A l’invitation du chef de la délégation des
États-Unis auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, Michael Turner, une
délégation de la Commission de la défense et de la sécurité (DSC) a séjourné à
Washington et au Texas du 9 au 12 juillet 2013 ;
elle comptait trente-deux parlementaires de dix-neuf pays membres de l'OTAN et
était dirigée par le président de la DSC, Joseph A. Day (Canada). Le président
de l’Assemblée, Hugh Bayley (Royaume-Uni), était également du voyage.
La délégation a rencontré de hauts responsables du
département de la Défense et du département d’État, des officiers supérieurs,
des experts indépendants et les administrateurs du programme du chasseur
polyvalent interarmées F-35. Les exposés et les discussions ont porté sur les
relations transatlantiques, les priorités et la politique des États-Unis dans
le domaine de la défense, les répercussions sur cette politique de la
« mise sous séquestre budgétaire », la participation américaine aux
opérations de l’OTAN, la sécurité en Afghanistan, la cybersécurité, les
incidences de la révolution des gaz non conventionnels, la situation en Syrie
et en Afrique du Nord, les rôles et missions de la Garde nationale et des
forces réservistes aux États-Unis et l’aviation militaire américaine de la
cinquième génération.
En outre, M. Bayley et les membres du bureau
de la DSC se sont entretenus du rôle de l’Assemblée avec des représentants et
des sénateurs américains et ont fait part à ces derniers de leur point de vue
sur les relations transatlantiques.
Le séjour de la délégation aux États-Unis s’est
achevé par une visite de la Naval Air Station Joint Reserve Base de Fort
Worth, au Texas, et de l’usine de montage du F-35, située dans la même
ville.
2.Sécurité et défense des États-Unis
Les responsables des plans de défense et les
dirigeants des milieux chargés de la sécurité nationale aux États-Unis se
concentrent sur deux grandes questions : la transition en Afghanistan et
les conséquences de la mise sous séquestre budgétaire. Le directeur adjoint à
la politique de l’OTAN au cabinet du secrétaire à la Défense, Jesse Kelso,
a expliqué que tous les services du département de la Défense avaient dû
diminuer leurs effectifs de 20%. Certains d’entre eux en sont réduits à fermer
un jour par semaine, tandis que d’autres manquent de personnel et doivent
recourir au chômage technique. Lawrence Korb, du Center for American
Progress, a suggéré que les coupes budgétaires se traduiront par une
modification des stratégies d’acquisition ; il se pourrait même que la
Marine reconsidère l’achat de F-35 et opte finalement pour l’acquisition de
F/A-18 supplémentaires. La conséquence la plus grave de la mise sous séquestre
pourrait se faire ressentir dans la formation et l’état de préparation des
forces armées, avec les répercussions que cela suppose pour l’OTAN.
A.Perceptions de l’OTAN
Il a été dit que l’OTAN avait actuellement
« un problème de propriété » : les Européens comme les
Américains ont le sentiment que l’OTAN « appartient à l’autre partie et
est davantage influencée par celle-ci ». Les planificateurs américains ne
tiennent que rarement compte – voire jamais – des conséquences de
leurs travaux sur les structures de forces et les capacités de l’OTAN. Mais, en
réalité, les plans de défense de l’OTAN sont presque entièrement conçus pour
répondre aux plans de défense américains. Qui plus est, la conjugaison d’une
focalisation prépondérante sur la réponse aux coupes budgétaires et des retards
survenus dans le processus de nomination dans les hautes sphères politiques
s’est soldée par le report de la plupart des activités ordinaires de l’OTAN, y
compris les préparatifs de son prochain sommet.
Une bonne partie de l’opinion publique américaine
ne sait pas au juste combien les États-Unis
« dépensent » véritablement et directement au profit de l’OTAN.
Cependant, M. Kelso a fait observer que les deux programmes représentant
la plus grosse dépense américaine en relation avec l’OTAN – la défense
anti-missiles balistiques et la prolongation de la durée de vie des ogives B61 –
seraient mis en chantier, indépendamment du degré de participation du pays aux
autres activités de l’Alliance.
Au niveau stratégique, les relations
transatlantiques restent, dans une large mesure, centrées sur le maintien de
l’engagement des États-Unis en Europe. Ces relations doivent pouvoir reposer
sur des partenaires fiables, et les Européens ont prouvé qu’ils l’étaient. De
fait, on a pu constater un investissement important dans l’évolution des forces
européennes depuis le Kosovo, des forces dont les capacités, qui étaient
presque entièrement statiques et défensives dans l’acception classique du
terme, sont maintenant aptes au déploiement et adaptées à leurs diverses
missions.
Alors même que les États-Unis
« pivotent » vers l’Asie, leurs alliés dans la région ont des moyens
d’action relativement limités et si, en Asie de l’Est, la plupart de ces alliés
sont capables d’opérer avec les États-Unis, ils ne peuvent ni ne veulent le
faire entre eux. En réalité, même si beaucoup d’Alliés européens réduisent leur
propre budget, l’Europe demeure l’allié le plus capable des États-Unis.
B.Moyen-Orient / Syrie
Le département de la Défense voit dans
l’instabilité qui règne au Moyen-Orient la « nouvelle norme ». Andrew
Exum, conseiller spécial pour la politique au Moyen-Orient, a souligné que,
sur le plan institutionnel, le problème est que les tendances et les
circonstances spécifiques à un pays peuvent se propager à ses voisins ou
influer sur leur situation. De manière assez ironique, la Méditerranée, dûment
quadrillée et habituellement considérée comme une voie d’accès, fait
actuellement office de barrière, tandis que le Sahara,
autrefois infranchissable, sert maintenant de vaste « boulevard » à
des flux de personnes et d’armes.
M. Exum a rappelé que la politique américaine
vis-à-vis de l’Iran était claire : la mise au point d’armes nucléaires est
inacceptable et les États-Unis agiront pour y mettre un terme si le besoin s’en
fait sentir. Les autres grandes priorités de l’administration Obama restent le
maintien de l’accès aux hydrocarbures (pour les États-Unis comme pour tous les
autres consommateurs de pétrole en provenance du Moyen-Orient) et la sécurité
d’Israël.
Les décideurs américains sont également attentifs
à la préservation de la stabilité de la péninsule Arabique : le défilé
actuel et inéluctable de dirigeants saoudiens présente de multiples inconnues
et l’économie de l’Arabie saoudite est dominée par les exportations
d’hydrocarbures.
En ce qui concerne la Syrie, les deux grandes
préoccupations sont l’existence, aux frontières iranienne et libanaise du pays,
de zones échappant à tout contrôle et la menace d’un recours à l’arme chimique.
Lors du débat qui a suivi l’intervention de M. Exum, des participants ont
fait observer que, comme ailleurs dans la région, le conflit syrien comportait
une composante confessionnelle. De fait, les relations entre chiites et
sunnites sont au cœur de la situation régionale ; elles sont actuellement
tendues et le Liban, en particulier, risque d’en subir les conséquences.
Ambassadeur Richard Schmierer, premier vice-secrétaire d’État adjoint pour les affaires du
Proche-Orient, a présenté aux participants une vue d’ensemble des positions du
département d’État sur plusieurs problèmes au Moyen-Orient et en Afrique du
Nord. Outre le « débordement » de la guerre civile syrienne au
Liban, la situation des réfugiés en Turquie et en Jordanie est devenue très
sérieuse. La Jordanie a atteint ses limites en ce qui concerne l’accueil des
Syriens qui fuient les combats. Les réfugiés syriens qui se sont dispersés dans
des communautés au Liban et ceux qui, en Jordanie, vivent dans des camps bondés
sont hautement susceptibles de se radicaliser, conséquence de l’absence de
services élémentaires et de l’action d’organisations extrémistes sunnites.
À propos d’Israël, M. Schmierer a souligné
que le secrétaire d’État, John Kerry, était très attaché à l’adoption de la
« solution des deux États » par les Israéliens et les Palestiniens.
En Israël comme en Palestine, les dirigeants de la jeune génération souhaitent
véritablement qu’un terme soit mis au conflit ; les progrès accomplis dans
la mise en place d’institutions palestiniennes ont jeté les fondements à partir
desquels il est possible de s’orienter vers cette solution. M. Schmierer a
également réaffirmé le point de vue du département de la Défense selon lequel
les États-Unis sont résolus à empêcher l’Iran de se
doter de l’arme nucléaire. Il a ajouté qu’il n’y a certes pas d’illusions à se
faire au sujet du nouveau président iranien, mais que le désir de modération
exprimé par la population et une attitude potentiellement plus constructive à
l’égard du reste du monde sont de nature à susciter un certain optimisme.
C.Égypte
Les États-Unis s’intéressent de très près à la
gestion de la transition en Égypte. Leurs diplomates travaillent avec les
dirigeants du pays à l’assemblage des éléments d’un gouvernement civil
approprié. Plus spécifiquement, Washington cherche à continuer d’exercer des
pressions sur les autorités pour que celles-ci poursuivent la démocratisation, plutôt qu’elles ne versent dans l’autoritarisme.
Selon M. Exum, les événements en Égypte
– et, singulièrement, les problèmes à plus longue échéance inhérents à la
réforme de l’économie et de la sécurité – préoccupent grandement les
responsables de la sécurité nationale aux États-Unis. Les investissements
étrangers directs sont importants, mais le coût de la vie a largement dépassé
le revenu moyen et le prix des produits de consommation de base est monté en
flèche.
D.Afrique du Nord et Mali
Alice Friend,
directrice principale au Bureau des affaires africaines, a réaffirmé qu’en
Afrique du Nord le département de la Défense suivait une stratégie
« reposant sur les alliances » : aucun pays ne peut opérer seul
dans la région. De grands progrès ont été accomplis en Libye et il se pourrait
que l’OTAN apporte bientôt son concours en matière de formation.
La violence a été jugulée au Mali, mais un grave
problème continue à se poser pour la sécurité aux yeux de tous les membres de
l’OTAN. Mme Friend a déclaré que « le plus dur reste à
faire » ; il sera important d’encourager la classe politique à
réformer et à gouverner d’une façon qui soit propice à la stabilité.
Il y aurait beaucoup à entreprendre dans le
domaine de la formation et de l’assistance au profit des forces armées et du
gouvernement, mais l’économie continue à poser un immense problème. Une
économie forte résiste mieux au terrorisme et l’avenir du Mali réside, en fait,
dans le développement économique. Des forces armées professionnelles pourraient
jouer un rôle vital dans la lutte contre les groupes terroristes qui, pour
l’instant, gardent un profil bas, mais elles ne sauraient constituer « une
panacée ».
3.United States Institute of Peace
La délégation a été reçue un après-midi à l’United
States Institute of Peace (USIP), où elle s’est entretenue avec des
responsables du département d’État. Le président de l’USIP, Jim Marshall,
a souligné que la mission générale de cet organisme consistait à « mettre
un terme aux conflits violents ». Pour « prévenir, atténuer ou
résoudre les conflits internationaux par des moyens non violents », l’USIP
forme des experts qu’il envoie dans les zones de conflit pour mettre en
chantier des programmes destinés à atténuer les effets des hostilités sur les
populations civiles. M. Marshall a indiqué que la présence d’un
comité de direction très diversifié dans sa composition garantissait la
neutralité politique de l’USIP. L’Institut travaille actuellement à des projets
en Birmanie, en Afghanistan, au Soudan et dans d’autres zones en proie à des
conflits ou menacées d’instabilité.
M. Marshall a évoqué le projet d’un
European Institute of Peace (EUIP), projet qui se heurte à une forte résistance
probablement suscitée par la crainte de voir une telle entité interférer avec les
démarches diplomatiques nationales. Il a toutefois émis l’opinion que la paix
et la stabilité en Afrique du Nord étaient véritablement nécessaires pour
l’Europe, stratégiquement parlant ; nombreux sont ceux qui pensent qu’un
EUIP aurait un grand rôle à jouer dans l’exécution de programmes destinés à la
société civile et conçus pour favoriser l’avènement de la stabilité dans la
région.
E.Afghanistan
D’une manière générale, l’idée que l’on se
fait du conflit afghan est beaucoup plus négative que la réalité, a indiqué James
B. Warlick, représentant spécial adjoint pour l’Afghanistan et le Pakistan.
Cela a conduit de nombreux Américains à s’interroger quant à l’opportunité pour
les États-Unis de maintenir une présence militaire sur le terrain et de
continuer à financer les forces et les institutions gouvernementales afghanes.
Selon M. Warlick, bon nombre de « bonnes
nouvelles » en provenance de cette partie du monde
ont échappé à la presse. Par exemple, le fort volume de transactions
commerciales à la frontière pakistanaise, l’extension du réseau de téléphonie
mobile et l’utilisation accrue de téléphones portables, ou encore, le fait que
l’on compte 40 % d’écolières, donnent à penser que la mission de la
Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) est en passe d’aboutir.
L’administration américaine a défini cinq critères
à l’aune desquels elle mesurera les résultats de ses efforts : la
transformation des forces de sécurité afghanes en une force apte au combat, le
passage du relais entre la FIAS et les dirigeants afghans pour les opérations
civiles et militaires, la réconciliation avec les taliban, l’instauration d’une
coopération régionale et, enfin, l’obtention d’un accord sur la mise en place
de partenariats stratégiques entre l’Afghanistan, d’une part, et les États‑Unis
et l’OTAN, d’autre part. M. Warlick a invité les membres de la DSC à
prendre, eux aussi, ces critères en considération dans leur évaluation de la
mission de la FIAS.
En Afghanistan, le problème le plus important à
court terme réside non dans la situation actuelle sur le plan de la sécurité,
mais dans la mise en place du cadre juridique et opérationnel de la coopération
future. Pour M. Warlick, l’accord de sécurité bilatéral n’est confronté à
aucun obstacle insurmontable, mais la signature d’un accord sur le statut des
forces (SOFA) est beaucoup plus compliquée en raison, tout bonnement, de la
multitude de détails à introduire dans ce document ayant force de loi.
Cependant, une fois l’accord américain conclu, la mise au point du SOFA de l’OTAN
deviendra beaucoup plus aisée.
Enfin, M. Warlick a estimé que le résultat
des élections afghanes de 2014 pourrait bien, en fait, être le facteur le plus
déterminant pour l’avenir du pays. Il y a beaucoup de candidats potentiels à la
présidence de la République, mais il est impossible de prédire la composition
du peloton de tête. M. Karzaï, préoccupé par son « héritage »,
tend désormais à se servir des forces étrangères et de l’OTAN comme d’un
repoussoir. Certes, l'OTAN et ses partenaires insisteront pour que les
élections de 2014 se déroulent dans la transparence, mais il est peu
probable que les troupes et les civils étrangers se retirent complètement, même
si le scrutin ni les conditions idéales ni le gouvernement "rêvé"
pour la poursuite des opérations.
F.Répercussions de la révolution du gaz naturel
Pour le vice-secrétaire adjoint à la diplomatie
énergétique, Amos J. Hochstein, le marché des hydrocarbures est en
pleine mutation. De tout temps, l’accès aux sources d’énergie a alimenté les
conflits internationaux ; avec la découverte et l’exploitation de nouveaux
gisements de gaz naturel en Amérique du Nord et au large de la côte occidentale
de l’Afrique, il faut s’attendre à un changement de cap géopolitique. Non
seulement de nouveaux producteurs d’hydrocarbures font leur entrée en scène
mais, alors que la production d’hydrocarbures passe du pétrole brut au gaz
naturel, de nouveaux transporteurs et consommateurs apparaissent.
Côté fournisseurs, l’Organisation des pays
producteurs de pétrole ne forme plus un cartel et, en raison de la consommation
accrue des économies émergentes, sa capacité de production est à son niveau
maximal. Des difficultés d’approvisionnement au Moyen-Orient se répercuteraient
essentiellement sur les économies émergentes qui ne font pas partie de l'OCDE
mais, du fait que les hydrocarbures s’échangent sur un marché mondial, ces
effets seraient également ressentis à l’échelle de la planète.
Les États-Unis deviennent un exportateur
d’hydrocarbures et cela influera sur les relations transatlantiques. Pour la
première fois depuis un siècle, les intérêts stratégiques liés au Moyen-Orient
pourraient diverger. Selon certains, l’autosuffisance américaine en
hydrocarbures pourrait remettre en question l’engagement des États-Unis
vis-à-vis des pays du Golfe ainsi que la stabilité de cette région. Cependant,
d’autres observateurs estiment que les intérêts européens pourraient évoluer
dans le même sens, mais pour des raisons différentes. Avec la mise en
exploitation de gisements supplémentaires en Méditerranée orientale et
l’ouverture du nouvel oléoduc en provenance de la mer Caspienne, la dépendance
de l’Europe à l’égard du pétrole du Moyen-Orient ira aussi en diminuant.
M. Hochstein a estimé que le rôle principal
qui reviendrait à l’OTAN dans de telles circonstances consisterait
essentiellement à répartir les risques en préservant et en diversifiant l’accès
de ses membres aux ressources en hydrocarbures. Sur le plan opérationnel, cela
suppose d’assurer la sécurité des itinéraires de transport, de protéger les
infrastructures névralgiques (dans les pays de l’OTAN, certes, mais également
dans les lieux de production et de transit) et de préparer des plans civils
d’urgence. Enfin, l’OTAN devrait promouvoir la recherche de sources d’énergie
et de chaînes d’approvisionnement de substitution.
M. Hochstein a évoqué la manière dont les
pays devraient coopérer pour anticiper les conséquences des modifications de
l’accès aux voies navigables et aux fonds marins dans le Grand Nord et
l’Arctique. S’agissant plus précisément de l’Arctique, il a mentionné trois
domaines se prêtant excellemment à une collaboration pratique
internationale : les procédures élémentaires de recherche et de sauvetage,
l’appréhension des répercussions des forages sur l’environnement et
l’exploration des fonds marins, et enfin, plus généralement, le droit de la mer
et son application aux zones économiques exclusives.
G.Défense antimissile
Pour l’administration américaine, la défense
antimissiles fait partie intégrante de la préservation de la dissuasion et des
garanties élargies ; elle continue à faire l’objet d’un vaste consensus et
à bénéficier du soutien du gouvernement comme du Congrès, même si l’on constate
quelques divergences autour de points spécifiques.
Un expert indépendant spécialisé dans la défense
antimissiles et employé au Service de recherche du Congrès, Steve Hildreth,
a indiqué qu’au sein du Congrès et des milieux chargés de la sécurité nationale
des États-Unis certains aspects de la conception et de l’utilisation de la défense
antimissiles donnaient lieu à de sérieux désaccords portant sur le coût, les
technologies mises en œuvre (capteurs contre intercepteurs), besoins à court
terme, capacités requises au-delà de la phase 3, préoccupations d’ordre
environnemental, contraintes opérationnelles et restrictions techniques. Les
inquiétudes manifestées à l’échelon local quant aux risques de retombées de
débris de missiles dans des zones habitées ou dans des pays voisins, tel le
Canada, jouent aussi un grand rôle dans les discussions.
Les échanges avec la Russie et la Chine à propos
de la défense antimissiles restent ardus. La Corée du Nord n’a pas encore mis à
l’épreuve son programme de missiles à longue portée, mais elle a récemment
placé un objet en orbite, ce qui a suscité des préoccupations à cet égard.
M. Hildreth a expliqué qu’au cours de la
dernière décennie une forte composante « défense du territoire »
était venue s’ajouter à la défense antimissile. Des responsables américains ont
décidé récemment qu’il fallait chercher des intercepteurs plus efficaces.
Ce choix est le plus satisfaisant : les capteurs coûtent moins cher et
certains considèrent qu’ils augmentent davantage la capacité des systèmes que
ne le ferait une amélioration des intercepteurs. À l’heure actuelle, le département
de la Sécurité du territoire examine une liste de pas moins de vingt-cinq sites
susceptibles d’accueillir des installations de défense antimissile balistiques
sur la côte Est.
Aux États-Unis, le budget consacré à la défense
antimissile n’est pas soumis au processus de contrôle budgétaire dont fait
l’objet le budget ordinaire de la défense. Les décisions budgétaires qui le
concernent sont prises à un niveau tellement élevé que les programmes
correspondants sont souvent moins exposés aux fluctuations générales.
Cependant, la mise sous séquestre budgétaire aura des répercussions sur
les essais du système. La conception technique et l’acquisition seront
épargnées, mais les essais les plus complexes seront retardés, ce qui pourrait
avoir des conséquences à long terme pour le rythme d’avancement du programme
dans son ensemble.
Répondant aux questions des participants,
M. Hildreth a indiqué que la Marine américaine s’intéressait actuellement
à l’emploi de lasers dans le contexte de la défense antimissiles. Il a déclaré
par ailleurs que l’utilité du dialogue sur cette défense avec la Russie était
de plus en plus fréquemment mise en doute, dès lors que Moscou semble avoir
opté, en la matière, pour une opposition inébranlable.
H.Cyber sécurité
Aucun gouvernement allié n’a encore trouvé de
solution à la question cybernétique, a affirmé Ian Wallace,
chercheur invité à la Brookings Institution. La cybernétique reste un
« sujet confus et confondant » et s’appréhende mieux dans sa totalité
qu’à travers le simple prisme de la cybersécurité.
L’un des problèmes les plus sérieux inhérents aux
ripostes en la matière est que ces ripostes sont souvent envisagées dans
l’optique d’un conflit cybernétique. Le risque est donc grand que l’OTAN et ses
membres analysent les menaces cybernétiques et y répondent indépendamment les
uns des autres et de manière inefficace. Si les gouvernements alliés évoquent
la question en parlant de « guerre cybernétique », ils excluent le
grand public de toute action ou prise de position en la matière. La population
considère que la guerre est menée par des soldats, non par des citoyens, de
sorte qu’elle s’abstient des gestes importants qu’elle pourrait faire pour
réduire la cyber menace. Présenter le défi cybernétique comme une guerre peut
aussi amener les citoyens à se désintéresser de la menace, dès lors qu’ils n’en
ressentent pas les effets dans leur vie quotidienne.
Selon M. Wallace, une insistance excessive
sur la notion de conflit ou de guerre cybernétique empêche de
discuter de la défense cybernétique, et cela a des conséquences de grande
ampleur, s’agissant notamment de l’aptitude de l’OTAN à concevoir ses futures
structures de forces. Les militaires n’ont pas encore procédé aux changements requis
pour intégrer la cybernétique en tant que nouveau domaine à part entière,
plutôt que comme une simple « structure d’appui » aux domaines
conventionnels. L’OTAN serait également perdante si elle ne s’assurait pas que
les pays qui bénéficient de sa formation et de ses actions de construction de
capacités protègent leurs réseaux de manière à ne pas compromettre leurs
partenaires alliés. Autrement dit, chaque Allié doit avoir la certitude que les
réseaux des autres Alliés et partenaires sont sûrs.
M. Wallace a également fait observer que les
grandes organisations étaient généralement mal équipées pour faire face à
l’« innovation perturbatrice ». De nouveaux acteurs – de jeunes
gens connaissant bien la cybernétique – pourraient créer des alliances ou
entreprendre des actions coopératives à l’intérieur de leur environnement
virtuel. Jusqu’ici, l’OTAN n’a rien fait pour prendre les devants ; elle
devra tenir compte de cette éventualité lorsqu’elle procédera à l’évaluation de
son futur environnement de sécurité. La Chine et l’Inde, qui ne font pas partie
de l’Alliance et qui, par moments, ont des objectifs allant à l’encontre des
objectifs de cette dernière, imposent sur le marché de très grandes quantités
d’infrastructures cybernétiques, infrastructures qui seront utilisées par les
populations – voire par les gouvernements – des pays alliés.
Comme tout autre domaine nouveau, l’internet est
essentiellement, pour l’instant, un « espace non réglementé »,
d’autant plus, sans doute, qu’il est, par sa nature même, « réfractaire à
toute réglementation ». Il serait bon, toutefois, que l’on comprenne
l’importance pour les organismes chargés de la sécurité dans les pays alliés,
de faire un geste en direction de ceux qui « se trouvent à l’autre bout de
la ligne ». Souvent, de telles démarches tendent à instaurer des relations
entre ces organismes, au détriment des organismes purement civils, ce qui
contribue à renforcer l’idée que la cybernétique relève effectivement de la
compétence des entités vouées à la défense et à la sécurité et qu’il incombe à
celles-ci de mettre seulement en œuvre la politique requise à tous les niveaux
de l’Administration, qu’il s’agisse ou non de la ligne de conduite la plus
appropriée.
M. Wallace a estimé que les dirigeants
politiques ont un rôle important à jouer en la matière. Dès lors que la
protection des infrastructures névralgiques est, tout simplement, une mission
dont ni l’OTAN ni bon nombre des entités chargées de la sécurité nationale ne
peuvent s’acquitter correctement, les parlements pourraient inciter le secteur
privé à mettre en place la protection requise. Pour ce qui est des capacités
offensives, M. Wallace a indiqué qu’un concept opérationnel approprié de
l’OTAN dans le domaine cybernétique pouvait être comparé au parapluie nucléaire :
quelques pays disposent de capacités offensives et beaucoup d’autres
fournissent des infrastructures ou des données du renseignement sans
véritablement agir de manière offensive.
4.Base Aéronavale de Fort Worth, Base de réserve
conjointe
La délégation s’est rendue à Fort Worth, dans
l’État du Texas, pour y visiter la base aéronavale de Fort Worth, base de
réserve conjointe et l’usine de montage du chasseur polyvalent interarmées F‑35
de la société aéronautique Lockheed Martin.
Elle a été informée des missions de la base et des
unités qui s’y rattachaient. La base a été créée en tant que première base de
réserve interarmes de la Marine et est considérée comme le modèle à suivre pour
les futurs regroupements de bases et d’unités. Parmi les unités qui opèrent à
partir de cette base figurent des unités logistiques de la Marine, des
escadrilles de chasseurs des forces aériennes, des régiments du Corps des marines,
des unités de soutien aérien et de renseignement des forces réservistes de
l’armée de terre et la 136e escadre de transport aérien de la
Garde nationale aérienne du Texas.
Plus de dix mille hommes sont affectés aux
diverses unités de cette base, laquelle est le troisième employeur du nord du
Texas, avec une empreinte économique de plus de 2 milliards de dollars.
En 2012, 76 aéronefs et aéronefs sans pilote ont effectué plus
de 31 000 sorties pour des missions allant du ravitaillement en
carburant à des opérations de renseignement, de surveillance et de
reconnaissance, en passant par la défense territoriale et la supériorité
aérienne classique. Outre les missions des forces navales et aériennes et de la
Garde nationale aérienne, les unités du génie du Corps des marines
apportent leur concours aux travaux de construction.
La colonelle Ferrell, de la Garde nationale aérienne du Texas, a expliqué la différence
entre les forces classiques relevant du titre 10 du Code des États-Unis et
les forces relevant du titre 32 (Garde nationale). Elle a précisé
qu’une bonne partie des aéronefs utilisés par la Garde nationale aérienne
étaient des moyens fédéraux, tandis que les rémunérations du personnel qui les
utilisait étaient versées, en fonction des missions effectuées, par les
autorités fédérales ou les autorités du Texas. Au cours des dix années écoulées
lors des conflits en Irak et en Afghanistan, de nombreux membres de la Garde
nationale du Texas et des forces réservistes de celle-ci ont été affectés à des
missions de nature fédérale, souvent par leur rattachement à une unité des
forces terrestres ou aériennes nationales.
Les membres de la délégation se sont dits
particulièrement impressionnés par la façon dont les États-Unis utilisaient les
forces réservistes et la Garde nationale et par la souplesse et l’efficacité
avec lesquelles celles-ci pouvaient être intégrées aux forces armées
nationales.
5.Usine de montage du chasseur polyvalent
interarmées F-35
Les membres de la délégation ont visité l’usine de
montage du chasseur polyvalent interarmées F-35 de la société
aéronautique Lockheed Martin. Ils y ont entendu des exposés sur la conception
et les capacités de l’appareil et ont pris part à des démonstrations sur
simulateur ; ils ont aussi fait le tour des chaînes d’assemblage et ont pu
examiner de près les trois variantes existantes. Ils ont été informés des impressionnantes
innovations techniques de cet avion de la
« cinquième génération », y compris certaines caractéristiques
« furtives » : placement en soute des réservoirs de carburant et
de l’armement, prises d’air aérodynamiques, radar fixe à commande de phases et tuyères
à faible signature. Comme le F-35 doit équiper les forces aériennes de
huit pays partenaires, la société Lockheed estime que des économies pourront
être réalisées sur le double plan de l’utilisation et de l’entretien, puisque
les économies d’échelle serviraient à réduire le coût des pièces détachées et
de la main-d’œuvre spécialisée. Comme dans le cas de beaucoup de projets
alliés, les bénéfices potentiels dans le domaine de l’interopérabilité et de
l’entraînement international collectif pourraient être l’atout le plus précieux
du F-35.
Respectueusement soumis,
L’honorable Joseph A. Day, sénateur Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP
OTAN)