SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 16 mars 1998

• 1541

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.

Je pense que nous sommes assez nombreux pour entendre nos témoins d'aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous accueillir et avons hâte d'entendre ce que vous allez nous dire.

Mme Cori Kalinowski représente l'Association nationale de la femme et du droit.

Êtes-vous accompagnée, madame?

Mme Carole Curtis (membre du Groupe de travail sur le droit de la famille, membre du Barreau, Association nationale de la femme et du droit): Je m'appelle Carole Curtis. Je représente l'Association nationale de la femme et du droit et je souhaiterais un peu bousculer l'ordre de notre présentation, si cela convient au comité.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est parfait.

Mme Carole Curtis: Par ailleurs, nous aimerions que les quatre organismes puissent tous livrer leurs exposés avant que nous ne passions aux questions si, bien sûr, cela sait gré au comité.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est très bien.

Mme Carole Curtis: Nous allons donc laisser les représentantes du YWCA prendre la parole en premier.

Merci beaucoup.

[Français]

Mme Elaine Teofilovici (chef de la Direction générale, YWCA du Canada): Je me nomme Elaine Teofilovici. Je suis chef de la Direction générale de la YWCA du Canada. Je vous présente Sally Bryant Ballingall, ancienne présidente de la YWCA du Canada et avocate.

Nous vous remercions, mesdames et messieurs, de nous avoir invitées à présenter nos opinions cet après-midi au comité spécial mixte.

La YWCA du Canada est le siège social de 43 YWCA et YM-YWCA au service de plus de 200 collectivités dans tout le Canada. Notre mission est d'être une voie pour l'égalité et une voix forte pour les femmes. Nous avons foi dans la perspective des femmes et nous croyons en la valeur de la différence et de la diversité, au développement de la personne entière sur les plans du corps, de l'esprit et de l'âme, à la participation communautaire et à l'interdépendance globale.

À l'échelle nationale, le mandat de la YWCA est de lutter pour l'élimination de la violence et de favoriser l'indépendance économique des femmes. Depuis plus d'un siècle, les YWCA et les YM-YWCA sont au service des femmes et des jeunes filles dans leur collectivité, leur offrant notamment des services de garderie et d'hébergement.

Nous sommes le plus important organisme de secours pour les femmes et les enfants qui sont victimes de violence au Canada et, à ce titre, nous avons acquis une vaste expérience en tâchant de répondre à leurs besoins spécifiques et de soutenir ces femmes qui, avec leurs enfants, essaient de reconstruire leur vie après s'être soustraites à une situation de violence familiale.

En fait, en 1992, les YWCA, à travers le Canada, ont reçu 11 000 femmes et enfants par l'intermédiaire de 15 associations différentes.

Nous offrons, parmi nos services connexes, du counselling, de l'information juridique et des services de référence juridique, de l'éducation aux adultes et des programmes de préparation à l'emploi et de promotion du mieux-être.

Nous jouons un rôle de premier plan dans la prévention du cycle de la violence grâce à des publications et à notre campagne de la Semaine sans violence, qui invite les gens à vivre sans violence pendant sept journées consécutives.

Nous offrons des services de garderie, de garderie postscolaire, des activités de camping et de loisir aux enfants, et c'est pourquoi nous sommes très au fait des répercussions de la violence familiale et de l'éclatement de la famille sur les jeunes Canadiennes et Canadiens. Nous constatons leur besoin de sécurité et les effets de la rupture du mariage de leurs parents sur leur vie.

• 1545

Certains de nos programmes sont destinés à répondre aux besoins particuliers des enfants qui ont besoin de thérapie ludique ou de soutien et de counselling en raison de la violence dont ils ont été les témoins ou de l'éclatement de la famille.

Bref, la YWCA du Canada se préoccupe profondément du bien-être des femmes du Canada et de leurs familles. Nous sommes honorées de pouvoir présenter ce mémoire au Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde et le droit de visite des enfants.

Une Loi sur le divorce forte est indispensable au bien-être des femmes, des enfants et des familles. Il faut préserver les dispositions législatives qui font de l'intérêt de l'enfant le critère premier de cette loi.

Selon la loi actuelle, l'intérêt de l'enfant est le seul critère qui fonde le droit de garde ou de visite eu égard à un ou des enfants issus du mariage (voir le paragraphe 16(8) de la loi). On y prévoit également qu'on ne tiendra pas compte de la conduite antérieure d'un parent dans la décision relative à la garde ou au droit de visite, à moins que cette conduite ait trait à l'aptitude de cette personne à assumer le rôle de parent pour l'enfant (voir le paragraphe 16(9) de la loi).

La Loi sur le divorce actuelle formule un principe connexe, qui est que l'enfant doit avoir autant de contact avec l'un ou l'autre des parents que son intérêt l'exige. Lorsqu'il rend une ordonnance de garde, le tribunal doit tenir compte de la disposition de la personne demandant la garde à faciliter cet accès (voir le paragraphe 16(10) de la loi). Comme on le verra plus loin, nous reconnaissons la valeur de ce principe, sauf dans les cas où il y a eu de la violence familiale.

Certains des autres aspects utiles de la loi permettent au tribunal d'assortir le droit de garde ou de visite de certaines conditions (voir le paragraphe 16(6) de la loi), notamment eu égard à la notification de tout projet de changement de résidence de l'enfant, au paragraphe 16(7). Les ordonnances du tribunal peuvent être modifiées dans l'intérêt de l'enfant si la situation change; c'est au paragraphe 17(5).

La loi fait obligation aux avocates et avocats de voir s'il y a lieu de négocier les questions de garde, de droit de visite et de pension alimentaire, et d'informer le conjoint des mécanismes de médiation qui peuvent faciliter ces négociations; c'est au paragraphe 9(2).

S'il y a une quelconque possibilité de réconciliation, elle doit être discutée entre l'avocat et son client, en vertu du paragraphe 9(1), et le tribunal a l'obligation distincte de ne pas tenir compte des éléments de preuve relatifs à une demande de divorce s'il y a une possibilité de réconciliation des conjoints (à l'article 10).

Malgré un excellent cadre législatif, on a généralement l'impression que la Loi sur le divorce ne protège pas certains membres de la famille ou que les droits de certains parents sont ignorés par les tribunaux au Canada. Cette perception n'est pas le fait d'une mauvaise loi mais du rôle des femmes dans la société. C'est probablement parce qu'au Canada, les femmes assument l'essentiel des fonctions associées aux soins des membres de la famille qu'elles sont généralement le parent qui a la garde, soit sur entente entre les parties, soit sur ordonnance du tribunal.

Ce n'est pas au moment de la rupture du mariage qu'il convient de redéfinir les responsabilités des parents à l'égard de leurs enfants dans l'intérêt de l'égalité des sexes. Il y a plutôt lieu, à ce moment-là, de décider de ces responsabilités dans la perspective de l'intérêt de l'enfant, en fonction de la relation actuelle de l'enfant avec chacun de ses parents, telle qu'elle s'est développée au cours de sa vie.

Lorsque le tribunal est appelé à rendre une décision sur la garde ou le droit de visite, il ne manque pas de dispositions législatives indiquant que le critère premier est l'intérêt de l'enfant. Il conviendrait cependant de consolider un certain aspect de la loi, c'est-à-dire les dispositions relatives à la garde et au droit de visite lorsqu'il y a eu violence familiale. N'oublions pas que plus de 38 p. 100 des femmes assassinées décèdent aux mains de leur conjoint, que 30 p. 100 des femmes déclarent avoir subi de la violence par leur conjoint, alors que 39 p. 100 des femmes handicapées font état d'une telle violence, et que 55 p. 100 des agressions contre les femmes ne sont pas déclarées. Il ne s'agit donc pas d'un problème mineur.

Les enfants craignent souvent le parent violent. Ceux qui grandissent dans des foyers violents vivent dans un milieu où ils apprennent que la violence est quelque chose d'acceptable et de normal. D'ailleurs, dans les statistiques qu'il y a à la fin de notre présentation, vous allez voir que 25 p. 100 des enfants qui vivent dans des refuges pour femmes trouvent qu'il est normal qu'un homme frappe une femme si la maison est en désordre.

• 1550

La loi doit reconnaître qu'il n'est pas dans l'intérêt d'un enfant d'être le témoin de la violence familiale, non plus que de voir le cycle de la violence se perpétuer après la séparation de ses parents.

Nous proposons plus particulièrement les recommandations suivantes sur le droit de visite concernant des enfants qui ont été témoins de violence.

Il faudrait que la visite supervisée, notamment la supervision du transfert de l'enfant d'un parent à l'autre, et le recours à un lieu neutre de visite soient obligatoires dans les cas où il y a eu violence à l'égard du parent qui a la garde de la part du parent qui a le droit de visite.

Il faudrait que l'enfant qui a été témoin de la violence d'un parent à l'égard de l'autre parent soit interrogé seul, par un spécialiste qualifié, pour déterminer son opinion et ses préférences eu égard à la garde et au droit de visite, et le tribunal devrait tenir compte de cette opinion et de ces préférences lorsqu'il rend sa décision concernant la garde et le droit de visite.

Le coût de la supervision et de l'utilisation d'un lieu de visite convenable répondant aux besoins de l'enfant doit être assumé par le parent qui a usé de violence à l'égard de l'autre parent. Ces dispositions concernant la supervision ont également l'avantage d'empêcher que le conjoint qui a été la victime de violence fasse à nouveau l'objet de menaces, d'intimidation ou de mauvais traitements.

La Loi sur le divorce n'accorde pas suffisamment d'importance aux répercussions de la violence subie par les enfants. Les enfants qui ont été maltraités ont besoin d'une protection spécifique aux termes de la Loi sur le divorce.

Nous recommandons plus particulièrement ce qui suit. Il faudrait que la visite supervisée, notamment la supervision du transfert de l'enfant d'un parent à l'autre, et le recours à un lieu neutre de visite soient obligatoires dans le cas où l'enfant a été maltraité par le parent qui a le droit de visite. Il faudrait que l'enfant qui a été maltraité par un parent soit interrogé seul, par un spécialiste qualifié, pour déterminer son opinion et ses préférences eu égard à la garde et au droit de visite, et le tribunal devrait tenir compte de cette opinion et de ces préférences lorsqu'il rend sa décision concernant la garde et le droit de visite.

Le coût de la supervision, encore une fois, et de l'utilisation d'un lieu de visite convenable répondant aux besoins de l'enfant doit être assumé par le parent qui a maltraité l'enfant.

Nous appuyons globalement la proposition voulant que le parent qui demande la garde de l'enfant soit disposé, dans l'intérêt de l'enfant, à passer outre à ses divergences de vue avec l'autre parent pour faciliter le droit de visite, mais cette règle générale ne devrait pas s'appliquer aux situations de violence familiale. Il est normal et compréhensible que ceux qui ont été maltraités et ceux qui ont vu d'autres membres de la famille se faire maltraiter craignent le responsable de ces mauvais traitements.

La loi doit reconnaître la réalité de la violence et ne pas imposer à ses victimes d'exigences supplémentaires propres à les menacer ou à les intimider, et à les exposer à d'autres mauvais traitements. Je fais allusion aux annexes A, B et C, qui parlent toutes de la violence et des conséquences de la violence.

Nous recommandons ce qui suit. Dans le cas où un parent a fait l'objet de violence conjugale, la disposition de la victime à faciliter le contact avec le parent violent ne doit pas être un facteur dans la décision relative à la garde.

Subséquemment, nous recommandons que des services d'éducation et de counselling de soutien soient offerts aux parents et aux enfants au moment de la rupture du mariage.

Nous recommandons que toutes les demandes de garde et de droit de visite, qu'elles soient définitives ou provisoires, aient priorité dans l'échéancier du tribunal et fassent l'objet d'une décision dans un délai d'un an après le début de la procédure.

Également, nous recommandons que des mesures soient prises pour que le recours à la médiation soit véritablement délibéré, que les participants soient conscients de leurs droits et obligations aux termes de la loi et que la médiation ne devienne pas un moyen par lequel un conjoint violent peut reconduire le cycle de la violence.

Finalement, nous recommandons d'augmenter le financement des services d'aide juridique, et notamment de payer les frais des témoins experts qui procèdent à des enquêtes dans la famille et à des évaluations psychologiques.

Nous vous soumettons respectueusement ce mémoire.

• 1555

[Traduction]

Mme Sally Bryant Ballingall (présidente sortante, YWCA du Canada): Je me propose de résumer brièvement la position du YWCA dans le contexte de vos délibérations sur les besoins de la femme et de l'enfant en général, mais surtout des femmes et des enfants victimes de violence. Le YWCA fonde ces recommandations sur un long passé de services dispensés à des femmes victimes de mauvais traitements.

Tout d'abord, et par-dessus tout, il convient de préserver les dispositions législatives qui font de l'intérêt de l'enfant le critère premier. Il ne faut pas négliger le meilleur intérêt de l'enfant ni le troquer contre les droits des parents. Ce n'est pas au moment de la rupture du mariage qu'on doit redéfinir les responsabilités des parents à l'égard de leurs enfants, dans l'intérêt de l'égalité des sexes. Il y a plutôt lieu, à ce moment-là, de décider de ces responsabilités dans la perspective de l'intérêt de l'enfant, en fonction de la relation actuelle de l'enfant avec chacun de ses parents, tel qu'elle s'est développée au cours de sa vie, quand ses parents étaient encore mariés. La loi doit reconnaître qu'il n'est pas dans l'intérêt d'un enfant d'être le témoin de violences familiales, non plus que de voir le cycle de violence se perpétuer après la séparation de ces parents.

Les enfants qui ont été maltraités ont besoin d'une protection spécifique aux termes de la Loi sur le divorce. La loi doit reconnaître la réalité de la violence et ne pas imposer à ses victimes d'exigences supplémentaires propres à les menacer ou à les intimider et à les exposer à d'autres mauvais traitements.

L'éducation est importante, car elle peut contribuer à répondre aux besoins des parents et des enfants. La médiation ne saurait se substituer à la décision d'un tribunal lorsqu'une partie a besoin d'une procédure judiciaire en bonne et due forme ou n'est pas capable de négocier parce que la violence familiale a provoqué une situation de déséquilibre très prononcée des pouvoirs. Nous ne pouvons que vous exhorter à partir du principe que la médiation n'est jamais une bonne chose quand il y a des antécédents de violence familiale.

Enfin, la loi ne saurait être juste si elle n'offre pas la possibilité de bénéficier de la protection de la justice grâce à une représentation par un spécialiste qualifié.

Merci. Voilà qui met un terme à notre présentation.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Nous allons passer au groupe suivant.

Mme Helen Saravanamutto (vice-présidente, Conseil national des femmes du Canada): Merci.

Je suis l'une des vice-présidentes du Conseil national des femmes du Canada, et je m'occupe de santé et de développement social. Nous sommes très heureuses d'être ici. Je vais laisser ma collègue Ruth se présenter elle-même dans une minute.

Cela fait longtemps que nous travaillons toutes deux pour le Conseil national, dans ce domaine en particulier, et nous avons toutes deux un solide bagage dans le secteur du travail social. Cela étant, nous allons vous parler de ce problème du point de vue des travailleurs sociaux, qui oeuvrent au contact des familles.

À un moment donné, ma liste de clients était composée à 95 p. 100 environ de familles dont les parents étaient séparés ou divorcés ou sur le point de l'être. Nous avons donc une longue expérience de ce qui se passe dans les tranchées.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Brown.

Mme Ruth Brown (présidente sortante, Conseil national des femmes du Canada): Je m'appelle Ruth Brown et je suis présidente sortante du Conseil national des femmes du Canada.

Le Conseil national a été fondé en 1893. Il s'agit d'une fédération non partisane d'organismes bénévoles de femmes. Il est composé de vingt-deux conseils locaux chapeautant des organismes fédératifs ou locaux, de quatre conseils provinciaux, d'un groupe d'étude et de vingt-cinq organismes nationaux qui lui sont affiliés.

Le Conseil est donc constitué d'un réseau diversifié de femmes, dont la profession, la langue, l'origine et la culture sont variées et qui constituent un large groupe représentatif de l'opinion publique à la base. En règle générale, les politiques sont formulées à l'échelon des conseils locaux, puis elles sont distribuées aux membres qui en débattent et qui les adoptent ou les rejettent par scrutin.

Notre exposé d'aujourd'hui a été préparé par un de nos comités. Le Conseil dispose de politiques pour certains aspects liés à la garde et au droit de visite des enfants, mais pas dans tous les cas. Nous sommes en train d'élaborer les politiques manquantes.

• 1600

Nous sommes très heureuses de nous trouver ici, aujourd'hui, et de pouvoir appuyer, en matière de politiques et de pratiques de droit familial, une approche qui soit axée sur l'enfant et qui favorise le partage des responsabilités entre les parents ainsi que la conclusion d'ententes, entre le père et la mère, qui soient fonction du meilleur intérêt des enfants.

Des recherches indiquent que, dans la plupart des cas, le meilleur intérêt des enfants de parents séparés ou divorcés consiste à leur garantir des contacts réguliers et suivis avec le père et la mère. Vivre la séparation du couple, pour un enfant, peut avoir des répercussions négatives prolongées et l'on constate une forte incidence de dépressions chez les enfants dont l'un ou les deux parents assument un rôle parental moindre ou perturbé. Le plus souvent, on peut satisfaire le meilleur intérêt de l'enfant en encourageant les deux parents à continuer d'intervenir dans leur vie.

Cela étant posé, nous recommandons d'envisager la garde partagée comme étant une solution très valable dans la plupart des cas, étant entendu qu'elle n'est pas toujours possible et qu'elle ne fonctionne pas toujours. Nous entendons par garde conjointe une forme d'accord en vertu duquel la garde de l'enfant est partagée par les deux parents.

Mme Helen Saravanamutto: Le bien-être et le développement d'un enfant peuvent être très gravement perturbés par des parents violents. Les traumatismes associés à une enfance marquée par la violence, qu'elle soit subie personnellement ou imposée à un parent, laissent des blessures profondes, durables et incapacitantes, sans compter que la sécurité immédiate de l'enfant peut être menacée. Il est très important que les tribunaux prennent acte de tels cas. Leur souci doit être d'assurer la sécurité immédiate et le bien-être à long terme de l'enfant.

Force est d'admettre qu'il n'est pas toujours facile de faire reconnaître les cas de violence. Je me rappelle quand on a commencé à reconnaître la notion d'agression ou de violence sexuelle. Avant cela, il n'en était jamais question, pas parce qu'il n'y avait pas de cas de violence sexuelle, mais on ne les voyait simplement pas dans les tribunaux. Après qu'on nous a formés et amenés à comprendre cette réalité, une fois que nous avons pu vraiment intervenir sur le terrain, on a assisté à un foisonnement de cas.

J'insisterai donc sur le fait qu'il n'est pas facile de reconnaître la notion de violence familiale. Celle-ci n'est pas toujours exprimée ni signalée et je peux vous dire qu'il est très facile de passer à côté pour les spécialistes du domaine.

Par ailleurs, les parents toxicomanes ou souffrant de maladies mentales graves peuvent aussi faire illusion, pendant un certain temps; cela aussi fait courir un risque grave aux enfants. Je me suis personnellement occupée du cas d'un schizophrène très violent, qui est parvenu à tromper la plupart des professionnels pendant très longtemps. Je préconise donc d'adopter des lignes directrices et de bien former les professionnels pour les cas de violence domestique, de toxicomanie ou de maladie mentale grave.

Nous tenons aussi à souligner l'importance d'un revenu de sécurité, et j'attire à ce propos votre attention sur les chiffres de Campagne 2000, selon lesquels 64 p. 100 des familles monoparentales vivraient en dessous du seuil de la pauvreté. Cela fait presque deux familles monoparentales sur trois. Nous devons veiller à garantir le versement—régulier—des pensions alimentaires; il n'y a aucune excuse à ne pas le faire. Nous recommandons que les aliments soient suffisants et qu'on accorde la priorité aux moyens mis en oeuvre pour obliger les parents n'assurant pas la garde à verser les pensions alimentaires.

Mme Ruth Brown: Pour ce qui est de la médiation, la plupart de nos membres croient que dans la majorité des cas de dislocation de la famille—pas dans tous les cas, mais dans la majorité d'entre eux—, il faudrait encourager les parents à recourir à cette procédure pour en arriver à des ententes au sujet de la garde et du droit de visite. Le processus devient très complexe quand la décision est confiée à un tribunal, surtout quand les parents ont déjà eu des démêlés entre eux. La procédure devient vite coûteuse et il n'est pas rare qu'on assiste à une escalade des hostilités. Tout cela se traduit par une augmentation du stress psychologique de l'enfant et parfois des risques qu'il court sur le plan physique.

• 1605

En conséquence, nous recommandons que la loi continue de promouvoir le recours à la médiation en tant que solution de remplacement aux procédures juridiques pour régler les différends familiaux.

Mme Helen Saravanamutto: Cela étant, nous sommes tout de même d'accord avec nos collègues du YWCA pour reconnaître qu'il y a des limites à la médiation, que celle-ci n'est pas efficace quand il existe un déséquilibre de pouvoirs, comme dans les situations de mauvais traitements ou encore quand les parents sont toxicomanes, par exemple, ou souffrent de maladies mentales graves et qu'ils ne sont pas en mesure de se conformer à ce qui a été décidé. Dans ces cas, non seulement la médiation peut ne pas être efficace mais en plus elle peut présenter un véritable danger pour l'enfant, et les décisions qui sont rendues alors risquent ne pas aller dans le sens du meilleur intérêt de l'enfant.

Nous recommandons l'adoption de lignes directrices très claires stipulant les cas où la médiation est contre-indiquée et ceux où il convient d'en limiter l'envergure.

Selon nous, il est très important de consulter les enfants dans toutes les décisions concernant leur garde et le droit de visite des parents. Si l'on se fie à l'incidence très élevée de dépressions chez les enfants dont les parents sont séparés ou divorcés, comme nous l'avons dit plus tôt, on voit bien qu'il faut exercer un certain contrôle dans ce genre de situation. Il faut permettre aux enfants d'exprimer ce qu'ils ressentent ainsi que l'ambivalence de leurs sentiments, comme c'est souvent le cas. Même quand ils ont baigné dans des situations de violence extrême, les enfants veulent pouvoir continuer de voir leurs deux parents et il arrive parfois, mais pas toujours, qu'ils l'expriment clairement.

Au tout début de ma carrière, je me rappelle avoir demandé à une fillette de remplir un formulaire d'évaluation sur la qualité des services qu'on lui avait offerts. Elle, qui avait vécu une situation très violente en milieu familial, a répondu ainsi à la dernière question: «Qu'aimerais-tu avoir de plus?: Que ma maman et mon papa soient à nouveau ensemble».

Elle ne voulait pas dire, par-là, qu'elle souhaitait voir ses parents vivre de nouveau sous le même toit, mais sa remarque indiquait qu'elle ressentait le genre de sentiments ambivalents dont vous devez tenir compte ici. Vous ne pouvez pas occulter certains aspects.

Par ailleurs, il faut veiller à ce que les ordonnances de droit de visite soient respectées. Les médias nous ont appris que des groupes de défense des droits des pères réclament que la garde et le droit de visite soient liés au versement des pensions alimentaires, car certains pères doivent continuer de verser ce genre de pension tout en étant privés de leur droit de visite. Nous estimons que cette position est totalement inacceptable. Un aliment est un aliment. Il a pour objet de répondre aux besoins des enfants et ne doit pas être lié aux décisions rendues au sujet de la garde ou du droit de visite. Nous ne sommes cependant pas d'accord avec le fait que la restriction du droit de visite soit sans conséquence.

Plus tôt, nous avons parlé des différentes façons de procéder. Il y a des raisons pour lesquelles il convient, souvent, de garantir un droit de visite. Nous sommes d'avis qu'il conviendrait de permettre aux parents n'ayant pas la garde des enfants de visiter ces derniers, quand l'autre parent est en contravention avec l'ordonnance de visite, mais nous estimons que cela devrait être sans rapport avec le versement des pensions alimentaires.

Nous accordons une large place à la nécessité de former les juges des tribunaux des causes familiales, les travailleurs sociaux auprès de ces tribunaux, les médiateurs et toute personne travaillant en contact avec ce genre de causes. Nous estimons qu'il faudrait adopter des mesures pour veiller à ce que les juges des tribunaux de la famille suivent une formation poussée sur la dynamique de la violence familiale, surtout de la violence faite aux femmes. Les juges devraient être appelés à suivre cette formation avant d'entrer en fonction et, afin de les tenir au fait des derniers développements en la matière, il faudrait leur faire suivre des cours d'appoint à intervalles réguliers. Le coût de ce genre de formation devrait être réparti entre les différents ordres de gouvernement et la formation des travailleurs sociaux auprès des tribunaux ainsi que des médiateurs devrait être normalisée et comporter un volet sur la dynamique de la violence familiale, surtout de la violence faite aux femmes.

• 1610

Nous jugeons très important que les enfants aient accès aux services de counselling, en compagnie de leurs parents certes, mais également seuls. Si l'on ne règle pas ces problèmes, les effets sur ces enfants risquent d'être durables et peuvent même se faire ressentir pendant toute une vie adulte, facilement pendant 30 ou 40 ans. Nous pensons qu'il faut régler ce problème et assurer les services nécessaires.

Mme Ruth Brown: En dernier lieu, nos membres aimeraient qu'on favorise le contact avec les grands-parents. Nous compatissons avec les grands-parents qui assistent à l'éclatement du couple auquel appartient un de leurs enfants et qui, par la suite, n'ont plus accès à leurs petits-enfants. Nous estimons qu'il est souvent profitable aux enfants de maintenir le contact avec leurs grands-parents ainsi qu'avec leur famille élargie.

Nous sommes tout à fait confiantes qu'il s'agit là d'un sujet complexe, parce que d'une incidence sur la dynamique de la famille. On pourrait envisager de faire intervenir les grands-parents quand il y a différend quant au droit de visite. Nous estimons important d'intégrer éventuellement le recours aux grands-parents dans le processus de médiation. Je ne sais pas comment on pourrait s'y prendre, mais il faudrait s'intéresser également aux droits des grands-parents.

Cela étant, nous recommandons que le gouvernement fédéral entreprenne une étude en vue de déterminer la meilleure façon de permettre le contact entre les grands-parents et leurs petits-enfants, tout en protégeant le bien-être des enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Je vais maintenant demander au comité... Je sais que vous aimeriez faire toutes vos présentations avant que nous ne passions aux questions, mais cela fait beaucoup à absorber et peut-être que certains de nos collègues aimeraient avoir l'occasion de vous poser une question ou deux avant de passer à un autre exposé. C'est comme vous voulez.

Une voix: Poursuivez!

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien, alors continuez.

Mme Cori Kalinowski (membre, Comité de la justice, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Bonjour. Je m'appelle Cori Kalinowski et je représente le Comité canadien d'action sur le statut de la femme. Je ferai aussi profiter ce comité de mon expérience d'avocate en droit de la famille, pratiquant à Toronto.

J'ai eu la possibilité de revoir en détail le mémoire exhaustif préparé et déposé par l'Association nationale de la femme et du droit, et je tiens à préciser que le Comité canadien d'action sur le statut de la femme y souscrit en totalité.

Les questions de nature juridique concernant la femme et l'enfant, qui découlent de l'application de la loi sur la garde et le droit de visite, sont nombreuses et complexes, comme l'illustre fort bien ce mémoire. Si j'en ai le temps, je me propose de mettre en exergue le plus grand nombre possible de ces questions. C'est donc dans ce contexte que je vais vous exposer la position du Comité canadien d'action à propos de la garde et du droit de visite, et vous présenter nos recommandations.

Avant d'aborder ces aspects, permettez-moi de vous parler des réalités auxquelles sont confrontés les avocats et avocates pratiquant le droit de la famille ainsi que les personnes travaillant quotidiennement dans ce domaine; permettez-moi de vous faire un résumé de ce qui se passe de ce côté-ci de la barrière.

D'abord, les enfants voient leurs mères agressées, violées, voire assassinées au domicile familial, de façon régulière. C'est là une chose que nous ne devons pas perdre de vue. C'est la réalité et c'est une réalité qui se produit constamment.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Ne pourriez-vous pas un peu nuancer vos propos?

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je vous en prie, ce n'est pas la majorité des enfants au pays qui voient leurs mères assassinées ou violées.

Mme Cori Kalinowski: Je n'ai pas parlé de majorité. Il y a des enfants qui voient leurs mères violées et agressées...

L'hon. Sheila Finestone: Autrement dit, «certains» enfants...

Mme Cori Kalinowski: L'autre réalité, c'est que les mères sont souvent chargées de la garde des enfants et que ce sont les pères qui ont le droit de visite. C'est la situation normale.

Autre réalité, également: les enfants sont plus heureux quand la maman—le parent ayant la garde—, est heureuse et se sent en sécurité.

Pour ce qui est du droit de visite, la qualité du temps que l'enfant passe avec l'autre parent est plus importante que la durée.

• 1615

L'autre réalité, c'est que les hommes et les femmes ne sont pas égaux et donc qu'ils ne sont pas des parties égales dans la négociation.

Autre réalité, la garde commune imposée ne fonctionne pas, pas plus que la médiation imposée d'ailleurs.

S'agissant de la violence et des mauvais traitements faits aux femmes et aux enfants, il est un fait, troublant, dur et incontournable: les hommes—qu'ils soient maris, amis ou amants—battent, assassinent et violent les femmes dont ils partagent la vie et avec qui ils ont souvent des enfants. Ce n'est pas toujours le cas, mais cela arrive beaucoup trop souvent.

Autre réalité troublante et dure: ce sont les hommes qui perpétuent les mauvais traitements et les actes de violence contre leurs conjointes, devant les enfants et parfois contre ceux-ci, car il arrive que les enfants soient blessés en essayant de protéger leur mère. Ces situations violentes au foyer ont un effet dévastateur pour les enfants, comme vous l'ont dit d'autres témoins aujourd'hui. Ils porteront durant toute leur vie les blessures émotives qui leur sont infligées.

Après une séparation, les mauvais traitements se poursuivent et s'aggravent même parfois. C'est très souvent après une séparation qu'on trouve des femmes assassinées.

Bien qu'il arrive souvent que la violence soit présente dans une relation, il n'en existe actuellement aucune définition dans la Loi sur le divorce ni dans aucun texte de loi que je connaisse. Le Comité canadien d'action reconnaît que la loi ne peut, en soi, résoudre ce genre de problème, mais nous croyons qu'elle pourrait tout de même sanctionner l'existence de la violence et ainsi assurer une protection à la femme et à l'enfant.

Mon comité recommande donc l'inclusion d'une définition dans la Loi sur le divorce, définition sur laquelle juges et avocats pourront s'appuyer. Dans cette définition il devrait être question de violence verbale, d'agression psychologique, d'agression émotive, d'agression physique, d'agression financière et de violence sexuelle. La définition de la violence devrait, pour l'essentiel, décrire tout comportement visant à exercer une emprise sur la femme.

Nous recommandons d'inclure dans la Loi sur le divorce une présomption selon laquelle tout mauvais traitement qu'un des deux parents impose à l'autre ne va pas dans le meilleur intérêt de l'enfant, ce qui nous semble relever du bon sens. En outre, il conviendrait d'adopter une présomption juridique selon laquelle le parent se rendant coupable de mauvais traitements ne peut prétendre se voir confier la garde ni avoir le droit de visite sans surveillance des enfants nés du couple. La loi devrait aussi reconnaître que le droit de visite ne va pas toujours dans le sens du meilleur intérêt de l'enfant.

Le droit de visite sans surveillance dans une situation de violence familiale ne doit être consenti au parent violent que si celui-ci prouve qu'il s'est amendé et que ce droit de visite est accordé dans le meilleur intérêt de l'enfant.

La violence familiale est un phénomène de société dévastateur, méritant l'attention de la nation tout entière. La loi doit accorder la priorité à la sécurité de la femme et de l'enfant victimes de violence. Qui plus est, il faut reconnaître que la violence ne cesse pas au moment de la séparation des parties.

Il faut soutenir financièrement les refuges et autres organismes offrant un secours aux femmes et aux enfants victimes de mauvais traitements dans leurs foyers. Il convient, par ailleurs, de financer la prestation de services juridiques aux femmes et aux enfants victimes de violence.

Je vais maintenant passer à la médiation. Les femmes ayant été maltraitées vivent un véritable cauchemar au moment de la séparation, quand elles doivent rencontrer leurs ex-conjoints à une table de médiation. Pour elles, l'expérience est terrifiante.

Il est cruel de donner à un agresseur une tribune où il peut continuer d'exercer une emprise sur son ex-conjointe et, dès lors, perpétuer ses agressions. Dans une telle situation, les femmes paniquent. Elles sont prêtes à faire n'importe quoi pour sortir de la pièce; croyez-moi, parce que je l'ai vu. Les enfants sont affectés par le stress et la crainte qu'ils perçoivent chez la mère contrainte de faire face à son conjoint agresseur.

La loi doit sanctionner le fait que la médiation ne fonctionne pas dans une situation où il y a eu et où il y a encore violence. Pour qu'elle fonctionne, la médiation doit être volontaire et elle ne peut donner de résultats que si les deux parties désirent, volontairement, adhérer à cette procédure. Toutes les conséquences négatives, comme une éventuelle inférence négative dans la loi, voudraient dire que cette procédure n'est pas volontaire. Il ne doit pas y avoir de conséquences négatives pour la ou les parties décidant de ne pas prendre part à une médiation, et il ne faudrait pas non plus sanctionner ce choix.

• 1620

Dans le meilleur des cas, il est très rare que les deux conjoints soient à égalité en matière de pouvoirs de négociation; ce qui veut dire qu'il est quasiment impossible de mener de véritables séances de médiation. La médiation est née du droit du travail, contexte dans lequel on est en présence de deux parties fortes: d'une part le syndicat et, d'autre part, l'employeur. Les deux parties ont de solides atouts en mains. Le syndicat peut déclencher la grève et l'employeur peut décréter un lock-out. Quoi qu'il en soit, les deux parties ont intérêt à s'entendre sur une solution viable pour l'organisation.

Dans le contexte du droit familial, la femme n'a jamais été l'égale de l'homme, qui occupe de meilleurs emplois, des emplois stables. La société conditionne les hommes à réagir de façon différente des femmes pour se défendre. Dans bien des cas, pour ne pas dire systématiquement, les hommes ont la main haute dans la médiation.

En outre, les deux parties devraient avoir comme objectif commun d'en arriver à une entente allant dans le meilleur intérêt de l'enfant, mais il est rare que l'homme et la femme se fassent la même idée de ce qu'est le meilleur intérêt de leur enfant. Des médiateurs peuvent ne pas se rendre compte qu'il existe un lien entre le bien-être de l'enfant et la stabilité financière du parent qui en assume principalement la garde. Cela étant, on met souvent de côté les questions d'argent dans lesquelles on retrouve les aliments et le partage des biens.

De plus, il arrive souvent que les femmes prenant part à une médiation ou à d'autres tractations découlant d'une rupture avec leurs conjoints, se préoccupent surtout d'obtenir la garde de leurs enfants. Cela étant, elles cèdent sur le terrain financier. Elles se disent que cela n'importe pas, qu'elles arriveront toujours à se débrouiller. Ce qui importe par-dessus tout, c'est d'obtenir la garde de l'enfant. Va-t-on me laisser mes enfants, se demandent-elles? Serais-je la seule à en avoir la garde? Or, quand leur mère n'a pas une grande stabilité financière, les enfants sont désavantagés.

La plupart des avocats se retrouvent dans des situations où les médiateurs favorisent la garde partagée dans les efforts qu'ils déploient pour trouver un terrain d'entente. Le principe de la médiation est justement de trouver un terrain d'entente. Nombre de médiateurs croient que les accords de garde partagée constituent ce terrain d'entente. Ils ne tiennent pas forcément compte des problèmes de violence familiale. Ils ne tiennent pas forcément compte de la mainmise qu'une partie va avoir sur l'autre, si bien qu'ils poussent pour des accords de garde partagée.

Malheureusement, la garde partagée ne fonctionne pas. Toute cette idée de la garde commune a été mûrie par les tribunaux comme étant une formule à appliquer quand les parties s'entendent, quand les parties peuvent travailler ensemble. Or, nous savons tous que dans les situations d'éclatement des couples, l'entente est une denrée rare. Il peut arriver que des parties s'entendent sur le principe d'une garde partagée, mais dans la plupart des cas, elles sont en conflit l'une avec l'autre.

Il arrive que ce conflit soit tellement intense que les parents ne peuvent collaborer. Ils ne peuvent prendre de décisions communes. Souvent, le parent à qui l'on confie la garde partagée manipule l'autre dans les décisions prises en commun.

Les enfants, eux, sont pris entre deux feux. Ils deviennent de plus en plus confus et ne voient pas de fin aux conflits qui empoisonnaient leur vie avant que leurs parents ne se séparent. Il n'y a là rien de bon pour eux.

La médiation d'un accord de garde partagée peut avoir des effets dévastateurs sur l'enfant et sur la mère, surtout s'il y a eu violence au foyer. Mais cela, le médiateur ne le sait pas forcément.

Bien des médiateurs n'ont pas la formation ni l'expérience voulues pour composer avec les situations conflictuelles opposant les parties à la suite d'une rupture. En outre, bien des médiateurs ne sont pas formés pour régler les situations conflictuelles et rétablir les déséquilibres de pouvoirs entre les parties. Dans bien des cas, on est en présence d'une violence subtile où un simple geste imperceptible posé par l'une des parties provoque une peur panique chez l'autre. Dans bien des cas, aussi, les femmes n'ont pas accès à l'aide juridique et elles ne sont donc pas représentées par un avocat dans les médiations. On voit qu'il y a là des problèmes évidents.

La médiation devrait d'abord être axée sur la femme et sur l'enfant et être destinée à régler les problèmes, et non à éviter simplement que le dossier se retrouve devant un tribunal.

• 1625

Passons à la question du droit de visite. Imaginez un instant deux jeunes enfants revêtant leurs plus beaux habits, préparant leurs petites valises ou sacs à dos, en attendant que papa vienne les prendre. Ils sont tout énervés; ils attendent impatiemment la visite du père. Maman aussi attend, parce qu'elle espère pouvoir ranger la maison en leur absence, aller travailler à l'extérieur, gagner quelques dollars sur le côté ou que sais-je encore. Ils attendent... Ils attendent! Le téléphone sonne. C'est papa. Il ne peut pas venir.

Cette petite histoire est fondée sur des récits véritables que m'ont relatés mes clientes et d'autres. Certaines sont vieilles de 30 ans, d'autres se sont produites il y a deux ou trois semaines à peine.

Trop souvent, le droit de visite n'est pas exercé de façon régulière et prévisible, ce qui est source de déceptions chez les enfants qui se tournent alors vers leur mère pour se faire consoler. Maman bouleverse ses plans, elle consacre toute son énergie à ses enfants pour les consoler de leur déception et du sentiment de rejet provoqués par l'annulation de la visite du père. Le coût, financièrement et émotivement pour les enfants et pour la mère, est élevé.

Toutes ces histoires ne sont pas racontées devant les tribunaux et elles ne font pas non plus la nouvelle. La raison en est fort simple: il coûte beaucoup trop cher de se pourvoir en justice quand le conjoint refuse d'exercer son droit de visite, et pourtant cela se produit tout le temps.

Bien souvent, la mère n'a pas d'autre choix que de consoler ses enfants, de se ranger aux desiderata de l'autre parent en espérant qu'il se ressaisira et prendra son droit de visite plus au sérieux, pour le bien des enfants.

Les enfants, eux, ont besoin de certitude. Ils doivent pouvoir compter sur leur père et sur leur mère quand ils font l'objet d'un droit de visite. Nous recommandons que la loi reconnaisse que les enfants subissent un tort quand le droit de visite n'est pas exercé de façon fiable, prévisible et régulière, et que la qualité du temps passé avec les enfants est plus importante que la fréquence des visites.

Le fait de lier les aliments au droit de visite pourrait avoir un effet néfaste sur les enfants. Dans la plupart des cas, le montant des pensions alimentaires est insuffisant pour couvrir les besoins financiers des enfants. Il arrive trop souvent que des enfants de mères célibataires aient à subir les contrecoups de déboires financiers, même quand les aliments sont versés. Ainsi, ce serait punir très lourdement les enfants que d'essayer de réglementer les conflits liés au droit de visite.

Nous recommandons de ne pas établir de lien entre les pensions alimentaires et le droit de visite.

Il peut arriver que le droit de visite ne soit pas approprié, comme dans les familles perturbées par des conflits profonds ou par la violence. Parfois, le meilleur intérêt de l'enfant consiste à le mettre à l'abri d'un tel environnement toxique et à le couper de tout contact avec un des deux parents, jusqu'à ce que la situation s'améliore, ce qui peut très bien se produire.

La loi doit être souple et reconnaître que les modalités de visite doivent changer quand les enfants sont plus vieux ou que le conjoint ayant la garde décide de déménager pour améliorer les conditions de vie de sa famille. Souvent, les femmes doivent déménager pour des raisons professionnelles, pour aller chercher le soutien et l'assistance de membres de la famille élargie, pour économiser en frais de logement et pour des tas d'autres raisons. Le conjoint ayant la garde des enfants devrait pouvoir prendre de telles décisions et il devrait lui être possible d'obtenir une modification des modalités de visite sans craindre de poursuite et sans redouter qu'un tribunal ne restreigne sa mobilité.

À la faveur d'une modification récente de la Loi sur le divorce, on a inclus des dispositions stipulant qu'il est du meilleur intérêt de l'enfant de lui permettre un maximum de contacts avec ses parents et que la garde principale sera accordée au conjoint le plus disposé à faciliter un droit de visite à l'autre. Ces changements ont suscité beaucoup de craintes chez nombre de femmes. Elles se posent énormément de questions. Cela veut-il dire que si j'insiste pour que le droit de visite soit exercé sous surveillance, je risque de perdre la garde, même si mon ex-conjoint maltraite mes enfants? Si les enfants sont malades et veulent rester au lit, chez moi, quand ils sont censés aller au domicile de leur père, cela veut-il dire que je risque de perdre la garde?

Malheureusement, au vu de cette disposition sur le parent amical, comme nous l'appelons, il est difficile pour les avocats de rassurer les femmes qui se posent ce genre de questions et de leur garantir que tout ira bien, que le bon sens prévaudra et que, bien sûr, elles ne perdront pas la garde de leurs enfants.

Nous recommandons que la règle du parent amical soit retirée de la Loi sur le divorce et qu'elle ne soit plus utilisée d'une façon qui porte tort aux enfants.

Je vous remercie beaucoup pour votre temps et pour votre attention.

Mme Carole Curtis: Bonjour. Je suis une avocate de Toronto spécialisée dans le droit de la famille et je représente ici l'Association nationale de la femme et du droit. L'ANFD est une organisation féministe nationale à but non lucratif qui effectue des études juridiques et s'intéresse à la réforme du droit et à la sensibilisation du public.

• 1630

L'ANFD a rédigé un mémoire. J'espère que les membres du comité l'ont reçu. Je ne vais pas m'y référer en détail ni le lire intégralement, car il compte 25 pages, mais il y a une table des matières détaillée. Je vous en souligne l'intérêt parce qu'elle fait finalement le tour de toutes les questions.

Le problème de la garde et du droit de visite est complexe en droit. Nous avons tendance, en examinant les questions relatives au droit de la famille, à estimer que nous connaissons le problème et que nous sommes tous des spécialistes. Après tout, nous avons tous été enfants, la plupart d'entre nous sont des parents et nous vivons tous au sein d'une famille. Nous avons tous le sentiment de comprendre et de connaître les familles. Je tiens à dire au comité qu'il lui faut bien comprendre qu'il s'agit là d'une analyse simpliste dans un domaine très difficile et complexe qui évolue constamment.

Vous trouverez aussi à la fin du mémoire de l'ANFD une bibliographie comprenant une liste d'articles savants, d'ouvrages et d'études faisant état de la recherche. Certains domaines du droit de la famille ont en fait été largement étudiés alors que l'on manque totalement de données de recherche dans d'autres.

Il est tentant pour moi d'essayer d'aborder les quelque 27 questions qui figurent dans ma table des matières, mais je m'en abstiendrai car c'est une tâche absolument impossible dans le délai qui m'est imparti. Je me contenterai plutôt de suivre le mémoire en me référant à ses grandes lignes et en posant au comité un certain nombre des questions que, je l'espère, chacun d'entre vous va se poser à lui-même et aux autres au cours de vos discussions. Je vais aussi m'efforcer de dégager un certain nombre des questions qui sont sorties des discussions avec les autres groupes.

Je vous avoue bien franchement que j'ai été surprise de voir à quel point les mêmes questions revenaient dans les discussions avec les autres groupes lorsqu'on sait combien leur clientèle et leurs intérêts sont divers. Certains sujets revenaient constamment. De toute évidence, tous les groupes se préoccupent de la violence envers les femmes et de la façon d'y remédier dans la loi sur la garde et le droit de visite.

Je vous invite à consulter les trois annexes qui sont jointes au mémoire des YWCA, dans lequel figurent des statistiques très précises sur la violence envers les femmes et les agressions des femmes par leur conjoint. Ces statistiques sont très utiles.

Tous les groupes ont parlé de la médiation et veulent savoir quand il convient d'y recourir dans les affaires portant sur le droit de la famille. Tous les groupes ont abordé la question du rôle de chacun des parents au sein de la famille. Là encore, je vous prie de vous souvenir dans vos discussions que la famille est profondément ancrée dans la vie politique de notre société. On ne peut ignorer dans la loi que les hommes et les femmes ont des rôles différents au sein de la famille et cette réalité ne peut pas être modifiée par une simple loi.

Ce sont là un certain nombre de questions qu'ont abordées les différents groupes et j'aimerais ajouter à cette liste une ou deux questions supplémentaires.

Tout d'abord, il nous faut avoir des objectifs réalistes lorsque nous cherchons à réformer le droit. Évitons soigneusement d'aborder des questions que nous connaissons mal. Évitons soigneusement de faire des expériences au détriment des enfants et des parents canadiens. Je rappelle aussi aux membres du comité que la loi canadienne est fondée sur l'égalité. Il faut en tenir compte et l'ANFD ne manque pas de le faire dans son mémoire.

Je poursuis maintenant en posant quelques questions supplémentaires. Les responsabilités parentales sont réparties d'une certaine manière au sein de nos familles lorsque les deux parents vivent ensemble, et selon cette répartition, dans la majorité des cas, c'est la femme qui prend soin des enfants. Il faut souligner que cette répartition n'a pas évolué de manière significative récemment, même si nos structures sociales ont été complètement bouleversées au cours des 20 à 30 dernières années.

Rien n'a changé malgré le grand nombre de femmes qui exercent désormais un travail rémunéré à l'extérieur du foyer. Environ 60 p. 100 des femmes qui ont des enfants de moins cinq ans exercent un travail rémunéré à l'extérieur du foyer. Rien n'a changé malgré les bouleversements énormes survenus au sein des familles en raison de la rupture des mariages et du nombre de plus en plus grand de gens qui se remettent en ménage avec un nouveau conjoint, sans compter le fait que la définition de la famille évolue avec l'apparition de couples du même sexe et de familles reconstituées à deux ou trois reprises.

Je pense qu'il me faut demander ici au comité de tenir compte des véritables limites qui s'imposent au droit lorsqu'il s'agit de changer les comportements des parents après un divorce.

J'aimerais aussi que le comité se pose la question de savoir sur quel type de parents qui se séparent nous allons fonder notre législation s'appliquant à la garde et au droit de visite. Quel est le couple moyen qui se sépare et existe-t-il une telle notion? Une autre façon de voir les choses est de se demander s'il convient de concevoir un système qui vaut pour tout le monde ou un système qui fonctionne pour la majorité des familles qui se séparent.

• 1635

On a beaucoup parlé aujourd'hui de la violence au sein des familles et des femmes battues. Voilà un autre type de famille qui soulève des difficultés. Nous faisons une distinction dans notre mémoire entre les familles très conflictuelles et celle dans laquelle la femme est battue, et je vous invite à en tenir compte dans vos délibérations.

Je qualifie de très conflictuelle une famille dans laquelle il n'y a pas eu de véritable violence ou d'agression mais au sein de laquelle une relation hostile se poursuit après la séparation. Un thérapeute parlera éventuellement de relations dysfonctionnelles. Il y a bien des familles dans lesquelles les deux conjoints séparés sentent encore le besoin de se déchirer deux, cinq ou sept ans après la séparation. Nous ne devons certainement pas les oublier mais nous ne devons pas non plus nous faire des illusions sur l'aide que peut apporter notre système judiciaire et notre droit à ces familles.

Tous les groupes vous ont incité aujourd'hui à vous demander s'il convient ou non de mentionner précisément dans la loi la question de la violence pour déterminer l'intérêt de l'enfant. Nombre des groupes sont allés jusqu'à dire qu'il convenait de présumer que la garde ne pouvait pas être attribuée au parent ayant agressé l'autre et qu'on ne pouvait le faire bénéficier d'un droit de visite non supervisé.

Un certain nombre de mémoires soulèvent le problème de l'absence d'aide juridique et de l'impossibilité de recourir véritablement au système judiciaire. Il est très tentant pour les législateurs de rédiger une loi en déclarant que si elle ne donne pas de résultat, les gens peuvent toujours s'adresser aux tribunaux pour qu'un juge tranche. La majorité des Canadiens n'en ont plus la possibilité.

L'aide juridique en matière civile a été complètement sabordée au Canada. L'aide juridique en matière de droit de la famille est pratiquement inexistante, même dans ma province de l'Ontario, dont j'étais jusque-là très fière. Ces trois dernières années, 75 p. 100 de l'aide juridique en matière de droit de la famille a été coupée. Il nous faut donc instaurer un système qui soit au service des gens, qu'ils aient ou non accès à un avocat et au système judiciaire.

Nous devons séparer la question de la garde de celle qui a trait aux prises de décision. Ce sont là deux types de choses qui revêtent une très grande importance pour les enfants et que l'on a trop tendance à mélanger et à confondre dans nos discussions. Le parent responsable de la garde doit être, et est généralement, celui qui prend les décisions. C'est ce qui se passe généralement dans les familles intactes et c'est ce qui devrait se passer dans les familles séparées.

D'autres juridictions ont pris des orientations différentes pour ce qui est de la législation sur les responsabilités parentales et je suis sûre que vos services de recherche vous en ont informé. La véritable question qui se pose dans ces juridictions, c'est de savoir si l'augmentation, par exemple, du pouvoir et de l'autorité parentale en faveur du parent qui n'a pas la garde de l'enfant se traduit par un modèle davantage axé sur les besoins de l'enfant. Est-ce que ce modèle ne revient pas finalement à donner en fait davantage de pouvoirs et d'autorité parentale au parent qui n'a pas la garde?

L'Australie s'est orientée dans cette voie, de même que le Royaume-Uni. Dans ces pays, les chercheurs se posent d'ores et déjà la question, est-ce que ce modèle profite à l'enfant? En quoi profite-t-il à l'enfant?

J'invite votre comité à se demander quel est l'objectif de la réforme du droit dans ce domaine. Pourquoi procédons-nous ainsi? En 1993, le groupe de travail fédéral-provincial-territorial a publié sa première étude sur la garde et le droit de visite, qui a soulevé bien des questions. En cinq ans, le monde a bien changé.

Donc, pourquoi sommes-nous ici? L'une des grandes orientations de la réforme du droit est-elle de faire en sorte que les enfants s'adaptent mieux à la séparation et au divorce? Doit-on insister là-dessus? La loi peut-elle permettre d'atteindre cet objectif? Y a-t-il des limites à ce que la loi peut faire pour modifier le comportement des parents après une séparation? Une simple modification de la formulation de la loi va-t-elle avoir une incidence sur la répartition des responsabilités parentales?

Il ne faut pas que votre comité oublie que la grande majorité des familles qui se séparent et qui divorcent ne passent jamais devant un juge. Dans leur grande majorité, elles règlent leurs litiges autour de la table familiale ou avec l'aide d'avocats ou d'autres spécialistes de la résolution des conflits. Il n'y a qu'un faible pourcentage de familles qui se trouvent en procès devant les tribunaux.

Il est possible en fait qu'il n'appartienne pas à la législation sur la famille de chercher à modifier radicalement les différences structurelles portant sur les dispositions prises en matière de garde d'enfants. Ainsi, il n'est peut-être pas du ressort de la formulation de la loi de faire en sorte que les parents coopèrent davantage ou aient un meilleur comportement après une séparation ou lors d'un conflit portant sur la garde d'enfant. Certes, c'est ce que tout le monde veut. C'est aussi mon objectif. Je suis tous les jours en contact avec des personnes dans cette situation et j'aimerais bien qu'elles coopèrent davantage. Je demande simplement au comité s'il s'agit là d'une attente réaliste concernant la législation.

• 1640

Je demande au comité de se demander s'il convient de continuer à considérer le bien de l'enfant comme étant prioritaire pour ce qui est des responsabilités parentales après un divorce ou si l'on veut adopter un autre critère. Ne doit-on pas, par exemple, considérer celui qui s'occupe principalement de l'enfant? N'est-ce pas là que réside maintenant l'intérêt de l'enfant, quand on tient compte de celui qui s'en occupe principalement?

Je demande au comité de prendre bien garde de ne pas se lancer dans des domaines inconnus qui n'ont fait l'objet d'aucune recherche. Aucune étude récente ne nous révèle, par exemple, que les nouveaux régimes de responsabilité parentale aux États-Unis, notamment celui de Washington, aient en fait amélioré la situation de vie ou la vie des enfants dans les États correspondants, ou aient modifié la façon dont ces enfants sont élevés, ou encore aient impliqué davantage les pères auprès de ces enfants. Nous devons prendre bien soin de ne pas démanteler le système actuel sans savoir par quoi le remplacer et si le modèle de substitution va permettre d'atteindre les objectifs fixés.

Nous devons prendre bien soin de ne pas suivre la mode du mois, comme l'ont appelée certains chercheurs aux États-Unis. La Californie a adopté la présomption de garde conjointe il y a 10 ou 15 ans. Elle en est ensuite revenue. Elle l'a essayée et en n'a pas été satisfaite.

Très peu d'études documentées ont été faites sur les effets de la garde conjointe ou de la responsabilité parentale partagée sur les couples divorcés et leurs enfants, même si différentes juridictions américaines ont essayé ce régime. Il n'est pas certain qu'une loi imposant une garde conjointe ou une responsabilité parentale partagée parvienne même à atteindre l'un des objectifs les plus essentiels, qui est de simplifier la résolution des conflits portant sur la garde des enfants en cas de rupture du mariage. Reconnaissons bien franchement qu'il faut qu'un couple qui se sépare soit bien spécial pour pouvoir collaborer dans toute la mesure nécessaire et avoir suffisamment de contacts pour prendre des décisions conjointes ou procéder à une garde conjointe.

Sur la question de la responsabilité parentale partagée, il vous faut vous demander si c'est d'une prise de décision conjointe ou de garde partagée dont on parle. Bien des femmes vous diront que si leur conjoint demandait une garde conjointe, elles seraient bien heureuses de leur accorder. Il est bien dur d'être seule pour élever ses enfants, et ce n'est pas une vie facile. Les études nous indiquent, et le document de l'ANFD y fait référence, que lorsque les pères demandent une garde conjointe, ce n'est pas généralement un temps partagé à 50-50 qu'ils exigent, comme lorsqu'on partage un condominium, mais le partage des décisions, ce qui à mon avis revient à demander un droit sans la responsabilité correspondante, la responsabilité étant de garder l'enfant.

Lorsqu'on envisage une garde conjointe ou partagée, on doit se demander si le partage des prises de décision est bien approprié dans le cas des familles très conflictuelles ou lorsque la femme a été agressée.

L'autre difficulté que pose la garde ou la responsabilité parentale conjointe, c'est qu'elle ne tient pas suffisamment compte du fait que ce sont les femmes qui s'occupent avant tout des enfants tant que la famille est réunie et aussi, en général, après la séparation, et que la situation des femmes n'est pas la même que celle des hommes.

J'ai de nombreux documents sur le sujet, mais je vois qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. Je vous renvoie à la liste de sujets traités dans le mémoire de l'ANFD, que je n'ai pas eu le temps, je vous l'ai dit, de détailler complètement ici. Je suis prête à répondre aux questions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Vous venez de nous poser un certain nombre de questions judicieuses, et j'espère que nous nous les sommes déjà posées sans qu'on ait à nous le demander.

La parole est à M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

J'aimerais faire une observation au sujet du dernier point que vous avez soulevé, soit la distinction entre la garde et la prise des décisions. C'est une façon très intéressante d'aborder la question. Je reconnais avec vous que nous nous en sommes tenus aujourd'hui pour l'essentiel à des évidences mais il nous faut bien comprendre la raison d'être de notre comité et la tâche qui l'attend.

• 1645

Il serait peut-être bon, Carole Curtis, que vous nous disiez quelques mots de la solution que vous préconisez pour que les pères s'occupent davantage de leurs enfants et en assument en fait la charge. Vous nous avez dit par ailleurs qu'il ressort des études que les mères seraient très heureuses de partager la garde des enfants.

Je me demande si selon vous elles seraient prêtes aussi à partager le coût de cette garde—non seulement en fonction des principes qui sont posés actuellement aux termes du projet de loi C-41, qui tient compte de la solvabilité mais non des besoins effectifs et d'autres facteurs. Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus au sujet de cette opposition entre la prise de décisions et la garde et nous dire où en est la recherche et quelles sont vos recommandations.

Mme Carole Curtis: Je m'efforcerai de le faire avec plaisir. Laissez-moi vous dire simplement que je n'ai pas très bien entendu votre question.

Le paragraphe 44 du mémoire de l'ANFD fait état d'un problème en droit de la famille qui est la diminution des visites, problème que vous avez déjà évoqué, je crois. Les données dont nous disposons nous indiquent que lorsque les visites diminuent, le problème ne tient pas au fait que le parent qui possède la garde limite les visites, contrairement à ce que les médias veulent nous faire croire, mais au fait que le parent qui possède un droit de visite ne l'exerce pas toujours.

La plupart des femmes seraient heureuses que les droits de visite soient exercés de manière uniforme et régulière. C'est le désir de leurs enfants et c'est pour le plus grand bien de ceux-ci. C'est la solution la moins bouleversante pour leurs enfants, lorsqu'ils sont jeunes et pendant leur vie adulte.

J'estime que le comité législatif s'avance beaucoup s'il croit que la législation peut changer les comportements et faire en sorte que les pères s'intéressent davantage à la garde de leurs enfants après une séparation si ce n'est pas ce qui leur tient à coeur au moment de la séparation.

Notre société a permis entre autre que les gens se lancent dans une nouvelle relation en se sentant un minimum de responsabilités envers la première. Je le vois tous les jours dans mon travail. Je vois des parents se lancer dans une deuxième ou une troisième relation. Je vois des hommes qui sont prêts à s'occuper des enfants avec lesquels ils habitent, que ce soit ou non les leurs—qui sont prêts à subvenir aux besoins de ces enfants, les enfants de leur deuxième femme, parce qu'ils vivent en leur compagnie—en délaissant leurs propres enfants. Nous avons entériné cette situation à maints égards en ne faisant pas appliquer comme il se doit les ordonnances visant à l'entretien des enfants.

Je ne dis pas que c'est impossible, je ne suis tout simplement pas sûre que la législation soit le meilleur moyen d'y parvenir.

M. Paul Forseth: Très bien. J'ai simplement une question supplémentaire à vous poser.

Au paragraphe 44, vous nous dites que le fait de ne pas exercer le droit de visite ou de ne pas le faire régulièrement se révèle très dommageable et très bouleversant pour l'enfant et pour le parent qui a la garde. Vous précisez par ailleurs que les médias semblent privilégier le fait que le parent qui exerce le droit de visite ou le droit d'accès est placé dans une situation difficile à notre époque. C'est l'insistance par les médias sur ce que l'on appelle les droits des pères. La réponse, c'est que le véritable problème qui se pose est celui du manque d'exercice du droit de visite fixé par un accord ou par une ordonnance. Il y a donc ici deux volets et vous nous dites que la loi ne s'occupe ni de l'un ni de l'autre.

Ne pouvait-on pas modifier légèrement la loi ou le système pour remédier à la situation? Mais avant toute chose, si la loi n'est pas la solution, comment faire?

J'ajouterais une chose. Les intervenants nous ont parlé aujourd'hui des limites de la médiation et je me demande dans ce cas comment faire pour que les parties aient recours plus souvent à la médiation. Face aux solutions de rechange, dont l'intérêt n'est pas toujours évident, ils auraient alors recours à la médiation; autrement dit, ils seraient incités à y recourir.

Il semble que les éléments incitatifs ne soient pas toujours présents à l'heure actuelle afin que les gens choisissent de recourir à la médiation. Je n'ai jamais entendu dire que l'on impose de force la médiation aux gens, parce que tout médiateur qualifié qui connaît un peu son travail sait comment aborder les relations de pouvoir et ne va certainement pas forcer les gens à recourir à la médiation. C'est un principe fondamental; l'essentiel de ce qui fait un médiateur.

• 1650

Revenons à la question de l'équilibre des droits de visite. Il y a ici deux enjeux. Il y a le manque d'exercice des droits de visite et les déceptions et les bouleversements que cela entraîne, et d'autre part l'impossibilité d'exercer un droit de visite qui a été accordé ou convenu, les conséquences étant tout aussi pernicieuses.

Mme Carole Curtis: Je suis contente que vous ayez soulevé la question des limites de la médiation. La médiation est un outil de résolution des conflits utile pour un petit pourcentage de familles. Il ne convient pas à l'ensemble.

Avant l'apparition des médiateurs, et encore aujourd'hui, les avocats ou les familles elles-mêmes résolvaient leurs conflits autour de la table familiale. La résolution des conflits, c'est mon travail de tous les jours. Lorsque les médiateurs sont apparus, j'ai constaté en fait avec un grand intérêt que cela n'a pas entraîné une soudaine diminution du nombre des procès. Autrement dit, les médiateurs ne réglaient pas les cinq pour cent d'affaires qui se retrouvaient devant la justice. Ils réglaient les 95 p. 100 qui l'étaient déjà auparavant.

Je ne sais pas s'il nous faut créer davantage de cas qui relèvent de la médiation. À l'heure actuelle, on impose la médiation aux gens. Toutes nos provinces envisagent la possibilité d'un renvoi obligatoire devant la procédure de médiation, même dans les cas où cela est totalement inapproprié.

Des femmes battues sont renvoyées obligatoirement devant la procédure de médiation. Cela ne veut pas dire qu'il leur faut procéder à une médiation, mais elles sont renvoyées devant cette procédure et on leur fait bien comprendre qu'il leur faudrait procéder à une médiation, même si ce n'est pas leur intérêt.

J'ai une expérience très différente de notre système que la vôtre. Notre système n'est pas structuré pour nous détourner de la médiation; au contraire, il est à l'heure actuelle considérablement axé sur la médiation, en partie en raison des pressions financières qui s'exercent depuis les cinq dernières années au sein du système judiciaire.

Disons bien franchement que si l'on a recours à la médication parce que l'on ne peut pas se permettre de recourir à d'autres solutions, ce n'est pas une bonne raison. C'est une bien mauvaise raison. La médiation, comme la garde conjointe, exige une certaine maturité de la part des adultes; il faut que les deux adultes aient surmonté la colère de la séparation; il faut qu'ils puissent penser d'abord à l'intérêt de l'enfant, ce qui est très difficile lorsque deux adultes se séparent; enfin, il faut que les deux parents cherchent véritablement à résoudre le conflit. Bien des personnes qui se séparent n'en sont pas encore là. Elles ne cherchent pas véritablement à résoudre le conflit. Il leur faut surmonter leur colère, leur hostilité. J'ai encore des clients qui continuent en fait à se battre parce que c'est la seule relation qu'ils ont avec l'autre parent.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Une question supplémentaire.

Mme Helen Saravanamutto: Je voudrais aborder la question du droit de visite exercé par le père ou par le parent qui n'a pas la garde.

Il est difficile, très difficile, pour certains parents qui n'ont pas la garde de passer du temps avec leurs enfants. Ils ne disposent pas nécessairement d'un logement adapté. Ils n'ont pas nécessairement un endroit pour accueillir leur enfant.

Nous avons besoin d'un bien plus grand nombre de services pour aider les familles dans cette situation. C'est ainsi qu'il y a des compressions de crédit dans le domaine, par exemple, concernant les installations permettant d'exercer un droit de visite surveillée. C'est bien dommage. Nous avons besoin d'un plus grand nombre de services de ce genre.

C'est comme ça qu'on peut exercer un droit de visite. Ce n'est pas en passant par la loi. C'est en donnant des services aux parents, des services de consultation, par exemple, ou des maisons d'accueil permettant aux gens d'exercer un droit de visite, mais non en passant par la médiation.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Anne, vous vouliez poser une question?

La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.

J'aimerais apporter une précision. J'entends constamment des gens comme Mme Curtis et d'autres venir nous mettre en garde en disant que notre comité ne doit pas faire telle ou telle chose. Je me demande si ce n'est pas parce qu'on a l'impression que notre comité se prépare à agir. J'avais cru comprendre que notre comité ne faisait qu'aborder l'étude de toutes ces questions.

Je tenais simplement à ce que ce soit précisé parce que l'on a l'impression que nous sommes sur le point d'en venir à des conclusions, ce qui n'est pas le cas. C'est par simple curiosité. C'est une simple précision concernant le fait que vous estimez qu'il vous faut donner des instructions au comité. C'est tout.

Mme Carole Curtis: J'espère en fait que le comité ne prend pas ombrage de mes propositions. Il s'agit d'une liste de questions portées à l'attention du comité.

La sénatrice Anne Cools: Oui, mais je me demandais simplement d'où venait ce type d'information. Autrement dit, est-ce qu'il y a quelqu'un qui dit ce genre de choses à notre sujet?

• 1655

Mme Carole Curtis: C'est ce qui se dit au sujet du comité; on le trouve sur Internet. Il y a là de nombreuses informations, ainsi sur les questions que sont susceptibles de soulever devant le comité les groupes de défense des pères. Par ailleurs, nombre d'entre nous autour de cette table ont déjà participé à ce genre d'audience. Ces questions intéressent particulièrement les femmes canadiennes et c'est pourquoi nous les portons à votre attention.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Cohen, avez-vous également une question supplémentaire à poser?

La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Les soins et la prise de décisions... et merci de vos questions parce que je pense que les sujets que vous avez demandé d'examiner vont être importants à long terme.

Je voulais simplement vous demander de préciser une chose. Le soin des enfants et la prise de décisions sont des aspects tout nouveaux pour moi auxquels j'aimerais réfléchir. Je ne suis pas certaine de vous avoir bien comprise mais avez-vous bien dit que le fournisseur de soins est habituellement celui qui prend les décisions dans les familles intactes? J'avais toujours pensé que dans les familles intactes, les décisions se prenaient à deux.

Je vous demande de bien vouloir m'apporter cette précision.

Mme Carole Curtis: Je parle peut-être d'autres types de décision mais je ne voudrais pas trop aller dans les détails parce que cela risque de ne pas être très utile pour le comité.

Dans notre société, le principal fournisseur de soins est encore la mère, qu'il s'agisse des familles séparées ou des familles intactes et c'est également la personne qui généralement choisit et embauche la bonne d'enfants, qui choisit les leçons que va prendre l'enfant, leçons de natation ou de piano, qui conduit les enfants aux pratiques de hockey et qui achète l'équipement de hockey—c'est parfois le père qui achète l'équipement de hockey—et ce genre de chose. Il y a toute une série de décisions qui vont des décisions importantes, comme le choix d'une école privée ou d'un médecin... ces décisions sont habituellement prises par le fournisseur de soins, je veux trouver un bon médecin, je veux trouver un spécialiste.

La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Bathurst, Lib.): C'est encore comme cela?

Mme Carole Curtis: Je m'occupe à plein temps de droit de la famille depuis 20 ans et c'est encore comme cela. Cela fonctionne de cette façon dans les familles, quel que soit le niveau socio-économique. Cela se passe de cette façon dans les familles où la mère gagne 200 000 $ par an parce que c'est une spécialiste des services de banque d'investissement. C'est encore elle qui prend ce genre de décision. C'est encore elle qui fait les costumes d'Halloween et c'est encore elle qui sort à 8 heures du soir pour acheter des gâteaux parce que ses enfants en ont besoin pour le dîner du lendemain.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Des expériences différentes.

Carolyn Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.

Le thème qui ressort depuis le début est qu'il semble y avoir trois questions: les ressources, l'éducation et la langue. L'aspect qui m'a particulièrement intéressé est que, même si le comité est chargé d'examiner le projet de loi, c'est en fait la pratique qui est l'aspect le plus important. Il faudra manifestement faire de gros efforts en matière d'éducation, quelles que soient les dispositions législatives choisies, pour qu'elles soient bien appliquées. Si je me base sur les idées exprimées par les juges, par les avocats ou même par les professeurs qui enseignent l'art d'être parent à l'école secondaire, il y a encore beaucoup à faire.

J'aimerais savoir si vous avez des suggestions sur les dispositions que nous devrions adopter si nous avions la possibilité de le faire. Dans ma pratique de médecine familiale, j'ai observé qu'il y a encore des gens qui pensent que les garderies ne sont pas bonnes pour les enfants. De sorte que, si la mère travaille et place son enfant dans une garderie et que la nouvelle amie du papa est en mesure de rester à la maison pour s'occuper de l'enfant, cette dernière situation est préférable pour l'enfant.

On ne comprend pas la maladie mentale. Lorsque quelqu'un souffre de diabète, c'est une chose; si quelqu'un est atteint de psychose maniaco-dépressive et doit être interné une fois tous les deux ans pour vérifier la prescription, cela est mauvais.

Ce sont les générations successives qui nous disent ce qui est bon et ce qui est mauvais et les personnes qui se contentent de prendre une décision... le comité a entendu les personnes qui se retrouvent dans des situations litigieuses et qui représentent 5 à 20 p. 100 de la population... Il y a évidemment des choses à faire, qu'il s'agisse des couples homosexuels, et de ce qui est bon et mauvais dans la façon dont les décisions ont été prises jusqu'ici, quelles que puissent être les dispositions législatives en vigueur.

Il faudrait évidemment affecter davantage de ressources à l'aide juridique. Nous avons manifestement besoin de ressources parce que je crois qu'un des obstacles auquel se heurtent bien souvent les femmes en particulier, c'est qu'elles n'ont pas les moyens de faire faire les évaluations familiales ou psychologiques qui aideraient à déterminer ce qui est dans l'intérêt de l'enfant. À l'heure actuelle, c'est une lutte entre le père et la mère et il n'y a pas suffisamment d'argent pour essayer de savoir ce qui est dans l'intérêt de l'enfant. Cela semble être une question d'argent.

• 1700

J'aimerais bien que l'on m'explique également certains thèmes que nous avons entendu cet après-midi, des mots comme «droits» que l'on oppose aux «responsabilités». Nous avons essayé d'imaginer ce qui se passerait si le mot «garde» ne figurait pas dans le projet de loi. Si l'on mettait en place de véritables plans de répartition des responsabilités parentales... et si l'on savait si les données de Washington indiquent que cela n'améliore pas la situation mais est-ce que cela l'aggrave? S'il n'y avait pas de sujet de discussion et si depuis la naissance de l'enfant, les deux parents assumaient leurs responsabilités, pourrions-nous élaborer un projet qui tienne compte de ce qui s'est passé traditionnellement dans cette famille pour ce qui est de la personne qui fournit principalement des soins, qui achète les gâteaux et prend les décisions?

C'était là les trois aspects que je voulais aborder. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de se demander si nous avons besoin de fonds supplémentaires ou non.

L'autre expression que j'ai notée est «terrain neutre». Je crois que certains estiment que la médiation est une bonne chose pour beaucoup de gens. Peu importe qu'il s'agisse d'un avocat qui a suivi des cours ou d'un travailleur social qui s'est spécialisé. Je parle d'une personne qui se trouve dans la salle d'audience et qui aide ces gens qui vont autrement devoir attendre un an et demi avant d'en arriver à une entente. Cette personne spécialisée réussit souvent à réduire ce délai, ce qui est dans l'intérêt de l'enfant. Il n'est même pas nécessaire que les deux parties se trouvent dans la même pièce; rien n'empêche le médiateur de passer d'une pièce à l'autre.

Avec ce genre de médiation, y a-t-il une façon, que ce soit par suggestion ou en montrant un enregistrement vidéo, d'aller au-delà de la question du pouvoir dans la relation?

Mme Carole Curtis: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Un instant, s'il vous plaît. La période des questions est presque terminée et il y a plusieurs autres personnes qui attendent d'en poser; j'aimerais donc que les questions et les réponses soient aussi brèves que possible.

Mme Carole Curtis: Ces sujets sont très vastes. Je suis prête à en parler, j'adore le faire, mais ce sont des sujets très vastes. Nous pourrions parler de ces questions pendant deux jours.

La sénatrice Anne Cools: Nous y avons déjà consacré deux heures aujourd'hui.

Mme Carole Curtis: Changer les termes utilisés pour décrire la garde et le droit de visite est une solution rapide qui peut intéresser le législateur. Ce changement ne saurait toutefois modifier la façon dont les responsabilités en matière de soins des enfants sont réparties en fonction du sexe. Il y a des articles là-dessus et il y a un livre écrit par deux experts américains. Ils figurent dans ma bibliographie. Mnookin et Maccoby ont traité de ces questions et ils parlent du fait que, malgré tous les changements qu'on a tenté d'apporter au droit pour supprimer les stéréotypes basés sur le sexe et encourager l'égalité entre ceux-ci, le rôle que remplissent les mères et les pères dans les familles demeure fondamentalement différent et les femmes continuent à s'occuper de façon disproportionnée des enfants pendant le mariage.

En outre, sur la question du changement des termes, je vous invite à examiner ce qui s'est fait en Australie et au Royaume-Uni ainsi que les études publiées à ce sujet. Il y a, par exemple, l'expérience australienne. Ils ont publié un livre après avoir adopté un projet de loi qui traitait de la question de la langue et des changements à y apporter.

Je pense, et c'est d'ailleurs ce que d'autres universitaires croient, que le droit de la famille n'est pas l'outil qui permettrait de modifier de façon radicale les différences structurelles sur le plan des soins donnés aux enfants, en ayant recours à une autre langue ou à d'autres dispositions législatives. Cela me paraît une attente irréaliste.

Sur l'aspect «terrain neutre», le mot «médiation» a un sens particulier pour les personnes qui oeuvrent dans le domaine du droit de la famille. La médiation fait appel à un professionnel neutre choisi par les parties ou désigné par le tribunal qui réunit les parties dans une pièce pour tenter de les aider à s'entendre.

Vous semblez avoir plutôt parlé d'intervention judiciaire précoce. C'est une excellente chose et cela se fait. Cela se fait partout en Ontario mais nous rencontrons certaines résistances parce qu'il y a beaucoup de juges qui ont choisi ce travail à une époque où être juge voulait dire décider. Cela voulait dire siéger dans une salle d'audience, au-dessus de tous les autres, entendre les parties et prononcer une décision.

• 1705

Le rôle du juge a été entièrement redéfini au cours des années 90 et cet effort n'est pas encore terminé. Si l'on peut obtenir une intervention judiciaire précoce ou l'intervention précoce de spécialistes ayant pour but d'amener les parties à s'entendre, cela est excellent. Mais ce n'est pas la médiation. C'est un rôle très différent de celui du médiateur; en tant que société, nous devrions demander à nos magistrats spécialisés et très bien rémunérés de remplir des tâches qui sont nécessaires. Si c'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est ce que ces juges devraient faire. Je ne veux pas dire que les juges devraient s'occuper de médiation. Je veux dire que l'intervention judiciaire précoce devrait être un élément obligatoire de notre système judiciaire et que cela faciliterait le règlement des litiges.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: J'aimerais poser une question supplémentaire. Est-ce que les juges ont reçu une formation correspondant aux tâches qu'on leur demande?

Mme Carole Curtis: Non, et ils exècrent ce travail. Je ne devrais pas faire de telles généralisations mais les juges plus âgés ont été nommés à un moment où le rôle du juge consistait uniquement à prendre des décisions et ils sont très réticents à modifier ce rôle. Les nouveaux juges, ceux qui ont été nommés depuis cinq à dix ans, parmi lesquels il y a beaucoup de femmes, sont davantage ouverts à ces changements. Mais pour les juges, ce n'est pas juger. Ils voient dans ces nouvelles méthodes quelque chose de sirupeux, de larmoyant et d'horrible.

La sénatrice Erminie Cohen: D'après vous, l'intervention judiciaire précoce est une bonne idée...

Mme Carole Curtis: Absolument. Cela se fait.

La sénatrice Erminie Cohen: ... et cela devrait se combiner avec la formation des juges.

Mme Carole Curtis: Absolument. Le YWCA a parlé de la formation des juges.

Une voix: Et des médiateurs.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Était-ce votre question?

La sénatrice Erminie Cohen: Non, ce n'était pas ma question. Ma question s'adresse à tous ceux et celles qui veulent y répondre.

Nous avons entendu un groupe ici la semaine dernière, Fathers are Capable Too, ou FACT. Il proposait un système où il y aurait un coordonnateur des responsabilités parentales, qui serait un organisme impartial chargé d'établir un calendrier des activités parentales qui s'appliquerait tant que cela serait utile. Je voulais savoir si les personnes qui siègent ici autour de la table estiment qu'un tel système pourrait être utile dans les cas de maltraitance. Je voulais savoir ce que vous pensiez de cette idée.

Mme Elaine Teofilovici: Dans notre mémoire, nous mentionnons qu'il faut traiter à part les cas de maltraitance ou de violence. Nous le faisons en pratique et je parle au nom des YWCA. Je ne dirais rien de plus. D'après ce que nous savons, il y a toujours de la maltraitance. Elle peut prendre diverses formes mais elle se poursuit par la médiation, par les autres ententes entre parents, par le droit de visite, par la garde. Elle continue.

Ce problème est très différent des autres problèmes ou motifs qui amènent les conjoints à se séparer ou à divorcer. Là encore, j'insisterais sur le fait que ce problème ne peut être résolu par la médiation, il ne peut être résolu par le droit, et il faut en être très, très conscient.

La sénatrice Erminie Cohen: D'après vous, ce système de coordination des responsabilités parentales, qui prévoit l'établissement d'un calendrier des tâches parentales, ne pourrait s'appliquer aux cas de maltraitance.

Mme Elaine Teofilovici: La maltraitance va continuer. Il y aura peut-être certains changements de comportement mais la dynamique de la relation va se poursuivre.

La sénatrice Erminie Cohen: Très bien. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Carolyn Bennett veut poser une question supplémentaire.

Mme Carolyn Bennett: Je voudrais continuer sur ce sujet, la maltraitance invisible dans ce qui paraît être une relation fonctionnelle, connaissez-vous des outils ou des questionnaires objectifs qui peuvent être donnés séparément aux parties, comme nous le faisions avec la feuille que nous donnions à remplir aux personnes se trouvant dans la salle d'attente pour dépister les cas de dépression? Y a-t-il un outil qui permettrait de déceler ces cas-là?

Mme Carole Curtis: La difficulté que pose le dépistage des femmes maltraitées est qu'il y a beaucoup de femmes qui ne sont pas conscientes du fait qu'elles vivent une relation dans laquelle elles sont maltraitées, même lorsque c'est le cas. La société leur a enseigné qu'elles étaient responsables de leur relation. Leur conjoint a convaincu sa partenaire, par exemple, que, si elle faisait mieux la cuisine, il ne la frapperait pas, que si elle faisait mieux l'amour, il ne la frapperait pas. J'ai eu des femmes qui avaient été agressées physiquement et qui ne considérait pas qu'elles l'avaient été.

C'est pourquoi il me paraît faux de penser que l'on peut identifier les personnes qui se trouvent dans cette situation pour les aider, puisque les femmes elles-mêmes ne comprennent pas toujours ce qui leur arrive et le genre de relations qu'elles sont en train de vivre; elles ne savent pas que c'est un crime, qu'elles n'ont pas à accepter ce genre de situation.

Une voix: Elles ne sont pas stupides.

• 1710

Mme Elaine Teofilovici: J'ajouterais également que les femmes qui sont victimes de violence ont bien souvent honte. C'est pourquoi elles n'en parlent pas à leurs amies, à leur famille, même à leurs enfants, lorsque ces derniers n'ont pas été témoins de ces scènes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Madame Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.

J'aimerais, tout d'abord, remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Il y en a quelques-uns, un ou deux au moins, qui ont déjà comparu devant des comités. Je voulais vous dire que nous étions contents de vous avoir.

J'aimerais poser quelques questions et formuler des commentaires. J'ai été particulièrement frappée par le fait que pratiquement tous les intervenants ont choisi d'examiner la Loi sur le divorce dans l'optique de la violence familiale. J'ai été très frappée par l'emploi qu'on avait fait de mots comme «pouvoir» et «domination».

Je crois avoir compris que vous semblez à peu près toutes d'accord pour dire que la Loi sur le divorce devrait tenir compte de la violence familiale, qu'elle devrait la punir, en particulier lorsqu'il s'agit de décisions concernant la garde et le droit de visite. Est-ce que j'ai bien interprété vos paroles? Est-ce bien ce que vous avez dit?

Mme Carole Curtis: Je ne pense pas que quelqu'un ait utilisé le mot «punir» ou ait suggéré que l'on punisse qui que ce soit. Ce n'est pas le mot qui convient. Par contre, il s'agit là d'un facteur pertinent aux décisions relatives à la garde et aux droits de visite, facteur qui devrait être utilisé uniquement à titre de présomption mais il faut en tenir compte.

La sénatrice Anne Cools: Excellent. Très bien.

Par conséquent, si nous sommes d'accord pour dire qu'un juge ou la personne qui rend une ordonnance en vertu de la Loi sur le divorce sur les questions de garde et de droit de visite, devrait tenir compte de la violence familiale, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que cette personne devrait également tenir compte de la violence familiale lorsqu'elle vise les enfants?

Mme Carole Curtis: Absolument.

La sénatrice Anne Cools: Absolument. Bon.

J'aimerais vous communiquer des données qui proviennent d'un rapport de 1994 sur la maltraitance des enfants préparé par le Toronto Institute for the Prevention of Child Abuse. C'est une étude des données fournies par 54 sociétés d'aide à l'enfance.

Dans 49 p. 100 des cas de maltraitance d'enfants mentionnés dans ces dossiers, c'était la mère qui en était l'auteur et les pères l'étaient dans 31 p. 100 de ces cas. Dans la catégorie des enfants souffrant d'un manque de soins, les mères étaient responsables de la situation dans 85 p. 100 des cas signalés. Dans la catégorie de la maltraitance des enfants, les mères biologiques étaient à l'origine de la maltraitance dans 39 p. 100 des cas et les pères, dans 40 p. 100 de ces cas.

D'après ce que vous dites, il ne faudrait pas laisser ces femmes s'approcher d'un enfant. Il y a quelqu'un d'entre vous qui a déclaré, et je trouve cela troublant, très troublant, parce que la Loi sur le divorce est un instrument qui concerne la séparation des couples, non pas un instrument de changement social ou qui vise à remédier à des déséquilibres historiques ou aux différences entre les sexes; c'est un texte législatif avec des objectifs, que la Loi sur le divorce devrait accorder une grande importance à la violence familiale parce que 38 p. 100 des femmes sont tuées par leur partenaire.

Eh bien, j'ai des données qui indiquent, et cela est dit très clairement, que 85 p. 100 des personnes qui maltraitaient les enfants étaient les mères. Je tiens à vous avertir que je ne cherche pas à déterminer si ce sont les mères ou les pères; ce qui m'intéresse, c'est le plan des principes, c'est l'idée que la Loi sur le divorce devrait viser ce genre de cas.

Pourriez-vous me répondre, en premier lieu, au sujet de la violence familiale? Lorsque vous parlez de violence familiale, vous parlez de ce que font les hommes, non pas de ce que font les femmes. Lorsqu'il s'agit de maltraitance d'enfants et de violence familiale à la maison, nous savons que les femmes y jouent un rôle actif.

• 1715

Soyons bien clairs: dans la plupart des familles, il n'y a pas de violence familiale. Nous parlons beaucoup de violence et nous laissons entendre que cela concerne toutes les familles du Canada. Eh bien, en fait, la plupart des familles canadiennes sont très heureuses de vivre sans avoir recours à la violence. Mais dans celles où il y a de la violence, lorsqu'elle touche les enfants, les femmes en sont plus fréquemment les auteures que les hommes.

Pourriez-vous répondre à cela?

Mme Carole Curtis: Il est un peu risqué de se fier à ces statistiques pour examiner la Loi sur le divorce. Ces statistiques concernent des familles qui ont été signalées aux responsables du système de protection de l'enfance, des familles auxquelles s'intéresse l'aide à l'enfance. Il serait vraiment intéressant pour comprendre cette répartition 49 p. 100 de femmes et 39 p. 100 d'hommes de savoir quel est le pourcentage des familles signalées à l'aide sociale qui sont des familles monoparentales dont le chef est une femme. Quel est le pourcentage de ces familles qui sont pauvres? Lorsqu'il y a des enfants maltraités, ce sont souvent des cas sociaux très complexes.

La sénatrice Anne Cools: Nous le savons.

Mme Carole Curtis: L'autre point est que le chiffre d'environ 38 p. 100 qui a été mentionné, ce n'est d'ailleurs pas moi qui l'ai fourni, provient des statistiques du YMCA; on affirme en fait que 38 p. 100 de toutes les femmes tuées au Canada sont tuées par un partenaire intime avec lequel elles vivent à l'heure actuelle ou avec lequel elles ont vécu. Voilà ce que dit ce chiffre.

La Loi sur le divorce est un instrument de changement social. C'est un instrument de changement social extrêmement important. J'espère que le comité en est conscient. C'est un texte législatif qui va avoir une très grande influence. Mais il faut également qu'il reflète la réalité des familles canadiennes et que ses auteurs n'espèrent pas changer la société en profondeur en modifiant simplement la langue utilisée ou la structure.

La sénatrice Anne Cools: Eh bien, c'est ce que nous pensons. C'est ce que pense le comité.

Mme Carole Curtis: J'essaie de convaincre le comité d'adopter une autre opinion.

La sénatrice Anne Cools: Eh bien, pour autant que je sache, ce n'est pas le comité qui a préparé ce projet de loi mais vous avez peut-être des renseignements que je n'ai pas. Pour autant que je sache, le comité n'est pas chargé de rédiger un projet de loi.

Si je pouvais continuer, j'aimerais poser quelques questions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Rapidement, parce qu'il y a trois autres personnes qui attendent.

La sénatrice Anne Cools: Merci.

J'aimerais aborder deux autres points. Vous avez beaucoup parlé de la question de l'exécution des ordonnances alimentaires pour les enfants. Je ne pense pas qu'il y ait une seule personne ici qui soit contre l'idée que l'État doit intervenir pour assurer l'exécution des ordonnances alimentaires.

Pour ce qui est de l'intervention de l'État dans le cas des ordonnances d'accès, en particulier dans les cas de refus systématique d'accès aux enfants, d'aliénation parentale et des diverses séries de questions, je me demande ce que vous pourriez recommander au comité pour amener les tribunaux à faire respecter les droits de visite et à prendre des mesures sévères contre les personnes, les professionnels ou les parents qui ne respectent pas les ordonnances d'accès ou qui commettent un outrage au tribunal.

Mme Carole Curtis: J'aimerais parler du non-respect des droits d'accès, si vous le permettez. Les problèmes reliés au droit de visite suscitent de la part des médias une attention tout à fait disproportionnée avec la gravité que ce genre de problème représente en réalité en droit familial. Cela représente en fait une toute petite partie du droit familial.

La plupart des familles éprouvent des difficultés pour ce qui est des droits de visite, en particulier au cours des deux premières années qui suivent la séparation; ces difficultés peuvent réapparaître lorsqu'un des parents retrouve un partenaire. Mais la plupart des familles réussissent à résoudre ces difficultés, soit d'elles-mêmes soit avec l'aide de leurs avocats. Il est rare que les problèmes de droits de visite soient soumis aux tribunaux. Je sais que si l'on se fie à la couverture qu'en font les médias, on ne penserait pas que ces cas sont rares mais c'est ce qui se passe en réalité.

Dans certaines familles, et ce sont celles que j'ai qualifiées il y a un instant de familles conflictuelles, je vous ai demandé de faire une différence entre les conflits et l'agression, les conflits entre les parents sont si vifs et les contacts si douloureux qu'il n'est pas toujours dans l'intérêt de l'enfant d'accorder un droit de visite, parce que ces problèmes n'ont pas toujours de solutions. Il arrive que ces problèmes ne puissent être résolus. D'après mon expérience, cela représente environ cinq pour cent des familles ou moins. Il est possible que le système judiciaire ne soit pas en mesure de régler ces problèmes, même en partie.

Faut-il utiliser la prison pour faire respecter le droit d'accès? Pour ma part...

La sénatrice Anne Cools: Je ne le pense pas.

Je vous demandais votre opinion. Je ne vous demandais pas de nous demander la nôtre. Je demandais votre opinion.

Lorsqu'il y a violation flagrante du droit de visite... et cela est fréquent. Je ne pense pas qu'il y ait un seul membre du Parlement qui n'ait pas des piles, sinon des volumes, de lettres qui traitent de ce sujet.

• 1720

Je vous demande quelles sont les mesures que vous recommandez dans ce domaine? Certains d'entre nous ont travaillé dans ce domaine pendant 30 ans. Nous savons que cela est parfois très difficile. En fait, certains d'entre nous ici pourraient vous en apprendre mais pour l'essentiel, nous vous demandons ce que, d'après vous, nous pouvons faire, quelles sont vos recommandations?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Allez-y mais rapidement parce que nous voulons passer à d'autres questions.

Mme Carole Curtis: Je sais que vous avez d'autres questions. J'aimerais aborder ce sujet parce que...

La sénatrice Anne Cools: J'aurais une dernière question, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je sais, mais vous avez épuisé votre temps de parole, madame Cools. Pourriez-vous la poser à la fin?

Mme Carole Curtis: Il doit y avoir d'autres façons de régler ce problème que de jeter en prison le parent qui a la garde des enfants. S'il faut choisir une punition...

La sénatrice Anne Cools: Personne ne l'a proposé.

Mme Carole Curtis: ...les tribunaux doivent être plus inventifs. Ils devraient peut-être ordonner des droits de visite étendus pour rattraper ce qui n'a pas été fait, rendre des ordonnances de service communautaire, imposer une amende, ce genre de chose mais dans la plupart des cas, ces problèmes sont pratiquement insolubles lorsqu'ils concernent des familles conflictuelles. Il arrive que la situation soit sans issue et qu'il soit impossible d'envisager une mesure législative pouvant régler ce genre de problème.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci.

Finissons-en. Nous entendons beaucoup parler de quantification, et je dois dire que ce que j'ai entendu précédemment au cours de l'exposé reposait sur l'hypothèse que... ou du moins si vous écoutiez l'émission, vous pourriez supposer que tous les mariages aboutissent à une forme quelconque de violence.

Je veux donc parler de ce que Mme Curtis désignait comme la famille normale, la famille moyenne, et je relève que vous semblez d'avis, en ce qui concerne l'accès, qu'il ne faut pas tenter de réparer quelque chose qui fonctionne; les cas dont nous parlons sont relativement rares.

Je reprends ce que Mme Cools mentionnait, le fait qu'il y a une foule d'information à caractère anecdotique, comme en témoigne certainement le nombre de ces groupes qui apparaissent constamment. À Hamilton, récemment, des pères mécontents au sujet du droit de visite ont organisé une manifestation.

Il y a donc beaucoup d'information de type anecdotique. Lorsque nous parlons de non-paiement des aliments, cela est très facile à quantifier. Par contre, il est impossible de quantifier les ordonnances attributives de droit de visite qui ne sont pas respectées, simplement parce que pour faire respecter le droit de visite, il faut payer les milieux juridiques, présenter une demande à un tribunal.

J'ai reçu une lettre d'un homme à qui un avocat aurait affirmé qu'il fallait prévoir 30 000 $ pour faire respecter une simple ordonnance attributive de droit de visite. J'en ai parlé à un avocat qui considérait cette somme un peu trop élevée, mais le fait demeure qu'il en coûte de l'argent, beaucoup d'argent, pour faire respecter ces ordonnances.

J'ai une question très simple à poser. Nous disposons d'un mécanisme d'État qui veille à ce que l'un des côtés de l'équation soit exécuté; je parle du fait que des sommes sont perçues et que l'on assure une stabilité à cet égard. Bien des chiffres sont avancés au sujet du nombre de parents qui ne respectent pas les ordonnances de pension alimentaire, mais nous n'avons guère de données—nous avons beaucoup d'information anecdotique, mais pas de données empiriques—au sujet du nombre d'ordonnances attributives de droit de visite où un parent cherche en fait à influer sur le comportement de l'autre parent en refusant le droit de visite.

Ma question est donc la suivante: êtes-vous en faveur d'un mécanisme étatique qui viendrait compléter l'équation, c'est-à-dire veiller à ce que les ordonnances attributives de droit de visite soient raisonnablement respectées, tout comme nous avons un mécanisme étatique pour veiller à ce que les pensions alimentaires soient versées?

Mme Carole Curtis: Je ne vous étonnerai pas en affirmant, monsieur, que je ne suis pas en faveur d'une telle mesure. Voyez-vous, vous parlez d'enfants, vous ne parlez pas d'argent. Il est beaucoup plus facile à l'État d'intervenir pour percevoir de l'argent que d'intervenir pour modifier le comportement des adultes et des enfants.

Dans certains de ces cas, en outre, ce sont les enfants qui ne veulent pas voir le parent. La vraie question, évidemment, dans un tel cas, est pourquoi est-ce que ces enfants refusent? Qu'est-ce qui s'est passé dans cette famille pour que les enfants ne veuillent pas y aller? Autrement dit, est-ce que l'un des adultes est responsable de cet état de chose? Est-ce le père, en raison de son comportement à l'égard de l'enfant? Est-ce la mère, en raison de son comportement à l'égard des enfants?

Alors je crois qu'il faut insister sur le fait que ces obstacles au droit de visite s'inscrivent dans des situations complexes. Il ne s'agit pas simplement de saisir un compte de banque ou d'effectuer une déduction à la source.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Jacques.

Je suis désolée, le Conseil national des femmes veut répondre—rapidement, s'il vous plaît.

• 1725

Mme Helen Saravanamutto: J'ai beaucoup de difficulté à accepter que l'on mette sur le même pied le droit de visite et la pension alimentaire. Nous croyons que les deux sont absolument incompatibles, et nous avons pris grand soin de les distinguer.

Par ailleurs, je crois que le refus du droit de visite peut se produire des deux côtés de l'équation, et qu'il devrait certainement y avoir un moyen de régler la question. Nous ne sommes pas d'accord avec nos collègues mais, comme nos collègues l'ont dit, il existe des injonctions, les ordonnances de service communautaire par exemple.

Nous ne devons pas nous contenter d'investir dans de simples services en ce qui a trait à la loi. Nous devons aussi tenir compte des besoins des couples qui se séparent, individuellement. Il s'agit d'une expérience extrêmement perturbante pour les enfants et les parents, il ne faut pas l'oublier. Nous ne pouvons pas prendre les enfants, les éloigner de leur famille et leur déclarer que cela est pour leur bien.

Il nous faut examiner la question sur le plan du soutien, et pas seulement du soutien juridique, mais aussi du counseling. Nous avons préconisé l'établissement de services de soutien, en particulier des services de counseling dans les divers secteurs. Parfois, les parents qui se séparent ont besoin de vivre intensément leur deuil face à cette séparation, et ils ne peuvent pas vraiment prendre de décisions rationnelles tant qu'ils ne l'ont pas fait.

Nous avons l'expérience de l'intervention auprès de couples en cours de séparation. C'est une tâche difficile pour tout le monde, et très pénible, mais les méthodes accusatoires ne peuvent pas véritablement servir les intérêts des enfants. Ce n'est vraiment pas le cas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que le YMCA veut aussi ajouter un mot?

Mme Elaine Teofilovici: Oui, j'aimerais répondre au premier commentaire présenté au sujet de la violence.

Il est vrai que les statistiques sur la violence révèlent qu'un certain pourcentage de femmes ont été victimes de violence aux mains de leurs maris, mais le comité doit bien comprendre que ces femmes invoquent rarement—elles n'ont pas besoin d'invoquer cette raison pour se séparer de leur mari ou pour demander le divorce. Rares sont celles qui ont besoin d'attribuer le blâme au sujet de la violence.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre—elles n'ont pas besoin de parler de violence, mais la violence est un facteur. Parmi les 11 000 femmes qui sont venues dans les refuges du YMCA en 1992, très peu vont accuser leurs maris ou demander une séparation ou un divorce.

La sénatrice Anne Cools: Alors vous croyez que la majorité des femmes qui se présentent dans les refuges ne demanderont pas le divorce. Merci de cette précision. Elles ne veulent pas divorcer.

Mme Elaine Teofilovici: Les femmes demandent souvent la séparation ou le divorce lorsque le père commence à être violent avec les enfants. C'est l'élément déclencheur pour elles.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Poulin.

Mme Judy Poulin (membre, SCOPE, Association nationale de la femme et du droit): Je veux simplement commenter le fait que si nous envisageons d'instaurer un mécanisme quelconque pour faire respecter le droit de visite quand celui-ci a été refusé, nous devons aussi être disposés à le faire respecter quand le droit de visite n'est pas exercé, parce que ce problème est beaucoup plus grave.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): J'ai été surprise de vous entendre dire que la garde partagée n'était pas une solution très avantageuse pour les enfants, sauf quand les parents ont des problèmes de violence conjugale. Personnellement, j'ai toujours pensé qu'avoir les deux parents était toujours dans le meilleur intérêt des enfants.

Dans mon entourage, il y a des gens que je connais et qui vivent cette situation d'une façon très positive. Je me demandais donc si vous aviez des statistiques. J'aimerais également que vous m'expliquiez quels sont les inconvénients d'une garde partagée, parce qu'à mon avis, les parents partagent la garde des enfants et les responsabilités qui en découlent. Est-ce que vous avez des statistiques qui démontrent que cela ne marche pas?

• 1730

[Traduction]

Mme Carole Curtis: Quant à ce qui s'est produit dans le domaine de la garde partagée au Canada, premièrement, il n'y a pas au Canada de loi qui définisse la garde partagée, qui permette aux parents canadiens qui se séparent d'y trouver la définition qui leur convient. Il est donc un peu dangereux d'utiliser cette expression, car personne ne sait vraiment ce qu'elle couvre.

Au Canada, la plupart des familles qui considèrent avoir une entente de «garde partagée» ont en fait une entente qui ressemble à la garde exclusive avec droit de visite. Concrètement, les enfants ont une résidence principale, et l'autre parent a l'équivalent d'un droit de visite.

Parler de garde partagée dans ces cas peut créer des problèmes pour le principal fournisseur de soins. Par exemple, les hommes refusent souvent de verser la même pension alimentaire pour enfants lorsque l'entente est dite de garde partagée. Ils s'attendent à une réduction de la pension alimentaire pour enfants, même si l'entente équivaut en fait à une garde exclusive avec droit de visite. En outre, si l'entente est dite de «garde partagée», le parent qui a la garde pourrait avoir de la difficulté à déménager dans une autre ville.

La question importante pour les femmes, à mon avis, est que ce type d'entente est souvent demandé dans un effort pour participer aux décisions, mais non pas pour élever les enfants. Si vous voulez partager la responsabilité des soins aux enfants et la prise de décisions, cela semble équitable, mais si le partage ne vise que la prise de décisions et non pas l'acceptation de responsabilités supplémentaires quant aux soins des enfants, alors vous ne faites que maintenir un contrôle sur l'épouse, vous ne partagez pas équitablement les responsabilités parentales. Ce sont là certains problèmes qui se présentent.

Il existe bien quelques statistiques, mais les statistiques appliquent le même terme à toute une gamme d'ententes. Les statistiques ne signifient rien si l'on ne vérifie pas de quel type d'entente il s'agit dans chaque cas. Interrogez vos amis qui ont la garde partagée, je suis certaine que vous constaterez que leurs ententes sont toutes différentes.

Un véritable partage du temps à parts égales, 50-50, est plutôt inhabituel, entre autres parce qu'il faut avoir des moyens financiers pour se permettre une telle entente. Les deux parents doivent être en mesure de s'installer dans des quartiers voisins. Ils doivent être capables de payer deux paires d'espadrilles, deux jeux vidéo, etc., pour que les enfants puissent passer d'une résidence à l'autre constamment. Cette solution ne convient donc pas à tout le monde, seulement à la classe moyenne.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est suffisant?

Mme Diane St-Jacques: J'ai une autre petite question concernant les enfants qui vivent la violence à la maison et dont les parents se séparent. Est-ce qu'on pourrait prévoir dans la loi une disposition pour aider les enfants lorsqu'il y a séparation à cause de la violence? On sait que la violence se perpétue. Un enfant qui a subi de la violence dans son milieu familial va probablement revivre cela à l'âge adulte car on sait bien que c'est un cycle qui ne se termine pas. Est-ce que certaines choses pourraient être faites pour éviter que cet enfant-là provoque plus tard de la violence dans sa famille?

Mme Elaine Teofilovici: L'expérience que nous avons dans les services d'aide qui sont offerts dans les abris pour femmes et enfants battus est décrite dans les statistiques qui sont annexées. Il semble que 25 p. 100 des enfants arrivent dans les abris à cause de la violence du père à l'égard de la mère. Dans les abris, on fournit une aide psychologique aux enfants et à leurs mères et, finalement, l'enfant ne reconnaît plus le droit du père de battre son épouse pour quelque motif que ce soit.

Je crois donc que pour les enfants, il est essentiel d'utiliser l'éducation, la prévention et l'aide psychologique. Je crois que ça peut donner d'excellents résultats.

[Traduction]

Mme Ruth Brown: J'aimerais ajouter qu'il y a beaucoup d'enfants qui ne visitent jamais un refuge. S'ils ont connu la violence, ils auront certainement besoin de counseling et peut-être de thérapie. Ils auront vraiment besoin d'aide pour faire face aux conséquences de ce qu'ils ont vécu.

Mme Carole Curtis:

[Note de la rédaction: Inaudible]... fait beaucoup de recherche au sujet des conséquences qu'a sur les enfants le fait d'être témoin d'une agression contre leur mère. Son livre est cité dans la bibliographie présentée par l'ANFD. Demandez à vos recherchistes de consulter cet ouvrage et de voir ce qui y est dit. L'auteur affirme que les enfants qui sont témoins d'une agression contre leur mère éprouvent le même traumatisme que s'ils avaient été eux-mêmes agressés.

• 1735

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Avant de poser ma question, je voudrais, à mon tour, remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui.

Il y a un élément qui me surprend un peu. Mme Bennett a parlé tantôt d'une formule de médiation qui était un petit peu différente de celle dont on entend parler traditionnellement. Elle parlait, entre autres, de nouvelles façons de faire, de rencontrer des intervenants de façon séparée et à tour de rôle.

Mme Curtis a aussi semblé dire que les juges devaient fonctionner de façon un peu différente dans le système. Peut-être que la médiation pourrait aussi être bonifiée et faite de façon un peu différente. Il me semble que ça serait plus rapide et peut-être plus efficace, mais il faut être conscient que la médiation ne peut pas s'appliquer à tous les cas, particulièrement dans des cas où il y a eu de la violence grave. Mais la médiation pourrait peut-être s'appliquer quand même à ces situations de violence grave. Pourquoi ne pas choisir une bonification des formules de médiation plutôt que de passer par le processus judiciaire, plus lourd et plus traditionnel?

[Traduction]

Mme Carole Curtis: Premièrement, une procédure judiciaire ne peut pas remplacer la médiation. La solution de rechange à la médiation est le règlement, un règlement quelconque. Les médiateurs veulent vous faire croire que s'ils n'interviennent pas vous allez vous retrouver devant un juge, mais ce n'est pas ce que les données nous indiquent. Les données montrent que la majorité des familles ne se présentent pas devant un tribunal, et qu'elles règlent leurs différends avec l'aide d'avocats ou d'autres personnes.

La communauté des femmes est unanime, la médiation est un processus difficile pour les femmes en général—pas seulement pour les femmes battues, mais pour toutes les femmes. En raison de leur socialisation, les femmes ne savent pas bien défendre leur cause. Elles ne sont pas les égales de leur partenaire dans la relation. Il nous suffit de regarder nos amis ou les membres de notre famille. Même les femmes accomplies, instruites, qui gagnent bien leur vie, ne sont pas nécessairement les égales de leur partenaire et elles ne se présentent pas à la table des négociations en tant qu'égales. C'est un processus qui, à mon avis, par définition, exclut les femmes battues, mais il exclut aussi bon nombre de femmes, par sa structure même.

La représentante du CNF a mentionné que la médiation s'inspirait du droit du travail, où les parties se présentent à la table à titre relativement égal, avec les mêmes pouvoirs de négociation et dans l'intention d'établir une relation à long terme. La dynamique est fort différente en droit de la famille.

Pour ce qui est de l'application de la médiation à tous les cas ou à un plus grand nombre de cas, je dois dire que la médiation est un outil très utile dans certaines circonstances et pour certaines familles, mais qu'elle n'est ni utile ni appropriée pour toutes les familles.

Je ne nie pas l'utilité de l'intervention judiciaire précoce. L'intervention judiciaire précoce est tout à fait différente de la médiation. Même si vous croyez que les résultats sont similaires—autrement dit, les parents sont forcés d'examiner ces questions et d'en parler—, l'outil est de nature très différente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Cools.

La sénatrice Anne Cools:

[Note de la rédaction: Inaudible]... les études du Dr Jaffi citées par Mme Curtis, j'aimerais aussi signaler au comité le travail de chercheurs canadiens spécialistes de la violence familiale. Je pense en particulier aux travaux du Dr Reena Summers, de Winnipeg (Manitoba), et à ceux du Dr Merlin Brinkerhoff et du Dr Eugene Luprie, en Alberta.

Leurs données, fondées sur des sondages réalisés auprès d'un échantillon représentatif, révèlent que la violence familiale est réciproque et qu'environ 50 p. 100... Dans les sondages sur la population en général, personne ne peut vraiment expliquer pourquoi les populations dans les refuges sont toujours si différentes, bien que j'aie ma petite idée là-dessus. Il y a eu quelque 500 grandes études consacrées à la violence familiale, et dans la plupart des cas elles révèlent une réciprocité. Environ 25 p. 100 de la violence vient uniquement de lui, 25 p. 100, uniquement d'elle, et 50 p. 100 est de la violence réciproque. Alors la réciprocité de la violence familiale est un phénomène bien connu.

Je veux le mentionner pour mémoire, afin de pouvoir rétablir l'équilibre. S'il y a quelque chose que je connais à fond, c'est bien la violence familiale. J'ai oeuvré toute ma vie dans ce domaine.

Cela dit, madame la présidente, j'aimerais...

Mme Carole Curtis: Vous ne vous attendez pas à ce que j'accepte cet argument, n'est-ce pas, madame la sénatrice?

La sénatrice Anne Cools: Mais certainement. J'ai bien écouté une grande partie de ce que vous aviez à dire au sujet des hommes, aujourd'hui... Je reconnais que vous avez droit à votre opinion, mais je sais que si un groupe d'hommes témoignaient ici et parlaient des femmes de la façon dont vous avez parlé d'eux, la présidente et tous les autres participants à la discussion les auraient rappelés à l'ordre. Je le signale en passant, parce qu'on nous a demandé de faire preuve d'indulgence et que c'est ce que nous avons fait. Je crois que nous pouvons exposer nos points de vue sans chercher à condamner un sexe ou l'autre, parce qu'après tout, il n'y en a que deux.

• 1740

J'ai une question à poser. Je cite un document relativement récent, publié par le Comité canadien d'action sur le statut de la femme, au sujet de la violence conjugale et des conflits liés à la garde et au droit de visite. Au chapitre un, on retrouve l'affirmation suivante. Cela se trouve à la page 15 d'une étude de Johnston et Campbell: «L'incidence de fausses allégations varie sans doute avec le temps (et peut-être le lieu).»

Johnston et Campbell ont comparé deux échantillons. Ils ont étudié des parents en cours de divorce qui contestaient la garde ou le droit de visite:

Je voulais simplement le signaler. Nous n'avons pas le temps d'en discuter aujourd'hui, mais il est pénible de regarder souffrir les vraies victimes de diverses formes de violence dont on ne s'occupe pas parce qu'il y a tellement de rédacteurs à la petite semaine. Je voulais simplement le mentionner pour mémoire.

Mes chers collègues, je dois partir.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: La discussion a été très intéressante. Moi qui suis fermement convaincue que nous sommes partenaires à part entière dans ce monde et qui respecte au plus haut point le rôle des hommes et des femmes qui élèvent une famille, je crois que le partenariat va au-delà du ménage.

Je voulais poser une question. Je crois qu'une ou deux personnes, ici, ont affirmé que nous devrions vraiment nous en tenir à la loi actuelle et qu'il faut être très prudents. Je crois qu'il s'agissait de Carole Curtis, qui a déclaré que nous devrions être prudents avant de démanteler le système actuel. Elle nous conseille de ne pas toucher à la loi actuellement en vigueur, mais plutôt d'examiner très soigneusement le règlement pour préciser les questions de l'accès à la médiation et de déterminer explicitement que la violence sexuelle doit être prouvée.

Deuxièmement, la médiation devrait être volontaire. Il ne peut pas y avoir de médiation imposée.

Troisièmement, les cours provinciales devraient être encouragées à établir un tribunal de la famille, une option de médiation et un système d'aide juridique, car ces mécanismes ne relèvent pas actuellement de la compétence fédérale.

Ma préoccupation, lorsque l'on affirme que nous devons modifier la loi, c'est qu'il faut être précis... Je veux du spécifique et non pas un monument, une longue série de mots et tout ce qui vient avec. Je n'ai vu aucune recommandation spécifique dans les trois mémoires, qui sont tous fort intéressants à lire, comme vous pouvez le constater puisque je les ai remplis d'annotations... Oui, ils sont très intéressants, mais nous parlons d'un besoin concret et de faits concrets qui touchent les modifications de la loi.

• 1745

Alors si vous n'avez pas de libellé concret pour modifier la loi dans des secteurs précis et que vous n'avez pas de recommandations concrètes à faire—j'ai relevé cinq de ces recommandations dans l'un de vos mémoires, celui du YMCA je crois—, alors je ne vois pas ce que nous pourrions faire d'utile si ce n'est un examen des symptômes, un constat de la triste situation du mariage dans notre pays, dans bien des cas, mais pas toujours, Dieu merci; la violence ne sévit pas dans toutes les familles, Dieu merci. Je crois que nous devons tous surveiller notre langage, car nous allons transmettre un message qui ne reflète pas fidèlement la situation dans la société.

Alors si vous avez une recommandation concrète à proposer, s'il vous plaît faites-la parvenir au comité afin que nous puissions l'examiner.

Merci beaucoup, madame la présidente.

Mme Carole Curtis: Je suis désolée que les membres du comité, ou du moins un membre du comité, n'aient pas bien compris les commentaires que j'ai faits en réponse à des questions, qu'ils n'aient pas bien saisi que ces questions n'étaient pas des recommandations...

L'hon. Sheila Finestone: Excusez-moi, Carole. J'ai compris et j'ai retenu la liste des questions. Nous ne sommes pas tout à fait idiots, ici. Nous avons une liste de questions que nous nous posons depuis des semaines. Vos questions viennent s'y ajouter et les préciser. Il n'y avait rien de nouveau dans votre liste. Et de un.

Mme Carole Curtis: C'est très encourageant...

L'hon. Sheila Finestone: Tant mieux.

Mme Carole Curtis: ...mais notre tâche consiste à nous présenter devant vous avec nos compétences spécialisées et à défendre l'intérêt des personnes que nous représentons. C'est ce que nous faisons. Certains d'entre nous ont des compétences professionnelles, pas seulement leur expérience de bénévole au sein de ces comités et de ces organisations, et nous vous présentons ce que nous croyons être les questions auxquelles sont confrontés les femmes et les enfants du Canada. C'est ce que nous avons fait aujourd'hui.

L'hon. Sheila Finestone: Et je vous en remercie, mais c'est précisément en raison de votre grande compétence et parce que vous avez oeuvré, notamment au sein du Conseil national des femmes dans le secteur du travail social individualisé et des services directs, et au Y, la plus importante organisation de services aux femmes qui ont souffert et qui ont connu des épreuves, que j'aurais voulu quelques suggestions concrètes quant aux aspects de la loi—parce que c'est ce que notre mandat prévoit—les aspects de la loi qu'il faut modifier, les aspects du règlement qu'il faut modifier.

Je suis heureuse que vous ayez mis l'accent sur les problèmes, mais nous avons besoin de quelques recommandations bien concrètes. C'est ce que je vous suggère de faire.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous avons reçu des recommandations concrètes de la part du Y.

Je vous demande un peu de patience. M. Eric Lowther a encore des questions à poser. Notre temps est écoulé, mais la discussion a été passionnante.

Monsieur le sénateur Nolin.

Le sénateur Pierre Claude Nolin (De Salaberry, PC): Je serais heureux si l'on voulait bien commenter cet aspect, parce que certains de nos témoins ont des recommandations spécifiques à faire, et je crois qu'on devrait leur en donner la possibilité.

Mme Elaine Teofilovici: Si vous voulez bien consulter à nouveau notre document, nous y faisons une série de recommandations.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Carolyn.

Mme Carolyn Bennett: Pour ce qui est de l'intervention judiciaire précoce—et c'est peut-être une question idiote—, est-ce qu'elle fait obligatoirement intervenir un juge?

Mme Carole Curtis: Non, pas du tout. Je parle d'intervention judiciaire parce que cela se passe au palais de justice. Vous avez dit, vous savez, «une fois qu'on est devant la cour».

Ce n'est pas nécessaire qu'un juge intervienne. En fait, il y a un projet en cours à Toronto depuis deux ou trois ans où les demandes de modification sont traitées par un agent de résolution des conflits qui n'est pas un juge mais un membre éminent du Barreau. Le taux de règlement de ces demandes de modification est très élevé, environ 70 p. 100.

On indique aux intéressés l'information qu'ils doivent présenter, et on leur dit de revenir avec leur état financier ou d'apporter leur rapport d'impôt. Le membre du Barreau peut exprimer une opinion, vous dire que cela ne va pas se produire, que l'on ne va pas réduire le montant à zéro, mais qu'on pourrait le ramener à 600 $, ce genre de chose, et les intéressés s'entendent.

Alors l'intervention rapide est la clé du succès. J'ai parlé d'intervention judiciaire simplement parce que cela se fait au palais de justice.

Mme Carolyn Bennett: En outre, vous préférez ce terme à celui de médiation.

Mme Carole Curtis: Il ne s'agit pas de médiation. C'est un processus différent de la médiation.

Mme Carolyn Bennett: Très bien. Merci.

Mme Carole Curtis: Il ne faut pas confondre. On peut dire que des personnes qui font appel au système judiciaire doivent assister à une réunion, ce n'est pas la même chose que de leur dire qu'elles doivent accepter la médiation. La médiation obligatoire est un oxymoron. La médiation est un processus volontaire.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vais permettre à trois femmes d'ajouter quelque chose à ce sujet avant de donner la parole à M. Lowther.

Madame Brown.

Mme Ruth Brown: Certainement, la médiation et l'intervention précoce... Nous parlons de la même chose, je crois.

Une voix: Non.

Mme Carolyn Bennett: Expliquez-moi la différence.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je ne crois pas que nous ayons le temps d'entrer dans ce genre de détails si nous voulons permettre à M. Lowther de poser une dernière question.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je veux essentiellement demander l'avis d'un certain nombre des représentantes des groupes au sujet d'une recommandation que l'on nous a faite lors d'une audience antérieure du comité. Je pourrais peut-être proposer un scénario, et je reconnais que cela ne correspond sans doute pas à la majorité des cas, mais c'est l'un de ceux que nous cherchons à résoudre. Mon intervention va un peu dans le même sens que les commentaires de Mme Finestone.

• 1750

Un parent a obtenu la garde et il prend soin de l'enfant. L'autre parent a un droit de visite, mais il a à plusieurs reprises été incapable d'exercer ce droit. L'enfant n'était pas à la maison ou on ne l'a pas laissé entrer, par exemple. L'affaire est renvoyée dans le système judiciaire, et le parent essaie d'obtenir que l'on respecte son droit de visite, mais il n'y parvient pas, ou alors le tribunal décrète que ce parent a raison... qu'il devrait pouvoir exercer son droit de visite.

Une des suggestions que nous avons entendues était que plutôt que d'incarcérer le parent qui a la garde, il valait mieux lui faire comprendre qu'il risque de perdre la garde et de se retrouver dans l'autre situation s'il ne respecte pas les exigences relatives au droit de visite imposées par le tribunal. Si le parent fait fi de ces exigences, alors il s'expose peut-être à perdre la garde.

Je ne sais pas si cette question a été posée auparavant parce que je suis arrivé en retard, mais je serais vraiment curieux de savoir ce que les divers groupes pensent d'une telle situation. Il me semble qu'elle offre certains avantages et que c'est une solution que nous devrions envisager.

Mme Carole Curtis: Nous avons longuement discuté cet après-midi des questions de droit de visite contesté et refusé, et je ne vais pas répéter ici la réponse fournie à ce sujet parce que vous pouvez le voir dans la transcription.

Je dirai simplement que ce genre de solution punit l'enfant. Il traumatise à l'extrême les enfants. Les enfants ont une entente relative aux soins, peut-être depuis des années. Ils fréquentent une école, ils ont des amis, ils sont bien installés. Vous punissez un innocent parce que l'ordonnance n'est pas respectée.

Il y a bien des façons de procéder, et précédemment nous avons parlé des ordonnances de service communautaire et des amendes.

M. Eric Lowther: Je sais que nous sommes pressés par le temps, mais je suis curieux de savoir si vous appuyez ou non cette approche. Il me semble que vous n'êtes pas en faveur de cette approche, de cette remise en question du droit de visite.

Un témoin: Non.

Un témoin: Personne ne l'est.

Un témoin: Nous ne l'appuyons pas non plus.

M. Eric Lowther: Alors même si le tribunal déclare à un des parents qu'en effet, il devrait pouvoir exercer son droit de visite, s'il n'y parvient pas cela n'autorise pas le tribunal à envisager d'inverser l'accès et la garde. C'est votre opinion.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Kalinowski.

Mme Cori Kalinowski: Merci beaucoup.

Il y a certainement d'autres façons de régler les préoccupations relatives au droit de visite, et il est très important de regarder pourquoi le droit de visite fait problème plutôt que de simplement constater qu'il est difficile à faire respecter. L'enfant peut avoir été malade. L'autre parent peut avoir des craintes. Il se peut que le frère du parent se soit livré à des actes de violence sexuelle, qu'en savez-vous? Il pourrait y avoir bien des problèmes liés au droit de visite d'un parent, et il faut les examiner.

Supposons, comme vous l'avez fait, que rien de tout cela n'existe et que le droit de visite est refusé à tort, alors diverses options s'offrent à vous, notamment accroître le droit de visite, imposer des amendes, prononcer une ordonnance de service communautaire, mais pas l'emprisonnement. Je ne recommande pas cette mesure. L'emprisonnement dans une telle situation est beaucoup trop sévère et préjudiciable à l'enfant. L'enfant n'oubliera jamais que papa a fait mettre maman en prison.

M. Eric Lowther: Je ne crois pas avoir parlé d'emprisonnement.

Mme Carole Curtis: Je sais, mais c'est une possibilité.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons entendre ce que le Conseil national des femmes et le YMCA ont à dire.

Mme Ruth Brown: Ce que nous voulions dire a déjà été dit. Vous devez d'abord tenir compte des intérêts de l'enfant. Modifier la garde ne semble pas du tout une solution appropriée pour régler ce qui est effectivement un problème, et il faut examiner ce problème, mais cette solution ne convient pas.

Mme Helen Saravanamutto: L'enfant a un lien très étroit avec le parent qui a la garde, et une telle mesure serait vraiment très dommageable pour ce lien et ferait un immense tort psychologique à l'enfant.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci infiniment de cette discussion de cet après-midi. Elle a été des plus intéressantes. Beaucoup de questions ont été soulevées. Nous vous sommes reconnaissants de vos réponses. Nous les consignerons dans nos délibérations et nous y réfléchirons. Toutes ces questions seront réexaminées.

La séance est levée; le comité se réunira à nouveau sur convocation du président.