SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 11 février 1998

• 1539

[Traduction]

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue. Certains sénateurs sont demeurés dans la Chambre du Sénat, je crois, pour assister à un débat intéressant sur un précédent que nous sommes sur le point d'établir. Si un vote a lieu à ce sujet, les sénateurs devront aller voter. C'est la raison pour laquelle certains sénateurs sont absents.

Il est toutefois très important d'entendre votre témoignage et de le rendre public. Nous vous souhaitons la bienvenue à la séance d'aujourd'hui qui marque essentiellement le début de nos délibérations au sujet de la garde des enfants et des droits de visite.

Comme vous le savez tous, cette étude absorbera beaucoup de notre temps en tant que parlementaires au cours des prochains mois. Nous entendrons de nombreux Canadiens à cet égard, y compris des jeunes dont bon nombre sont directement touchés par des divorces et des litiges concernant la garde des enfants et les droits de visite. Nous entendrons aussi d'autres personnes qui font autorité en la matière et qui essaieront de nous aider à faire des recommandations justes et raisonnables.

Enfin, nous consulterons également des gouvernements provinciaux et territoriaux. Des lettres faisant appel à leur participation et à leur coopération ont déjà été envoyées.

• 1540

Avant d'entamer la séance d'information d'aujourd'hui, nous tenons à vous informer que le comité directeur s'est réuni le 3 février pour discuter d'un certain nombre de questions importantes qui guideront le comité dans son travail. Vous avez un exemplaire du rapport du comité directeur devant vous. J'espère que vous l'avez tous reçu. Dans quelques minutes, on vous demandera de vous prononcer sur une motion d'adoption du rapport.

Toutefois, nous tenons à vous aviser que le comité directeur siégera à nouveau demain pour poursuivre les discussions sur des questions comme le calendrier des audiences du comité à Ottawa et un peu partout au pays de même que la sélection des témoins.

Nous tenons à remercier tous les membres du comité qui ont déjà soumis une liste de témoins suggérés et à encourager ceux qui ne l'ont pas encore fait de le faire au plus vite.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Je suis simplement curieuse; devons-nous limiter aux questions de garde et de droits de visite au sens des articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce ou pouvons-nous déborder de ce cadre?

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): En fait, nous pouvons aller plus loin. Rien, dans les ordres de renvoi adoptés par les deux Chambres ne nous limite aux articles 16 et 17 de la loi. Il n'y a donc pas de restriction en ce sens. Notre mandat est beaucoup plus général. Pour que l'examen soit limité aux articles 16 et 17, il aurait fallu que les deux Chambres adoptent une proposition à cet effet.

N'oubliez pas que notre comité se compose de 23 parlementaires venant du Sénat et de la Chambre des communes qui représentent tous les partis politiques. Il faut donc s'en remettre au comité directeur pour préparer et adopter un plan de travail et, fait plus important encore, pour le mettre en oeuvre. C'est pourquoi nous, en tant que coprésidents, faisons appel à votre esprit de coopération pour que les travaux du comité se déroulent sans accrocs et avec efficacité.

Il faut se rendre compte que les délibérations d'aujourd'hui sont télédiffusées, de sorte que le public recevra constamment de l'information au sujet des travaux du comité par voie de communiqués de presse, de notre site Internet et de la Chaîne parlementaire. Il sera informé quant à la manière de présenter un mémoire et de l'adresse où l'envoyer.

Par ailleurs, le calendrier des réunions du comité, y compris des audiences qu'il tiendra un peu partout au pays, fera l'objet d'une grande publicité.

Enfin, on est en train d'envoyer des lettres à tous les collègues parlementaires pour les informer de nos travaux et faire appel à leur coopération de manière à faciliter notre travail. Nous nous efforcerons également de faire télédiffuser le plus grand nombre de séances possible pour que les Canadiens à l'extérieur d'Ottawa puissent suivre nos délibérations.

Je demanderais maintenant que l'on adopte le premier rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Il nous faut une motion à cet effet. Vous avez le rapport du comité directeur devant vous.

L'hon. Sheila Finestone: Je fais une proposition à cet effet.

(La motion est adoptée)

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous pouvons maintenant accueillir, du ministère de la Justice, M. George Thomson, sous-ministre, et sa suite qui sont venus nous expliquer le dossier. Je demanderais à M. Thomson de présenter les collègues qui l'accompagnent et de commencer son exposé.

M. George Thomson (sous-ministre et sous-procureur général, ministère de la Justice): Monsieur Gallaway, madame la sénatrice, je vous remercie.

Je suis accompagné de Thea Herman, premier sous-ministre adjoint en charge de la politique au ministère de la Justice, et de Marilyn Bongard, conseillère juridique au Secteur de la politique qui joue un rôle de premier plan dans l'élaboration de la politique à cet égard et qui pourrait être très utile au comité.

Je suis très heureux que vous m'ayez invité à venir vous parler aujourd'hui au nom du ministère de la Justice.

J'ajouterai également que je suis ravi que le comité examine cette question. Je ne crois pas qu'il y ait de nombreuses dimensions de la politique sociale plus importantes que celle-là. Elle est difficile à cerner, mais extrêmement importante. Vous me voyez donc ravi de voir qu'elle attire l'attention d'un comité comme le vôtre.

Nous avons reçu une lettre datée du 3 février nous informant que vous souhaitiez être renseignés sur un certain nombre de questions relatives à votre domaine d'étude. Plus particulièrement, vous nous demandiez de l'information sur le contexte, les compétences, l'expérience internationale, les droits des enfants, les aspects culturels et les peuples autochtones. Deux séances ont donc été réservées à cette fin aujourd'hui, plus une autre lundi prochain, je crois.

• 1545

Avec votre autorisation, j'aimerais commencer aujourd'hui par faire des observations préliminaires et certaines affirmations générales au sujet de la question. Marilyn Bongard prendra aussi la parole aujourd'hui. Elle peut vous renseigner au sujet d'un certain nombre de questions juridiques—vous donner en fait un aperçu du droit actuel et faire une certaine analyse comparative. Nous serons à votre disposition pour répondre aux questions soit après l'exposé de chacun ou après que vous nous aurez entendus tous les deux.

J'aimerais savoir si nous pouvons discuter brièvement de votre demande de renseignements au sujet des peuples autochtones et des aspects culturels. Nous aurons peut-être des renseignements précis à vous donner lundi. Quoi qu'il en soit, je dirai que nous sommes d'accord avec ce que vous laissez peut-être entendre dans votre demande, soit qu'il est vraiment crucial de faire en sorte que la réforme tienne compte de la diversité culturelle.

Je prierais instamment le comité—je suis sûr que je vous demande quelque chose que vous avez déjà décidé de faire—d'inviter à tout le moins différents groupes culturels et peuples autochtones à participer. Ils pourraient peut-être vous parler de façon plus directe et mieux renseignée que nous.

Je ferai donc quelques observations générales, après quoi nous pourrons décider s'il vaut mieux poser des questions tout de suite ou passer à l'exposé suivant.

[Français]

Maintenant qu'un nombre de plus en plus grand de familles canadiennes doivent faire face à une séparation ou à un divorce, on se demande de plus en plus si le système de droit familial est la tribune la plus appropriée pour régler les conflits familiaux. En effet, les questions qui entourent la dissolution d'une famille ne sont qu'en partie juridiques.

La plupart des parents et des enfants éprouvent des perturbations sur les plans psychologique et émotif. De plus, beaucoup estiment que la nature même du processus judiciaire, qui implique un débat contradictoire, intensifie souvent les problèmes auxquels doivent faire face les familles. L'effet d'un divorce sur les enfants est, bien entendu, une importante préoccupation. Le divorce oblige souvent un des membres de la famille, sinon tous, à changer de domicile; il est souvent accompagné d'une crise financière qui peut entraîner une baisse importante du niveau de vie des enfants, ce qui se répercute sur leur développement et leur bien-être psychologique.

[Traduction]

Cette prise de conscience a motivé ce que nous estimions être la première étape de la réforme globale, soit la réforme des pensions alimentaires pour enfants. Elle s'appuyait, comme vous le savez, sur des documents de recherche qui soulignaient l'importance de faire en sorte que les enfants puissent continuer de profiter des moyens financiers des deux parents. La documentation continue de confirmer cette exigence.

L'édition d'octobre 1997 de Family and Conciliation Courts Review comporte un article que nous sommes en train de faire traduire et que nous vous enverrons au sujet des effets qu'ont les ententes de divorce et de garde d'enfants sur le comportement, le développement et l'adaptation des enfants.

C'est un fort bon article qui résume bien le consensus qui s'est dégagé au sein d'un groupe d'experts en psychologie génétique et clinique, en assistance sociale et en droit. Le groupe a cherché à évaluer l'évidence empirique relative aux diverses façons dont les enfants sont affectés par le divorce et les différentes formules de garde qui en résultent.

Je citerai un extrait de l'article:

L'initiative de pension alimentaire pour enfants a de plus attiré davantage l'attention sur les questions de garde et de droit de visite qui se rattachaient à cette initiative de soutien de l'enfant et en faisaient partie.

Dans le cadre des audiences qui ont eu lieu sur ce projet de loi, le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont entendu de nombreux témoins qui ont soulevé des préoccupations à cet égard et qui ont insisté sur le besoin de réformes dans ce domaine.

D'après mon expérience, à divers titres, des questions de droit familial, les questions de garde et de droit de visite, comme tout le monde sait, suscitent un débat passionné. Les gens ont des opinions très différentes et souvent bien ancrées à propos des problèmes sur lesquels il faut mettre l'accent et des changements qu'il faut apporter.

• 1550

Lors des audiences du Sénat, de nombreux témoins ont soulevé des préoccupations à propos des droits du parent qui n'a pas obtenu la garde et de la nécessité d'établir un meilleur équilibre entre les droits du père et de la mère. Par ailleurs, certains soutiennent que l'on ne reconnaît pas suffisamment le rôle du parent principal lors de l'établissement des dispositions relatives à la garde et au droit de visite.

Je ne veux aucunement minimiser l'importance de ces préoccupations mais j'estime indispensable d'examiner les questions de garde et de droit de visite en fonction des besoins et des droits des enfants, conformément à l'orientation exigée par la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant.

Je constate que le ministre de la Justice, lorsqu'il a présenté la motion à la Chambre proposant la constitution de ce comité spécial, a indiqué que tous les Canadiens concernés devraient éviter de considérer cet examen comme un débat opposant les intérêts de la mère à ceux du père. Si vous me le permettez, j'aimerais dire à quel point il est important que le comité, s'il veut faire avancer le difficile dossier de l'éducation des enfants après le divorce, mette l'accent sur les intérêts et les besoins des enfants.

Il pourrait débattre entre autres des valeurs que la société veut inculquer dans le cadre de l'éducation des enfants. On convient en général que la meilleure façon de défendre les intérêts de l'enfant consiste à adopter des dispositions parentales qui favorisent le mieux l'épanouissement de l'enfant sur le plan émotif, sa santé, sa stabilité et les soins qui lui sont donnés, en tenant compte de l'âge et du stade de développement de l'enfant. À mon avis, il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui contesteraient la nécessité de protéger les enfants de la violence, des mauvais traitements, de la négligence et des conflits violents lorsqu'il s'agit de facteurs de divorce ou qui influent sur les dispositions parentales.

La Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant énonce que toute décision doit être prise dans l'intérêt de l'enfant, et je pense que cela permet une certaine latitude pour tenir compte de la situation particulière de chaque enfant, puisque chaque enfant est différent. Ce sont des facteurs qui, souvent, varient beaucoup et qui ont une grande importance lorsqu'on examine les arrangements individuels. La plupart des gens conviendront que dans les différends mettant en cause des enfants, la justice individualisée est un objectif particulièrement important.

Ce qui à mon avis rend votre travail particulièrement difficile, c'est de concilier la souplesse qu'exige l'intérêt de l'enfant avec la prévisibilité juridique sur laquelle doivent pouvoir compter les familles. Et si l'on veut obtenir un règlement au moment où surgit ce genre de situation, la prévisibilité peut être un outil important à cet égard. Car l'absence de prévisibilité et de cohérence en matière législative risque d'aggraver les litiges. Cela présente donc un défi intéressant que le comité ne manquera pas d'examiner.

Je crois que la loi prévoit déjà différents moyens pour décourager les procédures très longues dans le cas de différends parentaux, comme faire comparaître des experts, recourir aux techniques de gestion de cas, tâcher d'obtenir un règlement dans le cadre de mesures préparatoires au procès, le genre de choses qui se passent dans les cas de garde. Mais je considère qu'il est vraiment important d'aller encore plus loin et d'envisager tous les moyens d'encourager les parents à examiner et régler eux-mêmes leurs problèmes parentaux.

Il y en a sans doute qui demanderont s'il est dans l'intérêt des femmes d'utiliser d'autres moyens que le recours aux tribunaux, comme la médiation, pour régler les problèmes de droit familial. Ils soutiennent que les femmes ont moins de pouvoir dans la société en général et dans leur famille et qu'il leur est impossible de négocier un règlement en tant que partenaire égale. Je conviens qu'il s'agit d'un problème grave dans tous les cas de résolution de conflits non traditionnelle, et qu'il devient tout à fait critique s'il y a des indications de violence ou de mauvais traitement dans la famille, puisque c'est le principal facteur susceptible de créer ce déséquilibre du pouvoir.

Cependant, j'estime qu'il est également important, lors de l'examen de ce problème de déséquilibre du pouvoir, de ne pas idéaliser le recours aux tribunaux. Dans quelle mesure le recours aux tribunaux permet-il de rétablir l'équilibre du pouvoir entre les parties? Combien de fois ces procédures se trouvent-elles simplement à retirer le pouvoir aux parents et à le donner à leurs avocats ou au juge? Certains des témoins qui comparaîtront devant votre comité se plaindront sans doute que le recours aux tribunaux est souvent utilisé par un parent pour exercer du pouvoir sur l'autre conjoint ou parent.

• 1555

C'est pourquoi j'estime qu'il est vraiment important d'examiner soigneusement ce problème du déséquilibre du pouvoir et d'envisager d'autres mécanismes que le recours aux tribunaux, qui permettront d'éviter ce déséquilibre du pouvoir et d'aider les parties à trouver une solution négociée et concertée.

Par ailleurs, certains particuliers et certains groupes préconiseront l'établissement d'une présomption solide en faveur, par exemple, de la garde partagée. À ce sujet, j'aimerais citer à nouveau l'article dont je vous ai parlé plus tôt, qui résume les conclusions auxquelles est arrivé le groupe interdisciplinaire d'experts.

Il se lit comme suit:

À mon avis, ce genre de conclusions prouve la justesse de la ligne de conduite adoptée au Canada, tant à l'échelle fédérale que provinciale, à savoir ne pas imposer d'ordonnance de garde partagée s'il n'y a pas consentement de la part des parties, ou lorsqu'il semble très clair que les parties peuvent transcender le différend qui les oppose pour continuer à assumer leur rôle parental après le divorce.

À mon avis, cela ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant à moins que les parents montrent qu'ils peuvent travailler ensemble de façon assez amicale et constructive pour établir leurs propres arrangements de garde partagée. Il est risqué de laisser un tribunal imposer ce genre d'arrangements aux parents contre la volonté de l'un d'entre eux ou des deux.

C'est pourquoi il faut, à mon avis, que le comité examine soigneusement tous les différents arguments qui lui seront présentés au sujet de l'établissement de présomptions de droit solides. Cela souligne ce que je considère être la tâche la plus importante—à savoir, examiner tous les moyens qui permettront aux parents d'établir et de maintenir des liens comme parents même lorsqu'ils ne seront plus mari et femme, car c'est la meilleure garantie du bien-être des enfants.

Enfin, en tant que sous-ministre, je tiens à transmettre un message clé au comité aujourd'hui, à savoir que nous sommes très désireux d'aider le comité dans son travail. Nous suivrons avec intérêt vos audiences publiques, en direct et à la télévision, et vos consultations. Nous sommes persuadés que les discussions et les débats qui se dérouleront seront intéressants, exhaustifs et éclairés. Si nous pouvons vous être d'une quelconque utilité dans votre travail, n'hésitez pas à faire appel à nous. Nous sommes tout à fait prêts à partager avec vous toute étude que nous pourrons produire ou obtenir.

Comme vous le savez, nous examinons cette question depuis un certain temps. Nous avons publié un document de travail il y a quelque temps sur cette question. Nous considérons ce travail comme un moyen d'atténuer les répercussions négatives du divorce sur les enfants. Nous avons cherché à mieux définir les valeurs, les hypothèses et la terminologie juridiques qui pourraient être utilisées pour promouvoir une réforme au niveau fédéral axée sur les enfants.

Notre recherche a consisté entre autres à recueillir des statistiques sur les familles au Canada, que nous nous proposons de vous remettre lundi. Nous avons rassemblé de nombreux documents de diverses disciplines concernant les besoins de l'enfant. Nous avons examiné les procédures et les modèles législatifs en vigueur dans d'autres administrations, ce qui pourrait être assez utile.

Je vous réitère donc mon offre d'aide. Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous présenter ce mémoire cet après-midi. Je ne sais pas si vous voulez passer immédiatement à Marilyn ou si vous préférez poser d'abord des questions.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je pense que nous poserons d'abord des questions.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je vous remercie.

À certains égards, votre présentation, qui est d'ailleurs excellente, a répondu à presque toutes mes questions.

Pendant le congé, j'ai eu la chance de recevoir la visite de 12 avocats et médiateurs spécialisés en droit familial à mon bureau de circonscription, qui sont venus me mettre au courant de ce qu'ils estiment être les grandes questions. Vous en avez d'ailleurs décrit plusieurs. D'après ce que j'ai cru comprendre, ils considèrent que le problème, ce n'est pas nécessairement la loi comme telle mais son application.

• 1600

Leur préoccupation numéro un, ce sont les ressources, c'est-à-dire le nombre de juges, leur charge de travail, leur formation et le recours à la médiation sur place car, comme vous l'avez souligné, bien des parents sont capables d'établir eux-mêmes leurs arrangements parentaux.

La deuxième préoccupation, c'est la terminologie utilisée. Je pense que lorsque nous avons parlé de la présomption de garde partagée, de l'expérience humiliante qu'est la perte de la garde et de l'opinion que les enfants auront de leur parent, il me semble que c'est surtout la terminologie utilisée qui pose problème. Notre groupe s'est demandé dans quelle mesure, si on se débarrassait du mot «garde» et on parlait uniquement de dispositions ou d'arrangements parentaux, cela faciliterait les choses, puisqu'il n'y aurait plus ce problème de terminologie. Bien entendu, il existe certains intérêts dans le cadre des différends internationaux susceptibles de poser plus de difficulté. Quoi qu'il en soit, c'est simplement une idée que nous avons lancée.

La troisième préoccupation concerne l'éducation, tant des juges du tribunal familial que du public, qui pourrait prendre la forme de vidéos vendues à la pharmacie du coin ou de moyens de se renseigner sur ce qu'il faut faire dans ce genre de situations. Il y a également l'éducation des enfants, qui devrait faire partie du programme scolaire. Il faut que les enfants puissent reconnaître les situations où ils sont négligés. Et nous voulons aussi mettre des moyens à leur disposition—qu'il s'agisse par exemple d'un service d'aide téléphonique ou simplement de leur apprendre ce qu'est un bon conjoint et un bon parent.

Je me demande, car bien des gens trouvent que le document de travail préparé en 1993 est un bon document, comment les choses ont évolué depuis? Que pensez-vous de notre petit groupe de discussion?

M. George Thomson: Je crois que nous allons être en grande partie du même avis puisque vous avez cerné correctement trois questions importantes.

En ce qui concerne les ressources, le nombre de juges nécessaire dépend de toute évidence de la mesure dans laquelle vous pouvez aider les gens et obtenir les réponses qui vous évitent d'avoir à comparaître devant un tribunal et un juge. C'est pourquoi je pense que l'éducation, l'appui professionnel, juridique et autre qui est fourni aux parents qui songent à aller devant les tribunaux peut considérablement influer sur la longueur de la liste d'attente que le juge a entre les mains.

J'ai moi-même été juge et je peux vous dire, d'après mon expérience, que plus il y a de ressources, et des ressources efficaces, à la disposition du tribunal et des parties, moins le différend relatif à la garde des enfants risque d'être ardu et pénible.

Nous sommes en train d'essayer d'étendre le système de tribunal unifié de la famille à l'ensemble du pays. Nous devrions bientôt faire une annonce en ce sens. Je crois d'ailleurs que certaines provinces sont prêtes à agir assez rapidement. Certaines d'entre elles ont déjà un tribunal unifié de la famille, qui possède habituellement plus de compétences et de ressources et peut s'occuper de tous les problèmes qui lui sont soumis plutôt que de quelques-uns, ce qui éviter de devoir faire appel à un autre tribunal. Je pense que c'est une utilisation efficace des ressources dont on dispose.

Je considère votre argument concernant la terminologie extrêmement important. Je suis persuadé que les mots «garde» et «droit d'accès ou de visite» évoquent désormais la notion de «gagnant» et de «perdant» et ont tendance à faire oublier que les gens ne cessent pas d'être des parents parce qu'ils ne vivent plus ensemble. Ils continuent d'avoir des responsabilités parentales et ils resteront des parents, peu importe le type de contacts qu'ils ont. Il serait donc nettement préférable de parler de dispositions ou d'arrangements parentaux, de moyens de permettre aux gens d'assumer leur rôle de parent dans la perspective de l'enfant et d'utiliser une terminologie, peut-être assez différente, qui en rende compte. Nous aimerions beaucoup connaître vos vues à ce sujet.

• 1605

L'éducation est aussi un aspect important. Il existe certains programmes au niveau provincial qui visent de plus en plus à sensibiliser les parents aux problèmes qui surgissent lorsque leur mariage tire à sa fin. Idéalement, ils devraient avoir cette information très tôt mais les gens ont tendance à ne s'y intéresser qu'une fois qu'ils sont aux prises avec le problème même. Souvent, au début, ils ne sont pas tellement réceptifs à ce genre d'information, mais ce n'est pas une raison pour ne pas la leur fournir. Lorsque des parents sont sur le point de se séparer, cette information qui, au début, ne leur semblait pas vraiment utile quand ils refusaient de voir la réalité en face ou qu'ils étaient fâchés l'un contre l'autre, s'avère soudainement très utile lorsqu'il s'agit de prendre des arrangements à l'amiable, si possible.

Enfin, votre argument concernant l'éducation des enfants est très important. Je pense même qu'il existe certaines études qui indiquent que les enfants plus vieux en particulier, s'ils ont l'information nécessaire, peuvent en fait jouer un rôle positif pour ce qui est d'aider les parents à trouver une solution qui convient aux enfants. Je pense que cela est possible si on leur donne l'information dont ils ont besoin.

Je suis donc d'accord avec vous concernant ces trois points.

Mme Carolyn Bennett: Il y a un aspect que j'ai oublié de souligner. Une fois que la dissolution devient inévitable, y a-t-il un délai de base quelconque qui pourrait être établi pour éviter que les choses s'éternisent et que les enfants soient obligés de rester beaucoup trop longtemps dans le foyer conjugal? Est-il possible de fixer un objectif quelconque?

Je sais bien que les 20 p. 100 qui sont constamment en procès posent un problème, mais peut-on, à titre de gouvernement, décréter combien de temps des enfants peuvent rester dans un foyer où les deux parents ne cessent de se disputer? Ou faudrait-il davantage de médiation, de juges—d'autre chose?

M. George Thomson: Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question. Si les parents eux-mêmes ne voient pas le problème et ne cherchent pas à obtenir de l'aide, il est souvent difficile de déterminer l'impact que peut avoir un conflit incessant sur les enfants, mais d'après les recherches effectuées dans ce domaine, un conflit, lorsqu'il est très grave, a de toute évidence un impact. Je pense qu'il serait bon de renforcer les lois qui permettent d'encourager ceux qui fréquentent les enfants à l'extérieur de leur foyer à contacter un tiers, surtout lorsque le bien-être des enfants est en jeu.

En ce qui me concerne, je pense que lorsque les parents se rendent compte du problème—et dans la plupart des cas, ils y parviennent avant que la situation des enfants ne soit trop catastrophique—il faudrait pouvoir leur offrir des ressources rapidement et leur proposer un processus qui s'enclenche rapidement; il ne faut cependant pas oublier que les gens passent par diverses étapes et que leur volonté de trouver des réponses avec leur ancien conjoint ou le conjoint dont ils sont séparés, peut varier au fil du temps. Par conséquent, il n'est pas toujours possible de les amener à une entente à l'amiable ou encore, il est possible de les amener à une entente qu'ils ne peuvent accepter par la suite.

Dans le contexte d'une entente à l'amiable, il ne faut pas oublier que les besoins des enfants évoluent. Je me rappelle certaines des erreurs que j'ai commises en tant que juge; il m'arrivait parfois de trouver une solution qui semblait raisonnable pour les enfants qui se trouvaient en face de moi, à l'âge qu'ils avaient, mais cinq ans plus tard, cette solution gênait en fait les ententes prises dans le domaine des rapports parents-enfants. Le processus ne permettait pas vraiment de revenir pour faire changer les choses. Je crois donc qu'il serait bon de prévoir une certaine souplesse qui permettrait de s'adapter aux circonstances, et ainsi, de renoncer à des règles rigides qui créent des conflits entre les parents.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame la sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie J. Cohen (Nouveau-Brunswick, PC): Merci. J'ai deux questions rapides à poser. Je tiens tout d'abord à féliciter Carolyn pour les deux points qu'elle a soulevés.

Le rôle parental, par opposition à la garde, est une question qui s'est posée lorsque nous avons débattu du projet de loi C-41. Beaucoup de témoins nous ont dit que ce sont deux notions entièrement différentes.

Pour ce qui est de l'éducation des enfants, lorsque vous avez parlé des vidéos vendues à Shoppers, je me suis souvenue des brèves séquences sur le patrimoine que nous voyons à la télévision et qui nous enseignent l'histoire du Canada. Elles ne durent que quelques secondes, mais ont un fort impact. Les enfants s'intéresseraient immédiatement à ce genre de choses.

Je voulais vous poser cette question, monsieur Thomson, et pardonnez-moi si vous y avez déjà répondu; je suis arrivée en retard. Nous savons que les parents eux-mêmes arrivent à régler beaucoup de cas de garde et de droit de visite. Dispose-t-on de données nous indiquant le pourcentage des cas qui nécessitent des règlements judiciaires; combien y en a-t-il par an?

• 1610

Mme Marilyn Bongard (conseillère juridique, Section de la famille, des enfants et des adolescents, ministère de la Justice): Des statistiques détaillées doivent vous être présentées lundi; nous avons des données sur ceux qui sont allés au tribunal et ne savons rien, bien sûr, de ceux qui ne passent pas par le système judiciaire; nous ne pouvons le prévoir et n'avons pas de renseignements solides à cet égard.

Si vous pouvez attendre jusqu'à lundi, les attachés de recherche feront un exposé sur ce genre d'information.

M. George Thomson: Il est clair que dans leur grande majorité, les litiges portant sur la garde sont réglés par les parents, avec ou sans conseiller juridique, avec ou sans d'autres personnes. Par «dans leur grande majorité», je veux dire presque tous les litiges et il est important de ne pas l'oublier. Même s'ils entament des actions en justice, les parents règlent la plupart des litiges bien avant leur comparution devant un juge.

Cela nous ramène, je crois, au point abordé plus tôt, à savoir qu'il faut donner aux parents le nécessaire pour qu'ils comprennent les besoins de leurs enfants et pour qu'ils soient plus à même de négocier une entente qui dépasse le conflit et reflète les besoins de l'enfant. Il faut donc leur donner le nécessaire, qu'il s'agisse d'appuis de spécialistes ou de renseignements solides, car la plupart des parents veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Il est extrêmement important de trouver la bonne solution, car c'est la grande majorité des cas.

La sénatrice Herminie Cohen: Vous avez déjà traité de cette question, mais le ministère envisage-t-il d'examiner toutes les recommandations avant de proposer une autre loi?

M. George Thomson: Oui, nous avons clairement l'intention d'attendre les recommandations de ce comité avant de faire quelque proposition législative que ce soit.

La sénatrice Herminie Cohen: Merci.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Monsieur Thomson, je suis très heureuse de vous voir ici, notamment en raison de vos connaissances, puisque ma première question porte précisément sur les fonctions de juge.

Soit dit en passant, Carolyn, merci beaucoup pour la liste, très utile.

Beaucoup de parents sont inquiets face à l'inégalité des décisions des tribunaux, qu'elles portent sur la garde ou sur le droit de visite, sans parler de l'obligation qui, aux termes du paragraphe 16(1), les force, semble-t-il, à revenir devant le tribunal chaque fois qu'ils veulent changer quelque chose. C'est ce qui explique le plus grand nombre de retards ainsi que les coûts supplémentaires tant pour le conjoint ayant la garde que pour l'autre. C'est ce que nous avons appris lorsque notre groupe de travail s'est penché sur ces questions.

Tout d'abord, prévoyez-vous présenter un examen de la jurisprudence susceptible de nous indiquer les cas d'une telle inégalité, ainsi que peut-être ses motifs? Est-ce lié aux domaines de compétence du gouvernement fédéral et des provinces? Est-ce lié à la nature de la nomination des juges et au manque de formation de ces derniers? Comment explique-t-on cette confusion au niveau de l'interprétation de notions comme celles du droit de garde, de la garde unique et entière, de la garde exclusive, du droit de visite, etc.? Où se retrouve le problème et avez-vous pu l'examiner?

M. George Thomson: Je peux répondre partiellement à cette question et laisser mes collègues ajouter leurs observations.

Vous avez raison de parler d'inégalité du processus de prise de décision. En ma qualité d'ancien juge, je peux peut-être me permettre de dire que les antécédents, les valeurs et l'éducation des juges jouent un rôle aussi important dans leur prise de décision que dans tout le reste; la recherche tend d'ailleurs à le démontrer. On peut donc comprendre, dans un domaine aussi chargé d'émotion que celui-ci, que la perspective personnelle du juge puisse jouer un rôle important.

On peut invoquer d'autres raisons, je crois. Le critère de l'intérêt supérieur qui favorise la prise de décision individualisée, est aussi sans doute le critère le plus vague de la loi au sens où il ne révèle rien de très précis. Le fait que ce critère appelle une prise de décision individualisée peut produire l'effet même dont vous parlez.

Le caractère extrêmement difficile de la question en est, je pense, la deuxième raison. L'un des meilleurs exemples que je puisse donner à ce sujet est le suivant: deux parents se séparent et concluent une entente de garde et de droit de visite; c'est alors que l'un d'eux, ou celui qui a la garde, veut déménager pour des raisons de travail, pour une nouvelle relation ou pour autre chose. Rien n'est plus difficile que d'essayer d'équilibrer le besoin de l'autre parent en matière de droit de visite et le besoin du premier à refaire sa vie de manière sensée. En fait, l'aspect économique dont j'ai fait mention et qui a un effet direct sur l'enfant peut parfaitement être lié au déménagement du parent qui a la garde ou à son désir de changer de mode de vie.

• 1615

Je ne veux pas dire par là que je connais la réponse, mais le simple fait de souligner la complexité de la question appelle presque automatiquement des décisions différentes selon les tribunaux.

La troisième raison, je crois, nous ramène au point que j'ai soulevé un peu plus tôt, à savoir l'absence de tribunaux unifiés de la famille dans notre pays. Je suis fortement en faveur de tels tribunaux, car ils permettent, en général, de nommer des juges en raison de leurs antécédents dans ce domaine, de l'intérêt particulier qu'ils portent au droit de la famille et de l'intérêt qu'ils ont à poursuivre leur formation.

La volonté de continuer à apprendre est un élément clé, car la recherche qui se fait dans ce domaine nous aide énormément; par contre, si l'on n'entend pas parler de cette recherche ou si l'on ne se renseigne pas plus au sujet des enfants, on risque de prendre des décisions sans tenir compte des travaux effectués dans ce domaine. Par conséquent, le fait d'avoir des juges qui passent suffisamment de temps dans ce domaine, dans un tribunal unifié de la famille de préférence, pourrait régler la question. Il est extrêmement important, à mon avis, de privilégier véritablement la formation continue des juges.

Je sais que je n'en finis pas de parler, mais je terminerai en disant que la meilleure solution consiste à réduire au minimum le nombre de fois où les juges doivent prendre ces décisions, en aidant les parties en cause à prendre leurs propres décisions. Je ne vais pas cesser de le dire.

L'hon. Sheila Finestone: Je ne sais pas si la société a autant évolué, mais j'ai tendance à vouloir l'espérer.

J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une école pour les juges. Ceux qui sont nommés juges, que ce soit à la Cour suprême, à la Cour fédérale, à une cour provinciale, ou ailleurs, seraient tenus de la fréquenter. Il ne faut pas oublier qu'un juge est un être humain et que par conséquent, il commet des erreurs et fait des «lapsus».

À mon avis, il est essentiel qu'ils comprennent qu'ils vivent dans une société multiculturelle, ce qui impose certaines contraintes au niveau de l'expression. Ils vivent dans l'une des rares sociétés du monde où les hommes et les femmes jouissent de droits à l'égalité, droits que nous considérons fondamentaux. Nous vivons dans une société où les droits des enfants sont devenus fondamentaux, où l'effet du sommet de Beijing s'est fait ressentir et où tous les changements relatifs aux femmes, aux droits des femmes et aux droits des enfants devraient avoir un profond impact sur leur système de pensée et de prise de décisions.

Ceci étant dit, je me préoccupe de la même façon des droits des pères, des grands-parents et des familles reconstituées, ainsi que du droit à la mobilité et du droit de visite. Comme on ne peut échapper à ces réalités, il est à mon avis honteux de partir du principe qu'un juge n'a plus besoin de formation. Maintenant que je me suis exprimée assez clairement...

Des voix: Oh, oh!

L'hon. Sheila Finestone: ... vous ne pouvez pas dire non.

M. George Thomson: C'est en fait facile, car je suis d'accord avec vous.

L'hon. Sheila Finestone: Oh, très bien, ne vous donnez donc pas la peine de répondre.

M. George Thomson: Je suis convaincu que la formation des juges est extrêmement importante. Je dirais simplement qu'à mon avis, nous avons fait quelques progrès dans ce domaine ces 20 dernières années. Davantage de programmes sont maintenant offerts aux nouveaux juges et des programmes particuliers sont prévus pour les tribunaux unifiés de la famille.

L'hon. Sheila Finestone: Sont-ils obligatoires?

M. George Thomson: Dans certaines provinces oui, et on s'attend, à tout le moins, que tous les juges y participent. Je ne sais pas si tous le font ou non, mais je suis confiant que dans la plupart des provinces... Je pense aux juges provinciaux qui prennent beaucoup de décisions à cet égard. Dans le cas des juges nommés à la Cour fédérale, un programme est habituellement offert et, si je ne me trompe pas, l'Institut national de la magistrature a créé des programmes destinés aux nouveaux juges.

Par ailleurs, nous avons récemment financé, en partie, la création, par l'Institut national de la magistrature, de cours de formation sociologique sur la diversité de la population canadienne et sur la façon dont il faudrait en tenir compte dans le processus de décision. L'Institut a créé un programme unique qu'il propose actuellement aux juges de tout le pays.

Je suis d'accord avec vous, mais je pense également que nous faisons des progrès dans ce domaine, bien qu'il y ait encore beaucoup à faire.

L'ho. Sheila Finestone: C'est très encourageant.

J'ai une question à poser à nos coprésidents. Dans la liste suggérée, pour que nous comprenions la réalité multiculturelle de notre société, j'espère que vous nous fournirez un exemplaire de la charia; cela nous permettra de cerner les problèmes des jugements relatifs à la garde et au droit de visite et de voir comment on pourrait envisager les aspects internationaux du problème. Venant juste d'être mise au courant de quelques graves problèmes relatifs à la recherche d'enfants victimes de rapt, j'ai quelques questions à propos...

• 1620

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Nous allons transmettre la question à nos attachés de recherche et à nos greffiers.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Finestone; je suis soulagé de voir que M. Thomson est d'accord avec vous.

Nous allons maintenant céder la parole à notre prochain témoin, madame Bongard.

Mme Marilyn Bongard: Je suis ici en ma capacité de conseillère juridique de la section de la famille, des enfants et des adolescents du ministère fédéral de la Justice, qui relève du secteur des politiques de ce ministère.

Le travail que je fais à propos de la garde et du droit de visite est de nature essentiellement juridique—il porte notamment sur la réforme du droit fédéral—et dans ce contexte, je suis de très près les dispositions relatives à la garde et au droit de visite, soit les articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce, ainsi que de nombreuses questions juridiques liées à ces dispositions.

J'ai pensé qu'il serait très utile aujourd'hui d'essayer de vous donner un aperçu du droit régissant la garde et le droit de visite au Canada; mon exposé comporte trois volets: un aperçu du cadre législatif et des compétences, y compris une description des dispositions actuelles de la Loi sur le divorce; un bref aperçu de la consultation auprès du public effectuée par le ministère, dont le sous-ministre a fait mention...

Un document de travail public, qui, je crois, a été distribué au comité, a été publié dans le cadre de cette consultation.

Enfin, je vais essayer de vous donner un aperçu des nouvelles tendances à l'échelle internationale que vous trouverez sans doute très intéressantes. Il y en a beaucoup. Je vais m'attarder particulièrement aujourd'hui sur certains des changements apportés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.

Je vais tout d'abord commencer par vous donner un aperçu du cadre des compétences.

Le pouvoir de légiférer en matière de droit de la famille au Canada est divisé entre plusieurs compétences; en effet, La Loi constitutionnelle de 1867 réserve le domaine du divorce au Parlement fédéral et donne aux provinces la compétence exclusive dans le domaine de la propriété et des droits civils ainsi que dans le domaine de l'administration de la justice.

En d'autres termes, le Parlement a compétence exclusive pour ce qui est des règles juridiques de fond sur le divorce, par l'entremise de la Loi sur le divorce. Cette loi régit non seulement l'octroi d'un divorce, mais aussi ce que l'on appelle les mesures de redressement provisoires, comme la prise d'ordonnances en matière de pension alimentaire et de garde, en attendant le divorce et après le divorce.

Les autres questions liées au droit de la famille, comme l'adoption, la protection de l'enfance et le partage des biens, qui vise même les biens des conjoints mariés, sont régies par les lois provinciales ou territoriales.

L'hon. Sheila Finestone: Vous parlez du Canada.

Mme Marilyn Bongard: Effectivement, désolée c'est...

L'hon. Sheila Finestone: Madame la présidente, je tiens à faire une observation, bien que cela me déplaise.

Il aurait été bon d'avoir un tableau avant de passer à l'explication afin que l'on puisse faire une comparaison entre les compétences fédérales et provinciales et pour savoir qui a quels droits et quelles responsabilités. Puis-je donc proposer qu'à l'avenir, les témoins, surtout s'ils représentent notre ministère de la Justice, nous donnent ce genre de renseignements et de préparation.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je m'attendais à ce qu'on nous fournisse cette documentation pour que nous puissions la lire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je pense que M. Thomson est le prochain intervenant.

M. George Thomson: Je veux tout simplement dire que nous pouvons la préparer. En fait, nous sommes en train de préparer un tableau, que nous ferons ensuite traduire et distribuer au comité. Je pense que c'est une bonne idée. C'est ce que nous allons faire.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools, avez-vous un commentaire à faire?

La sénatrice Anne Cools: Oui. Je disais tout simplement que, pour obtenir de l'information à l'avance... Certains témoins ne peuvent manifestement pas nous fournir de la documentation à l'avance. Toutefois, le ministère de la Justice, qui compte un très grand nombre d'employés, devrait être en mesure de le faire.

Mme Marilyn Bongard: Comme je le disais, mis à part le divorce, les autres questions qui relèvent du droit de la famille sont assujetties aux lois provinciales ou territoriales. Cela englobe l'adoption, la protection de l'enfant et le partage des biens, c'est-à-dire les biens des couples mariés.

Les lois provinciales et territoriales régissent également les questions touchant les couples non mariés, soit les conjoints de fait, qui se séparent.

Autrement dit, ce sont les dispositions des lois provinciales, et non celles de la Loi sur le divorce, qui régissent l'octroi de la garde des enfants et l'obligation alimentaire à leur égard dans les cas où il n'y a pas de divorce, soit lorsque les parents n'ont jamais été mariés ou lorsque les conjoints mariés décident de conclure un accord de séparation plutôt que d'entreprendre une action en divorce.

Il est un autre point important qu'il convient de mentionner: la compétence provinciale-territoriale en matière d'administration de la justice. Il s'agit là d'un facteur déterminant qui, souvent, complique toute réforme du droit dans ce domaine. Bien que la Loi sur le divorce relève de la compétence fédérale, les provinces sont responsables de l'administration des tribunaux. Cela veut dire que, même dans le cas des questions qui relèvent de la Loi sur le divorce, les procédés, mécanismes, procédures et règles judiciaires sont régis par les lois provinciales et territoriales. Il en va de même pour l'exécution des ordonnances rendues par les tribunaux, y compris les ordonnances émises en vertu de la Loi sur le divorce. Par ailleurs, les services offerts par les collectivités et les tribunaux, comme les cours d'éducation parentale, les services de médiation, les services de surveillance lors des visites—relèvent tous de la compétence des provinces.

• 1625

En résumé, la responsabilité du gouvernement fédéral est peut être très limitée, mais elle demeure importante parce que c'est la Loi sur le divorce qui dicte les règles que doivent appliquer les tribunaux pour rendre des décisions sur la garde des enfants et le droit d'accès. En outre, dans la pratique, presque toutes les modifications apportées à la Loi sur le divorce ont un impact quelconque sur les lois provinciales et territoriales. Les initiatives de réforme exigent donc la participation conjointe du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires.

Voilà donc le contexte juridictionnel à l'intérieur duquel évolue la Loi sur le divorce. Il y a également un contexte social. Lors de la rupture du mariage, il faut prendre des dispositions concernant la garde, le soin et l'éducation des enfants. Souvent, ces mesures peuvent être négociées entre les parents, avec ou sans l'intervention d'avocats, de médiateurs ou de travailleurs sociaux. L'entente peut ensuite être intégrée dans un jugement de consentement ou un accord de séparation reconnu sur le plan juridique.

Cependant, certains différends ne peuvent être réglés au moyen d'une entente. Il peut y avoir des questions complexes qui nécessitent l'intervention du tribunal et des cas où le litige porte sur des allégations sérieuses qui ont été contestées ou niées par un parent et au sujet desquelles une décision doit être rendue sur les faits. Dans ces causes contestées, les tribunaux peuvent déterminer les mesures à prendre.

Donc, d'un point de vue juridique, les tribunaux servent de tribune pour régler les différends, tandis que les lois définissent les règles qui leur serviront de base dans leurs décisions. Voilà ce que font les dispositions actuelles de la Loi sur le divorce.

Les paragraphes 16(1), (4) et (6) de la Loi confèrent au tribunal un vaste pouvoir discrétionnaire aux fins des ordonnances de garde ou d'accès. En effet, le tribunal peut accorder la garde ou l'accès à l'égard de l'un des enfants ou de tous ceux-ci. Ces droits peuvent être accordés à un ou plusieurs personnes pour une période définie ou non, sous réserve des conditions ou restrictions que le tribunal juge appropriées. Le paragraphe 16(8) dispose que le tribunal, en rendant une ordonnance, ne tient compte que de l'intérêt de l'enfant à charge, défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et, d'une façon générale, de sa situation. Le paragraphe 16(10) précise qu'un enfant doit avoir avec chaque parent le plus de contact compatible avec son propre intérêt et, à cette fin, le tribunal tient compte du fait que la personne pour qui la garde est demandée est disposée ou non à faciliter ce contact.

Voilà ce que disent, en gros, les dispositions de la Loi sur le divorce pour ce qui est de la garde des enfants et du droit d'accès. Ces dispositions ne sont pas très compliquées, et même beaucoup plus simples que celles qui figurent dans les lois d'autres compétences. Comme vous le savez tous, ces dispositions ont fait l'objet d'un examen très soutenu. Elles ont presque toutes fait l'objet de critiques, et les points de vue étaient souvent polarisés selon le sexe. On ne s'entend pas, de manière générale, sur les modifications qu'il convient d'apporter à ces dispositions. Ce qui m'amène à mon prochain sujet, soit la consultation publique qu'a tenue le ministère de la Justice en 1993-1994.

Comme l'indique le document de travail, la consultation avait pour but de nous inviter à réfléchir sur la nécessité de modifier les règles de droit actuelles qui s'appliquent aux droits de garde d'enfants et d'accès, et de susciter des commentaires sur la gravité des problèmes et la nature des solutions de rechange à envisager. Je crois comprendre que vous avez reçu une copie du document en question. Je n'entrerai donc pas dans les détails. Je tiens à dire que toutes les questions, préoccupations et critiques formulées dans le document sont toujours valables aujourd'hui. Elles seront vraisemblablement abordées par les témoins qui comparaîtront devant le comité.

• 1630

Parmi les grandes questions traitées dans le document, mentionnons: les préoccupations fondamentales concernant l'utilisation du système accusatoire pour régler les différends touchant les enfants; les problèmes que pose l'utilisation des mots garde et accès; la nécessité d'établir des présomptions pour clarifier la loi et pour régler les problèmes que pose la discrimination fondée sur le sexe; les préoccupations concernant la violence familiale et la nécessité de clarifier la loi pour obliger le tribunal à tenir compte de la preuve d'actes de violence ou d'agression lorsqu'il rend des ordonnances en matière de garde et de droit d'accès; de nombreuses questions touchant l'accès, dont les droits des grands-parents, et la nécessité d'assurer une meilleure exécution des ordonnances d'accès.

Quelles sont donc les conclusions qu'a tirées le ministère de cette consultation? La principale est que, bien que l'on s'entende de manière générale sur l'existence de problèmes majeurs, il y a absence totale d'unanimité quant aux solutions qui doivent être apportées.

D'autres constatations se sont dégagées de cette consultation. Par exemple, il y a beaucoup d'incertitude entourant l'utilisation des mots garde et accès. La situation est compliquée par le fait qu'on utilise divers termes pour décrire les relations qui existent entre le parent et l'enfant après le divorce. De façon plus précise, l'expression «garde conjointe» semble susciter une certaine confusion, car on ne sait pas elle veut dire garde conjointe physique ou garde conjointe légale.

La garde conjointe physique signifie habituellement que l'enfant vit à deux endroits différents. Autrement dit, il partage son temps également entre les deux parents. La garde conjointe légale conjointe signifie habituellement que les parents participent tous les deux aux décisions touchant l'enfant, et qu'ils jouent un rôle actif auprès de celui-ci, sauf que l'enfant habitera vraisemblablement avec un des deux parents. L'expression «garde coparentale» est un autre terme qu'on utilise souvent pour décrire le rôle actif que jouent les deux parents auprès de l'enfant.

Peu importe l'expression retenue, la garde conjointe a souvent été mentionnée au cours de la consultation comme solution de rechange à la garde unique, un concept qui laisse entendre que le parent ayant la garde dispose de toute une série de droits légaux sur l'enfant. La consultation a confirmé que de nombreuses personnes estiment que l'utilisation du mot «garde» dans la Loi sur le divorce, qui semble vouloir dire garde unique, donne l'impression que le parent gardien a un statut supérieur à l'autre. Ils trouvent que cette notion est injuste et qu'elle favorise les litiges—qui va être le parent gardien. Comme je vais l'indiquer à la fin de mon exposé, plusieurs pays semblent avoir pris note de cette critique et pris des mesures pour corriger cette situation.

La consultation a également fait ressortir la nécessité de clarifier la loi. Le sous-ministre en a déjà parlé. D'après les dispositions actuelles de la Loi sur le divorce, chaque cas doit être décidé individuellement, sur examen des faits et des circonstances. Le seul critère qui permet de régler les différends est l'intérêt de l'enfant. Autrement dit, le tribunal doit, dans chaque cas, tenir compte des besoins particuliers de l'enfant et déterminer lequel des adultes qui lui sont présentés est le plus apte à répondre à ces besoins. Toutefois, ce critère ne définit pas les facteurs qui doivent servir de guide aux juges. On ne peut donc pas s'en servir pour régler les différends, puisqu'il favorise, dans les faits, les jugements qualitatifs, c'est-à-dire les jugements qui sont axés sur les convictions personnelles des juges.

Comme l'a clairement démontré la consultation, de nombreux intervenants estiment que des présomptions s'imposent pour clarifier la loi. Toutefois, on ne s'entend pas sur celles-ci. Du point de vue politique, il est très difficile d'établir à la fois une présomption en faveur de la garde partagée et une présomption en faveur du principal pourvoyeur de soins. Or, les intervenants ont réclamé l'adoption de ces deux types de présomptions.

Sur ce point, je tiens à dire que les jugements, surtout ceux de la Cour suprême du Canada, ont systématiquement mis l'accent sur l'intérêt de l'enfant. La juge McLaughlin, dans l'affaire Young c. Young et Gordon c. Goertz, a analysé les arguments en faveur d'une présomption, mais a rejeté l'idée d'en établir une au motif que cela a tendance à compliquer et à aggraver le conflit. Au lieu d'avoir deux parties qui fournissent tout simplement des preuves mettant en lumière l'intérêt de l'enfant, on focalise sur celui qui a fourni les meilleures preuves et sur la question de savoir si la présomption a été réfutée.

• 1635

Il s'agit-là d'une question technique, légale... Mais la Cour suprême du Canada affirme apprécier la souplesse du critère de «l'intérêt de l'enfant».

Selon toute probabilité, le principal message qui se dégage de la consultation est le suivant: le public s'attend à ce que la loi lui fournisse des réponses à des questions très complexes et chargées d'émotion qui, souvent, ne sont que partiellement d'ordre juridique. L'éclatement des familles provoque de profonds bouleversements qui causent énormément de chagrin et de douleur à toutes les personnes concernée. Lorsque j'ai lu les mémoires en 1994, j'ai été frappée par la tristesse et la colère qui se dégageaient de bon nombre d'entre eux. J'ai également été étonnée de constater qu'un si grand nombre de personnes étaient convaincues qu'elles trouveraient réponse à leurs problèmes dans la loi.

Il faut, à mon avis, essayer d'analyser les attentes du public à l'égard de la loi.

Nous savons que la grande majorité des actions en divorce ne sont pas contestées, et que les parties arrivent à s'entendre au sujet de la garde des enfants.

Nous savons également que les règles énoncées dans la Loi sur le divorce, par exemple, ont un effet sur les ententes que concluent les parties car, au cours des négociations, les parents se laisseront guider par ces règles telles qu'ils les perçoivent ou les comprennent. Ces règles ont un effet encore plus direct lorsqu'il y a intervention des avocats. Il se peut que les ententes qui finissent par être conclues soient fondées, du moins en partie, sur la perception que les parents ont de leurs droits et obligations. C'est ce qui explique, en partie, les attentes si élevées du public.

Pour les avocats et les spécialistes des questions de droit, la Loi sur le divorce es un ensemble de règles techniques, concrètes et légales qui régissent les actions en divorce. Pour la plupart des autres personnes, la Loi sur le divorce, c'est beaucoup plus que cela. Elle constitue, pour elles, un moyen de venir à bout de la crise que provoque l'éclatement du mariage.

Ce genre d'analyse peut nous être utile au chapitre de la réforme. Elle laisse entendre, par exemple, que dans certains cas, l'ordonnance judiciaire peut avoir un sens qui dépasse le contexte strictement juridique dans lequel elle a été rendue. Elle peut être assimilée par l'une ou l'autre partie, ou par les deux, à un jugement moral.

Par exemple, un tribunal peut refuser une demande de garde partagée en se fondant sur les considérations juridiques énoncées dans la Loi sur le divorce. Or, cette décision peut être interprétée, par le parent dont la demande a été rejetée, comme un jugement moral de sa valeur en tant que père et parent.

Sa réaction, il ne faut pas s'en étonner, sera vive et émotive, et il se montrera vraisemblablement sévère à l'égard du juge et de la loi. Il se peut même qu'il porte plainte auprès de son député.

La sénatrice Anne Cools: Ce pourrait être la mère qui se trouve dans cette situation.

Mme Marilyn Bongard: L'exercice du droit d'accès est un autre exemple des problèmes qui découlent des attentes élevées du public à l'égard de la réforme du droit. De nombreux pères ont soulevé le cas de mères qui limitent ou refusent l'accès aux enfants. Ils ont également dénoncé le fait que les tribunaux sont peu enclins à forcer l'exécution des ordonnances relatives au droit d'accès.

Le fait est qu'il existe très peu de statistiques là-dessus et qu'il est difficile d'évaluer la nature et la gravité exactes du problème. On a fait remarquer, par exemple, que le parent qui obtient un droit d'accès peut lui aussi créer de graves problèmes s'il n'exerce pas ce droit.

À l'heure actuelle, la Loi sur le divorce ne comporte aucune disposition précise sur l'exercice du droit d'accès, vu que cette question relève essentiellement des lois provinciales. En outre, la portée de la loi dans ce domaine est plutôt limitée. Bien que des mesures concrètes puissent être prises pour favoriser l'exécution des ordonnances alimentaires—comme la saisie du salaire, par exemple—il n'existe pas de mécanismes légaux pour en assurer leur exécution efficace.

La solution, à mon avis, serait d'aider les parents à résoudre les problèmes interpersonnels et psychologiques à l'origine du différend. Trop de couples se tournent vers les tribunaux dans l'espoir qu'ils trouveront une solution aux nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés. Toutefois, parce leurs problèmes sont souvent de nature interpersonnelle, la solution proposée ne règle pas le différend; elle ne fait que l'exacerber.

• 1640

C'est donc là tout un défi que je dois relever, en tant que technocrate, mais je crois qu'il est important d'essayer d'expliquer ce dilemme aux parents qui comptent trouver des solutions à leurs problèmes dans les changements apportés à la Loi sur le divorce.

Comme je l'ai mentionné au début, la loi actuelle n'aborde que très brièvement la question de la garde des enfants et du droit d'accès. Les dispositions permettent uniquement aux tribunaux de régler les différends et d'imposer des ordonnances de garde et d'accès.

Je crois qu'il serait possible d'élargir le cadre légal à l'intérieur duquel les parents pourraient conclure des ententes. C'est l'approche que d'autres pays ont adoptée, sujet sur lequel je voudrais maintenant vous entretenir.

Comme je l'ai indiqué, de nombreux pays ont modifié leurs lois sur la garde des enfants et le droit d'accès au cours des dix dernières années. Je voudrais vous parler aujourd'hui des modifications apportées par le Royaume-Uni et, plus brièvement, de celles adoptées par certains États américains et australiens.

En Angleterre, et si vous pensez que la première partie était difficile, celle-ci—je vais essayer d'aller un peu moins vite. Nous allons vous fournir un tableau, je l'espère... Le député a dit qu'il serait plus utile que je vous l'explique brièvement et que j'y revienne ensuite—je le résumerai une fois que vous l'aurez devant vous.

L'Angleterre a apporté des modifications à la Children's Act en 1989. Les mots «garde» et «accès» ont été supprimés et remplacés par ce qu'ils ont appelé la «responsabilité parentale partagée». Cette responsabilité continue après le divorce et elle englobe, d'après la définition prévue dans la loi, tous les droits, devoirs, pouvoirs et responsabilités que détient, en droit, un parent à l'égard de l'enfant et de ses biens. Cela ressemble presque au concept de tutelle.

La loi précise que la responsabilité parentale peut être assumée par plusieurs personnes et qu'un parent ne perd aucun privilège même lorsque cette responsabilité est confiée à d'autres. La loi ajoute également que, dans les cas où plusieurs personnes exercent une responsabilité parentale à l'égard d'un enfant, chacune de ces personnes peut agir seule, sans l'intervention des autres. Toutefois, aucune décision concernant l'enfant ne peut être prise sans le consentement des autres. Voilà ce que j'essaie de comprendre—comment on prévoit interpréter cette notion.

La loi précise, il s'agit là d'un facteur important, que les tribunaux peuvent rendre une ordonnance uniquement s'ils considèrent qu'une telle démarche servirait l'intérêt de l'enfant. Elle indique donc très clairement que les tribunaux peuvent uniquement être utilisés comme dernier recours. Ceux-ci peuvent rendre des ordonnances pour: fixer les modalités ayant trait à la résidence de l'enfant; établir les droits d'accès ou de visite; régler une question précise concernant l'éducation de l'enfant, comme l'école qu'il doit fréquenter; interdire à quiconque de prendre des décisions qui auront un effet direct sur l'éducation de l'enfant.

Aux termes de ces ordonnances, chaque parent assume son rôle de parent et agit en tant que tel pendant que ces enfants sont avec lui. Un parent n'est pas tenu de consulter l'autre.

Lorsqu'un enfant reste avec un parent, que ce soit pour une longue période ou pour une courte visite, ce parent est autorisé à prendre toutes les décisions raisonnables qui s'avèrent nécessaires au cours de cette période. Le parent qui s'oppose à une décision prise par l'autre parent peut demander au tribunal de renverser celle-ci. Toutefois, il ne doit pas oublier que les ordonnances des tribunaux ne constituent qu'un dernier recours.

Voilà ce que dit, en gros, la Children's Act. Je tiens à signaler qu'elle a une portée beaucoup plus vaste que les ententes conclues entre parents. Elle s'applique à tous les enfants.

Une voix: Depuis combien de temps est-elle en vigueur?

Mme Marilyn Bongard: Depuis 1989.

Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Et quels résultats a-t-on obtenus jusqu'ici?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, sénateur. Madame Bongard, avez-vous terminé votre exposé?

Mme Marilyn Bongard: Non.

Aux États-Unis, et au Canada de manière générale, le divorce relève des États et les lois varient considérablement d'un État à l'autre. Il existe à cet égard un très bon ouvrage de référence intitulé The American Bar Association's Guide to Family Law, qui est publié par Times Books et qui résume les lois adoptées par les différents États.

• 1645

La plupart des États américains utilisent toujours les mots garde et accès dans leur loi. Habituellement, le mot garde englobe le droit et l'obligation de s'occuper d'un enfant sur une base quotidienne, tandis que le mot visite s'applique uniquement aux droits d'accès.

La plupart des lois américaines contiennent également des présomptions plus explicites et détaillées que celles que l'on retrouve dans la Loi sur le divorce pour ce qui est des facteurs qui doivent être pris en considération.

Certains États américains ont adopté une présomption en faveur de la garde conjointe. L'Association du Barreau américain indique dans son rapport que, en 1995, onze États avaient adopté une présomption en faveur de la garde conjointe. C'est beaucoup moins qu'il y a 10 ans. La situation a évolué depuis.

Le Dakota du Nord, l'Oklahoma et la Louisiane ont adopté une présomption selon laquelle la garde partagée ne sert pas l'intérêt de l'enfant lorsqu'il y a des preuves de violence au sein de la famille. Le Texas interdit la garde partagée dans ces cas.

D'autres États américains ont opté pour le modèle de la responsabilité parentale partagée. Contrairement à la Children's Act en vigueur au Royaume-Uni, ces lois ont tendance à englober l'obligation précise de consulter l'autre parent dans toute décision touchant l'enfant.

Par exemple, la loi de la Floride définit la responsabilité parentale partagée comme une solution imposée par le tribunal où les deux parents conservent leurs pleins droits et responsabilités à l'égard de leur enfant et où les deux parents sont tenus de se consulter de sorte que toute décision majeure concernant le bien-être de l'enfant sera prise conjointement. La loi précise également que le tribunal peut ordonner que la responsabilité parentale à l'égard d'un enfant d'âge mineur soit partagée par les deux parents, sauf s'il juge que cette solution nuirait à l'enfant.

La Parenting Act adoptée par l'État de Washington est particulièrement intéressante. Cette loi a abandonné les mots «garde» et «visite» et les a remplacés par un concept axé sur l'établissement de plans qui définissent les responsabilités parentales. Le comité aurait peut-être intérêt à lire l'arrêt Littlefield c. Littlefield, jugement rendu par la Cour suprême de Washington qui fournit une analyse détaillée de la loi adoptée par l'État de Washington, en plus de décrire certains de ses paramètres fort intéressants.

L'État de Washington n'a jamais voulu adopter une loi sur la garde partagée et a toujours refusé, par principe, de reconnaître qu'un contact fréquent et constant avec les deux parents servirait l'intérêt de l'enfant. Cette loi constitue un compromis. Elle met surtout l'accent sur l'établissement de plans qui définissent les droits et les responsabilités des parents.

L'Australie, qui est le dernier pays dont je voudrais vous parler, a modifié sa législation en 1995, grâce à la Family Law Reform Act. Elle a adopté un régime de responsabilité parentale partagée qui est calqué, mais pas tout à fait, sur celui de l'Angleterre.

La loi dispose que les deux parents se partagent les responsabilités après la séparation, sauf si le tribunal en décide autrement. La responsabilité parentale englobe tous les devoirs, pouvoirs et responsabilités qu'ont les parents, en droit, à l'égard de leurs enfants.

Il s'agit là d'un concept législatif; la loi ne fait aucune mention des droits des parents. Elle parle uniquement des responsabilités.

Contrairement à ce qui se fait au Royaume-Uni, les tribunaux australiens ne peuvent émettre qu'un seul type d'ordonnance touchant la santé, le bien-être et l'éducation des enfants. Il s'agit d'une ordonnance parentale.

Cette ordonnance traite de tous les aspects concernant l'éducation de l'enfant et englobe un certain nombre d'éléments, y compris le lieu de résidence, le contact, la pension alimentaire et la résolution de problèmes précis.

L'ordonnance parentale peut être appliquée par l'un ou l'autre des deux parents, ou les deux, ou toute autre personne qui s'occupe de la santé, du bien-être et de l'éducation de l'enfant. Le tribunal peut rendre une ordonnance parentale qui traite de l'un ou l'autre de ses aspects.

La loi australienne, contrairement à la loi britannique, n'attache pas automatiquement une responsabilité parentale à l'ordonnance qui définit les modalités de résidence de l'enfant. Les documents d'étude qui accompagnaient le projet de réforme précisaient que ce nouveau plan était différent de celui qu'il visait à remplacer et qu'il n'était pas question de simplement remplacer le terme «parent gardien» par «résidant».

• 1650

Je tiens à mentionner, en guise de résumé, un autre jugement, l'arrêt B. c. B., qui a été rendu par la Family Court of Australie, à Brisbane. Cet arrêt analyse en détail la loi australienne.

Je suppose que je pourrais vous remettre ces documents, mais qu'il faudrait que je les fasse traduire. Ils sont très longs.

C'est tout ce que j'avais l'intention de vous dire. J'espère que cet exposé a été utile. Je sais qu'il y a beaucoup de matière à assimiler.

L'hon. Sheila Finestone: Vous pourriez créer un site Web.

Mme Marilyn Bongard: L'Australie l'a déjà fait.

L'hon. Sheila Finestone: Il me semble que bon nombre des questions que vous avez portées à notre attention pourraient figurer sur un site Web, ce qui serait utile pour ceux qui s'intéressent à cette question et qui voudraient échanger des renseignements sur le sujet. Il serait beaucoup plus simple pour mon personnel de consulter ce site plutôt que de faire des recherches à la bibliothèque.

J'aimerais avoir des précisions au sujet d'un commentaire qui a été fait et que j'ai peut-être mal saisi. Pouvez-vous me dire quand je dois poser cette question?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, je vous le dirai, mais ce n'est pas à ce moment-ci...

L'hon. Sheila Finestone: C'est ce que je pensais.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): ... parce qu'il y a d'autres personnes, j'en suis sûr, qui veulent intervenir.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): J'aimerais savoir si vous avez rédigé l'exposé que vous avez présenté aujourd'hui?

Mme Marilyn Bongard: Oui.

M. Paul Forseth: Combien de personnes, au sein de votre section, s'occupent de ce dossier? Êtes-vous la seule à le faire?

Mme Marilyn Bongard: Absolument.

Non, j'ai plusieurs collègues qui me secondent dans mon travail, et il y a un représentant du service de recherche qui présentera un exposé lundi. Il y a des collègues au sein de la Section de la famille, des enfants et des adolescents qui connaissent très bien le dossier et qui m'ont aidé. Mais c'est essentiellement mon...

M. Paul Forseth: Si je vous ai posé cette question, c'est parce que nous allons vous consulter souvent pour avoir des documents, des avis, de l'aide.

Y a-t-il quelqu'un, dans votre section, qui a déjà pratiqué le droit de la famille et qui a déjà défendu, devant la Cour suprême, des causes relatives à la garde des enfants?

Mme Marilyn Bongard: Pas en ce qui me concerne.

M. Paul Forseth: En ce qui concerne votre section, le savez-vous?

M. George Thomson: Je ne suis pas sûr de la réponse à vous donner. J'ai travaillé dans ce domaine et j'ai effectivement participé à des milliers de cas de ce genre au fil des ans. Il y a d'ailleurs des avocats au ministère qui ont travaillé dans le domaine du droit familial.

Dans ce domaine en particulier, Mme Bongard est responsable de cette question de politique. Il existe d'autres services dans le ministère: le service de la recherche, le groupe qui s'occupe du soutien, ceux qui ont examiné les questions relatives à la Loi sur les jeunes contrevenants... Il y a des gens dans ces secteurs qui ont travaillé dans ce domaine à divers titres par le passé mais à part cela, je ne sais pas trop comment répondre à cette question, ni qui sont les personnes en question.

M. Paul Forseth: J'essaie simplement de déterminer, au-delà de ce qui existe sur le papier, au-delà de la lecture des cas, si les experts dans le domaine, ceux qui possèdent des années d'expérience de la pratique du droit dans ce domaine, ont acquis une sensibilité particulière et une connaissance socio-culturelle, à laquelle vous avez fait allusion, je crois. Je dis cela parce qu'au-delà de la loi proprement dite, il existe tant d'autres dimensions, sur le plan des attentes, du comportement humain, sur les plans psychologique, sociologique et psychiatrique.

Je pense que c'est en majeure partie la raison d'être du comité car il y a beaucoup d'autres aspects dont il faut tenir compte et beaucoup d'anxiété politique et ainsi de suite. Ce sont tous des aspects dont nous devons nous occuper.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je pense que nos listes de témoins indiquent que c'est ce que nous avons l'intention de faire.

M. George Thomson: Et je tiens à insister là-dessus. Il y a un certain nombre de disciplines qui possèdent de précieux renseignements sur cette question, et il est important qu'ils soient communiqués au comité.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Absolument.

M. Paul Forseth: Je terminerai par la question de l'application ou de l'exécution des ordonnances de garde.

Vous avez dit qu'il fallait laisser cette responsabilité aux provinces. A-t-on envisagé d'inclure des dispositions qui définissent clairement les pouvoirs d'application et prévoient entre autres la création d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, et qui uniformisent l'application de ces ordonnances dans l'ensemble du Canada, non seulement pour des raisons pratiques mais pour des raisons symboliques...? Nous savons qu'il est impossible de faire des lois pour obliger les gens à être gentils les uns envers les autres, à coopérer ou à être raisonnables et que les meilleures ordonnances partent en fumée si les gens ne veulent tout simplement pas être raisonnables. Mais toute cette question de légiférer dans ce domaine et d'établir une norme canadienne en matière d'application des ordonnances de garde et d'accès, en ajoutant une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité...

• 1655

M. George Thomson: Comme Mme Bongard l'a dit, la question de l'application des droits d'accès ou de visite est extrêmement compliquée lorsqu'il s'agit de déterminer les moyens qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas. J'encouragerais le comité à déterminer si la criminalisation de cette question, c'est-à-dire la traiter essentiellement comme une question de droit pénal, donnerait vraiment de meilleurs résultats.

Pour ma part, j'estime qu'il est plus efficace en général de travailler avec les parties mêmes en cas de difficultés d'accès au lieu de prévoir des sanctions criminelles. Il n'est même pas prouvé que ces sanctions soient efficaces. De toute évidence, c'est un aspect que devrait examiner le comité en étudiant entre autres l'expérience des autres provinces ou pays qui ont des sanctions criminelles de ce genre, mais je doute que ce soit des moyens vraiment efficaces sauf dans un petit nombre de cas.

M. Paul Forseth: Je voulais simplement savoir si vous aviez examiné la question et s'il existe de la documentation à ce sujet.

M. George Thomson: Je pense que nous pouvons vous fournir de l'information sur les endroits où ce genre de lois existe. Je pense que nous pouvons vous fournir certains documents qui analysent ces lois. Nous allons devoir faire un peu de recherche. Je crois que nous en avons déjà fait mais dans la mesure où cette information existe, nous nous ferons un plaisir de la mettre à votre disposition.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Merci de votre présentation. Vous avez un peu parlé de ce qui se passait en ce qui a trait au droit de visite et à la garde. Je ne suis pas une experte. Si j'ai bien compris, il y a beaucoup de chevauchement au niveau des compétences. La séparation relève du provincial tandis que le divorce est de compétence fédérale.

Si on examinait la question de la garde des enfants et du droit de visite, cela ne donnerait-il pas au comité une bonne idée de ce qui se passe dans les provinces en ce qui a trait à la séparation, afin qu'on sache comment faire dans le cas du divorce? Je ne suis pas une experte, mais je me demandais si cela ne nous donnerait pas une bonne vue d'ensemble.

[Traduction]

M. George Thomson: Tout d'abord—Mme Bongard aura peut-être des choses à ajouter—je pense qu'il pourrait être très utile d'examiner de façon approfondie ce qui se fait ailleurs. Bien entendu, il faudrait alors adapter ces mécanismes à la structure fédérale en place. Certaines autres administrations sont des administrations fédérales mais ont d'autres façons que nous de catégoriser les questions de droit familial.

Ici, la situation est particulièrement compliquée parce que beaucoup de questions concernant la garde et l'application des ordonnances de garde et de soutien relèvent de la compétence provinciale, mais lorsqu'il s'agit de divorce, les pouvoirs prévus par la Loi sur le divorce ont primauté pour ce qui est de déterminer la garde et l'accès. Mais peut-être l'examen de la situation en vigueur dans d'autres provinces vous donnerait une bonne vue d'ensemble qui vous permettrait de recommander le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral au sein de la Constitution et la façon dont il pourrait compléter ce qui se fait au niveau provincial. Cela pourrait être très utile.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: On a rendu les lois plus sévères à l'égard des mauvais payeurs, ce que nous approuvons. Prévoit-on établir des mesures législatives plus sévères dans les cas où l'accès est refusé; le parent verse une pension alimentaire mais se voit refuser l'accès à ses enfants?

• 1700

M. George Thomson: Sénateur, je pense que c'est une question très importante que le comité doit examiner. Nous en avons parlé il y a un instant. Je pense qu'il s'agit de déterminer la meilleure façon d'y arriver.

Le sénateur Jessiman: Exact.

M. George Thomson: Je me demandais seulement si le recours au droit pénal est le meilleur moyen d'y parvenir.

J'estime effectivement qu'il s'agit d'une question très complexe. Cela semble peut-être idéaliste mais je pense qu'en général la plupart des parents, s'ils arrivent à laisser de côté leurs différends personnels, veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants et avec le temps, au moins, peuvent être persuadés avec l'aide de certains spécialistes de faire passer les besoins de l'enfant avant les leurs. Je pense que le moyen le plus efficace d'y parvenir dans la plupart des cas est de les aider à obtenir l'appui et la compréhension nécessaires pour régler le différend relatif à la garde des enfants.

Il reste à se demander ce qu'il faut faire dans les rares cas où cela ne fonctionne pas. C'est là où il serait utile d'examiner l'expérience d'autres administrations qui ont eu recours au droit pénal pour assurer l'application des ordonnances. Je pense que les résultats ont été mitigés, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas efficaces dans certains cas. C'est tout simplement qu'ils ne le sont pas dans d'autres cas.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aurais une autre question, si vous me le permettez.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Oui, très bien.

Le sénateur Duncan Jessiman: Nous savons que l'Ontario est en train d'adopter la médiation pour des problèmes autres que des problèmes familiaux. Ce moyen est-il envisagé et utilisé ailleurs, dans une autre province?

M. George Thomson: La médiation pour les différends qui relèvent du droit familial?

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.

M. George Thomson: Oui, c'est un moyen répandu qui est en fait beaucoup utilisé en Ontario, mais pas dans le cadre de cette initiative en particulier. La médiation est très utilisée au Québec, tant en ce qui concerne les questions économiques que les questions de garde. La Colombie-Britannique a récemment pris certaines mesures, par le biais de ses centres de droit familial, pour élargir l'accès à des méthodes qui permettent aux parents de négocier une solution.

Je dirais que la conciliation ou la médiation est disponible dans la mesure où la plupart des provinces disposent des ressources nécessaires. J'ignore dans quelle mesure la loi dans chaque province l'exige mais nous pourrions faire des recherches pour vous. Le tableau que nous allons vous apporter vous indiquera dans quelle mesure la loi l'exige.

Le sénateur Duncan Jessiman: Donc certaines l'exigent. La médiation est-elle l'étape finale ou peut-on s'adresser aux tribunaux si on juge que la médiation n'a pas donné de résultats satisfaisants? Ou est-ce que c'est l'arbitrage final?

Mme Marilyn Bongard: À l'heure actuelle, le Québec est la seule province qui l'exige et qui offre en fait certains services gratuits de médiation.

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais la décision prise à l'issue de la médiation est-elle finale ou est-il possible de faire appel après la médiation?

Mme Marilyn Bongard: Il s'agit de médiation. Il ne s'agit pas d'arbitrage. Ils conviennent...

Le sénateur Duncan Jessiman: Oh, donc c'est comme la conciliation dans les cas de conflits de travail.

Mme Marilyn Bongard: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Cette méthode a-t-elle du succès?

Mme Marilyn Bongard: Je pense que vous aurez probablement beaucoup de témoins qui vous parleront de l'efficacité de la médiation...

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous remercie, madame.

La sénatrice Anne Cools: Pourrais-je ajouter quelque chose sur la médiation avant de passer à mes questions? Est-ce possible?

L'hon. Sheila Finestone: Bien sûr, si cela ne tient qu'à moi. Allez-y.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie. Ma question s'adresse aux témoins. L'honorable Mark MacGuigan est récemment décédé, et lorsqu'il était ministre de la Justice, il s'était intéressé à la question de la médiation et avait consacré certaines ressources du ministère à l'étude de la médiation. Quelqu'un pourrait-il me dire quel a été le résultat de cette étude et pourquoi le ministère a délaissé cette question?

M. George Thomson: En fait, je crois qu'il y a un assez bon nombre d'études en cours ici et aux États-Unis sur la question de la médiation. Je sais qu'en Ontario, d'où je viens, on a fait une évaluation assez exhaustive des programmes de médiation dans les tribunaux unifiés de la famille qui existaient. Diverses études ont été faites et je pense que Mme Bongard pourrait vous en résumer la teneur.

Je sais que certaines études semblent indiquer que lorsque les parties reçoivent suffisamment d'aide tant de la part de spécialistes que d'avocats, il est possible, grâce à la médiation, d'arriver beaucoup plus rapidement à des solutions mais aussi à des solutions plus susceptibles d'être efficaces à long terme.

• 1705

Par ailleurs, certaines études indiquent que la question de l'équilibre du pouvoir dans la médiation est un réel problème, surtout dans les cas de mauvais traitements. Les solutions obtenues par voie de médiation lorsque l'une des parties a été victime de mauvais traitements sont moins susceptibles d'être vraiment consensuelles...

La sénatrice Anne Cools: Ma question, c'est que le ministère même a pris des mesures très importantes et examiné les aspects de la médiation même. J'aimerais savoir quelles ont été ses conclusions et pourquoi ces études ont été abandonnées. C'est presque une question interne.

Mme Marilyn Bongard: D'après ce que je crois savoir, la politique sur la médiation en général et la volonté du ministère de l'appuyer sont limitées par le fait que si vous prévoyez la médiation dans une loi comme la Loi sur le divorce, il faut offrir des services de suivi à l'échelle communautaire pour que les gens puissent s'en prévaloir. Il s'agit donc de travailler avec les provinces qui ont, comme je l'ai souligné au début, la responsabilité d'offrir ce genre de services. C'est vraiment une question de négociations fédérales-provinciales, de ressources, de déterminer les coûts qui s'y rattachent. Je ne crois pas que ce soit un débat philosophique...

La sénatrice Anne Cools: D'accord. Je pense que la réponse peut être aussi politique.

M. George Thomson: Sénatrice, je sais que M. MacGuigan avait consacré des ressources pour aider à mettre sur pied des organisations comme Médiation familiale Canada...

La sénatrice Anne Cools: Je le sais, car c'est moi qui l'ai persuadé de le faire.

M. George Thomson: Ces organisations travaillent à élaborer des normes pour l'accréditation des médiateurs et ainsi de suite.

La sénatrice Anne Cools: Oui. Je suis assez bien au courant des initiatives prises par M. MacGuigan, car je lui ai apporté un peu d'aide pour certaines d'entre elles.

J'ai deux questions à poser. Après avoir attentivement écouté vos exposés, je reste très étonnée; j'ai la nette impression que vous n'avez pas examiné à fond ce qui ressort actuellement du débat public à propos de certaines de ces questions, voire même du débat à l'échelle des provinces. Je vais vous donner un exemple.

M. David Newman, député à l'Assemblée législative du Manitoba, a récemment présidé un groupe de travail chargé de faire une étude, à mon avis, sensationnelle, de la justice civile dans cette province. Ce groupe de travail qui se composait de plusieurs juges, représente une entreprise fort intéressante et fantastique entre l'Assemblée législative et les juges locaux qui ont ainsi pu faire l'examen minutieux de bien des questions. Je suis simplement étonnée qu'il n'en ait pas été fait mention aujourd'hui. Pouvez-vous me dire pourquoi?

En outre, une année avant l'expérience manitobaine, l'Ontario a effectué un examen similaire et peut-être même plus complet, sur ordre de Roy McMurtry, procureur général d'alors et aujourd'hui, juge en chef, ce qui a abouti à la publication d'un excellent rapport sur l'examen de la justice civile en Ontario. Beaucoup des questions qui devaient être posées l'ont été. Je me demande simplement si dans le cadre de votre examen, vous avez tenu compte de ces rapports et de leurs recommandations.

M. George Thomson: Peut-être que chacun de nous pourrait répondre à cette question.

Je ne connais pas le rapport du Manitoba, par contre, je suis bien au courant de l'examen de la justice civile en Ontario. Cet examen aborde plusieurs questions qui, je le suppose, l'ont été également à l'échelle du Canada, et qui portent sur la médiation, la gestion des cas, les façons de gérer le processus judiciaire de manière qu'il soit plus efficace; l'examen de la justice civile en Ontario a essentiellement porté sur ce dernier point. Il y est également question du fonctionnement du système juridique, de l'appareil judiciaire, points qui pourraient être utiles à votre comité; nous nous ferons un plaisir de mettre ce document à votre disposition.

La sénatrice Anne Cools: C'est parfait.

Je vais m'attarder sur trois questions abordées dans le cadre de vos études, ainsi que sur les initiatives du ministère dans certains domaines. Nous convenons tous et savons tous que les infractions d'ordonnances d'un tribunal sont graves. Je me demande si vous pouviez nous indiquer les études et les données dont dispose le ministère dans le domaine de la violation des ordonnances attributives de droit de visite de la part du parent qui a la garde des enfants. J'aimerais savoir quelles études vous avez entrepris ainsi que les genres de données dont vous disposez à ce sujet.

• 1710

Mme Marilyn Bongard: Le ministère de la Justice a demandé un rapport sur l'exécution des ordonnances du droit de visite à l'échelle du Canada. Ce rapport a été fait par Marnie McCall, et je crois qu'il est disponible dans tout le ministère de la Justice.

La sénatrice Anne Cools: Excellent. Nous pourrions donc en avoir un exemplaire?

Mme Marilyn Bongard: C'est un rapport technique.

La sénatrice Anne Cools: Très bien.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-il récent?

La sénatrice Anne Cools: Effectivement. Monsieur le sénateur, allez-y. De quand date-t-il?

M. George Thomson: Il date de trois ou quatre ans.

Mme Marilyn Bongard: Il a été publié en 1996.

La sénatrice Anne Cools: J'aimerais aborder une autre question dont on parle beaucoup actuellement, que je décrirais comme représentant le désengagement forcé d'un parent, habituellement celui qui n'a pas la garde, de la vie de l'enfant; quels genres d'études le ministère a-t-il fait sur la question?

Beaucoup de documents sont publiés à ce sujet et une nouvelle terminologie s'applique à ce phénomène, comme l'expression «désaffection parentale»; je veux parler en fait des cas où un parent force l'autre parent à sortir de la vie de l'enfant par tous les moyens dont il dispose. Quelle sortes d'études ont été effectuées à ce sujet?

Si je pose cette question, monsieur Thomson, c'est parce que, comme vous en souvenez, lorsque nous avons été saisis du projet de loi sur le divorce il y a déjà longtemps, en 1985, beaucoup de ces questions ont fait surface. A ce moment-là cependant, nous avons pensé, pour quelque raison que ce soit, qu'il n'était pas possible de les examiner. À l'époque également, tout semblait indiquer que des études allaient être faites. Je me demande donc si le ministère a fait une étude dans ce domaine ainsi que le genre de données qu'il a présentées.

M. George Thomson: Je ne suis pas au courant—pas plus que mes collègues—d'études faites au sein du ministère de la Justice à propos de la désaffection parentale.

J'imagine que des recherches ont été faites ailleurs, dans d'autres disciplines; nous pourrions nous renseigner à ce sujet et mettre à votre disposition tout document sur le sujet. Je ne crois pas que nous ayons participé à quelque recherche que ce soit à cet égard; il n'y en a pas eu à ma connaissance.

La sénatrice Anne Cools: Ma dernière question.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Est-ce bien la dernière?

La sénatrice Anne Cools: Oui, la dernière.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.

La sénatrice Anne Cools: Je m'inspire beaucoup de la jurisprudence que je suis de près, ainsi que des rapports du Manitoba et de l'Ontario au sujet de la justice civile; je me demande quelles études le ministère a entrepris sur ce que l'on appelle couramment les «fausses accusations» portées dans le cadre de procédures judiciaires; en bref, il arrive qu'un parent cherche à avoir un avantage sur l'autre—habituellement celui qui n'a pas la garde—en l'accusant faussement de commettre des abus sexuels contre les enfants.

Je soulignerais également, honorables collègues, que dans le contexte de la situation fort désagréable que nous connaissons depuis quelques semaines et qui tourmente le président Bill Clinton, le principal adversaire, soit Monica Lewinsky, a elle-même fait l'objet de fausses accusations lors de l'action en divorce de ses parents.

C'est un phénomène certainement bien connu. Je me demande si le ministère a fait des études à ce sujet et quels en sont les résultats?

M. George Thomson: Nous n'avons pas fait d'étude particulière, mais je dois dire que les fonds de recherche dont nous disposons pour notre recherche indépendante sont très modestes; nous nous efforçons par contre de fouiller ce qui est publié pour savoir ce qui a déjà été écrit sur le sujet et être au courant de la recherche effectuée ailleurs.

Madame Bongard m'indique qu'elle a de la documentation sur les deux questions que vous avez soulevées; nous pouvons vous indiquer les documents que nous avons examinés, mais nous n'avons pas fait de recherche indépendante.

La sénatrice Anne Cools: Je pourrais alors vous transmettre les résultats de la recherche effectuée par mon bureau et mettre à la disposition du ministère la jurisprudence qui existe dans ce domaine.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Je vais poser tout de suite mes questions. Merci.

Vous avez parlé de l'étude que vous avez effectuée à propos de l'exécution des ordonnances et vous avez quelques renseignements sur les mécanismes d'exécution. Je me demande si vous avez une ventilation de ces renseignements entre le gouvernement fédéral et les provinces et si nous connaissons le degré d'efficacité de ces mesures, par province.

• 1715

Mme Marilyn Bongard: Comme je l'ai dit au début, techniquement parlant, l'exécution relève véritablement des provinces.

L'hon. Sheila Finestone: Je le sais, mais vous avez parlé d'une étude dont vous allez nous transmettre les conclusions. Je pose une simple question: avez-vous fait une ventilation des données entre le gouvernement fédéral et les provinces?

Mme Marilyn Bongard: Oui, nous avons fait la ventilation des données sur tous les mécanismes d'exécution par province.

L'hon. Sheila Finestone: Par province. D'accord. Merci beaucoup. C'était ma première question.

Deuxièmement, monsieur Thomson, vous avez dit—et je crois l'avoir bien compris—que grâce à l'aide de spécialistes, vous croyez que les tribunaux auront moins de cas à traiter et que le système s'en trouvera amélioré.

M. George Thomson: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: Comme vous, je dirais que c'est fort possible, mais il faut que le gouvernement que vous représentez aujourd'hui s'engage à cet égard, qu'il ait tout d'abord la volonté politique de le faire et qu'ensuite, il prenne des engagements financiers pour mettre en place le mécanisme de médiation ou tout autre mécanisme nécessaire.

A titre d'information pour mes collègues, ainsi que pour compléter votre réponse, je dirais qu'au Québec la première séance de médiation est obligatoire. D'autres séances, payantes, sont offertes par la suite. Il serait intéressant de savoir combien de personnes utilisent ce service, mais j'imagine que vous ne pouvez pas nous fournir de telles données.

De toute façon, si l'on s'en tient à une analyse générale de la situation économique des candidats au divorce, à quoi cela sert-il? Est-ce en raison de leur situation économique que les personnes renoncent aux séances de médiation qui ne sont pas gratuites ou qui ne sont pas proposées?

Ce sont les questions, qui, à mon avis... si nous voulions les examiner, nous serions considérablement gênés, à juste titre, je crois. Par contre, si nous voulons arriver à une décision éclairée, monsieur, si nous voulons diminuer le nombre de juges, avoir moins de certitude quant aux décisions des tribunaux, mieux utiliser le critère fondé sur l'intérêt supérieur de l'enfant et régler tout ce qui, selon vous, permettrait de diminuer le nombre de confrontations et de contestations devant les tribunaux... Pouvons-nous même y songer en l'absence de volonté politique et de moyens financiers? Je ne veux pas dire par là que notre ministre n'a pas la volonté politique ni les moyens financiers nécessaires, mais qu'en est-il de votre ministère et de vous-même?

M. George Thomson: Si vous me demandez d'indiquer ce que le comité pourrait faire dans ce domaine, je dirais certainement qu'il vaut la peine de déterminer les genres d'appui qui, selon vous, seraient des plus utiles—ou qui ont été prouvés des plus utiles— pour aider les parents à trouver une solution. C'est, je crois, une tâche importante indépendamment du niveau des ressources, car des ressources sont affectées à ces genres de services, même s'il s'agit essentiellement de ressources provinciales—je le sais—et bien évidemment, il est important de savoir qu'elles sont utilisées le mieux possible.

Nous offrons des ressources de diverses manières. Citons par exemple l'initiative relative au soutien des enfants qui nous a permis de fournir des ressources à toutes les provinces. Certaines d'entre elles s'en servent pour créer des centres du droit de la famille, lesquels non seulement offrent des services de soutien, mais aussi mettent à l'essai des modèles de règlement de différends.

Par ailleurs, nous disons aux provinces qui proposent d'agrandir leur tribunal unifié de la famille que si nous nommons plusieurs de leurs juges provinciaux—qui travaillent dans ce domaine—au tribunal unifié de la famille, elles économiseront les fonds qu'elles dépensent maintenant à l'égard de ces juges. Parallèlement à cette volonté de notre part, nous pensons que les provinces devraient manifester leur volonté d'affecter les économies ainsi réalisées au tribunal unifié de la famille de manière à pouvoir ainsi offrir des services. C'est une façon indirecte pour nous d'offrir davantage de services.

C'est donc là un rôle joué par le gouvernement fédéral et c'est pourquoi il me semble légitime que votre comité examine les genres de services et de soutiens qui, d'après vous, seraient des plus efficaces; il ne faut pas bien sûr oublier qu'il faut faire les meilleurs choix compte tenu des ressources disponibles qui sont toujours limitées.

• 1720

L'hon. Sheila Finestone: J'ai une dernière question à ce sujet. Je sais que l'on s'est engagé à utiliser certains des nouveaux fonds obtenus par suite de l'exécution d'ordonnances relatives au soutien des enfants pour améliorer les services et les mécanismes de soutien aux enfants.

Vu que nous avons très peu de contrôle quant à la manière dont les provinces répartissent leur aide financière—nous avons en fait renoncé à nos droits de nombreuses façons à cet égard—avez-vous des données révélant un écart quant aux mesures de soutien, à l'accès aux mécanismes de soutien ou aux tribunaux entre les zones urbaines et rurales, au sud, à la frontière et au nord? Je me demande s'il n'y a pas là un manque d'uniformité qu'il faudrait essayer de régler.

De toute façon, c'est la troisième ou quatrième fois que je prends part à un examen de cette question. En toute franchise, les groupes qui souhaitent intervenir doivent commencer à perdre patience, comme moi d'ailleurs. Donc, avant de nous lancer dans cette petite aventure—qui n'est pas si petite et qui suscite beaucoup d'émotions chez bien des gens et peut s'avérer difficile pour les membres du comité—, j'aimerais d'abord vérifier qu'elle suscite de l'intérêt et que nous avons toute l'information voulue. Est-il vraiment nécessaire de visiter tous les recoins du pays, sans parler des cinq grandes villes? Il n'en reste plus que cinq environ au Canada.

J'aimerais donc avoir une réponse, si vous avez compris ma question.

Des voix: Oh, oh!

M. George Thomson: Je crois avoir compris votre question. Je pourrais peut-être vous renseigner sur ce que font les provinces avec les ressources mises à leur disposition dans le cadre de notre programme de soutien à l'enfance qui sont loin d'être modestes; en effet, les montants sont assez élevés. Nous pourrons peut-être vous donner une idée de l'affectation de cet argent, mais je n'en suis pas sûr.

Le deuxième point que vous soulevez a trait aux économies que réalisent les provinces par suite de l'augmentation de la prestation pour enfants. C'est le ministère du Développement des ressources humaines qui a ces renseignements, dans la mesure où c'est lui qui a les données sur ce que font les provinces avec ces économies. Dans la mesure où les renseignements existent, nous vous les fournirons. Nous ne pourrons peut-être pas vous dire combien d'argent est dépensé dans un certain nombre de provinces. Je doute que nous puissions ventiler ces données par région, au sein même des provinces. Il se peut que nous ne puissions pas vous renseigner autant que vous le souhaitez, que ces données ne suffisent pas pour décider quelles régions visiter, si vous tenez des audiences à l'extérieur d'Ottawa à cet égard.

L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie beaucoup, monsieur Thomson.

Il importe beaucoup de reconnaître que de nouveaux fonds sont injectés dans chaque province. J'en ai assez de voir le gouvernement fédéral se faire accuser de ne pas injecter suffisamment de fonds. On semble trop facilement oublier divers secteurs de services qui pourraient bénéficier de fonds provinciaux. Les provinces disposent de nouveaux fonds dans de nombreux domaines, grâce aux initiatives prises par le gouvernement fédéral.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone, je vous remercie.

À votre retour, monsieur Thomson, vous constaterez que nous fonctionnons parfois de façon hybride selon la méthode socratique du test de Rorschach.

Des voix: Oh, oh!

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il est maintenant 17 h 25 environ. La sénatrice Pearson aimerait avoir un éclaircissement.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): J'aurais une petite question à vous poser suite à ce qui s'est dit au sujet des tribunaux unifiés de la famille. J'avoue que je ne m'y connais pas très bien. Pourriez-vous m'expliquer ce qu'est un tribunal unifié de la famille, je vous prie, ou plutôt ce que vous espérez qu'il deviendra?

Des voix: Oh, oh!

M. George Thomson: La meilleure façon de le décrire est de dire qu'en raison de l'article 96 de la Constitution, il faut que certaines questions soient entendues par des juges nommés par le gouvernement fédéral et d'autres, pas.

Au fil des ans, là où il n'existe pas de tribunal unifié de la famille, les tribunaux fédéraux ont été saisis des causes qui leur sont imposées, par exemple les causes de divorce, de partage des biens et des questions connexes. Par contre, d'autres questions de droit familial, par exemple la pension alimentaire et la garde des enfants avant le divorce, le soutien de personnes qui ne sont pas mariées, l'adoption, l'aide sociale à l'enfance et les jeunes contrevenants, si elles relèvent du droit familial, sont entendues par des tribunaux provinciaux. Bien que des ordonnances puissent avoir été rendues par des cours fédérales, leur exécution relève des cours provinciales.

• 1725

Ce régime hybride sème une réelle confusion chez ceux qui doivent se présenter devant les tribunaux. Il peut aussi exiger que les gens se présentent devant plus d'un tribunal pour régler des questions de droit familial. De plus, il pourrait ne pas représenter une bonne utilisation des ressources dans un domaine où le besoin, comme nous l'avons déjà mentionné, est particulièrement criant.

Le tribunal unifié de la famille crée un tribunal où un juge nommé par le gouvernement fédéral et compétent dans tous ces domaines entend toutes les causes de droit familial. C'est pourquoi, par exemple, les juges provinciaux n'entendent plus de telles causes dans les provinces où il existe un tribunal unifié.

Le véritable avantage est que l'on crée un guichet unique pour régler tous les litiges relevant du droit familial. Idéalement, ils sont tous entendus en même temps, et les soutiens et ressources collectifs sont concentrés sur un seul tribunal plutôt que sur deux ou trois. C'est pourquoi on considère le tribunal unifié comme étant avantageux.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie. Cependant, je crois savoir que toutes les provinces ne sont pas emballées par l'idée. Certaines le sont plus que d'autres.

M. George Thomson: C'est vrai. Il existe déjà des tribunaux unifiés de la famille dans certaines provinces, soit dans une grande partie du Manitoba et de la Saskatchewan, partout à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, de même que dans une grande partie de Terre-Neuve, du moins dans les grands centres urbains. L'Ontario a un régime unifié partiel.

La prochaine vague d'expansion touchera probablement la Nouvelle-Écosse, qui vient tout juste d'adopter une loi pour en permettre la création. L'Ontario élargirait considérablement le concept. La Saskatchewan et Terre-Neuve souhaitent progresser en ce sens. D'autres provinces sont en train soit d'étudier la question ou, comme le Québec, ont rejeté cette option. L'Alberta a déclaré qu'à ce stade-ci, elle ne voit pas pourquoi elle adopterait ce système. La Colombie-Britannique étudie l'idée.

La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie. Ces renseignements sont très utiles.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie tous d'être venus témoigner aujourd'hui.

Le comité ajourne maintenant ses travaux jusqu'à lundi prochain, à 15 h 30. Je vous remercie.