SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 4 mai 1998

• 1551

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Ceci est la 23e réunion du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. Mon coprésident sera ici sous peu et s'excuse de ne pouvoir être présent dès le début de cette séance.

Nous avons le plaisir aujourd'hui d'accueillir l'Association du Barreau canadien. Nous allons je pense commencer par Mes Hoyles, McKay, Raponi et Mesbur. Allez-y je vous prie.

Me John D. V. Hoyles (directeur exécutif, Association du Barreau canadien): Merci beaucoup Madame la présidente. Nous apprécions cette occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui au nom de l'Association du Barreau canadien.

L'Association du Barreau canadien a notamment pour mandat de chercher à améliorer la loi et l'administration de la justice. Nous comptons 35 000 membres provenant des dix provinces et deux territoires, ceux-ci étant des avocats, des juges et des étudiants.

C'est dans l'intention d'améliorer la loi et l'administration de la justice que nous nous présentons devant vous aujourd'hui. J'ai l'honneur de vous présenter trois distingués membres du comité sur la garde et le droit de visite de la Section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien: Heather McKay de Calgary, la présidente de la Section nationale du droit de la famille; Eugene Raponi de Victoria, le trésorier de la Section nationale; et Ruth Mesbur, qui exerce à Toronto, et est membre de la direction de la Section.

La Section du droit de la famille compte 6 900 membres dans l'ensemble du Canada, qui représentent toute la gamme des intérêts liés au droit de la famille, notamment ceux des parents ayant un droit de visite, des parents ayant la garde de leurs enfants, des grands-parents et des enfants.

Elle consulte régulièrement le gouvernement à propos de questions se rapportant au droit de la famille. Elle s'est penchée très récemment sur la question de la garde et du droit de visite en réponse au document d'étude du ministère de la Justice de 1993, sur le sujet.

Afin de préparer le travail du Comité spécial sur la garde et le droit de visite, nous avons demandé à tous les membres de la direction de la Section nationale du droit de la famille, soit des dirigeants nationaux et des représentants régionaux, de soumettre leurs opinions en la matière.

Chacun de ces représentants a consulté sa section locale spécialisée en droit de la famille de l'Association du Barreau canadien pour obtenir ses commentaires et a participé au travail du comité spécialement chargé d'étudier la question de la garde et du droit de visite. Le comité s'est réuni en novembre, et plus récemment encore durant deux journées à Winnipeg, pour étudier la législation et examiner le travail réalisé.

Le mémoire a été revu par la direction de la Section, le comité national de réforme du droit, le bureau de l'Association du Barreau canadien, et a été retenu comme position officielle de la Section du droit de la famille.

J'aimerais préciser également, Madame la présidente, que les trois personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont là à titre volontaire. De même, tous ceux qui ont procédé aux consultations qui ont servi à l'élaboration de ce mémoire sont des avocats qui se sont acquittés volontairement de cette tâche en tant que membres de l'Association du Barreau canadien. J'ai pensé qu'il serait utile que le comité sache cela.

J'aimerais à présent demander aux représentants de la Section d'aborder le contenu du mémoire.

Merci.

Me Heather McKay (présidente, Section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien): Merci. Madame la présidente, honorables sénateurs et membres du comité, nous sommes très heureux d'être ici au nom de l'Association du Barreau canadien pour discuter avec votre comité de questions touchant la garde et le droit de visite.

En tant qu'avocats spécialisés dans le droit de la famille, nous apprécions pleinement le fait que vous ayez décidé d'aborder la question en prenant la perspective de l'enfant, et en vous concentrant sur les responsabilités des parents et le meilleur intérêt de l'enfant. Nous estimons être particulièrement bien placés pour vous conseiller sur ces questions, puisque nos activités nous placent, pour ainsi dire, en première ligne.

• 1555

Nous représentons toutes les parties, soit les pères, les mères, les enfants et les grands-parents. Nous intervenons dans tout le déroulement de la résolution des différends, depuis la prestation de conseils et la négociation jusqu'à la médiation et, en dernier ressort, au procès devant les tribunaux.

Nous avons constaté que les cas de disputes longues et contestées pour l'obtention des droits de garde étaient peu nombreux et espacés dans le temps. La plupart du temps les parents cherchent la solution qui est dans le meilleur intérêt de leurs enfants et s'entendent entre eux en recourant peu ou pas du tout aux tribunaux. Ce n'est que lorsque les parents ne parviennent pas à décider de ce qui convient le mieux à leurs enfants qu'ils font intervenir les tribunaux.

D'après la Loi sur le divorce, nous sommes tenus, en tant qu'avocats spécialisés en droit de la famille, de faire valoir à nos clients qu'il est préférable de négocier entre eux la garde de leurs enfants et de leur conseiller la médiation. De fait, nombre de nos membres, avocats spécialistes du droit de la famille, ont suivi des cours de médiation et même s'ils ne font pas eux-mêmes de médiation, ils utilisent ces compétences dans l'exercice de leur profession. De nombreux juges également apprennent l'art de la médiation afin de mieux traiter ces questions très délicates.

Pratiquement toutes les provinces canadiennes ont adopté des méthodes de résolution des différends qu'elles tentent de mettre en oeuvre avant de porter l'affaire devant les tribunaux. Ces démarches comprennent notamment la médiation, les conférences préparatoires, les négociations à quatre avec conseillers et avocats, les séances de conseils avec des psychologues et les évaluations bilatérales concernant la garde des enfants.

Nous avons besoin de plus d'argent pour tout cela. C'est le genre de choses qu'il faut pouvoir financer afin de désamorcer l'attitude très hostile qui s'installe parfois tout au début d'une affaire, au moment où le couple se sépare. Il s'agit d'une période où les gens sont très émotifs, vous en conviendrez tous sans nul doute, et c'est le genre de choses qui, nous pensons, peuvent aider au début.

C'est cette expérience et ces connaissances générales que nous avons acquises dans notre travail quotidien avec nos clients qui sous-tendent les recommandations que nous faisons dans notre rapport, et que je vais résumer pour vous. Je céderai ensuite la parole à Me Mesbur et Me Raponi, qui vous donneront davantage de détails.

J'aimerais simplement vous dire qu'à nous trois, nous avons environ 55 ans de pratique du droit de la famille à notre actif, et que les gens que nous avons consultés sont généralement des praticiens du droit de la famille qui exercent leur profession à temps plein également.

Nous vous avons fourni notre rapport et les recommandations que nous proposons sont les suivantes:

Nous recommandons tout d'abord que la Loi sur le divorce définisse les facteurs qui servent à évaluer l'intérêt de l'enfant.

Deuxièmement, la Loi sur le divorce devrait contenir une description des responsabilités des parents.

Troisièmement, la Loi sur le divorce ne devrait pas contenir de présomption en faveur de la garde conjointe ni en faveur du principal pourvoyeur de soins.

Quatrièmement, en ce qui a trait aux termes de garde et droit de visite ou accès, cette terminologie a des avantages et des inconvénients sur lesquels il conviendrait de se pencher.

Nous recommandons une éducation parentale obligatoire.

Nous ne sommes pas favorables à un recours à la législation pour faire exécuter les droits de visite.

Nous demandons l'allocation de ressources pour le processus de résolution des différends.

Nous recommandons l'établissement d'un tribunal unifié de la famille dans toutes les juridictions.

Me Mesbur va vous parler des problèmes de garde, et de ceux liés aux responsabilités parentales et au meilleur intérêt des enfants.

Me Ruth E. Mesbur (spécialiste du droit de la famille, membre de la Section du droit de la famille, Association du Barreau canadien): Merci. Nous partons du principe, qui pourra choquer certains d'entre vous—mais j'espère que ce ne sera pas le cas—selon lequel les parents n'ont pas de droits. Les enfants ont des droits et les parents ont des responsabilités. C'est ce principe, si vous voulez, qui est à la base de nos recommandations et nous tous y adhérons fermement.

Selon nous, la meilleure façon de protéger les droits des enfants consiste, d'une part, à prendre les décisions qui s'imposent dans leur meilleur intérêt et, d'autre part, à obliger les parents à assumer leurs responsabilités parentales.

Nous espérons que nos recommandations seront utiles à la réalisation de votre mandat voulant que l'on tienne davantage compte des besoins des enfants lorsqu'il s'agit de garde et de droit de visite. Le seul critère, ou seule présomption si vous voulez, que nous préconisons, est l'évaluation du meilleur intérêt, c'est-à-dire que les décisions relatives à la garde et au droit de visite devraient être prises dans le meilleur intérêt des enfants.

Comme vous le savez peut-être, si le «meilleur intérêt» des enfants est l'un des critères de la Loi sur le divorce depuis de nombreuses années, ce terme n'a cependant pas été défini et l'on n'a pas précisé le genre de facteurs qu'il conviendrait d'examiner pour déterminer ce qui constitue le meilleur intérêt des enfants.

• 1600

De nombreuses provinces canadiennes, dont l'Ontario d'où je viens, ont défini des critères précis dans leur législation provinciale pour déterminer ce qui constitue le meilleur intérêt d'un enfant. Nous recommandons l'adoption de critères semblables dans la Loi sur le divorce. Ceux-ci sont énumérés aux pages 4 et 5 de la version française de notre mémoire.

Pourquoi estimons-nous utile de définir de tels critères? D'abord, cela aidera les juges à orienter leurs délibérations. Cela nous aidera également nous, les avocats, à orienter les conseils que nous donnons à nos clients. Mais surtout, cela aidera les parents à avoir une meilleure idée de ce qui constitue le meilleur intérêt de leurs enfants. Nous nous concentrons sur les enfants et non sur ce que veulent les parents. La définition des responsabilités parentales permet également aux parents de mieux évaluer le meilleur intérêt de leurs enfants. Celles-ci sont énumérées aux pages 6 et 7 de la version française de notre mémoire.

Ce qu'il importe de retenir ici, en ce qui concerne les responsabilités parentales énumérées, c'est que chaque parent séparé n'est pas tenu de remplir chacune de ces responsabilités à part égale avec l'autre parent. Cette liste définit l'ensemble des responsabilités que les parents doivent assumer à l'égard de leurs enfants.

Quels besoins le parent doit-il combler? Il doit tout simplement prendre soin de ses enfants, les nourrir et les vêtir, leur donner un toit, leur garantir une sécurité financière, les voir et inciter l'autre parent à les voir également. N'est-il pas juste de dire que la plupart des enfants, dans la majorité des familles, doivent avoir des liens avec leurs deux parents et ont besoin que tous les deux prennent soin d'eux?

Et puisque nous tenons à faire prévaloir le meilleur intérêt des enfants, nous ne pouvons appuyer aucune présomption, quelle qu'elle soit, que celle-ci soit en faveur d'une garde conjointe, du principal pourvoyeur de soins ou du parent amical—rien de ce genre. Notre seule présomption est le meilleur intérêt des enfants.

Chaque famille, chaque enfant est unique. Ce qui est dans le meilleur intérêt d'un enfant est particulier à chacun d'eux. Selon le cas ce peut être la garde conjointe, la garde unique et entière, ou les plans de formation au rôle de parent. Les critères retenus sont souples et dépendent des besoins de chaque enfant de chaque famille canadienne.

Ce sont nos deux premières recommandations et j'aimerais à présent passer la parole à Me Raponi pour traiter des autres.

Me Eugene Raponi (trésorier, Section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien): Merci. Les recommandations dont je vais vous parler se trouvent à la page 20 de la version anglaise du mémoire et aux pages 22 et 23 de la version française. Ce sont les recommandations 3 à 7.

Vous remarquerez qu'une seule de ces recommandations, soit la 5, préconise une modification de la législation. Nous recommandons qu'un avis soit donné au moins 90 jours à l'avance si l'un des deux parents a l'intention de déménager. C'est tout simplement pour laisser suffisamment de temps pour régler ce délicat problème. Le reste des recommandations a simplement pour objectif de faire dégager les ressources nécessaires pour fournir l'information et les services auxiliaires aux parents et enfants.

J'aimerais d'abord vous parler de la question de l'exécution des droits de visite. Nous estimons que l'exécution des droits de visite ne se prête pas à des solutions de nature législative. C'est un sujet fort complexe, et chaque cas dépend des faits et circonstances qui lui sont propres. Cela dépend des besoins et circonstances de l'enfant ou des enfants particuliers.

J'ai été nommé intercesseur pour des enfants par le Procureur général de la Colombie-Britannique en vertu de la Family Relations Act. On parle d'intercesseurs pour la famille, mais il s'agit en fait de défendre les droits des enfants, puisque ceux-ci sont généralement nommés pour intercéder en faveur du meilleur intérêt des enfants.

Mais vu les restrictions budgétaires, ces nominations n'ont lieu que dans des circonstances extrêmes, dans les pires cas de mésententes entre parents séparés.

• 1605

J'ai eu à intervenir dans des situations où le parent qui avait la garde était accusé de refuser le droit de visite. Je peux vous dire que dans aucun des cas dont je me suis occupé il n'aurait été possible de recourir avec succès à une solution toute simple. Il s'agissait à chaque fois de situations complexes qui demandaient à être traitées selon les circonstances particulières.

Nous sommes d'avis que la meilleure façon d'aborder le cas typique qui se présente après une séparation consiste à soumettre d'abord les parents à des cours de formation parentale obligatoires avant de pouvoir entamer une procédure judiciaire. En d'autres termes, nous conseillons d'investir les ressources au début du processus, lorsqu'elles sont le plus utiles aux parents, afin qu'ils puissent mieux comprendre les enjeux en cause en ce qui a trait à leurs enfants. D'autre part, il conviendrait de consacrer des ressources à la mise en oeuvre de mécanismes de règlement extrajudiciaires des différends. Ainsi que Me McKay l'a fait remarquer, nous sommes appelés, en tant qu'avocats spécialisés dans le droit de la famille, à fournir des conseils et à participer à l'ensemble des démarches entreprises pour résoudre un différend.

Bien sûr de nombreux parents règlent eux-mêmes comme il faut le problème de la garde de leurs enfants après une séparation. Il arrive qu'ils n'aient jamais recours à un avocat, ou alors simplement pour consigner l'entente conclue dans un accord de séparation ou une ordonnance par consentement.

Nous nous occupons de tout le processus, de la prestation de conseils à nos clients à la négociation, la médiation—je suis médiateur et avocat spécialisé dans le droit de la famille—et, dans des cas extrêmes, à la procédure judiciaire. Cela ne veut pas dire que nous ne déposons pas de demande provisoire dans bien des cas, mais les cas de procès pour garde d'enfants très rares. Et cela devrait être ainsi car lorsque les parents en arrivent là, à mon avis l'enfant a déjà perdu. Je crois que chaque avocat expert en droit de la famille, chaque avocat expérimenté et raisonnable spécialisé en droit de la famille, devrait préciser cela à ses clients.

Parmi les services qui peuvent aider les parents il faut noter les séances de conseils, les visites supervisées dans des conditions appropriées et il faudrait prévoir des fonds également pour la prestation de services de défenseurs des droits des enfants dans des circonstances appropriées.

Il ne servira à rien ou à pas grand chose de modifier la loi pour régler ce genre de problèmes. La prestation de services et de programmes, et le dégagement d'un financement supplémentaire par contre sera utile.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Vouliez-vous faire un résumé ou cela représente-t-il votre...

Me John Hoyles: C'est tout.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Nous allons passer aux questions et donner la parole au sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): J'ai de nombreuses questions, je vais donc commencer par trois ou quatre et redemanderai la parole plus tard. Nous avons jusqu'à 18 heures, n'est-ce pas?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous avons jusqu'à 17 h 30.

Le sénateur Duncan Jessiman: L'avis disait 18 heures.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.

Le sénateur Duncan Jessiman: Voyons d'abord votre première recommandation. Vous dites:

C'est à la page 4 de votre document. Pouvez-vous me dire si ces facteurs particuliers sont utilisés dans d'autres lois ailleurs au monde?

Me Ruth Mesbur: Je crois que je peux répondre à cela, sénateur. En Ontario, la Loi portant sur la réforme du droit de l'enfance utilise des critères similaires depuis environ... J'essaie de me rappeler si c'est depuis 1978 ou 1986.

Cette recommandation avait également été faite par le Bureau du Tuteur public, aujourd'hui le Bureau de l'avocat des enfants, dans un mémoire présenté à la suite du travail sur la garde et le droit de visite réalisé en 1993.

Le sénateur Duncan Jessiman: C'est le genre de libellé que l'on...

Me Ruth Mesbur: Absolument, et je crois que d'autres provinces ont des énoncés semblables également.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ce libellé a donc fait l'objet d'une jurisprudence?

Me Ruth Mesbur: Absolument.

Le sénateur Duncan Jessiman: Dites-moi, pour ma propre gouverne—et je ne cherche pas à critiquer; j'essaie de comprendre. En ce qui a trait à la durée de la période durant laquelle un enfant a vécu dans un milieu sécurisant, entendez-vous la période après le divorce, avant le divorce? Je suppose que l'on parle d'un premier divorce. Je ne pense pas que nous ayons une législation... Je sais que nous allons faire face à des cas où il s'agit d'un deuxième divorce, mais si la famille s'entendait bien avant et qu'ensuite les parents se séparent et divorcent, comment cela peut-il déterminer lequel des deux est le mieux placé pour avoir la garde de l'enfant? Cela sert-il à cette fin?

• 1610

Me Ruth Mesbur: C'est l'un des critères que le tribunal peut prendre en considération. Ce qu'il importe de se rappeler, c'est que lorsque les gens se séparent, ils ne se retrouvent pas instantanément devant les tribunaux où l'on décide de l'avenir de leurs enfants. Très souvent les parties se séparent et s'entendent de façon informelle pour la garde de leurs enfants. Cette situation peut durer et il peut se passer un certain temps avant que les parents ne se retrouvent devant le tribunal où ce critère peut devenir important.

Rappelez-vous également que la Loi sur le divorce ne porte pas uniquement sur les décisions de garde en première instance, mais également sur les modifications. Et les décisions de garde et de droit de visite ne sont jamais définitives. Elles peuvent toujours être modifiées, de sorte que lorsque les circonstances changent, la Loi prévoit qu'un parent peut revenir devant le tribunal et demander une modification des arrangements conclus. Il peut alors être pertinent pour un juge de chercher à savoir combien de temps l'enfant a vécu au même endroit et de décider s'il s'agit d'un critère important.

Le sénateur Duncan Jessiman: Cela va-t-il au-delà de la règle du parent amical, ou quel que soit le terme utilisé?

Mme Ruth Mesbur: La règle du parent amical?

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, la règle du parent amical. Cela va-t-il au-delà? Ne croyez-vous pas que le critère devrait absolument être de chercher à savoir si la personne qui demande la garde de l'enfant est disposée à faciliter les contacts avec la personne qui demande un droit de visite? N'est-ce pas là un facteur important?

Me Ruth Mesbur: Nous avons prévu cela. Nous y avons pensé à deux reprises dans ces recommandations, sénateur. Premièrement, si vous regardez à la page 5 de la version française, il est fait état en dernier lieu de «l'importance et l'avantage pour l'enfant d'entretenir des relations suivies avec ses parents»—«parents» est utilisé au pluriel.

Le sénateur Duncan Jessiman: Cela ne devrait-il pas compter également? Si le juge ne tient compte que de cela, si tels sont les faits, ne pensez-vous pas que cela devrait faire partie de la règle du parent amical?

Me Ruth Mesbur: Je pense que tous ces facteurs sont liés. Je ne pense pas que le fait que tous soient regroupés au même endroit de la loi ou non ait de l'importance.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous savez bien comment les tribunaux se servent des lois. Allez. Nous sommes en train de formuler la législation. Nous disons au juge voilà ce qu'il faut prendre en compte lorsque vous décidez qui sera le principal pourvoyeur de soins ou bien où l'enfant doit avoir sa résidence. Nous essayons de nous éloigner de la question de la garde et du droit de visite. Que se passera-t-il si nous ne disons pas vous êtes le parent le mieux placé pour avoir la garde de l'enfant, mais si vous n'êtes pas disposé à permettre à l'autre parent de voir l'enfant... c'est un facteur important.

Me Ruth Mesbur: J'aimerais également attirer votre attention, sénateur, sur la disposition stipulant qu'il faut examiner dans quelle mesure chacun des parents est apte à assumer ses responsabilités parentales. Si vous vous reportez à la page 6, à la liste des critères suggérés pour les responsabilités parentales, vous verrez que l'un de ceux-ci consiste à encourager une relation avec l'autre parent, soit:

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois.

Me Ruth Mesbur: Cela revient à encourager une relation avec l'autre parent. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais que vous reconnaissiez avec moi que cela pourrait être précisé aux deux endroits afin d'éviter toute confusion.

Me Ruth Mesbur: Peut-être.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Une question encore et ensuite nous vous redonnerons la parole lors de la deuxième série.

Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord.

Voyons la recommandation 2. Ce texte devrait-il remplacer le paragraphe 16(1) ou s'y rajouter?

• 1615

Me Ruth Mesbur: Il devrait s'y rajouter.

Le sénateur Duncan Jessiman: Bien. Je suis d'accord avec cela. Si vous aviez eu l'intention de remplacer le paragraphe je n'aurais pas été d'accord, mais comme cela c'est bien. Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): J'aimerais avoir une idée de l'ampleur du problème. On a avancé divers chiffres. Lorsque vous dites que les cas qui finissent devant les tribunaux sont rares et espacés dans le temps, quelle proportion des divorces ces cas représentent-ils à votre avis?

Me Heather McKay: Nous avons discuté de cela. Nous hésitons à donner un pourcentage puisque nous n'avons pas de données empiriques. Nous nous basons simplement sur nos connaissances de nos propres cas. Compte tenu de cela, je dirais qu'au moins 90 p. 100 des cas—mais je vous en prie ne me citez pas là-dessus...

Mme Carolyn Bennett: C'est ce que nous avons entendu.

Me Heather McKay: ... font l'objet d'une procédure très courte, parfois simplement d'une demande provisoire, ou d'un jugement sans appel. La plupart des clients se présentent dans notre cabinet et, avec un peu d'expérience en droit de la famille, on peut vraiment les amener à régler l'affaire. Ce n'est que lorsqu'ils ont vraiment beaucoup de difficulté à communiquer entre eux, souvent au sujet du rôle de l'autre parent, que l'on rencontre vraiment de grosses difficultés. Je dirais que les cas donnant lieu à des procès compliqués constituent un pour cent de l'ensemble.

Mme Carolyn Bennett: Combien de divorces y a-t-il au Canada chaque année?

Me Ruth Mesbur: Je n'en ai aucune idée.

Me Eugene Raponi: Aucune idée.

Me Ruth Mesbur: Si cela peut vous aider, madame Bennett, je pourrais vous préciser que je pratique le droit depuis 24 ans. Je suis spécialisée en droit de la famille. Le dernier cas contesté de garde d'enfant que j'ai plaidé en cour remonte à 18 ans. Cela peut vous donner une idée de la rareté de ces cas, et je ne crois pas que mon expérience soit unique.

Mme Carolyn Bennett: On ne cesse de demander davantage de ressources, que ce soit pour financer des tribunaux unifiés de la famille ou pour favoriser une médiation sur place, ou quoi que ce soit. S'il s'agit d'un très petit groupe, non pas que cela doive être une question de ressources, mais croyez-vous qu'un juge puisse vraiment déterminer le meilleur intérêt de l'enfant sans recourir à une sorte de processus d'évaluation formel axé sur l'enfant?

Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on en arrive à des situations hautement conflictuelles, je crois que quelqu'un doit pouvoir représenter les intérêts de l'enfant. A Winnipeg, vendredi, il y avait une équipe de psychologues—il y a toujours deux personnes pour éviter les simples conflits de personnalité—qui évalue la situation et détermine ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Pensez-vous que dans les cas très difficiles, ce genre d'évaluation devrait être obligatoire et prise en charge par le tribunal?

Me Eugene Raponi: J'aimerais répondre à cette question car elle se rapporte à certains commentaires que j'ai faits tout à l'heure. A mon avis dans les cas de conflit important il devrait y avoir quelqu'un qui parle au nom de l'enfant. C'est dans ce genre de situation que devrait intervenir un intercesseur chargé de défendre les droits des enfants.

Rappelez-vous, un intercesseur a une certaine expertise fondée sur sa pratique, mais il a accès également aux ressources appropriées, notamment aux services de psychologues, et peut faire financer une évaluation, une évaluation impartiale, si vous voulez, car le conseiller familial peut choisir, de préférence avec l'accord de toutes les parties, un psychologue qui fera une évaluation de la famille, s'occupera des enfants, s'occupera des parents, et fera ensuite des recommandations. Mais cela n'est pas nécessaire dans tous les cas. Cela dépend vraiment des problèmes à la source de la procédure judiciaire.

Mme Carolyn Bennett: J'ai des réserves. Nous avons reçu le témoignage d'un intercesseur pour les enfants et d'après celle-ci, son rôle consistait avant tout à répéter ce que dit l'enfant. J'aimerais savoir s'il convient parfois d'effectuer une évaluation plus approfondie. Je pense tout particulièrement au cas où un enfant dirait qu'il ne veut pas voir l'un de ses parents. Ne pensez-vous pas que cet enfant aura des problèmes durant le reste de ses jours si nous ne lui donnons pas maintenant l'aide et les conseils nécessaires? Même si en fin de compte il s'agit de la meilleure solution pour l'enfant, celui-ci a besoin d'aide et ne devrions-nous pas être en mesure de la lui fournir?

• 1620

Me Eugene Raponi: Je répondrai tout simplement par oui.

Me Ruth Mesbur: Oui, tout à fait.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais rajouter quelque chose.

Je reconnais qu'il faudrait avoir des ressources, mais tout le monde ne manque pas d'argent, et ceux qui le peuvent devraient payer. Pourquoi les gens de tout le Canada devraient-ils payer pour ceux qui décident de se marier, de se séparer, de divorcer et de se battre? Pourquoi devrions-nous tous payer? Ceux qui ont les moyens devraient payer eux-mêmes, n'est-ce pas?

Me Eugene Raponi: Je suis d'accord avec vous, mais il ne faut pas oublier deux choses. Un procès devant les tribunaux revient extrêmement cher. On a dit que la plupart des avocats ne peuvent retenir le services d'un avocat-conseil, et cela est probablement vrai. D'autre part il y a des coûts qui peuvent être évalués plus tard par la cour. Et pour finir, il y a des situations où les parties en procès ont les moyens et le tribunal peut demander la nomination d'un intercesseur représentant l'enfant dont les frais sont pris en charge par les parties.

Le sénateur Duncan Jessiman: Du moment que ce n'est pas automatique.

Mme Carolyn Bennett: J'ai peur que si l'on demande aux gens de payer, ceux-ci ne prennent de raccourci. Si l'obtention d'une évaluation est optionnelle et que seulement les gens qui ont les moyens y ont recours, d'une certaine manière on aboutira à une inégalité dans l'application de la loi, ou du moins dans la réalisation de l'objectif de la loi, c'est à dire la recherche du meilleur intérêt de l'enfant.

Me Ruth Mesbur: En Ontario nous avons le Bureau de l'avocat des enfants qui, vous le savez peut-être, fait partie du ministère du Procureur général. Le Bureau, qui a un effectif d'avocats et de travailleurs sociaux permanents payés par le gouvernement, a pour mandat d'intervenir dans les cas de garde et de droit de visite contestés lorsque cela est approprié, et de représenter les enfants avec l'aide d'un travailleur social—et cela avec un avocat du bureau ou de l'extérieur—et également de réaliser des évaluations de demande de garde et de droit de visite. Le financement de ce bureau, à mon avis, est insuffisant, mais—j'ai un parti pris parce que je suis de l'Ontario—c'est un excellent modèle qui semble fonctionner extrêmement très bien.

Mme Carolyn Bennett: Pour l'instant il n'a le droit d'accepter que 60 p. 100 des cas qui lui sont référés.

Me Ruth Mesbur: C'est exact. Mais c'est une manière de fournir le genre de service dont vous parlez, madame Bennett, surtout lorsque les parties n'ont pas les moyens de se les payer.

Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous que dans tous les cas de gros conflits, ce bureau particulier devrait intervenir?

Me Ruth Mesbur: Dans le meilleur des mondes possible.

Mme Carolyn Bennett: D'accord.

Quant au groupe qui ne va pas devant les tribunaux, lorsque vous parlez d'«éducation parentale obligatoire», vous incluez ce groupe aussi, n'est-ce pas? Dans les cas où il n'y a pas vraiment de conflit, il faut également avoir de l'aide pour s'assurer que les décisions ou les arrangements pris sont dans le meilleur intérêt de l'enfant, et ces parents ont besoin d'information également.

Me Ruth Mesbur: La plupart des parents ont l'air d'en avoir besoin, même s'ils vont à ces programmes avec réticence... D'après les réactions que j'ai pu recueillir dans d'autres juridictions, c'est un très bon principe. Même si les gens n'ont pas envie de suivre le cours, ils en ressortent en disant: «J'ai vraiment appris quelque chose. Ce programme est une bonne chose».

Me Heather McKay: Nous avons un programme semblable en Alberta. C'est un programme qui avait été mis à l'essai à Edmonton et depuis il a été adopté à Calgary et dans d'autres juridictions, et il est obligatoire. Toute personne qui dépose une demande un divorce où il est question de garde et de droit de visite doit suivre le cours avant de pouvoir soumettre son cas au tribunal. Même dans les cas où il n'y a pas grand litige, les parents doivent suivre le cours. Et je suis d'accord avec Ruth, la réaction a été positive.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): J'aimerais que vous vous reportiez à la page 13 de votre mémoire, au paragraphe intitulé «Exécution des droits d'accès». Vous commencez ainsi:

• 1625

Je me demande si vous pourriez nous fournir des données ou des preuves pour appuyer cette intéressante déclaration, parce que vous mettez ces deux situations ensemble et vous les comparez. Ensuite vous dites que le problème tient davantage au fait que les parents ne se prévalent pas du droit de visite qui leur a été accordé. Lorsque vous mettez les deux choses ensemble, vous parlez d'un problème qui pourrait donner lieu à de nouvelles démarches devant les tribunaux, car c'est certes le cas pour ceux qui, pour leur part, ont du mal à exercer leur droit de visite. C'est en tous cas ce qu'on nous a dit.

J'aimerais simplement avoir quelques preuves de cette déclaration plutôt surprenante.

Me Eugene Raponi: Permettez-moi de commencer. Je passerai ensuite la parole à Me Mesbur, car je sais qu'elle a des choses à dire à ce sujet.

D'après ce que j'ai pu lire à ce sujet, il y a un problème du côté des conjoints qui n'ont pas la garde, des parents qui n'ont pas la garde, qui ont un droit de visite mais qui ne s'en prévalent pas. Dans notre régime démocratique, nous ne forçons pas les gens à exercer leurs droits. Nous n'obligeons pas un parent qui n'a pas la garde de son enfant à lui rendre visite si celui-ci choisit de ne pas lui rendre visite, quels que soient ses droits.

Mais il y a également le cas où—et cela arrive, quoi que rarement à notre avis—le parent qui a la garde refuse systématiquement au parent qui ne l'a pas, de voir son enfant.

Dans les deux cas, c'est l'enfant qui est le perdant. C'est l'enfant qui n'a pas la possibilité d'avoir une relation avec l'autre parent. C'est pourquoi nous estimons qu'il y a un problème dans les deux cas, et faire appliquer l'ordonnance du tribunal dans de telles situations est une affaire très délicate. Vous n'allez pas envoyer un parent en prison. Il est difficile, par exemple, de recourir à la police pour faire appliquer ce genre d'ordonnance.

Voilà donc la difficulté.

Me Ruth Mesbur: Je crois qu'il ne faut pas oublier non plus...

Le sénateur Duncan Jessiman: Je pense que nous tous ici avons lu des choses sur ce sujet, quoi que peut-être pas autant que vous.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): S'agit-il d'une nouvelle question, sénateur?

Le sénateur Duncan Jessiman: Je voudrais seulement connaître votre expérience en la matière. Nous avons lu les textes. Mon Dieu, nous nous renseignons depuis...

Me Ruth Mesbur: D'après mon expérience, le non-exercice d'un droit de visite accordé est un bien plus grand problème que le refus de permettre à un parent de voir son enfant, mais ce qu'il faut savoir, c'est que le résultat pour l'enfant est le même. Si nous voulons donner la priorité à l'enfant, nous devons nous occuper de ce problème.

Comment régler le problème et les raisons pour lesquelles un enfant ne voit pas son autre parent? Pourquoi la relation entre l'enfant et son parent a-t-elle été rompue? Les solutions toutes faites—on envoie la police, on retire le permis de conduire et ainsi de suite—ne règlent pas le problème de fond. Franchement, cela ne répond pas à ce qui doit être notre principal souci, à savoir ce qu'il y a de mieux pour l'enfant.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. J'espère que si.

M. Paul Forseth: Vous dites cela lorsque vous parlez de la notion de droit accordé, mais cela n'est-il pas directement contradictoire avec votre modèle de responsabilité parentale? Vous avez dit que les parents n'ont pas de droit; les enfants en ont. Les parents ont des responsabilités. Maintenant vous parlez du droit de rendre visite. Il y a une incohérence dans ce que vous dites.

Me Ruth Mesbur: Je crois qu'il faut plutôt parler de la responsabilité du parent de voir l'enfant, c'est-à-dire que s'il a été décidé que le parent verra son enfant une fin de semaine sur deux, ou autre chose du genre, et que le parent choisit de ne pas voir son enfant, ce parent n'assume pas sa responsabilité parentale. Il est très difficile, par contre, de trouver un moyen de l'obliger à remplir ses responsabilités. Allez-vous lui envoyer un agent de police qui va l'emmener de force voir son enfant et lui dira «Je t'ordonne d'emmener Johnnie chez McDonald»? C'est ridicule et ça ne règle pas le fond du problème.

M. Paul Forseth: D'accord.

Dans vos recommandations, vous conseillez de ne pas recommander d'autres modifications de la loi en ce qui a trait à l'exécution des droits, or il existe toujours la possibilité de poursuivre pour outrage au tribunal et donc d'imposer une amende ou une peine de prison. Mais apparemment les tribunaux provinciaux ne sont pas d'accord avec cela.

• 1630

Un certain nombre de provinces, dans leurs lois provinciales sur les relations familiales, stipulent clairement que la violation d'une ordonnance du tribunal est une infraction qui peut ensuite être référée à la chambre criminelle. Les Territoires du Nord-Ouest, lorsqu'ils ont proposé leur nouvelle loi à leur législature après avoir examiné la loi actuelle au Canada, je suppose, ont clairement incorporé des clauses spécifiques visant le délit de violation d'une ordonnance.

J'aimerais simplement faire remarquer que vos recommandations ne concordent pas du tout avec ce qu'un certain nombre de provinces ont fait.

Me Eugene Raponi: Rappelez-vous que les tribunaux provinciaux ne peuvent pas faire respecter une ordonnance en invoquant l'outrage au tribunal. Les tribunaux provinciaux sont limités aux outrages qui ont lieu au tribunal alors que les juges nommés en vertu de l'article 96 ont des pouvoirs plus vastes et peuvent invoquer l'outrage au tribunal pour les gens qui ne respecteraient pas les termes d'une ordonnance.

La Colombie-Britannique, par exemple, a prévu une clause visant les délits dans sa Family Relations Act, qui peut être invoquée. Le problème, tout comme dans le cas des tribunaux fédéraux, est de savoir quel juge va réellement décider d'envoyer un parent en prison lorsque, comme c'est généralement le cas, les raisons à la base du refus de donner accès à un enfant ne sont pas claires. Il peut y avoir de nombreuses circonstances qui font que, selon le cas particulier, le refus de permettre à un enfant de voir son autre parent est justifié. Il faut comprendre ces raisons avant de pouvoir intervenir et imposer une sanction.

M. Paul Forseth: Je suppose que c'est justement à cela que servent les actions en justice. Mais il faut avoir des moyens légaux de porter une affaire devant les tribunaux.

L'un des moyens quelque peu subversif utilisé en Colombie-Britannique, consiste à demander, chaque fois qu'une difficulté se présente, à annuler l'ordonnance et à trouver de nouvelles circonstances. Lorsque les circonstances ont suffisamment changé, vous pouvez convaincre un juge de paix de décerner un moyen d'exécution forcée, et de faire délivrer une sommation, du moins par la poste pour commencer. Vous vous retrouvez donc devant les autorités à nouveau, qui peuvent vous orienter vers des séances de conseils, ou si le tribunal dispose de services de travailleurs sociaux, un conseiller peut convoquer les deux parties pour expliquer le problème. C'est une façon d'engager le processus.

Me Eugene Raponi: Je crois que ce dont vous parlez n'est pas un processus arbitraire. Je crois qu'il s'agit du déroulement normal des choses dans des situations où les visites posent un problème.

De manière générale, la première ordonnance ou entente dit que le parent qui n'a pas la garde doit avoir un accès large et raisonnable à son enfant, sans plus de précision. Lorsque tel n'est pas le cas, la demande suivante indique que puisque les visites posent des problèmes, les circonstances ont changé et il faut alors définir les conditions de visite. On retourne alors devant le juge et on demande une ordonnance attributive du droit de visite spécifique. Cela vous permettra ensuite d'invoquer l'outrage au tribunal, car le tribunal a indiqué de façon spécifique quand l'enfant doit être remis à l'autre parent.

M. Paul Forseth: La situation se résume donc à cela. Vous dites qu'il n'est pas nécessaire d'établir un parallélisme entre les lois provinciales et la Loi sur le divorce du fait des différences fondamentales entre les pouvoirs des juges. Généralement ce sont les tribunaux provinciaux qui cherchent à faire appliquer même les ordonnances de la Cour suprême de même que leurs propres ordonnances; d'habitude ce sont les tribunaux provinciaux qui se chargent de la mise à exécution des lois.

Me Eugene Raponi: C'est peut-être le cas, mais je ne vois pas ce que votre comité peut faire pour élargir les pouvoirs d'un juge provincial alors qu'ils sont en quelque sorte déterminés par la Constitution.

M. Paul Forseth: La question est de savoir si en modifiant la Loi sur le divorce on pourrait fournir la même gamme de recours que ceux offerts dans les lois provinciales. Si une loi provinciale fait intervenir un procureur de la Couronne pour réunir les éléments de preuves, tous les recours prévus dans la Loi sur les poursuites sommaires sont disponibles, depuis l'ordonnance d'exécution jusqu'à la restitution de l'indemnisation et la supervision par un agent de probation ou autre personne désignée par le juge, par exemple le prêtre qui pourrait assurer cette surveillance sous la direction du tribunal.

• 1635

Me Eugene Raponi: Mais les pouvoirs d'un juge fédéral comprennent tout cela. Ce que vous pourriez faire, c'est suggérer que ce soit le bureau du procureur qui s'occupe d'intenter les démarches pour outrage au tribunal de sorte que ce ne soit pas la partie qui en assume les coûts. Mais le fait est que les pouvoirs sont là. Le tribunal fédéral peut adapter le recours approprié à une situation donnée.

M. Paul Forseth: Je ne pensais pas que tous ces recours étaient disponibles dans un procès pour outrage au tribunal à la Cour suprême. Ce n'est pas ce que j'ai compris.

Me Ruth Mesbur: Ils le sont.

Me Eugene Raponi: Ils le sont.

M. Paul Forseth: Mais dans une affaire d'outrage au tribunal jugée par la Cour suprême, les seules options sont l'amende ou la prison. C'est ainsi.

Me Eugene Raponi: Les tribunaux relevant de l'article 96, qui sont des tribunaux d'origine, ont une compétence parens patriae. Ils peuvent créer toute solution susceptible d'être mise en application.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons passer la parole au sénateur Jessiman à présent.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites dans votre mémoire que dans les rares cas où un parent s'oppose au droit de visite accordé et où le problème ne peut se régler par la médiation ou l'éducation, il est possible d'intenter des poursuites pour outrage au tribunal ou de faire modifier les ententes relatives à la garde.

D'après ce que nous avons entendu, je pense que—et j'aimerais que vous me disiez si vous êtes d'accord avec moi ou non—il arrive un moment où cela devrait être automatique. Je ne dis pas dès la première fois, mais si une personne persiste, sans bonne raison, non pas 42 fois ou je ne sais plus combien de fois il a fallu que la chose se reproduise en Ontario avant de pouvoir faire condamner une personne pour outrage au tribunal et la faire mettre en prison —encore que je ne pense pas que ce soit la solution—mais après un certain nombre de refus de respecter un droit de visite accordé, ne faudrait-il pas simplement automatiquement modifier le droit de garde?

En supposant que les deux parents sont en mesure de s'occuper de l'enfant, il arrive un moment où, si l'autre parent... Car notre système particulier ayant tendance a mettre les deux parties en opposition, la personne qui se voit confier la garde a l'impression d'avoir gagné quelque chose, et cela n'est pas juste. Si une personne persiste sciemment à ne pas permettre à une personne compétente pour s'occuper d'un enfant de voir celui-ci, le changement ne devrait-il pas être automatique?

Me Ruth Mesbur: Comment cela peut-il être automatiquement dans le meilleur intérêt de l'enfant?

Le sénateur Duncan Jessiman: Cela est toujours laissé à la discrétion du juge, bien sûr, mais si nous pouvions mettre dans la loi quelque chose dans ce sens... Pour reprendre vos propres mots, si le processus normal a été suivi, et qu'il n'a pas fonctionné, et qu'un parent continue à empêcher l'autre de voir son enfant, il continuera à l'en empêcher. S'il sait, comme tout le monde le sait... tout le monde dans ce comité en tous cas est au courant. Partout où nous allons on nous parle de ce cas où il a fallu attendre 42 outrages au tribunal avant que le tribunal ne prenne des mesures. Je veux dire que si nous avions quelque chose dans la loi et que les gens savaient que le juge a ce pouvoir, si la loi encourageait les juges à exercer ce pouvoir...

Me Heather McKay: J'aimerais répondre à cela, rapidement, si vous le permettez.

Tout d'abord, ce genre de cas, comme nous l'avons déjà signalé, sont rares et espacés dans le temps, et affreux lorsqu'ils surviennent. Mais nous sommes d'avis qu'il ne faut pas légiférer en fonction de ce type de situation puisqu'elle ne constitue pas la norme. Si nous nous mettions à modifier la Loi sur le divorce en visant les cas les plus difficiles, nous apporterions des modifications qui ne seraient pas dans l'avantage de tous les gens qui réussissent à s'entendre.

Ensuite, si nous en revenons à notre principe de départ—à savoir qu'un parent qui choisit de ne pas se prévaloir de son droit de visite cause autant de tort à un enfant que celui qui refuse de respecter le droit de visite de l'autre parent—il semble très injuste de présumer de la situation et de vouloir modifier automatiquement le droit de garde en faveur du parent à qui on nie l'accès à son enfant, sans prévoir un recours pour le parent gardien qui doit élever l'enfant tout seul.

Donc, ce n'est peut-être pas la meilleure solution au monde, mais ce que nous pouvons faire de mieux est de laisser aux juges le soin de décider, dans ces circonstances—et nos juges ont généralement une grande expérience—ce qu'il faut faire dans le meilleur intérêt de l'enfant, sans présomption ni modification automatique du droit de garde.

Il arrive que les juges retirent la garde d'un enfant pour la confier à l'autre parent. Les outrages au tribunal constatés par les juges sont courants.

• 1640

Le sénateur Duncan Jessiman: En fait, vous dites que les juges ont ce pouvoir actuellement et qu'il faut les laisser se servir du pouvoir qu'ils ont déjà.

Me Heather McKay: C'est exact. Et la plupart des juges, selon mon expérience, les juges nommés en vertu de l'article 96—et je suis sûre que nous sommes tous d'accord—font tout leur possible pour agir dans le meilleur intérêt de l'enfant. Les situations où il faut attendre 46 fois ne sont pas la norme.

Le sénateur Duncan Jessiman: Revenons aux droits des grands-parents, car de nombreux grands-parents sont venus témoigner dans tout le pays. Vous dites, à la page 9, «il n'existe aucune justification rationnelle à conférer cette discrétion aux parents de familles intactes», dans ce sens que lorsque vous êtes mariés et que vous avez des enfants, les grands-parents ne peuvent venir et exiger de voir leurs petits-enfants. C'est vrai.

Ce que vous n'avez pas prévu, c'est le cas où l'un des parents décède et l'autre parent se remarie. C'est de cela que les gens se plaignent—les grands-parents devraient quand même être privilégiés par rapport à toute autre personne pour maintenir des relations avec l'enfant. J'estime que vous pourriez au moins recommander, en ce qui concerne les grands-parents—et on pourrait aller plus loin que les grands-parents, mais restons-en aux grands-parents pour l'instant—qu'ils ne soient pas obligés de demander une autorisation spéciale au tribunal pour solliciter un droit de visite.

Vous faites remarquer dans votre mémoire qu'ils peuvent présenter une demande d'accès puisqu'ils relèvent du paragraphe 16(1) de la Loi sur le divorce, comme toute autre personne, mais que contrairement au conjoint, ceux-ci ont besoin d'une autorisation spéciale du tribunal. Je crois qu'il faudrait prévoir que toute personne autre que le conjoint ou les grands-parents devrait être tenue d'obtenir une autorisation spéciale afin que vous n'ayez pas trop de demandes. Mais les grands-parents ne devraient quand même pas avoir à demander d'abord une autorisation et ensuite un droit de visite.

Nous avons eu des témoignages déchirants, et c'étaient tous des cas réels. Je ne parle pas de situations décrites dans les livres. Il s'agit de gens qui se sont occupés de leurs petits-enfants pratiquement depuis la naissance. Et puis malheureusement un des conjoints décède et l'autre se remarie et refuse aux grands-parents le droit de voir ses enfants.

Tout ce que je suggère, c'est que l'Association du Barreau dise que, dans ces circonstances, les grands-parents ne devraient peut-être pas être obligés d'obtenir une autorisation du tribunal.

Me Eugene Raponi: J'aimerais répondre en précisant, tout d'abord, qu'en tant que parent je suis tout à fait en faveur de la présence des grands-parents dans la vie de leurs petits-enfants. C'est une excellente chose.

En tant qu'avocat spécialiste du droit de la famille, je sais que les grands-parents sont nettement mieux placés que le voisin pour obtenir une ordonnance attributive de droit de visite spécifique. En gros, ce que nous disons, c'est que les grands-parents ne devraient pas participer au processus judiciaire—que l'accès des grands-parents devrait se faire par l'intermédiaire des parents, comme cela se fait généralement dans les familles intactes et dans les familles séparées.

Le fait est qu'il existe actuellement un recours dans la Loi sur le divorce. Vous avez tout à fait raison, il s'agit d'un recours en deux étapes, mais dans la pratique, la première ne pose généralement pas de difficulté. En fait, les deux peuvent s'effectuer dans une seule demande.

Qui plus est, la plupart des lois provinciales, si je comprends bien, prévoient ce recours de droit. En Ontario et en Colombie-Britannique, par exemple, et je suis sûr que c'est le cas dans d'autres provinces également, la législation permet à quiconque, y compris les grands-parents, d'engager une procédure, de droit, pour obtenir un droit de visite.

De toute évidence, comme je l'ai dit tout à l'heure, le grand-parent est nettement mieux placé pour obtenir cette ordonnance dans les circonstances que vous avez décrites que quelqu'un qui serait moins proche de l'enfant.

Le sénateur Duncan Jessiman: Si tel est le cas, il ne devrait pas y avoir de problème. Pourquoi la loi fédérale devrait-elle être plus restrictive en ce qui concerne les grands-parents? Il suffirait de changer légèrement le paragraphe (1) ou (3) pour préciser une personne autre que le conjoint ou le parent d'un conjoint.

M Eugene Raponi: Notre souci, ainsi que nous le précisons dans notre mémoire, est de limiter autant que possible le nombre d'intervenants de plein droit dans les affaires de divorce et de questions concernant les enfants, car plus il y a de chefs, plus on risque de gâcher la sauce. Voilà ce qui nous inquiète.

• 1645

Et si vous donnez aux grands-parents des droits particuliers, cela veut-il dire qu'ils acquièrent en même temps des responsabilités particulières? En d'autres mots, si l'on estime que les grands-parents ont un statut particulier et méritent des droits particuliers, cela pourrait-il signifier que s'ils ont les moyens, il faudrait leur demander de verser une pension alimentaire pour les enfants? Rappelez-vous, une démarche fondée sur les droits est contraire au principe de base selon lequel les intérêts des enfants sont primordiaux. Dès lors que vous commencez à parler des droits des autres parties, il y a conflit, contradiction dans les termes utilisés.

Le sénateur Duncan Jessiman: De toutes façons, nous n'allons pas...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je voulais juste poser une question rapide à propos de la violence. On nous dit souvent que les pratiques de règlement extrajudiciaires des conflits ne fonctionnent pas lorsqu'il y a eu des actes de violence dans une relation. Comment pensez-vous que ces cas pourraient être mis à part et orientés vers une voie différente?

Me Heather McKay: Bon nombre d'entre nous, en tant qu'avocats spécialistes du droit de la famille, avons eu affaire à des situations de violence familiale, qu'il s'agisse de violence physique ou verbale. En tant qu'avocats, nous sommes tous trois également amenés à intervenir comme médiateurs. J'estime que nous utilisons également ces compétences lorsque nous conseillons nos clients.

Je ne crois pas qu'il y ait une solution particulière, sinon que lorsque votre client est dans votre cabinet, il a le droit de choisir la médiation. Cela peut se faire sans placer les deux personnes dans la même pièce. Il y a la méthode du caucus. J'organise souvent avec mes clients des réunions à quatre afin qu'ils se sentent en contrôle, mais vous ne pouvez pas ensuite leur enlever ce contrôle en leur refusant de décider eux-mêmes comment régler la situation.

Voilà une partie du problème. C'est ainsi que j'essaie d'y répondre. Peut-être maître Mesbur a-t-elle d'autres solutions à proposer.

Me Ruth Mesbur: Souvent lorsque les gens parlent de règlement extrajudiciaire des conflits, ils pensent à la médiation, mais ce n'est pas seulement cela. Ce peut être n'importe quelle façon de régler sans que la décision finale ne soit prise par un tribunal.

Il y a d'autres méthodes de règlement extrajudiciaire qui peuvent servir dans les situations où il y a violence, comme l'a indiqué Heather, avec la participation de l'avocat. On peut recourir à une conférence préparatoire ou à une intervention judiciaire lorsqu'une séance de règlement a lieu avec un juge, ce qui donne une protection supplémentaire à la personne qui se sent désavantagée, impuissante ou menacée par le comportement violent du conjoint. Il y a bien des méthodes pour trouver une solution sans aller jusqu'au procès, si vous voulez, qui permettent de protéger quelqu'un qui aurait subi des actes de violence au sein de sa famille. C'est encore une fois une question de ressources. On en revient toujours à une question d'argent.

Mme Carolyn Bennett: On n'a cessé de nous répéter qu'en cas de violence, la médiation n'est pas une solution appropriée. Point à la ligne.

Me Ruth Mesbur: La médiation n'est peut-être pas appropriée—et ce terme prête à beaucoup de confusion—si par là on entend que deux parties se réunissent seules avec un médiateur qui les aide à trouver elles-mêmes une solution. Dans les cas de violence familiale ce type de solution peut ne pas convenir. Mais il existe de nombreuses autres méthodes de résolution du conflit qui garantiront une protection suffisante au conjoint qui a été victime de violence.

Mme Carolyn Bennett: Ce que j'espère, je suppose, c'est que vous aidiez notre comité à comprendre le vocabulaire utilisé et peut-être nous rédiger une phrase ou deux pour clarifier votre opinion à ce sujet, parce que ce continuum entre la conciliation, le règlement extrajudiciaire, le caucus, etc... Vous savez, il y a un...

Me Ruth Mesbur: D'accord. Règlement extrajudiciaire est un terme général...

Mme Carolyn Bennett: Je vois.

Me Ruth Mesbur: ... et toutes ces autres choses sont des sous-catégories du règlement extrajudiciaire. Il y a l'arbitrage. En Ontario il existe ce que l'on appelle des agents de résolution des conflits. J'en suis un. Nous sommes tous des praticiens du droit de la famille expérimentés et allons bénévolement en cour un jour par mois, à Toronto, pour rencontrer des gens qui demandent à faire modifier les jugements rendus à propos de leur divorce, afin de voir si nous pouvons les aider à trouver une solution. Cette démarche s'adresse aux parties en cause et à leurs avocats, par exemple. Il y a des conférences préparatoires.

• 1650

Je crois savoir qu'en Alberta il existe des officiers de justice de règlement des conflits, et ce sont les juges qui effectuent ce genre de travail.

Il y a la méthode la plus simple de toutes: la négociation. La bonne vieille négociation, soit à la maison, soit entre avocats, constitue une sous-catégorie des pratiques de règlement extrajudiciaire. Je crois qu'il est bien plus utile de parler de règlement extrajudiciaire des conflits dans sa globalité, si vous voulez, que de se limiter à la médiation. Ce terme a pris une connotation tendancieuse dans le domaine du droit familial à cause des problèmes liés à l'inégalité des pouvoirs des parties en présence et à la violence, et je pense que l'on peut échapper à tout cela en évitant de se concentrer sur une méthode de règlement extrajudiciaire à l'exclusion des autres.

Je ne sais pas si cela vous aide vraiment.

Mme Carolyn Bennett: Je crois que l'une des difficultés tient au fait que les gens assimilent la médiation au règlement extrajudiciaire, et c'est tout...

Me Ruth Mesbur: C'est exact.

Mme Carolyn Bennett: ... et ils disent ensuite tout simplement que la médiation est une méthode qui ne convient jamais. Mais ils oublient qu'il y a bien d'autres façons de s'y prendre.

Me Ruth Mesbur: Oui, tout à fait.

Mme Carolyn Bennett: ... à cause de l'inégalité des forces en présence et autres choses du genre. Il nous faut donc faire le ménage dans tout cela et ne pas assimiler la médiation au règlement extrajudiciaire et rejeter le tout.

Me Ruth Mesbur: Ça fait partie du processus d'éducation. L'Ontario est en train de mettre en oeuvre des séances d'information obligatoires pour les parents, semblables à ce qui se fait en Alberta.

L'élément central du programme est une production vidéo qui fait parler des juges, des avocats, des médiateurs, des enfants, des mères et des pères qui décrivent leurs expériences, et qui sera présentée conjointement par des avocats et des travailleurs sociaux, qui expliqueront le processus, les besoins des enfants et les solutions de remplacement. On espère pouvoir informer les gens, avant même qu'ils ne soient terriblement absorbés par une action en justice, sur les méthodes de règlement extrajudiciaire à leur disposition, non pas simplement la médiation, mais la négociation, les séances de règlement, toutes ces choses-là.

Mme Carolyn Bennett: Puisque le terme de «médiation» pose un problème, serait-il possible que vous élaboriez un processus qui serait une pratique de règlement extrajudiciaire et que les groupes en conflit accepteraient et jugeraient sûr et pratique même dans les cas où il y a des antécédents de comportement violent?

La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Disons que l'on retient le règlement extrajudiciaire et que l'on s'interroge ensuite pour savoir quel serait le meilleur des deux mondes? Cela pourrait-il vous aider?

Me Ruth Mesbur: C'est avant tout une question de choix et je crois que ce que nous voulons dire dans bien des cas, c'est que plus le système est souple et plus les choix disponibles à ceux qui devront décider sont nombreux... Que la décision soit prise par les parties elles-mêmes, chez elles ou avec l'assistance d'un médiateur, d'un arbitre, d'un avocat ou, dans les cas les plus malheureux, d'un juge, les choix offerts devraient être le plus larges possibles afin de faciliter cette prise de décision.

Me Heather McKay: Je ne crois pas qu'il serait nécessaire ni souhaitable de chercher à concevoir une démarche pour les gens qui sont victimes de violence. Je crois que ces personnes ont tout simplement besoin d'avoir un choix. Si elles choisissent de se soumettre à une médiation en présence de leur avocat, c'est une possibilité à envisager.

Nous tous, ainsi que tous les membres de notre direction, et la plupart des avocats spécialistes du droit de la famille que je connais, nous nous efforçons de présenter à tous nos clients, que ceux-ci aient été victimes de violence familiale ou non, toutes les options disponibles. Une fois que l'on connaît mieux son ou sa cliente, on peut l'aider de nombreuses façons: en l'adressant à un psychologue qui lui donnera des conseils; en l'aidant à comprendre le processus; en organisant des réunions à quatre avec l'autre avocat et son client pour le mettre à l'aise; ou simplement, dans certaines circonstances, en allant en cour pour obtenir une ordonnance qui le protégera si la violence est de cette nature.

J'estime donc qu'en tant qu'avocats et en tant qu'intervenants dans le système judiciaire, il faut pouvoir disposer de toute la gamme des possibilités, et que les juges ont besoin de toute la souplesse possible pour émettre les ordonnances nécessaires.

• 1655

Mme Carolyn Bennett: Mais vraiment, c'est le terme «obligatoire» qui dérange les gens lorsqu'on dit que tout le monde devrait se soumettre à une médiation obligatoire. Est-ce bien le terme qui dérange?

Me Heather McKay: Je le crois. Mais il y a un autre point sur lequel j'aimerais attirer votre attention toutefois. Certaines provinces ont rendu la médiation obligatoire. Mais il est très difficile d'imposer une médiation lorsque les deux parties ne sont pas d'accord pour se présenter et discuter.

Il vaut mieux parfois imposer un processus de conciliation dans lequel chaque personne s'adresse à un médiateur formé ou toute autre personne formée pour recevoir de l'information. Ce qui nous ramène à la clause sur les responsabilités parentales et sur l'éducation parentale. Nous pensons que cela pourrait être utile.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais simplement savoir quand nous pourrons voir cette production vidéo.

Me Ruth Mesbur: J'ai vu la première version brute et elle est superbe. Il est intéressant de noter que cette vidéo a été faite par des volontaires en Ontario. Encore une fois, il s'agissait d'avocats, de médiateurs, de juges et des parties elles-mêmes. Chacun jouait son rôle. Le résultat est formidable. La réalisation a été confiée à des professionnels. Divers groupes d'intérêt ont vu la vidéo et tous ont fait des compliments. Son contenu est très fort et très émouvant.

Je crois—j'ai manqué une réunion ce matin afin de pouvoir me présenter devant vous—que l'on est en train de demander l'autorisation de la diffuser au bureau du premier ministre, car elle a été partiellement financée par le ministère du Procureur général. Elle devrait être disponible d'ici le 1er juillet. J'espère que vous aurez l'occasion de la voir.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci, Madame la présidente.

Mme Bennett a pris certaines des questions que j'allais poser. J'aimerais faire un commentaire tout d'abord.

Je trouve que l'éducation parentale obligatoire est une excellente recommandation. Je dirais même qu'il faudrait commencer en première année pour tout le monde, enfants et adultes. J'appuie donc tout à fait cette recommandation. Je pense que ce sera très utile. Félicitations au gouvernement de l'Alberta.

Lorsque vous parlez d'un programme d'information financé par des fonds gouvernementaux, pensez-vous au gouvernement fédéral ou provincial, puisque l'éducation relève de la compétence des provinces?

Me Heather McKay: Je crois que ce que nous voulons dire, c'est que nous aimerions avoir un financement du gouvernement fédéral pour mettre en oeuvre toutes ces propositions car elles relèvent de la Loi sur le divorce également. Bien sûr il y a toujours le problème de la juridiction, mais si le gouvernement fédéral peut économiser de l'argent à long terme en ayant moins de poursuites judiciaires, moins de cas à régler en cour, en fin de compte tout le monde en profitera, les enfants en particulier.

Me Eugene Raponi: J'estime qu'en tant qu'avocats nous sommes conscients des difficultés qui existent dans un état fédéral qui comporte différents niveaux de gouvernements avec des pouvoirs différents et ainsi de suite, mais le fait est que le nouveau régime fiscal est censé nous faire faire des économies, et cet argent devrait être remis dans le système de manière à aider les enfants et les parents.

Mme Eleni Bakopanos: Vous ne parlez pas d'informer les juges dans votre mémoire. Si vous avez mentionné la chose dans votre présentation orale, je n'étais pas là, pardon. Vous avez dit que vous voulez former le public, les parents et les agents de police, mais pas les juges. Vous ai-je mal compris?

Me Eugene Raponi: Dans notre mémoire précédent, nous avons traité de ce sujet spécifiquement. Ce mémoire continue de constituer la politique de notre groupe, et bien entendu nous ne voulons pas exclure les juges.

Mme Eleni Bakopanos: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue ici aujourd'hui, et m'excuser d'être arrivée en retard. Je n'avais encore jamais entendu parler de pneu crevé dans le cas des avions, mais c'est pourtant ce qui est arrivé au mien.

Je ne sais pas si vous avez déterminé dans vos délibérations à quel âge il faudrait commencer à tenir compte des souhaits d'un enfant. Je sais bien que les enfants ne peuvent prendre de décision puisqu'ils sont mineurs dans la plupart des cas, mais ils peuvent avoir une influence en exprimant leurs sentiments. A partir de quel âge faut-il vraiment commencer à prendre leurs souhaits en considération?

Me Ruth Mesbur: Notre proposition dit que, pour déterminer le meilleur intérêt de l'enfant, il convient de tenir compte de ses souhaits lorsqu'il est possible d'être raisonnablement sûr de leur authenticité. Bien sûr cela est impossible dans le cas d'un enfant d'un ou deux ans. Nous ne suggérons pas de faire interroger les enfants par un juge, mais par des intercesseurs pour enfants, et en Ontario le Bureau de l'avocat des enfants a un personnel qui sait très bien comment discuter avec des enfants relativement jeunes.

• 1700

On ne leur demande pas ce qu'ils veulent. On essaie plutôt de connaître leurs sentiments et leurs désirs en ce qui concerne leur relation avec les deux parents. Je ne crois donc pas que l'on puisse dire que c'est à partir de tel ou tel âge, mais on peut utiliser des méthodes qui permettent d'obtenir des informations appropriées selon l'âge des enfants.

La sénatrice Mabel DeWare: Nous avons eu un témoignage intéressant. Une jeune fille s'est présentée devant notre comité pour nous dire qu'à l'âge de 12 ans, elle se sentait prête à prendre ses décisions. Elle espérait que quelqu'un voudrait bien l'écouter.

Me Ruth Mesbur: Parfois les enfants sont prêts; mais dans certains cas ils ne seront jamais prêts à prendre des décisions.

La sénatrice Mabel DeWare: Je suppose qu'ils discutent pour savoir s'ils doivent vraiment aller vivre avec un parent lorsqu'ils n'en ont vraiment pas envie. C'est ce genre de décisions qui les inquiètent.

Est-ce lorsque vous vous heurtez à un problème vraiment sérieux parce que deux personnes n'arrivent pas du tout à s'entendre et ne tiennent pas compte des droits de l'enfant qu'intervient un intercesseur chargé de défendre le cas de l'enfant et rappeler au juge qu'il s'agit d'une situation où il faudrait vraiment penser à ses droits?

Me Eugene Raponi: Oui. C'est le genre de situation où je suis intervenu, comme bien d'autres défenseurs des droits des enfants. Encore une fois, comme l'a dit Me Mesbur, il ne s'agit pas de confier la décision finale à l'enfant, selon l'âge ou la maturité de ce dernier, mais il faut permettre à l'enfant de donner son avis. Ainsi, en parlant avec l'enfant et avec d'autres personnes, on peut comprendre et défendre son meilleur intérêt.

La sénatrice Mabel DeWare: Je crois que c'est important.

Merci, Madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): M. Forseth, vous avez une autre question?

M. Paul Forseth: Dans votre mémoire, page 15, vous dites ceci:

J'ai l'impression que notre police sait déjà très bien comment s'y prendre pour intervenir dans les cas de violence conjugale ou autres situations au sein des ménages. Ne serait-il pas utile d'avoir une législation pour permettre à la police, à de rares occasions, de se présenter à la demande du tribunal—il y aurait donc une nouvelle procédure judiciaire—pour préserver la paix au moment où un parent essaie de se prévaloir de son droit de visite? Pour l'instant on ne peut qu'invoquer les dispositions visant l'outrage au tribunal en général.

Vous vous référez peut-être à des situations auxquelles je ne songe même pas lorsque vous dites que la police devrait intervenir et faire respecter un droit de visite. Je ne vois pas comment un agent de police pourrait s'y prendre. Mais ne faudrait-il pas une législation pour servir de base à la démarche dont vous parlez dans votre paragraphe?

Me Eugene Raponi: Ce que nous disons dans ces commentaires et recommandations, c'est que la police devrait intervenir dans des situations mettant en cause des enfants. Pour assurer la protection des enfants par exemple—et cela est nécessaire bien plus souvent qu'on ne pourrait le penser sans doute. Lorsqu'un travailleur social doit chercher un enfant dans des circonstances où il est certain qu'il se heurtera à des difficultés, celui-ci pourra se faire accompagner par un agent de police qui sera là pour l'aider dans les circonstances dont vous parlez.

Nous suggérons que dans de tels cas, les agents de police devraient avoir une formation spéciale et qu'il conviendrait de créer des unités spéciales qui auront une bonne compréhension de ce que vit l'enfant.

La Convention de La Hague, par exemple, prévoit qu'en cas d'enlèvement un enfant doit être repris et remis au parent qui en avait la garde. Normalement, dans ce genre de situation, la police prête son assistance.

• 1705

Ce que nous disons, c'est que puisque nous savons que ce genre de situation se produit, nous devrions avoir des agents de police spécialement entraînés pour cette fonction. Nous disons également que cette démarche est rarement souhaitable pour faire respecter un droit de garde, mais qu'il peut néanmoins arriver qu'elle le soit, et qu'il faudrait alors avoir recours à ces mêmes personnes spécialement formées pour bien comprendre ce qui se passe.

M. Paul Forseth: D'accord. Mais ma question est de savoir s'il ne faudrait pas prévoir ce genre de situation dans la loi plutôt que de se contenter d'invoquer l'outrage au tribunal.

Me Heather McKay: Les juges nommés en vertu de l'article 96 ont le pouvoir d'inclure dans une ordonnance du tribunal une disposition—je l'ai déjà fait—selon laquelle un agent de police doit aider à faire respecter le droit de visite. Le cas est rare, mais j'ai entendu parler de gens qui s'étaient présentés à la police avec leur ordonnance du tribunal pour demander à un agent de les accompagner et la police a accepté. Je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de faire respecter un droit d'accès, mais cela s'est fait et le tribunal a la compétence voulue pour l'imposer. La police peut faire respecter une ordonnance de tribunal.

M. Paul Forseth: Dans le cas que vous décrivez, on a un plaignant qui dit, au fond, qu'une infraction pourrait avoir lieu. C'est souvent au moment où une personne frappe à la porte en faisant valoir son droit de visite que risque de se produire une autre infraction au Code criminel. Au moment où la porte s'ouvre, elle risque d'être agressée ou autre chose du genre.

Me Eugene Raponi: Le tribunal peut—il le fait souvent dans les cas d'injonction restrictive par exemple—charger spécifiquement la police de faire respecter le droit de visite sommairement. Cela peut se faire et se fait régulièrement.

Nous disons qu'il ne faudrait pas faire appel à n'importe quel agent de police dans ce genre de situation; il faudrait faire intervenir les agents de police qui auront eu une formation spécialisée.

Me Heather McKay: Il est très traumatisant pour un enfant d'être accueilli à la porte de son domicile par un agent de police dans n'importe quelles circonstances, et c'est pourquoi nous recommandons de donner à ces agents une formation spécifique. Je sais que la ville de Calgary a créé une division spéciale au sein de sa police municipale pour s'occuper des affaires de violence en milieu familial, et celle-ci reçoit une formation particulière.

M. Paul Forseth: D'accord. Vous nous présentez toutes sortes de scénarios, mais ma question demeure: ne faudrait-il pas prévoir dans la Loi sur le divorce la gamme des moyens à la disposition du tribunal? Cela vaudrait mieux que de se contenter du pouvoir non stipulé du tribunal de recourir aux dispositions visant l'outrage au tribunal en général, ce qui constitue une situation aléatoire qui dépend du juge auquel vous avez affaire.

Me Eugene Raponi: Nous ne sommes pas de cet avis. Nous estimons qu'il s'agit de recours extraordinaires, qui ne sont utilisés que lorsqu'une demande en ce sens a été présentée au tribunal. Tous les juges fédéraux connaissent leurs compétences et nous ne voyons pas l'intérêt de les énumérer dans la loi.

M. Paul Forseth: Mais la loi a pour objet de donner un signal et de permettre aux personnes concernées d'assurer la paix et l'ordre de la communauté. C'est pourquoi nous avons un Code criminel et toutes les autres lois. Nous les avons à cause du message qu'ils donnent à la communauté.

Me Heather McKay: Non, je ne crois pas qu'il faille nous préoccuper du genre de signal que nous voulons donner. Nous ne recommandons pas laisser entendre que toute personne qui refuserait de respecter un droit de visite risque d'atterrir en prison, et nous n'avons ni l'intention, ni le désir—nous ne pouvons faire cela—de prévoir dans la loi le cas des nombreux parents qui ne se prévalent pas des droits de visite qui leur ont été accordé.

Je crois que cela nous ramène à notre prémisse de tout à l'heure. Il semble plutôt injuste de laisser entendre que si vous ne faites pas exactement ce qui est dit dans l'ordonnance, vous allez vous retrouver en prison, mais seulement si vous êtes le parent qui refuse l'accès à l'autre. Vous n'avez rien dans la loi qui permette d'obliger le parent qui ne se prévaut pas de son droit de visite à le faire, ce qui, comme nous l'avons dit précédemment, est tout aussi dramatique pour l'enfant. Nous pensons qu'il vaut mieux donner au juge toute la latitude nécessaire pour déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

M. Paul Forseth: C'est un argument qui tourne en rond, et nous voilà revenu à ce qui constitue le «meilleur intérêt de l'enfant». Je m'arrête là pour l'instant.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Y a-t-il d'autres questions? Sénateur Jessiman, avez-vous une autre question?

• 1710

Me John Hoyles: A titre d'information, mes trois collègues ont planifié leur journée en pensant que le comité allait conclure sa séance à 17 h 30, et ils ont des avions à prendre. Nous sommes entre vos mains, mais comme ils sont là à titre bénévole, je ne veux pas qu'ils me reprochent ensuite d'avoir manqué leur avion.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Le sénateur Duncan Jessiman: Dans la recommandation 3, page 13, suggérez-vous à notre comité, puisque nous nous penchons sur la Loi sur le divorce, que nous mettions quelque chose dans la loi dans ce sens? Vous dites «que les conjoints en instance de séparation soient obligés de suivre un programme d'éducation financé par le gouvernement avant de pouvoir entamer...».

Je pense que nous sommes tous d'accords, mais où ajoutons-nous cela? Nous recommandez-vous d'inclure quelque chose du genre dans la Loi sur le divorce?

Me Eugene Raponi: Je pense que cela dépasse notre domaine de compétence, mais il me semble que vous n'avez pas besoin de mettre cela dans la loi. C'est une question de pratique. Cela relève probablement de la compétence des provinces, et tout dépend comment l'accès à la justice est administré. S'il est stipulé dans un document quel qu'il soit qu'avant de présenter une demande de divorce, par exemple, les parents doivent assister à un cours d'éducation parentale, sauf dans des cas extrêmes, vous n'avez pas besoin de modifier la loi pour cela.

Le sénateur Duncan Jessiman: Comment faisons-nous? Vous dites que c'est...

Me Eugene Raponi: Vous reconnaissez que cela est important et vous recommandez que cela soit fait. Je crois que dans votre recommandation—je peux me tromper toutefois—vous n'aurez pas besoin de préconiser une modification de la loi. Vous pouvez aller au-delà de cela, en ce qui concerne les programmes et autres mesures—en recommandant que les divers paliers de gouvernement dégagent des ressources et fassent les démarches nécessaires pour garantir la prise en compte du meilleur intérêt des enfants.

Le sénateur Duncan Jessiman: C'est ce que nous allons faire.

À la page 14, vous citez des données qu'il faudra m'expliquer. On parle de droits d'accès et de l'exécution de ces droits, et vous dites que ce problème n'est pas aussi fréquent que le non-paiement des pensions alimentaires. Vous dites, à la dernière phrase du premier paragraphe:

C'est un ratio de moins de 1 pour 6. Affirmez-vous que parmi tous les gens divorcés au Manitoba, 85 personnes sur 100 ne paient pas? J'ai du mal à croire cela.

Me Eugene Raponi: Ces données proviennent... Tout d'abord, elles sont tirées d'un article dont nous nous sommes servis, mais l'un des membres de la direction nationale connaissait personnellement la question. Je crois savoir que les données venaient d'un programme mis en oeuvre au Manitoba pour aider les parties à faire respecter à la fois les droits et les responsabilités de l'ex-conjoint. Ils ont eu à appliquer ce programme dans des proportions de 85 et 15 p. 100, et ils ont fini par supprimer la partie du programme qui visait à faire respecter les droits de visite, car elle était sous-utilisée.

Le sénateur Duncan Jessiman: Expliquez-moi. Y a-t-il 85 personnes sur 100 qui ne versent pas la pension alimentaire et 15 personnes sur cent à qui ont refuse d'utiliser le droit de visite qui leur a été accordé? J'aimerais que vous me disiez si c'est bien ce que vous affirmez, car alors j'aurais une autre question à vous poser.

Me Eugene Raponi: Je ne crois pas pouvoir répondre à cela.

Le sénateur Duncan Jessiman: Permettez-moi de continuer. Disons que je comprends comme il faut. On me dit qu'il y a 70 000 divorces par an. Si dans 15 p. 100 de ces cas—et je n'affirme rien, mais c'est ce que vous dites—on refuse aux parents de voir leurs enfants, cela fait 10 500 cas de refus d'exécution des droits de visite par an. Si vous pensez que cela ne constitue pas un nombre important, moi si. Aussi faudrait-il obtenir ces chiffres. Si 85 p. 100 des gens ne versent pas leur pension alimentaire et 15 p. 100 ne permettent pas de voir leurs enfants, nous avons 10 500 cas de refus d'accès chaque année, ce qui me semble épouvantable.

• 1715

Me Eugene Raponi: Sénateur Jessiman, je crois que vous soulevez un problème dont nous avons parlé précédemment et qui me semble très important. Il nous faudra déterminer de façon objective et scientifique la nature précise du problème.

D'après ce que j'avais compris il ne s'agissait pas de 15 p. 100 de tous les divorces qui donnaient lieu à des problèmes de refus de droit de visite, mais plutôt 15 p. 100 des cas dont le programme manitobain s'est occupé. Quoi qu'il en soit, il me semble que l'on ne peut émettre de recommandations à l'égard d'un problème sans savoir exactement de quoi il s'agit.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je suis d'accord avec vous. Je ne fais que me servir de vos statistiques. Vous nous avez donné ces pourcentages. Je les ai tout simplement utilisés pour dire qu'il me semble, si ces pourcentages sont exacts—et je ne crois pas qu'ils le soient—que le problème est plus grave que nous ne le pensions.

Me Heather McKay: Les pourcentages ne s'appliquent pas à l'ensemble des divorces mais à ce programme particulier au Manitoba qui s'occupe de faire respecter les droits de visite et obligations de verser une pension alimentaire. C'est pour cela qu'ils ont mis fin à une partie du programme, car il n'y avait pas suffisamment de refus d'accès à traiter. Nous aurions peut-être pu formuler cela de façon plus précise, et je vous prie de m'en excuser, mais les choses sont ainsi.

Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord. J'ai plusieurs autres questions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, il y a une autre personne qui veut prendre la parole et j'aimerais libérer tout le monde à 17 h 30.

Monsieur Harb.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Merci.

J'ai juste une question à propos de la page 9 de votre présentation, concernant les droits des grands-parents. Dans l'éventualité du décès du père ou de la mère, ou d'un remariage après un divorce, pourquoi persistez-vous à penser qu'il ne faudrait pas inclure quelque chose dans la loi qui faciliterait l'accès des grands-parents à leurs petits-enfants?

Me Eugene Raponi: Je crois que le sénateur Jessiman a posé cette question tout à l'heure. Notre position est qu'il existe des recours efficaces dans une telle situation. Les grands-parents, du fait de leur relation avec leurs petits-enfants, sont traités comme il faut à notre avis et considérés comme des membres importants de la famille élargie. La Loi sur le divorce et les lois provinciales prévoient des recours particuliers pour résoudre ce problème.

M. Mac Harb: Vous ne pensez donc pas que nous devrions leur faciliter la démarche pour obtenir l'autorisation du tribunal de demander un droit de visite dans le cas où il y a un divorce et que les nouveaux parents ne veulent pas que les grands-parents continuent à voir leurs petits-enfants?

Me Eugene Raponi: Je ne crois pas que le problème soit de faciliter la chose. Je crois que c'est déjà très facile pour des grands-parents de faire cette demande.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, voulez-vous poser une dernière question, ou avez-vous fini?

Le sénateur Duncan Jessiman: Je pourrais rester une heure de plus, mais...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je sais.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai beaucoup de matériel ici. J'ai bien étudié la question.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord. Je vous propose deux autres questions, afin que nos invités puissent attraper leur avion.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ils ont dix minutes. Ma convocation disait 18 heures.

À la page 16 de votre mémoire, vous parlez de mobilité. Comme vous le savez, pour l'instant la loi prévoit que si quelqu'un quitte la province—on parle du parent gardien qui emmène son enfant à l'extérieur de la province—celui-ci ou celle-ci doit donner un avis de 30 jours. Vous suggérez d'étendre ce délai à 90 jours afin que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant ait le temps d'entamer une action en justice.

Et pourquoi ne pas inverser la situation? Pourquoi la personne qui veut quitter la province avec l'enfant n'aurait-elle pas la responsabilité de déposer une demande si les deux parents ne parviennent pas à s'entendre? Nous reconnaissons tous que la plupart des parents qui se séparent réussissent à s'entendre, et lorsque l'une des personnes veut quitter la province, ils conviennent généralement des conditions dans lesquelles ce déménagement doit se passer. Pour l'instant ils sont tenus de donner un avis de 30 jours, et c'est tout ce qu'ils ont, mais vous suggérez qu'il faudrait rallonger cette période pour leur laisser davantage de temps. Pourquoi ne pas dire que la personne qui s'en va devrait faire une demande, plutôt que celle qui veut l'empêcher de partir? Pourquoi la responsabilité ne devrait-elle pas revenir à la personne qui quitte la province?

• 1720

Me Heather McKay: De fait, la responsabilité n'est donnée ni à l'une ni à l'autre. Toutes deux peuvent faire la démarche. C'est souvent le parent qui veut quitter la province avec les enfants qui fait la demande.

Le sénateur Duncan Jessiman: La loi actuelle ne l'y oblige pas. Il s'en va simplement après avoir donné le préavis. S'il prend la peine de prévenir, rien ne se passe, il s'en va.

Me Heather McKay: C'est exact. S'il prévient et que rien ne se passe, il peut s'en aller, mais en réalité ce n'est pas ce qui se passe. Dans la plupart de cas la question a été réglée dans l'accord de séparation. J'inclus généralement une clause stipulant qu'aucune des parties ne retirera l'enfant de la province sans consentement approprié ou ordonnance du tribunal.

Le sénateur Duncan Jessiman: Et pourquoi ne mettrions-nous pas cela dans la loi? Ça a l'air raisonnable. Vous le mettez bien dans vos accords. Vous le faites... mais tous les gens qui divorcent n'ont pas le même genre d'avocats; tous n'ont pas cette clause dans leurs accords. Ils regardent la loi, qui exige un avis de 30 jours, et c'est tout, ils s'en vont.

Me Eugene Raponi: Il en est ainsi parce que le tribunal n'intervient que lorsque nécessaire. Nous le disons ailleurs dans notre mémoire. Lorsque le parent qui a la garde de l'enfant prévient l'autre parent 90 jours à l'avance et que ce dernier ne fait rien, pourquoi faire déposer une demande au tribunal s'il n'y a pas de raison de le faire?

Le sénateur Duncan Jessiman: Pourquoi la responsabilité devrait-elle revenir à...

Me Eugene Raponi: Si cela pose un problème, le parent non gardien peut faire la démarche.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je trouve cela injuste.

Me Heather McKay: Si le parent non gardien reçoit le préavis et dit au parent gardien qu'il ne peut pas s'en aller, qu'il ne peut partir sans sa permission, on se trouve dans une impasse. L'un ou l'autre doit faire appel au tribunal.

Le sénateur Duncan Jessiman: Cela devrait être clair dans la loi. Ce n'est pas le cas, et pourtant je pense l'avoir lue attentivement. Si c'est tout ce qu'il y a à faire, cela n'est pas dit; il n'est pas clair que si l'autre partie dit non, il faut demander au tribunal de trancher.

Ce que vous dites, c'est qu'il faut donner un délai de 90 jours afin que le parent puisse demander au tribunal d'empêcher la chose.

Me Eugene Raponi: Dans la réalité, lorsque cela se produit et que le parent gardien ne prend pas la peine d'obtenir une ordonnance du tribunal et s'en va...

Le sénateur Duncan Jessiman: Ou ne s'en va pas... il ne s'agit pas d'omettre de...

Me Eugene Raponi: Si le parent gardien choisit de ne pas déposer de demande auprès du tribunal, qu'aucune demande n'est présentée dans les 90 jours et que celui-ci s'en va simplement, on se heurte à un problème. Son avocat lui conseillera de ne pas agir ainsi.

Le problème se pose lorsque le parent décide de déménager, et que la demande est déposée ensuite, que le juge donne raison au parent non gardien et ordonne de ramener cet enfant. C'est le risque que vous courez si vous ne présentez pas la demande à temps. C'est pourquoi on conseillera probablement au parent gardien de déposer la demande.

Le sénateur Duncan Jessiman: La loi devrait être plus limpide si c'est ainsi que les choses se passent dans la pratique et si c'est ce que vous mettez dans vos ententes afin que tout le monde ait ce genre de protection.

Vous parlez de violence conjugale, et nous en avons entendu parler, et il y a des rumeurs qui veulent que l'on modifie le paragraphe 16(9) de la loi qui se lit actuellement comme suit:

De toute évidence, si une personne a été violente dans le passé, ce comportement doit avoir un effet sur l'aptitude de cette personne à assumer la responsabilité de parent de l'enfant. C'est donc bien plus sévère en ce moment, n'est-ce pas?

Me Heather McKay: C'est un peu contradictoire, car d'un côté on dit de ne pas tenir compte du comportement, c'est ce que prétendent certains avocats...

Le sénateur Duncan Jessiman: On ne tient pas compte du comportement à moins qu'il ne soit pertinent.

Me Heather McKay: Je suis d'accord. Et puis à un moment donné il y a eu ce spécialiste des sciences sociales, je crois, qui a dit que la violence conjugale n'a pas forcément de rapport avec la capacité d'une personne à assumer son rôle de parent, seulement la violence envers l'enfant.

Ce que les spécialistes disent maintenant, c'est que toute forme de violence au sein de la famille—violence envers le conjoint, envers les enfants, entre les enfants ou quoi que ce soit—pourrait être un facteur à prendre en considération dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Le sénateur Duncan Jessiman: Cela serait compris dans la loi actuelle.

Me Heather McKay: Peut-être, c'est vrai.

Le sénateur Duncan Jessiman: Si vous tenez compte de la violence, d'autre part, il y a d'autres aspects du comportement passé d'une personne qui pourraient bien ne pas être dans l'intérêt de l'enfant, dont on pourrait se préoccuper.

Me Heather McKay: Je reconnais qu'il faut faire attention au genre de comportement que l'on prend en considération.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai une autre question.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.

• 1725

Le sénateur Duncan Jessiman: La plupart des gens reconnaissent que les tribunaux unifiés de la famille sont une bonne chose, mais nous avons eu le témoignage d'un avocat-conseil qui disait appartenir à la plus grande firme au Canada spécialisée en droit de la famille, le Merchant Law Group. Vous devez le connaître. Il a son siège en Saskatchewan, mais avec des bureaux dans plusieurs villes du Canada.

Il pense que les tribunaux unifiés de la famille ont évolué de telle façon que les juges estiment qu'ils en savent plus que les avocats et qu'ils ont plutôt intérêt à faire appel à des personnes qui sont des juges ordinaires. Je ne suis pas de cet avis. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

Me Heather McKay: Nous sommes en faveur des tribunaux unifiés de la famille. Bon nombre de nos membres et des membres de notre direction, viennent de juridictions où il existe des tribunaux unifiés de la famille. Ils sont tout à fait satisfaits des résultats car ces tribunaux peuvent se doter de services d'aide supplémentaire, ce qui permet d'offrir toute la gamme des services aux parties au litige.

Me Mesbur pourra encore mieux vous répondre car elle vient d'une telle juridiction. Pas moi.

Me Ruth Mesbur: En Ontario on est très satisfait de notre système de tribunaux de la famille...

Le sénateur Duncan Jessiman: Au Manitoba aussi.

Me Ruth Mesbur: ... et on l'a étendu. Nous espérons bien avoir un de ces tribunaux unifiés de la famille à Toronto.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous n'allez pas être d'accord avec ma dernière question. Que savez-vous de l'expérience de la Grande-Bretagne? Ils veulent se débarrasser des avocats—je suis avocat—et ils veulent se débarrasser de tout ce qui a à voir avec les tribunaux, les juges et tout le reste. Ils veulent les obliger à utiliser la médiation. Avez-vous entendu parler de cela? Dans l'affirmative, dites-nous ce que vous en savez et ce que vous en pensez.

Me Heather McKay: Nous sommes un peu au courant. Mais ce n'est pas ce que j'avais compris. Je dois dire à la défense des avocats du droit de la famille, et ce n'est pas seulement parce que j'en fais partie, que j'estime que la plupart d'entre eux se consacrent consciencieusement à aider les gens à traverser ces épreuves. Ils aident souvent à bien comprendre le processus; souvent ils aident les gens à maîtriser la situation en leur expliquant la loi et comment procéder. Ils donnent également des options.

En tant que spécialistes du droit de la famille nous discutons beaucoup de tout cela. Nous aimerions que vous sachiez que la plupart d'entre nous efforçons de défendre les meilleurs intérêts des enfants et de travailler avec les familles par la médiation, la négociation, tout ce qui peut les aider. Je ne pense donc pas que ce soit une bonne idée de se débarrasser des avocats.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous serez les médiateurs du futur.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sur ce, je vous remercie. Nous aimerions vous libérer afin que vous puissiez attraper votre avion. Merci beaucoup pour votre très intéressante présentation.

Me Heather McKay: Bonne chance à votre comité.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Non, nous n'avons pas fini. Le premier sujet à l'ordre du jour était... rappelez-vous nous avons mentionné le sixième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Nous étions incapables de le...

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Ils nous font l'amabilité de rester. Nous pouvons traiter le sujet partial d'abord.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Désolée, il y en a pour une minute.

La sénatrice Anne Cools: La question demande à être discutée.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Désolée. Je m'en remets à vous. Nous étions convenus de soumettre cela d'abord, et si le comité désire passer à...

M. Paul Forseth: Remettons cela à plus tard.

La sénatrice Anne Cools: Passez simplement au sujet suivant, au...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, j'aimerais simplement que vous me disiez si vous voulez d'abord vous occuper de cette question-là... c'est à vous de décider.

Voulez-vous vous occuper du sixième rapport, ce qui ne prendra pas grand temps?

M. Paul Forseth: Pouvons-nous le remettre à la fin?

La sénatrice Anne Cools: Pouvons-nous le réserver pour la fin de la séance du comité?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est possible, mais tout le monde est-il d'accord?

• 1730

La sénatrice Anne Cools: Les questions de privilège ont priorité. Je croyais que vous connaissiez les règles.

La sénatrice Mabel DeWare: Madame la présidente, pouvons-nous retarder l'étude de cette question jusqu'à mercredi, si nous décidons de la retirer de l'ordre du jour?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Le problème est qu'il faut 12 personnes pour l'adopter.

La sénatrice Mabel DeWare: Et nous ne serons pas 12 mercredi?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'espère que si, mais le personnel a besoin d'avoir l'autorisation de prendre les arrangements nécessaires, c'est tout.

Je m'en remets à vous. Si vous voulez retarder cette question, très bien.

La sénatrice Anne Cools: Reportons-la quelques instants, Sénatrice Pearson. C'est ce qui a été suggéré.

Mme Eleni Bakopanos: Sénatrice, pourquoi ne pas adopter cette proposition?

La sénatrice Anne Cools: Parce que nous ne l'avons pas du tout étudiée. Parce qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discussion jusqu'à présent—à moins que vous ne vouliez prendre 10 ou 15 minutes pour en discuter d'abord.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Voulez-vous la reporter et aborder l'autre question d'abord?

M. Paul Forseth: Ou traiter les deux aujourd'hui.

La sénatrice Anne Cools: Oui, mais commencez par la première. Prenez la plus urgente d'abord. On n'a pas le choix, d'après le règlement.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bien, nous avions toutes deux accepté de traiter celle-ci en premier.

Vraiment, je m'en remets à vous. Si vous voulez d'abord vous occuper de l'autre...

M. Paul Forseth: Pouvons-nous faire cela?

La sénatrice Anne Cools: Alors je vais aborder la question de privilège.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.

La sénatrice Anne Cools: Je peux y aller?

Monsieur le président, peut-être devriez-vous nous rappeler un peu comment nous en sommes arrivés là.

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Je peux vous dire que le 20 avril, la sénatrice Cools a porté devant le comité une question de privilège. Elle découle d'un article de Michele Landsberg, paru dans le Toronto Star du 18 avril, dans lequel elle fait certains commentaires à propos de notre comité.

Le 20 avril, soit à la première occasion possible, la sénatrice Cools a saisi le comité de cette question. A ce moment-là, nous sommes convenus, après discussion, de remettre le sujet à aujourd'hui. Nous reprenons donc la discussion, d'une certaine manière, là où nous l'avions laissée.

Sénatrice Cools, aimeriez-vous parler?

La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président.

En gros, le 18 avril j'ai fait consigner au compte-rendu du comité ce que je considérais être des propos extrêmement offensants, offensants pour le Parlement et pour notre comité en particulier. D'emblée, j'ai fait ressortir très clairement que oui, l'article s'en prenait personnellement à des membres du comité, mais que c'était ce que je considérais comme des attaques visant les procédures du Parlement que je voulais soumettre à l'attention du comité.

Avant de poursuivre, j'aimerais citer un passage de la vingt et unième édition du célèbre ouvrage d'Erskine May, intitulé «Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament», page 127:

En outre, à la page 129 du même ouvrage d'Erskine May, où il est question de fausses déclarations sur les travaux des députés, on lit ce qui suit:

• 1735

L'article en question, et nous en avons déjà débattu... Paul vient tout juste de me signaler que Mme Landsberg a lancé une nouvelle attaque contre notre comité...

Mme Carolyn Bennett: Où elle cite le compte rendu officiel des débats de la Chambre des communes mot à mot.

La sénatrice Anne Cools: ... Oui, elle cite le compte-rendu officiel textuellement. Mais ce n'est pas l'article dont nous parlons et qui est à l'origine de notre discussion.

Je vous parle d'un article paru le 18 avril, et il faut donc faire attention. Je viens juste de remarquer que ça continue. Dans l'article du 2 mai 1998, le comité est à nouveau dénigré. On y lit: «les audiences du comité qui ont eu lieu jusqu'à présent sont une insulte à la raison». Et encore: «Et ce même comité va recommander de nouvelles lois sur le droit de garde au Parlement. C'est pourquoi je n'ai pas grand chose à dire de positif...» Ce n'est vraiment pas nécessaire.

C'est tout à fait limpide. Il ne s'agit pas d'attaques personnelles. Elles sont manifestement dirigées vers le Parlement, et il y a plusieurs façons dont nous pourrions procéder. Je demande conseil au président. Voulez-vous en discuter un peu et décider ensuite? J'ai une motion à proposer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quelqu'un a demandé la parole.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): J'aimerais proposer la motion.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Proposez la motion si vous voulez et nous allons...

La sénatrice Anne Cools: La motion est sur la table. Elle a déjà été déposée. Tout le monde peut donner son opinion. Une fois que la motion nous a été soumise, la discussion porte sur celle-ci. Voulez-vous que je la lise?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.

La sénatrice Anne Cools: Il s'agit d'une fausse représentation intentionnelle des audiences du comité et des activités des députés, et d'une attaque contre le comité, le président du comité et les procédures du Parlement lui-même. C'est pourquoi je propose la motion qui suit:

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous une copie à remettre à notre greffier?

Voulez-vous parler maintenant? Ensuite je donnerai la parole au sénateur Jessiman.

La sénatrice Anne Cools: Allez-y.

Mme Shaughnessy Cohen: Je reconnais que Michele Landsberg fait preuve d'irresponsabilité dans cet article. Il est clair qu'elle parle de façon irresponsable et, je crois, probablement sans savoir de quoi elle parle. Ceci étant dit, j'estime qu'il est excessif de réagir en nous donnant une telle importance et en lui tombant dessus de façon aussi raide.

Il y a d'autres façons de répondre à cela. Le comité ou un membre du comité pourrait adresser une plainte au Conseil de presse. Je crois qu'elle mérite plus qu'une simple lettre à l'éditeur.

Le Parlement est une institution qui devrait inspirer d'elle-même le respect, et l'on nous juge selon notre propre comportement. Il me semble qu'en tombant ainsi à bras raccourcis sur quelqu'un qui exprime une opinion dans une presse libre, nous exagérons un peu et j'estime que ce serait mauvais pour l'image du Parlement. Il est très facile de monter sur ses grands chevaux, mais parfois très difficile de s'arrêter.

• 1740

Personnellement, j'estime qu'il faudrait porter plainte, probablement auprès du Conseil de presse, mais qu'il est excessif de nous mettre dans de tels états à cause des divagations d'une journaliste irresponsable.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je crois que notre comité devrait demander l'avis d'un conseiller juridique. En ce qui concerne le Sénat, je crois que nous devrions nous adresser à notre propre avocat, Mark Audcent. Je suppose que vous avez l'équivalent à la... ou nous devrions nous mettre d'accord. Notre comité devrait s'entendre sur l'un ou l'autre, ou les deux, ou sur un conseiller indépendant. Je suppose qu'avant de continuer, nous devrions obtenir un avis sur la gravité de la situation. Elle a décidé de s'en prendre à quelqu'un ici, à nous tous on dirait. Je crois que nous devrions demander conseil. C'est mon avis.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Monsieur le président, je crois que je dois me ranger du côté de Shaughnessy dans cette affaire, car tout député élu au Parlement, ou à toute autre assemblée législative dans ce pays, a été ridiculisé dans la presse à mainte reprise. Cela ne nous fait pas plaisir. On nous représente dans des dessins humoristiques. Je crois que Claudette vient tout juste d'en faire les frais.

Si nous écrivions tous à la presse ou aux auteurs des articles pour dire que nous ne sommes pas contents, nous ne ferions qu'envenimer la situation et ils en écriraient encore plus sur nous.

Je crois que la sénatrice Cools avait le droit de porter l'affaire à l'attention du comité au moment opportun. La chose est consignée dans le compte-rendu des séances, et y restera. Si nous estimons que nous devrions consulter nos propres conseillers juridiques, nous pourrions commencer par cela et voir ce qu'ils ont à dire. Peut-être pourrions-nous nous adresser au Bureau de régie interne et leur demander ce qu'ils en pensent.

Je ne peux pas être d'accord avec la motion déposée aujourd'hui par la sénatrice Cools.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Voulez-vous reprendre la parole?

La sénatrice Anne Cools: Oui. La motion est extrêmement modérée et ne dit rien qui soit vraiment brutal. Peut-être devrais-je vous la relire.

Tout ce que la motion cherche à affirmer est que le comité fait confiance à son président. La motion ne cherche pas de conclusion quant au contenu. Elle est modérée au point qu'elle ronronne tout doucement.

Le fait est que les articles qu'elle a écrits sont repris à travers le pays—je peux vous donner mot pour le compte-rendu des audiences du jour dont elle parle; je peux vous le donner. De toute manière, il demeure qu'elle porte des attaques tout à fait venimeuses et pleines de haine à l'endroit du comité du Sénat. J'ai trouvé son indécent mépris pour la vérité et les faits tout à fait choquant. Comme je l'ai dit précédemment, je considère qu'il s'agit d'une fausse représentation et d'une manipulation délibérées de ce qui s'est passé ce jour-là.

Il est bien possible que l'on ne se soucie plus de la vérité dans la communauté d'aujourd'hui, ou que ce soit le cas pour certains. Mais le fait est que cet article ne s'en prend pas à une personne en particulier, mais bien aux procédures du Parlement.

• 1745

J'aimerais également ajouter que tout journaliste ou toute personne qui écrit de tels articles se rapportant aux privilèges du Parlement et aux documents et activités parlementaires devrait commencer par se soucier de dire la vérité, or ces articles ne reflètent pas la vérité. De plus, je dirais que cette journaliste et son éditeur ont la responsabilité de publier de bonne foi et sans mauvaise intention.

Ma motion s'appuie sur des principes très simples: que nous croyons que le Parlement est une institution importante et que le privilège du Parlement est de faire son travail. Représenter les citoyens de notre pays est une chose très importante. Je propose que notre comité, qui estime que ses membres et ses présidents ont été offensés ou bafoués d'une manière ou d'une autre, signale au public en général que lorsque le comité est attaqué, nous tenons à affirmer notre confiance dans nos présidents.

La seule conclusion tirée dans la motion est que notre comité souhaite affirmer sa confiance à l'égard de ses coprésidents et du Parlement du Canada, et laisse aux coprésidents la discrétion de procéder comme bon leur semble dans les deux Chambres.

Ceci étant dit, allez-y Monsieur le président. Vous pouvez passer au vote.

Mme Eleni Bakopanos: Nous avons étudié la question. Nous avons eu du mal à avoir le quorum nécessaire. En ce qui me concerne, nous avons entendu le pour et le contre. J'aimerais voter.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): M. Forseth était sur la liste, nous allons donc le laisser parler en dernier.

Mme Eleni Bakopanos: Oh, pardon.

M. Paul Forseth: Merci.

Pour ma part, j'ai vu quatre articles, et je dirais qu'on a pratiquement affaire à des écrits haineux.

Le reportage journalistique a ses propres normes, qui sont différentes de celles de la presse d'opinion ou de l'interprétation journalistique de l'actualité du jour, mais quand même, il y a des limites raisonnables au-delà desquelles un commentaire devient une insulte aux pouvoirs et à la réputation du Parlement. Bien sûr nous avons besoin de commentaires critiques, mais d'après ce que j'ai pu voir dans l'ensemble des articles, l'auteur dépasse ces limites.

S'il s'agit de faire de la controverse et ainsi de vendre peut-être davantage de journaux, je pense que ce genre de chose devrait en fait faire perdre sa réputation au journal et peut-être faire baisser ses ventes. Mais ça, c'est le libre marché et la démocratie de l'opinion publique, et l'opinion publique élimine les excès. Mais la situation qui nous intéresse est différente. Il y a des principes fondamentaux à préserver, et nous devons y veiller.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. Qui d'autre?

Nous allons donc poser la question.

(La motion est rejetée)

La sénatrice Anne Cools: Les coprésidents doivent démissionner.

M. Paul Forseth: Vous venez de voter la défiance...

La sénatrice Anne Cools: Vous venez de voter la défiance envers vos présidents.

M. Paul Forseth: oui.

Mme Eleni Bakopanos: Mais non.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Nous avons voté contre votre motion. Nous n'avons pas voté contre les présidents.

Mme Eleni Bakopanos: Pas du tout.

M. Denis Coderre: Merci beaucoup.

Mme Eleni Bakopanos: Pouvons-nous maintenant passer à l'autre sujet à l'ordre du jour?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ce qu'il y a dans ce sixième rapport a trait à la suite de notre programme.

On nous propose une autre audience. Elle n'a rien de particulièrement compliqué. Il s'agit d'écouter les témoignages de spécialistes, des particuliers et des professionnels, et des groupes d'autochtones, ce qui est conforme aux thèmes convenus au début, mais il nous faut votre approbation pour prendre les arrangements nécessaires.

Ensuite nous avons accepté que six membres du comité et deux du personnel participent à la 35e conférence annuelle de l'Association of Family and Conciliation Courts à Washington.

De même—et cela est important—le comité directeur a accepté une réunion à huis clos, qui doit être organisée avec un groupe de juges représentatifs des régions du pays. Nous avons accepté d'entendre à huis clos des enfants du programme de séparation et de divorce de Victoria.

• 1750

C'est tout, il s'agissait de ces quatre articles. Quelqu'un peut-il proposer l'adoption de ce rapport?

La sénatrice Mabel DeWare: Je propose d'adopter ce rapport.

(Motion adoptée)

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Merci.

La séance est levée jusqu'à mercredi prochain, 15 h 30.