suprême dise quelque chose—et nous ne disons même pas qu'elle n'est pas d'accord avec ce que nous disons. Nous disons seulement que la loi est tellement vague que personne ne peut compter sur elle pour indiquer aux tribunaux la manière dont ils devraient agir.

• 1205

Nous estimons que le Parlement a un rôle à jouer dans ce secteur et qu'il devrait l'exercer.

La sénatrice Anne Cools: Merci. Bien dit.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther, vous aviez une brève question. Cette partie-ci de notre réunion s'achève, mais vous pouvez rapidement poser une question.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

Je veux surtout résumer et obtenir des précisions.

Vous proposez cette modification, monsieur Chipeur, parce qu'actuellement les juges ne respectent pas l'esprit de la Charte. Est-ce qu'elle n'est pas un peu superflue? Ils ne respectent pas ce qui existe déjà et nous allons donc ajouter de nouvelles dispositions dans l'espoir qu'ils les appliqueront.

M. Gerald Chipeur: La Charte définit de grands principes. C'est aux tribunaux de les appliquer. Cela fait maintenant trois fois qu'ils évitent de nous donner des directives sur la façon dont ces principes devraient être appliqués dans ce cas en particulier.

M. Eric Lowther: S'ils ont évité de le faire jusqu'à maintenant, qu'est-ce qui vous fait croire que les choses vont changer?

M. Gerald Chipeur: Si vous leur dites qu'ils ne peuvent pas faire enquête sur la religion, on pourrait s'attendre à ce qu'ils respectent l'interprétation donnée à la loi par le Parlement.

M. Eric Lowther: Il faudrait donc la renforcer.

M. Gerald Chipeur: Oui, la renforcer et dire aux juges de ne pas se mêler de religion. À moins qu'un préjudice ait été causé... et il ne faudrait s'arrêter alors qu'au préjudice. Il n'est pas question de chercher à savoir quelle religion est la meilleure. Il n'est pas question de chercher à savoir si le fait d'avoir une religion ou de ne pas en avoir est bien ou mal. Ce qui compte, c'est le préjudice. Concentrons notre attention sur le véritable problème ici, c'est-à-dire l'enfant et le préjudice qui peut lui être causé, et non sur les débats philosophiques entre juges et parents ou entre les parents.

M. Eric Lowther: J'imagine que les exemples tirés de la jurisprudence que vous nous avez donnés ici et dont il est question dans votre exposé soulignent la nécessité de renforcer la loi. Est-ce exact?

M. Gerald Chipeur: C'est exact, parce que certains juges ont compris tandis que d'autres sont passés complètement à côté.

M. Eric Lowther: Je sais que le temps presse, mais que faudrait-il faire s'il y a préjudice? Si on ne peut pas parler de religion au tribunal, de quoi parler alors? Vous avez donné l'exemple de la Wicca. Supposons que ses adeptes s'adonnent à la mutilation. Comment en parler si on ne peut pas dire que c'est la religion qui est derrière tout ça, si on ne peut même pas prononcer le mot?

M. Gerald Chipeur: Non, non. Si la religion pose un problème, il faut d'abord soulever la question du préjudice, pour ensuite soulever celle de la religion. Absolument. Supposons que les adeptes d'une religion manipulent des serpents pour montrer leur foi. Si la pratique religieuse elle-même, comme le sacrifice des enfants, est préjudiciable, il faut immédiatement attirer l'attention du tribunal sur celle-ci même si elle a des sous-entendus religieux. Il n'y aurait qu'à dire que «cette pratique religieuse est préjudiciable et en voici la preuve». Le tribunal répondrait alors «d'accord, nous allons procéder rapidement parce que vous avez prouvé qu'il y a préjudice».

C'est ce que nous demandons aux tribunaux de faire. Il faut qu'ils se demandent s'il y a un préjudice. Jusqu'à maintenant, les tribunaux ont dit que c'est à eux qu'il revient de décider ce qui convient le mieux à l'enfant. Leur décision pourrait dépendre du fait qu'ils aiment ou non la religion wicca. Je ne dis pas que les adeptes de cette religion se mutilent, mais, si c'était le cas, il faudrait d'abord prouver que la mutilation fait partie des croyances.

M. Eric Lowther: Avez-vous des observations finales à faire sur le cas de deux parents qui auraient des croyances et des pratiques religieuses très différentes? Que faire de l'enfant dans tout cela? Est-ce que les tribunaux devraient avoir leur mot à dire? Devrions-nous éviter de nous en mêler et laisser les choses suivre leur cours? Qu'en pensez-vous?

M. Gerald Chipeur: Cela nous ramène à la question de l'humilité. Selon moi, les tribunaux, peu importe quelle religion est la meilleure—et il se peut qu'une soit meilleure que l'autre—n'ont pas le droit de décider laquelle est la meilleure. Il faudrait qu'en vertu du paragraphe 16(10) l'enfant ait le droit de passer du temps dans la maison de chacun de ses parents.

Par exemple, nous permettons aux parents d'amener leurs enfants à une partie de base-ball, au cinéma et au restaurant. Ces parents les exposent à toutes sortes d'expériences de vie. Il devrait en être de même de la religion. La religion est uniquement une autre expérience de vie que les parents devraient pouvoir vivre avec leurs enfants pour qu'ils apprennent à mieux les connaître. Si nous permettons que les activités religieuses soient restreintes, l'enfant n'apprendra pas vraiment à connaître ses parents. Au bout du compte, après un certain nombre d'années, 18 ans peut-être, après avoir eu la chance de vivre avec ses deux parents et d'apprendre à connaître deux religions, l'enfant pourra faire un choix et c'est à ce moment-là que le choix devrait être fait. Ce n'est pas au tribunal de faire ce choix pour les enfants lorsqu'ils sont jeunes, et c'est ce que nous faisons valoir dans notre mémoire.

• 1210

M. Eric Lowther: Nous sommes heureux que vous soyez venus nous exposer vos vues.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Mademoiselle Bakopanos, la séance s'achève, mais avez-vous une question?

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.):

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Gerald Chipeur: C'est exact. Selon nous, c'est le critère qu'il faut appliquer, car il n'y a rien de mieux. C'est comme la démocratie. C'est le pire de tous les régimes politiques, mais il n'y a rien de mieux.

Il se peut que des parents en guerre disent du mal et des choses cruelles l'un de l'autre dans le contexte de leurs croyances religieuses, mais l'État ne peut rien faire à moins qu'il soit possible de prouver qu'il y a préjudice. Si on ne peut pas le prouver, alors autant que l'État ne s'en mêle pas et laisse ces parents avoir le plus de contact possible avec leurs enfants. En fin de compte, nous devons laisser la vie suivre son cours.

Mme Eleni Bakopanos: Nous avons beaucoup entendu parler de la médiation...

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Gerald Chipeur: Bien sûr, dans la mesure où la médiation est facultative. Si elle ne l'est pas, je ne pense pas qu'elle serve à grand-chose.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie d'être venus nous rencontrer.

Notre prochain témoin est M. Brian Fayant, du Conseil régional des Métis—zone 4 de la Métis Nation of Alberta.

M. Brian Fayant (président de la zone 4, Métis Nation of Alberta, Conseil régional des Métis): Bonjour, madame la présidente. Je vous remercie de me permettre de vous faire un exposé.

Je devrais peut-être vous donner quelques renseignements à mon sujet. Tout d'abord, on m'a demandé de venir ici jeudi en remplacement de mon collègue Pheb Goulet, un des surveillants de la prise en charge de cas des Services métis à l'enfance et à la famille. Il en connaît certainement beaucoup plus long que moi sur ce qui se passe au jour le jour.

J'ai trois années d'études en travail social et à peu près 12 années d'expérience dans la communauté métisse des services aux enfants, de l'aide sociale à l'enfance et d'un certain nombre d'autres services sociaux.

Je veux vous parler de deux questions différentes: d'abord de l'accès, mais en insistant sur la pauvreté, et ensuite de l'accès, comme personne métisse. J'ai quelques mots à vous dire à ce sujet. Je vous présenterai un exposé écrit lorsque j'en aurai la chance... mais je tenais à être ici ce matin.

Je m'occupe du portefeuille des services sociaux pour la nation métisse de l'Alberta. Je ferai de mon mieux pour vous exposer les problèmes de nos membres, de nos familles et de nos enfants. Bien sûr, les enfants sont d'une grande importance pour nous. Le peuple métis, la nation métisse et la famille traversent actuellement une période de grande transition.

Nous désirons que nos enfants soient en sécurité, qu'ils soient les bienvenus dans leur famille, dans leur collectivité, dans ce pays, le Canada. C'est ce que nous voulons, mais j'ai bien peur que l'enfant métis, la famille métisse et les Métis du Canada ne se sentent pas nécessairement les bienvenus.

Il faudrait que nos enfants soient des membres à part entière de la société canadienne. Vos données vous diront qu'un grand nombre d'entre nous vivent dans la pauvreté, sont sans abri et ont un grave problème d'identité. Ils ont perdu leur identité. Je pense que cela contribue à un certain nombre de choses.

• 1215

Je crois qu'il faut surtout concentrer nos énergies sur l'enfant. Elles doivent être axées sur ce qui est important pour les enfants.

Je vais tout de suite aborder la question des finances. Quand je dis qu'un certain nombre de membres de notre communauté ont des problèmes financiers, ce que je veux dire c'est qu'un trop grand nombre d'entre eux vivent au seuil de la pauvreté, sinon en dessous. Je ne peux pas parler pour l'ensemble du Canada.

J'étais à Winnipeg et c'est aussi ce que j'ai constaté chez nos ancêtres métis qui y vivent, si je peux m'exprimer ainsi. La même chose est certainement vraie ici en Alberta. Nous représentons à peu près 5 p. 100 de la population de l'Alberta et pourtant entre 40 et 60 p. 100 de nos enfants ont besoin de services d'aide à l'enfance.

Nos enfants sont pris en charge pour différentes raisons. D'après les Services de l'aide sociale à l'enfance, c'est parce que les parents métis ne sont pas capables de s'occuper de leurs enfants. Je crois qu'il y a plus d'un facteur en jeu. La pauvreté a sûrement beaucoup à voir avec ça.

À mon avis, un enfant devrait avoir accès à ses deux parents peu importent les circonstances, à moins qu'il ait été maltraité, auquel cas il a besoin d'un type différent d'intervention.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il y a une loi dans la province qui dit que si un parent ne paye pas, s'il ne peut pas verser une pension alimentaire pour un enfant, il ne peut pas y avoir accès. Si vous examinez la question du point de vue de l'enfant, tout ce qu'il voit, c'est qu'il ne peut pas avoir accès à ses parents. Il finit par éprouver un sentiment d'abandon aussi grand que les parents qui se séparent et qui divorcent.

Si on regarde la situation du point de vue de l'enfant, on s'aperçoit qu'il souffre autant, sinon plus. Pourquoi est-ce que je ne peux pas avoir accès à mes deux parents? L'enfant ne peut pas s'expliquer ni comprendre la situation.

Pourtant, notre loi dit que si on ne peut pas payer, si on ne paye pas ou qu'on choisit de ne pas payer... peu importe la raison, les enfants ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. Ce qu'ils comprennent, c'est qu'ils ne peuvent pas voir leur mère ou qu'ils ne peuvent pas voir leur père.

Si on tenait compte des enfants, je pense qu'on aborderait de manière différente les problèmes d'un enfant, la question de l'accès d'un enfant à ses parents.

Dans notre province, nous traitons de mauvais payeur le parent qui ne contribue pas au soutien de sa famille. Cela veut dire qu'il ne se soucie pas du bien-être financier de ses enfants. C'est peut-être vrai, mais l'enfant ne peut pas vraiment comprendre que le parent est mauvais payeur. Ce qu'il comprend, c'est qu'il ne peut pas voir son père ou sa mère.

C'est de ça que je voulais vous parler. Avez-vous pensé au tort que ce genre de jugements, ce genre de préjugés, cause aux enfants? Il s'agit bel et bien de préjugés.

Je me suis occupé d'aide sociale à l'enfance et on a tendance à penser que les parents qui sont mauvais payeurs n'aiment probablement pas leurs enfants s'ils ne sont pas prêts à subvenir à leurs besoins. Le fait qu'ils n'aient pas les moyens de s'en occuper ne veut pas dire qu'ils ne les aiment pas. Ils peuvent avoir peur de s'approcher de la maison, parce qu'ils vont être arrêtés ou devoir subir ce que la loi leur réserve s'ils essaient de voir leurs enfants. Je pense qu'il est injuste de notre part de penser que ces parents n'aiment pas leurs enfants ou ne veulent pas s'en occuper.

Vous savez probablement que le bien-être d'un enfant dépend de l'amour, des soins et du soutien qu'il reçoit. Nous devons travailler à son bien-être.

Je veux aussi vous dire quelques mots au sujet de l'enfant métis. Vous ne le savez peut-être pas, mais nous avons une relation étroite avec les peuples des Premières nations. En Alberta, la loi veut que lorsqu'un enfant des Premières nations est enlevé au parent autochtone, le parent qui en a la garde le signale à la bande à laquelle l'enfant appartient. Cet enfant est autorisé à conserver sa culture et à entretenir des liens avec sa famille immédiate et élargie et avec la collectivité de sorte qu'il saura au moins lorsqu'il sera devenu grand qu'il existait une loi lui permettant de conserver son patrimoine, sa culture et sa famille.

• 1220

L'enfant appréciera probablement le fait que sa bande ou sa Première nation a fait tout ce qu'elle pouvait pour s'assurer qu'il demeure à l'intérieur de sa communauté, à l'intérieur de sa famille, s'il le désire. En fait, lorsqu'un enfant quitte sa bande, il faut présenter un plan dans lequel on dit ce qu'on va faire, où on va l'emmener et quelles sont les mesures qu'on va prendre pour s'assurer qu'il demeure en contact avec sa culture et sa société.

J'ai eu à m'occuper dans le Nord d'un enfant qui a été confié à la garde du parent qui n'appartenait pas à une première nation. Ceux qui l'ont amené au Texas ont dû promettre qu'il lirait des choses sur sa bande, qu'il recevrait des cartes d'anniversaires, qu'il aurait des photos. Il y a toute une série de plans prévus pour s'assurer que l'enfant sait d'où il vient et qui il est.

Dans la communauté métisse, il n'y a pas de loi de ce genre-là. Aucun parent n'est tenu d'informer qui que ce soit. Si quelqu'un peut prendre l'enfant, il le prend. Nous pensons que notre communauté doit faire de son mieux pour que l'enfant se sente le bienvenu, sente qu'il fait partie de la communauté, sente qu'il peut demeurer avec sa famille immédiate. La famille immédiate comprend la mère ou le père et les frères et soeurs. La famille élargie se compose des oncles, des tantes et des grands-parents. Dans notre communauté, les grands-parents sont particulièrement importants.

Au-delà de la famille, il y a la communauté, la capacité de revenir dans sa communauté pour participer à ses activités et être exposé à sa langue, sa culture et son patrimoine par tous les moyens possibles.

Je ne sais pas ce que le comité en pense, mais le témoin qui m'a précédé a dit que certaines décisions étaient prises en fonction de la race. Pour moi, les Premières nations constituent une culture et une race. Oui, il faut que l'enfant demeure avec le parent, la communauté ou la bande ou qu'il ait au moins un contact raisonnable avec eux. Nous pensons la même chose. Nous croyons que c'est important pour nos familles.

Je peux vous parler d'un autre cas dont je me suis occupé, celui d'une femme métisse qui était très amère et en colère parce qu'elle avait été retirée de sa communauté. La communauté métisse et sa famille n'ont rien fait pour l'aider ou la soutenir dans cette expérience difficile. Je crois qu'il faudrait adopter une loi qui ferait en sorte que... Ceux à qui ça arrive sont déjà assez désorientés. Le sentiment de perte qu'ils éprouvent est déjà assez grand sans qu'ils doivent aussi perdre l'appui de leur communauté.

Nous sommes parfois impuissants. Il y a des lois qui déterminent ce qui va arriver et qui font que les enfants peuvent être pris en charge.

La seule mise en garde que j'ai à faire concerne les mauvais traitements... Je suis certain que c'est une question qui préoccupe tout le monde. Je m'occupe d'aide sociale à l'enfance depuis assez longtemps pour savoir qu'il y a toutes sortes de mauvais traitements. Le comité n'a peut-être pas pour mandat d'étudier la question des mauvais traitements et je vais donc supposer que votre examen s'arrête au divorce et à la séparation.

J'aurais une autre recommandation à faire à ce sujet.

Lorsqu'il est difficile pour les parents de s'entendre, de régler un différend ou un conflit, il faudrait qu'il y ait une forme quelconque d'intervention en faveur de l'enfant—j'ai entendu quelqu'un parler de médiation—pour qu'il ait un droit d'accès juste et équitable à ses deux parents. Ce droit ne devrait être assujetti à aucun autre et il ne faudrait tenir compte d'aucun autre facteur que le bien-être de l'enfant. Faisons de notre mieux pour cet enfant. C'est de lui qu'il faut tenir compte avant tout.

Je tiens à m'assurer que les enfants métis savent qu'ils sont les bienvenus dans notre communauté et qu'ils ne sentent pas isolés ou aliénés de quelque manière que ce soit.

C'était là mon exposé.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Sénatrice Chalifoux.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Merci, Brian.

M. Brian Fayant: Il n'y a pas de quoi, Thelma.

• 1225

La sénatrice Thelma Chalifoux: Je tiens à vous féliciter pour un exposé très bien présenté dans lequel vous nous avez expliqué certaines des questions auxquelles les communautés métisses sont confrontées.

Le comité a reçu pour mandat d'examiner et d'analyser la Loi sur le divorce et les questions liées à la garde et à l'accès. Les mauvais traitements occupent une place prépondérante dans les exposés. Je viens tout juste de me joindre au comité; c'est ma deuxième journée et, hier, j'étais à Vancouver. On a beaucoup parlé de mauvais traitements là aussi, des mesures à prendre et des problèmes qui se posent.

Vous avez parlé de médiation et d'intervention en faveur des enfants. Comme travailleur social sur le terrain, avez-vous déjà eu affaire au bureau de l'intercesseur pour les enfants ici en Alberta? Quel lien feriez-vous entre tout cela et ce que nous devons faire dans le cadre de l'examen de la Loi sur le divorce?

M. Brian Fayant: J'ai surtout eu affaire au ministère responsable de l'aide sociale à l'enfance. Le divorce et la séparation ont tendance à être plutôt orientés vers les tribunaux et ont moins à voir avec la violence envers les enfants. Je travaille surtout auprès des enfants victimes de violence, mais j'ai une petite expérience des tribunaux, du divorce et de la séparation.

Les gens qui divorcent ou qui se séparent espèrent habituellement qu'ils arriveront à s'entendre et à régler le problème sans que les tribunaux aient à intervenir, quoique les tribunaux demandent qu'on leur présente un mémoire sur la façon dont on entend régler les questions qui entourent l'accès. Il peut parfois y avoir un droit de visite alors que dans d'autres cas les parents se partagent les responsabilités du mieux qu'ils le peuvent.

Un problème se pose lorsqu'il y a un différend, pas quand tout a été réglé. Tous les Métis n'ont pas d'argent; nous n'avons pas tous l'argent qu'il faut pour contribuer au bien-être de nos enfants. Les parents qui ne peuvent pas subvenir aux besoins de leurs enfants doivent demeurer à l'écart; sinon, ils risquent d'être accusés.

Tout d'abord, la loi sur la pension alimentaire qui dit qu'il faut payer pour pouvoir voir son enfant, s'applique. Elle permet aux responsables des pensions alimentaires de porter un jugement et de dire que telle ou telle personne n'est pas un bon parent, qu'elle est un mauvais payeur. Cela a un effet dévastateur sur notre communauté. Est-ce qu'on doit penser qu'un parent n'aime pas ses enfants parce qu'il n'a pas d'argent? S'il n'a pas les moyens de payer une pension alimentaire, est-ce que ça veut dire qu'il se fiche de ses enfants? Les enfants n'y comprennent rien.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Donc, ce que vous dites, c'est que la pauvreté sert de moyen de discrimination...

M. Brian Fayant: Je dirais que c'est une forme de préjudice. Je ne pense pas que ce soit volontaire. Je ne pense pas que les gens fassent volontairement preuve de discrimination. Cette loi est discriminatoire du seul fait qu'elle existe. Je ne pense pas que personne tienne à établir une discrimination.

Nous voulons que le parent contribue pour que l'enfant ait un peu plus d'aide et un peu plus d'argent pour jouer à la balle et faire ce qu'il a à faire. C'est naturel. C'est ce que nous voulons. Nous essayons de faire ce qui s'impose et c'est pour ça que cette loi existe, mais, dans notre communauté, l'enfant n'a pas accès à ses parents.

S'il n'y avait pas de lois, tout ce qui m'importerait, c'est que l'enfant soit élevé de manière à se sentir à l'aise avec son père et sa mère.

C'est le point de vue que je tenais à vous présenter. Je voulais que vous voyiez les choses sous un autre angle. Je voulais que vous sachiez que de nombreux Albertains sont des Métis qui sont aux prises actuellement avec ces problèmes. Je tenais à vous dire qu'ils ne sont pas tous mariés. Un grand nombre d'entre nous ont maintenant un conjoint de fait. Je ne sais pas si c'est mieux ou non.

Bien des enfants ne portent plus le nom de leur père. Dans notre communauté, ils prennent le nom de leur mère. Cela a toutes sortes de ramifications pour nous. Ce qui était auparavant perçu comme un concept canadien particulier de la famille est certainement en train de changer.

J'ai parlé avec mes collègues des Services métis à l'enfance et à la famille. J'ai insisté pour venir vous rencontrer. L'accessibilité des grands-parents et l'instabilité mentale sont les seules choses qui les préoccupent. Ils voulaient aussi s'assurer que je vous parlerais de notre patrimoine culturel.

• 1230

Tout ce que je peux vous dire au sujet de notre patrimoine culturel, c'est que les Métis ont survécu dans la province de l'Alberta. Nous jouons un rôle important, mais parfois...

Les gens qui nous préoccupent sont nos enfants, qui souffrent. J'espère que votre comité sera en mesure de veiller à ce que nos enfants reçoivent les meilleurs soins possibles. J'imagine qu'il suffit de se rappeler que l'amour est ce qui importe le plus pour nos enfants, pas toujours les lois, quoiqu'il faille en avoir pour que les choses évoluent.

Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous avons d'autres questions à vous poser.

M. Brian Fayant: Oh.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pas la sénatrice Chalifoux, mais M. Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

J'ai bien aimé votre exposé. Je pense que vous venez de répondre à ma question, mais je vais vous la poser quand même. J'essaie de tirer de votre exposé des éléments d'information dont je pourrais prendre note.

Je crois comprendre qu'il ne faudrait pas, selon vous, qu'il y ait un lien entre la pension alimentaire et l'accès—l'idée que si on ne paye pas la pension alimentaire, on doit renoncer à son droit de visite. J'ai l'impression que vous n'êtes pas d'accord et que vous croyez que les parents devraient avoir accès à leurs enfants qu'ils payent ou non une pension alimentaire. Est-ce que j'ai bien compris? Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais c'est ce que j'ai cru comprendre.

M. Brian Fayant: Je suis un peu mal à l'aise lorsque vous présentez les choses sous cet angle, parce que je ne voudrais pas que vous pensiez que nous ne voulons pas que les enfants aient accès à de l'argent ou à des ressources... Je serais le premier à souhaiter que tous les parents contribuent financièrement à l'éducation de leurs enfants.

J'essayais de vous convaincre que l'enfant devrait avoir accès à son père et à sa mère peu importent les circonstances, à moins qu'il y ait eu de la violence—la violence étant le seul facteur dont il faut vraiment s'inquiéter. La sécurité et la stabilité de l'enfant sont ce qui compte avant tout. Pour moi, les finances posent un problème. J'ai tendance à penser que les finances jouent un moins grand rôle quand il s'agit pour l'enfant de pouvoir avoir accès à sa mère ou son père.

M. Eric Lowther: Pensez-vous qu'il faudrait que ce soit deux questions distinctes—qu'il ne devrait y avoir aucun lien de dépendance entre la question du soutien financier et celle de l'accès?

M. Brian Fayant: La discussion à ce sujet avec les gens avec qui je dois parler n'a pas été facile. Le but de la loi sur la pension alimentaire est de faire en sorte que le parent paye une contribution pour l'enfant, ou à tout le moins... Certains disent que nous ne pouvons plus payer d'allocations sociales parce que nous nous servons de l'argent des contribuables pour subvenir aux besoins de l'enfant de quelqu'un d'autre. Je comprends la situation, mais je crois que lorsqu'un enfant n'a pas accès à ses parents, il ressent une grande perte, il a l'impression d'avoir perdu son identité et il se demande: «Qu'est-ce qui est arrivé à maman? Qu'est-ce qui est arrivé à papa? Qu'est-ce qui est arrivé à ma communauté? Qu'est-ce qui est arrivé à ma famille?»

Je travaille depuis 12 ans avec des enfants et lorsqu'ils n'ont pas accès à la personne qu'ils aiment, ils souffrent énormément et sont désorientés. C'est comme s'ils n'avaient plus aucun sentiment d'appartenance.

Ce sont ces enfants que le gouvernement doit orienter, soit dit en passant, vers des établissements comme le centre d'Edmonton pour jeunes contrevenants et vers les prisons parce qu'ils ont l'impression d'avoir été abandonnés, rejetés, réprouvés.

Ce que je veux dire, c'est que si nous ne nous occupons pas d'eux lorsqu'ils sont jeunes, nous devrons nous en occuper plus tard et que ce sera tout aussi coûteux.

Voilà que je commence à me dire qu'il faudrait peut-être payer ce qu'il faut. Je commence à penser que nous serions peut-être prêts à le faire pour que l'enfant se sente bien dans sa peau, ait une image positive de lui-même et ait l'impression qu'il peut au moins parler à son père et à sa mère, qu'il n'est pas réprouvé et qu'il n'a pas été complètement abandonné.

Nous voulons faire de nos enfants des êtres sains, des membres à part entière de la société. Nous faisons actuellement de grands efforts dans notre propre communauté pour essayer de réparer les dégâts que nous avons nous-mêmes causés. Je crois que certaines de ces lois ne nous aident pas.

M. Eric Lowther: Bien. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett—dernière question.

Mme Carolyn Bennett: Toujours sur le même thème, j'imagine que moi aussi...

[Note de la rédaction: Inaudible]

• 1235

M. Brian Fayant: Vous m'avez demandé si j'étais prêt à faire un commentaire à propos d'un juge. Je pense que c'est notre responsabilité à tous. Lorsque je dis que c'est la responsabilité de ma communauté... c'est la responsabilité de ces parents. Si je pousse les choses un peu plus loin, je dirais que c'est ma responsabilité aujourd'hui en tant que représentant de la nation métisse de me faire le porte-parole des enfants et d'essayer moi aussi de faire en sorte que les choses changent. Je crois que les travailleurs de première ligne qui doivent veiller à l'application des lois qui leur viennent de la province... C'est leur responsabilité tout comme c'est celle de nos gouvernements provinciaux. Bien souvent, le gouvernement fédéral donne le ton et décide de la voie à suivre. En ce qui concerne plus particulièrement l'aide sociale à l'enfance et les services aux enfants, la garde et l'accès, c'est à nous tous qu'il revient de montrer la voie.

Je suppose que les juges sont censés simplement interpréter la loi. Il peut parfois arriver qu'ils aient des préjugés. Nous en avons tous, mais j'espère que nous sommes capables d'insister sur ce qui est important... Lorsqu'on parle du meilleur intérêt de l'enfant, il est curieux de voir à quel point l'idée que 100 personnes s'en font peut être différente. Nous devons donc sonder le coeur, l'esprit et les sentiments des enfants pour essayer de comprendre... et même là je me demande même si nous réussirions à le faire.

Je crois que nous devons indiquer aux juges la voie à suivre. Apparemment, ils prennent parfois des décisions plutôt farfelues, mais ils doivent aussi se conformer aux lois dont la province arrive à s'accommoder. Maintenant que vous nous avez demandé d'examiner la situation, nous le ferons avec plaisir parce que le temps est venu de l'envisager du point de vue d'un enfant plutôt que du point de vue d'un adulte. Nous allons demeurer les adultes que nous sommes, mais nous faisons du mieux que nous pouvons. Je crois que plus nous essaierons d'aider ces enfants, plus saine sera notre communauté demain.

Mme Carolyn Bennett: Mais j'imagine que s'il arrivait, à cause d'un juge ou d'un plus large éventail de gens qui connaissent l'enfant et savent ce qu'il y a de mieux pour lui, qu'on tienne moins compte des grands-parents ou de la tante en essayant de déterminer si...

M. Brian Fayant: Je sais que la société a de plus en plus tendance à considérer la famille immédiate comme «la famille». Je généralise, parce que je sais que la famille élargie est très importante pour un certain nombre d'autres cultures.

La communauté, du moins la mienne, est importante elle aussi; il n'y a pas seulement que la famille. Les Métis essaient de se trouver des parents là où ils n'en ont presque pas ou nous nous disons que nos liens remontent à 50 générations. C'est important pour nous, mais je pense que c'est important aussi pour tous les Canadiens.

Je ne vais donc pas revendiquer le monopole. Je crois que le Canada se cherche lui aussi pour le moment, mais cela est frappant également chez la communauté métisse. Je dirais donc que, oui, les juges doivent prendre en considération plus que la simple famille immédiate, plus que la famille élargie. Il y a aussi la communauté.

Mme Carolyn Bennett: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, monsieur Fayant. Vous nous avez présenté un exposé bien réfléchi qui nous a été très utile.

M. Brian Fayant: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons prendre une pause de cinq minutes.

• 1240




• 1245

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est une séance d'une demi-heure. Nous avons avec nous le docteur Brooks, M. Mahamad et M. Mahé.

Messieurs, nous ne disposons que d'une demi-heure et je vous demanderais donc de limiter vos observations à cinq minutes ou nous n'aurons pas le temps pour les questions.

Nous allons commencer par le docteur Brooks.

Dr Christopher Brooks (témoigne à titre personnel): Merci.

Je m'appelle Christopher Brooks et je suis médecin de famille à Calgary. Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de présenter un bref exposé au Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

Je m'intéresse particulièrement à cette question pour la raison suivante. J'ai une fille de 16 ans nommée Amy. En 1989, deux ans après que nous nous sommes séparés à l'amiable, mon ex-femme a amené Amy voir un psychologue clinicien qui, sans avoir procédé à une enquête adéquate, a fait des recommandations à divers professionnels investis d'autorité.

Par conséquent, j'ai été arrêté et accusé de violence sexuelle envers Amy. Je vous renvoie à l'avis à l'accusé que vous trouverez ci-joint. Ma vie personnelle et professionnelle s'en est tout de suite trouvée grandement menacée et j'ai dû immédiatement cesser de voir Amy.

Même si les accusations qui avaient été portées contre moi ont finalement été levées, le mal avait déjà été fait et je n'ai plus jamais revu ma fille. Autrement dit, Amy et moi ne nous sommes pas vus depuis huit ans.

Pendant la dure lutte que j'ai livrée pour ne pas me retrouver en prison à la suite de fausses accusations tout en essayant de renouer des liens avec ma fille, j'ai fait trois constatations dont j'aimerais brièvement vous faire part.

Premièrement, le psychologue de ma fille de sept ans était un psychologue clinicien. Toutefois, il a très vite assumé des rôles supplémentaires et contradictoires. Il a servi de thérapeute, de légiste, de médiateur et de porte-parole à Amy et sa mère. Il a communiqué avec la mère d'Amy et son avocat, le professeur d'Amy, le médecin d'Amy, le directeur d'école d'Amy, le psychologue scolaire d'Amy, la police et, au moins trois fois, le procureur de la Couronne. Je suis la seule personne avec qui il a résolument refusé de communiquer. Malgré tout, il n'a pas cessé de prétendre qu'il voulait servir de médiateur entre Amy et moi.

• 1250

Deuxièmement, le psychologue est demeuré tout à fait inconscient du rôle essentiel qu'il a joué sans le vouloir dans l'aliénation de l'affection de ma fille. Il a dit à plus d'une reprise que ce que ma fille lui disait à mon sujet dans son cabinet devait être considéré comme la vérité.

Troisièmement, le psychologue a indiqué qu'il avait souvent interrogé Amy sur ce que je lui avais fait. Apparemment, il ne savait pas à quel point il est facile d'inventer des souvenirs fictifs à un enfant qui cherche à faire plaisir.

Il s'est avéré par la suite qu'à ce moment-là les histoires qu'Amy racontait se sont transformées en des souvenirs bizarres et fantastiques d'immolations rituelles d'animaux, de sorcellerie, de bestialité et de tentatives de meurtre remontant à sa tendre enfance.

En conclusion, j'aimerais faire trois recommandations. Premièrement, dans toutes les affaires de garde et d'accès, mais surtout dans celles où de graves accusations, voire des accusations criminelles, sont portées contre un parent ou l'autre, les psychologues en cause devraient être tenus de s'en tenir strictement à leur propre mandat et à leur domaine précis de spécialisation. Ils ne devraient pas s'aventurer ni être encouragés à s'aventurer en territoire inconnu.

Deuxièmement, tous les professionnels travaillant dans le domaine de la garde et de l'accès, et j'inclus les juges, les avocats, les travailleurs sociaux chargés de la protection de l'enfance, les policiers et les psychologues, devraient recevoir une formation assidue et poussée à l'égard de questions aussi délicates que l'aliénation de l'affection et la création de souvenirs fictifs.

Troisièmement, toute personne dont il a été clairement prouvé qu'elle avait fait de fausses accusations de nature criminelle contre une autre personne dans l'intention de nuire devrait elle-même être poursuivie en justice.

Mon expérience personnelle peut se résumer à ceci. Dieu merci, les accusations qui ont été portées contre moi ont échoué et je ne suis pas allé en prison après tout, mais il me semble néanmoins que j'ai perdu ma fille à tout jamais. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, docteur Brooks.

Monsieur Mahamad.

M. Abdulahi Mahamad (témoigne à titre personnel): Je vous remercie, mesdames et messieurs, de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous. L'anglais n'est pas ma langue maternelle; alors, n'hésitez pas à me le dire si vous avez de la difficulté à me comprendre ou à saisir certaines de mes phrases. Vous pouvez utiliser la moitié du temps qui m'est alloué pour me demander des précisions.

Comme je l'ai expliqué au comité dans ma lettre, il s'agit d'une question difficile et déroutante. J'étais très déçu et très découragé lorsque j'ai rencontré M. Ferrel Christensen, qui m'a présenté à un groupe d'hommes, dont le docteur Brooks. Je me suis aperçu que mon problème était minime. Je pensais qu'il était difficile et que le ciel allait me tomber sur la tête. J'ai immigré au Canada et je fais partie d'une minorité visible de sorte que je pensais qu'on me traitait différemment des autres pères.

Je me suis aperçu que c'est beaucoup plus difficile que je pensais. Une des personnes à qui j'ai parlé, même si j'ai été accusé deux fois d'un crime que je n'ai jamais commis et que je n'avais pas non plus l'intention de commettre, m'a dit que j'étais chanceux parce que je n'avais jamais été reconnu coupable et que je n'avais pas non plus de casier judiciaire.

• 1255

Le problème, c'est que j'ai une fille de huit ans qui ne peut pas se défendre elle-même et sa mère l'a tellement battue qu'elle a été placée en famille d'accueil. Quand elle en est sortie, sa mère s'est aperçue que c'est moi qui avais appelé pour dire que l'enfant était maltraitée.

Maintenant, la mère est furieuse et continue à m'accuser même si nous n'avons eu aucun contact depuis un an. Je peux maintenant rendre visite à ma fille grâce à une ordonnance du tribunal. Je ne l'ai pas vue pendant huit ans parce que je devais me battre. La mère a obtenu la garde exclusive et une injonction.

Maintenant, je n'ai plus peur. Je peux voir mon enfant, mais je me demande ce qui va m'arriver. Est-il bon que je continue à la voir même si j'ai une ordonnance du tribunal qui dit que je peux la voir? Qu'est-ce que je devrais faire et où est-ce que je vais me retrouver? Je n'ai plus d'argent. Est-ce que la situation va empirer et est-ce que j'irai en prison?

J'aimerais montrer au comité des photos qui ont été prises par les autorités, mais je ne peux pas vous les remettre parce qu'elles sont trop choquantes. L'enfant a huit ans et elle a un avenir. J'aimerais les faire circuler et les ravoir à la fin de la réunion.

Comme je l'ai dit, j'ai immigré au Canada il y a 11 ans. J'ai été parrainé par le gouvernement. Il m'a payé un dépôt de 150 $ en cas de dommages. Huit mois plus tard, je suis déménagé. Lorsque je suis déménagé—j'étais alors seul—le propriétaire ne m'a pas remis le dépôt au complet même si j'avais bien nettoyé l'appartement. Un ami m'a dit que je pouvais aller à la cour des petites créances et que moyennant des frais de 25 $, une lettre sous pli recommandé serait envoyée au propriétaire pour qu'il me rembourse le dépôt en cas de dommages. Il s'élevait à 150 $. C'est ce que j'ai dû faire pour ensuite revenir montrer au tribunal que je lui avais envoyé une lettre sous pli recommandé.

J'avais alors un enfant de 12 mois. La mère m'avait accusé et avait obtenu la garde exclusive et une injonction du tribunal sans notification. Il y a une question que je me pose et j'aimerais avoir une réponse, parce que je n'ai pas pu en trouver une. Je suis un immigrant. Je ne comprends pas comment la loi de ce pays libre peut accorder de la valeur à 150 $, mais pas à la vie d'un enfant et pas à un père qui vit seulement à quelques rues de là et qu'on ne prend même pas la peine de notifier. La mère obtient automatiquement la garde exclusive et une injonction. Le père qui essaie de voir son enfant va automatiquement en prison.

C'est là l'expérience que j'ai de votre système judiciaire.

J'ai fait une recommandation à la page 2. Lorsque ma fille a été placée dans un foyer d'accueil pendant une période plus longue qu'un an, les contribuables, y compris moi, ont déboursé beaucoup d'argent. J'ai essayé de m'y opposer devant les tribunaux, ce qui m'a aussi coûté de l'argent.

Ce n'était pas nécessaire. J'ai une maison. Je peux m'occuper de mon enfant. Je n'ai besoin de l'aide de personne. Le ministère de la Famille et des Services sociaux a rendu l'enfant à sa mère parce qu'il l'a crue. À son avis, elle devait dire la vérité. Elle a raconté que je m'étais montré violent envers elle il y a huit ans même si le tribunal ne m'a reconnu coupable de rien. Elle a abusé de la situation.

Je recommanderais qu'il y ait un comité de surveillance des agences de protection de l'enfance parce qu'elles sont tellement puissantes. Ce sont des organisations politiques et elles emploient mal l'argent des contribuables.

Ma fille est retournée avec sa mère conformément à une ordonnance de surveillance d'un an. Un psychologue doit l'approuver. Je suis tout à fait capable de m'occuper de mon enfant, mais je n'en ai pas obtenu la garde. On ne m'autorise même pas à la voir de sorte que j'ai dû me tourner vers les tribunaux. Le ministère de la Famille et des Services sociaux a dit que je ne pouvais pas lui rendre visite.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez légèrement dépassé vos cinq minutes. Pourriez-vous faire vos trois autres recommandations en guise de conclusion?

M. Abdulahi Mahamad: Merci.

• 1300

L'autre recommandation, c'est que la garde devrait être fonction uniquement du meilleur intérêt de l'enfant et non du sexe des parents. Et toute fausse accusation devrait être automatiquement traitée comme une infraction criminelle. Un parent qui fait de fausses accusations devrait perdre la garde de ses enfants et être tenu responsable des dépenses de l'accusé et du système.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Monsieur Mahé, vous avez cinq minutes.

M. Alex Mahé (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous adresser la parole.

J'enseigne à de jeunes enfants. En 1987, mon ex-femme et moi avons entamé une procédure en vue d'un divorce qui s'est révélé très acrimonieux. L'expérience n'a pas été très plaisante. Nous avons fini par aller en justice et le juge m'a accordé la garde conjointe des enfants qui habitaient avec mon ex-femme. Il m'a accordé trois fins de semaine par mois, mais mon ex tenait absolument à ce qu'il n'en soit pas ainsi. Cette ordonnance ne lui plaisait pas, ce qui fait que quelques années plus tard, en 1989, lorsque je me suis présenté pour ma visite d'un mois, il n'y avait pas de réponse. Je me souviens encore de cette journée-là et j'en tremble juste à y penser, mais la situation a été très difficile ces 11 dernières années.

Bref, je me suis rendu chez mon ex-femme, mais il n'y avait personne. J'ai donc communiqué avec la police, croyant que la mère avait peut-être kidnappé mes enfants et quitté le pays. J'étais très inquiet. J'ai passé deux jours à chercher mes enfants partout dans la ville en compagnie de la police. Nous n'arrivions pas à les trouver et, quelques jours plus tard, j'ai reçu un appel de la section des crimes sexuels. J'y suis allé volontiers en demandant où étaient mes enfants et de quoi au juste il s'agissait.

On m'a interrogé pendant probablement deux ou trois heures. L'enquêteur de la police m'a dit qu'il avait déjà interviewé la mère et qu'il pensait qu'une bonne partie des preuves—pas des faits—qu'elle lui avait présentées étaient fabriquées. Il m'a dit que j'étais libre de partir, d'aller chercher mes enfants et de profiter de mon été avec eux. C'est ce que j'ai essayé de faire, mais comme je n'arrivais pas à les trouver, j'ai téléphoné de nouveau à la police pour lui demander comment je pouvais exercer mon droit d'accès. La police m'a répondu qu'elle ne pouvait pas m'aider, parce qu'elle ne savait pas au juste par où commencer.

Plusieurs jours plus tard, j'ai trouvé mes enfants grâce à certaines pistes et, lorsque j'ai essayé de les amener chez moi, elle s'y est opposée. J'ai donc téléphoné à la police. Nous nous sommes rendus au poste de police où on m'a dit que mon ex-femme avait apparemment amené les enfants chez une organisation et qu'ils avaient dit que je m'étais rendu coupable de violence sexuelle à leur endroit... «Nous ne pouvons pas vous en dire plus long, mais trouvez-vous un avocat.» Ce fut le début d'une incroyable aventure et d'une souffrance terrible, parce que je n'avais absolument rien fait. J'en étais persuadé.

Je me suis donc trouvé un bon avocat parce que je me suis dit qu'il fallait que j'y regarde de plus près. Il a découvert que les enfants faisaient partie d'un groupe appelé le Groupe 5 et qu'ils suivaient une thérapie parce qu'ils avaient été victimes de violence. Je pensais qu'il fallait intervenir, parce que ces enfants étaient traités pour quelque chose qui ne s'était jamais produit. «Qu'est-ce que ça va faire aux enfants?» J'avais toujours été très près de mes enfants et je savais qu'ils devaient s'ennuyer beaucoup de moi comme je m'ennuyais énormément d'eux.

J'ai donc entrepris une mission qui allait engloutir toutes mes économies, tout l'argent que j'avais. Nous avons obtenu les notes de cette organisation et jamais je n'ai ressenti une peine aussi grande que ce jour-là après dix minutes de lecture. J'avais plus mal que jamais dans ma vie auparavant et je suis certain que je ne souffrirai jamais autant jusqu'au jour de ma mort, parce que c'est atroce ce qui se passait lors de ces séances.

On disait dans ces notes que mes enfants racontaient certaines choses à mon sujet et même ma fille—qui n'était pas encore impliquée—était en thérapie. C'était tout simplement incroyable. Mon ex-femme assistait à certaines séances avec les enfants où elle était interviewée. Je savais qu'une énorme coercition était exercée sur mes enfants. On pouvait le voir d'après les notes. Je n'avais jamais rien vu de tel.

Enfin, après avoir dépensé toutes mes économies—plus de 60 000 $—nous nous sommes présentés devant un juge qui m'a disculpé complètement. Avant ça, j'avais droit uniquement à des visites surveillées. L'expérience a été des plus humiliantes puisque je devais payer 25 $ l'heure si je voulais voir mes enfants. La moitié du temps, je ne pouvais pas me le permettre. Nous étions donc séparés. Lorsque les responsables de la garde venaient de temps à autre, j'avais droit à deux heures à peu près. Comme il leur fallait environ une heure pour se rendre chez moi, je pouvais passer une heure avec mes enfants et j'étais alors surveillé de très près.

Ces jeunes étaient des étudiants universitaires—de 18 ou 20 ans—qui se promenaient sans souliers et qui ne connaissaient rien à l'éducation des enfants. J'avais une formation en éducation des enfants.

• 1305

Par exemple, mes enfants avaient des problèmes de propreté et je ne pouvais même pas les aider. Ils pleuraient: «Papa, viens m'aider; j'ai eu un accident. Non, vous ne pouvez pas entrer dans la salle de bain, vous ne pouvez pas vous approcher de vos enfants.»

C'est l'expérience la plus dévastatrice que j'ai jamais vécue. J'ai embauché mon propre psychologue pour que les choses aillent plus vite. Je lui ai demandé que mon fils puisse assister à ces séances en compagnie d'une personne neutre, de quelqu'un d'autre que la mère, à cause de la coercition exercée. J'avais vu les notes. Cela ne s'est jamais produit et l'enfant est toujours allé à ses séances de thérapie avec mon ex-femme.

C'est pourquoi il est avec moi ici aujourd'hui. J'espérais qu'il pourrait prendre la parole, parce qu'il aurait pu vous raconter son histoire. Il est à l'âge où il se souvient de toutes les contraintes qui ont été exercées et, pourtant, personne ne voulait l'écouter.

J'ai demandé à plusieurs reprises qu'il puisse parler au juge. Il savait que le juge représentait la plus haute autorité. Si seulement il avait pu lui raconter ce qui se passait...

Après m'avoir disculpé, le juge a dit en des termes non équivoques à mon ex-femme que les enfants avaient assez souffert, qu'on était en train de les démolir, qu'ils étaient déchirés et qu'elle ne devait plus reparler de tout ça. L'affaire était close. Je n'avais rien fait de tel et je n'étais pas le genre d'homme à commettre ce genre de crime.

Voilà que six mois plus tard elle a porté une autre fausse accusation contre moi. J'étais assailli de partout. Ça n'en finissait plus. Nous sommes retournés devant le tribunal. J'ai dépensé plus d'argent et j'ai emprunté de ma famille. Cela s'est répercuté sur toute ma famille, sur mes beaux-parents. C'était affreux.

Elle n'a pas du tout été réprimandée. Le juge s'est contenté de dire que je n'avais rien fait. J'ai donc demandé la garde pour sortir mes enfants de là une fois pour toutes.

Tout a été réglé en cour. J'ai été disculpé. Ma réputation avait été souillée. J'avais perdu deux emplois parce qu'elle avait demandé à des gens de téléphoner. Je n'ai jamais pu le prouver, mais des gens appelaient pour me dire que j'étais un pédophile et je travaillais alors avec des enfants. Ça faisait des flammèches. J'ai perdu mon emploi. J'ai perdu toute crédibilité et ma vie est ruinée. Ce qui était le plus dur pour moi, c'était de regarder mes enfants, que j'aime tant, que je protégerais au péril de ma vie, de voir à quel point ils étaient désorientés.

Nous sommes retournés devant le tribunal. En fin de compte, alors que j'avais la garde conjointe, après le deuxième procès concernant cette fausse accusation, elle a obtenu la garde exclusive. Je n'avais plus droit qu'à deux fins de semaine au lieu de trois.

Essayez d'y comprendre quelque chose; je n'y suis jamais arrivé. Cela n'a aucun sens. Les enfants sont toujours avec elle et je n'ai toujours droit qu'à un accès limité, même après tout ça, mais il ne me reste plus d'argent et je suis épuisé.

J'ai téléphoné aux Services sociaux et demandé s'il n'y avait pas une agence qui donne des conseils à un homme contre qui un nombre incroyable de fausses accusations de la pire espèce ont été portées, dont les enfants croient maintenant qu'il est un monstre, ne sont même pas certains comment s'y prendre avec lui, comment le regarder lorsqu'il les voit. Ils ont peur de ce qu'ils ont entendu, mais ce sont toutes des faussetés.

Non, on n'avait rien à me proposer, ni agence ni rien d'autre. J'ai dû essayer de m'en sortir seul et de rebâtir ma vie et ma réputation.

Enfin, lorsque mon fils a été assez vieux, il a embauché son propre avocat et, en 1997, un juge m'a accordé la garde exclusive de mon enfant et n'arrivait pas à croire ce qui s'était passé, ce que l'avocat de mon fils lui a raconté parce qu'il n'était pas arrivé lui-même à se faire entendre. Personne ne voulait l'écouter. Les gens pensaient que j'allais probablement dire quelque chose pour lui, parce qu'il ne pouvait pas témoigner. Peu importe ce que je disais, ça ne comptait pas.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Tout d'abord, pourriez-vous nous dire où la cause de votre fils a été entendue et quand?

Je veux savoir quel tribunal l'a entendue. Était-ce à Edmonton, et quand?

M. Alex Mahé: Oui, la cause a été entendue ici à Edmonton en septembre 1997.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quel était le nom du juge?

M. Alex Mahé: Le juge Marceau.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): À quel tribunal? Le savez-vous?

M. Alex Mahé: C'était à la cour du banc de la Reine.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'imagine qu'il s'agissait d'une affaire criminelle.

M. Alex Mahé: Non, je n'ai jamais été accusé, mais j'ai dû passer devant le tribunal parce que je devais sortir mes enfants de la situation dans laquelle ils se trouvaient.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est parfait.

Nous allons maintenant passer aux questions. La sénatrice Cools va commencer.

La sénatrice Anne Cools: Merci. Je tenais à m'assurer que ces affaires seraient confinées au compte rendu, parce que ce sont des choses qui arrivent souvent. Des accusations au criminel ont été portées contre le docteur, par exemple, mais ce n'est pas le cas la plupart du temps. Souvent, ces accusations sont portées au civil de sorte que leurs auteurs ne risquent pas grand-chose.

• 1310

Si vous me le permettez, j'aurais une ou deux questions à vous poser. Je tiens tout d'abord à vous dire à tous que je ressens toujours une énorme honte lorsque j'écoute ces histoires, et elles sont innombrables. C'est une véritable épidémie partout au Canada et je dois vous dire que le silence de la plupart des politiciens et de la plupart des assemblées législatives et du Parlement du Canada au sujet de cette terrible parodie me remplit de honte. Je me sens très honteuse. Mais la honte ne me servira pas à grand-chose.

Cela dit, j'aurais quelques questions à vous poser. Je comprends ce que vous avez ressenti et j'en suis peinée. Je me bats pour vous du mieux que je peux. La bataille est rude, mais ça ne fait rien.

Ma première question s'adresse au docteur... Dans votre exposé extrêmement court, trop court—cinq minutes sont loin de suffire dans le cas d'une situation aussi complexe—vous avez fait allusion à un psychologue clinicien qui, sans avoir procédé à une enquête adéquate, ce qui veut dire sans avoir suffisamment enquêté, a fait une recommandation. Pourriez-vous nous donner son nom aux fins du compte rendu?

Dr Christopher Brooks: M. Gary Kneier.

La sénatrice Anne Cools: Très bien. Merci. Avez-vous pu obtenir un recours contre lui ou avez-vous pu porter plainte contre son manque de professionnalisme?

Dr Christopher Brooks: Oui, madame la sénatrice, je lui ai intenté un procès.

La sénatrice Anne Cools: Vous pourriez peut-être nous dire à quel sujet vous l'avez poursuivi et si vous avez remporté votre procès ou non.

Dr Christopher Brooks: Je l'ai poursuivi pour ne pas avoir exercé un degré de diligence raisonnable. Les interrogatoires préalables ont duré deux ans.

La sénatrice Anne Cools: Combien cela vous a-t-il coûté?

Dr Christopher Brooks: Cette affaire m'a coûté à peu près 200 000 $.

La sénatrice Anne Cools: Ça aura coûté 200 000 $ à une personne qui a été agressée par l'État. Et vous avez dit aussi que votre relation actuelle avec votre fille était, comme vous l'avez décrite, non existante.

Dr Christopher Brooks: Je ne l'ai pas vue depuis huit ans.

La sénatrice Anne Cools: Avez-vous pu obtenir une aide personnelle quelconque de vos collègues, de médecins? Soit dit en passant, de nombreux médecins sont accusés comme vous l'avez été.

Dr Christopher Brooks: J'ai de nombreux amis et j'ai reçu beaucoup d'aide d'eux, de mes amis personnels, de mes collègues et, fait assez curieux, d'un grand nombre de mes patients qui ont entendu parler de ce qui était arrivé. Ils sont venus me voir et m'ont dit: «Docteur, vous n'êtes pas un maniaque sexuel. Vous n'êtes pas un agresseur. Nous tenons à ce que vous continuiez à vous occuper de nos enfants.»

La sénatrice Anne Cools: Très bien, parce que dans ce cas-ci, dans votre cas en particulier, la question des souvenirs fictifs est une toute autre histoire.

Monsieur le président, je serais prête à céder la parole à d'autres membres du comité pour le moment. Je reviendrai à la charge plus tard.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Je vous remercie infiniment de votre témoignage. Je sais à quel point tout cela a été difficile pour vous. C'est difficile à entendre pour nous aussi, comme parents.

J'aimerais revenir à certaines des recommandations que vous avez faites au cours de votre exposé à propos des fausses accusations et de ceux qui font de fausses accusations, qu'il s'agisse de la mère, des travailleurs sociaux ou du psychologue. Vous avez dit, par exemple, que nous devrions peut-être modifier le Code criminel de manière à ce qu'il renferme un article concernant ceux qui font de fausses accusations—lorsqu'il a été prouvé qu'elles le sont, bien sûr. Je suis d'accord avec vous pour dire que le processus est long et compliqué, et je pense que le comité est très favorable à l'idée de s'assurer que le processus est rapide et qu'une décision est prise, mis à part les autres facteurs dans une cause de divorce, qu'il s'agisse de la garde, de l'accès... qu'une décision soit rendue très rapidement au sujet de ces accusations et que la personne accusée d'un crime aussi haineux soit vite absoute.

Vous avez proposé de modifier le Code criminel. Vous avez parlé d'amende et d'emprisonnement. Vous avez mentionné la possibilité de payer les frais de l'accusé. C'est ce que nous avons entendu tout au long de nos délibérations.

Ce qui me préoccupe le plus, je dois vous avouer, c'est la perte de la garde des enfants. Actuellement, nous créons une autre arme. Si on jetait l'accusateur en prison...

Dr Christopher Brooks: Je suis d'accord.

Mme Eleni Bakopanos: ... on créerait un autre scénario, qui est tout aussi traumatisant selon moi pour les enfants. Ce n'est pas vraiment une question, mais j'ai de la difficulté...

• 1315

Dr Christopher Brooks: Vous avez tout à fait raison. Je vous remercie d'avoir soulevé ce point. Toutes les accusations qui ont été portées contre moi ont atteint leur but. Je ne pense pas que mon ex-femme souhaitait m'envoyer en prison—je dois bien le concéder—mais elle a atteint son but, que je ne voie jamais plus ma fille.

Ce n'est pas tout à fait vrai. Je l'ai vue à quelques reprises dans des circonstances très artificielles soit au tribunal soit avec un avocat, un point c'est tout.

Mme Eleni Bakopanos: Supposons pour le moment que le Code criminel renferme une telle disposition et...

Dr Christopher Brooks: Je crois que cela aurait fait échouer ses plans. Une fois que le système est en marche, il n'y a plus moyen de l'arrêter.

Mme Eleni Bakopanos: À votre avis, ce serait un facteur de dissuasion.

Dr Christopher Brooks: Absolument.

Mme Eleni Bakopanos: Très bien. Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Alex Mahé: J'aurais des changements à proposer étant donné que je n'ai pas eu la chance de le faire.

Le premier, c'est que lorsqu'un parent est accusé de violence envers ses enfants, il devrait immédiatement en être averti. Je sais que j'aurais pu épargner des milliers de dollars au gouvernement—je pense au Groupe 5 et à toutes les séances de thérapie—si j'avais été là et si j'avais pu m'expliquer.

Par exemple, mon enfant a toujours eu des problèmes de propreté et on en a fait toute une montagne. On a essayé de me blâmer. Et j'aurais pu dire à tout le monde d'aller voir dans son dossier médical.

Donc, si on avait communiqué avec moi et si j'avais pu être là avec mes enfants... et au cours de certaines des séances, s'il l'avait fallu, pour que les enfants se sentent suffisamment en sécurité au cas où une coercition aurait été exercée. Au moins, ils auraient su qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter.

Ma deuxième suggestion, c'est que toutes les séances, y compris les entrevues avec les parents et les enfants dans le cadre de l'enquête policière, soient enregistrées sur bande vidéo. Ce serait très important.

La séance aurait pu être filmée et j'aurais pu la montrer au tribunal pour qu'il voie ce qui se passait dans le Groupe 5 et ce qui arrivait à mes enfants. L'affaire aurait alors été réglée.

Je suggérerais donc que l'accusé soit inclus dans le processus depuis le tout début.

Mme Eleni Bakopanos: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Mahamad?

M. Abdulahi Mahamad: Il serait peut-être bon d'avoir une agence communautaire de protection de l'enfance que la communauté et les amis connaîtraient. Une fois que la mère ou le père s'est emparé des enfants et a disparu avec eux dans une autre province, la police des autres villes ne sait pas quel est au juste le problème. Elle suppose donc... et il est facile que les mensonges et les fausses accusations continuent.

Si nous avions une agence à laquelle, par exemple, la communauté pourrait s'adresser—qui connaîtrait toute l'histoire—les personnes qui essaient d'avoir des droits de visite ou la garde auraient peut-être la tâche plus facile.

Mme Eleni Bakopanos: Voulez-vous parler d'un registre national? Si vous voulez parler d'une agence de surveillance, est-ce qu'elle serait provinciale seulement ou nationale?

M. Abdulahi Mahamad: Il serait probablement bon d'avoir une agence de surveillance provinciale qui serait divisée... et dans les villes et ainsi de suite. Elle pourrait surveiller les psychologues, par exemple.

Une travailleuse sociale m'a menti et j'ai la transcription des délibérations du tribunal. Elle a menti. J'ai écrit au ministre des Services communautaires et sociaux, mais rien n'a été fait. On m'a dit que c'était dommage, mais que c'était elle l'agente chargée du cas. On a refusé de m'en assigner une autre en me disant que je pouvais intenter des poursuites contre elle si je voulais.

Mme Eleni Bakopanos: Au lieu de s'en remettre aux tribunaux, est-ce que l'un d'entre vous a pu porter plainte auprès des associations professionnelles, de l'association médicale et de l'association des psychologues cliniciens? Est-ce que l'un d'entre vous est arrivé à le faire? Qu'est-il advenu de ces plaintes si vous en avez porté?

Dr Christopher Brooks: J'ai essayé de faire tout ce que je pouvais sans créer de conflits, mais je me suis aperçu qu'une fois que le système est en marche, les conflits et la confrontation sont inévitables. On ne peut plus arrêter la machine.

Et je suis d'accord si j'ai bien compris votre question: n'y a-t-il pas moyen d'éviter tout cela? Je ne suis pas avocat; ce n'est pas mon domaine. Tout comme j'ai proposé que le psychologue clinicien s'en tienne à sa spécialisation, je pense que je devrais m'en tenir à la mienne, sauf que j'aurais une suggestion à faire. S'il y avait moyen d'éviter les conflits et la confrontation et de pouvoir compter sur une personne raisonnable qui a du bon sens, qui n'a pas son intérêt personnel en vue, qui n'a pas d'intentions cachées, dont le revenu ne dépend pas... et il serait idéal de pouvoir faire quelque chose du genre, de pouvoir créer un comité et d'avoir enfin l'impression d'avancer.

• 1320

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Le coprésident (le sénateur Roger Gallaway): Merci.

Nous allons passer à M. Lowther, puis à la sénatrice Cools.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées que Mme Bakopanos, au risque de me répéter. Lorsque j'écoute vos trois histoires, je m'aperçois qu'elles ont certains thèmes en commun. Vous avez été accusés, trahis, pour ensuite être disculpés de toute accusation. Vous n'avez pas de casier judiciaire, mais vous avez pourtant dépensé tout votre argent sans pour autant avoir accès à vos enfants.

Si je regarde vos recommandations, l'élément commun, c'est que de fausses accusations devraient automatiquement être considérées comme une infraction criminelle. Vous avez fait d'autres recommandations au sujet des agences de protection de l'enfance et des psychologues et dit que ces gens devraient faire ce que leur profession exige et faire ce qui convient.

Je m'interroge sur ces recommandations. Pensez-vous que tout aurait été différent pour vous si elles avaient été adoptées avant que vos malheurs commencent? Lorsque j'écoute vos histoires et que je regarde vos recommandations, je me demande si cela aurait suffi pour vous. Il me semble que vous seriez quand même passés par là, mais je vais vous laisser répondre à cette question.

Dr Christopher Brooks: Je dois dire que ma réputation est demeurée entachée. La police m'a arrêté l'autre jour parce que je conduisais trop vite. Après être allé voir dans son ordinateur, l'agent m'a dit qu'il s'était aperçu que j'avais été arrêté pour violence sexuelle. Je suis sorti de ma voiture et... l'émotion m'étrangle. C'est la première remarque que je tiens à faire.

L'autre, c'est que si ces recommandations avaient été en oeuvre, l'affaire en serait arrêtée là.

M. Eric Lowther: Elle se serait arrêtée là.

Dr Christopher Brooks: La plus importante de mes recommandations, c'est que tous ceux qui ont leur mot à dire sur la garde sachent à quel point il est facile d'inculquer des souvenirs fictifs à une enfant docile et serviable qui ne demande qu'à plaire.

Le psychologue qui traitait ma fille l'a vue 44 fois. À chacune des séances, il insistait sur le fait qu'elle était là et qu'elle parlait pour la 33e fois de ce que son père avait fait.

Il envoyait à son jeune cerveau le message que son père avait fait quelque chose. Bien sûr, c'était une fillette intelligente et elle a inventé des histoires spectaculaires. Le psychologue a alors décidé, parce que cela fait partie de son mandat de clinicien—pas d'enquêteur judiciaire, mais de clinicien—de croire ce qu'elle lui disait.

M. Eric Lowther: Donc, si à ce moment-là le psychologue avait dit que d'après son examen, ces accusations n'étaient pas fondées...

Dr Christopher Brooks: Non, ce n'est pas ce qu'il aurait dû dire. Il aurait dû dire «Je suis un clinicien et je vais demeurer le thérapeute de cette enfant qui de toute évidence a un problème», ce qui était vrai. Il aurait dû dire: «Je vais laisser à un expert du domaine le soin de procéder à une enquête ou d'évaluer la véracité de ces terribles accusations.» Il aurait dû en référer à quelqu'un d'autre, mais il ne l'a jamais fait. Il avait de trop nombreux rôles.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mahamad.

M. Abdulahi Mahamad: Je ne crois pas que j'aurais eu les mêmes difficultés. La mère voulait se venger et se servir du système. Le système lui a facilité la tâche. Elle n'est jamais venue frapper à ma porte; elle ne m'a pas accusé deux fois. C'est le système qui permet de telles souffrances, qui finissent par se répercuter sur les enfants.

Je ne pense pas qu'on puisse soulager la douleur que tous ces pères ont ressentie. Le problème, c'est que la destruction psychologique menace l'avenir de cette nation, à cause du système précisément et il faut donc le corriger immédiatement.

• 1325

M. Alex Mahé: Je suis d'accord avec ces deux messieurs et avec le docteur Brooks lorsqu'il a dit que c'était dommage que sa réputation soit entachée. On est marqué dès le départ. Cela ne changerait pas, même si on modifiait le système.

Cependant, dans mon cas, si une punition quelconque avait pu être imposée à ceux qui font de fausses accusations, mon ex-femme ne se serait pas tant acharnée contre moi. Elle a fait certains commentaires lorsque j'ai enfin eu droit à une visite surveillée. Elle m'a ri au nez et m'a dit que je devais avoir du plaisir puisque je dépensais tout mon argent.

Elle avait réussi à se venger. Elle m'a vraiment eu et elle savait que le système était de son côté. Je n'avais qu'à bien me tenir.

J'appelais au secours et grâce au rapport de l'Alberta... Je suis allé voir les médias en leur disant que je n'arrivais pas à croire que personne n'était prêt à m'écouter, que personne ne voulait écouter les enfants.

J'aimerais montrer au comité un ou deux rapports de l'Alberta concernant notre cas. Ils pourraient vous aider à mieux comprendre ce qui se passe vraiment. Un a pour titre Getting Rid of Dad. L'autre...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Seriez-vous prêt à nous les laisser?

M. Alex Mahé: Je crois sincèrement que si certaines de ces modifications avaient déjà été apportées au système, il aurait été possible d'éviter une bonne partie des dégâts, pas seulement pour moi, mais surtout pour les enfants. Ils continuent à souffrir.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons laisser le dernier mot à la sénatrice Cools. Nous avons légèrement dépassé le temps qui nous était alloué.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président. Lorsque j'ai demandé au docteur Brooks le nom du thérapeute qui a si mal agi, il m'a dit que c'était M. Gary Kneier.

J'ai vérifié avec le greffier. M. Kneier a témoigné devant notre comité à Calgary il y a quelques semaines.

Il aurait été très intéressant, monsieur le président, de pouvoir avoir M. Kneier en même temps que le docteur Brooks. Il aurait pu nous parler de la façon dont se font ces évaluations, des dommages terribles qu'elles causent et des bouleversements psychologiques qu'elles entraînent.

Je le répète, le comité devrait examiner la question des évaluations des psychologues et l'importance qui leur est accordée par les tribunaux. C'est une question qui mérite une étude et notre attention. Le phénomène des fausses accusations doit entraîner des punitions. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Je sais à quel point il a été difficile pour vous de révéler certains des détails les plus intimes de votre vie. Nous vous remercions d'avoir bien voulu ainsi contribuer aux travaux du comité. Merci beaucoup.

Dr Christopher Brooks: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je demanderais maintenant à notre prochain groupe de témoins, M. et Mme Cable, M. Rowley, M. Haiden, M. Mason et Mme Morrison, de bien vouloir s'approcher.

Bienvenue à tous.

Nous allons commencer par M. Mason. Vous pouvez y aller. Vous avez cinq minutes—et je dis bien cinq minutes.

• 1330

M. Dan Mason (témoignage à titre personnel): Pas de problème.

J'aurais une brève observation à faire à cause de ce que j'ai entendu lors d'une séance précédente. Je veux vous parler essentiellement de questions de droit international. La Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, plus précisément, contient une prémisse qui est utile lorsqu'on parle de fausses accusations en ce sens que les fausses accusations sont examinées de très près. Si un enfant est amené dans un autre pays, les membres de la convention, les autorités centrales en cause, examinent habituellement de très près de telles accusations. Généralement, la jurisprudence montre qu'elles ne sont pas très bien acceptées parce qu'on se rend compte que la plupart des parents ou les parents qui essaient d'obtenir un avantage sur le plan juridique essaieront en fait de porter de fausses accusations. Ainsi, la jurisprudence à ce sujet est très mince. En réalité, d'après les recherches que j'ai faites, personne n'a jamais réussi à obtenir quoi que ce soit sur la foi de fausses accusations. La convention a été rédigée de manière à ce que cela ne se produise pas.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas là l'objet principal de mon exposé.

Je vous remercie de m'avoir invité. J'ai été appelé, dans le cadre de mes recherches, à communiquer avec M. Adair Dyer, sous-secrétaire général de La Haye aux Pays-Bas. Je me suis entretenu à un certain nombre de reprises avec des représentants du Département d'État américain, des départements américains de l'immigration à Ottawa, en Alberta et un peu partout au Canada, ainsi que de nos ministères de la Justice à Ottawa et en Alberta.

Au cours de mes recherches, j'ai relevé certains exemples de cas de garde et d'accès, d'objections civiles et d'enlèvement légal où le Canada n'était pas vraiment en accord avec la communauté internationale vu ses convictions et ses idéaux.

Par exemple, le 18 janvier 1993, une commission spéciale faisait observer lors de la Conférence de La Haye sur le droit international privé: «L'idéal pour la communauté internationale serait que le droit de tous les enfants à leurs deux parents soit respecté.» Ce droit est défini au chapitre 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant. La communauté internationale croit fermement que tout enfant a droit à ses deux parents, à un point tel que le délégué de la France à cette même conférence a indiqué que l'accès serait, par exemple, une conséquence naturelle du droit de garde. Cela ne s'est pas nécessairement vu ici au Canada où la garde et l'accès sont deux notions très distinctes et très différentes. La communauté internationale voit la situation d'un point de vue totalement différent. Elle considère que les deux parents ont des responsabilités envers leurs enfants, que ces responsabilités sont partagées, qu'elles ne reviennent pas à une seule personne...

M. Eric Lowther: J'ai une objection à formuler, monsieur le président. Le témoin nous a-t-il présenté un mémoire? Avez-vous un document à nous remettre?

M. Dan Mason: Oui, je l'ai remis aux gens en avant; il devrait donc être quelque part.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quelqu'un l'a pris à la porte.

M. Eric Lowther: Merci. Je suis désolé. Veuillez continuer.

M. Dan Mason: Cet idéal qui remonte à 1983, année où il a été pour la première fois question de cette convention, a amené un certain nombre de pays à adopter différentes formes de garde partagée, la garde partagée leur permettant essentiellement de régler un certain nombre de problèmes concernant les enfants parce la responsabilité de l'éducation de leurs enfants se trouve confiée aux deux parents.

Cette commission a mentionné une affaire particulière dans le cas du Canada. Je vais vous en parler brièvement. Il y en a trois autres, mais je vais me contenter de vous parler de celle-là parce que la commission en a fait mention aux Pays-Bas à ce moment-là.

Dans cette affaire, un enfant avait été amené en Angleterre. Les autorités canadiennes n'ont rien fait et l'Angleterre a donc, par le biais d'une série de poursuites administratives, porté la question devant les tribunaux anglais au nom du citoyen canadien. Les tribunaux ont alors réglé le problème en faisant venir le parent en Angleterre, parce que c'est là que la mère était déménagée, afin que le père ait accès à ses enfants.

Il y a deux ou trois autres cas où cela ne s'est pas produit, mais c'est là le problème. L'article XI de la convention renferme une disposition qui confère certains pouvoirs. La plupart des pays exercent les pouvoirs qui leur sont ainsi conférés même s'ils ne sont pas tenus de le faire. Parce que la disposition n'est pas obligatoire, les autorités canadiennes considèrent qu'elles peuvent exercer ces pouvoirs si elles en ont envie et si les circonstances s'y prêtent.

• 1335

En ce qui concerne le procureur général de l'Alberta... Je crois que les autorités fédérales continuent à penser que la convention est un outil très utile en cas d'enlèvement criminel ou quasi criminel.

Cependant, la convention est une loi civile. Elle s'applique à tous ceux dont l'enfant est amené dans un autre pays, mais elle n'a pas la portée qu'elle devrait avoir à cause de cette disposition facultative. D'après l'examen de la jurisprudence, c'est là le problème. Si elle était obligatoire, alors les autorités centrales seraient tenues d'agir à moins que les circonstances leur indiquent qu'elles ne devraient pas intervenir. Mais parce qu'un pays n'est pas obligé d'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés, le Canada pourrait ne pas intervenir dans le cas d'un enlèvement international, mais cela forcerait un autre pays à intervenir non pas au nom du Canada, mais au nom de ses citoyens. Nous devrions entamer des poursuites comme le fait n'importe quel autre pays en vertu de la convention, au lieu de nous contenter de faire acte de défendeurs.

Le Canada a fait acte de défendeur dans trois ou quatre causes. La plus connue est l'affaire Thomson v. Thomson, en Écosse. Il y a aussi une affaire ontarienne dans laquelle l'Angleterre est le demandeur. Dans toutes ces affaires, le Canada a fait acte de défendeur, mais seulement à la demande d'un autre pays; s'il s'agit de nos propres citoyens, nous ne faisons rien. D'après mon examen de la jurisprudence, le Canada n'a jamais introduit une action. Il a toujours attendu qu'un autre pays prenne les devants.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mason, je dois vous informer que votre temps de parole est épuisé. Je me demandais si vous pouviez nous donner le nom de l'affaire ontarienne à laquelle vous avez fait allusion.

M. Dan Mason: Il s'agit de l'affaire C. v. C., à moins que je ne me trompe.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Et où en a-t-il été fait rapport? Le savez-vous? En avez-vous la moindre idée?

M. Dan Mason: Vous trouverez l'information dans le feuillet que je vous ai remis.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Merci.

Nous allons maintenant passer à Mme Morrison.

Mme Maureen Morrison (témoigne à titre personnel): Merci. Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné le privilège de vous exposer mes vues ici aujourd'hui. J'aimerais attirer votre attention sur les observations faites au sujet de mon fils dans des études d'avocats, des tribunaux et la famille et le rapport de l'évaluateur.

Nous avons fini par croire que les tribunaux de la famille ne considèrent pas les enfants comme des êtres humains et que la loi les autorise en quelque sorte à les maltraiter. Mon mari et moi sommes mariés depuis 42 ans, ce qui est rare de nos jours d'après ce que m'a dit l'avocat de mon fils. Nous avons quatre enfants et 11 petits-enfants et nous sommes fiers du fait que nous avons appris à nos enfants à aimer leur prochain et à respecter la loi. Nous avons donc été atterrés en août 1993 lorsque nous nous sommes aperçus à quel point de fausses accusations et des mensonges pouvaient bouleverser la vie d'un mari aimant, d'un bon père et de nos trois magnifiques petits-enfants.

Vu le peu de temps qui m'est alloué, je ne vous raconterai pas en détail ce qui est arrivé à mon fils. Je me contenterai de vous dire que son associé, un homme marié père de deux enfants, a quitté sa femme et ses enfants et que ma belle-fille a quitté mon fils et lui a enlevé ses trois enfants âgés de 10, 8 et 6 ans. Ma belle-fille avait obtenu une ordonnance restrictive sur la base de fausses accusations, sous prétexte qu'elle craignait pour sa vie, ordonnance qui interdisait à mon fils tout contact, même par téléphone, avec elle et ses enfants.

Elle a aussi demandé le divorce dix jours après des vacances en famille de trois semaines et après 12 années de mariage et, trois jours plus tard, elle laissait les enfants chez mon fils pour pouvoir partir avec son nouvel ami pour la fin de semaine.

Il va sans dire que cela nous a causé un choc à nous, les grands-parents. Mon fils pensait que sa femme avait eu une dépression nerveuse. Nous, les grands-parents, avons rencontré les enfants, seuls, cette fin de semaine-là parce que nous pensions pouvoir apprendre la vérité. Ils nous ont implorés de ne pas les laisser retourner chez leur mère. Ils voulaient rester avec leur père et étaient très bouleversés par les mensonges qu'ils avaient entendu leur mère raconter au sujet de leur père.

Nous nous sentions tous impuissants. Son avocat et des groupes féministes l'avaient bien préparée et elle avait en main une ordonnance restrictive. Nous avons dû lui rendre les enfants cette fin de semaine-là.

Les enfants ont téléphoné à leur père en pleurant lorsque leur mère les a laissés avec une gardienne. Ma bru a fait installer un système de surveillance sur son téléphone et lorsque mon fils a retourné les appels des enfants, mon petit-fils de neuf ans, le plus vulnérable et celui qu'elle récompense même encore aujourd'hui s'il lui raconte une histoire, a été emmené au poste de police où il a dû dire à la GRC que son père avait téléphoné à la maison, après quoi mon fils a été arrêté.

• 1340

Avez-vous déjà vu votre fils amené dans une salle d'audience, les menottes aux poignets, ou éprouvé la peur et l'humiliation qu'il a dû ressentir? Savez-vous ce qu'un garçonnet de neuf ans a ressenti lorsqu'il s'est aperçu qu'il avait envoyé son père en prison ou que son frère cadet et sa soeur aînée l'ont rejeté? Mais vous savez ce qu'il m'a dit? Il m'a dit: «Grand-maman, papa a téléphoné et il m'a toujours dit de dire la vérité.»

Mon fils a été arrêté à trois reprises pour avoir enfreint l'ordonnance restrictive, toujours une fin de semaine lorsque c'était à son tour d'avoir les enfants. Les enfants savaient que lorsque leur père n'arrivait pas, c'est que leur mère l'avait fait mettre en prison. Une fois, il a dû consoler l'enfant du milieu, celui de huit ans, qui était en pleine crise. Sa fille de dix ans lui a téléphoné et lui a dit que Matthiew était en train de tout démolir dans sa chambre et que la gardienne ne pouvait pas l'arrêter. Il était en colère et c'était sa manière de se défouler.

Pour se rendre chez lui, mon fils devait passer près de l'immeuble où ma bru était déménagée. Un jour, il s'est arrêté parce que les enfants jouaient dehors et ils sont venus jusqu'à la rue pour le voir. Il a été accusé de harcèlement criminel et risquait de deux à cinq années de prison jusqu'à ce que nous trouvions enfin un juge qui a vu clair dans le jeu de sa femme et classé l'affaire.

J'ai toujours été fière d'être une femme, une épouse et une mère. Je suis retournée aux études à l'âge de 45 ans et j'ai travaillé pendant 17 ans pour le gouvernement de l'Alberta. Je sais, comme la plupart des femmes autour de cette table, que les femmes doivent être considérées comme des égales au travail, mais elles doivent obtenir l'égalité par le professionnalisme et le respect. J'ai été la première femme en plus de 40 ans à être élue à la présidence provinciale d'une société d'aide mutuelle familiale. Durant mon mandat, j'ai visité la plupart des maisons de refuge pour femmes battues de l'Alberta et j'ai fait des dons pour cette cause.

Nous avons besoin de refuges pour femmes battues pour protéger celles qui sont dans le besoin, mais je me suis aperçue que certaines femmes ne pensent qu'à elles et que les refuges pour femmes battues en souffrent. Je siège à un conseil d'administration international et je suis membre du conseil d'administration de la caisse de prévention de la violence envers les enfants de l'Ordre indépendant des forestiers. Je sais qu'il y a parmi vous aujourd'hui de nombreux hommes que le traitement qu'ils ont reçu comme homme a rempli d'amertume, mais je tiens à vous dire que lorsque j'étais assise dans la salle d'audience et que j'ai été témoin des mauvais traitements réservés aux hommes, et en fin de compte à vos enfants, par les avocats et les juges, j'ai eu honte d'être une femme.

Les femmes doivent défendre leurs droits, mais celles qui abusent des droits d'autres femmes doivent être jugées en conséquence et être tenues responsables de leurs actes par l'appareil judiciaire. Où dans notre système de justice familiale est-il dit que les hommes et les femmes doivent jouir de droits égaux? Où les hommes peuvent-ils trouver un refuge et une aide lorsqu'ils sont faussement accusés ou chassés de leur maison et de leur famille? Et, ce qui est plus important encore, où est-il dit dans notre système de justice que la voix des enfants doit être entendue?

Pourquoi les enfants ne peuvent-ils pas raconter eux-mêmes leur histoire? Pourquoi ne peuvent-ils pas dire avec qui ils veulent rester et avec qui ils se sentent en sécurité, temporairement ou en permanence? Qui à l'intérieur de notre système se préoccupe du bien-être des enfants ou de l'impact que cette période traumatisante de leur vie aura sur leur avenir comme adultes?

Avez-vous déjà dû tourner le dos à votre enfant alors qu'il implorait votre aide ou essayé de lui expliquer que le système de justice est juste la plupart du temps, mais qu'il erre parfois lorsqu'il est difficile de dire qui dit la vérité? Essayez de convaincre une enfant de 10 ans, qui a essayé de dire à un évaluateur que sa mère a menti alors que l'évaluateur est arrivé à la conclusion que c'est ce que le père lui a demandé de dire, qu'il vaut toujours mieux dire la vérité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé de vous interrompre, mais vous avez parlé beaucoup trop longtemps. Avez-vous des recommandations précises à nous faire?

Mme Maureen Morrison: Je vous supplie d'essayer de voir le système, avec toutes ses lacunes, à travers les yeux d'un enfant et d'user de votre pouvoir pour obliger l'adulte qui en abuse à rendre des comptes et à assumer ses responsabilités. Assurez-vous que suffisamment de preuves soient exigées par le juge qui accorde l'ordonnance restrictive. Plafonnez les honoraires des avocats et des enquêteurs qui atteignent des niveaux exorbitants. Surveillez les juges qui décident de la vie des gens.

• 1345

Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de partager ma réflexion et de vous présenter ma situation telle que la voient les enfants avec leurs peurs et leur colère.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Monsieur Haiden.

M. James Haiden (témoignage à titre personnel): Bonjour, honorables députés et sénateurs.

Une seule année s'est écoulée depuis l'adoption du projet de loi C-41 qui m'a rempli de joie. Cette mesure législative s'imposait. C'est aussi avec joie que je comparais devant vous ce matin, car ma présence m'amène à dire que la pension alimentaire ne règle le problème qu'à moitié.

N'ayant obtenu ma citoyenneté canadienne que tout récemment, je peux vous dire que je suis heureux d'être citoyen d'un pays qui a fait une place aussi importante aux droits de la personne et heureux également d'être ici ce matin pour faire avancer la cause d'êtres humains à qui on dénie leurs droits—je veux parler des enfants.

Je dis que je suis un père séparé, parce que c'est très révélateur d'un phénomène répandu dans la société actuelle. Hommes et femmes choisissent de se marier. Nous choisissons également de divorcer. Mais mes enfants n'ont pas choisi de naître et elles n'ont pas choisi non plus d'être séparées de ceux qu'elles aiment.

Ma séparation a débuté en 1988. De 1988 à 1991, je me suis personnellement occupé de mes enfants. Nos filles ne se sont aperçues de rien, parce que nous avons conservé la même routine. Papa s'occupait d'elles le jour—elles passaient la nuit avec maman et elles étaient heureuses. Je pense qu'elles ne savaient même pas que nous étions séparés parce qu'elles n'avaient à se passer ni de leur mère ni de leur père.

En 1991, au moment où elle déposait les enfants chez moi un matin, mon ex-femme m'a annoncé qu'elle déménagerait avec elles dans une ville située à 288 kilomètres. J'étais stupéfait. Je me suis dit que mes filles n'avaient que cinq et sept ans. Qui allait être là pour elles le matin? Qui allait être là pour elles après l'école? Qui allait être là pour elles lorsqu'elles seraient malades et qui serait là pour elles les jours où elles ne seraient pas malades, mais où elles diraient qu'elles le sont parce qu'elles veulent passer du temps seules avec papa?

Elle a été autorisée à déménager. J'ai présenté une pétition en justice et obtenu une ordonnance attributive de droit de visite selon laquelle ma femme devait m'amener les filles une fois par mois et me rencontrer à mi-chemin sur l'autoroute une fois par mois. C'est un système qui a très bien fonctionné, et je sais maintenant pourquoi. Nous étions tous les deux prêts à collaborer. Nous avions l'impression d'être maîtres de nos destinées.

J'ai passé jusqu'à 150 jours par année avec mes enfants jusqu'en 1996 et après huit années de séparation au cours desquelles nous avons travaillé main dans la main à l'éducation de nos enfants, ma femme m'a fait part de son intention de déménager au Costa Rica. J'étais tout à fait stupéfait et, même si elle n'était pas autorisée à déménager au Costa Rica, elle n'a pas cherché depuis à respecter l'ordonnance attributive de droit de visite et il est rare que je passe du temps avec mes enfants.

Le seul changement que je recommande est qu'il y ait une présomption de garde conjointe avant même qu'on se présente devant un juge. Je crois qu'il aurait été important que mon ex-conjointe sache que je ne serais pas laissé de côté. Je crois qu'elle aurait dû savoir qu'on s'attendrait à ce que je sois là et qu'il aurait fallu que je donne mon temps de la même manière que je donnais de l'argent. Mais je pense qu'elle savait déjà en 1988 ou 1989, lorsque nous nous sommes adressés au tribunal, qu'elle obtiendrait probablement la garde exclusive, ce qui a été le cas.

Ma deuxième recommandation est la suivante. Nous allons à l'école pour apprendre un tas de choses aujourd'hui, mais nous n'y allons pas pour apprendre notre rôle de mari, de femme ou de parent. Je pense parfois que si nous allions à l'école après la séparation, pour nous familiariser avec les pièges qui nous guettent, nous serions peut-être davantage prêts à collaborer. Nous pourrions peut-être apprendre à mettre de côté ce qui est important pour nous au profit de ce qui est important pour les enfants. Ce qui est plus important encore, c'est que les différends concernant la garde n'ont pas à faire partie de la procédure de divorce et il faudrait que les audiences sur la garde ne se déroulent pas dans le climat accusatoire qui prévaut.

• 1350

Enfin, les grands-parents et d'autres membres de la famille élargie seraient souvent prêts à jouer un rôle si on le leur demandait. Mes parents, par exemple, ont joué un rôle important dans l'éducation de mes enfants, mais ils sont restés en plan et ils n'ont aucun droit.

Ma mère me parle de la fois où—et je m'en souviens bien—ma fillette de quatre ans a eu la varicelle. Ma mère est restée à la maison pour s'occuper de ma fille puisque je devais aller travailler. Elle m'a raconté à quel point elle l'avait trouvée brave.

J'ai dit ce que j'avais à dire. Si j'avais eu la garde partagée dès le départ, cela m'aurait aidé au cours des huit premières années et cela continuerait à m'aider à élever mes filles jusqu'à ce qu'elles aient l'âge de la majorité.

Je tiens à remercier tous ceux d'entre vous qui ont contribué à l'adoption du projet de loi C-41. Je n'ai pas encore pu me prévaloir de l'allégement, mais je le ferai.

La dernière chose que j'aimerais vous dire avant de partir aujourd'hui, c'est que deux parents valent mieux qu'un et que les enfants doivent être élevés dans la collaboration—et non la coercition.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Haiden.

Monsieur Rowley, vous avez cinq minutes.

M. Terence Rowley (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de vous exposer mes vues ce matin.

La plupart des points dont je voulais vous parler aujourd'hui ont déjà été soulevés. Dans mon cas, de fausses accusations ont été portées par ma femme de connivence avec... je me suis séparée de ma femme en février 1995. À ce moment-là, elle a obtenu une ordonnance ex parte pour me faire quitter la maison. Elle était alors de connivence avec ma fille de 16 ans. Il s'agissait de fausses accusations, et cela a été prouvé, mais elles ont suffi à me faire sortir de la maison. Une fois qu'elle en a pris possession, elle y est demeurée pendant deux ans. Je payais toutes les factures et j'étais en train de me ruiner.

J'ai conclu une entente de divorce avec ma femme en mai 1996. Elle comportait une pension alimentaire, que je payais de mon plein gré depuis août 1995. Nous avons eu deux enfants. Ma fille va avoir 21 ans. Elle n'est plus une enfant à charge. Mon fils aura 18 ans le mois prochain.

Un de mes plus gros problèmes a été d'avoir accès à de l'information sur mes enfants. Une fois que j'ai été parti de la maison, on m'a refusé toute information sur eux. Un procès était en cours, mais je n'avais aucune information; par exemple, je ne savais pas comment les choses allaient à l'école. Je sais que j'ai le droit en vertu de la Loi sur le divorce à de l'information sur l'éducation des enfants et sur leur santé, mais allez essayer d'obtenir cette information d'une école lorsque vous n'êtes pas un parent gardien. L'école vous répond qu'elle ne peut pas vous donner cette information et qu'elle a besoin d'une ordonnance du tribunal. La Loi sur le divorce dit que vous avez droit à cette information, mais ce n'est pas vrai.

J'ai réussi à obtenir une ordonnance du tribunal le 30 octobre 1997. Je suis allé devant le tribunal. Je me suis défendu moi-même après avoir dépensé à peu près 15 000 $ en frais d'avocat sans que ça ne me mène à rien. J'ai obtenu une ordonnance attributive de droit de visite.

Lorsque je l'ai obtenue, j'ai immédiatement communiqué avec le Conseil des écoles publiques d'Edmonton. J'ai appris que mon fils était inscrit à l'école depuis deux ans et demi, mais qu'il n'y était jamais allé. Il s'y était inscrit pour donner l'impression qu'il allait à l'école. J'ai aussi appris qu'il travaillait à temps plein depuis neuf mois.

Lorsque le juge l'a appris, il n'a rien fait. Aucune sanction n'a été imposée à la mère. J'ai obtenu une ordonnance de présence obligatoire selon laquelle la mère devait me remettre chaque mois le rapport des présences et il devait être présent tous les jours sans invoquer la maladie. La mère s'était déjà servie de ce prétexte par le passé.

Je retourne devant le tribunal la semaine prochaine, et j'ai les rapports. L'ordonnance en question a été rendue en octobre 1997. Il était inscrit à l'école, mais il n'y est pas allé. J'espère que la question sera réglée lorsque je retournerai devant le tribunal.

Voilà que je verse une pension alimentaire depuis un an pour un enfant qui travaille à temps plein. Rien n'a été fait à ce sujet. J'estime que si je paye une pension alimentaire en tant que conjoint qui n'a pas la garde, le parent gardien devrait être tenu de me dire comment l'enfant va à l'école. Si j'avais reçu cette information, ce garçon serait allé à l'école, mais on me l'a refusée.

• 1355

C'est une question que j'aimerais qu'on règle: la responsabilité du parent gardien. Si je suis assez bon pour payer, ils devraient être assez bons pour me renseigner sur mes enfants.

Je n'ai pas divorcé uniquement ma femme; j'ai aussi divorcé mes enfants. J'avais une excellente relation avec mon fils avant la séparation. Il faisait beaucoup de sport. Nous avions l'habitude d'aller camper et de faire des choses ensemble. Depuis la séparation, je n'ai eu aucun contact avec lui. Je l'ai vu une seule fois, au tribunal. La séparation m'a complètement aliéné mes enfants.

J'espère qu'un jour, lorsqu'ils seront plus vieux, ils se rendront compte de ce qu'ils ont fait. Ils étaient assez vieux pour dire à leur mère qu'elle avait tort, mais ils ne l'ont pas fait.

Pour ce qui est des recommandations, une des choses que j'ai apprises, c'est que le divorce devient encore plus acrimonieux une fois que les avocats s'en sont mêlés. J'avais une entente écrite avec ma femme. J'avais accepté de lui payer la moitié de tout. Je savais qu'elle avait droit à la moitié de tout, dont ma pension. J'ai tout accepté, mais il a fallu deux ans et 15 000 $ en frais d'avocat pour obtenir une entente que j'avais déjà avant que les avocats s'en mêlent. Il aurait été préférable que cet argent serve à l'éducation des enfants, qu'il soit versé dans un fonds.

Le litige en cours accule les deux parents à la faillite. Qui en souffre au bout du compte? Ce sont les enfants. Les seuls bénéficiaires d'un long procès sont les avocats. Ce ne sont certainement pas les enfants ou les parents.

J'aimerais que les honoraires des avocats soient plafonnés. J'aimerais que les gens qui se parjurent soient traduits devant les tribunaux. J'ai vu mon ex-femme mentir impunément dans des déclarations sous serment et pourtant rien n'a été fait ni dit à ce sujet. Il faut régler ce problème.

Il y a un monsieur qui nous a précédés. C'est le docteur qui a parlé des fausses accusations et qui a dit que cela lui avait coûté 200 000 $. C'est ridicule. C'est une infraction criminelle.

Je pense que la pension alimentaire pour enfants devrait être conditionnelle au libre accès à l'information pour le parent qui n'en a pas la garde. Il faudrait peut-être que les conseils scolaires des différentes provinces soient informés du fait que le parent non gardien, en vertu de la Loi sur le divorce, a droit à cette information.

C'est tout ce que je peux...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'ai bien peur que votre temps soit écoulé. Avez-vous terminé?

M. Terence Rowley: J'allais juste vous remercier. J'ai terminé.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me demandais si votre divorce était chose faite.

M. Terence Rowley: Non, les papiers ont été signés en mai 1997. Ma femme a obtenu que je lui verse 100 000 $ ainsi qu'une pension alimentaire, mais moins d'un mois après avoir reçu tout cet argent, elle s'est présentée devant le tribunal pour demander une modification de la somme que je lui versais. J'avais accepté de lui payer une pension de 500 $, une somme considérée comme acceptable selon les nouvelles lignes directrices. Elle n'avait pas l'intention de respecter l'entente qu'elle avait signée.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Voici ce que je veux savoir. Vous avez fait allusion à un certain nombre de faux affidavits.

M. Terence Rowley: Oui.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me demandais si vous pouviez nous dire où votre cause a été jugée. Est-ce ici à Edmonton?

M. Terence Rowley: Oui, à Edmonton.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous un numéro de dossier?

M. Terence Rowley: Est-ce que j'ai actuellement un dossier devant le tribunal?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, un numéro de dossier pour votre affaire.

M. Terence Rowley: Oui, mais je ne l'ai pas avec moi.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): De quel genre de cause s'agissait-il?

M. Terence Rowley: Pardon?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): L'affaire a sûrement été appelée Rowley v. Rowley.

M. Terence Rowley: Je ne comprends pas la question.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Chaque affaire entendue par le tribunal a un...

M. Terence Rowley: Oui, Rowley v. Rowley était le nom de l'affaire et j'ai un numéro de dossier, mais pas avec moi pour le moment.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est parfait. Vous pourriez peut-être le communiquer au greffier.

M. Terence Rowley: Oui, certainement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, merci.

Nous avons ensuite M. et Mme Cable.

Mme Elsie Cable (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs les députés et sénateurs. Je vous remercie de nous avoir offert l'occasion de prendre la parole devant le comité.

Nous aimerions attirer votre attention sur le fait, si ça n'a pas déjà été fait, que les hommes et les femmes ne reçoivent pas un traitement égal devant les tribunaux et que le système de justice ne s'est pas montré juste et équitable envers les enfants et leurs familles.

Les fausses allégations, les mensonges et la tromperie sont des choses dont on ne se cache pas et qui sont même souvent récompensées, et les mauvaises décisions de la part des juges et des évaluateurs détruisent les enfants du divorce.

• 1400

Nous sommes des grands-parents paternels qui en 30 années de mariage n'ont pas autant souffert, n'ont pas été aussi bouleversés ou n'ont été autant menacés de la ruine que depuis le jour où notre fils s'est séparé de sa femme en juillet 1996. La séparation devait être à l'amiable. Ils divorçaient l'un de l'autre, pas de leur fils asthmatique de cinq ans.

Nous avions une excellente relation avec notre fils et sa famille et nous avons exprimé le désir que cette relation se poursuive. Nous étions d'avis—et nous sommes toujours d'avis—que les enfants ont besoin de leurs deux parents et de familles élargies. Cependant, quatre jours à peine après la séparation, il s'est vu refuser l'accès à son fils et la lutte de pouvoirs a commencé.

Notre fils, qui est considéré comme un excellent père, a dû demander l'aide des tribunaux. On lui a accordé 10 visites de plus de 24 heures par mois. Nous avons une ordonnance du tribunal qui nous autorise à nous occuper de notre petit-fils lorsque ses parents sont au travail.

En attendant le procès, une évaluation a été faite en vue de la garde. L'évaluateur, un travailleur social à son compte, M. Sterling Green, a fait des recommandations fondées sur de fausses observations et conclusions.

Tout à coup, notre fils n'était plus un excellent père et nous n'étions plus les grands-parents aimants d'autrefois. Il a recommandé que notre petit-fils nous soit retiré même si nous nous en étions souvent occupés pendant cinq ans et demi, que sa mère ait travaillé ou non.

Le parent favorisé n'a cependant pas suivi ces recommandations jusqu'à plusieurs mois plus tard lorsqu'il a été pratique pour elle et dans son meilleur intérêt de le faire. Cela nous a prouvé une fois de plus que les histoires qu'elle avait racontées à l'évaluateur étaient fausses.

Nous croyons maintenant savoir que les évaluations de ce genre sont choses beaucoup trop commune. En fin de compte, le couple a accepté qu'il y ait garde conjointe, que l'enfant ait deux domiciles et qu'une pension alimentaire soit payée à la mère. Comme je l'ai déjà dit, notre petit-fils est asthmatique et sa santé est une question litigieuse depuis la séparation.

Il doit inhaler un puissant stéroïde tous les jours. Après plus d'une trentaine de visites chez le médecin ou à l'hôpital pour des problèmes respiratoires durant une période de 24 mois au cours de laquelle son asthme s'est aggravé, notre fils a supplié la mère d'arrêter d'exposer délibérément l'enfant à des irritants et des allergènes nocifs qui contribuaient directement à ses maladies répétées, mais en vain.

Donc, notre fils est retourné devant les tribunaux pour leur demander de l'aider à protéger son fils. Il leur a fourni de nombreuses lettres de médecins, des résultats de tests de laboratoire et des photos montrant clairement qu'il y avait eu négligence. Cependant, après avoir reçu de faux affidavits et le rapport d'évaluation trompeur remontant à 20 mois, le juge Adele Kent s'est prononcé en faveur du parent négligeant et a accordé à la mère la garde médicale exclusive ainsi que les dépens.

Cette décision n'était sans contredit pas dans le meilleur intérêt de l'enfant. Maintenant, la mère peut continuer à faire du mal à notre petit-fils avec la bénédiction du tribunal. Le juge a ajourné la demande reconventionnelle de garde résidentielle exclusive de la mère en précisant clairement à notre fils que s'il soulevait de nouveau la question devant les tribunaux, il perdrait sûrement la garde conjointe et que la pension serait révisée.

Nous nous posons les questions suivantes: Comment cela peut-il être dans le meilleur intérêt de l'enfant? Si quelque chose devait arriver à notre petit-fils par suite de ces décisions, qui en serait tenu responsable?

M. Russell Cable (témoignage à titre personnel): Nos recommandations sont les suivantes:

- il devrait y avoir présomption de garde conjointe;

- il faudrait que l'accès soit partagé et égal;

- il faudrait faire respecter les ordonnances attributives de droit de visite et qu'il y ait outrage au tribunal et accusation après trois refus;

- les faux affidavits et les fausses allégations devraient être considérés comme un acte criminel en vertu du Code criminel du Canada;

- l'aliénation parentale devrait être considérée comme une forme de violence envers les enfants punissable, par exemple, de la perte de la garde, de l'emprisonnement ou d'une lourde amende;

- les évaluateurs, les professionnels de la santé mentale, les avocats et les juges devraient être tenus de rendre compte de leurs décisions;

- il faudrait que les responsabilités financières liées à l'éducation d'un enfant soient partagées entre les deux parents en fonction de leur capacité respective de contribution;

- la pension alimentaire devrait être calculée à l'aide d'une échelle mobile en fonction du temps passé avec l'enfant.

Nous demandons au comité de bien vouloir aider à mettre un terme aux mauvais traitements infligés à nos enfants, nos petits-enfants et nos familles. Nous estimons que les parents ont des responsabilités et des obligations et que les enfants devraient avoir des droits.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Nous allons passer aux questions. Madame Bakopanos.

• 1405

Mme Eleni Bakopanos: Merci, madame la présidente.

Je voudrais poser une question que j'ai déjà posée aux autres témoins. J'aimerais savoir si, à votre avis, le fait de porter de fausses accusations devrait être considéré comme un acte criminel en vertu du Code criminel. Nous pouvons commencer par M. et Mme Cable.

J'ai de sérieuses réserves à ce sujet-là. Ce n'est pas que je trouve qu'il ne faudrait rien faire pour punir les gens qui portent des accusations mensongères, lorsqu'il est prouvé qu'elles le sont, mais j'hésite beaucoup à en faire un acte criminel. C'est quelque chose qui entraînerait de 15 à 20 ans de prison, selon les juges. Qu'en pensez-vous? Nous priverions des enfants de leur deuxième parent, qui avait peut-être l'intention de nuire à son ex-conjoint, mais qui ne souhaitait sûrement pas de mal aux enfants. Je ne veux pas me lancer dans un débat de ce genre.

M. Russell Cable: Quand il y a de fausses accusations et des déclarations sous serment qui visent à incriminer un parent innocent, il s'ensuit toute une vie de problèmes, de souffrance et d'angoisse pour le père ou pour la mère, selon la situation, et aussi pour les enfants. Est-il possible de limiter cette souffrance dans le temps, ou sur le plan financier? Nous croyons que les gens qui portent délibérément de fausses accusations sur des actes à caractère sexuel devraient être punis sévèrement, que ce soit par une forte amende, par l'application du Code criminel ou autrement.

Mme Eleni Bakopanos: Il y a une différence entre une amende et le Code criminel. C'est la distinction que je veux faire. Certains témoins nous ont dit qu'il devrait y avoir une amende. Un acte criminel est une infraction très grave au Code criminel.

Mme Elsie Cable: Mais certaines des allégations qui visent les pères, habituellement...

Mme Eleni Bakopanos: Je ne nie pas que ces allégations restent. M. Brooks, qui a comparu tout à l'heure, a dit que c'était encore dans son dossier. Il a été arrêté pour excès de vitesse, et ça figurait dans son dossier. Je suis d'accord.

Est-ce que quelqu'un d'autre veut commenter la possibilité que ce soit un acte criminel?

Mme Maureen Morrison: Quelle différence y a-t-il entre le fait de considérer qu'une femme qui porte une fausse accusation a commis un acte criminel, si elle est reconnue coupable, et les accusations pour harcèlement criminel portées contre un homme? Il serait accusé au criminel, n'est-ce pas?

Mme Eleni Bakopanos: Mais vous admettez, comme nous l'avons dit tout à l'heure, que ces fausses accusations doivent être examinées rapidement? Si elles restent en suspens, c'est parce que ces choses-là traînent en longueur, ce qui fait que le public en a connaissance beaucoup plus facilement. S'il était possible de régler rapidement cet aspect-là des procédures de divorce... Si on séparait les deux aspects, celui de la garde, du droit de visite, de la pension alimentaire, et ainsi de suite, de celui des fausses accusations, pour accélérer le règlement... Peut-être pas devant le juge; ça devrait peut-être se faire par médiation, ou en tout cas ailleurs que dans le système judiciaire.

Mme Maureen Morrison: Je crois que, si on en faisait plus dès le début des procédures de divorce et s'il y avait des moyens de dissuasion en place pour que les gens sachent que, s'ils portent de fausses accusations, ils vont devoir en répondre... Si on entendait les enfants dès le début du processus de séparation ou de divorce, je pense qu'on réglerait du même coup une bonne partie des problèmes que nous connaissons maintenant.

Mme Eleni Bakopanos: Ce serait donc une mesure dissuasive, à votre avis, d'en faire un acte criminel visé par le Code criminel.

M. Dan Mason: Je ne pense pas qu'une amende soit suffisamment dissuasive. Il faut que le moyen de dissuasion soit tel que, même s'il faut tenir compte des cas où il y a véritablement un problème, ceux qui veulent étirer l'affaire risquent au moins un an ou deux. Comment pourrez-vous empêcher ce genre de chose dès le départ si vous ne laissez pas la personne intervenir au début du procès? Si les accusations sont fausses, il y a des ramifications sérieuses, mais il ne suffit pas de se fier à la décision du juge. Il doit y avoir quelque chose de précis. Si les accusations sont vraies, pas de problème; mais si elles sont fausses, c'est grave.

La sénatrice Anne Cools: J'invoque le Règlement, madame la présidente. J'aimerais avoir une précision. Il me semble que le Code criminel prévoit déjà des peines pour le parjure et les fausses déclarations sous serment; c'est donc déjà un acte criminel de se parjurer ou de faire de fausses déclarations. Madame la présidente pourrait-elle clarifier cette question, s'il vous plaît?

• 1410

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, je ne peux pas, parce que je ne sais pas si...

Mme Eleni Bakopanos: Sénatrice, tout ce que je veux savoir, c'est jusqu'où nous devons aller pour dissuader les gens.

La sénatrice Anne Cools: J'ai demandé une précision à Mme la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je ne suis pas criminaliste. Je ne peux pas vous répondre.

La sénatrice Anne Cools: Non, mais vous êtes la présidente. Précisez-le pour les témoins.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je ne comprends pas ce que vous dites.

La sénatrice Anne Cools: On dirait bien!

Mme Eleni Bakopanos: J'ai une autre question à poser.

Monsieur Haiden, vous avez parlé de la nécessité d'éduquer les gens, comme beaucoup d'autres groupes qui sont venus témoigner devant nous. Mais comment leur enseigner le respect? Comment leur enseigner à ne pas s'affronter quand les émotions sont à fleur de peau et qu'il y a toutes sortes de choses en jeu?

Je suis d'accord avec vous. Je suis d'avis qu'avant d'avoir des enfants, il faut apprendre à agir comme parents; il faut une certaine sensibilisation. Je suis également d'accord quand vous dites qu'il faudrait en faire beaucoup plus pour éduquer toutes les parties en cause, y compris les enfants, au sujet de tout ce qui se passe quand une séparation ou un divorce survient.

M. James Haiden: Oui, et je pense que, quand nous verrons le divorce dans ce genre de perspective-là... Nous pourrions peut-être même éviter des divorces en éduquant les gens. Actuellement, c'est trop facile.

De nos jours, après une année de séparation, quelle que soit la situation, on peut divorcer. Ça n'y changerait rien si j'étais très violent. Après un an, nous pourrions tout simplement nous séparer et divorcer sans contestation.

Il me semble que, si nous rendions les choses un peu plus difficiles... Ce qu'on obtient gratuitement n'a généralement aucune valeur, et les choses pour lesquelles on travaille vraiment fort sont celles qu'on est le plus fier de posséder.

En partant du principe que la garde conjointe est la meilleure formule, il faudrait obliger les deux conjoints à suivre un cours—ils n'auraient pas besoin d'y aller ensemble, mais il ne faudrait pas qu'il soit aussi facile de s'en tirer. Si vous voulez divorcer et changer la vie de vos enfants pour toujours, vous ne devriez pas pouvoir le faire dans une bienheureuse ignorance. Vous devriez avoir à apprendre certaines choses, que vous le vouliez ou non.

Encore une fois, le respect, ça ne s'enseigne pas. On ne peut pas enseigner à une mère à aimer ses enfants. On peut seulement la sensibiliser, et espérer.

Surtout pour un processus qui se déroule sur toute une année... Je ne veux pas parler de deux petits cours que les gens suivent entre 19 et 21 heures. Je veux parler d'un cours «Séparation 201», qui prendrait un certain temps pour que les gens aient le temps d'en absorber le contenu et de le digérer. Les gens pourraient ensuite en retirer quelque chose ou le rejeter complètement, mais ce qui compte, c'est que ce soit un processus qui s'étende sur une période relativement longue. Il ne suffit pas de dire: «Je ne t'aime plus, va-t-en. Nous divorçons.»

Mme Eleni Bakopanos: J'aimerais que vous me donniez une réponse rapide. Pensez-vous que la médiation obligatoire soit une bonne idée quand il n'y a pas de violence?

M. Dan Mason: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Merci, madame la présidente.

M. Dan Mason: Puis-je faire un commentaire?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.

M. Dan Mason: Je suis d'accord. Ron Henry a fait une présentation au sujet de la garde partagée aux États-Unis, en Virginie, devant un comité permanent du Sénat américain.

Il est possible de régler beaucoup de problèmes quand on part avec un préjugé favorable à la garde conjointe avant la séparation et le divorce, parce qu'il n'est alors pas question de bataille dans l'esprit des gens. La bataille commence quand une des parties a des chances de l'emporter sur l'autre. Les gens se disent qu'ils auront réussi s'ils obtiennent plus de droits que l'autre partie. La communauté internationale le reconnaît, d'ailleurs.

Quand on choisit la garde partagée, il n'y a pas de bataille, à moins d'une raison bien précise. Ça permet d'éviter beaucoup de conflits devant les tribunaux et de simplifier les choses, très souvent, quand la cour est d'avis... Il y a des questions qui ne se posent même pas. Quand on choisit la garde conjointe, ce sont les enfants qui comptent.

Certains tribunaux considèrent ces conflits comme une forme de violence contre les enfants. Donc, si nous pouvions adopter le principe de la garde conjointe, nous résoudrions beaucoup de problèmes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

Monsieur Mason, je ne sais pas exactement quels sont vos titres de compétences. Vous semblez bien connaître les questions internationales.

• 1415

M. Dan Mason: J'ai fait une étude sur le droit international; j'ai commencé par examiner une convention et j'ai ensuite étendu mon étude à trois conventions, dont le quatrième protocole de la convention sur les droits de la personne et les libertés fondamentales.

M. Eric Lowther: Est-ce que c'était un domaine qui vous intéressait personnellement?

M. Dan Mason: Oui, en bonne partie à cause de ma propre expérience et d'un autre cas dont j'ai eu à m'occuper à l'époque. Ma cause a fini par se régler, mais je n'ai eu aucune aide des autorités centrales du Canada. Je me suis débrouillé tout seul. La convention n'était pas appliquée au Canada comme elle aurait dû l'être, et ce qui m'intéressait, c'était qu'elle soit appliquée pleinement, surtout quand les gens traversent les frontières. Dans mes discussions avec elles, les autorités américaines de l'immigration se sont montrées préoccupées par cette question.

M. Eric Lowther: Je vois que Parks, je crois, recommande également la garde conjointe comme option par défaut. J'ai assisté à d'autres séances du comité et j'ai entendu parler très souvent de cette question de garde conjointe par défaut, de préjugé favorable à cette formule de garde, de responsabilités parentales partagées, et d'autres termes de ce genre. Vous disiez, monsieur Mason, que ce n'est pas le scénario privilégié par le Canada. Vous avez comparé notre attitude à celle de la communauté internationale. Qu'avez-vous dit exactement?

M. Dan Mason: J'ai rapporté une remarque de la commission spéciale. C'est un délégué français, je pense, qui a soulevé la question devant cette commission, qui étudiait l'application de la convention dans différents pays. La conclusion, c'est qu'en présumant que les parents auront automatiquement la garde conjointe des enfants, on règle souvent une foule de problèmes. C'est ce que recommandait la commission internationale spéciale.

M. Eric Lowther: Et nous n'appliquons pas cette présomption ici, contrairement à certains autres pays. C'est ce que vous voulez dire?

M. Dan Mason: Si nous l'appliquions, ce serait évident.

M. Eric Lowther: Et ces gens-là disent que ça ne l'est pas.

M. Dan Mason: Ils disent que nous n'aurions probablement pas eu à régler ce cas si nous avions appliqué la présomption de la garde conjointe.

M. Eric Lowther: Exactement. Merci.

Ma prochaine question s'adresse à Mme Morrison. Elle porte sur la question des fausses accusations. Comme l'a souligné Mme Bakopanos, un certain nombre de personnes ont recommandé qu'il y ait des conséquences quelconques, une inculpation quelconque—peut-être au criminel—pour les gens qui portent de fausses accusations. C'est un thème qui revient souvent.

Dans nos discussions, nous voulons aller vite pour régler les problèmes le plus rapidement possible. S'il y a des accusations, il faut établir tout de suite si elles sont vraies ou non. Si elles le sont, il faut faire quelque chose et si elles ne le sont pas, il ne faut pas laisser traîner l'affaire. Peut-être que, si les gens qui portent de fausses accusations devaient en subir les conséquences, ils ne le feraient tout simplement pas. Le moyen le plus rapide de régler un problème, c'est de l'empêcher de se produire.

Nous pouvons tous comprendre la logique de la chose, mais en même temps... Vous avez vécu ce genre de situation de près. Pas moi, heureusement, mais il y a beaucoup de peine, de haine, d'émotion et tout le reste dans les relations de ce genre. Donc, supposons que nous bouchions ce trou en disant qu'il est interdit de porter de fausses accusations. D'un coup de baguette magique, nous faisons disparaître toute possibilité de fausses accusations grâce à une super loi canadienne qui l'interdit.

Mais où iront alors toutes ces émotions? Que va-t-il se passer? Est-ce que ça va régler le problème? Les gens se montent la tête et...

Mme Maureen Morrison: Je comprends, mais je peux seulement vous parler de notre propre situation. Il n'y avait aucun doute dans notre esprit que la raison l'emporterait, que les papiers de divorce et les mensonges qui y figurent seraient dénoncés, que l'ordonnance de non-communication serait retirée. Nous étions absolument convaincus que c'est ce qui se passerait.

Nous n'avons pas pris les devants, contrairement à ce que ma belle-fille semble avoir fait un certain temps auparavant. Nous nous sommes tous contentés de réagir. Son père, sa mère, et nous également. Mon fils pensait que sa femme avait fait une dépression nerveuse et qu'elle irait bien mieux s'il pouvait simplement la ramener à la maison et la convaincre de suivre un counseling. Il a donc téléphoné à un de ses amis avocats, avec qui il jouait au hockey. Cet ami lui a dit de ne pas s'en faire, de laisser aller les choses, parce qu'il aurait la garde partagée et qu'il économiserait beaucoup sur les honoraires d'avocats.

Résultat: l'ordonnance de non-communication est probablement encore en vigueur à ce jour. Nous n'en savons rien.

M. Eric Lowther: Donc, qu'est-ce qu'une loi interdisant les fausses accusations y aurait changé?

Mme Maureen Morrison: Comment se fait-il qu'une femme ou un homme—mais je suppose que ce sont surtout les femmes qui abusent—puisse se présenter quelque part avec toutes sortes d'allégations sans avoir aucune preuve pour les étayer?

• 1420

M. Eric Lowther: Mais est-ce qu'une loi de ce genre aurait empêché...

Mme Maureen Morrison: Si les enfants avaient été interrogés comme nous les avons interrogés nous-mêmes... La première question que j'ai posée à mes petits-enfants, je l'ai posée en présence de leur autre grand-mère. Je leur ai demandé: «Quand votre père a-t-il commencé à frapper votre mère?» Ma petite-fille m'a regardée et m'a dit: «Voyons, grand-maman! Mon père aime ma mère. Il ne la frappe pas.» Alors je lui ai demandé: «Alors, quand est-ce qu'il a commencé à la bousculer à la maison?» Ils m'ont regardée comme si j'étais une extraterrestre. Et ils m'ont dit: «Maman ment. Ce n'est pas vrai.»

Y a-t-il un autre endroit où une femme peut obtenir une ordonnance de ce genre et intenter une action en divorce? Et je vous fais remarquer que ça s'applique seulement quand la femme le veut bien parce qu'elle pouvait aller à la maison de mon fils n'importe quand, alors qu'elle était censée avoir tellement peur de lui.

J'étais désolée pour les agents de la GRC, mais j'applaudis leur travail. Ils ont passé des heures avec mon mari et moi pour nous parler du système judiciaire et nous expliquer qu'ils avaient les mains liées. Ils doivent appliquer l'ordonnance; ils ne peuvent pas intervenir devant le tribunal pour dire si c'est bien ou si c'est mal. Mais ils ont traité mon fils avec dignité.

Vous devriez peut-être inviter aussi des agents de la GRC et d'autres corps policiers à témoigner parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne croient pas en notre système judiciaire; mais, grands dieux, si nous n'avons pas un système judiciaire dont nous pouvons être fiers et que nous pouvons respecter, qui permet de protéger les droits des innocents et des enfants, dans quelle sorte de monde vivons-nous?

Nous parlons de la violence des enfants. Mais vous êtes-vous déjà demandé où ces enfants-là ont pris leur violence? Je regarde vivre mon petit-fils de dix ans et je sais pourquoi il est violent à l'école. Je sais pourquoi il démolit tout dans sa chambre. Je sais pourquoi il va avoir une vie horrible quand il sera grand. C'est un petit garçon à qui on a demandé de dire la vérité, c'est-à-dire que son père a effectivement téléphoné chez sa mère.

Je plains ma belle-fille parce que je crois—et j'ai consulté des psychologues et des psychiatres qui sont bien connus en Californie et qui ont participé à de nombreuses émissions de télévision—qu'elle souffre d'un trouble de la personnalité et qu'elle est peut-être maniaco-dépressive. Ces enfants-là doivent vivre dans sa maison. D'après l'évaluation, elle est passée de la plus parfaite gentillesse à la colère la plus totale, puis aux larmes et aux lamentations sur son sort en l'espace de cinq minutes.

Il faut commencer par le commencement. Je suis désolée, je ne peux pas vous aider, Eric. Je peux seulement vous dire qu'il y a beaucoup de gens qui se plaignent pour rien.

M. Eric Lowther: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, une dernière question.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je voudrais remercier les témoins et revenir aux déclarations et au témoignage de Maureen Morrison.

Je tiens à souligner que le témoignage que cette femme nous a présenté, aujourd'hui tout particulièrement, nous l'avons déjà entendu dans tout le pays. Les témoignages des grands-mères, des filles, des deuxièmes femmes, et même des femmes qui ont révisé leurs positions après bien des années pendant lesquelles la poussière s'est accumulée sur leur relation, ont été parmi les moments les plus intenses de nos audiences.

Je voudrais donner suite aux commentaires de Mme Morrison et de certains autres témoins sur la question des agressions commises par les femmes. J'en connais quelque chose. En fait, je dis souvent que j'ai appris ce que c'était quand je suis entrée dans le groupe parlementaire libéral. J'ai tout appris sur la violence des femmes. Je sais très bien ce que c'est, après avoir assisté aux réunions du groupe parlementaire.

Nous entendons constamment, ici et ailleurs, des gens que je décrirais comme des idéologues—et il faut faire la distinction entre l'idéologie et le droit—et qui croient en gros que les femmes qui contreviennent aux lois du pays ou tout simplement aux règles de la bonne société ne doivent jamais être poursuivies. Nous l'entendons dire constamment. Nous entendons dire sans cesse que les femmes ne peuvent rien faire de mal, qu'elles ne peuvent pas conter de mensonges. Pourtant, tous ces témoignages nous démontrent le contraire. Ce sont des choses que nous entendons souvent.

• 1425

Quand les gens comme vous viennent nous voir, ils font pleinement confiance au Parlement du Canada, et ils croient que nous allons enfin les écouter et les prendre au sérieux. Pourtant, nous sommes assis ici et nous entendons dire ce genre de chose. Je vous dirais qu'en affirmant que les femmes ne peuvent pas faire de mal, on invite certaines d'entre elles à en faire beaucoup.

Ma question est biaisée en quelque sorte, parce que M. Dutton nous a parlé hier de l'usage phénoménal que certaines femmes font de ce qu'il a qualifié de techniques d'intimidation. Cela dit, j'aimerais savoir si vous avez des suggestions à faire à notre comité et au Parlement du Canada sur ce que nous devrions faire au sujet de cette affirmation selon laquelle les femmes sont essentiellement bonnes et angéliques, tandis que les hommes sont fondamentalement méchants et démoniaques. C'est ça, le noeud de la question.

Est-ce que quelqu'un veut répondre?

Mme Maureen Morrison: Moi, sénatrice Anne Cools.

Je crois à l'égalité en ce monde et je pense que nous allons y arriver. J'espère que ce sera quand nos petits-enfants auront grandi et qu'ils seront des parents. Sur le plan professionnel, j'ai travaillé—je pense avoir un avantage, comme la plupart des femmes qui sont ici—avec de jeunes parents. Les temps ont changé. J'ai pu rester à la maison pendant 15 ans mais, malheureusement, la plupart des hommes et des femmes doivent travailler de nos jours pour élever leur famille et subvenir à ses besoins.

Cela veut dire qu'il y a maintenant deux parents dans la famille, alors qu'à l'époque, maman était à la maison et papa était le monsieur amusant qui arrivait le soir. Maintenant, il y a deux parents qui n'ont pas le temps de faire grand-chose et dont les heures de loisir sont très limitées. Les rôles sont confondus. Si les lois ne changent pas, qu'est-ce qui va arriver à tous ces hommes qui sont mis à la porte et qui n'ont pas le droit de voir leurs enfants? Et qu'est-ce qui va arriver plus tard à ces enfants, qui avaient auparavant un père et une mère?

M. Dan Mason: Nous vivons à une époque superstitieuse dans ce domaine-là. Il faut peut-être reconnaître que les superstitions touchent tous les êtres humains, quelle que soit leur taille et quel que soit leur sexe. Nous laissons les superstitions se manifester dans les tribunaux et partout ailleurs, ce qui n'est pas tellement différent des chasses aux sorcières qui se pratiquaient à l'époque des procès de Salem. Pourquoi ne pas laisser ces superstitions de côté? Il devrait y avoir des règles, par exemple des règles de procédure, pour obliger les tribunaux à laisser de côté les préjugés et les superstitions. S'il n'y avait pas tant de préjugés, peut-être qu'on y verrait plus clair dans certaines de ces fausses accusations.

Plutôt que de nous montrer superstitieux, comme nous l'avons fait depuis le début du siècle, nous devrions adopter une loi pour nous débarrasser de ces préjugés. Si nous décidions que la superstition ne doit plus avoir cours dans notre Parlement et devant nos tribunaux plutôt que de faire la chasse aux sorcières, comme nous le faisons actuellement, nous pourrions peut-être progresser comme société.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je dois vous interrompre pour faire quelques commentaires.

Si nous voulons bénéficier de la présence de tous les gens qui travaillent pour nous dans les coulisses, et qui travaillent très fort, nous aimerions leur donner au moins une demi-heure de pause; nous reprendrons nos travaux à 13 heures. Y a-t-il d'autres commentaires?

M. James Haiden: Mesdames et messieurs les membres du comité, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les femmes n'ont pas encore atteint l'égalité, peut-être même pas en milieu de travail. Je dirais qu'une fois qu'elles auront véritablement atteint l'égalité dans tous les aspects de la vie, on se rendra compte qu'elles peuvent être aussi méchantes que bonnes, tout comme les hommes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Mme Maureen Morrison: Merci.

• 1430




• 1531

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): En toute justice pour nos témoins, je dois dire que nous avons arrêté un peu tard avant le dîner et que les gens sont un peu lents à revenir. Vous avez attendu très patiemment et nous tenons à entendre ce que vous avez à dire. Nos collègues vont arriver bientôt. Comme vous le savez, tout est enregistré; donc, même si vous n'avez pas l'impression de parler à beaucoup de monde, vous allez vous adresser en fait à de nombreuses présences invisibles.

Nous avons avec nous M. Brian Hindmarch, qui est psychologue, et Mme Mary Jane Klein, des Mediation and Family Court Services.

Vous pouvez commencer, monsieur Hindmarch.

M. Brian Hindmarch (témoignage à titre personnel): Comme vous le savez, j'ai déjà soumis un mémoire écrit au comité. Je pars du principe que vous l'avez lu. De toute façon, je n'ai pas l'intention de m'asseoir ici et de vous le lire au complet. Vous pourrez le faire par vous-mêmes.

Pour résumer brièvement mon expérience à titre de psychologue en pratique privée, j'ai probablement fait plus de 450 évaluations sur les droits de garde au fil des années, et j'ai fait office de consultant dans beaucoup d'autres cas.

Une des choses qui m'est apparue douloureusement évidente avec le temps, c'est que le système d'opposition, tel qu'il est appliqué aux questions de garde et de visite, ne fonctionne pas très bien. Tout le monde en est bien conscient, sans quoi nous ne serions pas ici.

L'inconvénient, à mon avis, c'est que ce système est fondé par définition sur l'affrontement. Il impose dès le départ aux participants l'idée qu'il y aura un gagnant et un perdant. C'est pourquoi les avocats permettent aux gens—ou les y encouragent parfois—à inclure dans leurs affidavits des déclarations extrêmement explosives.

Dès le départ, les questions du partage des biens du ménage, de la pension alimentaire et de la garde des enfants sont souvent toutes mises dans le même sac. L'intérêt des enfants est mis sur le même pied que la répartition des plats Tupperware et les discussions pour savoir qui va payer quoi.

C'est très embrouillé. L'hostilité monte sans cesse dans ces discussions, bien avant que quelqu'un comme moi ait été nommé pour déterminer où est l'intérêt des enfants en cause.

Très souvent, la cour rend à un certain moment une ordonnance provisoire dans laquelle elle établit le statu quo pour un certain temps, ordonne une évaluation et ainsi de suite. C'est un processus qui peut prendre des mois, sinon des années, avant qu'un évaluateur de l'extérieur se penche sur la question de l'intérêt des enfants.

C'est à cause de la mentalité «gagnant-perdant» inhérente à ce processus que des allégations, par exemple au sujet d'agressions sexuelles, s'insèrent dans le scénario. Par nature, ce processus se prête bien aux accusations et aux allégations les plus sérieuses; les gens vont évoquer par exemple des agressions sexuelles dans l'espoir de «gagner». Le résultat final, c'est que les tribunaux doivent souvent rendre une ordonnance provisoire fondée non pas sur des faits établis, mais sur une série d'allégations. Cette situation persiste ensuite un certain temps, et les enfants se retrouvent dans une position parfois intenable pendant très longtemps, jusqu'à ce qu'il y ait enfin une évaluation.

• 1535

L'autre aspect qui me préoccupe, c'est que, quand je fais une évaluation, je prépare un rapport contenant des recommandations très précises sur ce qui constitue à mon humble avis l'intérêt des enfants, en ce qui concerne les droits de garde et de visite. Mais, très souvent, il n'y a rien qui oblige les parties à porter immédiatement ces recommandations à la connaissance du tribunal et à faire quelque chose pour y donner suite.

Par conséquent, ce que je constate souvent, c'est qu'après avoir soumis un de ces rapports aux avocats, je n'entends plus parler de rien. Puis, plusieurs mois plus tard, et même plus, les avocats communiquent à nouveau avec moi et me demandent de faire une brève mise à jour parce qu'il ne s'est rien passé dans l'intérim.

Permettez-moi de reprendre un exemple que je cite dans mon mémoire écrit. Il y a eu récemment un cas où les enfants alternaient toutes les deux semaines entre deux maisons qui se trouvaient à des centaines de kilomètres l'une de l'autre. L'aîné fréquentait deux écoles maternelles en même temps et devait essayer de s'adapter à deux groupes de camarades à la fois.

Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des choses que ces enfants doivent endurer à cause des retards de ce genre.

Je ne prétends pas avoir de solutions à ce problème. Mais il me semble que, quelque part dans le système, il devrait y avoir un mécanisme permettant de séparer l'intérêt des enfants, en ce qui concerne les questions de garde et de visite, de toutes les autres questions litigieuses. Il serait possible de régler ces questions-là de façon beaucoup plus expéditive et de boucler la boucle pour les enfants touchés, beaucoup rapidement que ce que permet le système actuel.

À ce propos, il y a deux nouveaux concepts qui ont vu le jour aux États-Unis depuis quelques années. Il y a d'abord le concept des mini-évaluations. Un évaluateur est chargé de rencontrer brièvement chacune des parties au litige, avec les enfants, à la suite de quoi, sans se lancer dans l'examen de la multitude de déclarations et d'allégations, il présente un rapport très court dans lequel il expose son analyse de la situation et propose la solution qui semble la meilleure pour les enfants, pour le moment.

Nous avons probablement fait quelques dizaines de ces évaluations depuis environ un an et demi. Certaines situations se prêtent très bien à ce genre d'exercice et d'autres pas. Les résultats sont relativement encourageants dans la mesure où cela permet de court-circuiter un peu le processus plutôt que d'attendre qu'une évaluation complète ait été faite sur la garde des enfants, ce qui peut être long à organiser et à effectuer.

L'autre concept qui nous vient des États-Unis, c'est ce que les Californiens appellent les maîtres spéciaux. Ce sont des gens, habituellement des psychologues, auxquels les tribunaux accordent des pouvoirs quasi judiciaires pour qu'ils assurent un suivi dans les cas particulièrement difficiles, à la fois comme médiateurs, comme thérapeutes et comme évaluateurs.

Ça ne s'est jamais fait exactement de cette façon-là au Canada, à ce que je sache. Mais, récemment, un juge de la Cour du Banc de la Reine qui avait été chargé d'un dossier particulièrement difficile m'a demandé de faire un travail de ce genre, c'est-à-dire de reprendre contact avec une famille pour qui j'avais déjà fait une évaluation. J'ai donc fait office d'évaluateur, de médiateur et de thérapeute et j'ai travaillé de manière suivie avec cette famille pour l'aider à se tenir loin du système d'opposition des tribunaux. Dans ce cas-là, en particulier, ça a raisonnablement bien fonctionné.

Pour terminer, je voudrais suggérer que nous employions plus souvent ces moyens innovateurs pour retirer ces cas particulièrement difficiles de l'engrenage du système d'opposition grâce à une approche fondée sur la gestion des cas, selon laquelle chaque cas est considéré individuellement et à long terme, plutôt que de devenir simplement «une partie du système». C'est une méthode beaucoup plus expéditive pour tenir compte de l'intérêt des enfants et les protéger des conflits interminables que le système semble perpétuer actuellement.

• 1540

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame Klein.

Mme Mary Jane Klein (témoignage à titre personnel): Merci, sénatrice Pearson.

Je suis d'accord avec M. Hindmarch sur tous les points. Je suis ici en tant qu'avocate de la famille et médiatrice familiale, en tant qu'évaluatrice dans des dossiers de garde et de visite, et en tant qu'amie de la cour.

J'ai remarqué qu'un pourcentage substantiel des conflits liés au droit de visite surviennent quand il y a des problèmes au sujet de la pension alimentaire. Il y aurait un certain nombre d'avantages à un régime dans lequel la pension alimentaire, une fois déterminée en vertu d'une entente ou d'une ordonnance, et une fois enregistrée auprès du programme d'exécution provincial, serait versée directement par la province à son ou à sa bénéficiaire. La province pourrait alors recouvrer les fonds auprès du payeur.

Cette méthode aurait l'avantage de réduire le stress découlant de l'incertitude dans laquelle vivent les bénéficiaires. Elle limiterait les possibilités d'affrontements désagréables entre les parties. Elle empêcherait les payeurs de refuser de verser leur pension pour essayer d'influencer les bénéficiaires et pourrait contribuer à mettre les juges au courant de la situation plus rapidement, tandis qu'actuellement, ils peuvent estimer qu'un chômeur est capable de verser sa pension, en se fondant sur sa situation financière antérieure, alors que les choses peuvent avoir changé.

Pour ce qui est des familles où le droit de visite demeure problématique une fois la question de la pension réglée, elles se divisent d'après mon expérience en trois catégories, qui ne sont pas nécessairement incompatibles.

Il y a les familles dans lesquelles le parent qui habite avec les enfants a des inquiétudes fondées et réalistes au sujet de la sécurité et du bien-être des enfants lorsqu'ils sont en compagnie du parent qui a un droit de visite. Elles sont rares, mais il y en a.

Il y a ensuite celles dans lesquelles le parent qui a un droit de visite peut avoir des compétences parentales quelque peu douteuses et où celui qui a la garde des enfants se montre parfois surprotecteur.

Et il y a enfin les cas où il n'y a aucune raison objective de croire que le droit de visite devrait être limité, mais où les sentiments ou encore les convictions du parent qui habite avec les enfants le poussent à vouloir entraver la relation entre ces enfants et le parent qui a un droit de visite.

C'est ce dernier groupe qui est le plus frustrant pour la plupart des professionnels qui s'occupent de droit de la famille.

Ces familles se retrouvent régulièrement devant les tribunaux—nous en connaissons tous—jusqu'à ce que le parent qui a un droit de visite se retrouve à court d'argent ou se décourage. Les parents paient les factures, et les enfants paient la note.

Un programme d'assistance en matière de droit de visite sur le modèle de celui qui a été mis sur pied au Manitoba pourrait contribuer à aider ces familles. Ce programme fait appel à des intervenants et à des consultants hautement compétents et il est appliqué par l'entremise des services du tribunal de la famille, qui peut intenter des poursuites au besoin pour outrage au tribunal. Quand on décide, pour quelque raison que ce soit, que les visites doivent être supervisées, il est essentiel que les parents à faible revenu aient droit à une subvention pour éviter qu'une ordonnance ou une entente portant sur des visites supervisées n'équivaille à un déni du droit de visite.

Un modèle de médiation non privilégiée suivie de recommandations ou de mini-évaluations d'une journée, comme celles dont a parlé M. Hindmarch, pourrait aider les familles de la deuxième catégorie lorsqu'une médiation privilégiée ordinaire n'a pas donné de résultat. J'estime que ce devrait être l'approche adoptée par défaut parce qu'elle réussit habituellement dans 70 p. 100 des cas. Cette méthode pourrait être appliquée pour les familles qui espèrent éviter le stress et la dépense d'une évaluation non privilégiée en bonne et due forme.

Lorsque les familles arrivent dans le système judiciaire, il faudrait en confier le tri à des personnes ayant l'habitude d'évaluer la dynamique familiale. Ces personnes pourraient diriger les familles vers le niveau de service le plus approprié afin de les aider à résoudre leurs problèmes le plus rapidement possible, avant que les allégations dommageables se mettent à circuler et que les affidavits commencent à s'entrecroiser. Ces évaluateurs pourraient demeurer à la disposition des familles lorsque leur situation changerait et ils pourraient assurer de façon générale un suivi et une gestion des cas.

• 1545

Voilà ce que j'avais à vous dire. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Nous allons commencer par les questions de M. Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente. Je voudrais rassembler mes pensées une seconde avant d'interroger M. Hindmarch.

Vous êtes psychologue?

M. Brian Hindmarch: En effet.

M. Eric Lowther: Je ne m'y connais pas assez en psychologie. Nous avons entendu différents témoignages au sujet de ces évaluations psychologiques. Supposons que vous deviez vous occuper de quelqu'un qui aurait accusé quelqu'un d'autre d'avoir agressé sexuellement un enfant. Est-ce que vous rencontreriez l'enfant pour essayer de déterminer si ça s'est effectivement passé? Est-ce que c'est le genre de travail que vous faites, monsieur Hindmarch?

M. Brian Hindmarch: Pas précisément et pas le plus souvent. Une fois qu'une allégation d'agression sexuelle se retrouve sur mon bureau, elle a déjà été examinée ailleurs. Invariablement, en raison des dispositions des lois sur la protection de l'enfance, qui obligent à signaler ce genre de chose, ces allégations ont fait l'objet ou vont faire l'objet d'une enquête des services d'aide à l'enfance ou de la police, ou des deux.

M. Eric Lowther: D'accord.

M. Brian Hindmarch: Dans le contexte d'une évaluation non privilégiée sur la garde des enfants, ce n'est généralement pas à moi qu'il incombe de faire l'enquête initiale.

M. Eric Lowther: Je m'éloigne peut-être un peu du mandat du comité, mais je profite de l'occasion pour parfaire mon éducation.

De quels outils disposez-vous, en psychologie, pour déterminer si un enfant a effectivement été victime d'une agression sexuelle, comme un de ses parents l'affirme? Quand vous rencontrez l'enfant pour essayer de savoir si c'est vrai ou non... Est-ce que c'est une science? Est-ce que chacun a sa propre façon de procéder? Est-ce qu'il y a une approche uniforme qui peut vous permettre d'être à peu près certain que vous avez bien jaugé la situation? Ou alors, est-ce que vous avez tout simplement tendance à croire certains enfants plutôt que d'autres?

Je suppose qu'il y a l'examen physique, mais à part ça, est-ce qu'il y a des moyens de déterminer si les accusations sont légitimes?

M. Brian Hindmarch: C'est une question très vaste, et la réponse l'est encore plus. Nous pourrions passer le reste de l'après-midi, et même plus, à discuter de tous les points dont vous avez parlé.

Il y a beaucoup de données circonstancielles à examiner quand quelqu'un porte une accusation de cette nature. Non, ce n'est pas entièrement scientifique. Ce n'est pas de la science pure en ce sens qu'il n'y a pas de tests psycho-physiologiques ou psychométriques que nous pourrions administrer pour déterminer si un enfant a été agressé ou si un adulte est un pédophile, par exemple.

Il faut examiner les circonstances entourant l'allégation, et aussi le passé des personnes en cause. Dans la majorité des cas où une accusation d'agression sexuelle est déposée dans le contexte d'une évaluation sur la garde des enfants, le père n'a absolument aucun antécédent d'aberration sexuelle; il a eu toute sa vie une orientation hétérosexuelle adulte normale, il n'a jamais eu de démêlés avec la justice ni aucun autre problème. Puis, au beau milieu d'une bataille acrimonieuse au sujet de la garde des enfants, il est tout à coup accusé de la forme d'agression sexuelle la plus haineuse et la plus rare, sur le plan psychopathologique.

Il faut examiner les probabilités dans ce genre de contexte...

M. Eric Lowther: Excusez-moi de vous interrompre. Si je vous arrête avant que vous ayez eu la chance de faire une observation importante, je vous invite à y revenir tout à l'heure. Mais à vous entendre parler, on dirait presque que vous procédez à un examen judiciaire. Est-ce qu'il y a déjà eu quelque chose de ce genre auparavant? Est-ce compatible avec les comportements passés? Quelles sont les circonstances? Et en définitive, on dirait que vous décidez, en vous fondant sur votre intuition, qu'il est peu probable que ce soit vrai. Ce n'est pas vraiment fondé sur une approche clinique ou psychologique, mais plutôt sur une impression personnelle.

• 1550

M. Brian Hindmarch: Je ne peux pas nier le rôle que jouent nos impressions personnelles. Je pense que c'est inhérent à tous les genres d'évaluations. Mais pour élargir ma réponse un tout petit peu, il y a évidemment des tests psychologiques que nous administrons. Les ouvrages sur la question sont à peu près unanimes à dire que, quand il existe des anomalies sexuelles comme celles dont il est question ici, il y a généralement des anomalies dans les résultats de la batterie de tests psychologiques; ce n'est pas nécessairement quelque chose de constant que nous pouvons relier à 100 p. 100 à la pédophilie ou à un autre comportement du genre, mais il y a généralement un petit quelque chose qui sort de l'ordinaire dans les résultats de ces tests. Quand on ne voit rien de cette nature, cela enlève encore de la crédibilité aux accusations.

Il y a eu de très nombreux écrits sur les traits de personnalité des gens qui portent ces accusations. Ce que je veux dire, en fait, c'est qu'il faut tenir compte du contexte. Encore une fois, j'insiste sur le fait que le psychologue qui effectue l'évaluation non privilégiée sur la garde des enfants n'est pas le premier à faire enquête sur les allégations d'agressions sexuelles, en vertu des lois qui obligent à signaler ce genre de chose. Il y a déjà eu d'autres enquêtes, habituellement, quand on en arrive à cette étape-là. Les services d'aide à l'enfance et la police ont déjà fait leur propre enquête.

M. Eric Lowther: Vous nous avez dit dans votre déclaration préliminaire—pour changer un peu de sujet—que le système actuel met l'accent sur l'opposition, et qu'il fait nécessairement des gagnants et des perdants.

Nous l'avons déjà entendu dire. Beaucoup d'autres groupes nous ont dit aussi qu'il pourrait être avantageux pour les couples qui songent à se séparer, ou pour ceux qui sont au beau milieu d'une séparation ou d'un divorce, de chercher tout de suite du counseling ou de regarder des vidéos montrant les conséquences que les enfants subissent quand leurs parents commencent à se battre pour avoir leur garde, par exemple, plutôt que d'adopter l'approche fondée sur l'affrontement, par l'intermédiaire des avocats, des juges et ainsi de suite.

Cela ressemble aux deux concepts dont vous nous avez parlé. Il y avait la formule des maîtres sociaux. J'ai oublié l'autre.

M. Brian Hindmarch: Les mini-évaluations?

M. Eric Lowther: Oui. C'est le genre de chose que vous préconisez, monsieur Hindmarch, que les gens examinent les conséquences dans une perspective historique pour éviter de se retrouver eux aussi parmi les statistiques?

M. Brian Hindmarch: Absolument. Ici, le tribunal de la famille offre un cours aux parents après la séparation; les couples sont maintenant obligés de le suivre. C'est sur le même modèle que ce que vous avez décrit.

M. Eric Lowther: Oui.

M. Brian Hindmarch: Jusqu'ici, du moins, ce cours semble avoir un certain succès. Je suis tout à fait pour ça. Je pense que c'est un excellent moyen de sensibiliser les gens aux ramifications de leurs comportements pour leurs enfants avant que les choses se produisent, plutôt que rétrospectivement, ce qui est certainement une bonne chose.

Pour tempérer un peu ma réponse, je vous dirai toutefois que, la nature humaine étant ce qu'elle est, je pense qu'il y a un certain pourcentage de gens qui sont tout simplement incapables de séparer leurs propres préoccupations psychologiques de celles de leurs enfants. Il n'y a pas de réponse à tout, pas de solution miracle qui pourrait empêcher certains d'entre eux de détruire la vie de leurs enfants de toutes sortes de façons.

Cela dit, le genre d'approche que vous suggérez est certainement une façon viable d'aborder le problème dès le début. À tout le moins, cela permet de séparer le type de personnes que je viens de vous décrire de la majorité des autres parents—du moins, il faut espérer que c'est la majorité—qui se préoccupent avant tout du bien-être de leurs enfants. Si ces gens-là pouvaient se rendre compte à l'avance des ramifications comme celles dont vous avez parlé, il serait probablement possible de modérer beaucoup, dans bien des cas, leurs interactions subséquentes et d'éviter peut-être de très nombreux conflits.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Nous avançons.

M. Eric Lowther: Oui, c'est parfait. J'aurai une toute petite question à poser à la fin, si nous en avons le temps. Allez-y.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools.

• 1555

La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.

Je voudrais remercier nos deux témoins. Je connais évidemment leur travail. Je connais aussi celui de M. Hindmarch. Je m'excuse d'avoir manqué les premières minutes de votre présentation.

Monsieur Hindmarch, à la deuxième page de votre présentation, vous allez à mon avis droit au coeur de la question des fausses allégations. Vous dites des choses que nous savons maintenant grâce aux études réalisées sur cette question.

Dans le paragraphe du milieu, vous mentionnez que ces études ont démontré que la vaste majorité de ces allégations se révèlent fausses. Vous parlez ensuite du caractère «abracadabrant» de certaines de ces allégations mensongères à caractère sexuel. Et vous passez directement à ce qui est souvent le noeud de l'affaire, c'est-à-dire ce que vous appelez le plein appui des avocats.

Vous dites ensuite, au paragraphe suivant, qu'il devrait toutefois y avoir des moyens par lesquels les avocats pourraient rétablir une certaine rationalité dans ces situations. Et vous poursuivez dans la même veine, avant de dire finalement qu'il est inadmissible que les avocats acceptent sans broncher des déclarations aussi incendiaires.

Comme vous le savez, monsieur Hindmarch, beaucoup d'autres ont déjà dit ce que vous nous dites aujourd'hui; je l'ai dit moi-même devant le comité, mais je n'ai pas obtenu beaucoup de sympathie. J'ai soulevé la question de la révision du système de justice civile en Ontario, et également au Manitoba, où tout le monde dit la même chose. Mais, jusqu'ici, le comité n'a transmis à ses membres aucune documentation qui leur permettrait d'examiner certaines de ces questions ou de s'en faire une idée générale.

Je pense que vous connaissez très bien le problème. Quand nous soulevons la question des avocats, que je trouve très préoccupante, on nous dit de laisser aux sociétés du barreau le soin de s'en occuper. Pourtant, les gens nous disent que ces sociétés ne font absolument rien pour redresser la situation.

La question que j'aimerais vous poser, monsieur Hindmarch, porte sur ce que le gouvernement du Canada peut faire pour essayer de mettre fin à ces comportements ou pour tenir les avocats responsables des déclarations abracadabrantes qu'ils déposent sous forme d'affidavits.

M. Brian Hindmarch: Vous voulez une réponse courte? Je l'ignore.

La réponse longue, je suppose, c'est que ça nous ramène à ce que j'ai dit en guise de préface à mes remarques préliminaires, à savoir que le système judiciaire fondé sur l'opposition est conçu, par définition, pour favoriser ce genre d'attitude. Les Romains l'ont conçu pour prouver l'innocence ou la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable, et pour déterminer à qui appartenait quoi, je suppose. C'est un système qui n'a jamais été pensé en fonction de ce genre de chose.

C'est donc cette mentalité du «nous contre eux», du «nous allons l'emporter si nous soumettons plus de matériel qu'eux», et ce sont les façons de penser qui entourent toute cette approche fondée sur l'affrontement qu'il faut contourner d'une façon ou d'une autre. Quant à savoir si ça doit se faire par l'entremise du barreau, je n'en sais rien.

La sénatrice Anne Cools: Mais monsieur Hindmarch, il n'est pas question ici du processus d'opposition, mais bien des fausses accusations. Le processus d'opposition fonctionne depuis un bon bout de temps. Mais vous avez parlé des accusations mensongères. Donc, le problème, ce n'est pas le processus d'opposition, c'est la présentation de fausses déclarations avec la bénédiction des avocats—c'est vous-même qui le dites.

Nous avons entendu ce matin un autre témoin, M. Brooks, qui nous a parlé d'un autre professionnel—ce n'était pas un avocat, mais un psychologue—, un certain Gary Kneier, qui faisait la promotion de ces faussetés; appelez ça comme vous voulez. Mais dans le cas des avocats, ce dont nous parlons ici, c'est de la bonne vieille vérité. Que ce soit le huitième commandement, le Psaume 24 ou quoi que ce soit d'autre, d'une façon ou d'une autre la définition de la vérité a été modifiée et, d'après ce que vous dites dans votre propre mémoire, elle l'a été par les avocats.

M. Brian Hindmarch: Absolument.

La sénatrice Anne Cools: Je voudrais maintenant vous poser une question: que faut-il faire au sujet des avocats qui avancent ces faussetés?

• 1600

M. Brian Hindmarch: Encore là, il m'est très difficile de vous répondre.

J'ignore s'il faudrait les éduquer ou faire appel à leur sens de je ne sais quoi. Je ne vois pas comment vous pourriez régir, par législation ou autrement, le genre de déclarations qui sont permises dans les affidavits. En théorie, ces déclarations sont censées être faites sous serment, et elles sont censées être vraies. Mais après avoir examiné des milliers de ces documents au fil des années, j'ai vu une foule de choses qui sont fabriquées de toutes pièces et dont n'importe qui, avec un minimum d'intelligence, peut se rendre compte qu'elles sont absolument fausses.

Mais elles sont présentées sous serment, dans un affidavit, avec la complicité d'un avocat. Je comprends exactement ce que vous voulez savoir: comment empêcher ces gens-là de faire ce genre de chose? Je l'ignore. Faut-il faire appel à leur bon sens, à leur honnêteté? Je n'en sais rien. Je ne vois pas comment on peut légiférer ce genre de chose.

Tout ce que je dis, c'est que ça existe. La solution ne consiste peut-être pas à essayer d'adopter des mesures législatives pour nous assurer que les avocats et les clients disent toujours la vérité absolue, mais plutôt à modifier la façon dont les gens ont accès au système pour éviter que ces choses-là passent en premier, avant l'intérêt des enfants. Mais il faudrait changer la nature humaine jusqu'à un certain point, sénatrice Cools, et je ne sais pas si c'est possible.

La sénatrice Anne Cools: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvons-nous accélérer? Nous n'avons pas beaucoup de temps.

Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Je serai très brève, madame la présidente.

Ma question s'adresse à M. Hindmarch. La formule des gestionnaires de cas que vous évoquez dans votre document m'a beaucoup intéressée. Pourriez-vous nous en parler un peu plus en détail? Ils ont des pouvoirs quasi judiciaires, pour pouvoir guider les familles vers un règlement, ce qui permet de contourner une bonne partie du processus judiciaire?

M. Brian Hindmarch: C'est ainsi que la formule est appliquée aux États-Unis. J'ai assisté il y a deux ans à une conférence à Tampa, en Floride, où ce concept a été présenté. Il a été essayé un certain nombre de fois en Californie.

Mme Eleni Bakopanos: Mais de qui s'agit-il? Qui sont ces gestionnaires de cas?

M. Brian Hindmarch: En Californie, où ce programme est en train d'être mis sur pied, ce sont habituellement des psychologues nommés par un juge. Le juge dit: «Il s'agit d'un cas difficile et je veux que vous vous en occupiez. Ces gens-là vont aller vous voir avec leurs problèmes. Réglez-les. Assurez un suivi constant et avertissez-moi si vous avez besoin de moi.»

Mme Eleni Bakopanos: Et la décision de ces gestionnaires de cas équivaut à une décision judiciaire?

M. Brian Hindmarch: Tout se fait par ordre de la cour.

Je pense que ce n'est pas par accident que ce concept est né dans l'État américain où la richesse par habitant est la plus élevée. Il faut se poser toute une série de questions d'ordre financier au sujet de l'applicabilité de ce concept ailleurs, mais ici, les juges de la Cour du Banc de la Reine sont régulièrement nommés comme gestionnaires de cas. Cela veut dire qu'ils sont saisis d'un cas. Les avocats peuvent aller les voir régulièrement pour régler les conflits.

Ce dont j'ai parlé tout à l'heure est un rejeton de ce concept. Nous avons vécu récemment une situation semblable dans laquelle le juge avait ordonné à des gens de venir le voir pour un certain nombre de séances; ils ont eu du financement parce qu'il s'agissait d'un projet expérimental. J'ai assumé moi-même à peu près les mêmes fonctions, pendant une demi-douzaine de séances environ. Nous avons réussi à régler beaucoup de problèmes de cette façon-là.

Mme Eleni Bakopanos: Comment cela diffère-t-il de la médiation? Les gestionnaires de cas sont là pour intervenir entre les parties, comme les médiateurs.

M. Brian Hindmarch: Les gestionnaires de cas sont des juges.

Mme Eleni Bakopanos: Cette formule n'est appliquée que dans les situations conflictuelles, n'est-ce pas? Elle ne serait pas utilisée s'il y avait un consensus, mais seulement en cas de conflit qu'il serait impossible de résoudre autrement. Quelle est la différence entre la formule des gestionnaires de cas et la médiation obligatoire qui se ferait en présence d'un psychologue, d'un avocat et de certaines autres parties?

M. Brian Hindmarch: Le concept, tel qu'il a été appliqué dans la situation dont je me suis occupé... Je n'essayais pas surtout d'instaurer la paix par médiation entre les factions belligérantes. Comme j'étais impartial, j'ai pu me concentrer sur l'intérêt des enfants en cause. Je ne voulais pas savoir qui était content du résultat final et qui ne l'était pas. Je ne voulais pas savoir si les parties avaient toutes les deux l'impression d'avoir eu leur juste part. Il se peut qu'un des parents soit tout à fait insatisfait; ce n'est donc pas de la médiation, en ce sens que les deux parties ne partent pas nécessairement satisfaites...

• 1605

Mme Eleni Bakopanos: Mais je voudrais que vous me disiez...

M. Brian Hindmarch: ... il s'agit plutôt de savoir ce qui est préférable pour l'enfant. Je fais donc office de médiateur dans un sens très large, mais en définitive, ce que je dis, c'est: «Je ne vous dis pas ça pour que vous soyez contents. Je vous le dis parce que c'est ce qu'il y a de mieux pour votre enfant; que vous aimiez ça ou non, ce n'est pas mon problème.» C'est ça qui est différent.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Sénatrice Chalifoux, rapidement.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Oui; ma question s'adresse à Mme Klein.

Si j'ai bien compris, vous êtes avocate en droit de la famille.

Mme Mary Jane Klein: Je travaille actuellement pour les Mediation and Family Court Services. J'ai pratiqué le droit pendant plusieurs années.

La sénatrice Thelma Chalifoux: D'accord. Notre comité a été chargé d'examiner la Loi sur le divorce et les questions de garde et de visite que soulèvent la loi et son règlement. Nous avons beaucoup entendu parler de médiation. Est-ce que ça existe ici en Alberta? C'est ma première question. La deuxième est la suivante: quand vous faites une médiation, est-ce que vous incluez les grands-parents et les autres membres de la famille élargie? Pensez-vous que le comité devrait tenir compte de cet aspect de la question dans son examen de la loi?

Mme Mary Jane Klein: Oui, il se fait beaucoup de médiation familiale en Alberta. Ici, nous en arrivons à environ 900 ententes par année dans le cadre du programme de la Cour du Banc de la Reine.

Toutes les personnes qui ont des raisons de participer à la médiation sont invitées à y participer une fois que nous avons rencontré les parties principales, et à condition que ces parties soient d'accord pour inclure d'autres personnes. S'il y a un conflit entre les grands-parents et un des parents, ou les deux, tous ces gens-là sont en cause et nous les incluons avec plaisir—et très souvent avec de bons résultats—dans la médiation.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Pensez-vous que nous devrions tenir compte de cet aspect-là quand nous allons examiner la loi?

Mme Mary Jane Klein: Je pense que oui. La famille élargie est extrêmement précieuse. Elle est souvent sous-estimée, et souvent laissée de côté. C'est certainement une des choses dont nous tenons compte; nous incluons toujours toute la famille élargie, sans restrictions. Nous aimons bien que les deux parties encouragent la participation des autres membres de la famille, et en général, cela fait partie des conditions de l'entente.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Le processus de médiation en Alberta est-il régi par une politique ou par un règlement?

Mme Mary Jane Klein: Par une politique. Nous n'avons pas de médiation obligatoire ici.

La sénatrice Thelma Chalifoux: Merci beaucoup.

Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): M. Gallaway a une question à poser.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Hindmarch, je voudrais seulement vous poser une question très courte. Si quelqu'un a besoin de vos services, combien en coûte-t-il pour obtenir une évaluation?

M. Brian Hindmarch: Une évaluation non privilégiée en bonne et due forme sur la garde des enfants coûte généralement entre 3 000 $ et 5 000 $ en tout. Ici, toutefois, il est possible d'obtenir une subvention dans le cadre du projet de médiation d'Edmonton. L'évaluation est alors effectuée à prix réduit; elle peut être subventionnée jusqu'à environ 97 p. 100 dans certains cas. Il y a donc des subventions disponibles pour ces évaluations, et les avocats peuvent obtenir des honoraires spéciaux de l'aide juridique pour leur manque à gagner, par exemple.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther, nous essayons...

M. Eric Lowther: Ça va. Le témoin a déjà répondu à ma question. Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup à tous les deux de vos présentations.

La sénatrice Anne Cools: Je voudrais vous parler de quelque chose que je viens de recevoir de quelqu'un qui est assis dans la salle. Si vous me permettez... je viens de le recevoir. Je pense que ça a été pris sur Internet. On peut lire en manchette que les femmes sont malmenées pendant les audiences sur la garde des enfants et le droit de visite au Canada. On dirait bien que c'est un article sur notre comité. Je ne l'ai pas tout lu, mais c'est plutôt offensant. J'aimerais savoir, monsieur le président, si nous pourrions prendre quelques minutes en fin de journée pour y jeter un coup d'oeil.

• 1610

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, je pense que nous pourrons y consacrer quelques minutes aujourd'hui.

La sénatrice Anne Cools: Alors, nous pouvons mettre ça de côté pour le moment. Nous pourrons prendre nos décisions en temps et lieu.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice, je vous remercie de l'avoir mentionné pour le compte rendu. C'est ce qui est important pour le moment.

La sénatrice Anne Cools: Oui, d'accord; alors, nous allons nous en occuper plus tard parce que j'aimerais le lire pour le compte rendu. Je vous en serais reconnaissante. C'est le genre de chose que le comité subit constamment.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'invite maintenant nos témoins suivants à s'avancer. Nous entendrons M. Ferrel Christensen, M. Guy L'Heureux, M. George Moss, qui est le fondateur de la Children's and Parents' Equality Society, et M. Michael McGill, de la Men's Equal Access Society.

Bienvenue à tous. Nous allons commencer par M. McGill. Je présume que vous avez assisté à une partie de notre séance d'aujourd'hui. Je vous demanderais de limiter votre déclaration à cinq minutes, s'il vous plaît.

M. Michael McGill (membre, Men's Equal Access Society): Certainement. En fait, le sujet de mon exposé d'aujourd'hui se rapproche beaucoup de ce que M. Hindmarch vient de vous dire; je voudrais vous parler des tribunaux.

Les tribunaux qui s'occupent de questions touchant la famille sont les tribunes dans lesquelles se règlent les conflits dont les enfants de parents en instance de séparation ou de divorce subissent les conséquences. Ce sont ces tribunaux qui prennent des décisions extrêmement importantes pour le bien-être des enfants. Pourtant, le fait qu'ils favorisent bien souvent les affrontements peut parfois exacerber les conflits familiaux plutôt qu'aider à les résoudre.

Un nombre croissant de juges, d'avocats, de médiateurs et de professionnels de la santé mentale remettent en question la notion selon laquelle ce processus judiciaire fondé sur l'affrontement est le seul moyen de résoudre les conflits familiaux. Ces spécialistes estiment que le fait qu'il y ait obligatoirement un gagnant et un perdant dans ce processus envenime souvent les conflits existants, au détriment des parents et des enfants.

Deuxièmement, il arrive de plus en plus régulièrement que les preuves présentées à la cour soient contestées, ce qui est inadmissible; ce qui se passe, c'est que la cour reçoit souvent des informations fausses, et qu'elle en tient compte.

Voici quelques-unes de mes recommandations.

Premièrement, les deux parents devraient être sur un pied d'égalité, en ce qui concerne à la fois le temps qu'ils passent avec les enfants, les décisions qu'ils prennent en tant que parents, et leur participation concrète à la croissance et à l'éducation des enfants.

Deuxièmement, les parents devraient essayer d'établir des plans parentaux afin de clarifier et d'officialiser le partage de leurs responsabilités.

Troisièmement, il faudrait obliger les parents qui se présentent devant les tribunaux sans s'être entendus sur un plan parental à participer à une médiation afin de régler leurs différends. Les personnes qui se présentent devant les tribunaux devraient être tenues de participer à une médiation à moins de circonstances exceptionnelles.

De plus, il faudrait mettre en place un nouveau système judiciaire qui s'occuperait exclusivement de droit de la famille. Il faudrait aussi une certaine uniformité dans tout le Canada, ce qui n'est pas le cas actuellement. Chaque province et chaque territoire a ses propres règles, et sa propre interprétation des règles communes. Il faut que les juges, les avocats, les médiateurs et les autres membres du personnel des tribunaux suivent une formation particulière sur les questions touchant le droit de la famille et la dynamique familiale.

Troisièmement, à l'intérieur de ce nouveau système, il faut prévoir des sanctions pénales pour les avocats et les autres personnes qui présentent et qui perpétuent de fausses allégations.

Il faut également que le système permette de gérer et de coordonner efficacement et rapidement le travail des tribunaux. Depuis la sélection jusqu'au règlement, les tribunaux doivent pouvoir désigner le juge, organiser l'horaire des comparutions et suivre le déroulement d'une affaire à toutes ses étapes.

Voilà ce que j'avais à vous dire.

• 1615

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant M. Moss.

M. George Moss (fondateur, Children's and Parents' Equality Society): Je vous remercie de m'avoir invité. Je suis un des fondateurs de la CAPE, une organisation bénévole qui fait la promotion du partage des responsabilités parentales après la séparation et le divorce. Nous nous penchons sur ces questions depuis une quinzaine d'années dans le cadre de séminaires et de conférences; nous avons aussi organisé des séances d'entraide et de médiation, et fait du lobbying auprès du gouvernement pour faire changer les choses.

Je voudrais moi aussi vous parler des principales questions qui touchent les enfants et les parents qui n'en ont pas la garde après une séparation ou un divorce. Nous avons présenté des recommandations au moment de la dernière ronde de modifications proposées à la Loi sur le divorce, en 1985, pour que la préférence aille au partage des responsabilités parentales ou à la garde conjointe par défaut afin de remplacer le processus d'opposition actuel, et pour introduire le concept de résolutions conjointes des parties par voie de médiation. Par la suite, quelques légères modifications ont été apportées au sujet de la médiation, mais on nous a dit que nos autres recommandations sur le partage des responsabilités parentales seraient mises en oeuvre à l'occasion de modifications futures.

Il faut supprimer graduellement le processus d'opposition actuel. Il favorise les conflits et les affrontements interminables, ainsi que la polarisation des positions respectives des parties au sujet de la garde des enfants. Il encourage les luttes de pouvoir qui mènent à la falsification d'affidavits, aux allégations d'agressions sexuelles et à une multitude d'autres complications encore amplifiées par bien des avocats.

Ce processus entraîne un stress incroyable qui influe sur la santé et le bien-être des gens, et sur leur capacité d'être de bons parents. Dans les cas extrêmes, on a même vu des enlèvements, des actes violents, des meurtres et des suicides. Les retombées sur les enfants sont dévastatrices et les laissent souvent traumatisés pour la vie. Dans bien des cas, lorsque le conflit se prolonge, la situation financière se détériore, ce qui augmente encore le stress et oblige souvent les gens à avoir recours à l'aide sociale ou à abandonner leurs enfants.

Je tiens à souligner qu'un programme de partage des responsabilités parentales et une présomption favorable à la garde conjointe permettraient de changer les attitudes dès les premières étapes; les parties se concentreraient alors sur le bien-être des enfants et sur les moyens d'assurer ce bien-être.

L'emploi de termes comme «droit de visite» ne donne pas une bonne idée de ce qu'il faut faire pour élever des enfants et être de bons parents; ces termes doivent donc être éliminés.

Il arrive très fréquemment qu'une partie refuse à l'autre le droit de voir les enfants, malgré une ordonnance de la cour. Et il s'ensuit souvent des falsifications d'affidavits pour justifier ces refus. Il faut prévoir des possibilités de poursuites et des sanctions plus sévères, par exemple une modification des dispositions de garde.

Les programmes d'éducation parentale devraient être obligatoires pour tous les parents qui vivent une séparation et un divorce puisque, bien souvent, les allégations portent sur le fait que l'autre partie est incapable de s'acquitter de ses responsabilités. Le lavage de cerveau des jeunes enfants est chose courante, ce qui inclut les effets subliminaux de la conduite d'un parent sur ces enfants.

Lorsque le conflit s'éternise et qu'un de leurs parents se voit refuser le droit de les voir, les enfants apprennent à manipuler les autres et à dire des mensonges en observant le comportement du parent qui fournit toutes sortes de raisons et de prétextes à l'autre parent, aux policiers et aux autres intervenants pour justifier son refus de laisser ce parent les voir.

Dans la plupart des cas, les jeunes enfants veulent avoir leurs deux parents. Mais comme ils veulent aussi obéir au parent qui les empêche de voir leur autre parent, ils pleurent souvent en silence parce qu'ils sont privés du parent qui n'a pas leur garde, et dont ils ont pourtant besoin sur le plan affectif. Quand ils grandissent, ces larmes se transforment en frustration et en colère, dont les adolescents finissent par se défouler contre un de leurs parents et contre le système en général. Beaucoup de ceux qui portent ces cicatrices depuis leur tout jeune âge se retrouvent parmi les jeunes contrevenants. Ces enfants, en particulier les garçons, sont très susceptibles d'adopter à l'âge adulte des comportements anormaux et violents envers les femmes, ou du moins envers leur conjointe.

Pourtant, la société continue de blâmer les jeunes contrevenants, sans savoir que le système judiciaire leur a fait faux bond quand ils étaient enfants. Dans bien des cas, ils en gardent les marques toute leur vie.

• 1620

Il y a certains agents de la GRC et certains juges de paix qui sont à blâmer. Ils n'appliquent pas toujours les ordonnances de visite sous prétexte qu'ils connaissent les parties, parce qu'ils appartiennent aux mêmes organisations religieuses, sociales ou communautaires. Beaucoup interprètent les ordonnances de la cour à leur façon.

Ce que je recommande, c'est d'exiger qu'un juge provincial et un coordonnateur des visites soient disponibles en tout temps pour pouvoir régler les problèmes de visite dès qu'ils se présentent, par exemple pendant les fins de semaine ou les vacances.

En ce qui concerne les activités scolaires, les enfants sont détruits encore un peu plus, et leurs cicatrices se creusent encore un peu plus, quand ils sont déçus de voir que le parent qui n'a pas leur garde ne vient pas les voir à l'école ou qu'il ne participe pas à leurs activités scolaires, ce qui leur fait croire que ce parent ne s'intéresse pas à eux et ne se soucie pas de leur bien-être. Ce que ces enfants ne savent pas, c'est que c'est la loi sur les écoles qui interdit le parent qui n'a pas leur garde d'aller les voir à l'école.

Quand elle a annoncé les changements qui seront apportés au programme des jeunes contrevenants, Anne McLellan a indiqué qu'il y aurait des fonds disponibles pour des programmes de traitement et d'autres programmes. Nous recommandons qu'un certain pourcentage de ces fonds soit consacré à l'exécution des ordonnances de visite et à d'autres programmes qui permettront d'atténuer les cicatrices affectives qui marquent les enfants dès leur plus jeune âge, et qui entraînent d'innombrables problèmes de société quand ces enfants grandissent.

Le principal problème, pour finir, c'est qu'avec le temps, nous avons laissé le système se corrompre. La seule solution est d'apporter aux lois les modifications nécessaires et de renforcer considérablement les lois existantes, ce qui entraînera des poursuites—et la crainte des poursuites—et permettra de changer l'attitude des nombreuses parties qui se servent du système et qui en abusent sans se soucier des effets destructeurs que tout cela peut avoir à long terme sur les enfants.

Il y a un dernier point que je voudrais soulever, et un document que je voudrais déposer. Le 9 juillet 1995, nous avons participé à un atelier-conférence avec le ministre de la Justice, auquel assistaient des particuliers et des représentants de 75 organisations. Nous avons ici le produit final qui en a découlé; je vous recommande à tous de le lire. À la suite de cette rencontre, j'ai coprésidé les travaux que nous avons effectués en collaboration avec les comités de la justice qui ont présenté des projets de modifications.

Grâce aux échanges que nous avons eux à ce moment-là, nous avons proposé des changements tout à fait valables. Nous sommes très déçus de voir que la seule recommandation qui a été retenue est celle qui porte sur le programme de sensibilisation des parents, qui a été présentée par Mme Trussler avec l'assistance de Brian Evans. Mais il est vrai qu'on nous a dit à maintes reprises qu'il s'agissait là d'une responsabilité fédérale; de ce point de vue-là, je vous recommande instamment de lire ce document.

Nous avons également quelques recommandations à vous présenter en guise de conclusion, si vous désirez les entendre.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je pense que vous avez dépassé depuis longtemps le temps qui vous était alloué; nous allons donc nous arrêter ici, monsieur Moss. Vous pourrez peut-être nous présenter vos suggestions pendant la période de questions.

M. George Moss: Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pourriez-vous simplement nous citer le nom du rapport que vous déposez?

M. George Moss: Il s'agit du rapport découlant de l'atelier organisé le 25 juillet 1995 au sujet des questions juridiques touchant les parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants; c'est un rapport de l'Alberta Justice College, en collaboration avec le ministre de la Justice, l'honorable Brian Evans, qui contient également le compte rendu des rencontres de l'Alberta Justice and Parent Organizations Committee au cours de l'hiver 1996.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Monsieur L'Heureux.

M. Guy L'Heureux (fondateur, Canadian Men's Survivors of Child Abuse Resource Centre): Après m'être occupé d'une ligne d'écoute téléphonique pour les hommes pendant environ quatre ans et demi, je constate que ce que nous entendons dire ici, en gros, c'est que les hommes souffrent et que personne ne se soucie de leur bien-être général dans notre société. Si nous ne nous attaquons pas énergiquement à ce problème, la société va devoir en supporter les conséquences dans un avenir pas très lointain.

Pour avoir entendu des hommes me parler de leur souffrance pendant tout ce temps—je pourrais vivre 50 vies avec tout ce qu'ils m'ont dit—, je sais aussi qu'aucun des deux sexes n'a le monopole du bien ou du mal. Les hommes ont plus souvent tendance à agresser sexuellement des enfants, mais les femmes font 43 p. 100 de victimes parmi les hommes. Donc, 43 p. 100 des hommes qui ont été agressés sexuellement l'ont été par une femme. Les femmes ont davantage tendance à commettre des actes de violence physique contre les enfants, mais les hommes les suivent de très près. Et pour ce qui est de la violence psychologique, c'est à peu près moitié-moitié.

• 1625

Voilà ce que je considère comme une véritable égalité dans la violence contre les garçons, si je puis dire.

Vous devriez être pleinement conscients maintenant du fait que, quand papa et maman ne s'aiment plus, ils ne s'entendent plus sur à peu près rien. Il faut donc voir ça avec les yeux des enfants. Ils ont le droit le plus absolu d'avoir accès à tous leurs réseaux affectifs pour garder le contrôle de leur humanité. C'est une question d'amour, et d'épanouissement pour devenir des êtres humains équilibrés.

C'est vraiment aussi simple que ça. Ce sont les besoins des enfants qui doivent passer en premier, pas ceux de deux parents belligérants qui voient ces entités autonomes comme des biens meubles. Le temps est venu de donner aux enfants le statut d'êtres humains à part entière; nous avons trop attendu. Ils sont après tout embarqués dans le même voyage que nous; ils font partie du même troupeau qu'il faut protéger des prédateurs.

J'ai participé récemment à un symposium qui a eu lieu ici, et où j'ai présenté quelque chose au sujet des problèmes des jeunes en difficulté. Le psychologue qui coordonnait cette rencontre nous a invités à faire preuve d'humilité devant les enfants et à leur demander ce qu'ils pensaient. Tous, sans exception, nous ont dit qu'ils se sentaient seuls, mal aimés, et qu'ils avaient l'impression que personne ne s'intéressait à eux.

Il est évident que nous avons un très lourd déficit dans le domaine des droits fondamentaux des membres de notre société, et que les enfants en souffrent. Nous entendons chaque jour dans les médias des histoires d'enfants qui tuent d'autres enfants parce qu'ils manquent d'amour, d'empathie et de compassion, toutes choses qu'ils ne peuvent pas donner parce qu'il n'en ont jamais reçu.

Les Canadiens ont décidé la semaine dernière d'alourdir encore ce déficit qui empoisonne la vie de ces enfants en difficulté en resserrant encore une fois les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous allons maintenant en nommer certains, qui vont rester marqués pour la vie, comme Caïn.

Eh bien, moi, je soutiens que nous devrions publier les noms et les photos des victimes du suicide chez les enfants. Vous savez bien, les photos prises à l'intention du coroner avant qu'on les décroche de leurs horribles potences de fortune? Ça ne risque pas d'arriver, n'est-ce pas?

Les hommes se suicident quatre fois plus que les femmes, et nos petits frères des Premières nations remportent la palme pour l'ensemble du pays. Et, pendant ce temps-là, la grande société baille. Je suis certain que si les suicides étaient quatre fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes, et si le taux était le plus élevé de tous parmi les petites filles blanches de 11 à 17 ans, il y aurait tout un tollé.

Mais nous ne voulons pas voir les choses en face, n'est-ce pas? Nous choisissons plutôt d'isoler encore davantage ces enfants mal aimés, qui sont surtout des garçons, écrasés par la solitude et le désespoir; nous choisissons d'en faire les boucs émissaires—ce qui est bien pratique—d'une société qui se fiche complètement d'eux.

Une étude réalisée par le ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique a révélé que 24 p. 100 des jeunes contrevenants qui faisaient partie de l'échantillon souffraient du syndrome d'alcoolisme foetal, qu'il faudrait plutôt appeler—je pense qu'il faut cesser d'employer ce merveilleux euphémisme et appeler les choses par leur nom—«négligence criminelle causant des dommages permanents au cerveau». C'est ce que c'est, et il faut le dire.

Il y en avait un autre 20 p. 100 qui avaient subi des lésions traumatiques du cerveau, et 75 p. 100 des jeunes de ce groupe avaient aussi été victimes de violence. Quatre sur cinq étaient des garçons.

• 1630

Notre grande société exige que ces malheureuses victimes, dont beaucoup souffrent de retard mental plus ou moins sévère, soient tenues pleinement responsables de leur comportement. Nous nions complètement la réalité, en faisant semblant de croire que l'univers tourne comme il le devrait.

C'est une attitude remarquable de la part d'une société qui prétend que le Canada est le champion des sociétés justes, tout à fait remarquable.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je regrette de devoir vous interrompre, mais vous avez dépassé le temps qui vous était alloué.

M. Guy L'Heureux: Il me reste seulement un paragraphe.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

M. Guy L'Heureux: J'implore les membres du comité de venir au secours de nos petits frères et de nos petites soeurs. Ils sont notre passé et notre avenir. Nous devons retrouver l'âme collective de notre société pour l'élever à la lumière de l'amour et nourrir ces enfants du lait spirituel de la bonté humaine. Autrement, nous serons consumés par l'obscurité où rôdent les démons.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

J'aimerais avoir une précision. Vous avez parlé d'une étude réalisée en Colombie-Britannique. Et au début, vous avez cité un certain nombre de statistiques. Avez-vous indiqué dans votre mémoire où vous avez pris ces renseignements?

M. Guy L'Heureux: J'ai ici un exemplaire du sommaire de cette étude, monsieur. Je n'ai pas eu le temps de le photocopier, mais je vais le faire faire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ce serait une bonne chose que vous déposiez ce document ou que vous l'annexiez à votre mémoire.

M. Guy L'Heureux: Il y a un autre livre que tous les députés devraient être obligés de lire; il a été publié au printemps dernier par Santé Canada. Il s'intitule Le garçon invisible: nouveau regard sur la victimologie au masculin: enfants et adolescents et il a été écrit par Frederick Mathews. C'est un psychologue clinicien, qui est directeur des Central Toronto Youth Services.

C'est là que j'ai pris mes chiffres.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

M. Guy L'Heureux: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous entendrons pour finir M. Christensen. Vous avez la parole.

M. Ferrel Christensen (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité.

Pour vous donner une idée de mes antécédents, j'ai enseigné la logique, l'éthique et la philosophie de la science pendant 26 ans à l'Université de l'Alberta. J'ai passé les 15 dernières années de ma vie à étudier intensivement les questions relatives à l'égalité des sexes.

Votre comité a insisté sur le fait qu'il aimerait recevoir des propositions sur les solutions à apporter aux problèmes des enfants du divorce. Vous avez entendu jusqu'ici de nombreuses propositions fort utiles sur la modification des lois et des politiques, mais à mon avis, le principal changement nécessaire pour résoudre ces problèmes ne se situe pas au niveau de cette réglementation. Il concerne les attitudes qui déterminent comment les lois et les politiques vont être appliquées. Autrement dit, le principal changement qui s'impose, c'est de mettre fin au préjugé défavorable aux pères.

Les lois et les règlements en eux-mêmes sont équitables envers les hommes et les femmes. C'est leur application qui ne l'est pas, très souvent. Dans les services sociaux, devant les tribunaux et dans beaucoup d'autres endroits de ce genre, on constate un préjugé très répandu contre les hommes, contre les pères. Ce préjugé se manifeste de diverses façons, mais je voudrais vous parler tout particulièrement du cas de la violence familiale, que j'ai étudié à fond. Je n'ai que quelques minutes aujourd'hui, mais je fournirai plus tard au comité une analyse écrite plus approfondie.

Depuis des années maintenant, la publicité qui entoure la violence familiale a contribué à répandre l'idée que ce sont seulement les hommes qui sont violents, et que la violence des femmes contre leur conjoint et leurs enfants est tellement rare qu'il ne vaut même pas la peine d'en parler. Les organismes gouvernementaux, les organisations privées et les médias se sont tous fait l'écho de cette vision officielle.

Ce que je trouve particulièrement déplorable en tant que scientifique et éthicien, c'est que même certains spécialistes des sciences sociales ont sciemment déformé la vérité à ce sujet-là. Pourtant, rien ne permet de douter des faits. Comme le révèlent de très nombreuses preuves, les hommes et les femmes commettent à peu près aussi souvent les uns que les autres des actes de violence contre leurs enfants et leur conjoint.

Au point où vous en êtes rendus, vous aurez certainement entendu certaines de ces preuves. Je vais donc poursuivre.

Ces stéréotypes ne sont pas sans conséquences. Ils font du tort aux gens. Ils influencent les juges, les policiers, les législateurs et les autres intervenants qui ont entre les mains les outils nécessaires pour faire beaucoup de dommages. Vous n'avez qu'à demander à Donald Marshall. Mais dans l'esprit de nombreux Canadiens et Canadiennes, de nos jours, les préjugés ne sont négatifs que s'ils visent certains groupes désignés. Je dirais que si les Autochtones ou les immigrants étaient la cible de stéréotypes aussi méprisants que ceux qui visent les hommes, cette situation serait dénoncée—et à juste titre—d'un bout à l'autre du pays.

• 1635

L'ironie, c'est que les stéréotypes anti-mâles font du tort à tous les hommes, qu'ils soient autochtones, noirs, handicapés ou homosexuels. Et ce qui est encore plus important dans le contexte qui nous occupe, c'est qu'ils font aussi du tort aux femmes, qui sont les mères, les soeurs, les grands-mères et les épouses des hommes. Mais surtout, ces préjugés contre les hommes font du tort aux enfants.

Vous avez sûrement entendu beaucoup d'histoires à ce sujet-là. Ce que je voudrais faire aujourd'hui, c'est vous décrire brièvement comment tout le monde souffre en définitive des stéréotypes sur la violence familiale.

Malheureusement, certains des groupes qui ont comparu devant votre comité ont défendu ardemment le stéréotype selon lequel les hommes sont les seules personnes violentes dans une famille. Plutôt que de déplorer le tort qui est fait aux enfants ayant perdu un parent et de chercher des moyens de promouvoir le partage des responsabilités parentales après le divorce, ces groupes ont consacré des pages et des pages à vous mettre en garde contre ces hommes violents.

Si vous avez le moindre sens moral, vous ne permettrez pas que des innocents soient victimes de violence. À mon avis, les gens qui s'inquiètent vraiment de ce problème ne peuvent pas en laisser la moitié de côté. Voyons un peu pourquoi.

Premièrement, la promotion de ce stéréotype laisse croire aux femmes violentes qu'elles n'ont aucun problème et que ce sont seulement les méchants hommes qui en ont un. Les autorités ont également tendance à ne pas s'occuper des enfants qui sont agressés par leur mère, ou à supposer que c'est plutôt le père qui est l'agresseur. Le résultat, c'est que les policiers et les travailleurs sociaux empêchent souvent les pères de protéger leurs enfants d'une mère violente. Vous pouvez imaginer la douleur du parent qui essaie désespérément de protéger ses enfants et qui se rend compte que l'État tout-puissant lui barre le chemin.

Deuxièmement, l'absence de père est souvent elle-même source de violence contre les enfants. Le stress d'avoir à élever des enfants seule en est une raison. Mais il y a aussi le fait que le beau-père ou le nouveau conjoint de la mère, qui n'a aucun lien affectif avec les enfants, est plus susceptible que leur père de se montrer violent envers eux. En fait, la violence commise par la mère ou par son nouveau partenaire est souvent une des raisons invoquées, de façon tout à fait injustifiée, pour empêcher le père de voir ses enfants; c'est pour éviter qu'il se rende compte de la situation.

Troisièmement, la destruction des liens entre un père et ses enfants est en soi une forme de violence, à la fois envers le père et envers les enfants. Ceux et celles qui font la promotion de ce stéréotype n'incluent pas le déni du droit de visite et l'aliénation parentale sur leur liste des formes de violence, mais c'est un des torts les plus graves qu'on puisse infliger à un parent ou à un enfant. En fait, la crainte de perdre leurs enfants à la suite d'un divorce est une des principales raisons pour lesquelles les hommes restent avec des femmes violentes. Les deux sexes ont chacun leur talon d'Achille.

Quatrièmement, le stéréotype lui-même favorise la destruction des liens affectifs entre le père et les enfants, notamment en aidant ces mères—qui forment heureusement une petite minorité—à chasser égoïstement le père de la vie de leurs enfants. Ce stéréotype leur fournit en effet l'arme idéale; elles n'ont qu'à dire aux autorités que le père a été violent envers elles ou envers les enfants. Comme les hommes sont censément les seuls membres de la famille à pouvoir faire des choses aussi méchantes, elles doivent certainement dire la vérité.

Je vous fais remarquer que les fausses accusations constituent une autre forme de violence. Ce sont en fait des agressions indirectes, commises par procuration avec les outils fournis par l'État. Encore là, il s'agit d'une forme de violence qui ne figure pas sur la liste des gens qui répandent ce stéréotype.

Cinquièmement, les difficultés affectives que la perte d'un parent cause aux enfants sont à leur tour une cause de la violence à laquelle se livrent ces enfants quand ils vieillissent. Il y a énormément d'ouvrages de sociologie sur le sujet. Il a été démontré que toutes sortes de problèmes, depuis le viol et les autres crimes jusqu'aux grossesses chez les adolescentes, en passant par les mauvais résultats à l'école, sont imputables à l'absence du père. Encore là, ceux et celles font la promotion des stéréotypes ne semblent pas s'en soucier.

Pour finir, il faut parler aussi de la violence causée par la douleur morale qui résulte de la perte d'en enfant. Ceux et celles qui répandent le stéréotype parlent beaucoup des actes violents commis par des hommes dans les cas de divorce. Encore là, aucune personne ayant le moindre sens moral ne songerait à refuser de protéger les innocents contre des personnes violentes et possessives, mais les actes violents que les hommes commettent dans les cas de divorce viennent souvent du fait qu'ils ont été poussés à bout par tous les préjugés que le système entretient contre les pères. Si c'était les femmes qui se faisaient régulièrement enlever leurs enfants quand elles divorcent, je vous assure qu'il y en aurait beaucoup plus qui deviendraient violentes. La violence familiale est un problème humain, pas un problème d'égalité des sexes.

Je voudrais vous faire quelques suggestions concrètes. J'imagine que mon temps est écoulé. J'espère que je pourrai vous les faire pendant la période de questions.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Monsieur Christensen, vous avez parlé d'une analyse écrite que vous devez également nous soumettre.

M. Ferrel Christensen: Oui. Je n'ai pas eu le temps de finir à cause des changements d'horaire du comité. Des nombreux changements, je dois dire. J'avais décidé d'attendre à cet été pour préparer ce document. Puis, quand vous avez annoncé que vous viendriez à Edmonton, je n'ai pas eu le temps de changer mes plans. Je suis très content que vous soyez venus, mais vous avez bouleversé mon horaire.

• 1640

J'ai effectivement l'intention de vous remettre cette analyse, mais elle prendra la forme... J'ai obtenu la collaboration de quelques universitaires pour faire la critique du document que vous avez reçu de Condition féminine Canada. Il s'agit purement et simplement de prostitution scientifique, à mon avis, et je voudrais vous exposer en détail les raisons pour lesquelles je vous dis cela.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions. Qui veut commencer?

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: J'ai une petite question pour M. Moss.

Vous avez parlé des enfants qui subissent des lavages de cerveau. Quelqu'un a rapporté que certains parents font subir un lavage de cerveau à leurs enfants. Je crois que vous faites un peu allusion à cela. Ce que vous avez voulu dire, c'est que les enfants peuvent avoir l'impression qu'un de leurs parents faisait quelque chose de mal dont ils ne s'étaient pas aperçus auparavant, tout simplement parce que l'autre parent les incite à penser de cette manière. C'est une sorte de lavage de cerveau.

Certains témoins ont demandé au comité d'écouter ce que les enfants avaient à dire. Cela me pose un peu problème, puisque si nous écoutons la voix des enfants, comment pouvons-nous savoir s'ils n'ont pas été victimes de lavage de cerveau ou s'ils n'ont pas été lourdement influencés, ou si ce qu'ils nous disent ne leur a pas été suggéré? On nous a dit un peu plus tôt aujourd'hui que certains programmes de traitement sèment en quelque sorte des idées dans la tête des enfants. C'est bien beau d'écouter un enfant, mais encore faut-il savoir ce qui vient véritablement de lui. Tant qu'il n'a pas atteint une certaine maturité, un enfant peut être influencé.

Avez-vous déjà réfléchi à la nécessité d'entendre le point de vue des enfants? Je ne suis pas contre. Je pense que nous devons en effet connaître leur point de vue, mais en même temps, nous devons nous assurer que leur point de vue n'est pas déformé. Les enfants ont une personnalité immature qui peut être influencée.

Qu'en pensez-vous?

M. George Moss: À mon avis, c'est une question sur laquelle il faudrait se pencher bien plus tôt. Autrement dit, la solution c'est la prévention. Le problème se pose très tôt. Si on n'y prend pas garde, le style antagoniste de la procédure permet à ce processus de s'enclencher et la polarisation commence sans qu'on s'en aperçoive...

Le processus commence avec les enfants, parce que parallèlement se joue un jeu de pouvoir pour priver l'autre parent de son droit de visite. Il faut justifier cette privation et la seule justification qui peut avoir lieu consiste pour le parent à suggérer à l'enfant diverses raisons pour l'amener à faire d'autres choix et à prévoir autre chose que de se rendre chez le parent non gardien, et lorsque la police doit faire appliquer le droit de visite, les enfants répètent ce qu'on leur a dit comme des perroquets. Même si au fond d'eux-mêmes ils souhaitent rendre visite à leur autre parent, ils obéissent au parent avec lequel ils vivent.

Il faudrait empêcher que de telles choses se produisent et ne pas dépasser un certain point au-delà duquel les dommages sont énormes.

M. Eric Lowther: Alors, il faut s'y prendre tôt...

M. George Moss: Il a été question d'intervention précoce en ce qui a trait à l'attitude. Pour moi, l'attitude est le facteur le plus important en cas de séparation et de divorce et on devrait penser avant tout aux enfants. Dès qu'on les néglige, le jeu de pouvoir se manifeste et les enfants sont les grands oubliés de toute l'opération.

M. Eric Lowther: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avant de poursuivre, je vais demander à mes collègues d'accueillir à notre table aujourd'hui la sénatrice Forest qui vient de se joindre à nous.

Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci monsieur le président.

J'aimerais remercier les témoins pour leurs témoignages extrêmement perspicaces. Je remercie également les témoins pour leur attitude équilibrée et juste et pour avoir compris que l'angoisse humaine est partagée par les deux sexes. L'humanité ne compte que deux sexes; ce n'est pas comme s'il y en avait dix. Il n'y en a que deux.

• 1645

Je remercie également M. Christensen ainsi que M. L'Heureux et les autres, bien entendu, d'avoir signalé que le plus grand obstacle à la protection des enfants et de leurs intérêts est le préjugé dont vous avez parlé et un préjugé, c'est un mal terrible.

Mes questions s'adressent tout d'abord à M. Christensen qui a parlé du détournement de la science et de la méthode scientifique.

M. Christensen, je suis impressionnée par le fait que vous ayez consacré toute votre vie à l'étude de l'éthique et de la philosophie morale. Cela vous donne énormément de crédibilité lorsque vous vous prononcez sur le sujet.

De nombreux milieux universitaires utilisent la nouvelle expression détournement de statistiques. Nous avons entendu au sein de ce comité, de nombreux témoignages qui n'étaient rien d'autres que du détournement de statistiques. Je me demande bien d'ailleurs pourquoi nous acceptons d'écouter de tels témoignages. Certains d'entre eux étaient tout simplement de purs outrages au Parlement. Ceci est mon point de vue personnel

Mais j'aimerais parler plus particulièrement d'une importante étude effectuée il y a quelques années par Statistique Canada qui s'appelle je crois L'enquête sur la violence envers les femmes. Une grande partie de la population canadienne et bon nombre de députés ignorent que cette étude a fait l'objet de nombreux débats dans plusieurs conférences internationales. J'ai assisté à un d'entre eux. C'était au New Hampshire à la conférence annuelle sur la violence familiale du laboratoire familial du Dr Strauss. Cette étude en particulier a été largement critiquée par les universitaires. C'est en vain que j'ai essayé d'en parler au comité en soulevant certaines des questions que le Dr Strauss lui-même s'est posées au moment du déploiement de sa propre méthodologie.

J'aimerais demander à M. Christensen ce qu'il pense de L'enquête sur la violence envers les femmes, l'enquête très coûteuse réalisée par Statistique Canada et s'il l'a étudiée. Deuxièmement, une autre étude très coûteuse a produit le rapport intitulé Un nouvel horizon, éliminer la violence, atteindre l'égalité. Cette étude a occasionné la dépense astronomique de 10 millions de dollars et je pense que personne à cette table ne l'a consultée. J'aimerais demander à M. Christensen de donner son point de vue. Le thème que j'ai choisi est le détournement de statistiques.

M. Ferrel Christensen: Nous n'avons pas le temps ici de débattre l'enquête de Statistique Canada. Il y a trop de choses à dire. Cependant, il y a une chose qui est tout à fait évidente pour n'importe qui, sans qu'il soit nécessaire d'être un expert. La question est la suivante: quelle serait votre réaction si le gouvernement fédéral commandait une étude qui s'intitulerait «La violence contre les Blancs»? Il serait évident pour tout le monde qu'une telle étude serait fondée sur un préjugé. C'est la même chose pour l'étude qu'on vient de mentionner. Les hommes aussi sont blessés, les hommes souffrent aussi et si on analyse le problème de la violence, on s'aperçoit que les victimes sont plus souvent des hommes que des femmes. Le simple fait d'oublier la moitié de la population est révélateur d'un très grave problème dans l'attitude du gouvernement et de certains scientifiques. C'est un problème très grave et c'est la raison pour laquelle j'ai soulevé la question aujourd'hui.

Permettez-moi d'en parler un peu plus longuement. J'ai mentionné que je pouvais suggérer certains moyens de mettre fin aux préjugés. Ces moyens sont très généraux dans un sens. Pour mettre fin aux préjugés contre les hommes ou contre tout autre groupe, il suffit de veiller scrupuleusement à cesser de financer les groupes inspirés par des préjugés et d'étudier les préjugés au sein du gouvernement lui-même ainsi que dans les organismes gouvernementaux, etc. comme cela se fait pour les préjugés envers les hommes, les femmes, les autochtones, les francophones, etc.

Je répète que je ne vais pas donner d'exemple mais que vous trouverez tous les détails dans les documents que je vais vous laisser. L'étude qui a coûté 10 millions de dollars était positivement indécente. On ne peut rien lui trouver de bon—c'est une véritable mascarade scientifique.

Mais l'étude sur laquelle j'ai de la documentation, pour lui avoir consacré une analyse spéciale, c'est la recherche antiscientifique sur la violence perpétrée contre les femmes par une connaissance, étude qui a été réalisée il y a quelques années par Walter DeKeseredy. Pour reprendre une comparaison qui a souvent été utilisée, son travail est tout aussi corrompu que les actions malhonnêtes que la police et les scientifiques sont accusés d'avoir commises dans l'affaire Guy Paul Morin. Il y a eu suppression massive de preuves, déformation des faits, etc.

• 1650

Au moment de sa parution, j'ai essayé de réagir contre cette étude. J'ai réuni une demi-douzaine de spécialistes du comportement et j'ai fait parvenir une pétition à Diane Marleau qui était à l'époque ministre de la Santé, dont le ministère avait financé cette recherche. Elle a fait la sourde oreille. Je ne sais pas ce que vous pouvez faire, mais je vous remets officiellement aujourd'hui certains documents concernant cette étude effectuée par Walter DeKeseredy, et je vous demande d'utiliser vos pouvoirs d'enquête pour tirer cette affaire au clair.

Nous ne pourrons jamais résoudre les problèmes sociaux de notre pays tant que les chercheurs pourront soutenir leurs propres préjugés à l'aide de prétendues méthodes scientifiques.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

La sénatrice Anne Cools: Le comité pourrait peut-être examiner sérieusement cette question. J'ai oublié le nom. Est-ce qu'il s'agit bien de DeKeseredy et Telly?

M. Ferrel Christensen: Oui, Telly était l'assistante.

La sénatrice Anne Cools: Quel était le titre de l'étude—je crois qu'il était question d'amis intimes.

M. Ferrel Christensen: C'est un long titre et je vais peut-être m'en souvenir. Il s'agit d'une étude réalisée il y a trois ou quatre ans sur les agressions perpétrées contre les femmes par quelqu'un de leur connaissance. Cette étude a fait la première page des journaux au Canada. J'en ai fait une critique approfondie dans ces documents que je vous laisserai. J'ai également d'autres documents consacrés à la méthodologie de la recherche. Je vous les laisserai également si vous décidez d'étudier la question.

La sénatrice Anne Cools: Pour compléter ce que vient de dire M. Christensen au sujet de cette étude—que j'avais un peu oubliée ces derniers temps—j'ai lu beaucoup de critiques qui lui étaient consacrées et j'ai essayé de rencontrer le ministre de la Santé de l'époque, M. Dingwall. J'ai eu à attendre des semaines avant qu'il me rappelle et j'ai dû attendre neuf mois pour pouvoir obtenir une rencontre qui a duré cinq minutes.

Mme Eleni Bakopanos: J'en appelle au règlement. Je ne vois pas le rapport de ceci avec le débat.

La sénatrice Anne Cools: La rencontre a duré cinq minutes.

Mme Eleni Bakopanos: Vous critiquez un ministre du gouvernement.

La sénatrice Anne Cools: Non, je ne le critique pas.

Mme Eleni Bakopanos: Si.

La sénatrice Anne Cools: Ce n'est pas une critique.

Mme Eleni Bakopanos: Vous avez dit que vous avez attendu longtemps...

La sénatrice Anne Cools: J'invoque le règlement pour mettre les choses au clair.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Formulez votre objection.

Mme Eleni Bakopanos: Je l'ai fait. Je ne comprends pas ce que cette critique d'un ministre du gouvernement peut apporter au débat auquel nous nous livrons actuellement.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Franchement, je pense que votre objection n'est pas valide. Elle se contente de faire une remarque.

La sénatrice Anne Cools: Ce n'était pas une critique, je rapportais simplement des faits. Je vais d'ailleurs répéter ce que j'ai dit, au cas où vous auriez mal compris.

Mme Eleni Bakopanos: J'entends très bien, sénatrice.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez laisser la sénatrice s'exprimer.

La sénatrice Anne Cools: Est-ce que j'ai la parole?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez la parole. Allez-y.

La sénatrice Anne Cools: Tout ce que je disais, c'est que j'ai essayé de soulever cette question avec le ministre de la Santé M. Dingwall. J'ai appelé M. Dingwall. M. Dingwall a mis plusieurs semaines avant de me rappeler. J'ai fini par parler à M. Dingwall et il m'a donné un rendez-vous neuf mois plus tard. Quand je l'ai rencontré, je l'ai vu en tout et pour tout cinq minutes, pendant qu'il était présent à la Chambre. Ce fut la première et la dernière fois que j'ai abordé cette question avec M. Dingwall.

Je ne l'ai pas critiqué, je n'ai rien dit contre lui.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Madame Bakopanos.

La sénatrice Anne Cools: Elle ne...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): S'il vous plaît. La parole est à Mme Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Ma question s'adresse à M. Christensen.

Je vais faire l'avocat du diable.

M. Ferrel Christensen: J'adore ça.

Mme Eleni Bakopanos: Pourquoi certaines données sont valides et pourquoi d'autres sont-elles détournées comme vous le dites?

Certains témoins entendus par le comité nous présentent des données qu'ils souhaitent nous voir examiner. D'autres témoins comme vous nous arrivent avec d'autres données qu'ils prétendent plus appropriées pour le rapport du comité. Je ne sais plus quelles sont les bonnes données. Vous dites que le Conseil consultatif sur le statut de la femme...

M. Ferrel Christensen: Le problème, ce n'est pas que les données soient différentes, c'est le traitement qu'on leur fait subir. Quel genre de manipulation, quel genre de coupures on pratique dans ces données...

Mme Eleni Bakopanos: Justement, comment savoir si vos données n'ont pas été manipulées? Comment puis-je m'en assurer?

M. Ferrel Christensen: Voici en gros ce que je peux vous dire.

Je ne sais pas si ma réponse sera utile, mais il ne faut pas être un spécialiste pour reconnaître ici le vrai du faux. Il n'est pas nécessaire de connaître vraiment les statistiques pour savoir qui dit la vérité lorsque vous écoutez attentivement le genre d'arguments et de preuves que je vous donne par rapport à celles que les autres vous présentent. Il ne faut pas nécessairement être un spécialiste, mais cela exige un examen attentif, en raison de la complexité générale du sujet.

• 1655

Je vais vous présenter très soigneusement mes arguments. Ils ne mettent pas en cause les différentes catégories de données. Tout dépend de la façon dont on interprète ces données et dont on les traite après les avoir recueillies. Les données peuvent être interprétées. Ce n'est généralement pas le problème.

Mme Eleni Bakopanos: Permettez-moi de préciser aux fins du compte rendu que j'ai également l'impression qu'on peut se servir des données pour prouver un point de vue ou un autre. Ça s'est déjà vu et pas seulement dans ce cas-là.

M. Ferrel Christensen: Les données sont constamment mal utilisées.

Mme Eleni Bakopanos: Constamment; nous sommes bien d'accord.

M. Ferrel Christensen: Ça ne signifie pas qu'il n'y a pas de normes objectives. Au contraire, j'insiste pour dire qu'il existe des normes objectives pour ce travail et j'en expose les raisons dans mon mémoire.

Mme Eleni Bakopanos: Vous nous avez donné quelques-unes de vos raisons en fait et les solutions que vous avez proposées au comité...

M. Ferrel Christensen: Ce n'est qu'un aperçu général.

Mme Eleni Bakopanos: ... sont fondées...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Un moment s'il vous plaît. Laissez Mme Bakopanos terminer avant de répondre.

M. Ferrel Christensen: Très bien. Excusez-moi.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Mais vos solutions sont fondées, bien entendu, sur votre interprétation des données.

M. Ferrel Christensen: J'ai abouti aux solutions que je propose après avoir observé pendant longtemps la manipulation des données pour des fins politiques. Je vais vous en parler dans une longue analyse que je vous remettrai plus tard.

Mme Eleni Bakopanos: Mais les autres, ils prétendent aussi que les données sont mal utilisées...

M. Ferrel Christensen: Mais ça, ce sont des conclusions. Il faut examiner la preuve. Consultez l'analyse attentive que j'ai consacrée à l'enquête DeKeseredy. Examinez les autres preuves que je vous fournirai.

Ce n'est pas parce qu'il y a désaccord qu'il est impossible de prendre une décision. Il faut examiner les preuves pour pouvoir décider.

Mme Eleni Bakopanos: Je ne prétends pas qu'il n'y a aucune raison. C'est la tâche qu'on nous a donnée, dans une certaine mesure.

M. Ferrel Christensen: J'espère que vous la prenez très au sérieux.

Mme Eleni Bakopanos: Absolument. Nous faisons notre travail très sérieusement.

M. Ferrel Christensen: Tant mieux.

Mme Eleni Bakopanos: Merci pour vos commentaires.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Est-ce qu'il y a d'autres questions? Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur Moss, avez-vous déposé vos recommandations?

M. George Moss: Non, elles sont ici.

Mme Carolyn Bennett: C'était l'objet de ma question.

M. George Moss: Mes recommandations? La première serait de créer un programme de juges désignés. Ces juges qui connaîtraient le droit de la famille seraient de service au tribunal dans les grands centres et même dans les petites villes pendant les congés de Noël, du jour de l'An et du mois de mars pour donner des avis juridiques aux agents de la paix sur les passages difficiles à interpréter dans les documents concernant le droit de visite.

La deuxième recommandation consiste à mettre en place des lois liant le droit de visite à la collecte des pensions alimentaires ou de soutien. Par exemple, il serait très utile de mettre en parallèle partout au Canada le droit de visite et les ordonnances alimentaires.

Ma troisième recommandation concerne la création d'un coordonnateur du droit de visite dans les deux grandes villes de l'Alberta. Il pourrait par exemple être logé dans les bureaux du Programme d'exécution des ordonnances alimentaires. Le coordonnateur devrait avoir une formation en ressources humaines et en travail social.

Ma quatrième recommandation propose la création d'une banque d'enregistrement des ordonnances de garde et de droit de visite des enfants. Les pères non gardiens vivant en Alberta et les pères venant en Alberta pour visiter leurs enfants de temps à autre déposeraient dans cette banque leurs ordonnances de garde, afin que la police puisse les consulter.

Ma dernière recommandation porte sur la création d'un programme d'agents désignés visant à fournir à certains agents une formation sur l'importance des valeurs familiales après le divorce. Il y aurait dans chaque détachement ou bureau satellite dans les villes, un agent qui connaîtrait les ordonnances de garde et qui pourrait les faire appliquer, même si elles sont de nature civile. Les noms et numéros de téléphone de ces agents seraient transmis aux associations d'hommes et aux avocats spécialisés dans le droit de la famille.

Voilà les principaux point.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup monsieur Moss.

Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui, contribuant ainsi à ce processus continu auquel nous travaillons. Je suis convaincu que vous avez beaucoup contribué à notre étude et à notre travail. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui au nom de vos diverses organisations.

Je vous suggère de prendre une pause la «pause de la septième manche», comme je l'appelle, pendant sept minutes.

• 1700




• 1706

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Chers collègues, nous avons avec nous la sénatrice Forest qui souhaite faire une déclaration et nous accueillons également à notre table Mlle Deborah Grey.

Sénatrice Forest.

La sénatrice Jean B. Forest (Edmonton, Lib.): Je voudrais simplement m'excuser d'être arrivée en retard à cause de deux autres engagements que j'avais aujourd'hui. J'ai siégé au comité précédent qui portait sur les pensions alimentaires pour enfants, et c'est sur une recommandation du Sénat qu'a été institué ce comité sur la garde et le droit de visite des enfants, étant donné que ces deux questions avaient été soulevées à plusieurs reprises à l'époque. Je suis contente d'être ici dans ma propre ville et ravie d'apprendre que tant de gens se manifestent. Je suis prête pour la suite de l'après-midi.

Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice.

Deborah, est-ce que vous avez quelque chose à dire?

Mlle Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Bien sûr. J'aimerais tout simplement dire bonjour et vous remercier d'avoir mis Edmonton à votre programme. Je crois qu'au départ Edmonton n'était pas sur votre itinéraire. Mais bien entendu, nous autres qui sommes ici, nous pensons qu'Edmonton étant la capitale de la province, il y a beaucoup de gens ici qui sont concernés par la garde et le droit de visite des enfants.

J'ai hâte d'entendre ce que les témoins ont à dire et j'espère que le comité les écoutera attentivement. Je ne fais pas officiellement pas partie de ce comité, mais je sais que la garde et le droit de visite des enfants soulèvent de graves problèmes. Nous devons écouter les deux points de vue et nous devons aller jusqu'au fond des choses. C'est pourquoi je remercie le comité d'être venu à Edmonton, la capitale de l'Alberta.

Je sais que toute la journée vous avez entendu et que vous allez encore entendre des anecdotes personnelles. C'est justement ce que nous devons faire pour bien comprendre comment cette législation touche les gens dans leur foyer et dans leur famille.

Merci. Je suis prête à écouter le prochain groupe de témoins.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Notre spectacle ambulant est très heureux de vous accueillir ici cet après-midi pendant la semaine de relâche, comme on l'appelle.

Mlle Deborah Grey: C'est ma semaine de repos et je suis chez moi, mais ça vaut tous les endroits exotiques du monde. Je suis contente d'être ici.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous accueillons maintenant notre dernier groupe de témoins de l'après-midi: M. Ron Evans; M. Matt Taylor; Mme Lynne Jenkinson; et enfin M. Denis Paquette. Nous allons commencer par M. Evans.

Monsieur Evans, en raison des contraintes de temps, nous allons devoir limiter votre exposé à cinq minutes.

M. Ron Evans (témoignage à titre personnel): Ça me paraît très bien.

Monsieur le président, sénateurs et députés, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner. On m'a prévenu assez tard que je pouvais vous présenter un exposé. Je ne vais pas vous lire tout mon mémoire, je vais le parcourir assez rapidement, sans pour autant oublier les points que je veux souligner.

Je ne demande pas une réforme exhaustive du système judiciaire afin d'y incorporer un nouveau concept. J'aimerais toutefois faire remarquer que l'application inégale des ordonnances de garde et de droit de visite des enfants amène le système judiciaire à traiter différemment les gens selon qu'ils sont des hommes ou des femmes. Ce parti pris est malsain pour le système judiciaire et pour la société, et en plus, il va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.

• 1710

Par exemple, l'article 15(1) de la Charte se lit comme suit:

Dans le cas que j'ai présenté ici et que je connais bien, la première partie du divorce et les conditions de ce divorce sont tout à fait simples en ce qui a trait au droit de visite, à la garde et au versement des pensions alimentaires.

Dans ce document, le point 6 stipule: «Il est ordonné que le montant dû en vertu de la présente ordonnance sera versé au directeur chargé du recouvrement des pensions alimentaires.» Cela fait automatiquement partie de l'ordonnance. Le requérant et l'intimé n'ont pas leur mot à dire à ce sujet, bien que le requérant puisse, par la suite, demander par écrit que l'intimé lui verse directement la pension.

Il est clair que le tribunal traite différemment le requérant et l'intimé. Le point 6 indique explicitement les moyens dont dispose un tiers pour faire exécuter les ordonnances alimentaires, c'est-à-dire par l'intervention du directeur chargé du recouvrement, en conformité de la loi sur l'exécution des ordonnances alimentaires. Le directeur a le pouvoir de saisir les salaires et de suspendre les privilèges de conduite de la personne concernée.

Je vais maintenant passer au point 3. Par la suite dans cette affaire, le droit de visite des enfants a été refusé, de sorte que le père a réclamé et obtenu le 18 août 1997 une ordonnance ex parte. En effet, l'ex-épouse avait fait aviser indirectement le père qu'elle déménageait à Toronto. Plus tard, le 26 août, le père a obtenu une ordonnance prolongeant l'ordonnance ex parte, puis, le 16 septembre, une ordonnance d'une durée illimitée. C'est une accumulation typique d'ordonnances sur ordonnances, à la différence que cette fois, la requérante n'a pas eu «gain de cause», si vous voulez, mais qu'elle a simplement refusé de répondre aux ordonnances du tribunal ou aux appels téléphoniques des avocats et qu'elle a tout bonnement disparu.

Une autre ordonnance ex parte a été émise le 11 décembre, par substitution, à une autre personne, en l'occurrence la soeur de l'ex-conjointe. Par ailleurs, la famille reste évasive et ne veut pas se mêler de la situation.

C'est vraiment très décourageant, car personne ne sait—ou ne semble savoir—pourquoi les tribunaux ne font pas exécuter l'ordonnance. Il n'y aurait aucun problème pour une ordonnance de pension alimentaire ou de garde, mais le tribunal s'avère incapable de faire respecter une ordonnance empêchant à une personne de quitter les environs de la ville d'Edmonton. Autre point intéressant, si on en croit l'expérience de ceux qui connaissent le système judiciaire, le tribunal aurait probablement de toute façon donné gain de cause à cette personne.

J'aimerais maintenant passer au point 8 où je propose en bref l'application d'un critère permettant de déterminer le caractère raisonnable des questions se rapportant à la garde et au droit de visite des enfants. Par exemple, une personne raisonnable peut-elle s'attendre à être traitée de manière équitable par un tribunal canadien? Deuxièmement, une personne raisonnable peut-elle s'attendre à ce qu'une ordonnance émise par un juge d'un tribunal canadien soit appliquée? Si on s'appuie sur la Charte canadienne des droits et libertés, on peut répondre dans les deux cas par l'affirmative.

Ces questions ne sont pas purement théoriques. Le but est de rappeler qu'il s'agit là d'attentes normales de la part de personnes raisonnables qui sont en contact avec le système judiciaire canadien.

Malheureusement, dans certains cas le système judiciaire n'applique pas ses propres ordonnances et s'avère donc incapable de répondre à ces attentes. C'est particulièrement vrai dans le cas de la garde et du droit de visite des enfants. C'est pourquoi de nombreux citoyens sont déçus lorsqu'ils s'adressent aux tribunaux pour contraindre d'autres personnes à respecter les obligations qui leur incombent en vertu de l'entente de divorce.

• 1715

Dans l'exemple dont je parle, la personne n'a pas tenu compte des ordonnances du tribunal et des ordonnances ex parte et a refusé de reconnaître la primauté du droit au Canada. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Ce qui est malheureux, c'est que cette personne est parvenue à bloquer le processus légal en refusant de reconnaître toutes interventions, ordonnances, lettres ou autres.

Il est évident également que l'ex-épouse a refusé de se conformer aux ordonnances du tribunal. C'est ainsi que les enfants n'ont pas pu rendre visite à leur père. Le pauvre père a été privé de ses enfants. Les tentatives visant à remédier à cette situation ont échoué. Il semble que les tribunaux règlent les questions financières mais qu'ils n'accordent pas la priorité aux droits de visite des parents à leurs enfants.

Dans le cas en question, l'ex-conjointe n'a pas respecté les conditions de l'entente de divorce et s'est placée dans une situation d'outrage au tribunal en ne respectant pas les diverses ordonnances qu'elle a reçues. Pour le moment, les tribunaux n'ont rien fait pour faire respecter ces ordonnances.

J'aimerais maintenant passer...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous venez tout juste de dépasser le temps qui vous était imparti. Pouvez-vous conclure?

M. Ron Evans: J'aimerais présenter deux recommandations qui sont liées.

Premièrement, il faudrait qu'on puisse appliquer les ordonnances du tribunal selon un système semblable aux mesures d'exécution des ordonnances alimentaires. Je propose que la partie lésée puisse consulter un ami de la cour ou un psychologue. L'ami de la cour tiendrait compte soigneusement de toutes les entrevues qu'il aurait avec le parent.

Deuxièmement, les parties concernées doivent respecter les décisions judiciaires. Afin d'inciter les gens à respecter ces décisions, il faudrait que le système judiciaire se montre très sévère à l'égard des personnes qui refusent de respecter les dispositions des ordonnances du tribunal.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Est-ce que vous avez étudié le droit? Je vous pose la question, puisque vous parlez du test de l'homme raisonnable. Il faudrait modifier l'expression pour parler plutôt du «test de la personne raisonnable», mais c'est le test qu'appliquait Lord Denning, un très célèbre juriste britannique, président de la cour d'appel.

M. Ron Evans: Non. Je ne suis pas un avocat.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est une observation très intéressante.

Monsieur Taylor s'il vous plaît.

M. Matt Taylor (exposé à titre individuel): Merci monsieur le président. Je suis ici en ma qualité de père pour parler du partage des responsabilités parentales, un aspect qui me paraît important. C'est un droit pour nos enfants.

Tout d'abord, je vais vous parler un peu de moi. J'ai des enfants. Avant de divorcer, je conduisais mes enfants à l'école cinq jours par semaine et je les reprenais le soir deux ou trois fois par semaine. À l'heure du coucher, je leur chantais des chansons, je leur lisais des histoires. Chaque fois qu'ils se réveillaient—et je dis bien chaque fois—au milieu de la nuit, c'est moi qui me levais pour m'en occuper. Depuis que je suis divorcé, je vois mes enfants une fin de semaine sur deux et quelques heures le mercredi soir. Quand mes enfants me demandent pourquoi c'est ainsi, je leur dis que c'est la règle. Ils me répliquent qu'ils n'aiment pas la règle et je ne sais pas quoi leur répondre.

Si je suis venu témoigner aujourd'hui, c'est parce je ne crois plus au système judiciaire. Je n'ai jamais été au tribunal, mais on m'a toujours dit qu'on était innocent tant qu'on avait pas été reconnu coupable. Ce n'est pas tout à fait le cas au tribunal du divorce... Je ne crois plus que, si vous êtes innocent, le tribunal va veiller à vos intérêts—ou à ceux de vos enfants, dans le cas qui nous préoccupe.

Voilà pourquoi ne suis ici aujourd'hui. J'ai parcouru brièvement le discours du Trône du gouvernement qui prétend améliorer l'existence de nos enfants en veillant à leur donner ce dont ils ont besoin pour s'épanouir. On peut lire dans le discours du Trône qu'un des objectifs du Canada est de veiller à ce que tous les enfants canadiens disposent des meilleures chances possibles de développer leur plein potentiel. Le gouvernement a formé ce comité qui, j'espère, sera en mesure de présenter un excellent rapport contenant des recommandations précises.

• 1720

Je vous ai remis mes recommandations.

J'aimerais faire quelques remarques. Le discours du Trône évoque ce dont les enfants ont besoin pour s'épanouir. Évidemment, il faut répondre à leurs besoins élémentaires, mais je ne pense pas que les enfants aient besoin de l'argent pour s'épanouir. À mes yeux, les relations humaines sont plus importantes.

L'argent, pour quoi faire? Prenez Charles Dickens. Il a été élevé en prison, parce que son père ne pouvait pas rembourser ses dettes. Benjamin Franklin, Einstein—ces gens-là n'étaient pas riches. Aussi, je pense que le gouvernement a mal joué. Je pense que si on privilégie les relations à la suite d'un divorce, l'argent suivra automatiquement.

Pour moi, le partage des responsabilités parentales est un droit de l'enfant, dans le mariage, pendant la séparation ou après le divorce. Comme beaucoup de gens l'ont fait remarquer, il est courant de nos jours que les deux parents se partagent les tâches—la Charte canadienne des droits et libertés encourage l'égalité—et dans bien des cas, le père participe plus activement au rôle traditionnel de parent.

Cela représente peut-être un changement par rapport aux années 40 et 50, mais c'est considéré comme un changement souhaitable. Je crois que la plupart des gens qui divorcent à l'amiable sans intervention du tribunal, optent pour la garde partagée. Malheureusement, les tribunaux n'adoptent pas souvent cette formule. La plupart du temps, ils accordent le droit de visite une fin de semaine sur deux. Par conséquent, j'estime que les tribunaux sont en retard.

Une minute de plus?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, une minute de plus.

M. Matt Taylor: À mon sens, la garde partagée permet un droit de visite illimité. Toutefois, c'est un idéal et dans la plupart des cas, les idéaux ne résistent pas à l'épreuve du tribunal.

À mon sens, la garde partagée devrait être le premier choix des tribunaux, sauf s'il est prouvé qu'une telle option n'est pas dans le meilleur intérêt de l'enfant. Malheureusement, dans les circonstances actuelles, cette option est reléguée à la queue.

Personnellement, j'ai dépensé plus de 20 000 $ et je suis pratiquement ruiné. C'est à celui qui tiendra le plus longtemps pour savoir si mes enfants pourront avoir tout ce qu'ils demandent.

J'espère que vous rédigerez un bon rapport. Ce qui m'inquiète, c'est que beaucoup d'hommes pensent qu'en cas de divorce la garde des enfants sera partagée entre leur femme et eux puisque actuellement ils s'en occupent autant qu'elle. Je crois malheureusement qu'ils font erreur.

Veuillez m'excuser, je dois m'arrêter ici. J'ai un avion à prendre pour aller chercher mes enfants à 17 h 30 à Calgary. J'espère que je ne vais pas le manquer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup d'être venu.

Madame Jenkinson.

Mme Lynne Jenkinson (témoignage à titre personnel): Mon intervention au sujet de la garde et du droit de visite des enfants étant très personnelle, je vais faire en sorte que mon exposé soit bref. Ayant parlé avec d'autres personnes partageant mes préoccupations, j'espère également me faire l'écho de leurs points de vue.

Je suis la belle-mère de deux enfants de 11 et 15 ans et je regrette que le système judiciaire n'aide absolument pas les parents non gardiens dans leur quête pour obtenir la garde et le droit de visite de leurs enfants. Il faut que le système rende des comptes d'une manière ou d'une autre. Il est impossible d'accorder toute la confiance au parent qui a la garde et de placer toujours l'autre parent dans une situation antagoniste.

Pour les parents, la médiation doit être de la plus grande importance et il faut viser avant tout l'épanouissement psychologique des enfants. Le paiement de la pension alimentaire doit également être directement lié à tous les motifs de litige.

Nous devons reconnaître le rôle des deux parents. Chaque parent apporte sa perspective personnelle à l'éducation des enfants. Aucun des deux parents ne devrait être écarté. Les intérêts de l'enfant son primordiaux, mais ils continuent à se perdre dans les démêlés juridiques.

La question de la garde et du droit de visite des enfants est traitée à un niveau défensif plutôt que dans la coopération. Des changements élémentaires s'imposent à ce sujet au niveau juridique.

Il faudrait que les avocats et les juges soient formés de manière à être capables de gérer ce genre de situation. Les avocats et les juges devraient suivre une formation pour devenir de meilleurs médiateurs. Actuellement, ils recherchent moins l'intérêt des enfants que celui des parents. Finalement, le système doit rendre des comptes aux enfants plutôt qu'aux adultes.

En parlant de rendre des comptes, il faudrait également apporter des changements essentiels au système. Il faudrait pénaliser un parent ayant la garde qui refuse le droit de visite à son ex-conjoint. Trop de parents ayant la garde se servent des enfants comme des pions, sachant pertinemment qu'ils resteront impunis. Les parents qui refusent de respecter une ordonnance du tribunal devraient être tenus responsables et incarcérés s'il le faut.

• 1725

Les organismes d'application de la loi doivent également accepter de faire appliquer le droit de visite. Actuellement, les organismes d'application de la loi refusent de venir en aide aux parents qui n'ont pas la garde.

D'autre part, le système judiciaire doit prononcer rapidement ses jugements plutôt que de traîner pendant des mois. Trois mois sans voir un de ses parents, c'est long pour un enfant. Je vous laisse imaginer ce que représentent deux années d'absence.

Les conjoints devraient s'entendre pour mettre au point ensemble une formule de partage. On ne peut pas s'attendre à ce que la personne qui paie la majorité des dépenses abandonne tout et accepte tout.

En cas de divorce, je crois que la garde ne devrait pas être accordée à un parent. Les ententes de garde conjointe devraient être la norme et non pas l'exception. Lorsque les enfants sont suffisamment âgés, c'est à eux de décider. Ils savent ce qu'ils veulent.

Quant aux visites, les dépenses devraient être partagées, alors qu'actuellement, il semble que les visites soient aux frais du parent qui n'a pas la garde.

J'aimerais revenir maintenant aux pensions alimentaires. Elles devraient bénéficier aux enfants et non pas au parent qui a la garde. Les enfants ne devraient pas payer leur logement. Les parents qui ont des enfants doivent travailler pour assurer leur subsistance. Il est évident qu'après un divorce, les enfants n'ont plus le même style de vie. Mais cessons de parler d'argent. Il est préférable de privilégier le bien-être psychologique de l'enfant. Les gros chèques de pension alimentaire ne suffisent pas à accorder aux enfants tout le soutien dont ils ont besoin. Un enfant a besoin de soutien financier et psychologique. Si le gouvernement est capable s'imposer un calendrier de paiement, il devrait pouvoir également établir un calendrier de garde conjointe.

Le gouvernement doit permettre une intervention rapide et garantir le droit de visite en cas de litige. La société laisse tomber les enfants et appuie totalement le parent qui a la garde, sans lui demander de rendre des comptes. La garde et le droit de visite continueront de poser problème tant que des changements fondamentaux ne seront pas apportés à la perspective sur laquelle s'appuie le système judiciaire.

Nous n'avons pas affaire à des bandits, simplement à des enfants oubliés. Je vous demande d'aider les enfants. Les adultes sont censés savoir ce qui est le mieux pour les enfants, mais ce n'est pas toujours le cas.

Je remercie le comité pour ce temps qui m'a été accordé et j'espère que les changements utiles seront mis en place.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Jenkinson.

C'est maintenant au tour de M. Paquette. Il faut bien un dernier, n'est-ce pas?

M. Denis Paquette (témoignage à titre personnel): Bravo, je suis le dernier!

Je remercie le comité de me donner la possibilité de témoigner. Je suis divorcé depuis 1993. J'ai trois enfants et je partage la garde avec mon ex-conjointe, à raison de deux semaines chacun.

J'ai le plaisir d'informer le comité que c'est une formule qui fonctionne bien. C'est un bon système. J'ai eu la chance d'obtenir la garde, mais quand je l'ai demandée, le juge m'a dit qu'en Alberta, c'est la mère qui obtient automatiquement la garde des enfants. La seule raison pour laquelle j'ai obtenu la garde partagée, c'est que la mère ne pouvait pas s'occuper des enfants à temps plein.

À mon avis, il faudrait que la loi accorde aux deux parents les mêmes droits de garde des enfants. La garde conjointe devrait être automatique.

Dans mon mémoire, j'ai fait allusion au projet de loi C-42 dont j'ai joint un exemplaire en annexe. Le projet de loi C-42 mentionne la garde partagée. Je me demande bien ce qui est arrivé à ce projet de loi. C'est peut-être une question que je pourrais vous poser plus tard.

Lorsque la garde conjointe n'est pas possible, il faudrait que la loi fasse en sorte qu'un des parents ne puisse pas modifier la formule de visite convenue. Je connais certains pères ayant la garde des enfants pendant les fins de semaine qui, lorsqu'arrive le jour prévu, se retrouvent seuls parce que la mère est partie avec les enfants. C'est en parlant avec d'autres personnes que j'ai appris que certains parents jouent ce genre de tour à leur ex-conjoint.

J'ai beaucoup de questions au sujet de la pension alimentaire des enfants. Est-ce que je peux en parler également?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je n'ai pas d'objection, mais je dois vous dire que le mandat de notre comité n'est pas d'étudier les pensions alimentaires pour les enfants. Ça ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire de commentaires à ce sujet.

M. Denis Paquette: Lorsque j'ai rédigé mon mémoire, cinq de mes commentaires portaient sur les pensions alimentaires pour les enfants. Quand on m'a téléphoné pour me convoquer, j'ai pensé qu'on souhaitait aborder ce sujet.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, il vous reste environ deux minutes.

M. Denis Paquette: Pour commencer, il faudrait que la loi oblige les parents divorcés à s'acquitter à part égale des besoins financiers de leurs enfants. Lorsque la garde conjointe est accordée, aucune pension alimentaire pour les enfants ne serait versée ni d'un bord ni de l'autre. De cette manière, les parents seraient traités de manière équitable. Avant de divorcer, les deux parents sont tous deux responsables du soutien financier et de l'éducation des enfants. Après le divorce, la situation ne devrait pas changer.

Il faudrait mettre au point une façon de calculer exactement quels sont les frais supplémentaires engagés pour le soin des enfants. Proposer des barèmes fondés sur les coûts réels. Les barèmes existants n'ont aucun sens. Tels que je les comprends, si je gagne 50 000 $ par an en tant que célibataire et que j'épouse une femme qui ne travaille pas, je dois gagner 40 p. 100 de plus, ce qui me ferait un salaire de 70 000 $. Si j'ai deux enfants, il faudrait que je gagne 100 000 $ par an. Voilà comment sont faits les barèmes.

Il faudrait peut-être que les employeurs nous donnent une augmentation de 40 p. 100 lorsqu'on se marie et 30 p. 100 pour chaque enfant qui naît, puisque les barèmes sont faits comme ça. Je suis certain que les prestations de bien-être social ne sont pas calculées de cette manière.

• 1730

Faites en sorte que la loi impose des barèmes de pension alimentaire pour les enfants calculés en fonction des coûts réels et sans possibilité d'ajustement. Cela éviterait d'avoir recours à des avocats, ce qui permettrait d'économiser au profit des enfants les honoraires qu'ils perçoivent. J'ai dépensé environ 16 000 $ en frais d'avocat et je suppose que mon ex-épouse en a dépensé autant. Si on pouvait s'appuyer sur des barèmes simples, on pourrait s'adresser à un organisme gouvernemental et mettre au point une formule tenant compte du salaire des deux ex-conjoints et de la situation relativement à la garde des enfants. Débarrassons-nous des avocats et ainsi nous aurons 30 000 $ de plus à consacrer aux enfants.

Il faudrait que la loi exige que le parent qui reçoit la pension alimentaire pour les enfants prouve qu'il utilise vraiment l'argent pour le soin des enfants. Dans mon cas, je paie tout à mon ex-épouse. Je dois également payer les frais de dentiste et autres frais. Si mon ex-femme décide de ne pas payer sa part des honoraires de dentiste ou des lunettes pour les enfants, je dois faire appel au tribunal. Ça ne vaut pas la peine.

Faites également que la loi stipule que les paiements de pension alimentaire pour les enfants s'arrêtent à l'âge de 18 ans. Les familles non séparées ne sont pas tenues par la loi d'assurer le soutien financier de leurs enfants une fois qu'ils ont atteint 18 ans. D'autre part, à 18 ans, un enfant est un adulte légalement responsable de ses actes. J'aime mes enfants et je les aiderais s'ils veulent poursuivre leurs études, mais si je n'ai pas d'argent, je ne pourrai pas les aider. Ils devront travailler. Pourquoi les règles sont-elles différentes pour une personne divorcée? Ça n'a aucun sens.

Mon dernier point est aussi le plus important. Il faut trouver une façon de proposer la médiation... Actuellement, un divorce se déroule dans une situation de conflit. Je n'ai pas été mieux que les autres, puisque je suis allé voir un avocat pour lui dire que je voulais divorcer; mon ex-femme a fait la même chose et nous nous sommes retrouvés en conflit.

Il y a quelque temps, un député provincial de l'Alberta a proposé d'obliger les parents divorcés à consulter un psychologue pendant un certain temps. Ce serait extrêmement profitable. Cela permettrait peut-être de savoir pourquoi votre conjoint a décidé de divorcer. Cela permettrait peut-être une réconciliation. Et sinon, cela permettrait peut-être de commencer à parler de votre vie après le divorce.

Les décisions en matière de divorce ne devraient pas se faire devant un juge, mais plutôt calmement, en présence d'un psychologue. Cela permettrait de réfléchir et de se calmer les esprits.

D'autre part, il n'est pas nécessaire de faire appel à deux avocats. Un seul suffit. Actuellement, beaucoup d'avocats s'intéressent à la médiation et c'est la voie à suivre. Le divorce devrait être un processus de médiation. La loi devrait s'appliquer de manière directe et sans interprétation. Bien sûr, les avocats diront que toutes les causes de divorce sont différentes. C'est vrai, mais beaucoup de cas sont vraiment très simples. La seule raison derrière tout cela, c'est que les avocats ne se font pas d'argent quand il n'y a pas de conflit.

Voilà, j'ai terminé. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Nous avons quelques questions et nous allons pour commencer donner la parole à Mme Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci beaucoup. Ma question s'adresse à M. Evans.

Vous avez parlé d'imposer des sanctions pour dissuader les gens d'entraver délibérément le processus judiciaire; en d'autres termes, pour les obliger à respecter les ordonnances de la cour.

M. Ron Evans: C'est exact.

Mme Eleni Bakopanos: Quelles sanctions suggérez-vous?

M. Ron Evans: Je proposerais des pénalités analogues à celles qui s'appliquent en cas de non-respect des ordonnances de pension alimentaire—des peines d'emprisonnement, si nécessaire. L'Alberta Report a signalé récemment qu'aux États-Unis un juge a imposé ce genre de sanctions à des personnes qu'il a qualifiées de mères fainéantes.

Mme Eleni Bakopanos: Par conséquent, cela impliquerait de modifier le Code criminel, de modifier...

M. Ron Evans: Je ne sais pas exactement quel est l'article du code pénal, mais je sais qu'il existe des dispositions permettant de faire respecter les ordonnances du tribunal. Je suis certain que les juges peuvent prendre des sanctions contre quelqu'un qui fait des pieds de nez au tribunal. Ils prennent des sanctions analogues dans les litiges concernant la garde et le droit de visite des enfants. Lorsqu'une personne refuse de payer ou manque un versement, le tribunal émet une ordonnance et impose des sanctions qui consistent à suspendre son chèque d'assistance sociale, son salaire ou son permis de conduire, ce qui l'empêche dans certains cas de gagner sa vie.

Mme Eleni Bakopanos: Mais est-ce que le problème ne tient pas en partie au fait que la police ne peut pas appliquer certaines de ces ordonnances, même si elles s'accompagnent d'une sanction?

M. Ron Evans: Je ne suis pas au courant.

Mme Eleni Bakopanos: C'est dans une certaine mesure ce qu'on peut en déduire d'après les témoignages entendus par le comité.

• 1735

M. Ron Evans: Je connais personnellement des gens qui ne peuvent plus conduire parce que leur ex-épouse s'est plainte qu'ils ne versaient plus leur pension alimentaire. En conséquence, on leur a suspendu leur permis de conduire.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Monsieur Paquette, d'après votre expérience personnelle, pensez-vous qu'il faudrait plafonner les honoraires des avocats comme nous l'ont recommandé certains témoins?

M. Denis Paquette: Dans la mesure où l'avocat joue un rôle de médiateur, les deux parents paient chacun leur part et il n'y a pas de situation de conflit, ce qui augmente les chances d'une entente. Il n'est plus nécessaire de se rendre au tribunal, ce qui permet aux parents et aux enfants d'économiser de l'argent et les tribunaux font eux aussi des économies.

Le mariage est une formalité très simple devant un juge de paix. Le divorce devrait être aussi simple, automatique, tout comme les barèmes et toutes les lignes directrices qui s'appliquent.

Actuellement, les gens qui divorcent sont considérés comme des criminels. Ils doivent se présenter au tribunal et se battre pour obtenir la garde de leurs enfants. C'est une situation de conflit et ce n'est pas l'idéal.

Mme Eleni Bakopanos: Par conséquent, vous devez être en faveur de la médiation obligatoire, comme l'ont recommandé d'autres témoins entendus par le comité?

M. Denis Paquette: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: J'ai une autre question qui s'adresse à Mme Jenkinson.

Vous avez parlé des enfants oubliés. Vous avez beaucoup parlé de votre propre expérience. Est-ce qu'il y a une chose en particulier que vous aimeriez recommander?

Comme je l'ai déjà dit, la loi ne peut pas exiger le respect; la loi ne peut pas imposer aux gens d'aimer leurs enfants, de placer l'intérêt des enfants avant le leur, etc. Mais d'après votre expérience personnelle, est-ce qu'il y a quelque chose dans le processus...

Mme Lynne Jenkinson: Je crois qu'il faudrait écouter les enfants.

Dans mon cas, je pense que si le juge avait écouté les enfants, je n'aurais pas eu à attendre deux ans et demi avant de les revoir. Ma belle-fille de 15 ans vit actuellement avec moi depuis le mois de janvier. Elle a écrit un texte que nous avons remis au comité, parce qu'elle estime que les enfants aussi ont droit de se faire entendre.

Je sais que la loi ne peut pas imposer l'amour. Je le sais, pas plus que le respect.

Mais j'aimerais qu'on écoute les enfants et pas seulement les adultes. Ces enfants sont assez grands pour décider. Je crois qu'un enfant peut très bien dire au juge «Je veux voir mon papa et ma maman me l'interdit».

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Bakopanos.

J'aimerais un éclaircissement au sujet d'une question que vous avez posée à M. Evans, et dont je n'ai pas entendu la réponse. Est-ce que vous suggérez que la police applique les ordonnances?

M. Ron Evans: Non, j'ai demandé que ce rôle soit confié à quelqu'un comme un ami de la cour, un psychologue ou une autre personne qui serait nommée par le tribunal pour intervenir dans de telles situations. La partie lésée pourrait s'adresser à cette personne pour exposer son cas.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Merci.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Madame Jenkinson, j'ai noté une déclaration que vous avez faite, parce que je ne savais pas exactement où vous vouliez en venir. C'était «le paiement de la pension alimentaire doit également être directement lié à tous les motifs de litige».

Mme Lynne Jenkinson: J'estime que trop souvent les femmes utilisent les enfants comme des pions. Le père peut être privé de ses enfants, mais il doit toujours payer la pension alimentaire. Voilà un détail à revoir.

Dans notre cas, nous avons réclamé la garde parce que nous ne pouvions plus voir les enfants. Leur mère les gardait pour pouvoir demander une augmentation de la pension alimentaire.

M. Eric Lowther: Est-ce que vous avez une recommandation à formuler à ce sujet?

Mme Lynne Jenkinson: Je ne sais pas ce qu'il faudrait faire, mais c'est un problème qu'on ne peut pas éviter. La garde et le droit de visite des enfants sont indissociables de la pension alimentaire. Les deux choses sont liées. Les enfants ont besoin d'un soutien financier, mais ils ont également besoin de leur père.

M. Eric Lowther: Merci.

Monsieur Paquette, vous bénéficiez de la formule spéciale du partage égal de la garde des enfants. Le comité s'intéresse à cette formule depuis longtemps et nous souhaitons qu'elle puisse s'appliquer à beaucoup de monde. Dans votre cas, vous avez été chanceux et tout fonctionne bien. Est-ce que les enfants sont avec vous pendant deux semaines et pendant deux autres semaines avec leur mère? Dites-nous comment ça fonctionne.

M. Denis Paquette: Les enfants sont chez moi pendant deux semaines et chez leur mère pendant deux autres semaines. Ils fréquentent la même école. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

L'avantage, c'est que je peux, lorsque les enfants ne sont pas chez moi, organiser une activité spéciale avec l'un d'entre eux. C'est quelque chose de très bénéfique qui, à mon avis, n'est pas possible dans une famille ordinaire. De cette manière, je peux m'organiser pour faire quelque chose de spécial avec mon fils ou avec mes deux filles. Je trouve que la formule fonctionne bien.

• 1740

M. Eric Lowther: Il semble que votre femme et vous... Comment êtes-vous parvenus à cette entente? Est-ce qu'il y avait une certaine animosité entre vous ou bien est-ce que vous avez pu discuter amicalement? Avez-vous décidé qui allait s'occuper des enfants?

M. Denis Paquette: Non, ça s'est passé d'une manière totalement différente. Je pourrais écrire tout un livre sur la façon dont on s'est séparé. Mais, pour résumer, on peut dire que mon ex-épouse ne pouvait pas s'occuper des enfants à temps complet. C'est ce qu'elle a déclaré au juge. Comme je l'ai dit auparavant, le juge a précisé que, d'après la loi, c'est la mère qui obtenait automatiquement les enfants, mais comme mon ex-épouse a dit qu'elle ne pouvait pas s'en occuper à temps plein, la garde a été partagée moitié-moitié.

Elle m'a quitté en avril 1991. Le juge a pris cette décision lorsque nous avons été convoqués au tribunal en septembre 1991. Par la suite, nous avons consulté un psychologue, le Dr Hindmarch qui a présenté je crois un témoignage aujourd'hui. Il a examiné notre cas et il a recommandé la garde partagée. Voilà comment ça s'est passé. Je crois que j'ai été chanceux. Je pense que j'ai eu de la chance.

M. Eric Lowther: Est-ce que vous avez pris cette décision en fonction des enfants ou en fonction de ce qui vous convenait le mieux? Est-ce que vous avez opté pour la garde partagée parce que vous étiez convaincu que c'était ce qu'il y avait de mieux pour les enfants?

M. Denis Paquette: Au départ, en raison de l'instabilité de mon ex-épouse, j'ai engagé une bonne d'enfants quand ma femme est partie. Je pensais à l'époque que c'était mieux pour les enfants de rester avec un parent stable. Psychologiquement et financièrement, j'étais le parent stable. Alors, je voulais la garde complète.

Lorsque nous nous sommes présentés au tribunal, j'ai demandé la garde complète. Le juge m'a répondu qu'il allait donner la garde à la mère. Mon ex-femme a dit qu'elle ne voulait pas la garde complète et c'est ainsi que nous avons obtenu provisoirement la garde partagée, jusqu'à ce que le psychologue fasse une étude.

Lorsque j'ai rencontré le psychologue, je lui ai dit la même chose que maintenant. Je lui ai dit qu'à mon avis, il était préférable que les enfants demeurent dans un milieu familial stable avec un parent psychologiquement et financièrement responsable, ce que mon ex-conjointe n'était pas à l'époque. Au départ, il a accepté, et après trois ou quatre mois, il a changé d'avis et préconisé la garde partagée. Depuis ce temps, mon ex-femme s'est stabilisée et elle peut s'occuper des enfants. La formule donne de bons résultats.

M. Eric Lowther: Voilà une belle histoire pour terminer la journée.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est parfait.

Je remercie personnellement les témoins qui ont terminé notre séance ici à Edmonton. Nous vous remercions pour vos témoignages. Vous avez contribué aux travaux du comité.

Ensuite, je remercie nos collègues de l'Alberta, Mlle Grey, M. Lowther, la sénatrice Forest et la sénatrice Chalifoux, qui sont venus nous rejoindre ici.

Le temps a passé vite, mais la journée a été très intense et très intéressante. Je pense que tout cela a été très productif pour les travaux du comité.

Enfin, je vois toutes sortes de visages familiers dans l'assistance. Je sais que beaucoup d'entre vous ont suivi les travaux pendant la plus grande partie de la journée et je les remercie de l'intérêt qu'ils portent aux travaux du Parlement du Canada. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir ici pour assister à nos travaux et pour en quelque sorte observer le Parlement à l'oeuvre. Merci beaucoup.

Excusez-moi, la sénatrice Cools est de retour.

Avant d'ajourner...

La sénatrice Anne Cools: On vient de me remettre ce document. Je n'ai pas eu le temps de le lire en entier, mais il s'intitule «Les auditions sur la garde et le droit de visite des enfants au Canada: Les femmes sont malmenées». C'est un imprimé ou un document qui provient d'Internet. C'est un document assez long et signé «Eileen Morrow». C'est une lobbyiste pour l'Ontario Association of Interval and Transition Houses.

On peut lire le titre suivant: «Les féministes doivent donner la réplique aux groupes d'hommes». C'est un document de deux pages signé par Eileen Morrow. Le texte est très trompeur. Il prétend que les femmes qui viennent témoigner se font suivre par des hommes: «À l'extérieur de la salle, il y a comme d'habitude, des hommes qui rôdent autour de nous».

Le document est assez long. Je suis nommée plusieurs fois et tout à fait à tort, je me permets d'ajouter.

• 1745

Je peux le lire dès maintenant aux fins du compte rendu ou tout simplement donner la date de publication. Il semble que ce soit l'édition du 19 mai 1998. Mais je ne sais pas exactement d'où provient ce document.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il y a peut-être une adresse Internet.

Je ne veux pas interrompre cette discussion, sénatrice, mais il faudrait peut-être penser... Nous avons un avion à prendre.

La sénatrice Anne Cools: Je comprends, mais, d'un autre côté, toutes ces choses me préoccupent. Dans la mesure où on peut dire que j'ai soulevé la question ici et que je vais poursuivre l'affaire... Je suis prête à en donner une copie au greffier du comité.

Tout ce que je peux dire, c'est que nous allons devoir faire quelque chose à ce sujet ou charger quelqu'un de prendre des mesures en privé, car c'est un article choquant, d'autant plus qu'il est signé par quelqu'un qui a témoigné devant nous. C'est tout à fait incorrect.

Le greffier peut peut-être en prendre une copie. On peut considérer que le document a été lu... Ce n'est pas un problème dans la mesure où nous convenons très clairement que nous étudierons cette question en détail.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Certainement.

La sénatrice Anne Cools: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

La séance est levée jusqu'à la prochaine réunion lundi à 9 heures, heure de Terre-Neuve, à St. John's.