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AMAD Rapport du Comité

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Les échecs du gouvernement libéral en matière d’aide médicale à mourir : Un appel à la prudence pour ne pas répéter les erreurs du passé

Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir : Rapport dissident

Le présent rapport dissident reflète le point de vue de la sénatrice et des députés conservateurs qui siègent au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (le « Comité ») : L’honorable Yonah Martin (sénatrice, Colombie-Britannique), le député Michael Cooper (coprésident du Comité, St Albert - Edmonton), la députée Dominique Vien (Bellechasse - Les Etchemins - Lévis) et le député Dr Stephen Ellis (Cumberland - Colchester).

Introduction

Nous souhaitons reconnaître que l’aide médicale à mourir (« AMM ») est un enjeu complexe et profondément personnel sur lequel des personnes raisonnables et bien intentionnées peuvent être en désaccord.

Cependant, le régime canadien d’AMM pose de sérieux problèmes et des personnes vulnérables sont mises en danger à cause des échecs du gouvernement libéral. Quel que soit le point de vue de chacun sur l’AMM en principe, ces problèmes ne peuvent être ignorés.

Après huit années de pauvreté et de désespoir croissants sous Justin Trudeau, les Canadiens se tournent vers l’AMM parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre dignement.[1] Plusieurs cas d’abus potentiels, de non-respect des garanties de l’AMM ont été signalés[2], ainsi que des cas de Canadiens demandant l’AMM pour des raisons telles que la pauvreté et le manque d’accès à un logement adéquat.[3]  Au moins six cas ont été signalés de vétérans à qui des employés d’Anciens Combattants Canada ont offert l’AMM de façon inappropriée.[4] 

Les rapports d’abus et de non-conformité ont suscité l’inquiétude partout au Canada et à l’étranger, y compris du Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des personnes handicapées.[5] Après huit ans d’échec, on ne peut pas faire confiance aux Libéraux pour défendre les plus vulnérables et leurs proches.

Nous présentons ce rapport dissident parce que nous ne pouvons pas approuver toutes les recommandations que le Comité a présentées dans le rapport. Nous exposons nos objections et nos considérations supplémentaires dans les sections suivantes, réparties en fonction de chaque sujet étudié par le Comité. 

L’AMM lorsqu’un trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente

Les Conservateurs ont soulevé d'importantes préoccupations quant au projet du gouvernement libéral d'étendre l'AMM aux cas où un trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente (« AMM-TM-SPMI ») dans notre rapport provisoire dissident intitulé, Les problèmes juridiques et cliniques concernant l’aide médical à mourir et le trouble mental comme seul problème médical invoqué (le « rapport dissident provisoire »). Ces problèmes comprennent, sans s’y limiter, les éléments suivants :

  1. L’absence d’étude et de consultation significatives concernant l’expansion de l’AMM pour inclure l’AMM TM-SPMI ;
  2. La difficulté de prévoir l’irrémédiabilité dans les cas où un trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente ;
  3. Les préoccupations cliniques et les risques inhérents de l’AMM TM-SPMI pour les personnes vulnérables ;
  4. Les préoccupations générales concernant le groupe d’experts et le rapport du groupe d’experts.

Étant donné que ces préoccupations ont été expliquées en détail dans le rapport dissident provisoire, nous ne les développerons pas dans le présent rapport dissident. Nous notons toutefois que nos préoccupations n’ont pas été apaisées par les autres témoignages que le Comité a entendus.

Nous notons également que, depuis la publication de notre rapport dissident provisoire, l’Association des directeurs de département de psychiatrie du Canada, qui comprend les directeurs des départements de psychiatrie des 17 facultés de médecine, a publié une déclaration soulevant certaines des mêmes préoccupations que celles exprimées dans notre rapport et a demandé aux Libéraux de prolonger la clause de temporisation de l’initiative d’AMM TM-SPMI.[6]

Dans un aveu d’échec, les Libéraux ont présenté un projet de loi de dernière minute, le projet de loi C-39, pour prolonger la clause de temporisation d’un an, jusqu’au 17 mars 2024. 

En juin 2022, lorsque notre rapport dissident provisoire a été déposé, nous avons demandé aux Libéraux de prendre une pause de cette expansion. Cette demande était fondée sur un grand nombre de preuves présentées au Comité par des experts, y compris des psychiatres de premier plan, qui ont déclaré que le projet d’AMM TM-SPMI ne pouvait être mis en œuvre en toute sécurité. Les Libéraux ont ignoré notre appel et ont refusé de reconnaître les preuves des experts. Ce n’est que le 2 février 2023, avec seulement 17 jours de séance pour faire adopter le projet de loi par la Chambre des communes et le Sénat avant l’expiration de la clause d’extinction, les Libéraux ont finalement déposé le projet de loi C-39. Ce projet de loi de dernière minute illustre bien l’approche désordonnée des Libéraux à l’égard du projet AMM TM-SPMI.

Tout cela aurait pu être évité si les Libéraux avaient fait passer les preuves avant l’idéologie, avant d’amorcer cette expansion radicale de l’AMM. Au lieu de cela, les Libéraux ont accepté un amendement du Sénat au projet de loi C-7, qui mettait en branle la mise en œuvre de l’AMM TM-SPMI avec une date limite arbitraire fixée au 17 mars 2023. Cette décision a été prise avant toute étude et consultation sérieuse. En bref, les Libéraux se sont lancés dans cette expansion sans d’abord déterminer si elle pouvait être mise en œuvre en toute sécurité. 

Avec le projet de loi C-39, les Libéraux fixent une nouvelle échéance arbitraire, soit le 17 mars 2024. Compte tenu de l’incompétence et de l’imprudence des Libéraux dans ce dossier, nous n’avons aucune confiance en eux pour faire les choses correctement. Offrir le programme d’AMM aux personnes souffrant de maladies mentales risque d’être problématique dans un an. Rien ne prouve que les difficultés liées à la prédiction de l’irrémédiabilité et aux autres préoccupations cliniques et risques inhérents aux personnes vulnérables seront résolues d’ici là. Une date limite future arbitraire n’est pas une solution acceptable au problème que le gouvernement libéral a créé. 

Nous notons également que les Libéraux n’ont pas respecté l’engagement pris dans leur programme électoral de 2021 de consacrer 4,5 milliards de dollars au Transfert canadien en matière de santé mentale. Aucune allocation de fonds n’a été prévue dans le budget 2022 ou dans l’énoncé économique de l’automne 2022[7]. Cette inaction ne pourrait survenir à un pire moment, alors que près d’un quart des adultes canadiens déclare avoir des besoins non satisfaits en matière de santé mentale.[8] Pendant la campagne électorale de 2021, Justin Trudeau a déclaré que la santé mentale était une « priorité » de son gouvernement. Comme beaucoup de ce que Justin Trudeau dit, ce n’était que des paroles en l’air.[9]

Mineurs matures

Les Conservateurs ne sont pas en faveur de l’AMM pour les mineurs matures pour le moment.

Pour commencer, il existe des « lacunes importantes dans les connaissances » concernant les mineurs matures et l’AMM.[10]  C’est la conclusion du rapport du Conseil des académies canadiennes (CAC) de 2018 : L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures (le « rapport du CAC sur les mineurs matures »). 

Les lacunes en matière de connaissances identifiées sont les suivantes : (1) « il existe peu de données » sur l’opinion des jeunes, lesquels seraient les plus directement touchés par l’interdiction ou l’autorisation de l’AMM pour les mineurs matures ; (2) peu de preuves font état du point de vue des mineurs qui pourraient être perçus comme particulièrement vulnérables, notamment ceux qui ont des handicaps, les jeunes Autochtones et/ou ceux qui sont sous la garde du système de protection de l’enfance ; (3) peu d’études cliniques axées sur les enjeux de santé, y compris en ce qui concerne les soins de fin de vie touchant les jeunes, et encore moins de jeunes dans la tranche d’âge de ce qui est probablement un mineur mature ; (4) des lacunes dans les données à travers le Canada pour l’AMM, y compris les données sur les plus jeunes patients qui ont demandé l’AMM.[11] 

Il n’est pas évident que ces lacunes et d’autres lacunes en matière de connaissances aient été comblées. Certaines de ces lacunes ont été spécifiquement identifiées par les témoins qui ont comparu devant le Comité, notamment l’absence de consultation des jeunes.[12] 

Ces lacunes dans les connaissances sont aggravées par le fait que les mineurs matures peuvent avoir accès à l’AMM dans seulement trois juridictions dans le monde, à savoir : La Colombie, la Belgique et les Pays-Bas, chacun ayant peu de cas de mineurs matures recevant l’AMM. L’expérience limitée de l’AMM chez les mineurs matures dans d’autres pays et le manque de données internationales applicables au contexte canadien montrent qu’il reste beaucoup à faire pour combler ces lacunes.[13]

Il est également important de noter que les enjeux relatifs à la capacité de prise de décision des mineurs matures ne sont toujours pas résolus. Le rapport du CAC sur les mineurs matures note que les décisions présentant un risque ou une complexité accrus suscitent une plus grande inquiétude quant à la capacité des mineurs à apprécier les conséquences de leur choix et à le faire volontairement.[14] On peut dire qu’il n’y a pas de décision de santé plus lourde que l’AMM, étant donné l’irréversibilité de la procédure.

En outre, plusieurs témoins ont fait remarquer que le lobe frontal du cerveau, qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre entre les risques et les récompenses et dans la prise de décision, n’est pas complètement développé avant l’âge adulte. Cela soulève des questions quant au caractère approprié de l’AMM pour les mineurs matures.[15] Comme l’a déclaré la Dre Maria Alisha Montes, professeure agrégée de pédiatrie clinique :

« Je dirais que l’AMM pour les mineurs matures comporte le plus grand nombre de risques, car la conséquence est la mort. C’est irréversible. Nous devons nous demander si nous devons légaliser cela pour les mineurs matures alors que la biologie nous montre que la capacité à équilibrer les risques et les récompenses est l’une des dernières zones du cerveau à atteindre la maturité. »

L’évaluation de la capacité des mineurs matures pose également des problèmes pratiques. Le Dr Timothy Ehmann, psychiatre pour enfants et adolescents, a témoigné qu’il n’existe pas d’évaluation standardisée et fiable de la capacité et de la compétence des mineurs, et que les jugements de compétence spontanés, même de la part de « médecins expérimentés et autrement qualifiés », ne sont pas fiables.[16]  Le témoignage du Dr Ehmann est étayé par le rapport du CAC sur les mineurs matures, qui observe qu’« il n’existe pas d’approches normalisées pour évaluer la capacité ou la maturité psychologique des mineurs » et indique : « le simple fait que quelqu’un fasse quelque chose fréquemment ne signifie pas nécessairement qu’il le fait bien »[17] Les difficultés liées à l’évaluation précise de la capacité d’un mineur, et le risque de conclusions erronées sur la capacité qui en découle sont particulièrement préoccupants dans le contexte de l’AMM, qui se traduit par la perte d’une vie. 

Tant que ces enjeux ne sont pas résolus, il serait irresponsable de la part du gouvernement libéral d’aller de l’avant avec toute expansion de l’AMM pour les mineurs matures. Les mineurs constituent un groupe particulièrement vulnérable, compte tenu de leur niveau de développement cognitif. Il faut souligner que l’accès à l’AMM est sans doute la décision médicale la plus importante qu’une personne puisse prendre. Le gouvernement doit étudier plus avant l’enjeu et consulter directement les mineurs. Il doit également disposer de preuves claires et d’un consensus professionnel général sur le fait qu’il peut être mis en œuvre en toute sécurité. D’après les preuves présentées au Comité et le rapport du CAC sur les mineurs matures, ces preuves et ce consensus font défaut.

Demandes anticipées 

Contrairement aux Libéraux, les Conservateurs acceptent les opinions diverses sur les questions de conscience. Les demandes anticipées pour l’AMM sont un enjeu complexe et profondément personnel. Les opinions des membres du caucus conservateur sur les demandes anticipées sont diverses, y compris celles des membres conservateurs du Comité. Nous souhaitons partager nos diverses observations et conclusions dans cette section. 

Observations de la sénatrice l’honorable Yonah Martin, du député Michael Cooper et du député Dr Stephen Ellis

Les membres du Comité susmentionnés n’appuient pas les demandes anticipées de l’AMM. Sur la base des témoignages recueillis par le Comité, nous pensons que les demandes anticipées posent d’importants problèmes juridiques, éthiques et pratiques.

Dans l’affaire Carter, la Cour suprême du Canada a souligné à maintes reprises qu’une personne demandant l’AMM doit clairement donner son consentement.[18] Cela implique nécessairement un consentement contemporain. Par conséquent, les demandes anticipées semblent échapper aux paramètres établis par la Cour suprême.[19]

Comme le reconnaît le rapport du Conseil des académies canadiennes intitulé L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (le « rapport du CAC sur les demandes anticipées ») : « [l]e principal risque posé par les demandes anticipées d’AMM est qu’une personne reçoive l’aide à mourir contre sa volonté »[20] Ce risque est soutenu par les données de Santé Canada. Les premier, deuxième et troisième rapports annuels de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir au Canada révèlent qu’en moyenne, environ 20 % des patients qui ont retiré leur demande d’AMM l’ont fait immédiatement avant la délivrance de l’AMM (20,2 % en 2019, 22 % en 2020, 12,1 % en 2021).[21]  

De plus, les demandes anticipées ne peuvent pas donner le consentement pleinement éclairé du patient, en raison de la difficulté de prévoir les préférences, les capacités et les circonstances futures.[22]  Comme l’a indiqué la Dre Romayne Gallagher, professeure clinique en médecine palliative :

« …la littérature médicale et des sciences sociales nous rappelle que les gens ont du mal à anticiper ce que serait leur vie avec une maladie ou un handicap qui change leur vie. Les gens s’adaptent à la maladie et au handicap et ajustent leurs besoins pour avoir une qualité de vie décente. De nombreuses affections médicales ont une évolution longue et imprévisible. »[23]

La Dre Gallagher a ajouté que des décennies de recherche sur les prévisions efficaces révèlent que les gens ont tendance à penser que l’avenir sera toujours pire qu’il ne l’est en réalité.[24]

La Dre Alice Maria Chung, gériatre, a indiqué que les demandes anticipées posent un problème d’ordre éthique dans la mesure où les patients, par exemple ceux qui sont en phase terminale de démence, seraient incapables de retirer leur consentement. La Dre Chung a fait remarquer que la capacité d’un patient à retirer son consentement est essentielle au consentement éclairé.[25]  

Outre les difficultés pratiques liées au fait qu’un patient puisse prédire l’avenir, il est également difficile d’interpréter avec précision les demandes anticipées. Comme l’indique le rapport du CAC sur les demandes anticipées : « le principal problème causé par les demandes anticipées d’AMM est l’incertitude à laquelle font face les personnes chargées d’exécuter une demande quand vient le moment de juger si le patient désire l’aide à mourir, et quand elle doit être fournie. »[26] 

Les médecins ne sont pas en mesure de réaffirmer le consentement.[27] Il existe une subjectivité et une incohérence dans l’interprétation et l’application des demandes anticipées.[28] Ces difficultés sont aggravées par le fait que l’évaluation de la souffrance d’une personne est hautement subjective et qu’il existe une grande incertitude clinique sur la manière de procéder.[29]  De plus, on ne sait pas très bien comment les médecins et les prestataires de l’AMM peuvent déterminer qu’une personne souffre de façon intolérable si elle est incapable de communiquer son niveau de souffrance. La manière dont il est possible de résoudre cette question n’est pas non plus claire.

Il existe également des préoccupations légitimes quant au fait que les demandes anticipées conduiront à des abus, à des discriminations à l’encontre des personnes souffrant de déficiences cognitives et qu’elles sont incompatibles avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui reconnaît la capacité juridique inhérente des personnes souffrant de déficiences cognitives et implique le devoir de permettre l’expression d’un intérêt actuel.[30]

Comme le conclut le rapport du CAC sur les demandes anticipées :

« On manque encore beaucoup de connaissances sur l’utilisation pratique des demandes anticipées, les détails des jugements professionnels dans ces cas, les conséquences sociales de l’autorisation des demandes anticipées et l’applicabilité des données probantes au Canada. » [le soulignement est de nous]

D’après les preuves présentées au Comité, et compte tenu de ce qui précède, il est évident qu’il reste beaucoup de travail à faire avant de pouvoir envisager de manière appropriée d’étendre l’AMM aux demandes anticipées.

Observations de la députée Dominique Vien

Mme Dominique Vien appuie les recommandations qui font référence aux demandes anticipées. Pour Mme Vien, il semble clair qu'une grande majorité de la population appuie les demandes anticipées d'aide médicale à mourir dans des cas précis de diagnostic de maladies dégénératives, par exemple.

Au Québec, la Commission spéciale sur l'évolution du droit en matière de soins de fin de vie, dans son rapport adopté à l’unanimité et déposé à l'Assemblée nationale en décembre 2021, a fait la recommandation suivante :

« La Commission recommande qu’une personne majeure et apte puisse faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir à la suite de l’obtention d’un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude.[31] »

Cette recommandation a été incluse dans le projet de loi 38 qui n'a pas pu être adopté en raison des élections provinciales de 2022.

La mise en œuvre des demandes anticipées d'aide médicale à mourir devrait être encadrée et soutenue par des garanties et des critères très précis sur lesquels les demandeurs et les prestataires pourraient se baser.

L’état des soins palliatifs au Canada 

Nous sommes généralement satisfaits de la façon dont les données probantes sur les soins palliatifs au Canada sont présentées dans le rapport final. Nous appuyons chaque recommandation concernant les soins palliatifs.

Cependant, nous souhaitons souligner que le gouvernement libéral n’a pas respecté les engagements pris pour améliorer l’accès à des soins palliatifs de qualité dans tout le Canada depuis que l’AMM est devenue légale. Bien que le gouvernement libéral se soit engagé à consacrer 6 milliards de dollars aux soins palliatifs dans le budget 2018, seul un faible pourcentage de ce financement a été débloqué. 

Indépendamment du financement, sept ans après que l’AMM soit devenue légale au Canada, sous les libéraux, il n’y a pas eu d’amélioration significative de l’état des soins palliatifs. Seulement 30 à 50 % des Canadiens ont accès à des soins palliatifs de qualité inconnue, et seulement environ 15 à 25 % des Canadiens ont accès à des soins palliatifs spécialisés pour répondre à des problèmes complexes.[32]

Bien que les dernières données de Santé Canada indiquent que 80,7 % des bénéficiaires de l’AMM ont reçu des soins palliatifs, près d’un bénéficiaire sur cinq de l’AMM n’en ont pas reçu.[33]  Un examen plus approfondi des données révèle qu’au moins 40 % des personnes ayant reçu l’AMM ont reçu peu ou pas de soins palliatifs, 21 % en ayant reçu au cours des deux dernières semaines et 18 % moins de quatre semaines avant l’AMM.[34] Ceci est préoccupant étant donné que des soins palliatifs précoces peuvent soulager la souffrance avant qu’elle ne devienne irrémédiable.[35]

Des soins palliatifs limités ou médiocres peuvent être un facteur qui pousse les Canadiens à opter pour l’AMM.[36]  Cependant, les données disponibles concernant la durée et la qualité des soins palliatifs reçus par les personnes qui ont accès a l’AMM sont limitées.[37]  Nous recommandons donc d’élargir la portée de la collecte de données concernant l’AMM et les soins palliatifs et d’inclure la qualité et la durée des soins palliatifs pour ceux qui ont accès à l’AMM.

L’accès à des soins palliatifs de qualité est particulièrement important maintenant que l’AMM est légale. Très tôt, à la suite de la décision Carter, l’importance des soins palliatifs dans le contexte de l’AMM a été reconnue dans le Rapport final du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada, qui a déterminé que : « une demande de mort médicalement assistée ne peut pas être vraiment volontaire si l’option de soins palliatifs appropriés n’est pas disponible pour soulager la souffrance d’une personne. »[38]  Comme l’a fait remarquer le Dr David Henderson, directeur médical principal, Integrated Palliative Care, Nova Scotia Health :

« Si la majorité de la société estime […] que chaque personne peut mettre fin à sa vie à son gré, alors qu’il en soit ainsi. Cependant, nous avons toujours la responsabilité de protéger les personnes vulnérables et de veiller à ce que les gens aient un choix qui inclut l’accès aux soins palliatifs […] et un système de soins de santé qui permet la dignité pour tous, et pas seulement pour ceux qui veulent mettre fin à leur vie. »

Depuis l’adoption du projet de loi C-14, la loi initiale sur l’AMM, les Libéraux ont donné la priorité à l’expansion rapide de l’AMM, tout en négligeant les soins palliatifs. Par conséquent, ils privent de nombreux Canadiens qui souffrent d’options de fin de vie significatives et véritablement autonomes.

Soins palliatifs pédiatriques

L’accès aux soins palliatifs pédiatriques fait cruellement défaut au Canada[39]. Comme l’indique le rapport du CAC sur les mineurs matures, l’augmentation de la disponibilité des soins palliatifs pédiatriques est une protection contre les mineurs qui choisissent l’AMM en raison du manque d’options de soins de fin de vie[40]. Nous demandons donc au gouvernement libéral d’accorder la priorité à l’amélioration de l’accès aux soins palliatifs pédiatriques.

Protections pour les personnes handicapées

Il y a une tendance inquiétante de cas rapportés de personnes demandant l’AMM qui sont motivées par la souffrance socio-économique.[41] C’est pourquoi nous soutenons les recommandations du Comité qui demande au gouvernement libéral de fournir plus de soutien et un meilleur accès aux soins aux Canadiens qui vivent avec un handicap. Aucun Canadien ne devrait avoir l’impression que l’AMM est sa seule option parce qu’il est incapable de recevoir les soins et le soutien dont il a besoin et qu’il mérite.

Cela dit, nous sommes déçus que le Comité, dans son étude, n’ait pas entrepris un examen rétrospectif complet des dispositions du Code criminel relatives à l’AMM, y compris la pertinence des mesures de protection existantes. Nous soutenons que cela faisait partie du mandat du Comité conformément à la clause 5(1) du projet de loi C-7. Au lieu de cela, le Comité s’est concentré, en général, sur l’expansion potentielle du régime d’AMM. C’est une occasion manquée, surtout à un moment où l’on s’inquiète de plus en plus de l’efficacité et de l’application des mesures de protection existantes.

Néanmoins, un thème récurrent parmi les membres de la communauté des droits des personnes handicapées et leurs défenseurs qui ont comparu devant le Comité est la nécessité de renforcer les mesures de protection, en particulier dans les cas de deuxième voie.[42] Plusieurs témoins ont exprimé l'opinion que la seule garantie qui puisse protéger les personnes handicapées contre les décès injustifiés est de rétablir le critère d'admissibilité de la « mort naturelle raisonnablement prévisible ».[43] Nous recommandons donc que le gouvernement du Canada mette sur pied un groupe d’experts pour examiner la pertinence des mesures de protection existantes. Le groupe d’experts devrait comprendre des groupes touchés et leurs défenseurs et être chargé de déterminer si des mesures de protection supplémentaires sont nécessaires et de faire rapport de ses conclusions aux ministres concernés. Le rapport devrait être utilisé pour guider la future législation d’AMM.

Il est important de noter que l’écrasante majorité des organisations de défense des droits des personnes handicapées au Canada, depuis les premiers débats sur le projet de loi C-7, s’opposent fermement à la deuxième voie d’accès à l’AMM[44]. Il est inquiétant que le gouvernement libéral ait ignoré ces voix et n’ait pas répondu à leurs préoccupations.

Conclusion

L’approche précipitée et imprudente des Libéraux concernant le régime d’AMM du Canada a mis en danger la vie de Canadiens vulnérables. Nous mettons en garde le gouvernement libéral contre la répétition des erreurs qu’il a commises concernant l’AMM TM-SPMI.   La politique d’AMM doit être fondée sur des preuves, sur la consultation des groupes concernés et sur la prise en compte sérieuse de la protection des personnes vulnérables.

Présenté respectueusement,

L'honorable Yonah Martin, sénatrice

Colombie-Britannique

Michael Cooper, député

St. Albert – Edmonton

Dr Stephen Ellis, député

Cumberland - Colchester

Dominique Vien, députée

Bellechasse - Les Etchemins - Lévis


[1] Leffler, Brennan et  Marianne Dimain. « How poverty, not pain, is driving Canadians with disabilities to consider medically-assisted death » Global News, 8 octobre 2022

[2] « Remembering Lives Lived, » Living With Dignity – Investing in Life for PWD’s, Living With Dignity Canada https://living-with-dignity.ca/remembering-lives-lived/?fbclid=IwAR1NeUwRXK5OgXlcyGhwdr5NJ30SFj0xwe9PLGlDslosZOC7AqU8YKirk7g; Commission sur les soins de fin de vie. Rapport annuel d’activités ; 2019.; Bureau du coroner en chef. Memorandum: Mise à jour sur l’aide médicale à mourir. 9 octobre 2018, Kotalik, Jaro. « Medical Assistance in Dying: Challenges of Monitoring the Canadian Program. » Revue Canadienne de Bioéthique Volume 3, No. 3, 2022: p.205

[3] Avis Favaro. « Woman with chemical sensitivities chose medically-assisted death after failed bid to get better housing » CTV News 13 avril 2022

[4] Michael Higgins. « Our veterans ask for help. They’re offered assisted death » National Post, 2 décembre 2022

[5] Zhu, Yuan Yi. « Why is Canada Euthanizing the Poor? » The Spectator, 30 avril 2022; Quinn, Gerard, Mahler, Claudia, De Schutter, Olivier, 3 février 2021, Mandates of the Special Rapporteur on the rights of person with disabilities; the Independent Expert on the enjoyment of all human rights by older persons; Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, OL CAN (2.2021) (ohchr.org)

[6] Baines, Camille. « Canada should delay MAID for people with mental disorders: psychiatrists” » CTV News, 1er décembre 2022

[7] Wright, Teresa. « Federal Liberals face criticism about $875M in missing mental health spending » Global News, 21 juin 2022

[9] Wright, Teresa. « Federal Liberals face criticism about $875M in missing mental health spending » Global News, 21 juin 2022

[10] Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, p.154

[11] Ibid., pp.153-154

[12] Témoignages, 4 novembre 2022 (Mary Ellen MacDonald), Témoignages, 15 novembre 2022 ( Randi Zlotnik Shaul)

[13] Témoignages, 4 novembre 2022 (Mary Ellen MacDonald), Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, p.116

[14]  Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, p.68

[15] Témoignages, 6 juin 2022 (Maria Alisha Montes), Témoignages, 6 juin 2022 (Bryan Salte); Témoignages, 4 novembre 2022 (Dr. Gail Beck); Témoignages, 4 novembre 2022 (Elizabeth Sheehy), Témoignages, 15 novembre 2022 (Dr. Dawn Davies); Témoignages, 15 novembre 2022 (Randi Zlotnik Shaul). 

[16] Témoignages, 15 novembre 2022, (Timothy Ehmann)

[17] Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, p.81

[18] Carter c. Canada, CSC 2015, paragraphes 4, 127, 147

[19] Preuve : Résumé, Dr Trudo Lemmens, « Why Advance Requests for MAID Raise Fundamental Ethical and Human Rights Concerns »

[20] Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir. p.173

[21] Santé Canada, Premier rapport annuel de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir au Canada 2019, p.39; Santé Canada, Deuxième rapport annuel de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir au Canada 2020, p.33; Santé Canada, Troisième rapport annuel de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir au Canada, p.43

[22] Témoignages, 5 mai 2022 (Michael Bach); Témoignages, 5 mai 2022 (Dr. Raphael Cohen-Almagor); Témoignage, 25 avril 2022 (Felix Pageau); Témoignages, 9 mai 2022 (Dr. Trudo Lemmens); Témoignages, 9 mai 2022 (Dre Lillian Thorpe); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Alice Maria Chung); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Marcia Sokolowski); Témoignages : résumé, Dre Lillian Thorpe « Presentation requested related to advanced requests for medical assistance in dying », p.1

[23] Témoignages, 9 mai 2022, (Romayne Gallagher).

[24] Ibid.

[25] Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre. Alice Maria Chung)

[26] Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir, p.176

[27] Témoignages, 9 mai 2022 (Romayne Gallagher).

[28] Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Maria Sokolowski); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dr Ross Upshur); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Alice Maria Chung)

[29] Témoignages, 28 octobre 2022 (Dr Jonas-Sebastien Beaudry)

[30] Témoignages, 5 mai 2022 (Dr Raphael Cohen-Almagor); Témoignages, 28 octobre 2022 (Dre Alicia Chung); Témoignages, 9 mai 2022 (Dre Catherine Ferrier); Témoignages, 9 mai 2022 (Dr Trudo Lemmens); Témoignages, résumé, Dr Trudo Lemmens, « Why Advance Requests for MAID Raise Fundamental Ethical and Human Rights Concerns », p.2

[31] Assemblé nationale du Québec Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, Rapport sur la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, Recommendation 1 (Décembre 2021)

[32] Témoignages, 25 avril 2022 (Dre Leonie Herx) (25 avril 2022) ; Témoignages, 7 octobre 2022 (Dr. Jose Pereira).

[33] Santé Canada, Troisième rapport annuel sur l’aide médicale à mourir au Canada 2021, p.27

[34] Ibid., p.27 ; Témoignage, 25 avril 2022 (Dre Leonie Herx); Témoignage, 18 octobre 2022 (Romayne Gallagher).

[35] Témoignages 25 avril 2022 (Dre Leonie Herx); Témoignages, 18 octobre 2022 (Romayne Gallagher)

[36] Témoignages 25 avril 2022 (Dre Leonie Herx); Témoignages, 18 octobre 2022 (Dipti Purbhoo) 

[37] Témoignages : Ebru Kaya (28 avril 2022); Romayne Gallagher (18 octobre 2022)

[38] Dr Harvey Max Chochinov, Professeur Catherine Frazee, Professeur Benoit Pelletier, « Rapport final sur les options de réponse législative à Carter c. Canada » (15 décembre 2015), page vii.

[39] Témoignages : 1er novembre 2022 (Kimberly Widger).

[40] Conseil des académies canadiennes, L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, p.153

[41] Témoignages, 22 novembre 2022 (Dre Heidi Janz); Témoignages, 18 novembre 2022 (Kerri Joffe).

[42] Témoignages, 30 mai 2022 (Michelle Hewitt); Témoignages, 25 novembre 2022 (Dre Catherine Frazee); Témoignages, 22 novembre 2022 (David Shannon); Témoignages, 18 novembre 2022 (Alicia Duncan); Témoignages, 18 novembre 2022 (Kerri Joffe); Témoignages, 16 juin 2022 (Trish and Gary Nichols).

[43] Témoignages, 18 novembre 2022 (Krista Carr); Témoignages, 22 novembre 2022 (Dr Tim Stainton; Témoignages, 22 novembre 2022 (Dre Heidi Janz); Témoignages, 25 novembre 2022 (Dre Catherine Frazee) (25 novembre 2022); Témoignages, 25 novembre 2022 (Isabel Grant).

[44] Témoignages, 18 novembre 2022 (Krista Karr).