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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 31 mars 1998

• 0903

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour et bienvenue à la 13e séance du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

Je voudrais d'abord rappeler notre ordre de renvoi à tout le monde. Notre comité a été chargé d'examiner et d'analyser les divers aspects liés aux ententes de garde et de visite après la séparation et le divorce, et plus particulièrement d'évaluer la nécessité d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille, c'est-à-dire d'une approche qui mette l'accent sur les responsabilités de chaque parent et sur les besoins des enfants et leur meilleur intérêt, au moment de la conclusion des ententes concernant l'éducation des enfants. Voilà en quoi consiste notre ordre de renvoi.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Mme Deborah Merklinger, qui sera suivie de Mme Marty McKay, puis de Mme Barbara Chisholm et de Mme Gillian McCluskey.

Nous vous demandons d'être aussi brèves que possible; vous avez environ cinq minutes chacune parce que nous voulons surtout vous poser des questions sur votre expérience personnelle, pour élargir ainsi nos propres connaissances.

Madame Merklinger, voulez-vous commencer?

Mme Deborah L. Merklinger (médiatrice familiale): Merci beaucoup de m'avoir invitée à participer à ce groupe de discussion, et à ce processus qui pourrait bien être révolutionnaire.

Permettez-moi de me présenter rapidement: je suis avocate, travailleuse sociale et médiatrice. J'ai un cabinet privé où j'offre exclusivement des services de médiation et de thérapie, surtout sur les questions liées à la séparation, au divorce, à la garde des enfants et au droit de visite.

• 0905

J'ai choisi de vous soumettre deux recommandations qui pourraient être utiles à mon avis pour le mandat que vous venez de nous exposer, à savoir l'adoption d'une approche davantage centrée sur les enfants dans les politiques et les pratiques de droit de la famille, une approche qui mettrait l'accent sur les responsabilités de chacun des parents et, surtout, sur les besoins des enfants.

Ces recommandations résultent du travail que j'effectue quotidiennement auprès des familles et des enfants qui vivent une séparation. En me fondant sur ma propre expérience et sur celle d'autres personnes, tout particulièrement des enfants, je voudrais vous parler de deux questions qui méritent notre attention à mon avis.

Premièrement, j'aimerais bien que soit mis en oeuvre ce que j'appellerais, faute d'un terme plus exact, un processus d'évaluation obligatoire auquel participeraient les parents séparés ou en instance de séparation. Ce processus, tel que je l'envisage, pourrait avoir plusieurs volets, ou en tout cas au moins deux.

Il viserait tout d'abord à déterminer où en sont les parents, sur les plans affectif, financier, logistique, juridique et pratique, dans leur séparation. Cette évaluation devrait être confiée à des professionnels spécialisés dans les domaines du droit, de la santé mentale et, bien sûr, de la violence conjugale.

Elle aurait également pour but de veiller à ce que les parents soumis à cette évaluation—pour savoir comment ils s'adaptent à leur nouvelle situation, comment ils se débrouillent sur le plan émotif et quelle est leur situation juridique—soient ensuite orientés vers un mécanisme approprié de règlement des différends, par exemple des séances de conciliation ou de médiation ou, le cas échéant, une évaluation des questions de garde et de visite qui mettrait si possible l'accent sur la médiation; ces parents pourraient aussi, à l'autre bout de l'échelle, être envoyés devant un arbitre ou encore—mais seulement lorsque ce serait vraiment nécessaire—devant le tribunal. Les clients, c'est-à-dire les parents, pourraient faire appel aux professionnels qui assureraient ces services soit en consultant un registre de professionnels accrédités, soit en faisant leur choix dans un bassin de professionnels qualifiés dans chacune des régions désignées.

À mon avis, le processus d'orientation devrait avoir pour mandat de s'assurer que le mécanisme employé pour régler le différend entraînera le moins d'ingérence possible dans la vie des parents, afin de les aider à résoudre les autres problèmes liés à l'éducation de leurs enfants de la façon la plus humaine possible. Comme nous le savons tous, nous sommes ici pour les enfants, et l'approche la plus holistique et la plus discrète possible est sans aucun doute la meilleure.

Ce processus d'orientation devrait en outre faire l'objet d'un suivi régulier.

Ce que je suggère, en gros, par cette recommandation, c'est que nous faisions en sorte que nos politiques et nos pratiques en matière de droit de la famille soient conçues pour soutenir une infrastructure qui donnerait aux parents la possibilité de travailler ensemble le plus possible, et le plus tôt possible dans le processus, pour pouvoir en arriver à une entente axée sur les besoins des enfants.

Je recommande également que ce processus d'évaluation soit offert non seulement aux gens qui présentent une demande de séparation ou qui entament des procédures judiciaires, mais également aux parents qui n'en sont pas encore rendus là, pour qu'ils puissent éviter complètement cette étape.

Je suis d'avis que cette évaluation devrait être obligatoire. Quant à savoir si la session d'orientation devrait l'être également, c'est à voir. Il est certain que, si l'étape suivante était facultative et si les parties étaient orientées vers le mécanisme le plus approprié pour régler leur différend, la plupart se prévaudraient de cette option pour régler leur conflit, ou en tout cas en atténuer les conséquences.

Voilà donc ma première recommandation.

• 0910

Ma deuxième recommandation porte sur l'examen et la modification du texte de la loi en ce qui concerne les droits de garde et de visite. Il faudrait par exemple supprimer les expressions comme «garde conjointe», «garde exclusive» et «droit de visite», pour parler plutôt d'ententes parentales, de partage du temps, du foyer où l'enfant habite avec sa mère, avec son père ou avec ses grands-parents, et ainsi de suite.

De plus, parallèlement à ces changements terminologiques, je recommande que les parents soient tenus de s'entendre sur des plans détaillés touchant toutes les décisions à prendre, par exemple au sujet de la santé des enfants, de leur éducation, de leur religion, de leurs activités parascolaires, de leurs voyages ou de leur mobilité, de même que sur le partage du temps entre les deux parents, tant au quotidien que pour les vacances et les occasions spéciales.

Ce que j'espère—ou ce dont je rêve—, c'est qu'il soit possible d'éviter bien des luttes de pouvoir et bien des batailles portant sur des étiquettes ou sur des mots, en supprimant les termes rigides comme «droit de visite». Nous devrions plutôt encourager et aider les parents à se concentrer sur la substance, plutôt que de s'arrêter à la forme, et à prêter vraiment attention à leurs enfants.

Nous pourrions même avoir pour les ententes parentales une formule type que tous les parents pourraient remplir et qui couvrirait toutes les questions à régler—je veux parler évidemment des parents qui se séparent—à moins que les parents démontrent que certaines questions ne s'appliquent pas à leur famille.

Encore une fois, je suggère d'encourager les parents à accorder la priorité aux besoins et à l'intérêt de leurs enfants, et de mettre fin aux luttes de pouvoir inutiles qui font perdre du temps et de l'argent aux secteurs public et privé et qui, de plus, n'apportent rien de bon à nos enfants.

Enfin, en ce qui concerne l'adoption d'une nouvelle terminologie, il faudrait réserver les mots comme «garde» et «droit de visite» à des lois comme le Code criminel.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame McKay.

Mme Marty McKay (psychologue clinicienne): Bonjour.

Je suis psychologue et je m'occupe d'évaluations en matière de garde et de visite depuis vingt ans; je suis ici pour vous parler de ce que j'ai vu pendant tout ce temps, de la détresse que j'ai constatée chez les enfants et des difficultés que j'éprouve à poursuivre mes évaluations à cause de ce que je considère comme des lacunes et des possibilités d'abus importantes dans notre système actuel de droit de la famille.

Je m'intéresse depuis toujours aux groupes particulièrement vulnérables. J'ai été consultante pour la Société d'aide à l'enfance pendant 15 ans. J'ai travaillé auprès des femmes battues dans des foyers de transition. Mais je constate depuis une dizaine d'années que les hommes, les pères, forment maintenant un groupe vulnérable face au système de droit de la famille. Parce qu'une femme décide de rompre son mariage, un homme peut être privé de ses enfants, être faussement accusé d'agression, voir ses enfants poussés à témoigner contre lui et devoir se battre pour rétablir sa réputation, pour avoir accès à ses enfants et même pour conserver sa liberté dans certains cas.

J'ai vu des situations terriblement difficiles, qui m'ont fait craindre le pire pour l'avenir des enfants, privés de la moitié de leur patrimoine et de la moitié de leur vie affective. Je suis d'ailleurs la première étonnée, après avoir été d'abord féministe et m'être préoccupée surtout des injustices et des abus commis contre les femmes, de me retrouver dans une position où je m'inquiète sérieusement de l'avenir des pères.

• 0915

À mon avis, les évaluations finissent par priver les enfants de relations significatives avec leurs deux parents. Elles sont utilisées à mauvais escient. Elles reposent sur une attitude politique selon laquelle la parole d'une femme a beaucoup plus de poids que celle d'un homme; les hommes qui sont accusés ne peuvent donc pas se défendre, même s'ils subissent une évaluation psychologique, s'ils passent un test au détecteur de mensonges ou s'ils doivent se prêter à une mesure pénienne pour déterminer s'ils sont effectivement coupables d'agression. Même s'ils n'ont rien fait de mal, leur nom peut demeurer inscrit dans le registre des agresseurs d'enfants et ils peuvent être empêchés de voir leurs enfants sauf sous une supervision très rigoureuse.

Je sais bien qu'il y a des agressions. Après 15 ans comme consultante pour la Société d'aide à l'enfance, je sais que des enfants sont agressés sexuellement, physiquement, affectivement. C'est pourquoi je trouve tellement important de ne pas accorder crédit aux allégations mensongères, surtout quand la vie et l'avenir des enfants sont en jeu.

À mon avis, la garde conjointe devrait être la position de départ, et la médiation devrait être obligatoire jusqu'à deux ans après le divorce pour résoudre les conflits qui surgissent entre les ex-conjoints.

Je crois que, sans le système accusatoire actuel qui dresse les gens les uns contre les autres et qui permet de porter très facilement de fausses accusations, ce qui ne fait qu'alimenter les affrontements, la plupart des couples réussiraient à conclure une entente raisonnable sur la façon de s'occuper de leurs enfants après le divorce. Mais il faut les éduquer, il faut leur offrir l'aide de professionnels qui veulent faire triompher la justice, qui ne perçoivent pas un des parents comme un ange et l'autre comme un démon, qui donnent aux deux parents le droit de garder des liens profonds avec leurs enfants et qui ne se laissent pas guider par une déplorable rectitude politique.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Madame Chisholm.

Mme Barbara A. Chisholm (Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l'Ontario): Merci, madame la présidente.

Je suis ici aujourd'hui comme porte-parole de l'Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l'Ontario, une des dix organisations provinciales qui regroupent des travailleurs sociaux professionnels appartenant à l'Association canadienne des travailleurs sociaux, qui est elle-même membre de 55 fédérations internationales. Nous représentons donc tout un courant d'opinion.

Les principes qui sous-tendent nos recommandations d'aujourd'hui se résument à quatre grands points:

1. L'enfant a le droit de maintenir le contact avec ses deux parents et ses beaux-parents à la suite d'une séparation ou d'un divorce, quelles que soient la nature et l'état de la relation entre ces adultes, sauf si le contact avec un parent ou une autre personne qui s'occupait de lui dans le passé peut constituer un risque sur les plans physique, psychologique ou sexuel. Dans ces circonstances, il peut être indiqué—et même préférable dans l'intérêt de l'enfant—de limiter les rapports avec cet adulte ou même de les interdire.

2. Les ententes en matière de visite et le respect de ces ententes ne devraient pas servir de monnaie d'échange dans les négociations portant sur d'autres ententes, par exemple au sujet des questions financières.

3. Chaque étape de la réorganisation d'une famille, en particulier lorsqu'elle concerne l'éducation des enfants, doit être examinée en fonction de la situation plutôt qu'à partir de généralisations souvent inappropriées—par exemple que les jeunes enfants doivent toujours être confiés à la garde de leur mère.

4. Il faut examiner attentivement l'idée d'une médiation familiale obligatoire sur la garde des enfants et le droit de visite, après une séparation ou un divorce, avant d'adopter une politique gouvernementale en ce sens; cette médiation ne devrait pas avoir lieu dans les cas où il y a eu des allégations de violence familiale, qu'elle soit physique, psychologique ou les deux, même si ces allégations ne sont pas prouvées, ou encore lorsqu'il y a un écart important entre les deux parents sur le plan économique, ce qui peut entraîner un déséquilibre des forces en présence.

• 0920

Voici donc nos recommandations.

Premièrement, l'Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l'Ontario suggère une mesure fondamentale qui améliorerait sensiblement les chances de règlement des conflits relatifs à la garde des enfants et au droit de visite, à savoir l'obligation, pour les juges nommés aux tribunaux de la famille, de suivre une formation spéciale avant leur entrée en fonction. Cette formation porterait sur les sujets suivants: les étapes du développement de l'enfant, en particulier au cours des cinq premières années; la signification de la théorie de l'attachement affectif et les conséquences des troubles à cet égard; les répercussions des ententes de visite qui incluent des déplacements et des séparations pour de très jeunes enfants; le recours aux mécanismes de médiation ou d'évaluation, ainsi que l'endroit où cela devrait se faire et la façon dont les choses devraient se passer; l'état de la recherche sur les parents gais et lesbiennes; les préjugés fondés sur le sexe en matière de garde; et, enfin, la différence entre les liens du sang et ce qu'on appelle l'attachement à un parent psychologique.

Deuxièmement, il faut établir des lignes directrices pour aider les tribunaux à évaluer les projets de déménagement des parents qui auraient des répercussions sur les enfants.

Troisièmement, il faut reconnaître que l'aliénation parentale, qu'on qualifie parfois de syndrome et parfois de symptôme, existe réellement et nécessite une intervention professionnelle. Les lignes directrices devraient indiquer clairement que, si le comportement du parent en cause ne change pas substantiellement, il peut être indiqué de modifier les modalités de garde. Ce comportement diffère des allégations sincères sur d'éventuels écarts de conduite de l'autre parent; ce n'est pas du tout la même chose.

Quatrièmement, il faut nommer des maîtres spéciaux chargés des cas particulièrement difficiles, quand les parties sont empêtrées dans un conflit très sérieux. Cette mesure permettrait de décharger les tribunaux de la responsabilité de ces cas qui exigent souvent beaucoup de temps. Ces maîtres spéciaux devraient recevoir une formation particulière sur les méthodes non judiciaires de règlement des conflits et être prêts à assurer un suivi à long terme.

Cinquièmement, il faut restreindre le nombre d'ajournements autorisés dans les causes portant sur les modalités de garde et de visite, de même que le nombre de retours possibles devant les tribunaux. Une fois la limite atteinte, la cause devrait être renvoyée d'office devant un des maîtres spéciaux dont nous avons parlé au quatrième point.

Sixièmement, il faut élargir la formation des avocats de manière à reconnaître que, dans les questions de droit de la famille, l'avocat qui représente un parent fonctionne dans l'ombre de l'avenir des enfants. Dès lors, ses obligations envers le parent qui est son client ne sont pas les mêmes que dans les autres domaines de sa pratique. Il faut modifier l'approche accusatoire de manière à faire passer l'intérêt des enfants en premier.

Septièmement, il faut accorder des fonds suffisants pour la mise en place non seulement de programmes de visites supervisées visant à faciliter le contact entre les enfants et les parents—en prévoyant par exemple les questions d'espace, d'équipement, de ratio de personnel, de sécurité et ainsi de suite—, mais également d'installations adaptées à ces programmes dans tout le Canada.

Huitièmement, toutes les ententes doivent prévoir des programmes d'éducation obligatoires pour les parents qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas résoudre leurs différends, surtout en cas de conflits très graves.

• 0925

Nos professionnels sont d'avis que les tribunaux demeureront engorgés si ces recommandations ne sont pas mises en oeuvre, ce qui donne des résultats souvent incohérents et qui exacerbe parfois les conflits entre les deux parents plutôt que contribuer à les résoudre.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est moi qui vous remercie.

Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan James Jessiman (Manitoba, PC): Je voudrais poser ma première question à Mme Merklinger. Le processus d'évaluation obligatoire que vous proposez aurait-il lieu avant l'obtention d'une ordonnance de séparation, ou seulement après un divorce?

Mme Deborah Merklinger: Je suis d'avis que ce processus devrait s'appliquer à tous les couples qui présentent une demande quelconque. Les parties seraient soumises à cette évaluation avant le début des procédures judiciaires. Ce mécanisme devrait aussi être offert aux gens qui n'ont pas encore présenté de demande, mais qui veulent de l'aide pour éviter d'avoir à se rendre devant les tribunaux.

Ce qui m'intéresse, c'est de trouver un moyen de faire participer les gens dès le départ à un processus qui les aidera à trouver la meilleure façon de faire ce qu'ils doivent faire pour répondre aux besoins de leurs enfants.

Le sénateur Duncan Jessiman: Les gens pourraient donc se prêter à cet exercice volontairement, avant de demander quelque chose à la cour, par exemple une ordonnance de séparation?

Mme Deborah Merklinger: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais s'ils demandent quelque chose à la cour, vous dites que ça devrait être obligatoire?

Mme Deborah Merklinger: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Devrions-nous prévoir quelque chose dans la loi?

Mme Deborah Merklinger: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites aussi que—toujours sur une base soit volontaire, soit obligatoire—nous devrions avoir un mécanisme de règlement des différends. Je suppose qu'il y a d'abord la conciliation, pendant laquelle un conciliateur parle aux deux parties et les aide si possible à s'entendre. Il y a ensuite l'arbitrage, à la suite duquel quelqu'un prend une décision. À votre avis, cet arbitrage devrait-il être exécutoire pour les deux parties?

Mme Deborah Merklinger: À mon avis, l'arbitrage devrait demeurer la solution de dernier recours. Il y aurait d'abord la conciliation, puis la médiation. Mais pour ce qui est de savoir si les parties devraient ou non être forcées d'avoir recours à la médiation, il y a différentes raisons invoquées dans un sens comme dans l'autre, et les avis sont partagés.

Personnellement, je suis d'accord avec Mme Chisholm sur la question de la médiation. Dès qu'il y a apparence de violence familiale—qu'il s'agisse de simples allégations ou de faits réels—ou dès que les forces sont nettement déséquilibrées, la médiation est contre-indiquée.

Nous pourrions parler des différents contextes de médiation, par exemple des rencontres préliminaires. Je dois dire que je n'ai pas encore terminé ma réflexion sur la possibilité d'avoir recours à un autre processus qui serait axé lui aussi sur la médiation, mais que nous pourrions appliquer dans les cas de violence. Mais en ce qui concerne les cas où il n'y a pas de violence ou alors où rien ne semble indiquer qu'il y en a, je crois personnellement que la médiation obligatoire—ou à tout le moins une tentative de médiation—serait utile.

J'ai moi-même travaillé dans ce domaine en Floride. Là-bas, les parties doivent essayer de s'entendre par médiation avant même d'avoir le droit de se présenter devant le juge. Elles doivent arriver au tribunal avec un formulaire attestant qu'elles ont essayé la médiation. Je crois que ça pourrait être extrêmement utile et que nous éviterions dans bien des cas que les gens en arrivent à cette deuxième étape.

• 0930

Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne suis certainement pas contre ce que vous dites. Je veux seulement que les choses soient claires. J'aime à penser... mais vous devez me dire ce que vous en pensez; ce n'est pas moi, le témoin, je suis ici seulement pour poser des questions. D'après ce que j'ai compris, vous jugez qu'il serait dans l'intérêt de tout le monde—les parents qui se séparent et les enfants qui sont en cause—que la loi oblige les gens à avoir recours à une forme quelconque de conciliation. Par la suite, ils passeraient à l'autre étape si la conciliation ne donnait rien, parce que le conciliateur a des pouvoirs limités; il ne prend aucune décision, il espère seulement aider les deux parties à s'entendre.

L'autre étape, c'est l'arbitrage. Et puis, en dernier ressort, les tribunaux. Mais, comme vous le savez, il y a deux sortes d'arbitrage, selon qu'il est exécutoire ou non. Pensez-vous que, dans certaines circonstances, la cour pourrait déterminer elle-même que l'arbitrage est exécutoire, ou s'il faudrait toujours se limiter à un arbitrage non exécutoire et laisser les tribunaux décider à l'étape suivante?

Mme Deborah Merklinger: Non, je pense que l'arbitrage devrait être exécutoire et définitif dans certains cas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, nous essayons de nous en tenir à cinq minutes par question.

Le sénateur Duncan Jessiman: Pourquoi? Mon temps est écoulé?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Votre temps est écoulé. Voulez-vous que j'inscrive votre nom au bas de la liste?

Le sénateur Duncan Jessiman: Je pourrais rester ici toute la journée. Mais je comprends. J'ai beaucoup de questions pour tout le monde.

Merci beaucoup, Deborah.

Mme Deborah Merklinger: De rien.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

Madame McKay, j'ai trouvé vos commentaires très intéressants. Puisque vous travaillez sur le terrain, auprès des couples, depuis 20 ans, je pense qu'il est important que vous nous parliez un peu plus de votre expérience.

Vous savez peut-être qu'à Edmonton, on a mis sur pied il y a quatre ou cinq ans un programme portant sur le rôle des parents après un divorce. Un sondage effectué là-bas montre que 90 p. 100 des gens qui ont participé à ce programme l'ont jugé très utile dans leur cas. C'est un programme expérimental, auquel les gens participent par ordre de la cour. Mais le Procureur général songe maintenant, semble-t-il, à l'étendre à toute la province. Et le Toronto Star a publié le 7 mars un article dans lequel on pouvait lire que le Procureur général de la Colombie-Britannique avait annoncé la mise en oeuvre de programmes pilotes du même genre à Burnaby et New Westminster.

Nous avons beaucoup entendu parler de médiation, de cours, de counselling et d'autres sujets du genre, et je pense qu'il est important que les membres du comité sachent ce qui est à votre avis le premier besoin, le besoin le plus vital des parents ou des couples qui vivent une séparation ou un divorce. Est-ce la médiation sur les questions dont nous avons parlé? Est-ce d'avoir quelqu'un qui leur parle et qui s'assure qu'ils savent dans quoi ils s'embarquent?

Pourriez-vous nous dire également si, d'après ce que vous avez vu depuis 20 ans, vous avez l'impression que, quand des parents vont vous voir dans les cas de ce genre, ils sont plus préoccupés par le conflit avec leur partenaire ou par le bien-être de leurs enfants?

Mme Marty McKay: Ils disent tous, bien sûr, qu'ils se préoccupent du bien-être de leurs enfants, mais quand les gens vivent un divorce, ils deviennent souvent très égocentriques et, malheureusement, leurs avocats respectifs les y encouragent en faisant du bon travail pour eux. Ils sont là pour représenter leurs intérêts. Mais ça favorise des affrontements de plus en plus durs entre les deux parties.

Je leur dis plutôt qu'ils forment encore une famille—une famille divisée et séparée, peut-être, mais une famille quand même jusqu'à ce que les enfants aient atteint l'âge de la majorité—et qu'ils ont tout intérêt à s'entendre pour éviter que les enfants n'en souffrent.

J'ai l'impression que la médiation peut être utile si elle est prise... Il faut retirer le droit de la famille du système accusatoire. Tant que les choses seront ce qu'elles sont, le système va encourager chaque partie à se présenter comme étant la personne la plus merveilleuse sur Terre et à dépeindre l'autre comme le chien sale le plus sale de la création. Et à proférer toutes sortes de mensonges et de fausses allégations.

• 0935

À mon avis, il faut avoir recours à la médiation même lorsqu'il y a des allégations de violence. Il y a une blague qui circule—et qui n'est vraiment pas très drôle, d'ailleurs: c'est que tous les hommes sont suspects tant qu'ils n'ont pas été accusés, après quoi ils sont coupables. Quand on parle d'allégations de violence, les gens pensent généralement aux hommes qui battent leur femme. Mais à l'inverse, si un homme prétend que sa femme l'a frappé à la tête avec une poêle à frire, est-ce qu'on escamote là aussi le processus de médiation ou si on se dit que les hommes sont violents de toute façon? D'après mon expérience, c'est à peu près moitié-moitié.

Les allégations surgissent au cours des évaluations, et je pense que c'est parce que les gens veulent s'assurer un avantage, parce qu'ils veulent avoir le dessus. Tant que le processus sera fondé sur l'affrontement, ce sera tentant. Et il n'y a pas beaucoup de ramifications négatives quand quelqu'un décide de lancer un ballon d'essai en laissant entendre qu'il y a eu de la violence.

Donc, pour répondre à votre question, je crois que la médiation est utile et qu'elle devrait avoir lieu dans presque tous les cas.

M. Paul Szabo: Une dernière petite question. Certains témoins nous ont dit que les tribunaux n'étaient pas cohérents dans leurs décisions. Puisque la garde des enfants est accordée à la mère dans 80 p. 100 des cas, trouveriez-vous étonnant que nous en arrivions à la conclusion que les tribunaux ont peut-être erré dans bien des cas?

Mme Marty McKay: Je pense que c'est vrai, en effet. D'après ce que j'ai pu constater, il y a beaucoup de pères qui s'occupent très bien de leurs enfants. J'ai entendu des femmes me dire qu'elles ne se souciaient absolument pas du résultat de l'évaluation puisqu'elles allaient avoir la garde de leurs enfants de toute façon, «parce que les femmes l'obtiennent toujours».

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Je tiens à remercier tous les témoins qui sont ici ce matin parce que vos présentations me font très plaisir. Vos arguments rejoignent parfaitement ma pensée. J'espère que nous pourrons avoir une copie des recommandations de Mme Chisholm.

Ma question s'adresse à vous tous. Ces dernières années, beaucoup d'études—de nombreux témoins nous en ont parlé—ont démontré l'importance du père dans la vie de l'enfant. Étant donné cette information et les conclusions de ces études, pourquoi les tribunaux n'accordent-ils pas aux pères des droits de visite plus généreux?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que quelqu'un veut répondre?

La sénatrice Erminie Cohen: J'aimerais que quelqu'un fasse un commentaire pour le compte rendu, au sujet de l'éducation...

Mme Barbara Chisholm: Je pense que c'est pour une raison historique. Au Moyen Âge, les enfants étaient la propriété exclusive de leur père. Les mères n'avaient aucun droit. Si elles voulaient quitter leur mari, elles perdaient parfois tout contact avec leurs enfants. Les choses ont évolué avec le temps, et nous reconnaissons maintenant que les mères ont les mêmes droits que les pères. Il faut dire aussi que nous comprenons mieux la nature humaine et l'importance des relations affectives pour les très jeunes enfants, de même que la valeur des femmes en tant qu'individus.

Par conséquent, nous accordons maintenant une importance très grande et, dans l'ensemble, justifiée à la nécessité du «maternage», ce qui s'est répercuté sur les mères elles-mêmes. En fait, la recherche et les premiers écrits d'importance qui ont été effectués parlaient de la «parentalité»; c'est plus tard que la question parentale s'est transformée en question maternelle. Et c'est ainsi que les décideurs de notre société ont été habitués à supposer que la mère était le seul parent sur lequel le jeune enfant pouvait compter.

• 0940

Je pense que nous sommes en train de rectifier le tir encore une fois, d'arrondir les angles, de sorte que nous pouvons maintenant recommencer à parler de l'importance, pour les jeunes enfants, d'avoir deux parents sur qui ils peuvent compter.

La sénatrice Erminie Cohen: Vous voulez dire que le pendule est parti d'ici, qu'il est allé jusque-là, et que nous pouvons maintenant espérer qu'il va revenir au juste milieu.

Mme Barbara Chisholm: C'est exact. J'ai vu bien des cas en pratique privée, au cours des 20 dernières années, où j'ai recommandé que les enfants soient confiés principalement à la garde du père parce que c'était de loin le parent le plus fiable.

La sénatrice Erminie Cohen: Pensez-vous que c'est aussi parce que les juges ont été sensibilisés à la question?

Mme Barbara Chisholm: Absolument. Absolument.

La sénatrice Erminie Cohen: Oui. Je suis contente de vous l'entendre dire.

La deuxième partie de ma question porte sur ce que nous devrions faire au sujet du parent qui a la garde des enfants et qui ne respecte pas les termes de l'entente relative au droit de visite. Je n'aime pas parler de «punition», mais ça se produit trop souvent. Je suis comme Mme McKay; j'étais une ardente féministe, mais il y a une autre porte qui s'est ouverte dans ma tête tout à coup, et je me rends compte qu'il a vraiment un déséquilibre.

J'aimerais savoir ce que vous faites lorsqu'un parent qui a la garde des enfants empêche son ex-conjoint de les voir, malgré les conditions de l'entente à ce sujet. Ma question s'adresse à tous les témoins.

Mme Barbara Chisholm: Est-ce que je peux répondre?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame McKay.

Excusez-moi, vous pourrez répondre ensuite, bien sûr.

Mme Marty McKay: C'est une question très importante, et je pense que c'est une autre raison pour laquelle, quand une médiation est nécessaire après un divorce, un parent doit pouvoir appeler le médiateur et lui dire: «Je n'ai pas vu ma fille depuis trois mois. Quand j'arrive à la porte, on me sert toujours toutes sortes de prétextes pour m'empêcher de la voir.» Le médiateur fait donc office d'intermédiaire et dit à l'autre parent: «Nous avons un problème. Qu'est-ce qui se passe? Voulez-vous que j'aille vous voir? Amenez-moi votre fille si elle ne veut pas voir son père. J'aimerais entendre sa version de l'histoire.» Nous devrions prendre d'abord des mesures de ce genre.

C'est une méthode qui m'a réussi assez souvent, mais le professionnel doit demeurer en contact avec la famille pendant un certain temps. J'ai constaté que, si les couples s'entendent sur une médiation après le divorce, les appels finissent par s'espacer et les problèmes se font de moins en moins nombreux, du moins en général. Deux ans plus tard, on n'entend plus parler d'eux, ce qui est vraiment bien. Mais il faut un suivi après le divorce, par un professionnel qui travaille avec les deux parents, qui n'a pas de préjugé favorable à l'un ou à l'autre, qui ne prend pas parti et qui travaille dans le meilleur intérêt des enfants.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Mme Barbara Chisholm: J'ai fait allusion à cette question quand j'ai parlé d'aliénation parentale—quand j'ai dit que ce phénomène existe vraiment et que nous devons le reconnaître. Il est tout à fait naïf de croire que tous les parents qui se séparent ou qui divorcent peuvent s'asseoir ensemble, entre gens raisonnables, et négocier eux-mêmes une entente. C'est prendre ses désirs pour des réalités. Il y a tout un éventail, depuis les gens qui n'ont rien à faire de nos services, qui s'entendent entre eux et qui n'ont pas besoin de notre intervention—et nous ne devrions pas nous mêler de leurs affaires; ils peuvent s'en sortir, et leurs enfants vont vivre cette expérience sereinement parce qu'eux-mêmes la vivent sereinement—jusqu'à ceux qui, comme je l'ai dit, ont besoin d'une attention particulière.

La formule des maîtres spéciaux est une tentative pour s'occuper des gens qui sont retranchés dans leurs positions et pour qui l'affrontement est devenu un mode de vie. La médiation conventionnelle n'a pas beaucoup d'effet sur ces gens-là. Ils ont besoin qu'on leur impose une décision, qui comporte les conséquences très sérieuses dont j'ai parlé dans ma recommandation.

Mme Deborah Merklinger: Je suppose que vous voulez parler notamment de l'application des ententes, ce qui est un de nos principaux problèmes. Que faut-il faire pour faire respecter les ententes une fois que les parties les ont conclues? Comme nous le savons tous, la plupart des ententes ne sont pas meilleures que les deux personnes qui les ont signées.

Je suis d'accord avec Mme McKay. Il faut commencer par le mécanisme qui entraîne le moins d'ingérence; si les parties peuvent s'entendre par médiation, c'est par là qu'il faut commencer. Mais en définitive, comme l'a dit Mme Chisholm, il y a tout un éventail de cas, depuis les gens qui n'ont pas besoin de nous jusqu'à ceux qui auraient besoin de plus que ce que la plupart d'entre nous peuvent offrir.

Il faut un mécanisme pour faire respecter les ententes, à mon avis, et il faut que les parties soient au courant de son existence au cas où un des parents voudrait empêcher l'autre parent de voir ses enfants. Il y a quelque chose à ce sujet-là dans la loi, qui dit en gros qu'une personne qui sabote les contacts entre un parent et son enfant peut se faire retirer la garde de cet enfant.

• 0945

Mais les risques que ça se produise étaient à peu près nuls dans le passé, en ce sens que le parent qui a la garde des enfants a à toutes fins utiles carte blanche et peut faire ce qui lui plaît. Tout le monde doit savoir que ce n'est pas acceptable et que, si ça se produit—et si nous sommes vraiment sérieux quand nous parlons d'aliénation parentale—, il y a des pénalités prévues et qu'il est possible de prendre les mesures qui s'imposent. Je suppose qu'en définitive, il pourrait y avoir une inversion des rôles ou un changement d'orientation dans l'entente de garde.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett, vous avez la parole.

Mme Barbara Chisholm: Puis-je ajouter un commentaire pour préciser les choses? Il y a eu un jugement très important dans le domaine du droit de la famille au Québec—je me ferai un plaisir de vous en envoyer le texte puisque je ne l'ai pas ici—dans lequel le juge décrit très clairement le syndrome de l'aliénation parentale. La garde des cinq enfants d'un couple, sauf un, a été transférée du père à la mère à cause du comportement du père. Il s'agit d'un jugement canadien extrêmement important qui a servi de précédent dans d'autres juridictions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

C'est en fait la question que je voulais poser. L'aliénation parentale, dans sa plus simple expression, inclut-elle une situation où l'enfant pense qu'il ne veut plus voir un de ses parents? C'est une situation que nous voyons très souvent en médecine familiale. Est-ce que nous en faisons assez pour apprendre aux parents à penser à la perspective dans laquelle l'enfant pourrait envisager la situation dans dix ans?

J'aimerais savoir si vous avez des conseils à nous donner sur... C'est bien beau d'employer de grands mots, mais il faudrait aussi faire quelque chose; il faut que les gens comprennent les conséquences psychologiques pour l'enfant, pour qu'il soit capable d'être parent à son tour et, en attendant, de faire confiance à une mère qui lui a dit que ce n'était pas bon pour lui de voir son père, par exemple. Pourquoi est-ce qu'il ne se fait pas plus d'éducation à ce sujet-là?

Mme Barbara Chisholm: D'une part, il y a certainement un mouvement de ressac perceptible dans les tribunaux—mes collègues et moi l'avons constaté en tout cas en Ontario—au détriment des femmes. Les attitudes ont changé de façon sensible. Quand une mère se plaint ou soutient qu'elle croit que son enfant vit quelque chose d'inapproprié quand il est avec son père, les juges ont moins tendance à la croire; ils semblent presque dire aujourd'hui qu'elle cherche simplement à compliquer la situation, que ce sont simplement des caprices, qu'elle fait «simplement» ceci ou cela. Mais quand les enfants adoptent des comportements comme ceux dont vous avez parlé, il est essentiel que des professionnels responsables, fiables et compétents aident à établir ce qui se passe vraiment.

Les enfants ont besoin qu'on leur donne la permission de continuer à aimer des gens qui ne s'aiment plus l'un l'autre. C'est une distinction extrêmement importante; il faut dire aux enfants qu'ils peuvent encore aimer des gens qui ne s'aiment plus. Ils sont très sensibles aux influences et à l'atmosphère du milieu où ils vivent. Si des gens se lancent des insultes parce qu'ils sont en colère—et ils le font, croyez-moi—, les enfants l'absorbent par tous les pores de leur peau, sans parler de leurs oreilles.

• 0950

Mme Carolyn Bennett: Nous avons vaguement discuté de cette question hier. Dès qu'un enfant dit qu'il ne veut plus voir le parent qui n'a pas sa garde, il faudrait à votre avis une intervention professionnelle attentive.

Mme Barbara Chisholm: Il faut bien comprendre ce qui se passe. Je ne suis pas certaine que nous puissions compter, premièrement, sur un assez grand nombre de professionnels pour intervenir dans les centaines et les milliers de cas de séparation qui se produisent chaque année au pays ou, deuxièmement, sur un financement suffisant pour ce genre d'activités. Mais je pense qu'un parent qui s'inquiète de la résistance de son enfant doit consulter quelqu'un. C'est pourquoi j'ai dit que, si nous devons adopter quelque chose d'obligatoire, ça devrait être des cours de formation quelconques pour aider les parents—les pères comme les mères—à reconnaître les symptômes qui devraient les inquiéter.

Il peut arriver tout simplement que l'enfant soit fâché contre le parent qui n'a pas sa garde parce qu'il applique une discipline plus sévère qu'à la maison et qu'il lui a dit: «Je ne suis pas là pour te gâter; je suis ton père, et tu vas te coucher tout de suite.» Il faut donc comprendre qu'il n'y a pas toujours une pathologie qui se cache derrière ce genre de réaction; mais si c'est le cas, il faut le savoir.

Mme Carolyn Bennett: Il me semble également que nous ne pouvons pas nous permettre de fermer les yeux quand il y a un problème de nature physique.

Mme Barbara Chisholm: En effet.

Mme Carolyn Bennett: Mais on nous parle constamment de la question des ressources disponibles, que ce soit pour les tribunaux, les services de counselling ou quoi que ce soit d'autre.

Nous en revenons toujours aux conflits très sérieux qui ne se prêtent pas très bien à la médiation. Je trouve intéressant que les témoins que nous venons d'entendre nous aient parlé d'un continuum qui va de la conciliation à la médiation, puis à une forme quelconque de règlement des différends grâce auquel les gens qui ne sont pas capables de s'entendre pourraient par exemple faire appel aux services d'un médiateur ou trouver un recours qui serait moins axé sur l'affrontement et sur les tribunaux—ou essayer du moins quelque chose de ce genre avant de faire intervenir les avocats et...

Mme Barbara Chisholm: C'est ce que j'appelle—parce que je le fais—ma méthode Kissinger. Il y a des gens qui sont incapables de se retrouver dans la même pièce que leur ex-conjoint. Leur colère est trop vive et la situation devient vite explosive; on perd de vue ce qu'on essaie de faire parce que tout le monde réagit émotivement. Avec leur accord, j'essaie de voir les deux parties séparément et de leur transmettre les messages de l'un à l'autre; c'est pourquoi j'appelle ça la technique Kissinger.

J'ai obtenu d'assez bons succès grâce à cette technique, parce que les gens ont alors la possibilité de dire ce qu'ils pensent sans que l'autre personne se mette en colère après avoir entendu leurs accusations; ils sont un peu plus disposés à se concentrer finalement sur le bien-être des enfants. Quelqu'un a dit tout à l'heure—et c'est bien vrai—que les gens qui vivent cette expérience, et qui sont profondément bouleversés et très en colère, trouvent très difficile de s'intéresser à ce que vivent leurs enfants, quoi qu'ils en disent.

Mme Marty McKay: Oui, je pense que même les couples qui vivent un conflit très sérieux peuvent avoir recours à la médiation avec succès, si le médiateur prend le temps de les rencontrer individuellement et de servir d'intermédiaire pour leur permettre de se rapprocher. J'ai même vu des couples se réconcilier et retrouver le bonheur ensemble, avec une famille à nouveau intacte, après avoir dit: «Je ne veux plus jamais le voir; j'ai peur de lui; il va me tuer.»

Personne n'a parlé du facteur monétaire. L'argent est pourtant une merveilleuse motivation. Les gens disent parfois: «J'aurais pu envoyer mes quatre enfants à l'université avec tout l'argent que j'ai donné aux avocats.» À mon avis, l'argent qui servirait à financer les services de médiateurs professionnels serait une goutte d'eau dans la mer comparativement aux honoraires que les gens versent actuellement à leurs avocats.

Il faut aussi une réforme du régime d'aide juridique. J'ai vu des cas où la femme avait droit à l'aide juridique et pouvait donc se battre indéfiniment, jusqu'à l'écoeurement. Mais son mari, lui, avait un emploi et devait déclarer faillite. Il faudrait donner le choix aux gens, en leur disant: «Voulez-vous retourner devant le juge à ce sujet-là et payer 2 000 $, ou si vous préférez payer un médiateur pendant quelques heures pour que nous réglions ça ensemble?» Ils répondraient habituellement: «Je n'avais pas pensé à ça; c'est une bonne idée.»

• 0955

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Merci.

Je voulais simplement vous dire, madame Merklinger, que nous sommes tout à fait d'accord pour changer la définition de la garde et du droit de visite. Nous en avons déjà discuté quand nous avons étudié le projet de loi C-41 l'an dernier. Comme le projet de loi venait du Bureau du procureur général et que ces gens-là s'occupent aussi du Code criminel, ils voulaient garder la même terminologie, mais nous sommes convaincus que ça doit être changé.

J'ai aussi aimé votre commentaire sur le fait que le plan visant à définir les responsabilités des deux parents doit être établi avant qu'une décision soit prise par le tribunal. Nous devons rappeler aux parents qu'ils ont des responsabilités, même si la situation peut être vraiment explosive dans des circonstances comme celles-là. Ce plan parental pourrait être, comme vous le dites, à peu près obligatoire; il faudrait forcer les gens à se rencontrer et à déterminer qui sera responsable de quoi, pour assurer l'avenir des enfants. Quand on est obligé de se rencontrer et de faire des plans, c'est comme quand on fait un budget; il faut prendre le temps de réfléchir. C'est une excellente suggestion.

Mme Deborah Merklinger: Merci.

La sénatrice Mabel DeWare: Vous dites qu'il pourrait y avoir un genre de plan type.

Mme Deborah Merklinger: Ce que je suggère...

Je dois vous dire que, quand j'ai été invitée la semaine dernière à venir témoigner, j'étais très enthousiaste. Et puis je me suis dit que je ferais mieux de réfléchir à ce que j'allais vous raconter. Je n'ai donc pas encore pensé à tous les détails, mais tout en commençant à m'énerver, hier soir, je me suis mise à réfléchir à la question. Mais je vous répète que ce n'est encore qu'une ébauche.

Ce que je propose, c'est que nous pourrions avoir une formule type qui couvrirait tous les domaines. Il y a certaines choses qui sont imprévisibles et qui sont propres à chaque famille, et il est certain que l'entente parentale serait différente d'un cas à l'autre. Nous savons tous que la famille Dupont ne vit pas nécessairement la même chose que la famille Durand. Mais nous savons aussi que, quand il y a des enfants en cause, il y a beaucoup de questions auxquelles toutes les familles doivent réfléchir. Elles pourraient être énoncées dans l'entente type.

L'important, c'est d'amener les gens à discuter, à réfléchir et à se parler des besoins de leurs enfants, et à s'éloigner de l'approche égocentrique, des luttes de pouvoir et des conflits potentiels qui déteignent sur tout le reste et qui distraient les parents à un moment où ils devraient plutôt se préoccuper des besoins de leurs enfants.

S'il y avait quelque chose pour orienter leur réflexion et leurs discussions, ça aiderait déjà beaucoup à mettre les gens sur la bonne voie dès le départ.

La sénatrice Mabel DeWare: Je suppose que, d'après votre expérience, la rupture n'a habituellement rien à voir avec les enfants. Elle est causée par autre chose.

Mme Deborah Merklinger: Je ne me souviens pas d'avoir déjà entendu un couple me dire: «Nous nous sommes séparés à cause de Pierrot.»

La sénatrice Mabel DeWare: En effet.

Je voudrais aussi poser une question à Mme Chisholm; c'est peut-être une question naïve, mais j'aimerais savoir ce que c'est qu'un maître spécial. Je n'avais jamais entendu ce terme avant.

Mme Barbara Chisholm: C'est un programme qui a été lancé aux États-Unis et en Australie et qui consiste à nommer un juge—un juge qualifié et expérimenté—à un poste spécial. Il s'agirait d'un nouveau type de nomination à la magistrature pour quelqu'un qui recevrait une formation spéciale et qui serait là expressément pour s'occuper des cas particulièrement difficiles, quand les gens reviennent sans cesse devant les tribunaux, qu'ils congédient leur avocat parce qu'ils n'aiment pas ses avis et qu'ils en prennent un autre pour le congédier lui aussi par la suite.

Je me suis occupée récemment d'un cas où la mère avait déjà eu cinq avocats; elle en était à son sixième. Quand elle n'était pas satisfaite de ce que son avocat lui disait, elle en cherchait un autre. Sa position, c'est à peu près: «La réponse est non. Quelle était la question, déjà?» Elle est intraitable, et il est extrêmement difficile de travailler avec elle. C'est une des personnes avec qui j'ai employé la méthode Kissinger parce qu'elle est incapable de s'asseoir dans la même pièce que son ex-mari sans se mettre dans tous ses états. Nous avons réussi à en arriver à une entente détaillée sur l'endroit où les enfants devaient aller pendant le congé du printemps, et ce qu'ils devaient faire. Nous sommes maintenant en train de planifier les vacances d'été. Nous commençons à établir des plans pour certaines occasions spéciales.

• 1000

Il arrive que nous réussissions à faire quelque chose avec les gens comme ça, mais il y a des cas où je suis vraiment convaincue qu'il faut que quelqu'un impose son autorité. Il y a des gens qui ont besoin de ce que j'appellerais, faute d'un terme plus exact, un «tu dois le faire» parental. Dans les cas de ce genre, il faut mettre un point final à la discussion et dire aux gens qu'on ne veut plus les entendre et qu'ils n'ont plus qu'à faire ce qu'on leur demande.

Pour ces gens-là, il faut quelqu'un qui a une formation particulière et qui possède les compétences et l'autorité nécessaires pour donner des ordres; il peut alors s'occuper des cas qui encombrent les tribunaux, qui prennent énormément de temps et qui ne sont jamais réglés. Les choses ne font qu'empirer sans cesse, et on tourne en rond. C'est ce qu'on appelle un maître spécial.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup à nos témoins. Vos commentaires ont été très utiles. J'ai bien apprécié la précision de vos recommandations et je vous remercie d'être venues.

Les témoins du groupe suivant pourraient-ils s'avancer? Nous avons une journée très chargée, mais nous devons entendre tout ce que les gens ont à nous dire.

Bienvenue à nos audiences. Nous sommes heureux que vous soyez là.

Nous entendrons maintenant des représentantes de l'Assaulted Women's Helpline, Beth Bennet et Pauline Delahaye, de même que des représentantes de l'Ontario Association of Interval and Transition Houses, Eileen Morrow et Ruth Hislop, qui en est la vice- présidente. Renate Diorio et Ilene McGillis, du groupe Families against Deadbeats, sont également parmi nous.

Voulez-vous commencer, s'il vous plaît?

• 1005

Mme Beth Bennet (directrice de programme, Assaulted Women's Helpline): Je m'appelle Beth Bennet et je suis directrice de programme à l'Assaulted Women's Helpline.

Il s'agit d'un organisme de charité sans but lucratif qui dessert les femmes de Toronto depuis plus de 12 ans. Il est né d'un besoin exprimé par les refuges pour femmes battues et le centre de crise de Toronto, celui d'une ligne d'écoute téléphonique au service des femmes maltraitées ou agressées.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi, avant que vous commenciez, je pense que vous avez toutes été invitées à garder vos présentations aussi brèves que possible pour que nous ayons le temps de vous poser des questions.

Mme Beth Bennet: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Donc, si je vous fais signe après cinq minutes environ, c'est parce que vous prenez trop de temps.

Mme Beth Bennet: D'accord.

Nous offrons du counselling de crise et du soutien affectif. Nous défendons les femmes battues. Nous pouvons les servir en 140 langues grâce à un service d'interprétation de la compagnie AT&T. En 1997, notre organisme a reçu plus de 26 000 appels.

De nombreuses représentantes de divers organismes ont participé à la préparation de notre présentation et du mémoire qui doit suivre: Pauline Delahaye et Ruth Bockner, du Nellie's Shelter; Valerie Packota, du York Shelter for Women; Vivien Green, du Metro Woman Abuse Council; Marsha Sfeir, d'Education Wife Assault; Rosalinda Tijam et Lee Gold, de l'Assaulted Women's Helpline; Kathryn Penwill, du Centre des femmes Oasis; et Karen Engel, du City of York Child and Family Centre.

Tous les gens qui, comme nous, travaillent auprès des femmes battues constatent que les problèmes liés à la garde des enfants et au droit de visite représentent un des principaux obstacles que doivent surmonter les femmes désireuses d'échapper à un partenaire violent. Voici quelques observations à ce sujet.

C'est à cause des questions de garde et de visite, telles qu'elles sont définies par la loi et interprétées par les tribunaux, que les femmes se sentent obligées de demeurer avec un conjoint violent, puisque les deux menaces qu'une femme battue entend le plus souvent de la part de son partenaire, c'est qu'elle n'aura jamais les enfants si elle s'en va, ou qu'il va la tuer si elle le quitte.

Ce sont les droits de visite accordés par les tribunaux qui permettent aux hommes de trouver leur ex-conjointe et de la tuer après son départ. Et de tuer les enfants également.

Ce sont les questions de garde et de visite qui empêchent les femmes battues de recommencer leur vie à l'abri de la violence.

Mais ce sont des questions que les juges ne comprennent pas bien dans un contexte de violence.

Ce sont les questions de garde et de visite qui permettent à des hommes violents de le rester, créant ainsi des modèles intergénérationnels de violence familiale. Les travaux de Peter Jaffe ont clairement démontré que les effets étaient les mêmes sur les enfants qui étaient témoins d'actes violents que sur ceux qui les subissaient eux-mêmes.

Les tribunaux n'ont jamais tenu compte de la conduite passée des hommes violents sauf s'ils jugeaient cela pertinent à leur capacité de jouer leur rôle de parent. Il faut inverser le fardeau de la preuve de manière à ce que les pères violents soient tenus de prouver qu'il est dans le meilleur intérêt des enfants de leur accorder un droit de visite. Un homme qui bat sa femme est coupable en même temps d'agression envers ses enfants, et toute nouvelle loi relative à la garde des enfants et au droit de visite doit refléter cette réalité.

Pour les enfants, il est tout aussi dévastateur de voir leur mère se faire battre que de se faire battre eux-mêmes, et les conséquences de ces actes durent longtemps. C'est pourquoi les hommes qui battent leur partenaire ne devraient pas avoir le droit de continuer d'agresser leurs enfants de cette façon.

Toute nouvelle loi doit être rédigée de manière à tenir compte du fait que la violence conjugale est extrêmement répandue dans notre société et que les enfants qui voient leur mère se faire battre en gardent longtemps des séquelles.

Il faut remettre en question le principe selon lequel il est bon pour les enfants d'avoir des contacts aussi fréquents que possible avec leurs deux parents. Il s'agit d'un droit que les parents doivent mériter, en faisant la preuve qu'ils sont capables de s'occuper de leurs enfants et qu'ils n'ont jamais agressé leur conjoint ou de leur conjointe.

Le ton de votre mandat semble laisser entendre que les parents qui se séparent sont des gens intelligents, raisonnables et capables de régler leurs différends à l'amiable. Ce mandat semble également avoir été établi en fonction des couples anglophones blancs de classe moyenne.

L'étude la plus récente de Statistique Canada révèle que le quart des femmes ont déjà été victimes de violence de la part d'un partenaire conjugal actuel ou passé, et que la moitié de celles qui avaient déjà été mariées ont signalé des actes violents commis par un ancien conjoint. Ces femmes méritent la protection de la loi et des tribunaux. Et si nous ne protégeons pas leurs enfants, en accordant des droits de visite à des pères violents, nous risquons de voir se perpétuer la violence dont elles font l'objet.

À notre avis, le mandat du comité est trop étroit. C'est extrêmement dommage, étant donné tout particulièrement l'absence de définition des termes employés. Il faudrait définir clairement ce que vous entendez par une «approche centrée sur les enfants» et par «le meilleur intérêt des enfants».

Par ailleurs, nous estimons que l'adoption de politiques et de pratiques de droit mettant l'accent sur les responsabilités des deux parents est une question qui ne se pose même pas dans les cas de violence. Les responsabilités parentales conjointes, même quand il n'y a pas de violence, ne mènent pas nécessairement à un modèle d'éducation axé sur les enfants et ne sont donc pas toujours dans le meilleur intérêt des enfants.

• 1010

L'Assaulted Women's Helpline, en consultation avec d'autres organismes, aimerait présenter un certain nombre de recommandations.

Il faut établir une distinction entre le droit de visite et le versement d'une pension. Ce n'est pas la même chose.

Il faut définir le «principal dispensateur de soins» comme étant la personne qui supervise ou qui exécute les tâches liées à la vie quotidienne de l'enfant. C'est une chose de promettre d'accomplir ces tâches; c'en est une autre de les accomplir effectivement.

Il faut donner aux juges, aux avocats et aux travailleurs de l'aide à l'enfance une formation sur les répercussions de la violence contre les femmes, en particulier pour les enfants; il faut aussi assurer le suivi de cette formation. Cette responsabilité devrait être confiée à des organismes communautaires s'occupant de violence contre les femmes.

Il faut trouver et rendre accessibles des centres de visites supervisées administrés dans la même perspective que les refuges pour femmes battues.

Il faut rendre l'aide juridique aussi accessible aux femmes qu'aux hommes.

Nous voudrions également faire un commentaire sur les travaux du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. Si le gouvernement fédéral veut vraiment consulter la population, il doit financer un processus complet de consultations communautaires. Il est inacceptable qu'il modifie les dispositions législatives touchant la garde des enfants et le droit de visite sans consultations communautaires appropriées de grande envergure. Nous demandons donc la tenue de consultations générales en vue de la rédaction de mesures législatives qui tiennent compte de la réalité de la violence dans la vie des femmes et des enfants. Ces consultations sont de la plus haute importance.

Les hommes qui battent leur partenaire ne sont pas de bons parents. La violence continue après la séparation, et plus de femmes se font tuer après une séparation qu'avant.

Toute nouvelle loi doit être rédigée de manière à empêcher les hommes, qui ont généralement de meilleures ressources financières, de contourner la loi en embauchant des avocats pour retarder un règlement, ce qui épuise les femmes et les oblige à déclarer faillite.

Nous nous attendons à ce que vous accordiez à ces commentaires toute l'attention qu'ils méritent, de manière à ce que les enfants ne soient plus traités comme des marchandises et pour que le rôle de parent soit considéré comme une responsabilité que les pères méritent en traitant leur femme et leurs enfants sans violence.

Je voudrais également vous dire que l'Assaulted Women's Helpline et tous les organismes représentés lors de nos consultations communautaires appuient le mémoire soumis par l'Association nationale de la femme et du droit. Les recommandations contenues dans ce mémoire sont fondamentales et devraient être mises en oeuvre intégralement.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Nous allons passer au témoin suivant.

Mme Eileen Morrow (commissaire nationale, Ontario Association of Interval and Transition Houses): Merci beaucoup. Je m'appelle Eileen Morrow et je travaille pour l'Ontario Association of Interval and Transition Houses, l'OAITH, qui regroupe 60 membres dont la plupart sont des refuges de première ligne accueillant des femmes battues et leurs enfants en Ontario; c'est la plus importante association de centres de ce genre au Canada.

En tant que représentantes de refuges d'urgence de première ligne pour les femmes battues et leurs enfants, nous sommes très bien placées pour savoir ce qui se passe sur la ligne de front 24 heures sur 24, et pour connaître les préoccupations des femmes battues et de leurs enfants au sujet des questions de garde et de visite, de même que des autres questions de droit de la famille dont il ne sera sans doute pas question pendant vos audiences, mais que nous jugeons essentielles elles aussi pour la liberté des femmes et des enfants victimes de violence.

Quand on travaille sur la ligne de front, dans des refuges, on constate quotidiennement le fort pourcentage des conflits liés aux droits de garde et de visite qui sont marqués par la violence, que cette violence s'exerce directement contre les enfants ou qu'ils en soient témoins. Nous savons que les études statistiques ont démontré que les femmes et les enfants étaient souvent victimes de violence lorsque les modalités de garde et de visite étaient contestées devant les tribunaux. Nous savons aussi que la plupart des ruptures de mariage, et la plupart des questions de garde et de visite, se règlent sans intervention des tribunaux et que, dans les cas qui se retrouvent devant la cour, il y a très souvent de la violence contre les femmes.

Nous sommes d'avis que la violence contre les femmes est une question de droits à l'égalité et de droits de la personne. La sécurité des femmes et des enfants, de même que leur droit de vivre en sûreté en vertu de la Constitution du Canada et de la Charte des droits et libertés, sont menacés quand les tribunaux de la famille refusent de tenir compte des droits à l'égalité des femmes et des enfants quand ils rendent leurs décisions sur les questions de garde et de visite sans tenir compte du meilleur intérêt des enfants. Nous tenons à vous le signaler.

Nous invitons également le comité à noter que le gouvernement fédéral s'en engagé à analyser toute sa législation dans l'optique des droits à l'égalité prévus dans la Charte. Ces droits sont consacrés dans nos lois et dans notre Constitution, et il est du devoir du gouvernement du Canada de s'assurer que les droits des femmes et des enfants à la sécurité sont protégés. Ce n'est pas une question de choix, ni de discrétion. C'est le devoir de la cour.

• 1015

Je vais maintenant laisser quelques minutes à Ruth Hislop, qui va vous parler de son expérience auprès des enfants témoins de violence et des répercussions de la violence contre les femmes et les enfants.

Mme Ruth Hislop (vice-présidente, Ontario Association of Interval and Transition Houses): Merci de votre invitation. Je travaille en première ligne dans un des refuges du Grand Toronto et je me consacre à la cause des enfants depuis dix ans et demi; je m'estime donc bien placée pour vous faire part de certaines des préoccupations des enfants.

Un des principaux dilemmes, c'est qu'il y a souvent beaucoup de confusion dans la tête des enfants au sujet du rôle de leurs parents. Quand on cherche à savoir où est l'intérêt des enfants, je pense que nous devons vraiment prendre en considération le fait que les mères font souvent du renforcement à ce sujet-là.

En ce qui concerne les droits de visite du père, il arrive très souvent que les enfants ne sachent pas ce qu'ils veulent. Ils veulent parfois voir leur père, et le système judiciaire les y encourage. Le problème, souvent, dans ces cas-là, c'est qu'il n'y a pas de centres de visites supervisées offrant assez d'espace, d'une part pour accueillir les nombreux enfants qui ont besoin d'un endroit sûr pour rencontrer leur père, et d'autre part pour assurer la sécurité des mères pendant ces visites. Et il est certain, comme l'a mentionné Ellen, que les contacts avec le père pendant les visites aggravent souvent la violence.

Notre position est très claire. Dans l'idéal, nous préférerions qu'il n'y ait pas de droits de visite. Nous savons que, quand les enfants sont témoins d'actes de violence, c'est pour une raison précise; quand des hommes s'arrogent le droit de dégrader et de déshumaniser leur partenaire devant les enfants, et de menacer ainsi implicitement les enfants eux-mêmes, ils ont un but en tête. Et cette violence a clairement des conséquences autant pour les enfants que pour la mère.

Si on tient à ce que les enfants aient des contacts avec leur père, alors il faut s'assurer qu'il existe des centres de visites supervisées où on attache une importance primordiale à la sécurité. Le dilemme dans lequel se trouvent les enfants vis-à-vis d'un parent violent est très dur pour eux, émotivement. Un des éléments qui nous préoccupent tout particulièrement, c'est qu'il n'y a pas de centres où les enfants peuvent rencontrer leur père en toute sécurité, sans risque que la violence se poursuive après ces visites.

Mme Eileen Morrow: Je voudrais ajouter en terminant que nous appuyons les commentaires que l'Assaulted Women's Helpline vous a présentés aujourd'hui. Nous appuyons également le mémoire présenté par l'Association nationale de la femme et du droit, qui établit un cadre plus complet pour le droit de la famille dans l'intérêt de toutes les femmes du Canada.

Nous n'avons malheureusement pas le temps de vous faire une présentation plus complète, mais nous avons un mémoire à vous remettre.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Je tiens à vous assurer que, même si le temps que vous passez devant nous peut vous sembler trop court, vos mémoires écrits sont versés au compte rendu; et nous les lisons tous. Les séances comme celle-ci visent plutôt à permettre les échanges avec les membres du comité.

Madame Diorio.

Mme Renate Diorio (fondatrice, Families Against Deadbeats): Bonjour. Je m'appelle Renate Diorio. Je suis la fondatrice du groupe Families Against Deadbeats qui, comme son nom l'indique, regroupe des familles qui en ont assez des mauvais payeurs. Je profite de l'occasion pour vous donner notre définition de l'expression «mauvais payeurs».

Nous ne considérons pas un parent qui n'a pas la garde de ses enfants, mais qui paie pour subvenir à ses besoins et qui a le droit de leur rendre visite, comme un mauvais payeur. Nous voulons plutôt parler des gens qui ont clairement abusé de leur titre de parents et qui ne s'intéressent absolument pas à leurs enfants. C'est ce que nous appelons les «mauvais payeurs».

Permettez-moi de vous faire un bref historique. J'ai fondé le groupe FAD en mars 1993 parce que j'étais extrêmement frustrée de ne pas pouvoir obtenir de pension alimentaire quand mon mari est parti en me laissant toutes ses dettes, que je n'ai d'ailleurs pas encore fini de rembourser.

• 1020

J'ai bénéficié de l'aide juridique pendant quatre ans. À l'heure actuelle, mon dossier est entre les mains d'un avocat de l'aide juridique qui n'a absolument rien fait pour moi. Je suis en quelque sorte prisonnière du système et je ne peux même pas me payer un avocat.

Mon père, feu Heinz Paul, et moi avons cofondé FAD et fait des pressions sur le gouvernement provincial pour qu'il adopte des mesures plus sévères en vue d'aider les familles qui ne peuvent pas toucher leur pension alimentaire. Nous avons commencé par nous adresser à notre député provincial, Joe Spina, qui nous a beaucoup aidés et qui a soutenu nos membres depuis le tout début. Grâce à son assistance, nous avons pu rencontrer le Procureur général et son personnel pour leur présenter nos propositions de réforme législative. Notre groupe a largement contribué à l'adoption de la loi 82, la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l'exécution des arriérés d'aliments, mais nous estimons maintenant que nous devons poursuivre notre travail à un autre niveau.

La politique canadienne en matière de droit de la famille doit contenir des mesures plus efficaces pour faire en sorte que les besoins des enfants entrent en ligne de compte. Cette politique n'a jamais vraiment mis l'accent sur les enfants, laissant plutôt la préséance aux préoccupations des parents. La cellule familiale que les enfants connaissaient jusque-là change de fond en comble pendant une séparation et un divorce. Si nous pouvons réduire les effets négatifs de l'éclatement de leur famille, ces enfants auront un avenir meilleur.

Les parents doivent offrir un milieu positif à leurs enfants. Les décisions relatives à la garde, au droit de visite et à la pension alimentaire doivent être prises en fonction de la capacité des parents à assumer toute leur vie durant la responsabilité de l'éducation de leurs enfants. Les moyens choisis pour décider des questions de garde devraient être laissés à la discrétion des parents. Les options offertes actuellement ne fonctionnent pas. Elles sont limitées, entraînent des coûts prohibitifs et prennent énormément de temps, souvent des mois ou même des années, sans oublier qu'elles sont sources de stress et de confusion pour les enfants.

La médiation est la solution la plus simple. La majorité des questions de pension et de garde qui sont actuellement devant les tribunaux de la famille auraient pu se régler en quelques heures de médiation, pour quelques dollars, ce qui est minime comparativement aux honoraires des avocats. Mesdames et messieurs, nous savons tous que, dans les cas de ce genre, il y a nécessairement un gagnant et un perdant. Et nous savons aussi que le gagnant, c'est toujours l'avocat.

Quand ce sont les tribunaux de la famille qui doivent trancher, les questions de garde et de visite se règlent des années plus tard, après un certain nombre de jugements et un gaspillage éhonté de dizaines de milliers de dollars, ce qui entraîne inévitablement des affrontements. Grâce à la médiation, il est possible de conclure des ententes qui éliminent toute possibilité de falsification de l'information figurant dans les déclarations sous serment susceptibles d'être présentées plus tard aux tribunaux de la famille. En optant pour la médiation, les parents peuvent également avoir leur mot à dire sur les décisions relatives à la garde de leurs enfants, au droit de visite et à la pension alimentaire.

Nous admettons que la médiation ne permettra pas de résoudre les problèmes liés à un divorce ou à une séparation dans toutes les familles, mais elle contribuerait à alléger la charge de travail des tribunaux de la famille. Dans tous les cas de violence, d'abandon, d'hostilité ou de non-respect flagrant de l'entente obtenue par médiation, les modalités de la séparation ou du divorce devraient quand même être réglées par un tribunal.

Les parents doivent s'occuper en priorité des questions de garde, de visite et de pension alimentaire, séparément des questions liées à la séparation ou au divorce des deux adultes qu'ils sont. Ils ont la responsabilité de leurs enfants pendant toute leur vie, et ils doivent s'entendre pour s'occuper de leur éducation.

Le groupe FAD appuie sans réserve les commentaires qui vous ont été présentés aujourd'hui. Même si notre groupe se compose de plus de 250 parents seuls qui ne reçoivent pas de pension alimentaire, nous nous préoccupons aussi des importantes questions liées à la garde des enfants et à la nécessité de mesures cohérentes au sujet du droit de visite et du soutien aux familles, ce qui comprend non seulement le soutien financier, mais également le soutien affectif et spirituel.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci, madame la présidente.

J'ai bien l'impression qu'il n'y a personne dans cette salle qui n'éprouve aucune sympathie pour les gens qui sont censés recevoir une pension alimentaire conformément à une ordonnance du tribunal et qui ne la reçoivent pas. Le projet de loi C-41, déposé il y a tout juste un an, a vraiment aidé à redresser la situation. Si un parent qui n'a pas la garde des enfants ne paie pas sa pension, il peut non seulement être mis en prison... ce qui n'est vraiment pas la solution parce que, si vous mettez une personne en prison, que ce soit le père ou la mère, vous la privez de la possibilité de gagner sa vie et par conséquent de payer sa pension. Donc, la loi a été améliorée, de sorte qu'il est maintenant possible de retirer à cette personne son permis de conduire, son passeport ou un autre type de permis. Ce n'est que juste, et nous appuyons tous cette mesure.

• 1025

Mais n'êtes-vous pas d'accord pour dire—je sais bien quelle est votre histoire, mais je voudrais que vous soyez aussi honnête que possible avec nous, parce que vous avez entendu les témoins qui vous ont précédée—n'êtes-vous pas d'accord pour dire, donc, qu'il y a un revers à cette médaille?

Supposons que quelqu'un ne soit pas un mauvais payeur, comme vous le dites, parce qu'il verse sa pension alimentaire, mais que le parent qui a la garde des enfants—et c'est habituellement la mère—décide dans sa grande sagesse qu'elle ne veut pas que ses enfants voient leur père. Nous savons également que, selon la loi, une personne qui ne respecte pas l'ordonnance de la cour peut être emprisonnée, même si elle a la garde des enfants. Ça s'est déjà produit en Ontario, mais il a fallu que la personne refuse de respecter l'ordonnance à 22 reprises.

Ce que j'aimerais savoir, c'est s'il ne serait pas raisonnable, comme on le fait dans le cas du non-paiement de la pension, de retirer le permis de conduire ou le passeport du parent qui a la garde des enfants et qui refuse à l'autre parent le droit de les voir, même si ce parent paie sa pension, ou qu'on réserve au parent récalcitrant un autre traitement du même genre pour qu'il—ou elle, le plus souvent—sache à l'avance que c'est une possibilité. Je m'adresse aux représentantes des trois groupes.

Mme Renate Diorio: Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il devrait y avoir une punition sévère de ce côté-là également. Mais, dans notre groupe—puisque nous réunissons des gens qui ne reçoivent pas de pension alimentaire de leur ex-conjoint—, nous avons affaire à des parents qui ont le droit de voir leurs enfants et qui n'exercent pas ce droit, depuis dix ans dans certains cas. Nous admirons les gens qui veulent voir leurs enfants. Nous sommes toujours émus quand nous entendons parler d'un parent—ou d'un père—qui ne peut pas voir ses enfants alors que, dans notre cas, nous avons affaire à des pères qui ont tous les droits et qui peuvent voir leurs enfants n'importe quand, mais qui s'en désintéressent complètement.

Je suis d'accord pour dire qu'il devrait y avoir une peine prévue pour les gens qui refusent l'accès à leurs enfants. Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut répondre?

Mme Beth Bennet: Il faut tenir compte de certaines choses, et notamment du fait que la violence est souvent très difficile à prouver devant les tribunaux. Si la cour a accordé un droit de visite à un père qui a déjà été violent... Être violent, ce n'est pas seulement donner des coups de poing ou des taloches; c'est tourmenter quelqu'un mentalement, affectivement ou psychologiquement dans le but de contrôler son comportement. Donc, même si je suis d'accord, quand il est prouvé qu'il n'y a jamais eu de violence, pour qu'il y ait... Je n'aime pas parler de punition, mais il pourrait y avoir des mesures semblables à celles que prévoit le projet de loi C-41. Mais, encore une fois, il faut prendre en considération la possibilité qu'il y ait de la violence parce que c'est un facteur qui est encore mal compris.

Beaucoup de femmes se trouvent dans cette situation, et c'est peut-être pour cette raison-là qu'elles refusent de laisser le père voir les enfants ou qu'elles essaient de faire de l'obstruction d'une manière ou d'une autre—c'est pour la sécurité de leurs enfants et pour leur propre sécurité physique. Je pense qu'il faut en tenir compte.

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous admettrez aussi, et je suis certain que si vous aviez été ici tout à l'heure... D'ailleurs, je suis très étonné. Je savais que ce genre de chose existait, mais pas autant que les professionnels—qui ne viennent pas ici pour représenter les mères, les pères ou les enfants; ce sont des professionnels qui fondent leurs affirmations sur des statistiques—pas autant que les professionnels nous l'ont dit, à savoir que les accusations sont fausses dans la moitié des cas.

Ce que j'aimerais savoir—et ma question s'adresse à vous toutes, puisque vous travaillez avec ces gens-là—, c'est si vous constatez parfois dans votre travail que certaines personnes non seulement exagèrent, mais mentent carrément?

Mme Beth Bennet: Je dirais qu'elles sont tellement peu nombreuses qu'il ne vaut même pas la peine d'en discuter. À elle seule, notre ligne téléphonique...

Le sénateur Duncan Jessiman: Excusez-moi, j'aimerais que les choses soient claires pour le compte rendu. Vous dites que les professionnelles qui ont comparu devant nous il y a quelques minutes à peine et qui nous ont fourni...

Mme Beth Bennet: Il aurait fallu que je les entende, monsieur. Mais je ne les ai pas entendues. Je n'ai pas entendu leurs statistiques. Tout ce que je vous dis, c'est dans la perspective du travail que fait notre service téléphonique, et qui reflète probablement... À elle seule, notre ligne téléphonique reçoit plus de 26 000 appels par année, et nous répondons à peine au tiers de la demande.

• 1030

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, mais vous voulez parler de violence contre les femmes, pas de violence contre les enfants.

Mme Beth Bennet: La violence contre une femme qui...

Le sénateur Duncan Jessiman: Non, mais répondez! Ce n'est pas... Je suis ici pour obtenir de l'information, pas pour discuter avec vous.

Mme Beth Bennet: Je ne discute pas.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous demande si vous vous occupez seulement des femmes battues, ou également des enfants battus?

Mme Beth Bennet: Je n'accepte pas la distinction que vous essayez de faire, vous comprenez? Si une mère est agressée ou constamment rabaissée en présence de ses enfants, c'est aussi de la violence contre les enfants, monsieur. Il y a de nombreuses études qui montrent que ce genre de violence a des effets très sérieux sur les enfants. Donc, si vous essayez d'établir une distinction... À mon avis, c'est indissociable. Et je pense qu'Eileen Morrow et Ruth vous diraient la même chose.

J'ai entendu quelqu'un dans la salle parler de la violence contre les hommes. Je suis désolée, mais je ne suis pas ici pour parler de la violence contre les hommes. Je suis ici pour vous présenter le point de vue des femmes battues et les effets de la violence dont elles sont victimes sur leurs enfants. Vous devrez trouver un autre expert pour vous parler de l'autre question. Je ne suis pas ici pour ça.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Je pense que nous allons passer à la question suivante.

Paul Szabo.

M. Paul Szabo: Merci beaucoup de vos interventions.

J'ai passé cinq ans au conseil d'administration de notre refuge pour femmes battues, Interim Place, à Peel, et j'ai consacré beaucoup de temps à aider les gens là-bas à s'organiser et à planifier la construction d'un deuxième centre; je suis donc très conscient de la situation. Mais, en tant que législateurs, nous devons aussi nous assurer que la loi peut s'appliquer à tout le monde.

J'ai entendu des déclarations très péremptoires. D'abord: «Les partenaires violents n'ont pas le droit de voir leurs enfants.» Puis, les choses se sont précisées un peu plus: «Les hommes qui battent leur partenaire ne sont pas de bons parents et ne devraient pas avoir de droit de visite.»

Je voudrais demander aux porte-parole de l'OAITH et de l'Assaulted Women's Helpline si elles jugent effectivement qu'un conjoint qui agresse son ou sa partenaire n'est pas un bon parent et ne devrait pas avoir de droit de visite. Est-ce que vous admettez ce principe, qu'il s'applique à un homme ou à une femme?

Mme Beth Bennet: J'appuie ce principe. Si un enfant est victime de violence, que cette violence vienne d'un homme ou d'une femme, il demeure une victime. Ce sont les enfants qui ont la priorité. Encore là, je parle de mon domaine, celui des femmes battues. Donc, je suis d'accord.

Mme Eileen Morrow: Il est intéressant de constater que, quand on commence à parler de violence contre les femmes, la discussion dévie inévitablement sur la violence contre les hommes. Je pense que personne ici n'a affirmé que les hommes ne sont jamais victimes de violence.

Ce qui est intéressant, c'est que chaque fois que nous commençons à parler des femmes battues par leur conjoint et des conséquences de cette violence sur leurs enfants, puisque c'est notre domaine de compétence, on nous amène inévitablement à cette autre question. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais toute cette discussion a commencé par une question sur le droit de visite.

J'aimerais bien voir des études concluantes montrant que le refus de permettre les visites est un énorme problème. Pour les femmes avec qui nous travaillons, c'est exactement le contraire: souvent, ces femmes sont agressées pendant les visites, ou alors les pères n'exercent pas leur droit de visite et les enfants les attendent pour rien. Il arrive aussi que, quand les pères se présentent, ils exposent leurs enfants à des comportements violents—des comportements qui visent la mère, des messages confiés aux enfants pour qu'ils les transmettent à leur mère, par exemple «dis à ta mère que j'ai un fusil», ou autre chose du genre. Nous savons que des enfants se font tuer pendant des visites, et parfois aussi des femmes.

J'espère que pendant l'heure que nous allons passer devant vous pour vous présenter notre point de vue, vous allez vouloir entendre parler de ce que vivent les femmes auprès de qui nous travaillons, les femmes et les enfants que nous essayons de protéger, et que nous n'allons pas passer à la question de la violence contre les hommes. Si ce problème est vraiment aussi répandu que vous semblez le laisser entendre, j'espère que les gens qui travaillent dans ce domaine vous feront part de leur expérience et que vous pourrez faire quelque chose; j'espère aussi que ces gens vous citeront des faits précis et des études prouvant que c'est effectivement un problème.

• 1035

M. Paul Szabo: D'accord. Voici ma dernière question. Vous savez que certaines personnes tout à fait compétentes nous ont dit que les chiffres... mais il y a des divergences. Vous avez absolument raison de dire qu'il faudrait plus d'information à ce sujet-là. J'ai fait un peu de recherche et je pense que le chiffre qui a été mentionné, c'est-à-dire 50-50, est cité plus souvent dans les études américaines que dans les études canadiennes que j'ai vues. Mais, quand même... Je sais que vous voulez que nous parlions séparément de la violence contre les hommes, mais je pense qu'il est temps que nous commencions à comprendre que ce n'est pas seulement une question qui concerne les femmes; c'est un enjeu de société, et il faut s'y intéresser.

Ma question porte sur le droit de visite. Les tribunaux accordent la garde des enfants à la mère dans plus de 80 p. 100 des cas. En fait, bien des pères ne demandent même pas la garde parce que les coûts, par exemple, sont prohibitifs. Donc, je soupçonne...

Mme Eileen Morrow: Les femmes n'ont pas autant d'argent que les hommes, et pourtant elles demandent la garde des enfants; et je peux vous dire que les coûts sont absolument prohibitifs pour elles aussi.

M. Paul Szabo: ...qu'il y a un net déséquilibre en faveur de la mère...

Mme Eileen Morrow: Parce que les hommes ne demandent pas la garde.

M. Paul Szabo: Je comprends, mais nous sommes ici pour parler des problèmes, réels ou perçus...

Mme Eileen Morrow: Mais il faut également tenir compte du fait que, quand les hommes demandent la garde, ils l'obtiennent dans la moitié des cas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous prierais d'attendre la fin de la question.

M. Paul Szabo: Et la question du droit de visite est très importante. Ce que j'aimerais savoir, c'est si... Vous semblez dire que le droit de visite devrait être carrément supprimé dans certains cas, mais je me demande s'il y a un peu de place dans votre coeur pour un type quelconque de médiation, de counselling ou d'assistance aux couples qui ont des enfants et qui vivent ce genre de bouleversements dans leur vie familiale.

Mme Eileen Morrow: Il faut bien voir de quoi il est question ici. Il n'est pas question simplement d'un changement dans la situation familiale, mais d'une violence systématique et croissante envers des femmes et des enfants, d'une violence présente depuis le début de la relation, de la part d'une personne qui a décidé de dominer tout le monde et qui va le faire pour conserver son pouvoir et sa mainmise sur les autres.

Et c'est ça qui entraîne la rupture du mariage. Ce n'est pas le mariage qui engendre la violence; c'est la violence qui brise le mariage.

Je vous demande d'examiner ces situations de notre point de vue, en vous fiant à notre expérience. Est-ce que c'est dans l'intérêt des enfants d'apprendre cette violence et ce système de valeurs? Nous vous demandons d'assurer la sécurité de ces enfants, d'arrêter les hommes violents qui veulent tuer leurs enfants pour empêcher leur femme de les avoir.

Je vous le demande au nom des droits de la personne. Il ne s'agit pas de sonder mon coeur, mais plutôt de savoir si vous, vous avez à coeur, avec tout le pouvoir dont vous disposez pour prendre ce genre de décision, de protéger la vie de ces femmes et de ces enfants.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Je suis très heureuse d'entendre le point de vue des femmes. Il est différent des opinions entendues jusqu'à présent.

Le problème, je pense, c'est qu'on a eu tendance, jusqu'à maintenant, à faire des généralités alors qu'il s'agit souvent de cas particuliers.

On a souvent entendu dire que les femmes portaient de fausses accusations, qu'elles étaient aussi capables de violence que les hommes et qu'elles utilisaient l'aide juridique pour conduire les hommes à la faillite.

Je me demande comment vous faites pour prouver la violence quand vous allez en cour. Est-ce que la médiation, qu'elle soit obligatoire ou non, n'est pas préférable à la comparution en cour, alors que, de toute façon, la violence faite aux femmes et aux enfants est difficilement prouvable?

[Traduction]

Mme Eileen Morrow: Non, je ne crois pas que la médiation soit appropriée pour les femmes victimes de violence, parce que toute leur relation est fondée sur un déséquilibre des forces; or, tout bon médiateur vous dira qu'il est impossible de faire du bon travail quand il n'y a pas d'équilibre entre les forces en présence. Dans les cas de violence, c'est la nature même de la relation qui fait que les forces ne sont pas égales.

• 1040

Les conjoints violents ne négocient pas de bonne foi pendant une médiation; ils n'en sont pas capables. Aucun médiateur, aussi qualifié soit-il, n'a les compétences nécessaires pour lutter contre un déséquilibre qui dure depuis cinq ou dix ans et contre ses effets sur la victime.

Mme Ilene McGillis (Families Against Deadbeats): J'ai l'impression qu'il n'y a personne ici qui laisserait son propre enfant ou son petit-enfant monter en voiture avec quelqu'un qui aurait bu, s'approcher d'une personne qui aurait un fusil ou un couteau, jouer avec un camarade violent dans la cour d'école, ou se trouver avec un parent, un grand-parent ou qui que ce soit d'autre qui lui aurait déjà fait ou qui voudrait lui faire du mal. Mais c'est ce qui arrive aux enfants chez eux, matin, midi et soir, pendant les visites, et aussi pendant les fins de semaine qu'ils passent avec le parent chez qui ils ne vivent pas. Ça doit cesser, et tout de suite.

Ça a presque détruit mon fils, qui a fait trois tentatives de suicide après avoir vu son père. Il a aujourd'hui 17 ans, et il est vivant. Il ne veut plus jamais voir son père. Il a failli se faire tuer sur la 401; son père était ivre, il roulait à 140 kilomètres à l'heure avec un taux d'alcoolémie de 2,1. Il reconduisait mon fils à la maison après une visite. Donc, je vous dirais à tous de ne pas vous approcher de lui parce qu'il pourrait vous frapper. Ne vous en approchez pas parce qu'il pourrait vous tuer. Il faut le dire très clairement.

Les enfants n'ont aucun besoin de visites de ce genre. Il faut les protéger à tout prix. Je me fiche de l'autre parent. S'il risque de faire mal à mes enfants, je ne veux pas qu'ils le voient. S'il y avait quelqu'un parmi vous qui s'approchait de mes enfants et qui cherchait à les blesser mentalement, physiquement, spirituellement, sexuellement, financièrement—de quelque façon que ce soit—, je ne le laisserais pas faire.

Le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario a évalué la situation et a décrété que les enfants devaient voir le parent qui n'avait pas leur garde; même si la relation était mauvaise, même si la situation était dangereuse, ils devaient avoir des contacts avec lui. Les visites supervisées devaient faire l'affaire, paraît-il. Mon ex-conjoint est venu avec sa petite amie. Ils ont battu ma fille pendant une visite supervisée. Elle était blessée quand elle est rentrée à la maison. Ça a été la fin des visites supervisées. Je l'ai quitté la dernière fois qu'il a battu son fils.

C'est une situation très réelle, vraiment très réelle. Il faut que vous le sachiez. Les enfants ne devraient pas avoir à rencontrer des gens, que ce soient d'autres enfants, des membres de la famille élargie ou un de leurs parents, qui vont leur faire du tort d'une manière ou d'une autre. Ce qui compte, ce sont les enfants, les enfants, et toujours les enfants. Le fait que j'aime quelqu'un ou non n'a rien à voir. J'aurais beau être follement amoureuse de leur père, s'il fait mal à mes enfants, je suis désolée, mais il ne devrait plus jamais pouvoir les voir.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Je suis un peu nerveuse parce que je ne voudrais surtout pas provoquer d'affrontement.

Je voudrais d'abord m'adresser à Renate. Qu'est-ce qui s'est passé après l'adoption du projet de loi C-41 et la mise en place de la grille selon laquelle votre conjoint, qui n'a pas la garde des enfants, doit verser une certaine somme calculée en fonction de son salaire pour subvenir à vos besoins?

Mme Renate Diorio: Rien. Dans mon cas, après m'avoir laissé des dettes de 210 000 $, il a touché de l'aide sociale pendant trois ans. Je l'ai dénoncé. J'ai réussi à lui faire retirer ses prestations après trois essais. Bravo pour moi! Mais je ne recevais toujours pas d'argent. Il travaillait en dessous de la table tout en touchant de l'aide sociale, et je peux le prouver. En fait, il connaissait toutes les ficelles à tirer pour ne pas avoir à me payer.

Mes parents et moi avons cosigné un emprunt pour l'aider à payer ses dettes, mais nous ne pensions qu'il s'en irait tout simplement en me laissant deux enfants et tout cet argent à rembourser, pendant qu'il s'amusait avec toutes ses nouvelles petites amies.

Le projet de loi C-41 ne peut pas m'aider. C'est la raison pour laquelle j'ai un avocat de l'aide juridique, qui ne peut pas m'aider non plus. Je pense que mon certificat est échu, et je ne peux évidemment pas me payer un bon avocat en ce moment. Je fais partie du millier de femmes qui sont dans les limbes, sans aucun recours. J'essaie de tenir le coup tant bien que mal en espérant qu'un jour il voudra voir ses enfants, qui sont adolescents maintenant, et peut-être payer un petit quelque chose.

La sénatrice Mabel DeWare: Vous dites que vous représentez environ 300 personnes. Elles sont toutes membres de votre organisation?

Mme Renate Diorio: Oui.

• 1045

La sénatrice Mabel DeWare: Nous avons entendu parler très souvent des pères mauvais payeurs pendant nos audiences sur le projet de loi C-41.

Mme Renate Diorio: Oui, je sais. Comme je vous l'ai dit, les gens de notre groupe n'ont que du mépris pour eux. Ce sont des hommes qui refusent d'assumer la responsabilité des enfants qu'ils ont engendrés. Ils s'en vont, ne veulent pas les voir, ne veulent pas aider à subvenir à leurs besoins, ne veulent rien savoir d'eux. Pour nous, c'est ça, un mauvais payeur. Ce n'est pas quelqu'un qui a un arriéré de quelques dollars. Ce n'est pas du tout ça.

La sénatrice Mabel DeWare: C'est malheureux, parce que le projet de loi a justement été adopté pour aider les gens comme vous.

Vous trouvez peut-être que le comité s'attarde un peu trop longuement sur la question du droit de visite et vous vous demandez sans doute pourquoi. Si c'est le cas, je voudrais simplement vous dire que c'est parce que, pendant nos audiences sur le projet de loi C-41, un nombre incalculable de témoins nous ont parlé non pas des pensions alimentaires, même si c'était l'objet du projet de loi—les pensions alimentaires pour les femmes et les enfants—, mais bien des questions de garde et de visite. Nous devions nous excuser, et leur dire que ce n'était pas à l'ordre du jour et que nous examinions plutôt la question des pensions alimentaires pour enfants.

Mais, malheureusement pour les deux groupes qui sont ici, c'est le message que nous avons entendu constamment de la part des pères ou des parents membres de toutes les organisations possibles et impossibles qui s'intéressent à la situation des pères au Canada. Ils étaient extrêmement préoccupés. Et—soyons justes—il s'agissait dans bien des cas de pères qui payaient leur pension et qui étaient privés du droit de voir leurs enfants, pour toutes sortes de raisons. Vous avez peut-être vos raisons, mais ils ont les leurs.

Nous avons reçu des piles de lettres et de messages électroniques contenant de l'information bien fondée, et je dois dire malheureusement que la majeure partie de l'information que nous avons reçue pendant nos audiences sur ce projet de loi—je dirais 90 p. 100—venait d'hommes, de pères. Nous avons donc dit au ministre qu'il fallait régler ce problème. Si vous trouvez que nous avons un préjugé, c'est parce que notre comité a été mis sur pied en réponse aux pressions des pères.

Comme nous avons tous travaillé pour des maisons de transition—nous savons tous que la sénatrice Cohen en parraine une—, nous comprenons votre point de vue. J'aimerais savoir si vous pourriez nous fournir des statistiques au sujet du nombre de personnes concernées. Je n'aime pas parler de «nombre de meurtres», mais pourrions-nous aussi avoir des statistiques à ce sujet-là? Je l'apprécierais beaucoup.

Mme Renate Diorio: Notre mémoire sera prêt d'ici une semaine, et je peux vous fournir les statistiques sur lesquelles je pourrai mettre la main au sujet du nombre de femmes tuées par leur partenaire. Mais j'aimerais avoir une précision. Voulez-vous des statistiques sur le nombre de femmes victimes de violence, ou sur le nombre de femmes qui ont des enfants et qui sont victimes de violence?

Une voix: Quelle est la définition?

Mme Renate Diorio: Oui, parce que, si vous me le dites, je peux m'assurer que...

La sénatrice Mabel DeWare: Nous serions très contents de recevoir ces documents parce que ces chiffres sont très importants. Nous avons dit hier que nous devions voir l'autre côté de la médaille, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Mme Eileen Morrow: Si vous me le permettez, je voudrais attirer votre attention sur les données de Statistique Canada, tant les statistiques publiées dans Juristat au sujet des homicides commis par un conjoint que les résultats de l'enquête nationale sur la violence contre les femmes, qui a été effectuée par téléphone auprès de 12 000 ménages. On ne peut pas accuser les femmes d'avoir porté de fausses accusations dans ce cas-là parce qu'elles n'avaient aucun intérêt à raconter des histoires en répondant à un sondage anonyme.

Or, 29 p. 100 des femmes interrogées pendant cette enquête téléphonique ont déclaré avoir subi des actes de violence de la part de l'homme avec qui elles partageaient leur vie. Elles pouvaient être soit mariées, soit en union de fait, ce qui veut dire que ces chiffres n'incluent même pas la violence pendant les fréquentations. Dans 40 p. 100 des cas, les enfants avaient été témoins de cette violence, parfois extrêmement grave. Et si vous consultez Peter Jaffe, de la London Family Court Clinic, qui est une autorité reconnue en ce qui concerne les effets de la violence contre les femmes sur les enfants, vous constaterez que ses études démontrent que 80 p. 100 des enfants sont conscients de cette violence, tandis que 40 p. 100 seulement des parents pensent qu'ils le sont. Donc, en fait, les enfants sont exposés à beaucoup plus de violence que le croient leurs parents.

• 1050

J'attire votre attention sur les études effectuées par le gouvernement fédéral lui-même à ce sujet-là, de même que sur les études réalisées au sujet des femmes victimes d'homicide—les volumes 1 et 2—, dans lesquelles on cite des rapports de coroners et des rapports de police sur des cas où des femmes ont été assassinées par des hommes en Ontario.

Ces études ont révélé qu'en Ontario, 40 femmes en moyenne sont tuées chaque année par leur conjoint. Ce nombre a augmenté entre les deux volumes, alors que le nombre d'hommes assassinés par des femmes a diminué. En fait, les études sur les homicides indiquent que les femmes courent neuf fois plus de risques d'être tuées par leur conjoint que par un étranger.

Je crois que ces études se trouvent au centre d'information sur la violence familiale, à Ottawa, où il est facile de les consulter.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, sénatrice DeWare.

Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai remarqué que vous nous avez invités tout à l'heure à tenir compte des gens pour qui vous travaillez. Mais je viens de me rendre compte, quand la sénatrice DeWare vous a demandé des données précises, que vous ne nous avez fourni aucun chiffre à ce sujet.

Mme Eileen Morrow: Oh!

La sénatrice Anne Cools: Pourriez-vous nous dire exactement combien de gens vous desservez? Sur l'ensemble de votre clientèle—je ne parle pas tellement du groupe de Renate, parce que nous le savons déjà; je m'adresse surtout aux témoins assis au milieu—, j'aimerais savoir exactement combien de femmes vous avez accueillies dans vos refuges l'an dernier en Ontario. J'aimerais avoir un chiffre.

Mme Eileen Morrow: Nous n'avons pas fait de relevé l'an dernier parce que nous avons perdu notre subvention provinciale. La province ne nous verse plus rien pour le travail de ce genre, et nous avons perdu plus du tiers de notre budget.

La sénatrice Anne Cools: D'accord, l'année précédente alors, ou la dernière année pour laquelle vous avez des chiffres.

Mme Eileen Morrow: Ça remonte à 1995.

La sénatrice Anne Cools: Alors, pendant la dernière année pour laquelle vous avez des chiffres, combien de femmes avez-vous hébergées dans vos refuges?

Mme Eileen Morrow: Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais je pourrais certainement vous les faire parvenir quand je serai de retour au bureau.

La sénatrice Anne Cools: Mais vous avez une idée du nombre?

Mme Ruth Hislop: Je pourrais vous le dire pour un refuge en particulier. Est-ce que ça vous serait utile? Voulez-vous avoir un chiffre pour un refuge en particulier, pour ce qui est des femmes et des enfants qui ont été hébergés à...?

La sénatrice Anne Cools: Je veux savoir combien il y a eu de femmes, avec leurs enfants.

Mme Ruth Hislop: D'accord.

La sénatrice Anne Cools: Vous ne pouvez pas nous dire combien de femmes, ces dernières années...

Mme Ruth Hislop: Je peux vous le dire précisément en ce qui concerne le refuge où je travaille.

La sénatrice Anne Cools: Lequel est-ce?

Mme Ruth Hislop: Celui de North York.

La sénatrice Anne Cools: Eh bien, si c'est la meilleure information que vous ayez, d'accord. Combien de femmes votre refuge a-t-elle accueillies?

Mme Ruth Hislop: Nous avons accueilli 256 personnes en 1997; de ce nombre, 122 étaient des femmes et le reste étaient des enfants.

La sénatrice Anne Cools: Donc, il y a 122 femmes qui ont été hébergées chez vous, au total.

Mme Ruth Hislop: Oui.

La sénatrice Anne Cools: Sur ces 122 femmes, combien avaient été battues?

Mme Ruth Hislop: Les femmes viennent à notre refuge parce qu'elles cherchent à fuir un partenaire violent.

La sénatrice Anne Cools: Non, on m'avait dit que ces refuges accueillaient deux types de clientes.

Mme Ruth Hislop: Pas chez nous. Notre refuge a expressément pour mandat d'accueillir les femmes battues et leurs enfants.

La sénatrice Anne Cools: Très bien. Ces 122 femmes avaient donc toutes été battues. Vous n'avez pas accueilli de femmes qui cherchaient simplement une résidence temporaire.

Mme Ruth Hislop: Non.

La sénatrice Anne Cools: Vous n'aviez pas de femmes avec des enfants...

Mme Ruth Hislop: Non. J'ai déjà répondu à la question.

La sénatrice Anne Cools: Vous n'en aviez pas. Très bien, elles avaient toutes été battues.

Puisque nous parlons de divorce, j'aimerais savoir combien de ces 122 femmes étaient divorcées? Ce qui nous intéresse ici, ce sont les questions de garde et de visite, en plus du divorce.

Mme Ruth Hislop: Il pourrait bien s'agir de deux choses différentes.

La sénatrice Anne Cools: Non. Je peux formuler ma question autrement...

Mme Ruth Hislop: D'accord.

La sénatrice Anne Cools: ...mais je voudrais savoir quel est le pourcentage des clientes de vos refuges qui ont vécu un divorce, parce que le mandat du comité porte sur les questions de garde et de visite dans les cas de divorce.

Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui a des chiffres sur le nombre de femmes divorcées qui fréquentent vos refuges?

• 1055

Mme Beth Bennet: Je n'ai pas de chiffres précis, mais je me ferai un plaisir de vous en fournir.

La sénatrice Anne Cools: Je vous dirais que le meilleur moment pour fournir de l'information, c'est quand on y est invité, habituellement. Mais est-ce que quelqu'un peut me dire, dans ces refuges...? Je vous signale que c'est un sujet que je connais bien.

Mme Beth Bennet: Absolument.

La sénatrice Anne Cools: Sur le nombre de femmes battues qui sont hébergées dans vos refuges, combien sont divorcées ou en instance de divorce?

Mme Beth Bennet: Nous n'administrons pas un refuge, mais un service téléphonique de crise; je ne peux donc pas répondre à votre question. Mais je peux vous dire que 42 p. 100 des femmes victimes de violence qui ont appelé l'Assaulted Women's Helpline—je vous cite une statistique de 1996—avaient des enfants ou étaient enceintes au moment où elles ont téléphoné.

La sénatrice Anne Cools: Ce n'est pas ce que je veux savoir. Je veux parler des femmes qui sont battues, d'après ce que vous nous dites, et qui vivent un divorce.

Bon. Je vais devoir élargir ma question, dans ce cas, en dehors des gens que...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, vous avez dépassé vos cinq minutes, mais je vous laisse encore une question, rapidement.

La sénatrice Anne Cools: Paul vient de me laisser le temps qui lui était alloué.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mais il n'est pas sur ma liste.

La sénatrice Anne Cools: Sur le nombre des divorces prononcés au Canada, de façon générale, combien y a-t-il de cas où la femme avait été battue?

Mme Eileen Morrow: Je ne pense pas que nous ayons de statistiques à ce sujet-là, mais je peux vous dire que, d'après la dernière étude réalisée par la London Family Court Clinic au sujet des couples qui se sont présentés là-bas à cause de conflits entourant la garde des enfants, il y avait eu de la violence familiale dans 78 p. 100 des cas. Plus des deux tiers du temps, il y avait donc eu de la violence contre les femmes et les enfants, et il s'agissait de cas de divorce.

La sénatrice Anne Cools: Ce n'est pas ce que je vous demande. Ce que je veux savoir, c'est quelle est la fréquence de la violence dans les cas de divorce. Vous faites des déclarations très générales et, à mon avis, impossibles à prouver. Je continue.

Sur les 122 femmes que vous avez accueillies, puisque c'est le chiffre que nous avons pu obtenir—nous avons un mal de chien à obtenir des renseignements ici, tandis qu'on nous fait de grandes déclarations sur les femmes et les enfants qui sont menacés à la pointe du fusil ou du couteau—sur ces 122 femmes battues, donc, combien avaient été menacées, ou avaient vu leurs enfants menacés, par quelqu'un qui avait un couteau ou une arme à feu? Je veux une réponse.

Mme Ruth Hislop: Je crois, sénatrice Cools, que vous posez des questions auxquelles je ne peux pas répondre pour le moment. Mais il est question ici de la garde des enfants et du droit de visite...

La sénatrice Anne Cools: C'est en effet notre mandat.

Mme Ruth Hislop: ...et je peux vous parler du nombre d'enfants touchés, du bien-fondé des visites et des questions de sécurité qui se posent à cet égard. Avec votre expérience des maisons de transition, vous êtes sûrement au courant des difficultés que doivent surmonter ces femmes et ces enfants.

La sénatrice Anne Cools: Je connais la situation. Je vais vous dire pourquoi je vous demande...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, M. Forseth n'est pas sur ma liste et la sénatrice Cohen est la suivante. Alors, je vous prie d'en finir.

La sénatrice Anne Cools: Puis-je emprunter une partie de votre temps, sénatrice Cohen?

La sénatrice Erminie Cohen: Non. Je trouve la situation embarrassante. J'ai l'impression que nous sommes en train de créer des dissensions dans cette salle alors que nous sommes censés être ici pour parler des besoins des enfants. Mais on dirait plutôt que nous sommes en train de dresser les femmes les unes contre les autres.

Je suis très sensible à la situation des hommes qui sont ici, ceux qui sont venus jour après jour et qui veulent sincèrement avoir le droit de voir leurs enfants. C'est une question qui me touche beaucoup. Mais il faut tenir compte aussi de la violence contre les femmes. Il ne faut pas attaquer ces dames. Elles font leur travail, et nous n'avons pas le droit de créer ces dissensions.

Tout le monde ici se soucie du bien des enfants. Tout le monde veut qu'ils aient de bonnes relations. Et je crois qu'il y a des gens qui battent leurs enfants et qui les aiment quand même. C'est une maladie qu'il faut soigner. Il y a des cas. Et je crois que vous n'en arriverez pas à des conclusions concrètes en transformant la salle d'audience en zone de combat, ce que nous essayons justement d'éviter dans les familles.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Il nous reste trois minutes.

Madame Bennett.

• 1100

Mme Carolyn Bennett: Je m'inquiète aussi pour les gens qui rentrent chez eux après s'être présentés dans vos refuges... Je suppose que, d'un point de vue holistique, nous devrions pouvoir faire mieux au sujet des hommes violents, parce que les femmes finissent par se retrouver avec eux; nous devrions pouvoir faire mieux dans l'intérêt des enfants, pour qu'ils puissent assister à la guérison et à la transformation de ces hommes. Je pense en effet que nous commençons à comprendre un peu mieux que les gens violents sont souvent eux-mêmes des victimes de violence familiale; nous commençons à comprendre le caractère cyclique du problème.

Mais ce que je veux vraiment savoir, puisque nous entendons toutes sortes de points de vue différents, comme vous le savez... Nous entendons dire que la médiation ne peut pas fonctionner pour ces femmes à cause du déséquilibre des forces. Mme Chisholm, qui faisait partie du groupe précédent, disait qu'elle appliquait parfois avec succès la méthode Kissinger, c'est-à-dire qu'elle allait voir chacune des parties l'une après l'autre et qu'elle réussissait parfois à obtenir une entente qui permettait d'éviter les batailles devant les tribunaux, qui sont bel et bien des batailles en bonne et due forme et qui peuvent même être mortelles. S'il était possible de baisser le volume dans ce genre de situation et de demander à une personne extrêmement compétente d'aider ces gens à s'entendre, pensez-vous que, dans le continuum qui va de la conciliation à la médiation et aux mécanismes non judiciaires de règlement des conflits, il puisse y avoir des méthodes nouvelles qui seraient efficaces pour les femmes vivant des situations de ce genre, où les forces sont nettement déséquilibrées?

Une voix: Ou au moins pour certaines d'entre elles.

Mme Carolyn Bennett: Ou pour certaines d'entre elles?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous n'avons presque plus de temps.

Mme Eileen Morrow: Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par «certaines d'entre elles». En termes de médiation, c'est une question très délicate. Il faut savoir comment rééquilibrer les forces. Et comment le médiateur sait-il que l'équilibre est vraiment atteint et que la médiation n'est pas simplement un autre outil de manipulation et de domination? Il faut un médiateur très expérimenté, et beaucoup de travail.

Si je devais prendre une décision au sujet de la médiation dans les cas de violence, je dirais que nous n'avons pas assez d'information ni assez de garanties touchant la sécurité des femmes et des enfants pour suggérer le recours à la médiation dans les cas de ce genre. En fait, la plupart des médiateurs qualifiés refusent de s'occuper des cas de violence parce qu'ils jugent eux-mêmes que la médiation n'est pas appropriée dans ces circonstances.

Mme Carolyn Bennett: Ce que je veux dire, je suppose, c'est que quand les ressources diminuent, ces femmes n'ont pas beaucoup de succès devant les tribunaux non plus, et dans une audience de 45 minutes devant un juge...

Mme Eileen Morrow: Je ne pense pas qu'il soit approprié de remplacer un système public, qui est bien surveillé et qui repose sur une jurisprudence connue, par une médiation privée qui ne permettrait pas de garantir la sécurité des personnes en cause. La question des ressources devrait être secondaire. Nous avons le devoir de protéger ces gens-là. C'est notre premier devoir. Ensuite, et ensuite seulement, nous pourrons parler...

Mme Carolyn Bennett: Mais si nous avions des ressources illimitées...

Mme Eileen Morrow: ...de médiation dans certaines situations. Mais je ne remplacerais pas les tribunaux. Je ne crois pas que nous soyons prêts à le faire. Je ne pense pas que la médiation présente suffisamment de garanties pour constituer une solution de rechange au système actuel. Il faut évidemment améliorer le droit de la famille; les choses ne vont pas nécessairement mieux de ce côté-là, mais c'est un système public, qui a des comptes à rendre et qui repose sur des précédents jurisprudentiels sur lesquels nous pouvons nous fonder pour bâtir un avenir plus juste pour toutes les familles.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Je suis désolée de bousculer tout le monde, mais nous avons énormément de gens à entendre et nous devons respecter notre horaire. Merci de votre excellente présentation.

J'invite maintenant les témoins suivants à s'installer, s'il vous plaît.

• 1104




• 1111

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bienvenue aux membres de ce nouveau groupe de discussion. Nous avons avec nous Mme Elaine Paterson, qui est la commissaire nationale des Guides du Canada, et Mme Margaret Treloar, qui en est la présidente élue. Nous entendrons également M. John Vander Kooij, du conseil scolaire de la région de York.

Vous avez 40 minutes à vous diviser entre les deux groupes parce que nous devons encore entendre un autre témoin avant le déjeuner.

Voulez-vous commencer?

Mme Elaine Paterson (commissaire nationale, Guides du Canada): Merci. Je remercie le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants de nous avoir invitées à comparaître dans le cadre de cet important processus de consultation.

Permettez-moi tout d'abord de vous donner quelques renseignements au sujet des Guides du Canada. Il s'agit de la plus grande organisation de filles et de femmes au Canada; elle compte 200 000 jeunes membres et plus de 40 000 bénévoles adultes. Nous sommes affiliées à l'Association mondiale des guides et des éclaireuses, ce qui fait du Canada un des 136 pays membres de ce mouvement mondial qui compte 10 millions de membres à travers la planète. Au Canada, nous offrons des programmes pour les filles de 5 à 18 ans, et nous avons des sections dans toutes les provinces et tous les territoires.

Nous offrons des programmes d'éducation et de loisirs aux jeunes Canadiennes depuis 1910. Voici notre mission:

    Le mouvement des Guides du Canada est un mouvement pour les filles, dirigé par des femmes. Il enseigne aux filles à réaliser leur potentiel, et leur donne les outils nécessaires pour devenir des leaders et servir leur milieu comme citoyennes du monde conscientes de leurs responsabilités.

Nous suivons de très près l'évolution de la situation démographique en ce qui concerne les filles et les femmes. Dans la planification de nos programmes, nous tenons compte de la tendance à l'augmentation du nombre de familles monoparentales et d'enfants qui vivent l'éclatement de leur famille.

Mme Margaret Treloar (présidente élue, Guides du Canada): Les Guides du Canada appuient sans réserve votre initiative. Nous croyons, comme le dit votre mandat, qu'il faut adopter dans nos politiques et nos pratiques en matière de droit de la famille une approche qui soit centrée davantage sur les enfants et qui mette l'accent sur les responsabilités de chaque parent, de même que sur la signature d'ententes parentales fondées sur les besoins et le meilleur intérêt des enfants.

À cet égard, nous croyons que les enfants ont besoin de se sentir aimés et protégés. Ils ont besoin de sécurité, et de l'assurance que ce n'est pas leur faute si leurs parents divorcent. Ils ont besoin de savoir que leurs deux parents et les membres de leur famille élargie vont continuer à faire partie de leur vie. Ils doivent savoir aussi que leur point de vue et leurs souhaits ont été pris en considération lors de l'élaboration du plan d'action touchant l'avenir de leur famille. Ils ont besoin de se sentir autorisés à demander des changements à ce plan d'action sans avoir à se sentir coupables envers l'un ou l'autre de leurs parents, ou envers les autres membres de la famille.

Les enfants devraient avoir un mot à dire au sujet des questions de garde et de visite. Pas nécessairement le dernier mot, mais leurs désirs doivent être pris en considération. Dans tous les cas, ces désirs doivent demeurer absolument confidentiels afin de protéger les enfants, émotivement et physiquement. Les enfants doivent avoir accès en permanence à une tierce partie neutre avec qui ils peuvent négocier des changements aux horaires, discuter des problèmes qui surviennent et parler au besoin des pressions qu'un de leurs parents peut exercer sur eux.

À notre avis, il faut tenir compte également des droits de la famille élargie et du rôle qu'elle joue dans la vie des enfants. Par ailleurs, il y a de nombreuses normes culturelles au sujet de la place et de la valeur des enfants dans chaque société. Ces normes peuvent influer sur la façon dont les décisions sont prises, et elles doivent entrer elles aussi en ligne de compte. Nous devons reconnaître que ces situations sont toujours pénibles pour toutes les parties, les parents comme les enfants, et qu'il est difficile de prendre de bonnes décisions qui soient justes pour tout le monde. Il est extrêmement important que les enfants n'en sortent pas perdants.

Mme Elaine Paterson: Il est rare que notre organisation choisisse de se porter à la défense d'un groupe quelconque. Mais, à notre avis, la question que vous devez étudier se rattache à la santé, à la sécurité et au bien-être affectif de nombreux jeunes Canadiens, et c'est pourquoi nous avons jugé utile d'intervenir.

• 1115

Les Guides du Canada ont une vaste expérience des questions touchant les filles et les femmes parce que nous sommes nombreuses et que notre organisation a une longue histoire. Notre programme est toujours axé sur les besoins des petites filles. Dès l'âge de cinq ans, nous leur enseignons à prendre des décisions éclairées et à faire des choix raisonnés. Nous sommes convaincues qu'elles sont capables d'avoir aussi leur mot à dire dans les décisions difficiles que les familles doivent prendre dans les situations de ce genre.

Nous nous ferons un plaisir de vous donner d'autres exemples des conséquences des questions de garde et de visite sur notre travail auprès des Guides, si vous décidez de nous poser des questions à ce sujet-là. Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Monsieur Vander Kooij.

M. John Vander Kooij (coordonnateur de l'enseignement coopératif, conseil scolaire de la région de York): Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité. Ma présentation s'inspire surtout de ce que j'ai vécu personnellement et de ce qu'ont vécu d'autres personnes que je connais; elle porte également sur certains des changements que je recommande pour améliorer le sort des enfants.

Une des suggestions que je fais dans mon mémoire, c'est qu'il y ait une médiation obligatoire confiée à des agents parajuridiques spécialisés dans le droit de la famille. L'un ou l'autre des parents pourrait mettre le processus en branle, ce qui obligerait l'autre parent à y participer bon gré, mal gré. Si j'ai fait cette suggestion, c'est parce que le système judiciaire est avant tout fondé sur l'affrontement. Les seuls qui y gagnent, ce sont habituellement les avocats, sur le plan financier. Quand tout est terminé, la plupart des gens sont incapables de communiquer rationnellement entre eux, et la bataille n'en finit pas là.

Le médiateur choisi doit demeurer le même jusqu'à la fin. Les gens mentent s'ils pensent pouvoir s'en sauver. Dans bien des cas, ils finissent par se faire attraper, mais il est souvent trop tard pour les enfants. Quand la même personne s'occupe du cas du début à la fin, elle est capable de dégager une tendance et elle peut facilement se rendre compte que les gens ne disent pas la vérité.

Quand les gens jugent qu'on leur a fait du tort, ils essaient souvent de se venger. C'est alors que les enfants peuvent facilement devenir des victimes. Ils entendent parfois des histoires horribles au sujet du parent qui n'a pas leur garde et ils finissent par croire qu'elles sont vraies. Dans ma carrière, j'entends souvent des élèves dire du mal d'un de leurs parents. Quand je leur pose des questions en privé à ce sujet-là, je constate habituellement qu'ils ne font que répéter ce qu'ils ont entendu.

Quand les enfants sont petits, ils sont très vulnérables et influençables. Le départ d'un de leurs parents est très traumatisant. Ils essaient alors de plaire à l'autre parent pour ne pas le perdre lui aussi.

C'est ce qui semble s'être produit le dernier été que j'ai passé avec mon fils Karl. Pendant les deux premières semaines, nous avons passé des vacances merveilleuses. Nous avons planifié nos deux semaines suivantes ensemble et nous avons même choisi un camping ensemble. Mais quand je suis allé le chercher, sa mère m'a dit qu'il devait rentrer à la maison une semaine plus tard, même si nous nous étions entendus sur deux semaines. J'ai dit à mon ex- femme que je ne le garderais pas contre sa volonté. Avant que Karl parte, elle lui a demandé de sortir de la voiture et lui a dit quelque chose à voix basse. Il a fait «oui» de la tête et est revenu pensivement vers la voiture. Elle l'a embrassé très fort et nous sommes partis.

Cette semaine-là, avant la fin du dernier jour, il m'a demandé quel jour on était. Je le lui ai dit, et il m'a répondu: «Papa, je veux rentrer à la maison demain.» Je lui ai demandé pourquoi, mais il n'a pas voulu me le dire. Il disait qu'il ne le savait pas. Pendant le trajet de retour, il était très silencieux. Nous n'avons plus jamais passé de vacances ensemble.

Le magazine Chatelaine a publié en avril 1998, à la page 30, un article sur les moyens d'aider les enfants à s'en sortir. D'après certaines études, ce sont les enfants de sept à onze ans qui sont les plus vulnérables à long terme en cas de divorce. Ils sont également les plus susceptibles de se placer au milieu du conflit. L'auteur parlait de la nécessité de les rassurer et de leur faire comprendre qu'ils peuvent aimer à la fois leur père et leur mère. Mes fils avaient respectivement sept et neuf ans quand on les a carrément détournés de moi.

Les lignes directrices gouvernementales devraient être très simples au sujet des revenus et de l'actif—c'est une tâche gigantesque, j'en ai bien peur. Des formules simples et faciles à comprendre ont plus de chances d'être jugées plus justes par tous les gens en cause.

L'actif devrait être bloqué et évalué par un groupe d'experts, et la capacité de payer une pension—de même que la pertinence de cette pension—devraient aussi être examinées, pour savoir qui devrait payer cette pension et à combien elle devrait s'élever. Il est humainement impossible d'obliger un parent à assurer à l'autre le même niveau de vie après le divorce, lorsque ses ressources sont limitées; ça ne fait qu'entraîner de nouvelles difficultés. Si un des conjoints a droit au même niveau de vie qu'avant, pourquoi pas l'autre? Est-ce que c'est juste pour les enfants? Encore une fois, ça montre un total mépris pour un des parents.

Il faudrait tenir compte également des changements de situation. Si le parent qui n'a pas la garde des enfants perd son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté ou s'il voit son revenu diminuer à la suite d'une restructuration de sa compagnie, la pension qu'il verse devrait être réduite. De même, si le parent qui a la garde est en mesure de travailler, ou s'il touche des revenus de location ou d'autres sources, tout ça devrait avoir une influence sur le montant de la pension. Les deux parents ne sont-ils pas responsables de l'éducation de leurs enfants, sur les plans financier, affectif et scolaire?

• 1120

En ce qui concerne la suggestion selon laquelle les modalités de garde devraient être établies avec l'aide de professionnels comme ceux du Bureau de l'avocat des enfants, même si ça n'a pas donné grand-chose dans mon cas, il me semble que c'était mieux que rien.

Il faudrait aussi prendre en considération la capacité d'assumer son rôle de parent. Un parent toxicomane ou alcoolique ne devrait pas avoir la garde des enfants si l'autre parent peut offrir un meilleur modèle de comportement. L'histoire de la mère et de son fils qui sont morts dans un incendie à Mississauga il y a quelques années en est un exemple. Il semble que la femme garde habituellement le domicile conjugal et qu'elle soit par conséquent indûment avantagée en ce qui concerne la garde des enfants, en supposant bien sûr qu'il y ait un domicile conjugal.

Au sujet du droit de visite, les visites supervisées devraient être autorisées dans les situations difficiles. Il est important d'examiner l'ensemble de la situation pour voir vraiment ce qui se passe. Si le comportement d'un enfant se met à changer graduellement et que l'enfant commence à s'éloigner d'un de ses parents, il est important de savoir pourquoi, surtout si les enfants avaient une très bonne relation avec ce parent avant le divorce et que tout à coup, pour une raison ou pour une autre, ils ne veulent plus avoir aucun contact avec le parent qui n'a pas leur garde. Dans mon cas, mes enfants se sont fait dire des choses terribles à mon sujet.

Le premier été, mon plus jeune fils, Michael, pleurait quand je devais le laisser chez le nouvel ami de sa mère. Quand j'ai pu faire intervenir le Bureau de l'avocat des enfants, tout semblait normal jusqu'à la dernière visite de la travailleuse sociale à mon appartement. Quand elle a été sur le point de partir, Michael a couru à la porte et lui a demandé de ne pas l'obliger à rester avec son père. Il a dit: «Je veux habiter avec ma mère.»

Je n'en revenais pas. Ce soir-là, Michael a pleuré en se couchant et a demandé à rentrer chez lui. J'ai réussi à joindre sa mère et elle est venue le chercher peu après minuit. C'est la dernière fois qu'il a essayé de passer la nuit chez moi. Il avait sept ans à l'époque.

Cet automne-là, il est venu deux fois avec son grand frère Karl. Il m'a dit qu'il voulait rester à coucher, mais qu'il avait peur. Il m'a demandé de déplacer les lits, ce que j'ai fait. Il m'a dit qu'il avait encore peur et qu'il était très triste parce qu'il voulait rester, mais qu'il n'osait pas passer la nuit chez moi. Il m'a demandé si je pouvais le ramener à la maison, et je l'ai fait.

Karl est resté jusqu'au lendemain soir. Nous nous sommes bien amusés avec la piste de course automobile que nous avions installée la veille. Les deux garçons m'ont demandé de ne pas la démonter parce qu'ils voulaient jouer encore la prochaine fois. Mais ils ne sont jamais revenus.

C'était le 12 novembre 1994. Je suis allé chez eux toutes les deux semaines pendant un an et demi avant de leur écrire pour leur dire que je ne pouvais plus y aller. J'avais découvert en mai 1997, par une élève de mon école qui gardait les garçons à l'occasion, qu'elle n'allait plus chez eux à cause de tout le mal que leur mère disait de moi. Elle n'avait pas su comment me mettre au courant plus tôt.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je suis désolée, mais ce sont surtout vos recommandations qui nous intéressent.

M. John Vander Kooij: D'accord.

Le droit de visite et le versement de la pension devraient être étroitement liés. Un parent qui ligue ses enfants contre l'autre devrait perdre ses droits de garde et de visite, sauf pour des visites supervisées. J'ai essayé d'obtenir des visites supervisées, mais je n'ai pas pu parce que l'ordonnance du tribunal indiquait que j'avais un droit de visite, même si je ne pouvais pas l'exercer parce que ma femme avait réussi à retourner les enfants contre moi. J'ai même offert de payer pour des visites supervisées, mais je n'ai pas pu en obtenir.

Je considère qu'il ne faut jamais nier à un enfant le droit d'aimer ses deux parents et leurs familles respectives, et d'être aimé par eux. Mes fils ont perdu 25 cousins et 16 oncles et tantes dans cette affaire.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Nous pensions que notre séance d'aujourd'hui porterait surtout sur la façon de permettre aux enfants d'avoir voix au chapitre d'une manière ou d'une autre, et que vous nous présenteriez certaines recommandations à cet égard. J'avais espéré que les questions porteraient là-dessus.

Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Je voudrais d'abord mentionner aux représentantes des Guides que je me suis moi-même occupée des Guides au Nouveau-Brunswick et que j'ai une fille et une belle- fille qui occupent aujourd'hui des postes de direction dans l'organisation provinciale; je connais donc très bien le travail que font vos bénévoles. Elles donnent beaucoup de leur temps et sont très dévouées pour les filles.

Vous nous avez dit que vous pourriez nous fournir de l'information sur les effets des problèmes de garde et de visite sur certaines des filles dont vous vous êtes occupées. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet-là, s'il vous plaît.

Mme Eileen Paterson: Merci. Nous n'avons que des renseignements anecdotiques à vous fournir parce que, pour être franche, nous avons entendu parler de l'audience la semaine dernière seulement. Nous avons profité d'une séance de formation en fin de semaine dernière pour nous entretenir avec quelques parents au sujet de leurs filles et des filles qu'ils dirigent. Nous avons parlé notamment des visites du parent qui n'a pas la garde des enfants et des effets de ces visites sur les filles et sur la poursuite de leurs activités avec les Guides.

Nous avons entendu parler de petites filles qui doivent faire partie de deux troupes parce que leur mère veut qu'elles aillent à un endroit et que leur père veut les envoyer ailleurs, par exemple. C'est très dur pour les enfants.

Nous avons aussi à résoudre des questions juridiques au sujet de la possibilité, pour le parent qui n'a pas la garde, de venir chercher les enfants au camp, aux réunions et aux sorties; nous devons savoir si ce parent a le droit de voir les enfants ce jour- là, s'il peut venir à la visite des parents, et ainsi de suite.

• 1125

En ce qui a trait à nos activités internationales, un des exemples que je peux vous donner, c'est que le Mexique ne permet pas aux mineurs d'entrer au pays à moins d'avoir un formulaire signé par les deux parents. Le fait qu'un parent ait la garde plutôt qu'un autre n'a pas vraiment d'importance; si les deux parents sont vivants, ils doivent signer. Nous avons eu des problèmes à régler lors de certains de nos voyages à l'étranger...

La sénatrice Mabel DeWare: Vraiment?

Mme Eileen Paterson: ...pour empêcher des parents d'amener leurs enfants hors du pays.

La sénatrice Mabel DeWare: Il y a bien des choses auxquelles on ne pense pas!

Mme Eileen Paterson: Exactement. Les enfants sont tellement divisés. Pour les soirées parents-enfants, par exemple, qui doivent-ils inviter? Et comment leur autre parent se sent-il? La situation devient stressante, et nous constatons souvent des problèmes de comportement chez les filles à cause de ce genre de chose. Ça les affecte vraiment.

La sénatrice Mabel DeWare: Il est intéressant de vous l'entendre dire, parce que certains des documents que nous avons en main le démontrent. J'ai reçu une lettre d'un père qui n'a pas la garde des enfants et qui m'a dit que l'école ne voulait pas l'informer, même s'il l'avait demandé, de la tenue d'activités spéciales auxquelles il pourrait participer, ni même lui communiquer les notes de sa fille.

J'aimerais aussi mentionner à notre... Ce sera tout pour le moment; je vous reparlerai plus tard.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, sénatrice DeWare. Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venues nous rencontrer. J'ai quelques questions brèves, d'abord pour les dirigeantes des Guides.

Vous avez dit dans votre présentation que les enfants devaient pouvoir compter sur une tierce partie neutre à qui ils pourraient parler de changements dans les ententes de visite. Pensez-vous que les organisations comme la vôtre pourraient jouer ce rôle? Nous avons beaucoup entendu parler de médiation. Est-ce que les organisations bénévoles travaillant auprès des enfants pourraient assurer cette médiation? Est-ce que c'est un rôle que les Guides pourraient envisager? Connaissez-vous d'autres organisations qui y songent?

Mme Margaret Treloar: On nous a déjà dit que nous assumions effectivement ce rôle, que nous l'ayons décidé consciemment ou non. Au niveau national, où nous nous occupons de l'élaboration de programmes pour les filles et de cours de formation au leadership pour les adultes qui participent à nos activités, nos dirigeantes sont de plus en plus souvent appelées à assurer ce genre de médiation.

En fait, nous avons inclus dans notre formation des conseils aux cheftaines sur la façon de faire face aux situations de ce genre, et en particulier d'obtenir l'aide de professionnels, parce que nous ne sommes certainement pas qualifiées pour jouer un rôle officiel de médiation. Mais comme nous l'avons vu, nous devons souvent agir en dehors du cadre officiel. Nous devons prendre des décisions au jour le jour en fonction des situations que vivent les enfants dont nous nous occupons, de même que leurs parents.

Donc, je pense que nous jouons effectivement un rôle et que nous pourrions peut-être en jouer d'autres aussi.

Nous avons connu des cas où des enfants ont été envoyés au camp pour deux semaines—ce qui est une expérience merveilleuse et très positive quand on est chez les Guides—et où, au moment du retour à la maison, il n'y a qu'un seul parent qui est venu les chercher et qui leur a dit: «Papa est parti pendant ton absence.» C'est une chose horrible à faire à un enfant. Et nos cheftaines doivent ensuite ramasser les pots cassés. Comme je vous l'ai déjà dit, nos bénévoles font de leur mieux. Certaines ont une formation en travail social, mais beaucoup n'en ont pas.

M. Peter Mancini: J'ai deux questions à poser, brièvement. La première porte sur la formation. Je pratique le droit de la famille depuis un certain temps et je sais qu'une des choses les plus difficiles à faire dans ces cas-là, c'est d'amener justement des gens comme les cheftaines guides à témoigner dans les causes de garde, ce qui n'est jamais agréable, surtout pour les témoins.

J'ai deux questions à ce sujet-là. Premièrement, quels sont les programmes offerts aux femmes qui travaillent auprès de ces enfants? Ce que j'aimerais savoir, je suppose, c'est si elles reçoivent une formation pour le cas où elles devraient témoigner. Est-ce qu'elles bénéficient d'une préparation quelconque? Vous avez peut-être déjà répondu en partie à ma question.

Deuxièmement, je déborde de votre domaine de compétence, mais savez-vous si les Scouts ou les autres organisations qui s'occupent des garçons ont des programmes semblables et une expérience similaire? En avez-vous déjà discuté avec eux?

Mme Eileen Paterson: Je suis certaine que leur expérience est très semblable à la nôtre. Les Scouts, tout comme les Guides, font de grands efforts pour former leurs chefs. Nous offrons maintenant un cours sur ce que nous avons appelé les «questions contemporaines». Il porte sur les questions qui touchent les jeunes filles des années 90, qui vont aborder bientôt un nouveau millénaire. Ce sont des choses comme l'image corporelle chez les filles, le sida/VIH et, bien sûr, les changements dans la famille et les situations de ce genre.

Nos cheftaines ont une formation sur ces questions. Ce sont toutes des bénévoles qui donnent de leur temps sans compter, et nous leur offrons une excellente formation avec les ressources que nous avons. Nous n'avons pas de formation expressément pour celles qui sont appelées à témoigner. Mais je suis au courant d'un cas—qui est actuellement devant les tribunaux en Colombie- Britannique, en fait—où deux de nos cheftaines ont été appelées à témoigner dans une cause relative à la garde des enfants.

• 1130

M. Peter Mancini: J'aimerais poser une petite question à l'autre témoin, si vous me le permettez.

Je comprends votre point de vue. Vous avez dit que les tribunaux ne devraient pas forcer—je pense avoir bien noté vos commentaires—un des parents à assurer à ses dépens le même niveau de vie à l'autre parce que ce n'est pas juste. Mais vous admettrez que, dans la pratique, quand il y un divorce—qu'il y ait eu auparavant un seul revenu pour soutenir la famille ou deux revenus versés dans la même cagnotte—, il faut bien se rendre compte qu'après une séparation ou un divorce, il y a maintenant deux maisons à entretenir, deux factures d'électricité à payer, deux paniers d'épicerie et des déplacements plus nombreux. Donc, en réalité, ce sont habituellement les deux parties qui s'appauvrissent. Il n'y a tout simplement plus autant d'argent à diviser, et il faut le diviser davantage.

M. John Vander Kooij: La question monétaire n'a pas vraiment posé de problème dans mon cas. Mais c'est un des points qu'il faudrait peut-être examiner, à mon avis.

Les situations de ce genre ont des conséquences importantes sur les deux conjoints. Je ne voudrais certainement pas que mes enfants soient obligés de se priver de ce qu'ils avaient avant.

M. Peter Mancini: C'est justement là que je voulais en venir. En définitive, il faut consacrer ces ressources aux enfants.

M. John Vander Kooij: Exactement. Je pense que vous auriez du mal à trouver parmi les parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants, qui ont le droit de les voir et qui ont de bons rapports avec eux, des gens qui ne veulent pas leur donner ce qu'il y a de mieux et leur permettre de garder tout ce qu'ils avaient avant.

M. Peter Mancini: Merci, madame la présidente.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Mabel DeWare): Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites que vous n'avez pas pu voir vos enfants depuis quatre ans?

M. John Vander Kooij: C'est exact.

Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous continué à verser votre pension?

M. John Vander Kooij: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Le tribunal vous avait-il accordé un droit de visite avant ces quatre ans?

M. John Vander Kooij: Le Bureau de l'avocat des enfants avait recommandé que les enfants reçoivent du counselling après ce que Michael avait fait lors de la dernière visite de la travailleuse sociale à mon appartement. À ce moment-là, j'étais en train de faire mes boîtes parce que je déménageais dans une maison.

La recommandation était que je voie Karl aussi souvent qu'avant, plus une soirée supplémentaire par semaine, et que Michael suive un counselling pour guérir de sa peur de passer la nuit chez moi, pour je ne sais quelle raison. Mais ça ne s'est jamais fait. Heureusement, un membre de ma parenté m'a offert de payer mes frais juridiques pour porter cette question devant les tribunaux puisque ça faisait partie de notre entente de divorce.

Malheureusement, la psychologue qui s'est occupée du cas, le Dr Telegdi, de Bradford, a décidé après environ neuf mois que ça ne marcherait pas parce que la mère des enfants devait constamment changer l'heure des rendez-vous; la psychologue ne les a donc jamais vus plus de... Je pense qu'elle les a vus trois ou quatre fois, à environ trois mois d'intervalle.

Elle a dit que c'était une perte de temps. Les enfants avaient déjà beaucoup changé; on leur avait monté la tête contre moi, et si j'avais essayé de les soustraire de force à la garde de leur mère et de les envoyer dans un foyer nourricier par ordre de la cour, je leur aurais fait plus de mal qu'en laissant tomber.

À partir de là, j'ai continué à leur rendre visite, ou du moins, j'ai essayé d'aller les chercher pendant environ un an et demi après leur dernière visite chez moi. J'ai continué jusqu'à ce que j'en sois littéralement rendu à les regarder rire de moi avec leur mère quand j'arrivais à la porte. Il y avait une porte à moustiquaire qui se verrouillait.

J'ai senti qu'il était tout à fait ridicule que je continue, mais je maintiens le contact avec eux; je leur envoie des cartes, des lettres et des bons-cadeaux pour leur anniversaire et les autres occasions spéciales.

Le sénateur Duncan Jessiman: Recevez-vous des réponses?

M. John Vander Kooij: Non.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous pourriez sûrement retourner les voir. Si ce que vous nous dites est vrai, vous pourriez probablement obtenir une ordonnance de la cour qui vous permettrait de les voir, non?

M. John Vander Kooij: J'en ai déjà parlé à un avocat. Il m'a affirmé que c'était perdu d'avance. Il m'a dit qu'il serait bien content de prendre mon argent, mais que mes chances d'obtenir quelque chose étaient à peu près nulles. Il m'a suggéré de laisser tomber et m'a dit qu'avec le temps, les enfants se rendraient compte que je ne suis pas méchant et finiraient par me revenir.

Le sénateur Duncan Jessiman: C'est triste. Merci.

Et maintenant, mesdames, vous avez dit que les deux parents et leurs familles respectives devraient s'occuper des enfants, autant avant qu'après le divorce.

Est-ce que cette affirmation repose sur vos lectures ou sur votre expérience? Dites-nous comment vous en êtes arrivées à cette conclusion. Je suis d'accord avec vous, mais j'aimerais savoir où les Guides ont pris ça. Dites-le-moi.

• 1135

Mme Margaret Treloar: De façon générale, c'est une opinion qui découle surtout de nos consultations avec certains adultes de notre organisation, et en particulier avec des travailleurs sociaux qui travaillent dans ce domaine. Ça semble conforme à ce que nos cheftaines constatent sur le terrain.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que la réponse serait la même? Vous avez suggéré quelque chose qui me semble—à moi du moins—assez nouveau, à savoir que les enfants devraient avoir leur mot à dire. Je suppose que ça se ferait avant qu'une ordonnance de garde soit rendue? C'est bien ce que vous voulez dire?

Mme Margaret Treloar: Tout à fait.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites aussi que ça devrait se passer à huis clos, séparément des parents. Vous suggérez que les enfants rencontrent le juge, le médiateur ou toute autre personne chargée de prendre la décision?

Mme Margaret Treloar: À mon avis, il devrait s'agir d'un médiateur plutôt que d'un juge, ce qui serait moins officiel.

Nous sommes convaincues que nos filles, dès l'âge de cinq ans, sont capables de prendre de très bonnes décisions. S'ils n'ont plus peur d'avoir l'air de ne plus aimer un de leurs parents, je pense que la plupart des enfants peuvent exprimer des idées très judicieuses sur leur propre vie. C'est un énorme changement dans leur existence.

Le sénateur Duncan Jessiman: Puisque votre organisation est une organisation mondiale, savez-vous si ce genre de chose existe ailleurs et comment ça fonctionne?

Mme Margaret Treloar: Je ne sais pas.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

En tant que présidente, je n'ai pas souvent la chance de poser des questions moi-même, mais j'aimerais le faire puisqu'il n'y a personne d'autre sur ma liste.

Je m'intéresse tout particulièrement au rôle des organisations bénévoles et des organisations au service de la jeunesse—pas seulement la vôtre, mais aussi le Y et toutes les autres. Est-ce qu'on vous fournit du matériel, comme par exemple la trousse «C'est l'enfant qui compte», qui a été produite il y a quelques années et qui portait sur les agressions sexuelles contre les enfants? Est-ce qu'il vous serait utile d'avoir quelque chose du même genre? Avez- vous du matériel portant sur les enfants et le divorce, et en particulier sur les droits de garde et de visite?

Mme Margaret Treloar: Je ne crois pas. À ma connaissance, nous n'en avons jamais eu. Les Guides ont participé à l'élaboration du programme «C'est l'enfant qui compte», que nous avons certainement beaucoup utilisé. Pour répondre à M. Mancini, nous nous en sommes servies pour la formation de nos cheftaines afin de les aider à détecter les agressions commises contre des enfants, sous quelque forme que ce soit. Je pense que tout le matériel qui pourrait être fourni aux organismes comme le nôtre ne pourrait qu'ajouter à notre formation, et nous en assurerions certainement la diffusion à grande échelle.

Nous pouvons vous offrir un extraordinaire réseau de diffusion parce que nous sommes présentes dans toutes les régions du Canada. Je pense que du matériel de ce genre serait très utile.

L'autre document très important dont nous nous sommes servies—et je sais que M. Gray y a contribué—portait sur la sélection des bénévoles, sur la sensibilisation à cet égard; nous l'avons diffusé lui aussi partout au pays. Donc, nous faisons ce genre de chose.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ça me donne une idée. Si nos recommandations débouchent en particulier sur la modification de la terminologie employée dans la Loi sur le divorce, il me semble qu'il serait utile d'expliquer de façon neutre aux enfants dont vous vous occupez ce que ça signifie d'être un parent, pour qu'ils sachent qu'il va y avoir de la prévention—c'est une question à laquelle je tiens beaucoup. Non seulement certaines des jeunes filles dont vous vous occupez souffrent peut-être elles-mêmes des conséquences de ce qui s'est passé, mais elles doivent être préparées à jouer leur rôle dans une relation quand elles seront plus vieilles. Est-ce que ce genre de matériel vous serait utile?

Mme Margaret Treloar: Il nous serait très utile. Il est certain qu'aux divers niveaux de notre programme, nous discutons de questions sociales avec nos Pathfinders et nos Guides des groupes plus âgés—celles qui ont de 12 à 18 ans. Je suis d'accord pour dire que nous devrions leur offrir du matériel neutre dans le cadre de notre programme d'éducation, mais ça pourrait aussi leur être utile plus tard. Ça fait partie de notre travail: nous leur montrons à être des citoyennes du monde conscientes de leurs responsabilités.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Mme Margaret Treloar: De rien.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): À moins que quelqu'un d'autre ait une question à poser, je vous remercie de votre comparution, mais il nous reste encore quelques minutes.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je voudrais poser une question précise, à laquelle j'aimerais des réponses très brèves.

• 1140

J'imagine que, rétrospectivement, quand vous vous êtes rendu compte que vous alliez vous séparer ou divorcer, vous vous êtes adressé à la cour supérieure plutôt qu'au tribunal provincial de la famille.

M. John Vander Kooij: En fait, ce n'est pas moi qui ai entamé les procédures. Quand nous nous sommes séparés, je suis allé vivre avec un membre de la famille et j'ai reçu des papiers à peu près trois mois plus tard. À ce moment-là, nous avions encore des comptes de banque conjoints, et mes chèques de paie continuaient d'être déposés dans un de ces comptes.

M. Paul Forseth: Et vous aviez une entente officieuse au sujet de votre droit de visite?

M. John Vander Kooij: Au début, les enfants avaient peur de moi parce que leur mère leur avait dit que j'étais malade et que j'avais dû aller quelque part pour me faire soigner. Quand j'essayais d'aller les chercher, ils ne voulaient rien savoir de moi. J'ai demandé du counselling pour eux, et leur mère y a consenti. Après une vingtaine de minutes de counselling, ils se sont retrouvés tous les deux assis sur mes genoux et ils avaient hâte de venir chez moi.

M. Paul Forseth: Donc, ce que vous nous dites aujourd'hui est sans doute exact. Le système judiciaire est un moyen bien brutal pour régler les questions d'aliénation parentale, qui ont des ramifications psychologiques profondes. Votre exemple montre bien qu'il faudrait, dès le départ, avoir accès à des services de médiation et à des mécanismes non judiciaires de règlement des différends, plutôt que d'être pris par surprise par des documents de la Cour suprême et de se retrouver tout à coup à devoir jouer le jeu des affidavits, se trouver un avocat et s'organiser devant la Cour suprême... En remontant au début de votre histoire, il me semble que nous pourrions en tirer des leçons et transposer ça en recommandations générales.

M. John Vander Kooij: J'avais l'impression que toute cette affaire était devenue une gigantesque bataille, que nous étions engagés dans une lutte à finir à laquelle je ne voulais pas participer. Il me semblait qu'il ne servait à rien de me battre et que personne ne pourrait y gagner. Les grands perdants, en définitive, ce sont mes enfants. Heureusement, comme je suis dans le domaine de l'éducation, je suis en contact avec leurs enseignants. En fait, je vais les voir jeudi après le départ des enfants. Je reçois leurs bulletins, je me tiens au courant de ce qu'ils font. Tous les deux, et surtout le plus jeune, sont devenus extrêmement violents à l'école. Le plus jeune a été mêlé à des bagarres avec des enfants plus âgés—beaucoup plus âgés—et il leur donne des raclées au nom de son grand frère parce qu'il n'est pas assez costaud.

M. Paul Forseth: Donc, en rétrospective, si on regarde ce qui s'est passé depuis le début, avez-vous des conseils à nous donner quant à ce qui aurait pu se passer autrement dès le départ s'il y avait eu d'autres services ou d'autres mécanismes à votre disposition?

M. John Vander Kooij: Dès que je me suis rendu compte que les enfants se faisaient monter la tête contre moi, il aurait fallu un mécanisme auquel j'aurais pu avoir recours pour exposer mon problème. J'ai téléphoné au Bureau de l'avocat des enfants et j'ai parlé à la personne chargée du counselling, qui nous avait d'ailleurs rencontrés, mon ex-femme, moi-même et les enfants, pour évaluer notre cas. Elle s'est contentée de s'excuser et m'a dit que je pouvais communiquer avec l'institut Clarke pour avoir de l'aide. Ce que j'ai fait. J'ai aussi exploré d'autres avenues, mais sans succès. Je n'avais aucun recours. Puis, lorsque les choses se sont vraiment gâtées, j'ai essayé d'obtenir des visites supervisées. Encore là, on me l'a refusé. J'ai offert de payer pour ces visites, mais j'ai essuyé encore un refus.

M. Paul Forseth: Un refus de qui?

M. John Vander Kooij: Du système. J'ai appelé les gens qui s'occupaient des visites supervisées à Simcoe et dans la région de York pour voir si mon ex-femme pouvait y amener les enfants. J'aurais pu les rencontrer là-bas, j'aurais pu les voir sous supervision...

M. Paul Forseth: Il s'agissait donc d'une organisation communautaire, qui n'a pas pu vous aider à ce moment-là.

M. John Vander Kooij: En fait, si je me rappelle bien, j'ai parlé à des gens de Vaughn. Je ne me suis jamais rendu personnellement à leur bureau. Tout ça s'est fait par téléphone.

M. Paul Forseth: Vous n'aviez pas d'ordonnance de la cour.

M. John Vander Kooij: Non. L'ordonnance de la cour stipule que j'ai un droit de visite.

M. Paul Forseth: Je n'ai pas d'autres questions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup de vos témoignages. Nous avons été contents de vous entendre tous les deux, même si vos perspectives étaient légèrement différentes.

Mme Elaine Paterson: Je voudrais vous laisser quelques exemplaires de l'énoncé de mission et de principes des Guides du Canada, en français et en anglais. Par ailleurs, si ça peut aider le comité dans ses travaux, nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes les autres questions que vous pourriez avoir.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Je vais maintenant demander à Saro Kumar-McKenna de s'avancer avec sa mère pour nous présenter son exposé.

• 1145

J'admire votre courage et j'espère que vous ne serez pas intimidées par tout ce processus qui peut paraître un peu protocolaire. Mais soyez rassurées, la plupart d'entre nous ne sommes pas des gens guindés et nous sommes à l'écoute de ce que vous avez à nous dire. Vous pouvez nous parler pendant quelques minutes et par la suite, si vous voulez bien, nous vous poserons quelques questions.

Mlle Saro Kumar-McKenna (témoigne à titre personnel): Très bien. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais demander à ma mère de commencer et par la suite, je ferai ma déclaration.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Est-ce que votre mère est Sheila Kumar-McKenna?

Mme Sheila Kumar-McKenna (témoigne à titre personnel): C'est exact. Bonjour. C'est ma fille unique Saro.

Je vais vous raconter un peu notre histoire. Je suis une immigrante et le Canada est le septième pays où j'ai vécu. J'espère, grâce à Dieu, que cette fois ce sera le bon.

[Français]

Je m'excuse de ne pas pouvoir m'adresser à vous en français ce matin, mais je vis à Toronto depuis bientôt 16 ans et j'ai presque oublié comment parler français.

[Traduction]

J'ai pensé que je devais m'excuser si je voulais être considérée comme une vraie Canadienne ce que, par la grâce de Dieu, je crois être.

Nous ne nous sommes pas très bien préparées en vue de notre comparution, mais nous sommes contentes d'être ici. Saro se souvenait d'avoir assisté à une causerie de la sénatrice Pearson à son école; cela nous a rassurées et il nous a été plus facile de venir témoigner aujourd'hui.

Depuis plusieurs années, nous sommes victimes de tracasseries judiciaires. Nous sommes confrontées à une terrible situation de pauvreté. Notre situation est si difficile que je ne peux même pas vous la décrire en quelques mots. J'ai l'impression de marcher sur un fil sans oser regarder en bas de peur d'être effrayée.

Il suffit de réfléchir à notre situation pour s'apercevoir qu'elle est absolument insoutenable. Il est impossible pour deux personnes de vivre au centre-ville de Toronto avec des revenus inférieurs à 10 000 $ par an. Notre existence n'est pas viable, et pourtant nous tenons le coup, un jour à la fois. Cela fait longtemps maintenant que nous vivons cette existence. Nous essayons de nous débrouiller comme nous pouvons et, grâce à Dieu, nous finissons par nous en sortir assez bien.

Pour ce qui est de moi, je ne peux vous citer aucune réalisation reconnue et prouvant que je suis un être humain accompli, mais je pense que vous me croirez sur parole si je vous dis que je me sens bien. Ses plus grands succès, notre famille les doit à ma fille qui a remporté deux fois le prix national des sciences et qui est championne de débat des écoles privées de Toronto. Elle a battu les garçons du Upper Canada College. Elle a participé à plusieurs conférences. Elle est extrêmement brillante et fait mentir les statistiques sur les enfants du divorce vivant dans la pauvreté.

Ce matin, je vous demande du fond du coeur, lorsque vous vous pencherez sur la législation concernant la garde et le droit de visite des enfants, d'éviter d'ajouter au fardeau de ceux qui font déjà plus que ce qui leur est humainement possible de faire. Je suis ici pour vous demander de ne pas imposer aveuglément une règle théorique, de ne pas appliquer une notion théorique d'équilibre. Je vous demande d'adopter une loi qui permette de tenir compte des situations pratiques, qui appuie ceux qui sont prêts à répondre aux besoins de leurs enfants et leur donne plus de pouvoirs.

• 1150

Je suis séparée depuis de nombreuses années, puisque Saro avait trois ans à l'époque et qu'elle a maintenant 15 ans. D'après ce que j'ai constaté, je crois que mon mari sait vraiment comment s'y prendre pour obtenir l'appui des spécialistes, des avocats et de toutes les personnes qu'il rencontre, afin de les convaincre qu'il veut vraiment jouer un rôle auprès de sa fille. Et pourtant, ce n'est absolument pas ce que Saro et moi constatons dans nos échanges avec lui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi—nous avons très peu de temps et nous aurons des questions à vous poser. Saro pourrait peut-être présenter tout de suite son exposé avant que nous passions aux questions.

Mlle Saro Kumar-McKenna: Merci. Je m'appelle Saro Kumar-McKenna et j'ai 15 ans. Je suis ici aujourd'hui pour vous raconter ce que ma mère et moi avons subi comme problèmes à cause de mon père, pratiquement depuis que je suis née. De plus, il nous semble que le système judiciaire est clairement manipulé contre nous.

Voici ce que les soeurs Dionne ont dit dans leur déclaration:

    Le dernier message que nous avons à transmettre s'adresse à tous les enfants. Nous leur disons:

    N'ayez jamais peur de dénoncer une injustice. N'ayez jamais peur de vous battre pour vos droits.

Je crois que cela résume bien ce que nous essayons de faire et ce que nous tentons de faire depuis aussi longtemps que je m'en souvienne.

Les enfants canadiens comme moi comptent beaucoup sur la sagesse des législateurs que vous êtes. Nous vous prions de ne pas adopter des lois qui rendent la vie plus difficile pour les parents qui s'efforcent de répondre aux besoins de leurs enfants, pour les parents qui sont capables de donner à leurs enfants de l'amour, de la joie et une vie heureuse malgré des conditions matérielles difficiles.

Nous vous demandons de ne pas adopter des lois qui obligent à croire sur parole un parent biologique qui prétend vouloir assumer ses responsabilités dans la vie de son enfant. En effet, malgré toutes les promesses qu'ils peuvent faire, ces parents ne sont pas toujours prêts à jouer un rôle aimant et positif dans la vie de leur enfant.

Je parle du fond du coeur et d'après ma propre expérience. Je suis la fille d'un homme qui s'est engagé indignement à être un bon père, qui, s'il était ici en ce moment, vous ferait une description absolument méconnaissable de la vie qu'il me fait mener. Il a toujours nié la réalité, il s'est toujours conduit avec moi comme s'il niait complètement ma propre expérience—c'est difficile de comprendre une telle situation quand on ne l'a pas vécue et d'essayer de résoudre les problèmes avec une personne qui refuse totalement dès le départ de reconnaître le bien-fondé de ce que vous dites, qui refuse encore et toujours ce que vous dites et ce que vous avez vécu.

Depuis le temps que cela dure... Lorsque j'allais passer une fin de semaine chez mon père, je revenais toujours complètement vidée. J'étais physiquement épuisée parce que mon rythme de sommeil avait été complètement perturbé. J'avais faim parce que mon alimentation aussi avait été complètement perturbée. Émotivement, j'étais extrêmement vidée. J'avais besoin que ma maman s'assoie avec moi pour me parler et me serrer dans ses bras, pour me dire que j'étais une bonne personne et une bonne fille.

• 1155

Tout cela a duré pendant de nombreuses années. Les lundis après une fin de semaine étaient terribles. J'étais incapable d'étudier avec tout mon potentiel, j'étais incapable d'agir avec tout mon potentiel habituel. Ça a duré de nombreuses années et même si j'ai essayé de faire comprendre à mon père ce que je ressentais, il m'a toujours répondu qu'il n'y avait aucun problème, alors j'ai décidé que ça ne pouvait plus durer. Je ne pouvais plus supporter de gaspiller ainsi ma vie.

À un moment donné, j'ai décidé de ne plus voir mon père, mais c'est alors que j'ai dû faire face à la réprobation de la société. Les gens me disent: «Mais pourquoi donc tu ne vois plus ton père?» Ils pensent que je suis vraiment une enfant ingrate parce que j'ai décidé qu'il était temps de cesser ce jeu destructeur. Les représentants du système judiciaire m'ont demandé des tas de fois d'expliquer mes sentiments. J'ai dû me justifier devant des spécialistes ou des avocats. De son côté, mon père n'a jamais eu à rendre compte de son comportement à mon égard, alors que cela aurait permis de comprendre justement pourquoi je réagissais de cette manière.

Les enfants savent très bien que si le professeur pose plusieurs fois la même question, c'est que la réponse qui lui a été donnée jusque-là n'était pas la bonne et qu'il en veut une autre. Les gens qui me posaient sans arrêt la même question, me demandant pourquoi je ne voulais plus voir mon père, auraient dû se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Au contraire, ils ont jugé que mon comportement était anormal.

Je souhaiterais, avant que l'on aborde l'étude des mesures à prendre sur ces questions, que l'on cherche à comprendre comment les enfants perçoivent ces messages, afin de souligner qu'il est très important que les enfants n'aient pas l'impression d'être mauvais. Il y a des gens qui ne savent pas ce que vivent les enfants et qui ont une connaissance au mieux superficielle de leur situation.

Je voulais vous parler de mon expérience personnelle et du lien qu'elle a avec le sujet que vous étudiez.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Est-ce que vous voulez bien répondre maintenant à quelques questions?

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci beaucoup à toutes les deux.

Dans votre témoignage, vous avez exposé vos situations personnelles, mais vous n'apportez aucun commentaire sur la situation générale.

J'aimerais connaître le point de vue de l'une ou l'autre d'entre vous sur les questions que nous avons examinées ici, à savoir l'abandon des obligations relatives à la garde et au droit de visite des enfants au profit d'approches axées sur l'enfant et prenant en compte l'intérêt de l'enfant. Je crois savoir ce que vous en pensez, mais vous pourriez peut-être me dire, dans vos propres termes, si vous avez une recommandation à formuler au comité au sujet de la formule qui devrait s'appliquer lorsque les deux parents cessent de s'aimer, mais que l'enfant continue d'avoir de l'affection pour eux ou qu'eux-mêmes continuent à aimer cet enfant. Que recommandez-vous au comité relativement à l'approche que nous devrions adopter au Canada au sujet de cette question très délicate?

Mme Sheila Kumar-McKenna: On a fait beaucoup pression sur moi pour que j'accepte la garde conjointe. Quand j'y repense maintenant, c'était vraiment grotesque, j'ai mis du temps à comprendre que la formule ne pouvait pas fonctionner. J'ai été trop bonne et j'en ai trop fait pour arranger le père de ma fille.

• 1200

Le système n'a absolument pas réussi à répondre adéquatement à nos besoins. Le système nous a imposé de séparer les questions financières de celle de la garde et des visites. Mais, nous sommes des êtres humains, nous ne pouvons pas séparer les choses de cette manière. Je ne peux pas traiter avec quelqu'un qui est à mon avis un agresseur, un voleur... Je ne peux pas le considérer comme une personne normale dans ma vie.

M. Paul Szabo: Très bien, pourriez-vous me donner quelques précisions? Je ne comprends pas exactement quel est le problème avec votre ex-mari. Je ne sais pas exactement quel est le comportement qui vous a incité à venir témoigner.

Est-ce qu'il refuse de vous payer une pension? Est-ce qu'il a une philosophie ou une attitude différente de la vôtre vis-à-vis de votre fille lorsqu'il est avec elle, s'il la voit encore? Quel est le problème? Quel est le problème que nous voulons examiner ici?

Mme Sheila Kumar-McKenna: J'ai passé de nombreuses années de ma vie à essayer de comprendre quel était le problème avec mon mari et c'est quelque chose qui n'est pas facile à expliquer.

Il était récalcitrant, immature, peu coopératif. Tout ce que je lui demandais de faire pour que la vie quotidienne fonctionne normalement, il l'interprétait comme des ordres. J'avais l'impression d'avoir affaire à un adolescent—rien à voir avec ma fille—mais un adolescent difficile qui prend le contre-pied de tout, qui m'obligeait à courir après lui pour lui donner les médicaments contre la toux que prenait ma fille et lui expliquer de quelle manière il fallait les lui administrer.

Il était incapable de discuter avec moi et pourtant, devant les spécialistes, il disait qu'il voulait la garde conjointe. En fait, il voulait avoir le contrôle et il voulait me laisser toutes les responsabilités de parent.

M. Paul Szabo: Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, Saro, vous aviez un commentaire à faire?

Mlle Saro Kumar-McKenna: À un moment donné, je me suis rendu compte, au sujet des visites, que c'était ma mère et moi qui faisions fonctionner cette formule. Et c'était nous qui ramassions les pots cassés le lendemain de la visite car, comme je l'ai expliqué, les lendemains de visite étaient terribles et je devais à nouveau faire le plein d'amour, de sommeil et de nourriture.

À un moment donné, nous avons compris que c'était un élément destructeur et perturbateur dans notre vie et que pourtant, c'est nous qui en avions tout le fardeau, tout ça pour protéger le droit de visite et parce qu'on s'imaginait que le mieux pour l'enfant c'est de garder des liens avec ses deux parents. Nous rendions possible une situation qui était sans issue et qui était nocive pour moi.

Nous avons fini par réaliser que nous ne pouvions pas continuer de cette façon. Lorsque j'ai cessé de rendre visite à mon père, j'ai ressenti un énorme soulagement. Je pouvais enfin mener une vie harmonieuse, sans distraction et perturbation émotive. À partir de ce moment-là, ma vie a vraiment changé.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Le sénateur Jessiman et M. Mancini. J'ai bien peur que ce soit tout le temps que nous ayons. M. Forseth voudrait également poser une petite question.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai quelques questions pour la mère.

Si je comprends bien, vous êtes séparée depuis 12 ans.

Mme Sheila Kumar-McKenna: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Êtes-vous divorcée?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Non.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous n'êtes pas divorcée. Est-ce que votre mari vous verse une pension alimentaire?

Mme Sheila Kumar-McKenna: C'est très difficile à dire.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce qu'il y a un accord de séparation ou une ordonnance?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Il y a une ordonnance qui l'oblige à verser une pension, mais il a un énorme retard.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que ces versements vous sont destinés? Parlons d'abord de vous. Est-ce qu'il vous verse une pension alimentaire pour vous-même, à part la pension qu'il doit verser à votre fille?

• 1205

Mme Sheila Kumar-McKenna: Il était tenu de payer une pension alimentaire, mais il ne m'a rien versé depuis 1989.

Le sénateur Duncan Jessiman: Par conséquent, il fait actuellement l'objet d'une ordonnance qui l'oblige à vous payer un certain montant tous les mois...

Mme Sheila Kumar-McKenna: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: ...et il n'a rien payé depuis neuf ans?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Pas exactement. Il a payé l'hypothèque de la maison parce qu'il voulait protéger son investissement.

Le sénateur Duncan Jessiman: Alors, est-ce qu'il est en retard ou pas?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Oui, parce que le montant de l'hypothèque est bien inférieur à celui qu'il devait payer.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. À part cela, il doit également verser une pension à votre fille...

Mme Sheila Kumar-McKenna: J'aimerais ajouter également qu'il est maintenant sous la tutelle du Bureau des gardes et fiducies de l'Ontario, bureau qui s'occupait également des soeurs Dionne. Il a eu une maladie grave et depuis, il relève de ce bureau qui a fait certains des versements pour lui. Mais les montants versés étaient inférieurs aux montants précisés dans l'ordonnance initiale et les arriérés n'ont pas été payés.

Le sénateur Duncan Jessiman: Parce qu'il était atteint d'une maladie grave n'est-ce pas?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ce n'est pas de sa faute s'il est atteint d'une maladie grave, n'est-ce pas?

Et la pension de l'enfant?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Ce que je vous ai dit couvre les deux catégories de paiement.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois. Est-ce qu'il a agressé physiquement votre fille?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Non, pas au sens que l'on donne habituellement à cette expression, mais il lui est arrivé d'aller trop loin.

Le sénateur Duncan Jessiman: Depuis combien de temps ces visites ont-elles cessé?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Cela fait trois ans que les visites ont cessé. Ma fille le voit, mais elle ne lui rend pas vraiment visite.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que cela correspond à un jugement de la cour ou est-ce que c'est juste arrivé comme cela?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Cela s'est passé de manière tout à fait spontanée. Il n'y avait absolument rien de planifié. C'est arrivé un jour, de manière tout à fait spontanée. Nous étions incapables de continuer à nous battre. Nous avions perdu la partie. Nous étions incapables de supporter la situation. Un jour, les visites ont tout simplement cessé.

Le sénateur Duncan Jessiman: Une dernière question: est-ce que vous travaillez?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Non.

Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous déjà travaillé?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Pas depuis que je suis mariée. J'ai travaillé un peu comme calligraphe, mais cela ne représente pratiquement rien.

Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous essayé de travailler?

Mme Sheila Kumar-McKenna: J'ai été occupée par toutes les difficultés que j'ai rencontrées peu après mon arrivée au Canada. D'abord, j'ai eu ma fille, ensuite j'ai connu soudainement la pauvreté, la séparation, la mauvaise santé, la maladie de ma fille—elle faisait de graves crises d'asthme pendant son enfance—l'absence de soutien familial, l'absence d'une famille sur laquelle me reposer. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour essayer de trouver du travail, mais je me suis mariée à 24 ans avec un physicien nucléaire et je suis partie vivre en Suisse, alors...

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce qu'il s'agit du même homme?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Oui. Par conséquent, ma contribution financière à la famille ne semblait pas vitale. J'y contribuais de plusieurs autres façons qui paraissaient appropriées à l'époque.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci sénateur Jessiman.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Merci. J'ai quelques questions pour faire suite.

Saro, je vous remercie d'être venue témoigner et nous présenter votre point de vue.

Au Canada, il y a différentes règles qui s'appliquent relativement au témoignage des enfants au tribunal dans les affaires de garde et de droit de visite. Vous avez dit dans votre témoignage que vous en aviez assez de vous faire poser constamment les mêmes questions.

J'aimerais vous demander à ce sujet-là si vous avez déjà témoigné au tribunal?

Mlle Saro Kumar-McKenna: Non, pas devant un juge...

M. Peter Mancini: Bon.

Mlle Saro Kumar-McKenna: ...mais devant un agent de règlement des différends et un avocat des enfants. Je suis donc intervenue dans le système, mais pas directement.

• 1210

M. Peter Mancini: Quand j'ai dit que les règles variaient selon les provinces canadiennes, je faisais allusion au fait que dans certaines provinces, il n'y a pas d'avocat représentant l'enfant ou de médiateur pour le règlement des différends. Croyez-vous qu'un enfant devrait être autorisé à témoigner devant un tribunal? Dans bien des cas, un des parents tient à ce que l'enfant vienne témoigner devant le juge. Mais tout cela est mal défini, car on ne sait pas vraiment à partir de quel âge les enfants devraient pouvoir témoigner ou même s'ils devraient témoigner. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mlle Saro Kumar-McKenna: J'ai demandé à plusieurs reprises de parler au juge qui entendait notre affaire, afin de lui faire part de mes réflexions et de mes sentiments sur le droit de visite, en partie dans l'espoir de régler la question une fois pour toute, et aussi pour faire entendre mon point de vue. L'avocate qui a été désignée pour me représenter a eu tendance à taire ma voix plutôt qu'à la faire entendre.

Elle ne peut s'occuper que des questions de droit de visite, alors que cela n'est qu'un aspect de ma vie. Mon attitude vis-à-vis de mon père est une réaction à son comportement à mon égard. J'ai demandé à parler au juge afin de pouvoir lui expliquer pourquoi j'ai décidé d'agir de la sorte, parce que ma décision a été interprétée par le passé de manière tout à fait inexacte. Je veux pouvoir présenter moi-même mon point de vue au juge.

M. Peter Mancini: J'aimerais peut-être poursuivre un peu dans cette direction. C'est ce que vous me dites maintenant. Vous avez 15 ans et vous êtes une jeune femme très brillante, qui s'exprime avec aisance. Est-ce que vous pensez que vous étiez la même à 10, 11 ou 12 ans? Vous avez réfléchi à tout ceci, mais j'ai quelques inquiétudes au sujet des enfants plus jeunes, bien que je puisse me tromper. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité de faire témoigner au tribunal des enfants de 10, 11 ou 12 ans. Je ne sais pas quoi en penser, mais vous, vous avez vécu cette expérience. Est-ce qu'à cet âge-là, vous pouviez vous exprimer aussi aisément que maintenant?

Mlle Saro Kumar-McKenna: Je sais que je comprends mieux la situation et que j'ai beaucoup évolué depuis quelques années. Mon point de vue s'est raffermi, mais il n'a jamais changé. Je pense la même chose depuis que quand j'avais 10 ou 11 ans, l'âge que vous avez mentionné, mais mon point de vue s'est raffermi au fil des ans et à mesure que j'apprends de nouvelles choses sur le comportement de mon père.

Je crois qu'il faudrait habiliter le plus possible les enfants.

M. Peter Mancini: Je vais peut-être poser la question suivante à votre mère. Vous avez dit...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Mancini, vous venez tout juste de dépasser vos cinq minutes. Je vous laisse poser une question rapide.

M. Peter Mancini: Vous nous avez demandé de trouver un moyen pour les tribunaux ou une autre instance de déterminer quelle est la meilleure formule de garde pour les enfants et de leur éviter des interrogatoires trop lourds. Est-ce que vous préconisez d'accorder une énorme latitude aux décideurs, et que les lois soient très générales, de manière à autoriser cette latitude?

Mme Sheila Kumar-McKenna: Oui, je pense que ce serait la meilleure chose. Par ailleurs, il faudrait mettre au point des critères permettant d'évaluer la situation.

Je vais vous citer un exemple qui m'a causé beaucoup de soucis. Mon mari prétendait constamment que la garde conjointe existait réellement et qu'il y consacrait beaucoup de temps... qu'il assumait autant que moi son rôle de parent. Moi, de mon côté, j'avais l'impression de confier ma fille à un gardien de 16 ans. Il fallait que je prévoie tout à l'avance, que je prépare et explique tout à un partenaire peu coopératif. Quand j'ai essayé de parler de tout cela au tribunal, j'ai eu beaucoup de mal à me faire comprendre.

Un autre exemple, Saro est asthmatique. J'ai dû souvent me rendre aux urgences avec elle. Elle a souvent été soignée pour son asthme. À l'âge de 12 ans...

• 1215

M. Peter Mancini: Très bien, je...

Mme Sheila Kumar-McKenna: Permettez-moi de vous rapporter ce détail. Alors qu'elle avait 12 ans, son père a dû m'appeler une fois pour me demander quel était son numéro de carte OHIP.

M. Peter Mancini: Mais...

Mme Sheila Kumar-McKenna: On ne peut pas avoir la garde d'un enfant asthmatique de 12 ans quand on ne connaît même pas son numéro d'OHIP.

M. Peter Mancini: Ce que je voulais dire, c'est qu'aucune loi ne pourra... il est impossible d'imposer des textes de loi exigeant que l'on examine le comportement des parents afin de vérifier s'ils savent telle ou telle chose. Ce qu'il faut faire, à mon avis, c'est donner ce pouvoir au juge ou au médiateur, en espérant que votre témoignage sera entendu et pris en compte.

Mme Sheila Kumar-McKenna: Et peut-être...

M. Peter Mancini: J'ai épuisé tout mon temps.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Je crois que tout le temps dont nous disposions est écoulé. Je vous remercie beaucoup d'être venue, Saro, témoigner dans cette pièce pleine de visages inconnus. Votre témoignage a été très utile et je me souviendrai de ce que vous avez dit lorsque vous avez parlé d'habiliter le plus possible les jeunes.

Mme Sheila Kumar-McKenna: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): La comité reprendra ses travaux à une heure.

• 1216




• 1306

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Veuillez vous asseoir, afin que nous puissions commencer.

Bienvenue à notre séance de l'après-midi.

Nous entendrons cet après-midi M. J. Kirby Inwood représentant la Coalition of Canadian Men's Organizations. Equal Parents of Canada est représenté par M. Eric D. Tarkington. De In Search of Justice, nous avons M. Ross Virgin et de Stepfamilies of Canada, nous entendrons Mme Nardina Grande.

Je vais commencer par M. Inwood. La parole est à vous, monsieur Inwood, pendant cinq minutes.

M. J. Kirby Inwood (Coalition of Canadian Men's Organizations): Merci, monsieur le président.

Je représente environ 200 pères du Canada regroupés dans sept associations masculines relevant de la Canadian Coalition of Men's Organizations. Cette coalition est en fait un groupe de coordination qui vient en aide aux hommes et aux pères qui réclament justice et équité de la part des tribunaux.

J'aimerais prendre un instant pour présenter au comité une remarque concernant ma convocation d'aujourd'hui, qui est moins une critique qu'un commentaire constructif. Il me semble qu'il y a vraiment eu un problème, parce que je n'ai reçu aucun avis de convocation. C'est sur Internet, à 2 h 45 du matin lundi dernier que j'ai appris que j'étais invité à témoigner. Je n'ai toujours pas reçu d'avis.

En conséquence, je n'ai pas eu le temps de préparer l'exposé que j'aurais aimé vous présenter. Je vais donc me contenter d'aborder certains points. Par ailleurs, il faudra peut-être que vos services administratifs s'efforcent d'expédier à temps les avis aux autres témoins.

Mesdames et messieurs, nous vivons actuellement dans une société où les hommes souffrent de préjugés intrinsèques et pratiquement génétiques. Cela dit, je n'ai pas l'intention de vous faire trembler de crainte comme un vampire devant une gousse d'ail.

Vous reconnaissez peut-être ce livre. C'est le livre rouge que le gouvernement avait fait paraître au moment de la dernière campagne électorale. Je l'ai parcouru avant les élections. Je voulais savoir ce que le gouvernement ou plutôt le Parti libéral qui est devenu l'actuel gouvernement, proposait aux hommes.

Ce document mentionne 101 fois les enfants et les droits des enfants, 60 fois les familles. Il contient 25 allusions aux femmes et aux droits des femmes; le cancer du sein y est mentionné 10 fois. Par contre, il n'est fait aucune mention des hommes. Pour moi, cela veut dire—sans aucune malveillance—que l'on ne se doute absolument pas que notre culture est en train de détruire les hommes et les pères.

• 1310

Par ailleurs, j'aimerais préciser pour mémoire que je vous renvoie au discours prononcé par la sénatrice Cools le 28 octobre 1997. Ce discours soulève une question d'intérêt pour votre comité qui doit présenter une recommandation à un gouvernement qui fait déjà preuve d'assez importants préjugés contre les hommes.

Je vous invite à écouter la sénatrice Cools qui est une experte en la matière et qui connaît extrêmement bien toutes les questions. Elle fait remarquer que la ministre de la Justice du Canada, Anne McLellan, a dit publiquement qu'elle était contre le fait que les pères obtiennent la garde de leurs enfants. Elle a déjà écrit de nombreux articles dans lesquels elle se prononce férocement contre les pères et contre les hommes. Mesdames et messieurs, vous allez devoir livrer une rude bataille lorsque vous allez présenter vos recommandations. Je vous parle de tout ceci pour que vous soyez conscients de ce qui vous attend.

Je travaille beaucoup avec des avocats et je dirige des clients vers des avocats dans tout le pays. Je collabore constamment avec des avocats. J'ai personnellement comparu au tribunal. J'ai passé plus de 200 jours au tribunal pour régler mes propres affaires et j'ai observé au moins un millier de causes au fil des ans, lorsque je me trouvais au tribunal.

Je suis convaincu que le système judiciaire lui-même pose un problème fondamental. Nous savons tous que c'est un grave problème au Canada. La famille se désagrège, le système judiciaire est en panne et nous devons trouver un moyen de le réparer. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui, dans l'espoir de trouver une solution.

Quand on examine des choses comme la médiation, formule que j'appuie entièrement mais qui me fait peur pour des raisons pratiques, il ne faut pas perdre de vue le point soulevé hier par la sénatrice Cools. La question est de savoir comment un parent perd la garde de son enfant. En fait, les deux parents ont la garde de leurs enfants jusqu'à ce que l'un d'entre eux dépose une motion au tribunal. Ainsi le veut la loi, mais la loi est bafouée. La loi est constamment bafouée dans les tribunaux de la famille. Les juges et les avocats font fi de la loi; les avocats mentent, trichent et volent. Les clients mentent, trichent et volent; j'ai bien peur qu'il n'y ait plus rien de sacré sur cette terre.

Ce qui se passe en fait, c'est que la garde est comme une possession. Cela m'est arrivé à moi personnellement et à des centaines d'autres pères. Chaque jour, je parle personnellement à des pères pour les conseiller et si possible les aider.

La possession représente les neuf dixièmes de la loi; la garde représente les dix dixièmes de la loi. Il suffit à une femme d'appeler la police, de se plaindre, de jeter son mari dehors, de déménager, d'emmener les enfants dans un refuge pour faire changer les règles de garde. Elle n'a pas besoin d'attendre trois mois pour passer devant le tribunal. Les règles de garde changent dès l'instant où la femme s'en va avec les enfants ou met son mari à la porte.

Ensuite, il y a légalement la question de la garde provisoire, mais ce n'est qu'une mascarade judiciaire. Les juges veulent conserver le statu quo; ils ne veulent pas prendre le risque d'accorder la garde de leurs enfants à des hommes qui ont un dossier solide.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Inwood, vous avez légèrement dépassé les cinq minutes. Le temps passe très vite. Est-ce que vous pouvez nous présenter vos recommandations?

M. Kirby Inwood: Je suis désolé, j'avais l'intention d'aller plus vite.

Si nous voulons nous en prendre aux tribunaux, il faudra nous livrer à une réforme en profondeur du système judiciaire. Il faudrait adopter un texte semblable au projet de loi S-3 présenté par la sénatrice Cools la session dernière. Ce projet de loi proposait d'imposer des peines d'emprisonnement aux avocats et aux personnes qui présentent aux tribunaux des dossiers fabriqués. Il faut que les juges rendent des comptes au système judiciaire et soient comptables devant la loi et le Parlement.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans l'assistance]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il semble que vous ayez des appuis.

• 1315

M. Kirby Inwood: Actuellement, les juges se prennent pour des monarques absolus. Et pourtant, ils n'ont pas de formation. Le juge en chef de l'Ontario est un homme qui n'a absolument aucune expérience de juge. Certains magistrats nommés à la Cour suprême n'ont jamais été juges.

Par contre, en France, les juges commencent par être des juges novices nommés dans les plus petits tribunaux. Ils doivent juger les affaires les plus simples et sont formés, apprenant leur travail sur le tas et gravissent ensuite les différents échelons du système. Il est peut-être temps de s'inspirer de ce modèle.

Il faut exiger la transcription obligatoire de toutes les audiences de tribunal. La plupart des causes relevant du droit de la famille sont actuellement entendues dans le cadre de sessions d'audition de motions; rien n'est consigné et les juges font impunément ce qu'ils veulent avec la loi. Il y a des juges qui vous disent sans sourciller que vous n'avez qu'à faire appel de leur décision si vous le voulez, car ils savent très bien que la plupart d'entre nous n'ont pas les moyens de se pourvoir en appel. Nous n'avons pas les moyens d'attendre deux ou trois ans.

Mesdames et messieurs, cela fait dix ans que je n'ai pas vu mon fils. Il a 11 ans. Je croule sous les ordonnances de la cour. C'est une vraie mascarade. Mon cas personnel est tout à fait représentatif.

Je voulais vous dire tout simplement que nous nous attaquons à un problème énorme. Il y a beaucoup de ménage à faire au tribunal.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Permettez-moi de vous rappeler respectueusement que certaines règles s'appliquent aux comités et que l'une d'entre elles interdit les applaudissements.

Je comprends que vous vouliez signifier votre approbation, mais cela fait autant de temps en moins pour le comité. Mais surtout, un comité est une instance judiciaire parlementaire et nous vous demandons d'éviter d'applaudir.

Le deuxième témoin représente Equal Parents of Canada. M. Tarkington, vous disposez de cinq minutes.

M. Eric D. Tarkington (Equal Parents of Canada): Bon après-midi. Permettez-moi tout d'abord de remercier le comité de me donner l'occasion de témoigner. Je pense que je ne suis pas le premier à vous remercier, mais je tiens à le faire personnellement.

Bien que l'expérience incite les associations canadiennes d'appui aux hommes et aux pères à avoir quelques réserves quant aux résultats positifs du processus auquel nous prenons part, il n'en reste pas moins qu'il offre une occasion unique aux hommes et aux pères de faire entendre leur point de vue et qu'il révèle que le gouvernement a peut-être fait du chemin. Nous continuons à espérer qu'il continuera à progresser.

Je m'appelle Eric Tarkington. Je suis ingénieur informaticien. Je ne suis pas un défenseur spécial, mais je sers de porte-parole à EPOC.

EPOC, c'est Equal Parents of Canada. Il s'agit d'une organisation en cours de création qui se donne pour but de constituer une importante base nationale avec des représentants dans toutes les provinces du Canada. Jusqu'à présent, nous avons des membres dans quatre provinces et nous continuons à recruter des nouveaux membres ailleurs.

Étant donné que les orateurs précédents vous ont sans aucun doute parlé des problèmes du système actuel, je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour moi d'y revenir. Les hommes sont perspicaces, les pères sont perspicaces et je suis sûr que vous avez déjà entendu suffisamment de témoignages pour pouvoir comprendre ce que nous pensons des problèmes que nous avons à examiner.

J'aimerais mettre l'accent sur les solutions et pour cela, j'ai l'intention de vous parler de différentes possibilités de remplacer la formule d'opposition.

La première option que préconisent pratiquement tous les regroupements de pères du Canada est la garde partagée. Nous préconisons la garde partagée parce que nous estimons que les pères et les mères sont aussi importants les uns que les autres pour les enfants et qu'il est fondamentalement incorrect, lorsque survient la question de la garde et du divorce, de séparer les enfants de l'un ou de l'autre, parce qu'il faut déterminer un gagnant et un perdant. Alors que, du point de vue de l'enfant, la cellule familiale continue d'exister. L'enfant continue à avoir un père et une mère, il continue d'avoir des attentes financières et psychologiques raisonnables à l'égard de ses deux parents dont il attend également le soutien qui lui permettra de s'épanouir.

À notre avis, la médiation est le principal instrument qui permet d'appliquer la formule de la garde partagée. Malheureusement, le milieu de la médiation est actuellement monopolisé par des médiateurs qui ont reçu une formation que je qualifierais d'excessivement axée sur un féminisme revendicatif plutôt que sur un féminisme égalitaire. À cause de cela, les hommes éprouvent beaucoup de crainte et d'appréhension vis-à-vis de la médiation, même s'ils veulent y faire appel, et il reste beaucoup à faire pour améliorer la discipline de la médiation elle-même avant qu'elle puisse devenir un outil efficace permettant de préparer la voie de la garde partagée des enfants au Canada.

• 1320

Nous devrions également pouvoir tabler sur le fait que les familles ayant recours à la garde partagée bénéficieront d'une aide et d'une flexibilité à long terme, de manière à ce que leurs enfants soient les grands gagnants de la formule. Il pourra arriver que les familles doivent à nouveau avoir recours aux médiateurs. Cela ne devrait pas être une expérience traumatisante, mais plutôt une étape normale à laquelle on devrait être préparé.

Il est absolument urgent d'apporter des changements au système judiciaire actuel. Il faut mettre un terme à la tendance actuelle des tribunaux d'accorder la garde à la mère. Les mères n'ont aucune raison de collaborer de bonne foi avec les médiateurs dans la mesure où elles savent que si elles contestent les résultats de la médiation, elles peuvent faire appel au système judiciaire qui a un très fort préjugé favorable à leur égard. On ne peut pas laisser durer cette situation.

Il y a des gens qui vous diront qu'il ne faut pas inscrire des présomptions dans la loi. J'aimerais préciser que la loi repose sur la présomption selon laquelle les mères sont des parents dix fois meilleurs que les pères. Et pourtant, absolument rien ne justifie cette hypothèse.

Nous demandons par conséquent qu'il y ait une présomption de garde partagée et qu'il soit du devoir des tribunaux et du devoir des législateurs de trouver les moyens nécessaires pour appliquer la garde partagée. Nous devons réclamer l'élimination des préjugés.

Je sais que les juges, les assesseurs et les avocats veulent préserver leur indépendance, mais cette indépendante n'est pas le seul aspect valable du système. Il faut que le système soit transparent. Nous devons mettre en place des processus de révision permettant de faire en sorte que les juges, les assesseurs et les avocats tiennent compte de la valeur de la paternité au moment de définir des modalités familiales raisonnables après une séparation et un divorce.

Nous devons redonner la primauté aux intérêts de l'enfant. Les lois paraissent souvent affirmer que l'enfant est la considération principale, l'enjeu le plus important dans toutes ces affaires. Dans la pratique, ce n'est pas le cas. Dans la pratique, les intérêts de l'enfant sont subsumés sous les intérêts de la mère. L'enfant est traité comme un appendice de la mère, dépourvu de droits individuels. Cela doit cesser.

Il arrive parfois que les tribunaux soient conscients de cette anomalie, l'arrêt Gordon c. Goertz était excellent, mais dans la pratique, les tribunaux continuent à appliquer à l'égard des pères des préjugés qui nuisent à ce principe fondamental. Je vais également proposer un changement qui paraîtra radical aux intervenants du système judiciaire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez pratiquement épuisé tout votre temps.

M. Eric Tarkington: J'ai bientôt fini. Il faut installer des caméras dans les tribunaux, et appliquer des mesures permettant d'assurer la transparence des auditions afin de pouvoir surveiller les procédures et de les libérer de toute forme de préjugés. Il y a beaucoup d'autres points dont j'aurais aimé parler, mais que je n'ai pas pu aborder pendant ces cinq minutes. Cependant, l'existence de votre comité est très stimulante et je suis également très encouragé par la possibilité qui nous est offerte de présenter nos idées dans des tribunes comme celle-ci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci monsieur Tarkington.

Madame Grande.

Mme Nardina Grande (présidente, Stepfamilies of Canada): Bonjour, j'aimerais vous montrer à tous quelque chose de très important qui doit nous empêcher d'oublier pourquoi nous sommes ici.

• 1325

C'est mon fils—mon fils biologique—et ma belle-fille. Cela fait deux ans que nous ne l'avons pas vue. Est-ce que vous allez nous la rendre ou est-ce que je dois m'en occuper moi-même?

On m'a traitée de tous les noms: la briseuse de ménage, le monstre, la garce, la saleté, la chose, l'autre, la marâtre, l'adultère, la jeunette. Voilà quelques-uns des stéréotypes qui me sont appliqués, ainsi qu'aux membres de mon groupe qui est une association de femmes intitulée Stepfamilies of Canada. C'est une association à but non lucratif qui ne reçoit aucune subvention du gouvernement fédéral, qui repose uniquement sur le travail de femmes bénévoles et courageuses. Nous recevons chaque mois des centaines d'appels.

L'ironie dans tout cela, c'est que les gens qui nous traitent de tous ces noms ne nous ont jamais rencontrées et n'auront probablement jamais l'occasion de le faire.

Je souhaite remercier le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants de nous avoir donné la possibilité de présenter cet exposé aujourd'hui et de donner à toutes les femmes l'occasion de faire entendre leur point de vue, pas seulement à certaines d'entre elles qui ne représentent pas la majorité des Canadiennes.

Notre groupe représente les belles-mères non gardiennes—un peu plus tard dans mon exposé, je vais vous donner la définition de cette expression dans les deux langues officielles—leurs enfants et leurs enfants par alliance. Elles supportent l'incroyable tension qu'entraînent les décisions judiciaires, juridiques et politiques qui sont presque toujours en faveur des mères qui obtiennent la garde des enfants. Je m'appelle Nardina Grande et j'ai fondé en automne 1993 ce groupe dont je suis la présidente.

Une belle-mère non gardienne est une femme qui est mariée ou qui vit en relation maritale avec un père séparé ou divorcé. Dans 98 p. 100 des cas, ces hommes n'ont pas la garde de leurs enfants.

[Français]

Une belle-mère non gardienne est une femme qui n'a pas la garde de ses beaux-fils et de ses belles-filles et qui est mariée ou en ménage avec un père séparé ou divorcé de sa première femme. Dans 98 p. 100 des cas, les enfants ne demeurent pas avec leur père.

[Traduction]

Je veux m'assurer que cette définition est bien claire pour tous car les belles-mères non gardiennes sont 17 fois plus nombreuses que les belles-mères ayant la garde. Cette statistique provient des États-Unis, mais étant donné que la proportion des divorces est la même aux États-Unis et au Canada, je suppose qu'elle s'applique également au Canada. Par conséquent, il y a 17 fois plus de belles-mères sans la garde que de belles-mères avec la garde.

Étant donné que les femmes sont à l'origine d'environ 80 p. 100 de tous les divorces, qu'elles obtiennent la garde des enfants dans environ 98 p. 100 des cas et que les divorces sont de plus en plus courants de nos jours, il est très probable que les enfants issus de ces divorces sont des bébés ou des jeunes enfants et que le père ainsi dépossédé de sa famille est souvent suffisamment jeune pour se remarier et avoir d'autres enfants.

Le mariage des pères divorcés est jugé tabou dans la société actuelle aux yeux des médias, du gouvernement et des mères qui ont la garde de leurs enfants. Mais on peut comprendre que les pères qui se démènent pour pouvoir voir leurs enfants décident, quand cela s'avère impossible, de fonder une autre famille. C'est une réaction tout à fait humaine. Je suis convaincue que la belle-famille sans la garde des enfants sera la famille élargie du prochain siècle.

Recommandations: Tout d'abord, j'ai un commentaire à formuler. Le droit de visite prévu par la loi ne fonctionne pas. Je n'ai pas dit que le droit de visite ne fonctionnait pas, mais plutôt que le droit de visite tel que prévu par la loi ne fonctionne pas. Dès que les émotions entrent en jeu, les gens cessent de respecter la loi... surtout les mères qui ont la garde des enfants. Elles ont une réaction émotive quand il s'agit des enfants. Laissez-moi vous expliquer pourquoi les mères gardiennes ne se conforment pas au droit de visite tel que prévu par la loi.

Tout d'abord, le père biologique demande la garde des enfants. C'est une démarche absolument absurde. Nous savons tous que ce sont les mères qui obtiennent la garde des enfants. Je vous ai dit que dans 98 p. 100 des cas, les enfants habitent chez leur mère. Mais les avocats sont malins et s'arrangent pour faire naître chez la mère un sentiment paranoïaque et injustifié en leur disant: «Vous savez, il est possible que vous perdiez la garde de votre enfant». Cela encourage leur cliente à dépenser de l'argent—l'argent de l'enfant—pour en obtenir la garde.

Même si la mère est assurée que le père biologique n'obtiendra pas la garde de ses enfants, elle ressent la visite de ses enfants à leur père comme une trahison à son égard. J'appelle cela la mentalité de l'amour limité. Et pourtant, les enfants ne peuvent que bénéficier d'un surcroît d'amour. C'est cette notion de l'amour limité qui amène la mère à penser que si son enfant voit son père, il aura moins d'amour pour elle. C'est une réaction tout à fait immature, mais bien réelle. C'est la réaction émotive au divorce. C'est aussi la mentalité de la mère-parent ou de la mère qui utilise ses enfants comme un bouclier pour se protéger. Dans ce cas, la mère se réfugie derrière son enfant pour ne pas respecter les ordonnances de la cour.

• 1330

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez épuisé tout votre temps.

Mme Nardina Grande: L'autre motif qui incite la mère à s'accrocher aux enfants, c'est la peur de perdre sa pension alimentaire ou de la voir réduite. Je vais vous décrire dix stratégies courantes auxquelles les belles-mères non gardiennes doivent faire face.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Est-ce que vous pouvez faire cela en deux minutes?

Mme Nardina Grande: Certainement. Une mère ayant la garde de ses enfants a recours à des stratégies courantes—que les avocats encouragent—pour interdire complètement le droit de visite ou le rendre difficile.

Tout d'abord, il y a la motion ex parte qui permet de décider, en l'absence du père, d'accorder la garde complète à la mère. Dans ce cas, la mère a l'avantage, parce que c'est elle qui entame les procédures de divorce dans 80 p. 100 des cas.

Il y a l'abandon constructif qui consiste à proférer des allégations non vérifiées d'agressions perpétrées par le conjoint, de manière à chasser le père du foyer. Les pères n'abandonnent pas leurs enfants, ils sont chassés de chez eux.

Troisièmement, il y a les déclarations et affidavits parjures.

Quatrièmement, il y a l'outrage au tribunal en refusant d'obéir aux ordonnances concernant le droit de visite.

Cinquièmement, il y a les tentatives de sabotage du droit de visite une fois qu'il est instauré.

Sixièmement, il y a la prétendue dépression consécutive aux visites.

Septièmement, il y a les allégations non vérifiées d'agression, en l'occurrence de type sexuel. Étant donné que les belles-mères sont témoins, elles sont également impliquées dans l'affaire.

Il y a également le syndrome de l'aliénation parentale. Je dois m'arrêter un instant pour expliquer quelque chose, parce que je sais que beaucoup d'enfants du divorce ont souffert de cette situation. Si vous lisez Parental Alienation Syndrome, le livre de Richard A. Gardener, gardez-vous bien de mal interpréter cette notion. Il ne s'agit pas de laver le cerveau des enfants. Ce trouble désigne la situation dans laquelle la programmation faite par le parent se combine aux propres scénarios de l'enfant qui consistent à dénigrer le parent censément détesté. Les enfants obéissent tout simplement à un réflexe de survie en adoptant le point de vue du parent avec lequel ils habitent. Ils n'ont pas d'autres choix. Ils iront même jusqu'à inventer des histoires pour plaire à leur mère.

Neuvièmement, il y a les tactiques dilatoires auxquelles les tribunaux contribuent en multipliant les évaluations, les coûts, les reports délibérés et les ponctions financières.

Dixièmement, quand tous les autres recours sont épuisés, il y a la mobilité. Il suffit de s'en aller avec l'enfant. Ou encore de changer le nom de l'enfant. De laisser mourir l'enfant et de n'en rien dire au père.

Tout cela a des effets à long terme sur l'enfant et a pour conséquence d'acculer le père et la belle-mère à la faillite à plus ou moins long terme. Les enfants de l'avocat feront des études postsecondaires, mais pas les enfants des divorcés. Cela entraîne des millions de dépenses en services de santé mentale et en prestations de bien-être social.

Statistique Canada a consacré en 1997 une étude à 22 000 jeunes Canadiens. Les chercheurs ont noté que le taux de décrochage et de problèmes de comportement était plus élevé chez les enfants de mères célibataires par opposition aux enfants élevés dans des familles non éclatées. Je peux vous citer d'autres faits allant dans le même sens.

Le taux de grossesses chez les adolescentes est beaucoup plus haut parmi les filles élevées par une mère unique. Le taux de délinquance se chiffre à 75 p. 100 chez les enfants élevés par une mère unique aux États-Unis. Les mêmes statistiques s'appliquent au Canada, puisque ce sont des pays très semblables.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je dois vous arrêter ici. Merci. Nous devons poursuivre.

Je demande aux personnes debout ici de bien vouloir rester derrière la table, s'il vous plaît.

M. Ross Virgin (In Search of Justice): Si vous le permettez, monsieur le président, ils participent à ma présentation. Ils se préparent tout simplement à notre témoignage.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je n'étais pas au courant. Monsieur Virgin, vous pouvez vous exprimer pendant cinq minutes.

M. Ross Virgin: Merci beaucoup. Je suis content d'être ici. Nous allons examiner, pour tenter de résoudre tous ces problèmes en cinq minutes au plus, les trois aspects de la garde, des visites et de la médiation, trois points inscrits dans votre mandat.

Le premier point sur lequel nous allons nous pencher plus précisément est la garde. Je n'ai pas l'intention de réinventer la roue. J'ai beaucoup aimé le commentaire suivant formulé par Paul Forseth dans son bulletin: «Beaucoup de problèmes ont été évoqués, mais ce que nous voulons, ce sont des recommandations concrètes.» Votre travail, c'est de modifier la Loi sur le divorce. J'espère pouvoir vous être d'une certaine utilité.

• 1335

Le premier point concerne la garde physique conjointe, formule que nous recommandons sans réserve. Votre comité peut d'ailleurs mettre un terme à ses travaux et prendre des vacances puisque tout a déjà été dit à ce sujet.

Je ne sais pas si vous pouvez lire d'aussi loin, mais vous pouvez voir ici le nom de Jay Hill. C'est un de vos collègues qui a présenté un magnifique projet de loi d'initiative parlementaire.

Pour vous tous et pour M. Forseth—dont j'ai aimé les commentaires dans le bulletin—la Loi sur le divorce pose problème en ce sens qu'elle porte que le tribunal peut ordonner la garde conjointe ou la garde exclusive. Le projet de loi de Jay Hill préconisait juste le contraire. Malheureusement, il a été rejeté parce que c'était un projet de loi d'initiative parlementaire. Jay Hill estime que lorsque le tribunal émet une ordonnance sur la garde d'enfants, il doit attribuer une garde conjointe.

C'est pourquoi je vous ai dit que d'après moi, vous n'avez plus rien à faire. Jay Hill a fait un excellent travail dans son projet de loi et je pense que vous avez entendu de nombreux témoignages vantant la garde conjointe. Je peux vous dire que vous devez une fière chandelle à Jay Hill.

Voyez-vous, si nous sommes ici, ce n'est pas tant pour vous aider que pour élucider les conséquences juridiques. Comme de nombreux témoins l'ont précisé aujourd'hui, nous sommes ici pour parler de tous ces enfants qui ne voient pas leurs deux parents; ils ont perdu un de leurs parents.

Je vous invite à regarder ces quatre photos. Ce sont les quatre enfants de mon collègue Gus ici présent. Ces enfants-là avaient autrefois la chance de voir leur père et leur mère chaque jour de l'année. Depuis deux ans, tout cela est terminé.

Mesdames et messieurs, vous avez le pouvoir de changer tout cela. Depuis deux ans, ces quatre enfants ont vu très peu un de leurs deux parents, celui qui n'en avait pas la garde, à tel point que la petite fille de trois ans pleure et même crie, chaque fois qu'elle a l'occasion de le voir: «Papa, papa, ne pars pas.» Il faut que cela cesse. Car ce sont les enfants qui en pâtissent.

Mesdames et messieurs, vous avez le pouvoir de faire cesser cela. Vous en avez le mandat. Et Jay Hill vous a mâché le travail. Tout est déjà écrit.

Le prochain point sur la garde conjointe m'amène à vous parler de Jim Henderson qui a été député provincial de l'Ontario pendant plusieurs années. Il a voulu agir dans le même sens, mais malheureusement, lui a aussi a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Il était pourtant extraordinaire, il avait perçu le problème. Il vous propose la solution, vous n'avez plus qu'à l'appliquer en recopiant ses propres mots. Bien sûr, vous aurez peut-être un changement à faire ici et là, puisque son projet de loi concernait la Loi portant réforme du droit de l'enfance. Mais les principes sont les mêmes.

Permettez-moi de vous lire quelques-uns de ses commentaires:

    L'objet du projet de loi est de créer une présomption légale que la garde d'un enfant doit être attribuée conjointement aux deux parents lorsque les deux parents souhaitent en obtenir la garde. La présomption est réfutée lorsque le tribunal décide que la garde conjointe n'est pas dans l'intérêt de l'enfant.

Il poursuit:

    Ce processus de garde conjointe donnera lieu à l'établissement d'un accord visant à aider les parents dans le processus de prise de décision.

    Si un parent ne respecte pas les termes de l'accord, le tribunal peut annuler l'ordonnance de garde conjointe et accorder la garde exclusive à l'autre parent.

Permettez-moi de souligner que cette disposition a un effet dissuasif puissant sur un parent qui serait tenté de saboter la garde physique conjointe. Elle produit de bons résultats.

M. Henderson a fait d'innombrables recherches au moment de la préparation de ce projet de loi. Et si vous voulez des recommandations en vue de modifier la Loi sur le divorce, comme l'a demandé Paul Forseth, je peux vous dire que vous en trouverez ici en quantité, mesdames et messieurs. Vous n'avez rien à rédiger ni modifier, il suffit de copier: garde physique conjointe.

Mon dernier point se rapportant à la garde physique conjointe concerne les États-Unis d'Amérique. Vous savez certainement que plusieurs États des États-Unis appliquent déjà la formule de la garde conjointe. Pourquoi vouloir réinventer la roue?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez utilisé vos cinq minutes. Je vais vous demander de conclure.

M. Ross Virgin: Je termine.

Sur ces photos, on voit mon collègue Eugene avec sa fille de trois ans. Aujourd'hui, elle a 15 ans et elle ne sait même pas où habite son père. Elle n'a pas vu son père depuis 12 ans. C'est écoeurant et intolérable. Voilà un homme qui a dépensé 30 000 $ en frais d'avocat dans l'espoir de retrouver et revoir sa fille.

• 1340

Voici, ce que je vous propose... Au départ, je voulais bien entendu vous parler de la garde conjointe, mais j'aimerais également aborder l'application du droit de visite. J'aurais aimé aussi parler de la médiation obligatoire, mais visiblement je n'en aurai pas le temps.

J'espère que mon témoignage vous aidera à garder espoir. J'ai évoqué devant vous deux situations déplorables, mais il y a plusieurs autres hommes ici présents qui vivent aussi des situations terribles.

Crystal ici présente n'a pas encore connu cette épreuve. La séparation vient tout juste de commencer. Vous avez le pouvoir, vous avez le mandat de modifier la Loi sur le divorce et c'est pour cela que vous êtes ici. J'espère que vous ne mettrez pas cette jeune fille, Crystal, dans la même situation que beaucoup d'autres enfants qui ont perdu un de leurs parents.

Pour conclure, pendant que les gens qui m'accompagnent vont défiler devant vous avec les photos de leurs enfants qu'ils ont des problèmes à voir, les seules recommandations que je vais vous laisser...

En guise de conclusion, je vous conseillerai, car je ne vais qu'effleurer la garde physique conjointe, d'examiner sérieusement le projet de loi de Jay Hill. Tout y est.

Examinez attentivement le projet de loi de Jim Henderson. Il a consacré deux ans à la recherche. Il a fait exactement ce que vous faites en ce moment. Toute la recherche existe déjà. Il a tenu compte également des constatations qu'ont fait de nombreux États américains.

Mesdames et messieurs, merci de m'avoir écouté. J'espère que vous prendrez la défense des enfants canadiens.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Virgin.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans l'assistance]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez ne pas applaudir.

Pouvez-vous nous laisser un exemplaire du travail de M. Henderson?

M. Ross Virgin: Avec plaisir. À qui dois-je le laisser?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Au greffier

M. Ross Virgin: Au greffier, très bien.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer par Mme Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je suppose que je devrais commencer par le dernier témoin.

Les membres du comité ont réalisé que le terme de «garde» évoque à lui seul une notion de gagnant et de perdant. On a donc l'impression que les personnes concernées souhaitent conserver leur pouvoir et maintenir le statut de gagnant et de perdant.

Par conséquent, je serais réticente à l'égard de projets de loi qui conserveraient cette terminologie, même les termes de responsabilité parentale partagée que proposait M. Inwood... Même le mot «partagé» a une connotation spéciale... donnant l'impression que le partage n'est pas réellement accepté.

Alors je crois que pour revenir à ce que nous examinons, la seule personne qui a véritablement des droits, c'est l'enfant qui a le droit de voir ses deux parents.

M. Ross Virgin: Absolument. Je partage votre réticence au sujet du mot «garde».

Mme Carolyn Bennett: Et les parents ont, dès la naissance de leur enfant, des responsabilités qui ne s'éteignent jamais.

M. Ross Virgin: Exactement.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais connaître le point de vue du groupe de témoins. Que penseriez-vous de remplacer les notions de «garde» et de «droit de visite» par une médiation ou, comme Mme Chisholm l'a proposé ce matin par l'intervention d'un juge spécial ayant une expérience et un intérêt approfondis dans ce domaine. Vous avez évoqué un plan parental qui tiendrait compte de tout ce dont vous avez parlé, mais qui changerait en fait le contexte en imposant des responsabilités aux deux parents. Comment pensez-vous appliquer un tel plan logistiquement et au fil des années?

M. Ross Virgin: Peu importe les mots...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Elle demande le point de vue de tout le groupe. Vous pouvez donc y aller.

M. Ross Virgin: Je pensais qu'elle avait dit qu'elle commençait par le dernier témoin...

Mme Carolyn Bennett: Oui.

M. Ross Virgin: ...c'est pourquoi j'ai pris la parole.

Peu importe les mots «garde» ou «responsabilité parentale partagée»; l'important, c'est que les enfants gardent leurs deux parents. Aussi, mesdames et messieurs, nous vous appuyons totalement, moi et tous les gens qui m'accompagnent, quels que soient les mots que vous choisirez.

Quant aux parents qui n'ont pas vu leurs enfants depuis 10 ou 12 ans, peu importe que l'on utilise le mot «garde» ou un autre. L'important, c'est que les enfants voient leurs deux parents. C'est tout.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Grande.

• 1345

Mme Nardina Grande: Après cinq années infernales à tenter de revoir ma belle-fille, je suis encore moins confiante qu'auparavant que les mères accepteront de collaborer avec la formule de la garde partagée. C'est pourquoi mes recommandations sont un peu différentes. Peu importe le terme que vous choisirez—il y a déjà un magnifique libellé dans la Loi sur le divorce—mais il y a une présomption que l'enfant devrait avoir un contact maximum avec ses deux parents. Ce principe n'est absolument pas suivi; c'est une mascarade organisée par les groupes féministes bénéficiant de subventions fédérales, les groupes politiques et les programmes sociaux. Tant que cela ne changera pas, tant que le gouvernement fédéral ne cessera pas de financer les groupes féministes qui représentent une minorité des Canadiennes et non pas la majorité...

Beaucoup de femmes hésitent à parler et à dire ce qu'elles pensent. Moi, je n'ai plus peur, parce que de toute façon, j'ai perdu ma belle-fille. Vous n'allez pas me la rendre alors je peux me permettre de dire les choses comme elles sont. Donnez-nous le statut d'organisme de charité et cessez de financer les groupes de femmes.

Des voix: Oui, oui!

Mme Nardina Grande: Si ces groupes représentent la majorité des femmes au Canada, ils peuvent survivre avec des dons privés. Donnez-leur un numéro d'organisme de charité et donnez-nous en un aussi et nous verrons qui récoltera le plus d'argent.

Je peux vous garantir que nous serons ici l'an prochain avec 5 000 personnes pour vous dire ce que les belles-mères pensent de cette situation, tout comme les grands-mères, les tantes, les soeurs et beaucoup de femmes qui appuient le mouvement de défense des droits des pères. Si nous appuyons les pères, ce n'est pas que nous pensons qu'ils soient meilleurs que les mères, mais parce que nous savons qu'en opposant un parent à un autre, ce sont les enfants qui en souffrent. Nous réclamons des conditions égales pour tous.

Mais pour revenir au terme de garde—on accorde toujours la garde à la mère. Si vous le voulez, attribuez la garde à la mère, mais il faudrait dans ce cas que ce soit une garde véritable assortie de toutes les obligations financières relatives à l'enfant et à ses besoins quotidiens.

Je vais vous expliquer pourquoi. Il est préférable...

Mme Carolyn Bennett: J'ai demandé si on devait supprimer le mot «garde» et non pas comment on devait l'attribuer.

Mme Nardina Grande: Conservez le mot «garde» et je vais vous expliquer pourquoi. On attire plus facilement les mouches avec du sucre qu'avec du vinaigre. Si les femmes veulent les enfants, qu'on les leur donne. Mais il faudrait qu'elles poussent leur féminisme jusqu'au bout et qu'elles acceptent aussi les conséquences financières... C'est ce que signifie la garde selon la définition traditionnelle. La garde consiste à assurer la responsabilité financière et psychologique des enfants. Si c'est ce qu'elles veulent, qu'on leur accorde la garde. Je peux vous assurer qu'au bout de quelques mois elles feront appel aux pères pour obtenir leur soutien financier et psychologique, ainsi que celui des familles élargies.

Voilà ce que je propose, car je suis assez pessimiste sur les chances de succès de la responsabilité parentale partagée, ainsi que de l'expression «contact maximal avec les deux parents» qui se trouve déjà dans la Loi sur le divorce. Si vous vous contentez de changer simplement les termes et de conserver la même façon de faire, donnez la garde à la mère afin qu'elle soit entièrement responsable financièrement de l'enfant et vous verrez qu'elle acceptera rapidement de partager la garde.

C'est vrai que l'argent est la racine de tout mal. Je regrette de le dire, mais il y a beaucoup de mères qui profitent de la situation. Par conséquent, si vous voulez que les enfants voient leur père, donnez la responsabilité totale de l'enfant à la mère. Quand elle aura besoin d'aide, elle permettra à l'enfant de voir son père. Elle le fera volontiers, parce que le père aide financièrement l'enfant lorsqu'il le voit.

Je suis convaincue également que si vous voulez appliquer le droit de visite, ce qui ne me paraît pas...

Mme Carolyn Bennett: Je suppose par conséquent...

Mme Nardina Grande: Dans le régime actuel...

Mme Carolyn Bennett: ...que la question est...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, vous avez épuisé tout votre temps et M. Tarkington aimerait prendre la parole.

M. Eric Tarkington: À mon avis, le choix des mots est important. Le fait de supprimer le mot «garde» de nos textes législatifs et de nos politiques donnera l'impression d'améliorer l'atmosphère.

Mais il faut savoir que des changements similaires n'ont donné aucun résultat. La garde conjointe en est un exemple remarquable. Des milliers d'ordonnances de garde conjointe ont été émises, mais quand on regarde les détails, on s'aperçoit qu'il s'agit en fait d'une garde exclusive au profit de la mère.

Ce n'est pas en jouant avec la terminologie que l'on va résoudre le problème. Je crois que pour résoudre le problème à long terme, il faudrait soustraire au moins 90 p. 100 des cas du système accusatoire.

Je suis tout à fait en faveur du changement de la terminologie, parce que cela indiquerait un changement d'état d'esprit favorable à la réduction de la formule d'opposition, mais je pense qu'on ne convaincra réellement personne en accordant trop d'importance au changement terminologique.

Mme Nardina Grande: Est-ce que je peux commenter la réponse de ce témoin?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, M. Inwood aimerait parler.

• 1350

M. Kirby Inwood: Merci. Je vous dirais brièvement que moi non plus je ne me soucie pas beaucoup de la terminologie ou de la langue. Ce qui m'intéresse, c'est l'application de la loi. Quels que soient les mots utilisés, ce qui me préoccupe, c'est que les ordonnances ne sont pas respectées au Canada et cela, depuis longtemps. Voilà ce qui me préoccupe réellement.

En Ontario actuellement le régime des obligations alimentaires envers la famille s'applique à 135 800 pères qui bénéficient de la garde conjointe ou du droit de visite, ou de la garde partagée, quel que soit le nom qu'on lui donne. Ils n'ont pas leurs enfants; leurs enfants ne les ont pas.

Quel que soit le nom qu'on donne à la formule, l'essentiel est de réunir les enfants et les parents.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Merci. J'ai tant de questions et si peu de temps que je ne sais pas par où commencer. Peut-être que je vais d'abord m'adresser à la représentante de Stepfamilies of Canada. Je vais commencer par elle et j'espère qu'il me restera encore du temps.

Vous nous avez dit que l'on croit à tort que l'amour est limité. Par contre, moi je vous dirais que le temps est limité. Quand je vois la photo de ces enfants, je pense qu'il faut leur donner à manger, les faire dormir, répondre à tous leurs autres besoins... Ils ont une vie à vivre.

J'aimerais savoir, si nous acceptons votre point de vue, à quel moment doit-on imposer une limite? On peut imaginer que la belle-mère a des parents qui voudraient eux aussi apporter leur part à leurs petits-enfants par alliance...

Prenons un exemple rapide. Le père et la mère se séparent et prennent chacun un nouveau partenaire. Chacun de ces partenaires a des parents, si bien que les enfants du couple se retrouvent à avoir quatre grands-pères et quatre grands-mères. À quel moment peut-on dire que c'est trop pour l'enfant? Il faut que le temps de l'enfant soit utilisé au mieux de son intérêt. Est-ce qu'il ne faut pas imposer une limite, un moment donné?

Mme Nardina Grande: Je ne vois pas où vous voulez en venir. On n'a aucun problème à mettre les enfants en garderie et à leur changer constamment de place. Cela ne pose aucun problème dans la mesure où ça fait l'affaire de la mère qui a la garde des enfants.

Ce que je demande, c'est un système qui favorise la coopération entre la mère biologique et le père biologique.

M. Peter Mancini: D'accord.

Mme Nardina Grande: Ce qui intéresse les enfants, c'est de voir leur mère biologique et leur père biologique.

M. Peter Mancini: Très bien, j'avais peut-être mal interprété. J'avais compris...

Mme Nardina Grande: Je pense que ma formule donnerait de bons résultats, parce qu'une fois qu'on élimine l'argent qui est la racine de tout mal, on peut appliquer... Non, excusez-moi ce n'est pas le mot «appliquer» que je voulais utiliser... Cela permettra d'encourager la collaboration entre les parents, sans intervention du gouvernement. Mais le gouvernement doit réaliser que le fait d'imposer la pension alimentaire et le droit de visite par la loi se fait au détriment du bien-être des enfants.

M. Peter Mancini: Très bien. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par garde partagée ou garde conjointe? Est-ce que vous envisagez que l'enfant puisse passer la moitié de l'année chez un parent et l'autre moitié chez l'autre ou une semaine chez l'un et une semaine chez l'autre. Quelle est votre définition de la garde partagée?

M. Ross Virgin: Eh bien, c'est exactement ce à quoi j'ai fait allusion et d'ailleurs, Jim Henderson parle dans son projet de loi de temps partagé également.

Bien entendu, il faut pour cela que les deux parents vivent assez près l'un de l'autre. Permettez-moi de vous donner un exemple qui s'est produit près de mon bureau où les enfants... Je peux vous dire que le choix sera vite fait pour un parent qui doit choisir entre ses enfants et un nouveau poste en Australie. Il est certain qu'il sacrifiera sa carrière en Australie comme l'a fait un de nos membres qui est un cade supérieur chez IBM.

M. Peter Mancini: Très bien, mais je n'ai pas beaucoup de temps et j'attends toujours la réponse à ma question.

M. Ross Virgin: Eh bien, il faut que le temps soit partagé de manière égale.

M. Peter Mancini: Je vais essayer de donner à chacun l'occasion de parler. Ma prochaine question s'adresse à M. Tarkington de Equal Parents of Canada.

J'ai quelques inquiétudes au sujet de l'installation de caméras dans les tribunaux. Est-ce que vous envisagez que les audiences pourraient être suivies par les personnes intéressées qui en feraient la demande ou est-ce que vous pensez à une formule semblable à celle qui est appliquée aux États-Unis? Selon cette formule appliquée dans certains procès au criminel, n'importe qui peut suivre les auditions d'un tribunal de la famille ou d'une cause de divorce. Pouvez-vous me dire ce que vous envisagez lorsque vous préconisez l'installation de caméras au tribunal?

M. Eric Tarkington: Je crois que la question est trop vaste pour que je puisse y répondre avec le peu de temps qui m'est accordé.

M. Peter Mancini: D'accord.

M. Eric Tarkington: Mais je peux vous dire tout simplement que les caméras dans les tribunaux ne serviraient pas à régler les différends, ni à s'attaquer au système judiciaire. De fait, j'aimerais également que l'on filme les séances de médiation.

• 1355

À mon avis, cette mesure et les nombreuses autres formes de transparence dans la méthode d'élaboration de ces arrangements familiaux seraient utiles pour apporter des améliorations. Cette formule serait également utile pour certaines causes particulières, de bien des façons que je n'ai pas le temps d'expliquer maintenant.

M. Peter Mancini: Très bien, mais les auditions ne seraient pas ouvertes au public. Je ne pourrais pas suivre les auditions du tribunal de la famille sur la chaîne communautaire.

M. Eric Tarkington: À mon avis, ces documents seraient disponibles de la même manière que le sont actuellement les transcriptions des auditions.

M. Peter Mancini: Pour n'importe qui?

M. Eric Tarkington: Les transcriptions sont considérées actuellement comme des documents publics.

M. Peter Mancini: Très bien.

M. Eric Tarkington: Les comptes rendus de n'importe quelle audition au tribunal, que ce soit moi ou vous qui comparaissiez, sont accessibles au public, bien qu'il soit parfois difficile et coûteux de les retracer.

La sénatrice Anne Cools: Est-ce que je pourrais poser une question complémentaire à ce sujet? Je voudrais simplement vérifier...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

La sénatrice Anne Cools: Je me demande si j'ai bien compris votre suggestion d'enregistrer les auditions, par des caméras ou d'autres moyens.

Certains témoins nous ont dit que dans bien des cas—pour les motions, entre autres—il n'y a ni transcription, ni compte rendu de ce qui s'est passé. Si j'ai bien compris, vous demandez que toutes les auditions soient enregistrées. Est-ce que c'est bien ce que vous proposez? Je pense qu'il a compris quelque chose de légèrement différent. Pouvez-vous préciser?

M. Eric Tarkington: Oui, c'est bien ce que je propose.

La sénatrice Anne Cools: Très bien, j'avais donc bien compris.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Le sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Madame Grande, lorsque vous proposez de supprimer le côté financier—je crois que c'était vos propres termes—est-ce que vous envisagez d'accorder au parent qui a la garde de l'enfant la garde pleine et entière, mais également l'entière responsabilité de l'entretien de l'enfant? Est-ce que c'est...?

Mme Nardina Grande: Théoriquement oui, mais en réalité...

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais...

Mme Nardina Grande: ...il y aurait une plus grande collaboration entre la mère et le père, si bien que le père participerait au soutien financier et psychologique de l'enfant.

À mon avis, la loi ne doit rien prescrire. Sinon, la mère va s'accrocher à ses enfants comme à des possessions. Elle ne va pas vouloir les laisser partir, elle ne va pas vouloir perdre de l'argent. Et pourtant, les enfants ne sont pas des coupons de restaurant, ce sont des êtres humains.

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, mais la loi qui précédait celle qui est actuellement en vigueur prévoyait que les deux parents se partageaient la responsabilité de veiller au bien-être de l'enfant. Après leur séparation, ils avaient toujours cette responsabilité. L'ancienne loi précisait également que cette responsabilité était partagée proportionnellement.

Malheureusement, ces dispositions devaient disparaître complètement de la nouvelle loi. Nous avons beaucoup de difficulté à conserver ces dispositions antérieures.

Selon le paragraphe 26.1(2) de la Loi sur le divorce, qui est la seule partie que nous avons pu conserver, je peux vous assurer que les deux parents continuent de devoir veiller au soutien de l'enfant, mais pas proportionnellement à leur revenu. Les nouvelles lignes directrices étaient censées imposer aux deux parents de contribuer au bien-être de l'enfant, mais pas sur une base proportionnelle. Cette partie a été supprimée.

Par conséquent, selon la loi et les règlements au Canada, on ne tient compte que du revenu du parent qui n'a pas la garde de l'enfant. Peu importe si le parent qui a la garde de l'enfant gagne à la loterie ou hérite d'un milliard de dollars...

Mme Nardina Grande: Ou épouse un millionnaire.

Le sénateur Duncan Jessiman: ...ou épouse un millionnaire, sauf sans certaines circonstances particulières.

Mais, selon les lignes directrices, le parent qui a la garde de l'enfant ne doit pas... elles partent du principe que le parent qui a la garde de l'enfant paye une partie des frais. Vous proposez quant à vous qu'il assume l'entière responsabilité financière et...

• 1400

Mme Nardina Grande: C'est ce que je propose; mais dans les faits ce sera différent. Dans les faits, le parent qui a la garde de l'enfant encouragera ce dernier à rendre visite à son autre parent de manière à ce que l'enfant obtienne également de son côté un soutien financier et psychologique. Il s'agit tout simplement d'une façon d'inciter la mère qui a la garde de l'enfant à faciliter les visites du père.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. La sénatrice Cools, moi-même et d'autres personnes avons examiné cette question. Nous avons analysé les directives qui n'existaient pas lorsque le gouvernement nous a présenté le projet.

Le gouvernement posait comme condition, avant de reconnaître la contribution du parent qui n'a pas la garde, que l'enfant ait dormi 50 p. 100 du temps—soit 183 jours par an—chez lui. C'était la condition qu'il fallait respecter pour que le parent n'ayant pas la garde puisse déduire les frais qu'il a engagés pour le compte de ses enfants.

Mme Nardina Grande: Vous voyez, cela ne fait qu'encourager la mère qui a la garde de l'enfant à faire en sorte que le père ne voit pas trop souvent son enfant. C'est ridicule.

Le sénateur Duncan Jessiman: Eh bien...

Mme Nardina Grande: Cela incite la mère à garder l'enfant auprès d'elle...

Le sénateur Duncan Jessiman: Je suis d'accord avec vous. Attendez...

Mme Nardina Grande: ...de manière à ne pas atteindre le pourcentage fatidique.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Grande, veuillez s'il vous plaît laisser le sénateur Jessiman vous poser sa question.

Mme Nardina Grande: Excusez-moi.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je pense la même chose que vous. Je veux tout simplement exposer la situation.

Mme Nardina Grande: Excusez-moi, c'est un sujet qui me bouleverse profondément.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous en prie.

Nous avons réussi à réduire ce pourcentage. Le gouvernement a finalement accepté que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant n'ait pas à l'héberger pendant 183 jours.

Le gouvernement a réduit cette norme et accepté que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant obtienne un crédit—compte tenu des deux revenus, parce que pour le moment il n'est pas question des deux revenus—dans la mesure où il détient 40 p. 100 des droits de visite ou a la garde physique d'un enfant pour au moins 40 p. 100 du temps au cours d'une année.

Nous voulions faire baisser ce pourcentage à 30 p. 100. Si vous gardez l'enfant pendant 30 p. 100 du temps et que vous dépensez 30 p. 100 de l'argent pour lui acheter des chaussures ou l'emmener au cinéma pendant tout ce temps, cela coûte de l'argent.

Nous avons convoqué le Barreau canadien et ses représentants nous ont dit que le chiffre de 40 p. 100 causait plus de problèmes qu'autre chose. Nous avons également entendu d'autres opinions, mais le Barreau canadien estime qu'il faudrait que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant passe pratiquement autant de temps avec lui que l'autre parent, avant de pouvoir obtenir un crédit quelconque. Cette formule est presque aussi mauvaise que celle du gouvernement.

En Caroline du Nord, le pourcentage est de 35 p. 100. C'est pas mal différent de l'égalité. Cela consiste à héberger l'enfant pendant 35 p. 100 du temps et c'est considéré comme un partage des responsabilités parentales.

Ce partage des responsabilités parentales pose un véritable problème au comité. Je vous demande à tous de nous dire ce que vous estimez être une formule équitable.

Dans un des États—je crois que c'est la Caroline du Nord ou peut-être le Maryland—il faut, tout au moins pour ce qui est des obligations, que le temps de visite soit d'une fois et demie, puisqu'il y a deux ménages. À partir de là, le calcul se fait en proportion du revenu de chaque parent. Si un parent a un revenu de 100 000 $ et l'autre de 50 000 $, le premier paye les deux tiers et le deuxième un tiers, mais le coût est de une fois et demie le montant.

Je vous demande à tous de nous dire ce qui vous paraît être une formule équitable... Il faut bien parler d'argent puisqu'il en faut pour s'occuper des enfants. Les enfants occasionnent des frais dans une famille unie; c'est la même chose quand les parents sont séparés. Je crois que l'on peut dire que cela coûte plus cher parce qu'il y a deux ménages et que les enfants se partagent entre deux endroits.

Quelle est la bonne formule? Qu'est-ce qui est juste pour le parent qui n'a pas la garde de l'enfant et qu'est-ce qui est juste pour celui qui en la garde lorsque celle-ci est partagée? Est-ce qu'il faudrait que les frais soient partagés moitié-moitié avant toute contribution du père? Est-ce que ce devrait être moins? Qu'en pensez-vous?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez être brefs, car il est déjà deux heures passées.

M. Ross Virgin: Je suis tout à fait en faveur de la formule américaine que vous avez citée. Elle prend en compte le revenu, mais je pense que la proportion de temps consacrée aux enfants devait être le facteur principal.

Cependant, je pense que le mandat de ce comité ne porte pas sur la pension alimentaire des enfants, mais plutôt sur la garde et le droit de visite.

Une voix: Très juste.

M. Ross Virgin: Par conséquent, le fait de calculer la pension alimentaire de l'enfant en fonction du temps de visite, comme vient de le proposer ma collègue, ne fera qu'encourager le non-respect du droit de visite. Par conséquent, il faut absolument faire appliquer le droit de visite et suivre votre suggestion.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Virgin.

Rapidement, madame Grande.

• 1405

Mme Nardina Grande: La responsabilité parentale partagée ne pourra fonctionner sans la collaboration totale des parents biologiques. Je propose que les enfants et toute la famille soient tenus de participer à des séances de counselling libre de tout préjugé sexiste, et que les parents passent obligatoirement devant un tribunal du divorce, comme l'exige la loi de l'État de Georgie, avant la séparation ou la liquidation des actifs familiaux. Cela permettrait d'activer le processus de médiation. Je peux vous assurer que tout irait très vite si les actifs étaient gelés jusqu'à ce que les parents en arrivent à un accord et s'entendent sur un plan approprié de partage des responsabilités parentales approuvées par un juge.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Monsieur Tarkington.

M. Eric Tarkington: Je vais essayer d'être bref.

Je pense que la plupart des groupes de pères seraient prêts à reconnaître que l'adoption de procédures de garde et de visites plus équitables entraînerait automatiquement une discussion sociale qui tendrait à produire des règles équitables au sujet des pensions alimentaires. À mon avis, cela révèle le défaut de la stratégie du gouvernement qui consiste à séparer ces questions dans la loi, ce qui complique le processus. Je suis convaincu que l'application de principes équitables en matière de garde et de visite mettant l'accent sur la responsabilité parentale partagée, se traduirait par une plus grande équité sur le plan des pensions alimentaires.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Inwood, je vous laisse le dernier mot.

M. Kirby Inwood: Je vais laisser passer. Je n'ai pas la compétence pour commenter.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. La séance a été des plus productives.

Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes.

• 1407




• 1411

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons entamer notre deuxième séance de l'après-midi. Nous allons entendre Balance Beam, représenté par Tony Vorsteveld; Second Spouses of Canada, représenté par Dory Gospodaric; Wayne Allen, de Kids Need Both Parents; et Rick Morrison, de Fathers for Justice.

Mais comme on dit, les premiers seront les derniers et je vais donc donner la parole à M. Morrison pour commencer. Vous disposez chacun de cinq minutes et je vais vraiment devoir être très strict là-dessus.

M. Rick Morrison (président, Fathers for Justice): Bon après-midi. Je suis content d'être ici. Cela fait maintenant plusieurs années que je fais partie d'un organisme bénévole qui s'appelle Fathers for Justice et qui existe depuis une dizaine d'années. Lorsque j'ai accepté cette responsabilité, je ne savais absolument pas que je me retrouverais ici aujourd'hui. Je vais donc vous demander d'être indulgents tandis que je vais vous livrer mes réflexions.

Il est regrettable que la garde et le droit de visite des enfants relèvent du système judiciaire actuel. Ce système engendre une notion de gagnant et de perdant. Les parents qui divorcent ou se séparent vivent déjà une situation de stress où se mêlent de nombreuses émotions telles que la tristesse, la dépression et la crainte, et se retrouvent au tribunal, dans un champ de bataille où les règles leur sont inconnues et le langage étranger. Qu'est-ce que cela signifie pour ces personnes de déposer une motion ou une motion provisoire?

Dans tout cela, on s'attend à ce que ces deux personnes prennent des décisions saines au sujet de leurs enfants. Le problème que pose le système actuel en matière de garde, c'est que le processus de décision est trop long. Au moment où la décision est rendue, les enfants vivent déjà depuis des mois quelque part et personne ne veut les faire déménager. Généralement, cela signifie qu'ils restent avec la mère.

L'autre problème que pose le système actuel, c'est le manque d'égalité. Les ordonnances de la cour au sujet du droit de visite sont pratiquement inutiles. Le père, sachant qu'il n'obtiendra jamais la garde de ses enfants, met son espoir dans le droit de visite. Il apprend que la norme est une fin de semaine sur deux et un jour dans la semaine. Mais, six ou huit jours par mois, ce n'est pas assez pour embrasser votre enfant.

Par contre, même si on lui accorde ce droit de visite, il se rend compte bientôt qu'il n'est pas au bout de ses peines si le parent qui a la garde de l'enfant décide de refuser. Cela signifie qu'il faut retourner voir l'avocat, retourner au tribunal, débourser plus d'argent et perdre encore plus de temps pour son enfant. Les choses peuvent même aller plus mal. L'enfant peut déménager, ce qui rend le droit de visite encore plus difficile. Imaginez comment on peut se sentir lorsqu'on apprend que son enfant a changé de nom ou qu'on est accusé, en tant que parent, d'agression sur son enfant?

Il faudrait peut-être que les décisions concernant la garde et le droit de visite des enfants soient prises à l'extérieur du tribunal. Le domicile et la relation de l'enfant avec ses parents ne devraient pas rester en suspens en attendant les résultats de la procédure de divorce. Les deux parents et les enfants pourraient peut-être consulter des conseillers ou des médiateurs afin de régler immédiatement ces questions.

Un genre de médiation permettrait peut-être de désamorcer les tensions émotives et de garder l'accent sur les enfants. Il serait possible d'envisager d'autres options telles que celles qui consisteraient à confier les enfants aux soins du parent qui n'en a pas la garde ou à un autre membre de la famille qui remplacerait ainsi les services de garderie.

Il faut que les deux parents puissent assister avec fierté à la pièce de théâtre de l'école que fréquente leur enfant. Un enfant sera beaucoup plus heureux s'il sait que son père et sa mère seront là le jour de son anniversaire ou pour une autre occasion spéciale. Si un nouveau problème se présente, un médiateur pourrait offrir d'autres solutions immédiates.

Mais il faut faire appliquer ce qui a été convenu. Un enfant doit pouvoir continuer à avoir des relations avec ses deux parents et ne pas en être privé pendant des semaines et des mois, jusqu'à ce que tous les litiges soient réglés. Il faut modifier le fardeau de manière à permettre automatiquement aux enfants de voir leurs deux parents. Le droit de visite ne devrait pas faire l'objet de discussions et de contestations. L'enfant devrait avoir un droit inaliénable de visite.

• 1415

C'est immédiatement après le divorce que les parents ont besoin d'aide et de conseils. Avec le temps, les émotions négatives se dissipent et les parents sont plus en mesure de décider ce qui convient le mieux à leurs enfants.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Morrison.

Monsieur Allen.

M. Wayne Allen (Kids Need Both Parents): Je vous remercie de m'avoir invité. Je fais partie d'une organisation appelée Kids Need Both Parents et je suis quotidiennement et directement en relation avec des personnes qui n'ont pas la garde de leurs enfants. J'ai malheureusement une très bonne idée de ce qui se passe dans les tribunaux au Canada. J'ai bien peur que cela n'ait pas grand-chose à voir avec la loi, ni même avec la justice.

Au cours de l'année écoulée, en raison de ma situation, j'ai étudié la politique sociale et un grand nombre de causes et j'y ai découvert des choses très inquiétantes.

Le juge Norris Weisman, qui arbitre des litiges en matière de garde partagée et de droit de visite à Toronto, a écrit ceci:

    [...] il n'est pas rare que le parent qui a la garde de l'enfant se serve de son enfant comme d'une arme dans la guerre matrimoniale, afin de saboter le droit de visite.

Le juge Steinberg, juge en chef de la Cour unifiée de la famille de l'Ontario—la cour dont je relève, qui siège à Hamilton—a déclaré:

    En cas de violations répétées ou graves du droit de visite, il faudrait imposer des sanctions si l'on veut que le système juridique conserve son intégrité. Ce n'est peut-être qu'en convoquant à plusieurs reprises le conjoint délinquant au tribunal que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant peut espérer, à force d'insistance, faire respecter le droit de visite.

C'est ce qu'a dit le juge en chef du tribunal de la famille de la province. Il y a un problème si le juge, lorsque je me présente devant lui pour demander l'application de mon droit de visite, est déjà convaincu que la seule façon de l'obtenir serait de porter plainte régulièrement contre ma conjointe. En termes juridiques, cela s'appelle de l'abus de confiance publique. C'est de la fraude. Si les tribunaux ont conscience que je devrais constamment porter plainte pour faire appliquer une ordonnance, c'est de la fraude.

Voici ce que dit James McLeod qui est, je crois, professeur doyen de droit à London:

    Le droit de visite est possible si le parent qui a la garde de l'enfant l'accepte. S'il est contre, le droit est impossible à appliquer. C'est peut-être la réalité du droit de visite. Mais est-ce que le tribunal devrait encourager une telle anomalie?

Nous avons affaire à des tribunaux qui prétendent ne pouvoir rien faire. Ils ont la capacité d'agir, mais ils n'ont pas la volonté de le faire. Les tribunaux ont d'énormes pouvoirs. Ils peuvent faire incarcérer des individus. Ils peuvent imposer des amendes. Ils ont à leur disposition toutes sortes de recours. Ils décident de ne rien faire, parce que c'est plus facile pour eux. C'est aux parents de régler le problème. C'est aux deux parents de décider quand le droit de visite doit s'appliquer. Mais si un des parents ne veut plus entendre parler de l'autre, il n'y a rien à faire. Le droit de visite est impossible à appliquer. Je le sais par ma propre expérience. Mon ex-femme, la mère de ma fille, a eu sa photo en première page du Toronto Sun pour avoir été la première femme depuis des années à être incarcérée pour avoir refusé le droit de visite.

Récemment, il y a eu un autre cas à Mississauga. Je crois bien que le plaignant assurait sa propre défense. Moi aussi, je me suis défendu moi-même, parce qu'aucun avocat ne veut contester au tribunal une violation du droit de visite. Les avocats savent très bien ce qui se passe. Ils savent que cela n'a rien à voir avec la justice et rien à voir avec la loi.

Ma fille a trois ans actuellement et je crois qu'elle aura vraiment des problèmes. Je ne sais pas exactement ce que je peux faire pour l'aider. Je consacre tout mon temps à cette affaire, parce que je ne peux rien faire d'autre. Autrefois, je payais 15 000 $ par an en impôts sur le revenu. Maintenant je ne paye rien du tout et je n'en suis pas très fier. J'avais l'habitude de payer 650 $ par mois en pension alimentaire et maintenant, je ne paye rien du tout. Je n'en suis pas plus fier non plus. Il faut faire un choix. Je reprendrai un travail lorsque je saurai qu'une fois remarié et père de famille, je ne perdrai pas encore mes enfants parce que leur mère aura décidé de changer de vie. Je veux savoir ce que je peux faire en tant que parent pour jouer un rôle actif dans la vie de mes enfants parce qu'à ce niveau-là, les tribunaux ne nous sont d'aucune utilité.

• 1420

Mon ex-femme a enlevé notre fille de la Société d'aide à l'enfance. Le 23 avril, le juge avait placé ma fille... la première fois que l'on m'a faussement accusé d'abuser sexuellement de ma fille, j'ai été complètement anéanti. J'étais en arrêt de travail pour épuisement. Tout l'argent que j'ai perdu en frais judiciaires aurait suffit à payer la pension alimentaire de ma fille pendant six ans alors, si vous voulez parler de pension alimentaire, revenez me voir quand elle aura huit ans.

Vous savez tout cela depuis longtemps, vous l'avez lu sans doute dans les journaux. J'ai lu le compte rendu des discussions sur la garde et le droit de visite des enfants. Avez-vous peur de ne pas vous faire réélire? Pour les sénateurs, ça ne devrait pas être le cas. Qu'est-ce qui peut être à l'origine d'une telle situation? Il doit bien y avoir une raison. Je ne connais pas nécessairement la raison, mais j'en ai une bonne idée—c'est tout simplement une question de facilité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez épuisé vos cinq minutes.

M. Wayne Allen: J'ai quelques solutions à vous proposer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y très rapidement.

M. Wayne Allen: La juge Karen Johnston a proposé la solution suivante: «La solution consiste à perturber le moins possible la vie des enfants.» À mon avis, c'est dans la conclusion présentée par la juge Johnston le 15 juillet 1993 qu'il faut chercher la solution:

    Le tribunal devrait prendre pour hypothèse que, si la sécurité physique, mentale ou psychologique de l'enfant n'est pas en danger, le but recherché est que les deux parents continuent à jouer un rôle dans la vie de l'enfant; dans l'idéal, leur participation sera la même qu'avant la séparation. La garde conjointe doit permettre, après la séparation, une relation quasiment identique à celle qui existait lorsque les deux parents habitaient ensemble et c'est par conséquent la formule de garde la plus souhaitable après la séparation.

La première fois que vous vous présentez au tribunal, on vous accorde une fin de semaine sur deux et trois heures le mercredi. Dès le départ, cela perturbe la vie de l'enfant. L'enfant a l'habitude d'avoir deux parents. Au moment du divorce, le tribunal détruit la vie de l'enfant en lui enlevant la moitié de sa famille.

Les deux parents doivent pouvoir, à leur sortie du tribunal, loger leurs enfants. Mais comment est-ce possible lorsque le juge vous ordonne de verser une pension à votre ex-épouse, de lui laisser la maison, les enfants et la voiture... Vous n'avez plus rien, vous lui avez tout donné. C'est ridicule et on dirait que c'est fait exprès. Les conditions sont telles que ça ne peut pas se passer autrement et cela doit cesser.

Il faudrait pouvoir faire appel à un facilitateur lorsque le droit de visite est refusé—pas un assesseur ni un médiateur, mais un facilitateur. À 19 heures le mercredi soir, quand on vous refuse le droit de visite à vos enfants, vous devriez pouvoir appeler une personne pour vous plaindre, afin de trouver une solution immédiatement et non pas six semaines et 3 000 $ plus tard, tout cela pour exposer votre cas devant un juge qui va ajourner pour six autres semaines. Je ne veux plus entendre de telles histoires. Je veux voir mes enfants à 19 heures le mercredi.

Il faut que les allégations soient examinées rapidement et que les fausses allégations soient punies. Si on laisse les gens mentir effrontément au tribunal pour obtenir ce qu'ils veulent, ils vont continuer à le faire. Il faut que cela cesse.

Les parents doivent pouvoir consulter n'importe quand tous les documents provenant de diverses sources—de la police, de la Société de l'aide à l'enfance ou de l'école—tous les documents concernant l'enfant, les deux parents et leur litige.

J'ai dû payer 100 $ pour obtenir un document. Cent dollars pour un document de trois pages. J'ai dû me rendre au tribunal pour obtenir ce document où l'on peut lire tout simplement que la mère de mon enfant a conseillé cavalièrement aux policiers d'aller se faire voir ailleurs.

Il faut diviser les biens immédiatement. Si vous confiez 100 000 $ en fiducie à un avocat, le litige va durer jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 5 000 $ dans le fonds. Il faut partager immédiatement cet argent. De cette manière, il n'y aura pas de dispute au sujet de l'argent. S'il faut vendre la maison, eh bien, qu'on la vende. Il faut partager l'argent tout de suite.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Allen, vous avez utilisé beaucoup plus que le temps qui vous était accordé.

M. Wayne Allen: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suppose que vos suggestions sont contenues dans le mémoire que vous nous avez remis.

• 1425

Madame Gospodaric.

Mme Dory Gospodaric (coprésidente, Second Spouses of Canada): Merci.

Je m'appelle Dory Gospodaric et je suis coprésidente d'un groupe de consultation appelé Second Spouses of Canada. Je représente des milliers de femmes canadiennes qui ont épousé leur mari en secondes noces.

Second Spouses of Canada ne reçoit aucun financement du gouvernement fédéral. Il est composé de femmes qui se sont retrouvées dans des situations horribles. Ces femmes sont choquées et dégoûtées par ce qui semble être un abus aux proportions épidémiques.

J'ai personnellement fait l'expérience des deux côtés du divorce. J'ai été parent unique et maintenant je suis une deuxième épouse. Mais il faudrait plutôt dire que, comme les autres deuxièmes épouses, je ne suis désormais plus considérée comme une mère célibataire. Nous avons beau nous remarier et aimer tendrement nos maris, je peux vous assurer que ce ne sont pas nos maris qui font bouillir la marmite. Nous travaillons fort et nous entretenons nos maris. Nous les appuyons émotivement et financièrement tandis que nous constatons le chagrin et l'anéantissement dont ils sont victimes quand ils se voient refuser le droit de visite à leurs propres enfants.

Il est question constamment de pouvoir et d'équilibre, d'abus et de contrôle. Je suis ici pour vous dire que tout cela existe et je vais vous expliquer pourquoi. C'est une énigme intéressante. N'oubliez pas que les secondes épouses sont des femmes, mais aussi des mères. Alors regardez ce qui se passe: ce sont des mères qui se battent contre des mères, des femmes contre des femmes et le mal ne cesse de s'étendre.

À titre de secondes épouses, nous prenons part à un processus de culpabilité par association. C'est là qu'interviennent les allégations mensongères faites par une femme contre une autre femme. Saviez-vous que les deuxièmes épouses, qui sont aussi des femmes, sont régulièrement accusées d'être de mauvaises mères, des droguées ou des alcooliques, d'avoir de graves faiblesses de caractère, de ne pas traiter les enfants correctement et de cacher l'argent sur lequel l'autre mère veut mettre la main? Les deuxièmes épouses sont victimes de menaces et de harcèlement.

Et pourtant, il ne faut pas oublier que les deuxièmes épouses sont les mêmes mères que les tribunaux ont sanctifié et placé sur un piédestal. Savez-vous combien d'entre nous sommes traînées au tribunal par d'autres femmes? Elles exigent une divulgation de nos états financiers. Elles veulent des évaluations de notre personnalité. Elles exigent de vérifier tout ce qui leur passe par la tête. Toutes ces choses-là arrivent couramment aux membres de mon association, mais on n'en parle jamais. Et pourtant, les trois organisations nationales féminines financées par le gouvernement fédéral prétendent représenter les femmes. On peut en douter. À ma connaissance, elles ne se sont jamais penchées sur le cas des femmes harcelées par d'autres femmes. Je suis très déçue par ces trois groupes féminins financés par le gouvernement fédéral.

Si c'était des hommes qui étaient la cause de tous ces problèmes, on saurait exactement quoi faire, mais dans ce cas-ci, nous sommes démunies. La loi ne nous offre aucun modèle pour régler ce problème. Il y a des refuges pour femmes, il y a des lois pour protéger les femmes contre les hommes, mais certaines femmes et mères sont réduites au silence.

Est-ce que les trois organisations féminines financées par le gouvernement fédéral sont venues témoigner devant vous? Est-ce que le Comité national d'action sur le statut de la femme, l'Association nationale de la femme et du droit ou le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes ont abordé ce sujet? Est-ce que les représentantes vous ont parlé des abus perpétrés par des femmes? Certaines femmes sont-elles plus égales que d'autres? Et pourtant, ce sont des organisations financées par le gouvernement fédéral, ce qui fait que vous appuyez les auteurs des abus que je viens d'évoquer.

Ces trois organisations féminines financées par le gouvernement fédéral prétendent représenter les femmes. Mais quelles femmes représentent-elles? Elles représentent une partie des femmes. Quant à moi, je suis femme et mère et peu m'importe le sexe de la personne qui me veut du mal. Je veux que cela cesse et je veux savoir quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre. Je répète que vous financez ces femmes dont je suis la victime.

Pourquoi ce problème n'est-il jamais abordé? Le système ne protège pas les mères. Le système ne protège que certaines mères. Comment expliquer que ces trois organisations féminines, financées par le gouvernement fédéral, restent silencieuses devant cette crise? Ce silence de la part de ces trois organisations féminines financées par le gouvernement fédéral me paraît suspect.

Je ne serais pas ici si elles représentaient des femmes comme moi, mais il y a des dizaines de milliers de femmes qui sont des victimes comme moi. Je suis ici pour faire entendre notre point de vue afin de nous protéger contre d'autres femmes.

La semaine dernière le Toronto Star publiait dans la colonne de Ann Landers un article intitulé «Après le divorce, les enfants deviennent des pions». Le sous-titre était «Une ex-épouse limite les contacts entre sa fille et son père». L'article était écrit par une deuxième épouse qui était elle-même une enfant du divorce. Elle était très inquiète. C'était l'histoire classique des enfants à qui la mère raconte combien leur père et leur belle-mère sont affreux. Bien entendu, elle venait tout juste d'emmener le père au tribunal pour réclamer plus d'argent ou pour réduire son droit de visite. Mais ce qui m'a surtout scandalisée, c'est que les enfants pensaient que leur chère mère ne faisait rien de mal. Finalement, tout le monde a dû suivre des séances de counselling.

• 1430

Les ex-conjointes ont dû suivre des cours d'éducation familiale. La deuxième épouse et son mari consultent un conseiller conjugal. Quant aux enfants, ils suivent des séances de consultation familiale. Et maintenant, les deux familles sont prises dans toute cette affaire. Et savez-vous comment cela a commencé? L'auteur de l'article révèle que les cours de partage des responsabilités parentales ont été une véritable perte de temps, que rien n'a changé et qu'en fait les choses ont empiré.

De plus, il y a beaucoup de mères qui ne respectent rien. Elles ne pensent qu'à se venger. Et dans sa réponse, Ann Landers dit clairement que l'opposition de la mère à toute forme de collaboration prend sa source dans le sentiment de jalousie qu'elle éprouve à constater que son ex-mari est heureux avec une nouvelle femme. Quel crime! Elle termine en disant qu'elle espérait que le mari était propriétaire de plusieurs puits de pétrole pour pouvoir faire face à toutes ces dépenses.

Comme je l'ai déjà dit, je suis Dory Gospodaric et je représente le club non officiel des deuxièmes épouses. Nous en avons assez, nous voulons faire entendre notre point de vue et nous voulons nous aussi avoir des subventions. Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons maintenant donner la parole à M. Vorsteveld de Balance Beam.

M. Tony Vorsteveld (facilitateur, Balance Beam): Je vous remercie de m'avoir demandé de comparaître. Je m'appelle Tony Vorsteveld. Je suis un père ayant la garde, fondateur et porte-parole de Balance Beam, un groupe de soutien aux familles qui vivent un divorce et je suis également membre de Equal Parenting of Canada.

Je suis accompagné de mes deux fils et de Walter McCarthy, un membre de Balance Beam. J'ai demandé à mes deux fils de m'accompagner puisqu'ils ont vécu une partie de la situation que je vais vous exposer.

L'hiver dernier, le grand-père de mes fils, Grandpa Sam, est mort du cancer. Je ne l'avais rencontré qu'une seule fois. Quant à eux, ils ne le connaissaient pas. Au moment où nous avons appris sa mort, il avait déjà été incinéré. Il avait commencé à être exclu de la famille il y a une quarantaine d'années, au moment du litige concernant la garde des enfants qui l'opposait à la mère de ma femme. Il avait été complètement rejeté. Nous commençons à peine à comprendre que le syndrome de l'aliénation parentale n'est que la pointe de l'iceberg. La mort de Grandpa Sam a marqué la fin d'une relation, mais elle a occasionné également la dégradation des rapports entre mes enfants et leur grand-mère.

Mes enfants sont furieux et ils veulent demander des comptes à leur grand-mère. Les membres de Balance Beam et moi-même sommes aussi furieux et nous voulons réclamer des comptes à un système qui permet ce genre d'aberration. Nous demandons que les fausses allégations soient examinées de manière rigoureuse. Le projet de loi S-3 proposé par la sénatrice Anne Cools pourrait contenir des dispositions à cet égard. Ce que ce projet de loi a d'extraordinaire, c'est qu'il fera en sorte que les avocats tiendront leurs clients responsables des allégations qu'ils présentent. Ce projet de loi est parfait, s'il vous plaît adoptez-le.

Dans la vie, les enfants ont droit à quatre choses: de la nourriture, des vêtements, un toit et l'amour de leurs deux parents. C'est à cause de ces quatre droits humains que nous devons avoir la présomption de la garde conjointe ou de la responsabilité parentale partagée. Pour bien élever un enfant, il faut un père et une mère. La notion féministe selon laquelle le père n'est pas nécessaire, n'a aucune pertinence ici.

La psychologie traditionnelle commence à peine à réaliser que la violence psychologique est bien plus grave que la violence physique et par conséquent que l'aliénation d'un des deux parents est une aberration dont la victime est l'enfant. Nous devons faire appliquer de manière identique le droit de visite et le soutien financier de l'enfant.

Mon deuxième point porte sur la violence familiale. J'entends par là la violence physique à l'encontre de l'enfant et du conjoint.

J'aimerais tout d'abord citer quelques extraits d'un livre intitulé Child Abuse and Neglect: The Family and the Community, ouvrage réalisé sous la direction de Ray Helfer et Henry Kempe. Le premier chapitre est de la plume de Brandt Steele que beaucoup d'entre vous connaissent.

À la page 8, Brandt Steele écrit:

    Nos études révèlent que les hommes et les femmes violents ont des attitudes très semblables à celles de leur conjoint à leur égard des enfants et sur l'éducation et la conduite des parents. Il y a donc une sorte de collaboration entre les parents, quel que soit celui qui est véritablement l'auteur de la violence.

Et à la page 14:

    Les personnes qui ont été maltraitées pendant leur enfance ont l'étrange aptitude à rencontrer et épouser une personne qui a vécu la même expérience et qui partage les mêmes idées sur l'éducation des enfants. Par conséquent, la maltraitance ou la négligence des enfants peut être le résultat d'une collusion ou d'une collaboration inconsciente entre les parents, même si seulement un d'entre eux est un agent actif.

Beaucoup de pères sont séparés de leurs enfants parce qu'ils sont accusés de les maltraiter. Les litiges sur la garde des enfants confirment cet état de choses. Ce qu'on oublie dans tout ça, c'est la fameuse phrase que nous avons tous entendue: «Attends un peu que ton père revienne du travail!»

Je connais un homme à qui sa femme demandait à son retour du travail de battre un des enfants, parce qu'elle-même ne pouvait pas frapper assez fort. À l'occasion d'un litige concernant la garde des enfants, cet homme a été accusé et reconnu coupable de maltraiter ses enfants. Pour qu'une loi reste neutre, vis-à-vis de l'un et l'autre sexe, la justice voudrait que cette mère soit accusée d'acte criminel. Après tout, elle se servait de son mari comme d'une arme.

L'ironie dans cette histoire, c'est que cette fois-là, le père n'a pas battu son enfant, c'est lui qui a été victime de la violence de sa femme.

• 1435

Puisque les recherches ont déterminé que les mères et les pères violents envers leurs enfants le sont dans une proportion relativement égale, l'idéal pour les enfants, c'est de mettre fin à cette maltraitance et non pas d'être séparés d'un des auteurs de cette violence, que ce soit l'agent actif ou l'autre.

Si l'on veut faire intervenir la loi dans la vie des Canadiennes lorsqu'elles se séparent de leur mari, il faut que le counselling et la médiation soient obligatoires dans les familles où règne la violence. Quelqu'un a dit un peu plus tôt que certaines personnes refusent ce genre de service. Je n'y vois aucun problème. La résistance à la consultation et à la médiation familiale entraîne une réduction proportionnelle des responsabilités parentales.

Mais également, les personnes qui maltraitent leurs enfants sont violentes avec leur conjoint dans une proportion à peu près analogue, ce qui ne signifie pas forcément que tous les parents qui battent leurs enfants battent aussi leur conjoint. Cependant, on peut conclure que la violence conjugale et la violence à l'égard d'un enfant n'est pas le fruit du hasard.

On a signalé à l'attention du comité que les programmes de gestion de la colère destinés aux hommes violents ne produisent pas de très bons résultats. C'est vrai, et le programme mérite vraiment d'être examiné de plus près. Le programme d'intervention en cas d'agression familiale est un programme très utilisé au Canada qui a été mis sur pied à Duluth (Minnesota). Seulement un homme sur cinq termine avec succès ce programme sans aucun effet durable.

Il existe des programmes analogues sur la côte Ouest, dont un mis de l'avant par Donald G. Dutton, un psychologue renommé qui a travaillé avec des hommes dans un cadre clinique pendant au moins 15 ans.

Dans son ouvrage intitulé The Batterer, il conclut qu'il a constaté une diminution des agressions, à défaut d'une diminution du nombre d'agresseurs. Dutton a découvert deux choses qui me paraissent importantes et qui semblent être les clés de la solution.

Voici ce qu'il écrit à la page 74:

    L'indice révélateur d'une origine plus ancienne nous est fourni par le fait que les auteurs de violence cyclique éprouvent les symptômes du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), qui sont normalement vécus par une personne victime d'une très grande perturbation telle qu'une agression ou une catastrophe naturelle.

Curieux.

À la page 75, on peut lire:

    Les hommes agresseurs que j'ai étudiés ont obtenu des résultats élevés sur l'échelle de mesure des symptômes traumatiques tels que ceux décrits par Mike. De fait, leur profil psychologique était étonnamment semblable à ceux d'autres groupes d'hommes tels que les anciens combattants du Vietnam chez qui on avait diagnostiqué le SSPT.

    Au début, j'étais perplexe. Logiquement, seules les victimes souffrent de symptômes traumatiques—pas les agresseurs. Mais alors, est-ce que les agresseurs sont aussi des victimes?

Je pense que oui. Steele a prouvé que les origines sont les mêmes. Dutton a diagnostiqué le SSPT chez des hommes. Et toutes les recherches universitaires concernant les deux sexes ne révèlent aucune différence statistique dans le cas de la violence conjugale. Les données limitées dont nous disposons sur l'autodéfense ne justifient pas non plus l'application des lignes de conduite de la police.

Dutton nous donne un autre indice à la page 179:

    Malgré tous les attributs de puissance qui les caractérisent, les hommes violents éprouvent une profonde impuissance.

Tout chez Dutton...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Vorsteveld, vous avez épuisé tout votre temps. Avez-vous des recommandations très précises à formuler?

M. Tony Vorsteveld: Je suis sur le point de terminer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Alors allez-y, s'il vous plaît.

M. Tony Vorsteveld: Nous estimons que si la garde et le droit de visite sont liés à la violence familiale, il faut venir en aide collectivement à la famille et pour une autre raison que celle évoquée ci-dessus.

Don Keillor, ancien directeur du Perth Huron Centre for Youth and Children du Huron County, a pris part à une conférence ici à Toronto. Cette conférence visait à définir pourquoi certains enfants victimes de violence familiale ne sont pas eux-mêmes devenus des agresseurs.

La réponse, c'est qu'un membre proche de la famille, une grand-mère, un grand-père, une tante ou un oncle sont intervenus auprès de cette personne. Cette intervention est absolue. On a étudié ces enfants qui n'ont pas repris le modèle de l'agresseur. Voilà ce qu'on a découvert chez ces personnes qui n'avaient aucune violence à se reprocher.

La consultation-médiation doit être axée sur la famille afin de préserver la famille élargie qui lui confère une participation forte et positive. C'est ce genre de médiation qui semble avoir les meilleurs résultats.

La récidive de la violence physique, l'absence de collaboration et le non-respect des responsabilités parentales partagées devraient entraîner la suppression totale ou la réduction du temps de visite parentale. C'est toujours la famille qui devrait avoir la priorité, car le tissu social repose sur la famille.

Si votre comité recommande une loi axée sur l'enfant ou sur la famille, je peux vous assurer que je ferai ma part pour diminuer le taux de divorce.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Je vais pour commencer donner la parole au sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce qu'il est bien exact que vous êtes un parent ayant la garde de ses enfants?

M. Tony Vorsteveld: C'est exact, même si je n'aime pas l'expression.

Le sénateur Duncan Jessiman: Même si vous n'aimez pas l'expression, vous avez la garde ou le droit de visite de vos enfants. C'est vous qui vous occupez de vos enfants.

M. Tony Vorsteveld: C'est moi qui ai gagné.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. Est-ce que l'autre parent travaille?

M. Tony Vorsteveld: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce qu'elle contribue à l'entretien des enfants, conformément à la loi?

M. Tony Vorsteveld: Financièrement?

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.

M. Tony Vorsteveld: Non.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que vous le lui avez demandé?

M. Tony Vorsteveld: Non.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien, mais vous savez que vous avez le droit de le faire.

• 1440

M. Tony Vorsteveld: Oui. Je ne suis pas inquiet au sujet de mes droits.

Le sénateur Duncan Jessiman: Pardon?

M. Tony Vorsteveld: Je ne suis pas inquiet au sujet de mes droits en matière de soutien financier.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je comprends. Je crois que c'est une des difficultés que rencontrent les hommes. Quand ils ont la garde des enfants, ils prennent tout en charge...

M. Tony Vorsteveld: Il apparaît plus difficile pour un père ayant la garde de ses enfants d'obtenir une pension alimentaire de la mère que dans la situation inverse. C'est pourquoi je ne m'y suis pas intéressé.

Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que votre ex-épouse bénéficie du droit de visite des enfants?

M. Tony Vorsteveld: Aussi souvent que les enfants ou leur mère le désirent. Il n'y a absolument aucune restriction.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. Est-ce que vous avez une ordonnance du tribunal?

M. Tony Vorsteveld: C'est loin tout ça. J'en ai une pour mon fils aîné, mais pas pour mon plus jeune.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien, c'est tout. Merci.

M. Tony Vorsteveld: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Excusez-moi, je devrais sans doute connaître la réponse à cette question, mais actuellement, que se passe-t-il lorsqu'une fausse allégation de maltraitance ou de violence familiale est réfutée?

Mme Dory Gospodaric: Le problème, c'est que ces fausses allégations ne sont jamais réfutées. C'est très difficile, voilà le problème. C'est impossible à prouver, mais l'allégation reste consignée au dossier, comme quelque chose qui s'est vraiment produit. On dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu et qu'il s'est certainement passé quelque chose.

C'est ce qui est terrible avec ce genre de diffamation. Elle laisse une impression qui ne s'en va pratiquement jamais. Il reste toujours quelque chose de suspect au dossier et je pense que c'est pour cela que nous considérons qu'il s'agit d'un genre d'abus.

Je pourrais tout aussi bien prétendre, si je détestais quelqu'un d'entre vous, que cette personne m'a regardée de travers. Est-ce que je vais signer un affidavit pour constater cette chose, parce que j'en ai le droit? Je suppose que si le tribunal me permettait de faire une telle chose, la personne concernée essaierait de se justifier et d'expliquer qu'elle ne me voulait aucun mal et qu'il ne s'est rien passé. Voilà ce qui arrive.

À mon avis, il faudrait certains critères. Il faut imposer des lignes directrices extrêmement strictes à tous les dossiers dont est saisi le tribunal. Je pense qu'il faut imposer des normes. Je ne comprends pas qu'il n'y ait aucune restriction, même dans une démocratie comme la nôtre. Cela entraîne une grande perte de temps pour les tribunaux qui sont déjà surchargés.

Avant que le tribunal soit saisi d'un dossier, il faudrait être absolument certain que l'examen de ce dossier sera utile. Il ne faudrait pas que les gens puissent raconter n'importe quoi. Je ne comprends pas que les tribunaux autorisent une telle chose.

Mme Carolyn Bennett: Nous essayons de trouver un moyen de garder tout ceci à l'extérieur des tribunaux.

Mme Dory Gospodaric: Très bien. Il faut empêcher que de tels dossiers parviennent au tribunal tant que leur authenticité n'a pas été prouvée.

Mme Carolyn Bennett: Peut-être que ce genre d'allégation serait moins fréquente si l'on appliquait un autre système de résolution des différends.

Mme Dory Gospodaric: Absolument pas, si j'en crois mon expérience.

Mme Carolyn Bennett: Par conséquent, une fois que l'allégation est faite, elle laisse des traces indélébiles que personne ne peut faire disparaître totalement.

Mme Dory Gospodaric: Exactement.

Mme Carolyn Bennett: J'ai eu à vérifier ce genre d'allégation lorsqu'il m'est arrivé d'assumer le rôle de médecin de famille pour le Bureau du tuteur public. Parfois, la mère voulait me faire constater une rougeur. Je crois que c'était tout simplement parce qu'elle n'aimait pas le parfum de la nouvelle épouse de son ex-mari ou parce que l'enfant n'a pas la même odeur lorsqu'il revient de visite. Cette émotion peut être tout à fait sincère, mais elle ne repose pas sur la réalité.

Il était évident dans des cas comme celui-là, que la mère essayait de se servir du médecin de famille que j'étais pour mettre les choses à son avantage, mais maintenant, à cause du manque de ressources, il est impossible de faire la part des choses parmi ces allégations.

Est-ce que cela rejoint votre pensée?

Mme Dory Gospodaric: Tout à fait. Par conséquent, il faut empêcher ces allégations.

Personne ne devrait avoir le droit de mettre par écrit tout ce qui lui passe par la tête. Par exemple, ce n'est pas parce que je n'aime pas mon voisin ou la couleur de votre ensemble ou votre façon de dire bonjour à mon enfant que je peux consigner ça par écrit pour me plaindre. Il faut que ce soit plus sérieux.

Selon moi, les gens abusent de leurs droits. C'est arrivé à un point tel que l'on encourage presque ce genre de choses. C'est pratiquement devenu la norme pour ce genre de fraude.

Qu'est-ce que l'on se sent bien une fois que l'on a fait ça! C'est le bonheur parfait, d'autant plus qu'on peut le faire impunément. Malheureusement, cela a des conséquences irréparables. C'est la même chose dans un milieu de travail. Dès l'instant où quelqu'un pense que vous avez fait une faute, il est très difficile d'éliminer cette impression.

• 1445

Mme Carolyn Bennett: Évidemment, les enfants sont directement mêlés à ce genre de choses.

Mme Dory Gospodaric: Oui.

Mme Carolyn Bennett: Mais si les enfants savent que ce n'est pas vrai, est-ce qu'ils le démentent? Est-ce qu'il y a un endroit où les enfants peuvent s'adresser afin de donner leur point de vue sur la situation?

Mme Dory Gospodaric: Non.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce qu'on pourrait l'envisager?

Mme Dory Gospodaric: Non, je ne pense pas qu'ils puissent se faire entendre et je ne crois pas qu'il existe un endroit où ils puissent le faire. On en vient au syndrome d'aliénation parentale dont a parlé l'autre dame. J'ai moi-même été témoin de ce genre de choses de la part de mes enfants par alliance. J'ai constaté qu'ils font leur propre scénario. Ils s'inventent des histoires qui ne sont jamais arrivées et, petit à petit, ils y croient.

De fait, leur mère a voulu, pendant le litige, engager des avocats pour ses enfants et les a emmenés au tribunal pour témoigner. Nous avons refusé de les entendre parce que nous savons qu'ils peuvent raconter n'importe quoi pour sauver leur relation avec leur mère. Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse obtenir la vérité de la bouche des enfants. Je pense que c'est pratiquement impossible.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans l'assistance]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): S'il vous plaît, pas d'applaudissements. Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: J'aimerais poser quelques questions à la représentante de Second Spouses of Canada. C'est peut-être une question tout à fait stupide, mais comme je disais à mes élèves lorsque j'étais enseignant: «Si vous ne posez pas de questions stupides, moi je peux le faire.»

Aujourd'hui nous avons entendu votre témoignage et celui de Mme Grande de Stepfamilies of Canada. Vous avez fait une déclaration intéressante. Vous avez dit que l'on arrive à une situation où ce sont des femmes qui se battent contre d'autres femmes. Vous représentez un certain nombre de femmes, tout comme Mme Grande.

Est-ce qu'il y a une certaine communication entre vos deux groupes et les organisations que vous avez critiquées aujourd'hui? Est-ce qu'il y a place pour un certain dialogue? Je suis étonné de constater un tel désaccord entre deux catégories d'organisations représentant les femmes quand il s'agit des enfants. Je me garderai bien de préciser quels sont les groupes qui représentent la majorité des femmes. Je n'exclus pas les hommes et j'affirme que nous devrions nous préoccuper uniquement de l'enfant et de ce qui est bon pour lui. Est-ce qu'il y a place pour le dialogue?

Mme Dory Gospodaric: Je n'irai pas par quatre chemins et je vous dirai qu'il y a deux types de femmes. Il y en a peut-être plus, mais je vais vous parler de ces deux types en particulier.

La sénatrice Anne Cools: Il y en a plus que deux, je crois.

Mme Dory Gospodaric: Oui, il y en a beaucoup plus que deux. Il y a les femmes cupides et celles qui ne le sont pas. C'est tout ce que j'ai à dire et vous pouvez en tirer vos conclusions. Je ne suis pas certaine que ces femmes-là veuillent le bien des enfants, je crois plutôt qu'elles cherchent à exploiter la situation au maximum. Voilà la différence entre ces femmes et nous.

M. Peter Mancini: Très bien. Je suppose qu'il n'y a donc pas de dialogue avec ces organisations.

Mme Dory Gospodaric: Non, le dialogue est très difficile. Nous leur paraissons extrêmement bizarres. Je me suis fait dire une fois: «Mais, ne soyez pas idiote Dory, vous pourriez obtenir tellement d'argent en poursuivant votre ex-mari pour violence.» Les avocats aussi m'ont dit que je pourrais réclamer une pension alimentaire plus élevée et m'ont encouragée à le faire. C'est tout le temps comme ça.

Parfois, je me suis demandée si j'étais la seule à être honnête, mais voilà comme cela se passe. Ces femmes ont énormément de pouvoir et elles l'utilisent pour leur propre satisfaction. C'est devenu un jeu égoïste. C'est comme une banque, les services ne sont jamais assez nombreux, qu'ils soient gratuits ou payants. À mon avis, c'est une question de responsabilité.

M. Peter Mancini: Très bien. J'aimerais vous poser une autre question si j'en ai le temps. S'il était possible de dialoguer avec d'autres organisations telles que le Comité national d'action sur le statut de la femme, quelle serait votre réponse? Comment régler avec elles le problème que vous nous avez présenté?

Mme Dory Gospodaric: Je voulais vous en parler, car on dit toujours que ce sont les hommes qui harcèlent les femmes. Je voulais vous signaler que nous sommes en fait dans une situation ridicule qui oppose des femmes à d'autres femmes et des mères à d'autres mères. Voilà ce qui arrive quand on accorde tant de pouvoir à un seul groupe. On commence à constater un abus de contrôle. On en a des exemples dans l'histoire, en politique et partout. Voilà ce qui se passe et la situation ne cesse de s'aggraver.

Par conséquent, on nous accuse de la même chose que les hommes... Ne trouvez pas cela étrange? Ne trouvez pas cela suspect?

• 1450

Là encore, je ne comprends pas. Je peux vous dire simplement que je ne comprends pas pourquoi la garde des enfants pose un tel problème. Un couple marié qui a des enfants est conjointement responsable de ses enfants. La Loi sur le divorce s'applique à deux adultes qui se séparent et qui ensuite divorcent. Il n'est question nulle part de forcer un des parents à divorcer de l'enfant ni à faire en sorte que l'enfant devienne la propriété d'une personne. Je ne comprends absolument pas. Si nous retournons aux sources et que nous nous demandons pourquoi cela se passe ainsi, on peut peut-être comprendre facilement ce qui se passe.

M. Peter Mancini: Vous avez raison de dire qu'un couple qui se sépare ne divorce pas de ses enfants; c'est une bonne façon de l'expliquer. Dans certains cas, les parents peuvent trouver une solution. L'État ne devrait intervenir que lorsque les parents eux-mêmes ne peuvent pas se mettre d'accord.

Mme Dory Gospodaric: Exactement. Il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, sinon à quoi sert la médiation si une des parties obtient tout et l'autre n'a rien? Il n'y a médiation que lorsque chaque partie a quelque chose à gagner et quelque chose à perdre. La partie qui est certaine de tout rafler ne va pas prendre la peine de participer à une médiation. Pas folle la guêpe!

M. Peter Mancini: Très bien, merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): La sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Mon collègue M. Mancini a pratiquement tout passé en revue.

Je voulais tout simplement dire à Dory qu'en raison de la fréquence de plus en plus grande des divorces au Canada, je pense que vous apportez un excellent argument au gouvernement pour l'utilisation de ses fonds excédentaires. Nous avons négligé les deuxièmes épouses qui sont de plus en plus nombreuses. Afin de rendre justice aux enfants, notre comité devrait examiner de près toute la situation ainsi que la question de l'attribution des subventions aux autres organisations féminines... Je vous remercie de vos commentaires.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): La sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup. Je vais essayer de résumer un peu les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui afin que les témoins puissent nous donner les informations complémentaires nécessaires.

Tout d'abord, les témoins souhaitent que le gouvernement accorde l'aide juridique à toutes les personnes qui en ont besoin, car il paraît que tous ne peuvent pas en bénéficier. Par ailleurs, on préconise de remplacer le terme «garde» par «partage des responsabilités parentales» et je suis certaine que nous allons réfléchir à cette question.

Pour commencer, il faudrait que les séances d'information soient obligatoires pour les gens qui ont des enfants et qui ont l'intention de divorcer. Les gens qui veulent divorcer devraient établir un plan de partage des responsabilités parentales. De cette manière, les couples seraient tenus de réfléchir sérieusement à leurs responsabilités de parents, même s'ils traversent une situation volatile. Les parents penseraient ainsi à ce qu'ils peuvent faire pour faciliter le divorce.

Ensuite, les témoins nous ont dit que les juges devraient avoir une formation spéciale. Ce commentaire a été très bien reçu dans la salle aujourd'hui. Après le divorce, il y aurait sans doute des séances continues de médiation et le couple pourrait faire appel n'importe quand à un facilitateur.

Pouvez-vous me dire si j'ai oublié quelque chose? Je sais que ce n'est pas aussi simple que cela, mais ce serait beaucoup plus facile si tout était bien classé.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Morrison, à vous l'honneur de commencer.

M. Rick Morrison: Je pense que vous avez fait un excellent compte rendu. La haine que l'on peut sentir lorsque les gens s'expriment, prouve que le système ne fonctionne pas.

Dans mon cas, je dirai brièvement que mon ex-épouse et moi-même ne sommes pas allés au tribunal pour divorcer. Nous avons communiqué par téléphone et même si parfois notre conversation était tendue, nous n'avons jamais fait appel à des avocats pour régler notre divorce au tribunal. Nous nous sommes séparés nous-mêmes, nous avons fait rédiger notre accord de séparation et tout s'est relativement bien passé. On peut divorcer de manière différente, mais il faut avoir de l'aide pour partir du bon pied. Il est très difficile de désamorcer les sentiments de haine et de cupidité et tout le reste une fois qu'ils se sont manifestés. J'ai eu beaucoup de chance; mon ex-femme était une bonne personne. Nous sommes sur la bonne voie et vous l'avez très bien résumé.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci.

M. Wayne Allen: Ce qu'il faut faire, c'est régler immédiatement la situation. Six mois ou un an plus tard, le mal est déjà fait. Il faut tout de suite prendre le taureau par les cornes.

• 1455

Au bout de six mois, le mari et la femme sont déjà devenus des étrangers l'un pour l'autre. S'ils ne voient pas les enfants tout de suite, le processus d'aliénation est déjà en marche. En cas de refus du droit de visite, il faut immédiatement prendre des mesures correctives. Beaucoup de problèmes disparaissent dès le moment où les deux parents savent qu'ils devront respecter le droit de visite.

La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce que cela se passe comme ça? Comment organiser une rencontre rapide?

M. Wayne Allen: Il faut pouvoir se présenter immédiatement devant un juge. Et le juge peut décider à ce moment-là si une des parties exagère ou agit par esprit de vengeance. On peut le savoir. Si le droit de visite commence le mercredi à 19 h et que les enfants ne sont pas là, vous pouvez appeler quelqu'un. Si la mère répond que le père est ivre, il n'y a pas de problème.

La sénatrice Mabel DeWare: Par conséquent, l'intervention précoce...

M. Wayne Allen: Si le refus du droit de visite n'est pas raisonnable, il faudrait que les parties soient convoquées au tribunal le lendemain parce que sinon, le droit de visite sera toujours refusé. Le problème n'en sera que plus grave six ou huit semaines plus tard.

La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce que quelqu'un d'autre a des commentaires à formuler?

Mme Dory Gospodaric: J'aimerais poser une question. Quelle formation les juges vont-ils recevoir?

La sénatrice Mabel DeWare: On a proposé qu'ils soient en mesure de se prononcer sur les situations familiales, les divorces, la garde et le droit des enfants et tout ce que cela implique et qu'ils soient sensibilisés à toutes les questions. Certains juges n'ont aucune formation dans ce domaine ou ne s'y intéressent pas, mais ils devraient recevoir une formation spéciale sur la façon de trancher ce genre de question. Qu'est-ce qui se produira si l'on ne peut pas se présenter devant le juge à temps pour obtenir une intervention précoce? Il faut qu'il soit sensibilisé à ces questions afin qu'il ne puisse pas dire: «Revenez dans quatre mois, le tribunal est très occupé.»

Mme Dory Gospodaric: Ça m'est égal qu'un juge me dise avec compassion: «Je suis désolé, nous reconnaissons qu'il y a outrage au tribunal, mais vous ne pourrez pas voir votre enfant. Je vous prie de m'en excuser, parce que je sais que c'est difficile pour vous.» Nous réclamons l'application de la loi. Et pourquoi cela nous est-il refusé? Pourquoi protéger la mère ayant la garde des enfants et la laisser agir impunément? C'est quelque chose que je ne comprends absolument pas.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans l'assistance]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avant de poursuivre, j'ai quelque chose à vous demander. Ce n'est pas une réunion politique, ce n'est pas un concours de popularité, nous n'acceptons pas les applaudissements dans cette salle.

La sénatrice Mabel DeWare: Je crois qu'il a également été proposé que le juge se prononce et émette une ordonnance de la cour avec rapidité et efficience.

Mme Dory Gospodaric: Parce que c'est la loi. Un outrage au tribunal, c'est un outrage au tribunal. Une ordonnance de la cour a force de loi, n'est-ce pas?

La sénatrice Mabel DeWare: C'est exact.

Mme Dory Gospodaric: Et pourquoi ne sont-elles pas respectées?

La sénatrice Mabel DeWare: Nous l'ignorons.

Mme Dory Gospodaric: C'est ça le problème.

Une voix: Je pourrais répondre à cette question.

La sénatrice Mabel DeWare: C'est ce qu'il déclare. C'est la même chose que pour la grille que nous avions établie l'an dernier au sujet de la pension alimentaire de l'enfant. La pension alimentaire de l'enfant est censée se trouver là.

Hier, j'ai causé tout un émoi lorsque j'ai dit que le montant de la pension alimentaire devrait être modifié chaque fois que la situation du père ou de la mère, c'est-à-dire du parent qui n'a pas la garde des enfants, connaît un changement. Ce serait le cas par exemple lorsque le père perd son emploi. J'ai proposé qu'à ce moment-là le père se rende devant le juge pour exposer la situation, mais tout le monde s'est moqué de moi.

Mme Dory Gospodaric: Ce n'est pas comme ça que cela se passe.

La sénatrice Mabel DeWare: D'après la loi, cela devrait se passer comme ça.

Mme Dory Gospodaric: Cela se passe comme cela pour les questions d'argent, mais pour ce qui compte vraiment, les enfants... Je n'ai jamais entendu dire qu'un enfant a souffert de graves problèmes psychologiques pour n'avoir pas eu une deuxième paire de patins à roulettes quand il était jeune. Par contre, un parent à qui l'on refuse le droit de visite est un parent qui meurt d'une mort lente, longue, cruelle. C'est une atrocité que je ne parviens pas à comprendre.

Alors quelle est l'utilité de cette disposition dans la loi si on ne l'applique pas?

C'est ce que j'essayais d'expliquer à mon fils qui a bien du mal à comprendre tout cela, comme tous les autres garçons. Il s'inquiète de ce qui va arriver. Je lui réponds que j'aimerais bien savoir moi-même. Si la société et les législateurs décident que les hommes ne comptent absolument pas—qu'ils sont uniquement des donneurs de sperme utiles seulement pour la conception, mais qu'ils ne comptent absolument par ailleurs—il faut que cela soit dit et qu'on cesse de tergiverser. Par contre, si nous décidons que le père a un rôle important à jouer, comme j'en suis convaincu, alors il faut prendre une décision dans un sens ou dans l'autre.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je sais que d'autres personnes veulent intervenir, mais la sénatrice Cools a une question à poser.

• 1500

La sénatrice Anne Cools: Je crois que les témoins ont soulevé des questions philosophiques et morales extrêmement importantes et j'aimerais remercier tout particulièrement Mme Gospodaric pour ses commentaires.

Depuis quelque temps, nous sommes préoccupés par certaines questions que vous avez soulevées, en particulier le silence qui existe ou la crainte d'être réduite au silence qu'on éprouve lorsqu'on évoque la possibilité que les femmes soient aussi violentes que les hommes, aussi malhonnêtes et méchantes que les hommes.

Quelle est cette crainte, cette réticence qui semble empêcher tant de personnes à reconnaître qu'une femme peut être aussi traîtresse, aussi méchante, aussi cupide que n'importe qui? En tant qu'êtres humains, nous souffrons de certaines imperfections humaines et l'altruisme et les vices sont répartis entre les deux sexes. Je pressens là un important débat philosophique qui a d'énormes connotations et fondements moraux.

Je me demande, madame Gospodaric, si vous avez réfléchi à cette crainte car, je peux vous dire que vous vous lancez dans une entreprise dangereuse. Je vous le dis parce que cette tentative de réduire les gens au silence est profondément ancrée. Donna Laframboise qui écrit sur ces questions, a dit il y a quelques semaines, en ma présence, qu'il est dangereux de soulever ces questions ou d'en parler. Je me demande si vous en avez conscience.

Mme Dory Gospodaric: Tout à fait. Il y a de la crainte. Je pense que cela remonte à la notion d'égalité telle qu'envisagée par les femmes. En bref, je pense que le féminisme prônait l'égalité. L'ironie dans tout cela, c'est que pour obtenir l'égalité, il faut accepter la responsabilité.

Je sais ce que c'est que d'assumer ses responsabilités. Par exemple, lorsque j'étais mariée et que j'ai eu mon enfant, je n'ai jamais pensé que mon mari en aurait la responsabilité financière ou autre. C'était tout simplement extraordinaire. Nous avions un enfant ensemble. Si au bout du compte, notre situation devait changer, puisqu'après tout, le taux de divorce est de 50 p. 100, je savais que je serais autonome et capable d'élever cet enfant. J'en prenais la responsabilité.

Aujourd'hui, les femmes veulent cette égalité mais elles pleurnichent et se plaignent et elles veulent que quelqu'un s'occupe d'elles. Parallèlement et ironiquement, elles veulent se sentir libres et égales des hommes. C'est une contradiction totale.

Il est très mal vu de critiquer les femmes parce qu'elles ont su se donner de l'importance et parce que nous ne voulons contrarier personne. Mais je pense que les femmes disposent d'un énorme pouvoir et que l'on a extrêmement peur de les contrarier. Je ne peux pas me mettre à la place de tous les politiciens. Je ne suis pas certaine que toutes les élections devraient être axées sur les femmes, mais il semble que cela soit le cas.

Pas un seul instant je ne me suis sentie supérieure parce que je suis une femme et que je suis née avec un utérus. Seule la femme peut assurer la reproduction de la race humaine, mais cela ne la rend pas pour autant meilleure ou supérieure. Je ne comprends pas pourquoi nous avons si peur des femmes et de leur voix et que nous gobons tout cru ce qu'elles nous disent lorsqu'elles se plaignent de leur patron, de leur voisin ou de qui que ce soit d'autre.

Nous encourageons et nous aggravons cette attitude en prenant en pitié les pauvres femmes qui ont la garde de leurs enfants. Si elles n'ont pas assez d'argent, elles viennent se plaindre en disant: «Mon mari était terrible. Il ne faisait rien. Il ne me donne rien». Et alors, le gouvernement, la société leur répond: «Si vous n'avez pas assez d'argent, revenez-nous voir et nous vous en donnerons plus.»

C'est certain que les femmes en réclameront toujours plus tant que personne ne les arrêtera. Profitons-en, c'est gratuit! Cela n'aura jamais de fin et elles ne seront jamais satisfaites. Je peux vous le garantir.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Merci à tous d'être venus témoigner. Je crois que la séance a été très intéressante et extrêmement productive.

Nous allons suspendre les travaux pendant trois minutes, le temps que le prochain groupe s'installe. Merci.

• 1505




• 1512

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons maintenant reprendre nos travaux.

Nous entreprenons notre troisième heure de séance cet après- midi. Nous avons un groupe de témoins; j'en vois six. Sont ici avec nous cet après-midi Mme Wendy Dennis, Mme Cynthia Marchildon, M. Lynch et M. Ellis.

Il se fait tard. Je ne veux pas vous bousculer, mais je vous demanderais d'être très brefs. Nous pouvons vous accorder cinq minutes au maximum. Je devrai vous interrompre après cinq minutes.

M. Patrick Ellis (témoigne à titre personnel): Je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu me rencontrer.

Je tiens à dire pour commencer que lorsqu'on a affaire à la loi, il n'y a pas de meilleure approche du problème que de l'aborder à l'intérieur de la structure de la loi suprême du Canada, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés.

Si vous regardiez dans les pages jaunes et que vous appeliez 100 avocats, je ne serais pas surpris qu'ils vous disent tous qu'ils ne connaissent rien à la Charte des droits et liberté. Vous allez la trouver à la fin du Martin's Criminal Code. Moins les notes, il y a en tout 256 lignes, dont la «citation». Il n'y a absolument rien dans la Charte des droits et libertés qui autorise la province ou l'État à créer une Direction générale de la condition féminine, des tribunaux pour statuer sur la violence faite aux femmes ou des maisons de refuge pour femmes battues.

• 1515

Notre charte pose un problème. J'ai l'impression que M. Trudeau et M. Chrétien ont fabriqué une loi boiteuse.

Comment en suis-je arrivé à cette conclusion? La Déclaration canadienne des droits de 1960 comportait un renvoi à la famille qui n'apparaît pas dans la Charte des droits et libertés. D'autres dispositions de la Déclaration canadienne des droits ont été retranchées et incluses aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte des droits et libertés de 1982.

D'après le paragraphe 15(1) de la Charte, tout le monde est égal devant la loi et a droit au même bénéfice de la loi. Le paragraphe 15(2) autorise l'État à mettre en oeuvre des programmes destinés à améliorer la situation d'individus défavorisés. On a inclus le sexe dans cette disposition. Le sexe ne devrait pas entrer là-dedans à cause de la disposition d'exemption, l'article 28, qui commence par «Indépendamment des autres dispositions de la présente charte...». L'égalité de droits est garantie aux deux sexes, indépendamment du paragraphe 15(2), qui concerne les droits à l'égalité. C'est indépendamment aussi de l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 qui dit qu'autant de femmes que d'hommes doivent être nommées juges. Ou est-ce que je me trompe?

J'imagine que les chiffres sont de l'ordre de 80 contre 20. Le critère serait l'article 1, la clause de restriction raisonnable. Ce n'est pas une restriction raisonnable—55 contre 40 peut-être, dans un sens ou dans l'autre.

On est allé chercher 60 millions de dollars dans les poches des contribuables de l'Ontario pour financer des groupes de défense des droits des femmes. Oubliez les hommes; ils ne comptent pas.

M. Chrétien et M. Trudeau ont laissé tomber la famille en 1982, mais heureusement qu'il y a le droit international. Le paragraphe 1 de l'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dit en effet ceci:

    1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.

L'article 4 dit ceci:

    Les États parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. En cas de dissolution, des dispositions seront prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire.

Il n'est plus question de la famille ici. Il y a une division des sexes et tout est polarisé. C'est mauvais signe.

Dans les cas de violence familiale, la Loi sur les services policiers de l'Ontario remplace la Charte canadienne des droits et libertés. C'est dit noir sur blanc dans ce document qui est devant la Cour divisionnaire, le dossier 123/96. C'est ce que dit aussi un document des Affaires internes, qui font partie du bureau du procureur général, et j'ai une table d'écoute. Le deuxième enquêteur qui s'est occupé de mon cas a fait la même chose.

J'ai signifié mon avis de questions constitutionnelles au procureur général et au ministre fédéral de la Justice en me servant du formulaire 4F. Le ministre de la Justice ne s'est même pas donné la peine de me répondre.

Le procureur général refuse de reconnaître mes droits constitutionnels, parce que lorsqu'il y a de la violence au foyer, c'est toujours la faute de l'homme. Selon ce document, les policiers doivent inculper l'homme; sinon, des charges peuvent être portées contre eux aux termes de la Loi sur les services policiers. Quand il est question de violence familiale, quelqu'un devrait peut-être regarder l'article 233 du Code criminel selon lequel seule une femme peut être accusée d'infanticide—mais ne vous méprenez pas sur mes propos. C'est un miracle, le miracle de la naissance.

Je ne pense pas que personne ici serait d'accord pour dire que c'est chose facile. Il doit y avoir une relation de cause à effet. Il y a des femmes qui peuvent mettre un enfant au monde et être tout à fait normales... et d'autres qui mettent un enfant au monde et commettent un meurtre. Il y a quelque chose qui cloche. C'est une question qui relève des tribunaux correctionnels, mais qui devrait plutôt relever de la psychiatrie et de la psychologie.

Il y a à l'heure actuelle 27 500 avocats dans la province de l'Ontario. Nous avons plus d'avocats que de policiers. C'est un système qui a été mis en place par des avocats pour les avocats. Il a été flanqué là.

Wayne Allen va devant le tribunal. S'il veut que quelque chose se fasse, il doit le faire lui-même. Il va voir des avocats qui lui demandent quelle est sa situation financière. C'est comme ça que ça se passe.

• 1520

J'ai perdu 42 000 $. Ma femme a essayé de me tuer. Elle m'a foncé dedans avec son camion. J'ai appelé la police. On m'a non seulement jeté en prison même si j'avais subi des blessures... Et à part l'enquête de la compagnie d'assurance Zurich, le rapport que j'ai reçu était farci de preuves fabriquées et d'accusations d'entrave à la justice. Est-ce que je peux aller n'importe où au Canada? Pas question.

La Loi sur les textes réglementaires—les obligations imposées au Sénat...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Ellis, votre temps est écoulé. Pourriez-vous nous résumer vos recommandations si vous en avez?

M. Patrick Ellis: Oui. Nous avons une Charte des droits et libertés. Qu'on s'en serve ou qu'on l'oublie.

Prenons l'article 26 et posons-nous la question suivante. Est- ce qu'un parent biologique a un droit constitutionnel à l'enfant biologique? Oui ou non? Si c'est oui, tant mieux, sinon, on élève des enfants pour l'État. Si un parent biologique a un droit constitutionnel à l'enfant biologique selon l'article 26, la disposition générale, l'article 28, lui garantit des droits égaux. Vous vous occupez des mères assistées, vous vous occupez des chercheuses d'or. Arrêtons-nous au sens véritable de la famille— l'engagement.

Je me suis marié puis nous nous sommes séparés. Ça va jusque- là. Elle ne peut pas m'endurer et je ne peux pas l'endurer moi non plus, mais il y a entre nous deux petits êtres. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Monsieur Lynch.

M. Trevor Lynch (témoigne à titre personnel): Je ne sais vraiment pas quoi dire.

Je vais commencer par un article que j'ai lu et qui a été écrit par Barbara Amiel. Elle parle de la loi qui existait à l'époque féodale. Ceux qui naissaient princes s'en tiraient bien, contrairement aux paysans nés dans la pauvreté. La loi était fondée sur le statut, puis nous sommes passés au droit contractuel.

Elle dit que nous sommes aujourd'hui revenus à la loi du statut. Selon le modèle actuel, on appartient soit au groupe A, qui représente le sexe préféré, celui des femmes, ou au groupe B, celui des hommes. On fait partie soit d'un groupe qui ne possédait rien auparavant, mais qui profite aujourd'hui de la promotion sociale et de l'équité salariale, soit d'un groupe pénalisé par les deux.

Examinons le paradigme qui nous régit. J'ai rencontré une femme qui a eu un enfant et je me suis aperçu que la loi veut que les hommes soient des pères dès le moment de la conception et que les femmes deviennent mères si elles décident d'avoir un enfant. Si une mère décide de se faire avorter parce qu'elle ne veut pas subvenir aux besoins de son enfant, elle le peut et c'est le gouvernement du Canada qui paye la facture.

J'ai eu un enfant et je n'avais aucun droit. Ma fille a maintenant cinq ans et je n'ai toujours aucun droit. Je n'ai jamais intenté d'action. J'ai été arrêté deux fois pour harcèlement et violence familiale et l'expérience la plus embarrassante et humiliante pour moi a été de lire l'avis qui m'en informait. En fait, je ne savais même pas que le harcèlement existait. Soit dit en passant, nous nous disputions au téléphone.

J'ai été traité comme si je vivais dans un pays du tiers monde. Lorsque j'ai lu l'avis et que je me suis rendu compte des mensonges ridicules qu'il contenait, ça m'a vraiment blessé d'être arrêté pour une chose de ce genre-là. Je me suis ensuite aperçu qu'il me faudrait passer devant le tribunal pour me défendre et que j'étais considéré comme coupable jusqu'à preuve de mon innocence. Je me suis laissé dire par des groupes de défense des droits des hommes, qui ont de la difficulté à survivre parce qu'ils ne reçoivent aucune aide dans ce pays-ci... C'est le déséquilibre le plus bizarre et je n'arrive pas à comprendre que les gens s'en fichent.

J'ai été arrêté et j'ai dû signer un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Je m'y suis opposé la première fois. La deuxième fois, j'ai signé. J'en ai demandé une copie. Les avocats ne veulent rien savoir. Autant s'adresser à des bureaucrates. J'aurais économisé pas mal d'argent.

Je me suis engagé à ne pas troubler l'ordre public. À la dernière minute, alors que j'avais été accusé de harcèlement criminel, un délit conjugal est venu s'ajouter sans mon consentement. Au moment même de ma comparution devant le tribunal, on a modifié à la dernière minute mon engagement de ne pas troubler l'ordre public pour indiquer que la loi m'interdisait de parler à ma fille.

Une voix: C'est typique. Ça arrive tout le temps.

M. Trevor Lynch: Je vais vous dire quelque chose. J'ai passé quatre ans à ne rien faire d'autre que travailler et me rendre chez cette femme. Je n'avais pas le droit d'amener ma fille où que ce soit d'autre à moins d'être avec cette femme. Tout ce que j'ai fait pendant quatre ans, c'est travailler et aller chez elle. Ma fille savait qu'elle avait un père.

Nous avons commencé à nous disputer parce que je n'avais jamais le droit de faire quoi que ce soit avec ma fille. J'ai vu cette femme se laisser convaincre par le système juridique canadien et votre institution que la garde exclusive est ce qu'il y a de mieux. Je ne peux blâmer aucune femme ni aucun homme de devenir irrationnel, égoïste et gourmand si on lui dit que la garde exclusive va dans le sens des règles, parce que c'est un jeu à somme nulle.

Je peux comprendre qu'une femme se sente menacée. C'est un choc de se faire dire que ses enfants appartiennent au gouvernement du Canada et que leur sort dépend d'une décision arbitraire. Quant aux hommes, le système ne joue pas en leur faveur.

• 1525

J'ai vu cette femme adopter un comportement de plus en plus criminel. Je peux comprendre ses motifs. Je n'ai jamais intenté d'action. Les avocats m'ont toujours dit... Je vais voir des avocats. Je connais les droits des femmes. Je suis allé voir bien des avocats. Je ne connais pas les droits des hommes. Ils n'en ont aucun.

Je suis allé voir des avocats qui m'ont dit qu'il faut que je m'empare du pouvoir. Mais de quel pouvoir parlent-ils? Du pouvoir de la garde exclusive. La femme se laisse convaincre que tout ce qui compte, c'est le pouvoir et, si vous menacez ce pouvoir, elle est sur la défensive. Après un bout de temps, les enfants n'importent plus. La garde exclusive est tout ce qui compte.

Une éducatrice m'a interdit l'accès à la garderie de mon enfant même si aucun accord n'est intervenu concernant la garde parce que nous ne sommes pas passés devant le tribunal. Je n'ai pas mis les pieds à la garderie depuis un an et demi. J'ai été arrêté et j'ai signé un engagement de ne pas troubler l'ordre public.

J'ai un ami à qui sa fille téléphonait tous les jours pour lui demander d'aller la voir, et cet ami y est allé tous les jours même s'il n'a pas le droit de parler à sa fille et de s'approcher de la mère. Il court un risque.

La mère de mon enfant a appris qu'elle peut dire n'importe quoi et que je serai arrêté, et je l'ai appris moi aussi. Je sais qu'elle peut dire n'importe quoi n'importe quand et que je serai arrêté.

Malgré tout, mon ami va voir sa fille chaque fois qu'elle lui fait signe. Il lui parle de sa garderie, mais il ne peut pas lui dire pourquoi il n'y va pas alors qu'il avait l'habitude d'y aller tout le temps.

Ma fille a toujours été affectueuse avec sa mère et moi.

C'est ce que vos institutions ont appris à cette femme. Je n'ai pas voulu intenter d'action. Je n'ai pas voulu qu'elle se laisse influencer par vos institutions, parce qu'elles sont vraiment corrompues.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur, votre temps...

M. Trevor Lynch: Combien de temps me reste-t-il?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Votre temps est écoulé.

Monsieur Fox, s'il vous plaît.

M. Walter Fox (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je suis avocat au criminel. Je pratique le droit criminel depuis plus de 30 ans et je veux partager avec vous certaines observations sur le droit de la famille à titre de criminaliste.

Le droit de la famille, comme vous le savez probablement tous, a une grande incidence sur les gens qu'il gouverne. Le droit de la famille décide à qui appartiendra la maison, qui paiera, qui recevra de l'argent et comment les enfants seront élevés et il dicte même l'éducation et l'enseignement religieux qu'ils recevront, le cas échéant.

Le droit de la famille a aussi une incidence profonde sur la société canadienne dans son ensemble. Il n'y a aucune famille au Canada qui ne soit pas touchée par le droit de la famille et par l'industrie du divorce qui l'accompagne.

Comme avocat au criminel, j'ai affaire à des accusés qui jouissent de la protection de la Charte des droits et libertés et de la common law lorsqu'ils comparaissent devant le tribunal. Je suis surpris que dans le cas du droit de la famille, on décide des relations futures entre les parents, les enfants et les grands- parents sans vraiment tenir compte de la procédure établie.

À Toronto, ville que je connais bien, les questions de droit familial sont depuis des années réglées au moyen de motions provisoires, souvent à huis clos. Les parties ne sont même pas présentes. Il n'y a pas de transcription, donc pas d'enregistrement des diverses positions adoptées par les parties et par les fonctionnaires judiciaires. L'histoire nous a enseigné que ce genre de pratique mène inévitablement à des abus.

Je parle en ma qualité d'avocat et, compte tenu de la façon dont le droit familial fonctionne aujourd'hui, nos tribunaux sont le dernier endroit où devraient être réglées les questions de garde et de droit de visite.

Les tribunaux civils ont généralement un règlement interne qu'on appelle les coûts. Quelqu'un qui perd un ajournement, une motion ou un procès devant un tribunal au Canada doit payer les coûts. Dans une affaire de garde, lorsque la question est de savoir combien d'argent le conjoint ayant la garde de ses enfants recevra pour pouvoir les élever convenablement, comment pouvons-nous obliger ce parent, habituellement la mère, à payer des coûts? En l'absence de coûts, le parent qui s'attend à obtenir la garde de ses enfants n'est passible d'aucune sanction s'il se comporte mal envers le tribunal ou qui que ce soit d'autre.

• 1530

Le parjure est chose courante, mais comment mettre en prison pour un mensonge un conjoint ayant la garde? Par conséquent, le droit de la famille se pratique à huis clos ou en audience publique sans transcription et sans aucune des sanctions de base auxquelles nos tribunaux ont toujours pu avoir recours pour contrôler le processus.

La pension alimentaire et le droit de visite font habituellement l'objet d'une ordonnance unique du tribunal, mais la pension alimentaire est exécutoire sous peine d'emprisonnement tandis que le droit de visite ne l'est pas. N'envoie-t-on pas des messages différents aux garçons et aux filles quant à l'égalité devant la loi?

Si j'ai raison de penser que le droit de la famille, qui présente des lacunes, et la société avantagent les mères au détriment des pères, nos tribunaux ne nous servent pas bien dans ces cas. Je crois savoir que le comité veut qu'on l'aide à régler les problèmes qui semblent exister concernant la garde et le droit de visite.

Je ne peux recommander aucune modification à la Loi sur le divorce puisqu'elle traite déjà: (1) du devoir des avocats d'envisager la réconciliation et de recommander la médiation; (2) du devoir du tribunal d'envisager toute possibilité de réconciliation; (3) du devoir du tribunal chargé de décider de la garde de tenir compte de l'intérêt de l'enfant et (4) du devoir du tribunal chargé de décider du droit de visite d'envisager le plus de contacts possibles avec le conjoint n'ayant pas la garde. C'est là, dans la Loi sur le divorce. Le tribunal doit tenir compte de toutes ces choses.

Je n'ai rien à reprocher à l'actuelle Loi sur le divorce. Toutefois, elle ressemble un peu à la constitution de l'ex-Union soviétique: il y a une énorme différence entre son libellé et la façon dont elle est appliquée. J'exhorte le comité à envisager des moyens de forcer les mères et les pères à obéir aux règles qui s'appliquent à tous les tribunaux, c'est-à-dire à ne pas mentir et à ne pas gaspiller le temps du tribunal.

Le comité doit bien se rendre compte que le droit de la famille comporte des lacunes graves. J'exhorte le comité à rédiger un rapport qui ne passera pas sous silence. Vous devez dire clairement ce qui se passe. Nous devons avoir l'espoir de modifier le droit de la famille de manière à ce qu'il soit plus utile à nos enfants qu'à l'industrie du divorce.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Morrison.

Madame Marchildon.

Mme Cynthia Marchildon (témoigne à titre personnel): Permettez-moi tout d'abord de remercier le comité de m'avoir offert l'occasion de présenter mes vues en personne. Même si je n'ai pas l'habitude de prendre la parole en public, j'ai demandé à vous rencontrer à cause de mon expérience de première main des lois qui gouvernent la garde des enfants et la pension alimentaire pour enfants.

J'aimerais que vous vous rappeliez que je suis la mère de deux enfants d'âge mineur et la belle-mère de deux enfants d'âge adulte et que je connais bien les deux côtés des questions dont je vais vous parler à cause précisément de ces deux rôles.

J'aimerais profiter de l'occasion pour développer les points que j'ai abordés dans le mémoire que j'ai présenté au comité il y a plusieurs semaines.

Premièrement, en ce qui concerne la pension alimentaire pour enfants d'âge adulte, et en ce qui concerne plus précisément l'extension spéciale qui s'applique à l'éducation postsecondaire, je voudrais attirer votre attention sur le fait que les tribunaux ont souvent deux poids deux mesures.

Les parents divorcés n'ont pas droit aux mêmes choix concernant leur rôle que les parents non divorcés. Les parents divorcés peuvent être forcés à payer les coûts de l'éducation postsecondaire de leurs enfants d'âge adulte. Contrairement à leurs homologues qui ne sont pas divorcés, les obligations financières des parents divorcés à l'égard de leurs enfants ne prennent pas fin lorsqu'ils atteignent l'âge de la majorité.

Tout comme le parent divorcé, celui qui ne l'est pas a une obligation morale envers ses enfants. Cependant, j'ai l'impression que la loi suppose que les parents divorcés ne feront pas honneur à leur obligation morale à moins qu'elle ne les y force. De toute évidence, les lois existantes sur les pensions alimentaires pour enfants ne réservent pas un traitement égal aux parents divorcés et n'ayant pas la garde de leurs enfants.

Deuxièmement, il est tentant pour les enfants d'âge adulte et les conjoints ayant la garde de leurs enfants d'essayer d'obtenir du tribunal une ordonnance de pension alimentaire et de garde à cause des sommes faramineuses allouées par les juges. Les lois existantes s'accompagnent de nombreuses lignes directrices à l'intention des juges qui entendent leurs causes. Ils sont libres de prendre les décisions qui leur conviennent. Ils sont censés, en théorie, rendre compte de leurs décisions, mais ils sont rarement tenus de le faire dans la pratique.

Ces lignes directrices invitent entre autres les juges à tenir compte de tous les faits pertinents et à accepter tous les renseignements à jour applicables. Cependant, elles ne les obligent pas à le faire. Elles donnent aussi à entendre que si un juge s'écarte dans sa décision ou son ordonnance de l'une de ces lignes directrices, il lui faut énumérer les raisons qui l'ont poussé à le faire. Je le répète, ils ne sont pas obligés de rendre compte de leurs actes et ils peuvent ne rien dire. Les lignes directrices sont censées permettre aux juges de décider de chaque cas en toute objectivité.

• 1535

Il est facile de voir le raisonnement qui se cache derrière le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi, mais il est facile aussi de voir les problèmes qui peuvent se poser. En autorisant les juges à appliquer les lignes directrices qu'ils considèrent comme appropriées dans chaque cas, on leur permet aussi de faire ce que bon leur semble et de laisser libre cours à leurs préjugés.

Même si la sécurité financière des enfants est un objectif important des lois sur les pensions alimentaires pour enfants, ce ne devrait pas être le seul objectif. Les lois qui encouragent même un seul parent divorcé à demander au tribunal d'intervenir et à monter intentionnellement ou non un enfant contre l'autre parent n'ont certainement pas en vue le meilleur intérêt de l'enfant. C'est vrai que celui-ci ait 2, 12 ou 22 ans.

Je suis persuadée que l'intention de ces lois n'a jamais été de faire passer les besoins des enfants d'âge adulte avant ceux des enfants d'âge mineur, mais c'est exactement ce qui peut arriver au tribunal aujourd'hui. Je reçois une pension alimentaire pour mes deux enfants mineurs. Le paiement que me verse leur père est juste et nous en avons convenu sans avoir recours au tribunal.

L'année dernière, deux semaines avant que mon mari ne témoigne devant le tribunal au sujet de la pension à verser à sa fille d'âge adulte, j'ai perdu mon emploi. Le juge qui a entendu la cause de mon mari a refusé d'accepter ma déclaration sous serment selon laquelle notre situation financière avait changé. Il a refusé de tenir compte d'un si grand nombre de faits pertinents dans cette affaire que la pension que je reçois pour ma fille de 14 ans et mon fils de 12 ans sert indirectement à payer la pension versée à ma belle-fille de 21 ans.

Le juge a aussi déclaré que la mère de cette enfant n'a envers sa fille aucune obligation financière ni aucune responsabilité. Il a décidé également que la fille n'a à assumer aucune partie des frais de son éducation postsecondaire. Il a pris cette décision parce qu'il était libre de le faire, et la cour d'appel l'a maintenue.

Personne n'arrivera à me convaincre qu'une déformation aussi perverse des lois est juste ou équitable.

Les lois sur les pensions alimentaires pour enfants qui existent actuellement peuvent protéger les enfants du divorce et assurer leur sécurité financière, ce qui est merveilleux, mais il faut reconnaître aussi qu'elles peuvent, si elles sont appliquées négligemment, détruire plus de familles qu'elles n'en aident.

Indirectement, mes enfants sont les victimes de ces lois. Indirectement, j'en suis moi aussi une victime. Mon mari, qui a eu la garde de sa fille de l'âge de 12 ans à sa majorité, est une victime de ces lois.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Allez-y, madame Dennis.

Mme Wendy Dennis (témoigne à titre personnel): Je comparais devant vous aujourd'hui non pas comme experte ou membre d'un groupe d'intérêt spécial, mais comme simple citoyenne, mère divorcée et deuxième conjointe, qui connaît bien les deux côtés de la médaille, et comme journaliste parce que j'ai été tellement perturbée par ce dont j'ai été témoin que j'ai senti que j'avais le devoir d'écrire à ce sujet.

Il y a trois points que j'aimerais aborder aujourd'hui: ma préoccupation à l'égard de la position des féministes sur cette question, le syndrome d'aliénation parentale et mes recommandations de changement.

Monsieur Gallaway, d'après le Globe and Mail de ce matin, vous auriez dit qu'il faut faire en sorte que le système soit plus juste. Soit dit sans vouloir vous offenser, monsieur, je ne suis pas d'accord. Les Canadiens qui souffrent cherchent un remède qui va leur sauver la vie, pas des placebos.

Nous avons désespérément besoin non pas d'un système plus juste, mais bien d'un nouveau système, qui repose sur la présomption de garde conjointe. Nous avons aussi besoin d'une nouvelle vision du divorce au Canada. Enfin, nous avons besoin que nos législateurs repensent la Loi sur le divorce pour qu'elle reflète cette vision.

Tout d'abord, je pense qu'il est essentiel de dissocier la lutte des sexes qui brouille les cartes de la véritable question qui consiste à savoir où se situe au juste l'intérêt de nos enfants. Certains groupes soutiennent qu'il serait préférable pour les femmes et les enfants de maintenir le statu quo, que les enfants devraient continuer à vivre avec le parent qui a toujours fait le plus pour eux, qu'il ne devrait y avoir aucun lien entre la pension alimentaire pour enfants et le droit de visite et qu'il ne peut pas y avoir présomption de garde conjointe à cause de la violence familiale.

• 1540

Ces groupes prétendent être les porte-parole des femmes. Je tiens à dire ici pour les fins du compte rendu et pour que ce soit très clair que ces groupes ne parlent pas du tout en mon nom ni en celui non plus, je crois, de la majorité des femmes de ce pays.

Je crois que la majorité des Canadiennes, qu'elles soient mariées, qu'elles soient divorcées ou qu'elles entretiennent une relation acrimonieuse avec leur ex-conjoint, savent au fond de leur coeur à quel point il est important pour leurs enfants d'entretenir une relation avec leur père.

L'article que j'ai écrit pour la revue Toronto Life, «The Divorce from Hell», raconte l'histoire d'un homme qui ressemble en tous points au nouvel homme pour lequel les femmes se sont rendues aux barricades dans les années 60. C'est un père présent qui a changé la couche de ses enfants, leur a servi de chauffeur, les a consolés et encouragés. Il les a fait passer en premier et n'était pas là uniquement pour les parties de plaisir. Pourtant, je ne saurais vous dire combien de soi-disant féministes l'ont calomnié et l'ont qualifié d'obstructionniste parce qu'il a refusé de céder et d'accepter le rôle qui revient au père dans le divorce, payer et se faire rare. Elles s'en sont prises à l'homme même qu'elles auraient porté aux nues comme père idéal de leurs enfants durant le mariage parce qu'elles auraient voulu qu'il s'éclipse, sauf financièrement, après le divorce. À mon avis, c'est là que le mouvement féministe a échoué.

D'après ce que je comprends, le féminisme a trait à l'égalité des sexes. Pourquoi alors deux poids deux mesures? C'est la raison pour laquelle la position féministe me scandalise comme femme, citoyenne, mère et être humain.

J'aimerais maintenant vous parler du syndrome d'aliénation parentale. D'après les recherches que j'ai faites pour le livre que je suis en train d'écrire à ce sujet, qui a aussi pour titre The Divorce from Hell et qui doit être publié en septembre, je peux vous dire que ce syndrome est un problème social répandu, mais dont on ne parle pas très souvent.

Tout d'abord, il faut reconnaître en quoi il consiste, après quoi il faut lui donner le nom qui convient. Le nom qui convient au syndrome d'aliénation parentale est celui de violence envers les enfants et il faudrait que nous prenions les mêmes mesures que dans le cas de n'importe quelle autre forme de violence à l'égard des enfants: la criminalisation.

Le principal expert en la matière est Richard Gardener qui explique dans son livre The Parental Alienation Syndrome comment le parent coupable d'aliénation force ses enfants à s'associer à lui pour noircir l'autre parent. Plus souvent qu'autrement, les coupables de cette forme de violence envers les enfants sont des mères, parce que ce sont elles qui plus souvent qu'autrement obtiennent la garde des enfants. Même si la preuve peut être faite du SAP, les juges n'enlèveront presque jamais au parent aliénant la garde de ses enfants, car ils croient dans l'ensemble qu'il est préférable que les enfants restent avec leur mère, peu importent les circonstances.

J'ai vu à quel point ce préjugé est ancré lorsque j'ai écrit The Divorce From Hell. C'est l'histoire d'un père qui voulait la garde conjointe et d'une mère qui voulait être la seule à avoir la garde des enfants. Les preuves recueillies ont montré que le père était dévoué et que sa femme s'était parjurée au tribunal, avait porté contre lui des accusations calomnieuses d'agression sur les conseils de son avocat, l'avait faussement accusé de harcèlement criminel et avait installé un sélecteur d'appels sur le téléphone pour que ni lui ni ses parents ne puissent communiquer avec les enfants. Elle a renvoyé les cadeaux que la grand-mère des enfants leur avait envoyés et leur a fait écrire des lettres anonymes venimeuses. Elle est allée jusqu'à contrevenir à une ordonnance du tribunal et, sans avertir, est déménagée dans une autre ville sans laisser d'adresse.

Malgré l'ordonnance du tribunal précisant qu'il avait la garde conjointe et que les enfants étaient censés vivre avec lui une semaine sur deux, le père n'est même pas arrivé à savoir où ses filles vivaient. Il n'a pas vu ses filles depuis cinq ans et ne sait toujours pas où elles vivent.

Néanmoins, de nombreux lecteurs ont vu dans la mère une victime et s'en sont pris au père. Une femme a écrit une lettre à la revue Toronto Life la blâmant d'avoir publié cet article pour la raison suivante: «Elles n'ont pas vu leur père depuis deux ans et se sont probablement faites à leur nouvelle vie. La publication de cet article va sans doute les ramener à la case départ!» Pour moi, cette lettre revient à dire ceci: «Comment osez-vous publier la photo d'enfants disparus sur des boîtes à lait, des affiches ou des autobus? Après tout, ces enfants se sont probablement faits à leur nouvelle vie avec leurs ravisseurs.»

• 1545

Nous devons renforcer le pouvoir des lois pour qu'elles dissuadent les parents de contrevenir aux ordonnances du tribunal et de commettre les crimes que constituent l'aliénation parentale et le rapt d'enfant. Si on révoque le passeport et le permis de conduire de ceux qui se soustraient à leurs obligations alimentaires, il faut aussi les révoquer dans le cas de ceux qui contreviennent aux ordonnances de garde et nient à leurs enfants le contact avec l'autre parent. Si on adopte des lois à tolérance zéro pour les voies de fait contre un membre de la famille et la violence à l'égard des enfants, il faut faire la même chose pour les parents coupables du crime d'aliénation parentale. Les parents qui contreviennent à une ordonnance du tribunal et déménagent devraient être arrêtés et inculpés.

Enfin, voici ma recommandation. Le Canada est indiscutablement en retard sur d'autres pays pour ce qui est des pratiques liées à la garde. On ne peut pas tout simplement prendre la Loi sur le divorce, en supprimer un mot ici et là et penser en avoir assez fait. Quelle que soit votre vision, je pense qu'elle devrait inclure plusieurs éléments.

Tout d'abord, je crois qu'il faut soustraire ces questions au système judiciaire. Le système accusatoire est ce qu'il y a de pire pour bouleverser une famille. À cause de leurs antécédents et de leur formation, les avocats sont les gens les plus mal placés pour s'occuper de questions familiales. Même ceux qui ont un sens moral, qui s'intéressent passionnément à leurs clients et à leurs enfants et tiennent sincèrement à régler leurs problèmes le plus rapidement possible sont impuissants face à un système qui récompense constamment les gens sans scrupules.

J'envisage une variante des approches utilisées dans l'État de Washington, en Floride et dans le Maine, qui reposent sur la présomption de garde conjointe et obligent les parents à s'entendre sur un plan parental après le divorce. Vous connaissez déjà ces solutions de rechange. Elles sont exposées dans le document de travail de mars 1993 sur la garde des enfants et le droit de visite.

Je ne saurais trop insister sur l'importance de réécrire la loi pour y incorporer une présomption de partage des responsabilités parentales. Si vous ne faites aucune autre recommandation, je vous exhorte à veiller à ce que les parents soient tenus de jouer un rôle dans la vie de leurs enfants, un point c'est tout. Nous devons nous débarrasser une fois pour toutes de cette terrible idée de devoir choisir entre son père et sa mère lorsque deux personnes divorcent.

Nous devons aussi envisager l'idée du soutien des enfants dans un contexte beaucoup plus vaste. S'agit-il seulement d'un soutien financier ou englobe-t-il le soutien affectif?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez un peu dépassé votre temps.

Mme Wendy Dennis: C'est parfait, je vais me contenter de dire, en guise de conclusion, que les enfants peuvent s'adapter beaucoup plus facilement à un niveau de vie plus bas qu'à la perte d'un parent, et je pense que nous devons punir les parents qui leur refusent ce genre de soutien également.

En fin de compte, on ne peut pas obliger par la loi les gens à être de bons parents, mais on peut protéger ceux qui veulent l'être. Vous pouvez dire à ceux qui ne sont pas d'accord que s'ils ne se montrent pas à la hauteur des normes que nous entendons établir en tant que société pour l'éducation de nos enfants, ils devront en subir les conséquences. Nous avons besoin de votre leadership et d'une nouvelle vision.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Nous allons commencer par le sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais débuter par vous parce que vous avez été la dernière et que vous avez parlé d'une chose qui est très populaire, je le sais, du moins en Californie, le premier État à avoir établi une présomption légale en faveur de la garde conjointe. On a commencé à s'en écarter, le saviez-vous?

Mme Wendy Dennis: Je ne parle pas nécessairement d'une présomption légale de garde conjointe. Je faisais allusion à une présomption de partage des responsabilités parentales, soit la notion que le père et la mère auront tous les deux un rôle actif à jouer. On partirait de ce principe pour établir un plan parental.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous pourriez peut-être élaborer un peu et faire le lien avec les lignes directrices auxquelles nous devons maintenant tous nous conformer. Comment pourrait fonctionner le partage des responsabilités parentales dans ce contexte?

Mme Wendy Dennis: Bien.

Le sénateur Duncan Jessiman: Comme je l'ai dit tout à l'heure, certains pensent que le père et la mère devraient passer à peu près le même temps avec leurs enfants. Comment définissez-vous le partage des responsabilités parentales? À un moment donné, j'ai dit qu'un tiers du temps pourrait être partagé, sans compter les nuits.

Mme Wendy Dennis: J'ai avec mon ex-mari une entente de garde conjointe, même si j'entretiens avec lui une relation acrimonieuse depuis 14 ans à peu près et que nous avons eu un litige, ce qui n'est pas réglé. Néanmoins, notre fille qui est maintenant âgée de 18 ans—et nous nous sommes séparés lorsqu'elle avait quatre ans—a fait la navette entre le foyer de son père et le mien chaque semaine pendant de nombreuses années et avec beaucoup de bonheur. Elle s'est épanouie et nous n'avons modifié cette entente qu'au moment où elle a atteint l'âge de 13 ou 14 ans et où elle a décidé elle-même qu'elle voulait la modifier.

• 1550

J'ai donc entendu de nombreux arguments. Les tribunaux sont actuellement d'avis qu'il ne peut pas y avoir garde conjointe si la séparation a été acrimonieuse, parce qu'elle ne peut pas fonctionner. Je ne suis pas nécessairement d'accord.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites que la relation est acrimonieuse entre vous et votre mari, mais pas en ce qui concerne la garde de l'enfant. Ce n'est pas la garde qui était en cause?

Mme Wendy Dennis: Non, la garde n'a jamais posé de problème.

Le sénateur Duncan Jessiman: C'est bien, allez-y.

Mme Wendy Dennis: Peu importe que ce soit à mi-temps, le tiers du temps ou trois jours par semaine, je pense que c'est une chose dont il faudra décider dans le contexte du processus mis en place dès que les gens divorcent. Le père et la mère devront s'asseoir avec le coordonnateur et définir un plan parental.

Je ne crois pas que la loi devrait préciser qu'il doit consister en ceci ou cela. Les parents devraient pouvoir décider eux-mêmes de ce qui convient à leurs enfants. Je ne peux donc pas vous donner une réponse parfaite.

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais en vertu de la loi actuelle, si un accord intervient et que l'homme—dans 80 ou 90 p. 100 des cas, ce n'est pas lui qui a la garde des enfants—les a 39 p. 100 du temps et la mère qui en a la garde 61 p. 100 du temps, on ne tiendrait pas compte des deux revenus. On en tiendrait compte si les chiffres étaient de 40 et de 60 p. 100. Certains disent qu'il faudrait aller à 50 p. 100. Qu'est-ce qui est juste? Nous pensions à 30 p. 100, parce que...

Mme Wendy Dennis: Ce qui est juste, c'est 50 p. 100.

Le sénateur Duncan Jessiman: Donc, 50 p. 100 pour la pension et 50 p. 100 pour la garde—mais 50 p. 100 de quoi?

Mme Wendy Dennis: Si les enfants passent autant de temps dans un foyer que dans l'autre, les dépenses des ménages seront les mêmes et on n'aura alors qu'à calculer les dépenses extraordinaires—pour les activités et ainsi de suite—qui encore une fois peuvent être payées proportionnellement au revenu respectif.

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous ne tenez pas compte du revenu respectif.

Mme Wendy Dennis: Je sais que nous avons des lignes directrices qui ne concernent que le payeur...

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, et cela complique énormément les choses.

Il y a une autre chose au sujet du droit de visite, et qui n'a rien à voir avec l'argent...

Mme Wendy Dennis: Soit dit en passant, j'espère que vous supprimerez ce terme. Il est laid. Tous ces mots sont laids.

Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord.

Vous savez qu'en cas de non-paiement de la pension pour enfants, le passeport et le permis de conduire du parent qui n'a pas la garde des enfants peuvent être confisqués. Ce matin, un témoin nous a dit que sa femme s'était rendue coupable de je ne sais trop combien d'outrages au tribunal avant qu'on l'accuse d'outrage au tribunal et qu'on la jette en prison. Ne serait-il donc pas raisonnable que la même sanction soit imposée au conjoint ayant la garde qui refuse à l'autre le droit de visite? Enlevez-lui son permis de conduire et son passeport et jetez-la en prison. Seriez-vous d'accord?

Mme Wendy Dennis: Comme je l'ai dit, ce qui est imposé à l'un devrait aussi l'être à l'autre. Je ne crois pas que personne pense que la prison est une bonne solution.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais aucune peine n'est actuellement prévue en cas de refus du droit de visite.

Mme Wendy Dennis: C'est vrai, il n'y a aucune pénalité.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous êtes donc d'accord pour dire qu'il faudrait que ce soit égal.

Mme Wendy Dennis: Oui. Et j'ajouterais que nous savons d'après les recherches en sciences sociales que lorsqu'on permet aux pères—dans la grande majorité des cas, ce sont les pères qui n'ont aucun contact avec leurs enfants ou qui n'en obtiennent pas la garde—d'avoir des contacts avec les enfants, le versement de la pension ne pose pas les mêmes genres de problèmes.

Cela va de soi si on leur permet de jouer un rôle actif dans la vie de leurs enfants. Il est rare que les pères canadiens refusent de subvenir aux besoins de leurs enfants pendant le mariage. Qu'est-ce qui arrive? Deviennent-ils tout à coup de mauvais payeurs dégueulasses? Je ne le crois pas. Je pense qu'il y a une autre raison à cela et que nous devons essayer d'aller au coeur du problème.

Les recherches en sciences sociales nous indiquent que les pères veulent maintenir ce contact avec leurs enfants. Lorsque vous en faites des oncles qui ne peuvent pas voir leurs enfants plus d'une fin de semaine sur deux et qu'ils reviennent dans leur vie— car il leur arrive très occasionnellement d'être de nouveau parachutés dans leur vie—la douleur que leur cause la perte de ce contact quotidien est tellement grande, car leurs enfants deviennent soudain des étrangers pour eux, qu'ils ne peuvent pas la supporter; ils se mettent alors à se détacher et à se bâtir une deuxième famille dans l'espoir d'un nouveau début. C'est donc compréhensible dans ce contexte.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénateur.

Monsieur Mancini.

• 1555

M. Peter Mancini: J'ai une ou deux questions. Celle-ci s'adresse à M. Fox, mais vous êtes tous libres de faire vos commentaires.

J'ai l'impression que nous sommes en train de restreindre la discussion à l'application de la loi. Toutes sortes de bonnes idées ont été émises à propos de la garde conjointe ou du partage des responsabilités parentales, mais ce qui complique tout là-dedans, c'est l'enfant. Je comprends ce que vous voulez dire comme avocat au criminel—car j'ai moi-même pratiqué le droit au civil et au criminel—quand vous parlez des coûts. Vous avez raison de dire que si une partie se présente constamment devant le tribunal, refuse de collaborer ou d'obéir aux règles, des coûts sont prévus au civil. Quelqu'un qui se rend coupable d'outrage au tribunal peut soit se voir imposer une amende soit être jeté en prison.

Mais en fin de compte, ce qui complique tout ça, c'est la troisième partie, l'enfant. Si nous imposons des coûts à la mère, par exemple, ou si nous la jetons en prison... Je ne pense pas que personne nie le fait que les enfants forment des liens affectifs. Des liens se forment même avec les pires parents. Même dans le cas d'une mère coupable d'aliénation parentale, par exemple—si nous mettons la mère ou le père en prison, si nous imposons des coûts au père ou à la mère, en fin de compte, nous allons ôter le pain de la bouche à l'enfant, nous allons le priver de son père ou de sa mère qu'il aime.

Quand on parle d'application de la loi, n'est-ce pas le facteur qui complique tout? Je n'ai pas la réponse et c'est la raison pour laquelle je vous pose la question. Pourriez-vous nous proposer une solution quelconque? Nous pourrions peut-être mettre l'argent dans un fonds de fiducie pour l'enfant. Je ne sais pas, mais...

M. Walter Fox: Nous pourrions commencer par mettre un terme au huis clos et par avoir une transcription.

La sénatrice Anne Cools: Vous avez raison.

M. Walter Fox: Vous pouvez vous imaginer ce qu'il adviendrait des audiences du comité ou des débats de la Chambre des communes s'il n'y avait pas de hansard. Des problèmes se posent et ils sont difficiles à régler. Vous savez comment ça se passe. Le juge amène tout le monde, y compris les avocats, dans l'antichambre. Il commence à faire des menaces choquantes et bizarres à une partie ou à l'autre—habituellement au père. L'avocat dit alors au père que s'il n'est pas d'accord avec ce que la mère offre, le juge dit qu'il va être décapité.

Nous ne pouvons pas vraiment nous imaginer ce qui se passe tant que c'est à huis clos, ni même en audience publique s'il n'y a pas de transcription. Je ne sais pas si ça réglerait le problème—il est très compliqué comme le comité a dû le constater— mais ce serait un début.

Comme criminalistes, nous faisons la négociation de plaidoyers, n'est-ce pas? Nous rencontrons le juge en chambre et une décision est prise. Nous retournons ensuite dans la salle du tribunal où la défense dit «c'est ma position et je l'ai exposée à votre honneur dans l'antichambre», après quoi la poursuite dit «c'est ma position». Le juge répond alors: «Je vous ai écouté tous les deux et voici ma décision.» Il penche parfois en faveur de la poursuite et parfois en faveur de la défense, mais tout est dans le compte rendu.

L'exemple le plus clair est celui de l'affaire Karla Homolka en Ontario qui a obtenu ce que certains appellent un traitement de faveur, ou conclu un pacte avec le diable. Je n'entrerai pas dans les détails, mais la décision a été prise en audience publique. Même si le secret avait été imposé, nous avons fini par connaître toute l'histoire.

Cela ne se fait pas en droit de la famille et je dois dire que comme avocat criminaliste j'ai été abasourdi. Mon avocat m'a dit: «Le juge veut que vous subveniez aux besoins de cette enfant jusqu'à ce qu'elle ait 30 ans. C'est sa décision et vous feriez mieux de l'accepter.» Vous pouvez vous imaginer ce que j'ai dit à mon avocat de répondre au juge.

M. Peter Mancini: Je peux m'imaginer.

Des voix: Ah, Ah.

M. Peter Mancini: Ma deuxième question est en fait une observation. Elle m'est venue lorsque nous avons rencontré un autre témoin, Mme Grande, mais je vais vous la poser pour avoir vos commentaires. Vous avez un peu parlé de la question d'argent et nous finissons toujours par y revenir un moment donné.

Malheureusement, la situation est aussi acrimonieuse même lorsqu'il n'y a pas d'argent. J'ai aussi pratiqué le droit des pauvres et même dans les cas où le père a un revenu modeste et la mère aussi, il y a quand même de l'acrimonie. Cela n'a rien à voir avec les chiffres, parce que l'argent manque. Je ne sais pas ce que nous devrions en conclure.

J'ai entendu des gens dire que le problème est en partie attribuable au fait que la mère refuse au père le droit de garde ou de visite parce qu'elle veut de l'argent, ou au fait que le père ne verse pas sa pension ou peu importe. Mais un problème se pose même dans les cas où il n'y a pas d'argent. Je me demandais si nos témoins avaient quelque chose à nous dire à ce sujet—y a-t-il une différence entre les gens qui vivent dans la pauvreté et les autres? Les problèmes sont-ils différents? Comprenez-vous ma question?

• 1600

Mme Wendy Dennis: Je pense que oui. Il y a deux choses dans ce que vous dites. L'acrimonie qui entoure un divorce peut prendre diverses formes et s'expliquer par bien des raisons, mais dans le système judiciaire que nous avons maintenant, il est très facile de se servir des enfants pour obtenir de l'argent...

M. Peter Mancini: Ce que j'essaie de dire, c'est qu'un problème se pose même lorsqu'il n'y a pas d'argent. Nous ne nous servons pas des enfants pour obtenir de l'argent. Nous les mettons en situation de pouvoir.

Mme Wendy Dennis: Oui.

M. Peter Mancini: L'accès en lui-même devient presque un pouvoir.

Mme Wendy Dennis: Cela nous ramène à ce que je disais à propos de la définition du soutien. Je dirais qu'il englobe à la fois le soutien affectif et le soutien financier—vous vous demandiez tout à l'heure si nous tenons vraiment à ôter le pain de la bouche aux enfants et à jeter les mères en prison. Mais voulons-nous aussi laisser entendre aux enfants qu'on peut faire la pluie et le beau temps, qu'on n'a de comptes à rendre à personne et que le système est truqué? À mon avis, ce problème peut être appréhendé de deux façons.

M. Peter Mancini: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président.

Une fois de plus, j'aimerais remercier les témoins du fruit de leur réflexion.

J'ai une question technique, après quoi j'aurai une question à poser à Mme Dennis et à M. Fox. Le premier témoin a fait allusion à l'article 233 du Code criminel. Je crois que cet article traite d'infanticide. Le témoin pourrait peut-être indiquer au comité ce que dit au juste cet article du Code criminel:

M. Patrick Ellis: Il dit ceci:

    Une personne du sexe féminin commet un «infanticide» lorsqu'elle cause

La sénatrice Anne Cools: Seulement «une personne du sexe féminin»?

M. Patrick Ellis: C'est exact.

La sénatrice Anne Cools: Il ne peut pas s'agir d'une «personne du sexe masculin»?

M. Patrick Ellis: L'article 28 s'applique. Cela vaut pour un nouveau-né. L'article dit ceci:

    si au moment de l'acte ou de l'omission elle n'est pas complètement remise d'avoir donné naissance à l'enfant et si, de ce fait ou par suite de la lactation consécutive à la naissance de l'enfant, son esprit est alors déséquilibré.

Le corollaire est la défense.

La sénatrice Anne Cools: Bien sûr. Et nous savons le rôle que cela joue; nous avons donc la responsabilité réduite. Merci.

Ma deuxième question s'adresse à vous, madame Dennis, et je vous remercie de votre déclaration que j'ai trouvée très éloquente sur le féminisme radical, la supposée supériorité biologique. Je vous remercie d'avoir décrit la faillite morale et intellectuelle de l'idéologie féministe radicale.

Je vous remercie aussi d'avoir dit, si j'ai bien compris, que la croyance idéologique que les femmes ne peuvent rien de mal est une invitation pour certaines à mal agir. J'ai été très surprise. De toute évidence, vous avez beaucoup réfléchi à la question et fait énormément de recherches. La facilité que vous avez, vous les écrivains, à trouver les mots pour exprimer vos idées me sidère. Je vous en remercie. Tout le phénomène de la récompense du comportement sans scrupule...

À un moment donné, cette idéologie a trouvé un terrain propice et s'est épanouie dans le droit de la famille, au tribunal de la famille et dans la procédure judiciaire. Je sais que vous écrivez beaucoup et que vous faites énormément de recherches à ce sujet, mais avez-vous une idée de la façon dont cette idéologie a pu s'implanter aussi fermement dans ce domaine particulier du droit?

Ma question s'adresse à tous.

• 1605

M. Walter Fox: J'ai quelque chose à dire à ce sujet.

La sénatrice Anne Cools: Je m'intéresse à ce qu'il me faudrait appeler la corruption des concepts juridiques.

M. Walter Fox: Ma crainte en ce qui concerne le féminisme, tel qu'il nous a été présenté et qu'il se manifeste, n'a pas à voir autant avec le contenu du féminisme qu'avec sa structure.

La première chose qui arrive, c'est que la réflexion et la liberté d'expression tombent à l'eau. La deuxième chose, c'est qu'il se manifeste dans le secteur du droit, qui a le plus d'importance pour le mouvement, c'est-à-dire le droit de la famille, tel que nous le connaissons. C'est là le féminisme.

Et si c'était du fascisme? Et si c'était du communisme? Et s'il correspondait à n'importe quel mot se terminant en «isme» et finissait par déshumaniser une partie quelconque de notre population?

À mes yeux, le féminisme a malheureusement fini par épouser le même genre de structure et de forme que le maccarthysme. La presse écrite a une influence dans les tribunaux et elle va chercher un endroit où s'implanter. Le féminisme, sous sa forme actuelle, est en réalité un enfant de la partie qui a perdu la Seconde Guerre mondiale. On se bat en quelque sorte pour une idéologie qui a pris une forme différente.

Je ne veux pas assimiler le féminisme au nazisme—car il est bien sûr plus acceptable—mais Dieu sait où nous mènera le féminisme, cette structure, cette façon d'aborder les choses, ces idées, ces envolées idéologiques. C'est à cette approche des choses que nous devons nous attaquer, pas au contenu lui-même.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Dennis, vouliez- vous dire quelque chose?

Mme Wendy Dennis: Je suis assez vieille pour me souvenir de l'époque à laquelle j'étais bénévole pour un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle de Toronto. Le dimanche matin, j'avais l'habitude de rencontrer des policiers qui faisaient des blagues sur le viol et se tenaient les côtes. Je suis donc consciente du temps qu'il a fallu pour que les attitudes évoluent et je suis étonnée de la distance que nous avons parcourue. En fait, je pense que nous sommes allés trop loin. C'est ce que je voulais aussi vous dire aujourd'hui—que le pendule est allé trop loin dans l'autre direction.

L'influence du mouvement se fait sentir dans les médias. Mon propre conjoint a été faussement accusé d'agression contre sa femme. À cette étape-ci de l'évolution de notre culture, lorsqu'une femme dit «cet homme m'a frappée», tout le monde la croit. Elle n'a pas besoin de preuves. C'est injuste, et c'est cette attitude malheureuse qui imprègne actuellement notre système de droit de la famille.

En principe, nous sommes censés être égaux. Je pensais qu'il y avait eu une réforme du droit de la famille qui reflétait désormais les notions d'équité et de justice, mais je me trompais. Cela n'a rien à voir avec l'équité ou la justice; c'est une question de tactique et de statu quo et les mères cherchent à obtenir la part du lion en ce qui concerne la garde.

Cela a à voir non avec l'équité, mais avec ce dont la mère a besoin pour s'occuper des enfants. La question n'a rien à voir avec les besoins des parents ou des enfants. Non. De quoi a besoin la mère? A-t-elle besoin d'argent? Donnons-lui-en.

Je me suis aperçue que la décision n'est pas prise en fonction des preuves recueillies. On tient au départ pour acquis que le gars ment probablement, alors autant maintenir le statu quo et ne rien changer au niveau de vie de la mère et des enfants jusqu'à ce qu'on sache combien d'argent de plus le père doit payer. C'est essentiellement la façon dont le système fonctionne.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: J'ai seulement une observation à faire.

Je pense que le temps est venu de prendre bien soin de ne pas recommander ou mettre en place des lois qui entraînent des difficultés excessives pour les Canadiens, parce que c'est ce qui ressort, d'après moi, du témoignage de Cynthia et de vous tous aujourd'hui et de ce qu'un grand nombre d'autres témoins nous ont dit cette semaine. Nous devons faire en sorte que le système soit juste. Nous devons aussi établir des règles du jeu équitables pour que la loi soit juste en quelque sorte pour tout le monde. Lorsque les gens font faillite, on ne peut pas parler de règles du jeu équitables. Si vous faites faillite, que vous n'avez pas d'argent et que vous dépendez de l'aide sociale, que pouvez-vous faire pour vos enfants ou vous-même?

• 1610

C'est ce que nous devons sérieusement viser, des règles du jeu équitables et la justice pour tous. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett, vous avez le dernier mot, mais je dois vous dire que nous sommes en retard.

Mme Carolyn Bennett: J'espère seulement qu'après cette séance, le féminisme ne sera pas considéré comme un gros mot. Je tiens à ce que vous sachiez que ce sont des féministes radicales qui sont décrites dans l'excellent article de Wendy qui dépeint une situation intolérable. Les féministes que je connais veulent l'équité, elles veulent des règles du jeu équitables et l'universalité et elles n'aiment pas les structures hiérarchiques. Elles sont beaucoup plus heureuses à l'intérieur de structures horizontales où le pouvoir est équilibré.

J'espère que toutes les féministes que je vois... et je dirais que la plupart d'entre nous ici présentes ne toléreraient pas le passé. Nous voudrions ce qu'il y a de mieux pour les enfants et le mieux, pour les enfants, c'est d'avoir accès aux deux parents qui en ont la responsabilité et qui les aiment.

Tout le monde est d'accord pour dire que la seule personne qui a des droits est l'enfant, qu'il a le droit d'être avec son père et sa mère. Tous les autres ont des responsabilités. Je ne voudrais pas que vous pensiez que toutes les féministes ont des cornes et une queue.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie d'avoir dissipé ce mythe.

Je suis désolé, mais nous manquons vraiment de temps. J'ai l'impression que plus la journée avance, plus le comité a de l'énergie et c'est à cause de vous. Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer. Nous allons prendre une pause d'à peu près trois minutes. Merci.

• 1615




• 1619

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous avons avez nous, de notre dernier groupe de témoins de la journée, M. Michael Cochrane. Bienvenue, monsieur Cochrane. Nous avons aussi M. Greg Kershaw, M. Gal et M. Meier. Comme vous le voyez, je suis la liste officielle.

Une voix: Une serviette.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il me manque deux noms.

M. Frank Heutehaus (témoigne à titre personnel): Je suis M. Heutehaus.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons commencer par M. Cochrane.

• 1620

M. Michael Cochrane (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup. C'est tout un honneur d'avoir été invité à vous faire un exposé quoique je dois admettre que je bouillais de rage lorsque j'ai écouté les derniers témoins. Si vous voulez une vue différente des choses, je vais vous en exposer une au cours des cinq minutes qui me sont allouées.

On vous a remis ma notice biographique. Je tiens seulement à vous signaler que j'ai consacré à des causes de divorce une bonne partie des 18 années pendant lesquelles j'ai travaillé comme avocat. J'étais conseiller en politique pour Ian Scott lorsque l'Ontario a adopté sa Loi sur le droit de la famille, lorsque nous avons rédigé la Loi sur l'exécution d'ordonnances alimentaires et de garde d'enfants et lorsque nous avons apporté des modifications à la Loi portant réforme du droit de l'enfance concernant le droit de visite.

J'ai présidé le Comité consultatif du procureur général sur la médiation en droit de la famille. J'étais représentant de l'Ontario à la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada et je suis membre du Comité fédéral-provincial-territorial sur la politique du droit familial.

J'ai entendu tout ce qu'il y a à dire au sujet du droit de la famille au cours des 18 dernières années. J'ai l'impression que les choses empirent chaque fois qu'un comité comme le vôtre tient des audiences, parce que chacun se montre sous son plus mauvais jour. C'est difficile de rester assis à écouter des propos aussi fous sur le féminisme parce que ce dont il faudrait parler ici, c'est du fait que notre droit de la famille pose des problèmes, et c'est sur quoi je vous exhorte à faire porter tous vos efforts.

La bonne nouvelle, c'est qu'il est possible de les régler. Cela ne suppose aucune révolution politique. Ce n'est pas une question d'idéologie. Le problème, c'est que le droit de la famille a fait son temps; il a été conçu il y a plusieurs décennies en fonction d'un certain type de problème familial. Il faut qu'il soit mis à jour et adapté aux besoins du XIXe siècle pour reprendre les propos de la sénatrice lorsqu'elle est passée à l'émission Jane Hawtin Live. Ce que nous essayons vraiment de faire, c'est de moderniser le droit de la famille.

Je suis toujours un peu surpris des propos que j'entends, parce que la question semble éveiller des passions particulières. On se lance apparemment à la défense des enfants qui sont les victimes du divorce au Canada. Pour une raison ou pour une autre, une fois que la discussion est entamée, on a tendance à oublier les enfants pour se lancer dans des discours politiques du genre de celui auquel nous avons eu droit il y a quelques minutes sur le féminisme.

L'accent devrait demeurer sur les enfants et sur les adultes qui ont le coeur brisé. Ils souffrent inutilement à cause du système que nous avons conçu.

Comme avocat, j'ai eu toutes les sortes de clients imaginables. J'ai représenté des maris, des femmes et des grands- parents qui demandaient la garde de leurs petits-enfants. Je me suis battu contre des sociétés d'aide à l'enfance et j'ai agi en leur nom. J'ai représenté des enfants dans des causes de divorce comme avocat tuteur officiel en Ontario. Je me suis battu contre tout le monde à l'intérieur du système du droit de la famille et la dernière lutte que je veux livrer concerne la conception du système avec lequel nous nous retrouvons aujourd'hui.

Je ne suis pas ici pour défendre la cause des femmes, des pères, des grands-parents ou des féministes. Je suis ici pour vous dire ce que j'ai appris pendant les 18 années où j'ai été avocat, y compris professeur dans une école de droit.

En fait, je vais mettre l'accent sur une seule chose, c'est-à- dire les gens qui se trouvent confrontés au système, souvent sans le vouloir. Je veux parler des hommes, des femmes et des enfants. Il s'agit probablement des pires consommateurs possibles de services juridiques au Canada. Ce sont ces gens-là même qui demandent cinq évaluations s'ils veulent faire repeindre leur maison, interrogent les peintres sur la qualité de la peinture et leur demandent de revenir plus tard parce qu'ils veulent avoir une semaine pour y penser.

Cependant, lorsqu'ils vont voir un avocat, lorsqu'ils se trouvent devant un différend concernant la garde de leurs enfants ou en situation de divorce, ils remettent un chèque en blanc à quelqu'un qu'ils n'ont jamais vu auparavant, et les voilà partis dans une aventure qui va leur coûter toutes leurs économies. C'est une vraie honte. Nous donnons en pâture au système judiciaire des gens qui sont mal équipés pour y faire face.

• 1625

J'ai beaucoup de respect pour le travail que les membres du comité essaient de faire ici. Je sais que vous avez un énorme défi à relever parce que j'ai fait fonction de conseiller du procureur général au moment de la réforme de la Loi sur le droit de la famille, et on nous en a voulu pendant des années, sur le plan personnel et professionnel, d'avoir entamé cette discussion. C'est une boîte de Pandore. Vous pouvez en juger par vous-même. C'est ce à quoi on s'expose quand on aborde le sujet.

Pour venir en aide à mes clients et aux gens que j'ai conseillés, j'ai écrit il y a quelques années un livre sur le fond de l'histoire—les secrets, tout ce qu'il faut savoir au sujet du droit de la famille—pour qu'on ne profite pas d'eux, qu'ils ne se laissent pas exploiter par le système.

Il y a une pile de livres là-bas pour les membres du comité. Je crois savoir que je ne peux pas vous le distribuer parce que je n'en ai pas de version française. Il y a une version anglaise d'un livre qui s'appelle Surviving Your Divorce. Il y en a 15 000 exemplaires sur le marché au Canada. C'est un best-seller.

Je ne suis pas ici pour faire de la publicité sur ce livre, mais après j'en ai écrit un pour les enfants intitulé Surviving Your Parents' Divorce, afin qu'ils comprennent bien la situation et sachent ce que leurs parents vivent.

J'ai écrit ces livres pour dire aux gens d'être des consommateurs plus avertis et c'est ce que j'aimerais vous dire à vous aussi. Le droit de la famille n'est pas une science incompréhensible; c'est une question de bon sens. Nous passons tous par là. Ce n'est pas d'opérations sur titres et de droit commercial que je parle ici. Nous sommes tous confrontés à ce genre de problème un jour ou l'autre et nous devons nous servir de notre bon sens.

Malheureusement, il arrive bien souvent en droit de la famille qu'on oublie le bon sens parce qu'on a le coeur brisé, qu'on est embarrassé, humilié, en état de choc. Il arrive souvent qu'un conjoint ait fait un plus long bout de chemin que l'autre. Un d'entre eux est prêt à déménager et l'autre ne s'est même pas encore aperçu que le mariage ne marche pas. On a donc affaire à des gens qui sont blessés lorsqu'ils ont à prendre une décision et c'est comme leur demander de faire des arrangements pour des funérailles.

Ce sont des consommateurs affaiblis. La meilleure chose à faire est de leur donner beaucoup d'information et il est possible de le faire en apportant des modifications à la loi, par exemple. Ils sauraient lorsqu'ils arrivent chez l'avocat, et c'est là qu'ils aboutiront inévitablement, qu'il y a six choses dont il faut qu'ils soient conscients. Je veux parler du droit au divorce, des questions de garde, du droit de visite, du soutien financier et du partage des biens.

La sixième chose, comme je le dis toujours aux gens, dépend de chacun, parce que chaque famille a toujours une autre question à régler. Il peut s'agir des grands-parents. Il peut s'agir d'un aspect particulier de la rupture, peut-être d'un déménagement. Il se peut aussi qu'il s'agisse de violence familiale, qui est certainement un facteur important dans bien des cas.

Ce sont là les six choses les plus importantes. Lorsque les gens se présentent chez un avocat, il n'y a aucune raison qu'ils ne connaissent pas les choix que leur offre le système juridique. Il faut qu'ils sachent qu'ils doivent demander à leur avocat de faire ce qui leur convient à eux et à leurs enfants au lieu de l'écouter leur dire ce qu'il y a de mieux pour eux.

L'essentiel du livre et de mon exposé d'aujourd'hui, c'est que nous devons supposer plus de bon sens aux gens, aux consommateurs de ces services juridiques. Ces gens sont bien plus intelligents que nous le croyons. Si nous leur donnons l'information voulue et si nous leur exposons les choix dont ils disposent, ils vont dépasser nos attentes.

Je vais probablement manquer de temps, alors merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez épuisé votre temps. Merci.

Monsieur Kershaw.

M. Greg Kershaw (témoigne à titre personnel): Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je suis un ancien féministe. Je suis un ancien dirigeant du mouvement pour la défense des droits des pères. Je suis un père qui n'a pas la garde et un père au foyer. Comme vous pouvez le voir, je connais bien tous les aspects de la garde et du droit de visite.

• 1630

Je suis ici pour vous dire que le régime actuel de garde et d'accès est injuste pour les femmes. Je vais vous lire une citation et je vous demanderai peut-être après de me dire d'où elle vient. Voici:

    NOUS REJETONS les hypothèses actuelles qu'un homme doit subvenir seul à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa femme et de sa famille et qu'une femme a automatiquement droit pour la vie au soutien financier d'un homme à partir de son mariage, ou que le mariage, le foyer et la famille constituent essentiellement l'univers et la responsabilité de la femme—son fief à elle et sa responsabilité financière à lui. Nous croyons qu'un véritable partenariat entre les sexes exige un différent concept du mariage, un partage équitable des responsabilités que constituent le foyer et les enfants et du fardeau économique que constituent les coûts qui y sont associés. Nous croyons qu'il importe de reconnaître la valeur économique et sociale du travail de maison et des soins aux enfants. À cette fin, nous allons demander un réexamen des lois qui gouvernent le mariage et le divorce, car nous croyons que l'actuelle «demi-égalité» qui existe entre les deux sexes est de la discrimination contre les hommes et les femmes et la cause d'une hostilité inutile entre les sexes.

Avez-vous une idée d'où vient cet extrait? Il a été rédigé il y a 32 ans par un groupe nouvellement formé appelé la National Organization for Women. Ce document traite de toutes ces questions, et je peux en laisser un exemplaire au comité pour qu'il le fasse traduire. Ce qui est intéressant au sujet de ce document, c'est qu'aucune des questions dont il traite n'a changé en 32 ans. Ce qui a changé, c'est la position des femmes, la position des groupes féministes radicaux.

Lorsque le Comité fédéral-provincial-territorial du droit de la famille s'est penché sur la garde des enfants, les droits de visite et la pension alimentaire, ce groupe a préparé un document pour Situation de la femme Canada. Il s'agit du seul document que ce comité a dans ses dossiers. Voici la nouvelle position:

    Les lois sur le divorce inspirées d'une notion idéalisée du partage des responsabilités parentales, fondée sur une vision socio-économique ethnocentrique atypique de la famille, ne feront qu'exacerber les préjugés systémiques actuels contre les femmes, à leur détriment et à celui de leurs enfants.

Les choses ont un peu changé.

Au moment où je préparais mon exposé, je me suis dit que j'aborderais la question sous un angle légèrement différent de la plupart des gens. J'ai beaucoup lu les journaux dernièrement et j'ai trouvé quelque chose d'assez intéressant. On commence à publier les données du dernier recensement. Apparemment, si on inclut le travail non rémunéré des femmes, une femme ne gagne actuellement que 52 cents pour chaque dollar qu'un homme gagne. Pourquoi? Parce que les femmes doivent s'occuper des enfants. Voilà.

Je lisais un autre article. Apparemment, les Forces canadiennes sont aux prises à l'heure actuelle avec un énorme problème; elles manquent de femmes. Ce vieil organisme bénévole va donc entreprendre un programme spécial d'action positive. Elles vont dépenser au moins 1,5 million de dollars pour la publicité en vue uniquement d'attirer des femmes. Ça n'a pas marché jusqu'à maintenant. Pourquoi? Parce que les femmes doivent s'occuper des enfants.

En Ontario, apparemment, nous avons une pénurie de femmes juges. Nous avons un programme d'action positive. On essaie d'encourager les femmes à devenir juges. Le problème, c'est qu'on ne reçoit pas de demandes de candidates. Pourquoi? Parce que les femmes doivent s'occuper des enfants.

C'est un véritable problème. Apparemment, 55 p. 100 des étudiants universitaires sont des femmes. Pourquoi attacher tant d'importance à leur éducation pour leur dire quand elles ont terminé leurs études: «T'as fait pas mal de chemin ma belle. Prends ton diplôme, rentre à la maison et occupe-toi des enfants.» Vous allez vous retrouver avec un tas de femmes très en colère qui après avoir obtenu leur diplôme vont devoir rester à la maison pour s'occuper des enfants.

J'ai une histoire à vous raconter. Je fais beaucoup de counselling dans le secteur du divorce. J'ai conseillé une femme sensationnelle qui a gagné. Elle a décidé qu'elle voulait divorcer. Elle en a parlé à son avocate qui lui a proposé de se réfugier dans une maison d'hébergement pour femmes battues et d'accuser son mari de violence envers elle-même et les enfants. C'est ce qu'elle a fait. En réalité, le tribunal lui a interdit par une ordonnance de communiquer avec elle sous prétexte de violence psychologique. La Société d'aide à l'enfance s'en est mêlée. Elle a interviewé le père. Bien sûr, l'allégation était sans grand fondement et il n'a donc pas été inculpé.

Elle est allée au tribunal. Le juge lui a dit: «Je ne sais pas si ce que vous dites est vrai ou non. Vous essayez peut-être seulement de faire du tort au père. Savez-vous ce que je vais faire? Je vais vous punir en vous accordant la garde conjointe.» Puis, il a dit au père: «Je ne sais pas si vous êtes coupable ou non et, au cas où vous le seriez, je vais vous accorder une heure de visite par semaine avec chaque enfant.»

C'est ce qu'il entendait par garde conjointe. Les deux parties étaient très en colère et n'en resteront pas là.

Maintenant, un autre problème se pose. Son avocate lui a dit que nous avons maintenant cette merveilleuse nouvelle loi sur la pension alimentaire pour enfants qui garantit le même niveau de vie après le divorce qu'avant. Essayez de deviner. Ça ne marche pas. La pension qu'il paye, plus son impôt fédéral et provincial, correspond à 75 p. 100 de son salaire, ce qui est le maximum prévu par la loi.

Ce n'est pas encore assez; elle a besoin de l'aide sociale pour joindre les deux bouts. Nous avons établi un plan avec elle. Savez-vous quoi? Pour survivre, elle a besoin de 110 p. 100 de son salaire. C'est impossible, et elle doit donc envisager la possibilité de travailler. Mais elle ne peut pas se trouver d'emploi parce qu'elle doit s'occuper des enfants.

• 1635

Elle est donc allée voir ses parents. Ils lui ont dit: «Nous aimons nos petits-enfants, mais nous n'allons pas les élever pour toi.» Elle s'est aperçue qu'il est très coûteux de faire garder quatre enfants. Donc, elle envoie les enfants chez leur père une fin de semaine sur deux. Son avocate l'a mise en garde: «Si tu fais ça, il va pouvoir réclamer la garde. Trouve quelqu'un d'autre. Si tu n'y arrives pas, envoie-les chez leur père en dernier recours.»

Elle a maintenant décidé qu'elle aimerait envoyer les enfants chez le père plus souvent, mais il n'a pas assez d'argent pour les nourrir après qu'il a payé la pension alimentaire. Elle ne peut pas se permettre d'accepter une pension alimentaire moins élevée pour les enfants parce qu'elle n'arrive déjà pas à joindre les deux bouts. Si elle réduisait sa pension, on lui couperait l'aide sociale.

Elle se trouve maintenant devant un dilemme. Ils n'ont plus d'argent, le père a été accusé d'agression sexuelle, les enfants éprouvent certains problèmes, elle aimerait les envoyer chez leur père—l'avocate n'est pas d'accord. Cette femme a gagné. Elle a obtenu tout ce qu'elle avait demandé. Elle a suivi les conseils de son avocate jusqu'au bout et que va-t-elle faire maintenant?

Ce dont nous avons besoin actuellement, je crois, et nous avons parlé du partage des responsabilités parentales...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur, pourriez-vous s'il vous plaît faire vos recommandations?

M. Greg Kershaw: Ma recommandation, c'est de mettre en place un programme d'action positive pour les pères—de leur accorder obligatoirement la garde des enfants pendant les cinq prochaines années jusqu'à ce que nous ayons trouvé un certain équilibre. Ça va permettre aux femmes de travailler comme elles le devraient. Elles vont pouvoir se trouver des emplois. Et vous savez quoi? Elles vont avoir une plus grande estime d'elles-mêmes. On entend souvent dire qu'elles n'en ont pas tellement et je peux vous dire que c'est le cas de cette femme. La seule façon d'y arriver est d'avoir un programme d'action positive pour les pères.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

[Note de la rédaction: Protestations de l'assistance]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi. Monsieur, s'il vous plaît. Vous n'avez pas le droit de parler à moins que je vous donne la parole. Pourriez-vous quitter la salle?

Je suis désolé de cet incident.

Monsieur Gal.

M. Stan E. Gal (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'appelle Stan Gal. Je ne suis pas ici pour vous parler de mes dix années d'expérience des dédales du droit de la famille. Je ne suis pas ici pour vous parler d'une décennie de chagrin et de faillite financière. Non, je suis ici pour vous parler de mes deux fils. C'est une autre histoire.

Je suis ici pour vous parler d'un collier—d'un collier de perles. Pour les honorables membres du comité, c'est seulement un collier. Pour moi, il représente un engagement vieux de dix ans envers ma fille.

Laissez-moi vous raconter l'histoire de ce collier. Il y a dix ans, j'ai promis à ma fille de lui offrir un collier de perles pour son vingt et unième anniversaire. Il y a à peu près un mois, je suis allé magasiner pour ce collier. La vendeuse m'a demandé pour qui c'était, et ce qu'elle aimait porter. Je lui ai dit que c'était pour le vingt et unième anniversaire de ma fille, mais je n'ai pas pu lui dire comment elle s'habille habituellement ni ce qu'elle aime porter.

Après que j'ai eu choisi le collier, la vendeuse m'a dit qu'il était très beau et que ma fille était très chanceuse, qu'elle était persuadée que ma fille l'aimerait beaucoup. Je lui ai simplement répondu: «Je ne le saurai probablement jamais. Il y a plus de sept ans que je lui ai parlé.» Elle m'a regardé d'un air perplexe et je suis parti.

En 1991, j'ai demandé le divorce et un partage des biens. C'est ainsi, comme nous le savons tous, que chaque affaire commence. Ce que les tribunaux ne savent pas et que je ne savais certainement pas moi-même, c'est ce qui se passe en coulisse lorsque toutes sortes de manoeuvres sont utilisées pour exercer des pressions en vue d'avoir la garde des enfants.

Différents obstacles se mettent à entraver le processus, la question de savoir qui obtiendra quoi, la crainte des enfants d'être abandonnés par leur père, l'inquiétude des enfants qui se demandent où ils vont aller vivre, la peur des enfants que leur père ne les aime plus. On se sert des émotions des enfants jusqu'à un point de rupture et ils sont tiraillés de toutes parts. Résultat, l'éloignement graduel mais inévitable des enfants de leur père.

J'avais l'habitude de penser que mon cas était unique. Je suis désolé de devoir dire que je ne suis pas le seul dans ce cas. Je me suis aperçu, écoeuré, que ma situation est typique.

• 1640

Plus souvent qu'autrement, ces difficultés excessives entraînent un stress émotionnel pour tout le monde et ont une incidence durable sur les pères et leurs enfants. Je me rends compte de toutes les souffrances morales. J'y pense chaque fois que je regarde ce collier.

Le processus se répète encore et encore et peu importe le nombre d'ordonnances du tribunal et d'accords consensuels, nos liens avec les enfants sont rompus à tout jamais. Nous ne pouvons pas retrouver le temps perdu et l'amour perdu par suite de fausses allégations et accusations.

On dit souvent qu'on ne peut pas obliger les gens à bien se conduire à coup de lois. C'est la même chose pour la coopération. La mère qui a la garde peut faire ses quatre volontés et empêcher le père de voir ses enfants.

Le comité a reçu pour mandat d'examiner et d'analyser les questions liées aux ententes de garde et de visite après la séparation et le divorce, d'évaluer le besoin d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille, c'est-à- dire d'une approche qui mette l'accent sur les responsabilités de chaque parent et sur les besoins des enfants et leur meilleur intérêt, au moment de la conclusion des ententes concernant l'éducation des enfants.

Pour arriver à remplir son mandat, le comité doit mettre l'industrie du droit de la famille à contribution. Cette industrie fait sa proie de la vulnérabilité et de l'émotivité de la famille déchirée. Cette industrie crée des attentes de stabilité au moment où la famille est en désarroi.

Le comité trouvera peut-être ma suggestion radicale, mais elle n'a rien de nouveau. Je propose que le comité souscrive à ce qui suit.

Les couples qui se séparent devraient être tenus de déposer un plan concernant l'éducation des enfants auprès du tribunal. Aucune somme d'argent ne serait transférée tant que ce plan n'aurait pas été établi et approuvé par le tribunal. Les parents qui se soustrairaient constamment à ce plan d'éducation auraient des comptes à rendre et pourraient perdre la garde de leurs enfants.

Les conjoints ayant la garde sont des tuteurs légaux. Les tuteurs légaux sont en situation de confiance et sont obligés de rendre des comptes. S'ils se soustraient à leurs responsabilités, ils ne sont plus en situation de confiance. C'est ainsi que cela fonctionne dans tous les autres domaines.

Comme je l'ai dit, les pères aiment leurs enfants et les aimeront toujours. Il semble cependant que ces enfants seront marqués pour la vie par l'absence de leur père et que le problème continuera à se poser pour notre société.

Des milliers de pères vous répondraient comme moi si vous leur posiez la question chaque soir à 23 heures: «Savez-vous où sont vos enfants? Non, je ne le sais pas.»

Ma fille a eu vingt et un ans le 20 mars. J'ai toujours ce collier de perles. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Gal.

Monsieur Meier.

M. Peter Meier (membre exécutif, Non-Custodial Parents of Durham): Merci. Nous sommes Peter Meier et Phil Pocock et nous représentons une association qui porte le nom de Non-Custodial Parents of Durham.

Je suis un père qui n'a pas la garde de ses deux filles. On m'a refusé l'accès à bien des occasions. Mon ex-femme a été déclarée coupable d'outrage au tribunal le 15 septembre 1994 et a dû payer la fabuleuse somme de un dollar en guise d'amende. Je n'ai pas revu mes enfants depuis.

Je tiens seulement à rappeler ce que Ross Virgin a déjà dit— que le travail a été fait. J'ai sous les yeux la loi 130. Il suffirait de changer quelques mots. La loi exige que le juge en chef de la division provinciale établisse un programme d'évaluation du rendement pour les juges provinciaux et que le conseil judiciaire examine et approuve le programme. À l'heure actuelle, c'est au juge en chef et au conseil judiciaire de décider s'ils prendront ou non ces mesures, et nous savons tous ce que cela donne.

Je vais maintenant céder la parole à Phil.

M. Phil Pocock (membre exécutif, Non-Custodial Parents of Durham): Bonjour, je m'appelle Phil Pocock. Je veux aborder trois points. Premièrement, je vais vous dire qui je suis. Deuxièmement, je vais vous exposer deux points et, troisièmement, je vais vous proposer certaines solutions.

Laissez-moi tout d'abord vous dire que j'ai 14 années d'expérience comme père de quatre enfants au sein d'une famille intacte avant sa destruction. J'ai tout fait dans cette famille, sauf enfanter. J'ai la garde conjointe de mes enfants d'après un accord de séparation écrit. Mes enfants et moi avons des droits de visite selon une ordonnance du tribunal. Je n'ai pas manqué un seul versement de pension alimentaire durant les 14 années qui ont suivi la destruction de ma famille. J'ai donc 28 années d'expérience.

• 1645

Je n'ai pas vu mes enfants depuis huit ans. Ils habitent à deux heures d'ici, à Niagara Falls.

J'enseigne dans une école secondaire située dans un vieux quartier pauvre depuis huit ans. Cette école compte de nombreux enfants de familles monoparentales. Je connais bien l'attitude et les valeurs de ces enfants et de ces adolescents parce que j'ai eu la chance de les observer et de parler avec eux. J'ai pu constater personnellement les dommages causés par l'absence d'un système de valeurs, de modèles de comportement, d'un sens d'appartenance à la famille et de principes. J'ai vu ces enfants et ces adolescents essayer de combler le vide en adoptant les attitudes et les valeurs qui ont pu leur être proposées.

Je dois ajouter que l'honorable Allan Rock, alors ministre de la Justice, m'a invité en 1994 à présenter une critique des lignes directrices proposées sur la pension alimentaire pour enfants. J'ai présenté un document d'une quarantaine de pages.

J'en viens maintenant à mon sujet: les injustices sociales et législatives. Tant que notre système social comportera des injustices attribuables à l'inégalité, qu'elles s'expliquent par des préjugés systématiques au sein de la société ou qu'elles résultent des lois, certains s'en serviront pour profiter des autres.

Lorsqu'il y va des sentiments puissants que sont la colère et la haine, on profitera de l'iniquité pour se venger. Cette vengeance peut prendre deux formes. La première est une espèce de contrôle émotif sur certaines personnes, habituellement les enfants et un ex-conjoint, et la deuxième un contrôle financier sur la personne visée, habituellement un ex-conjoint.

Je tiens à aborder ici deux de ces iniquités.

La première est un préjugé défini par la société dans son ensemble. C'est la répugnance entêtée de la présomption «du bas âge» à disparaître comme motif utilisé par les juges et les avocats pour décider de la garde. Oui, l'attitude de la société a une incidence importante sur nos tribunaux. Le résultat de cette iniquité, c'est que les enfants doivent habituellement renoncer à un parent parce qu'on les manipule et qu'on s'en sert comme levier financier pour obtenir une pension alimentaire. Je pourrais encore une fois vous citer Gardener dont il a déjà été question aujourd'hui.

Étant donné que le tribunal a un parti pris, la solution à ce problème de garde serait de soustraire la décision au tribunal et de la confier à quelqu'un qui serait habilité à choisir ce qui convient le mieux pour l'enfant. Je proposerais un médiateur. Il faudrait qu'un critère permettant de choisir le meilleur des deux parents soit établi comme partie intégrante du processus de médiation. Ce processus devrait être obligatoire pour les parents et si la dissolution de la famille continue après la médiation, les résultats de celle-ci devraient être admissibles devant le tribunal.

La deuxième iniquité dont je tiens à parler est un préjugé défini par le gouvernement fédéral et utilisé abondamment par les tribunaux provinciaux de la famille. Cette iniquité fait des enfants de simples outils qui peuvent être utilisés pour obtenir des gains financiers. Il faudrait qu'absolument jamais un enfant ne puisse servir d'arme à des gens opposés un à l'autre à l'intérieur d'un système accusatoire.

C'est exactement ce qui est arrivé lorsque le gouvernement fédéral a publié des lignes directrices définissant le coût des enfants. Ces lignes directrices n'ont pas fait l'objet de la consultation voulue et elles contenaient des suppositions fausses étayées d'arguments illogiques qui ont fini par faire partie du processus de décision, mais elles ont quand même été imposées à un public canadien qui ne se doutait de rien et sans qu'on essaie de voir sur le terrain quelle pourrait être leur incidence sur les enfants. Elles représentent une solution moyenne, mais le problème moyen n'existe pas.

Le résultat de cette iniquité, c'est que les enfants issus de foyers brisés savent très bien que leurs parents s'en servent l'un contre l'autre comme moyen de pression. Ils comprennent qu'ils ne sont pas respectés en tant qu'enfants du mariage et qu'ils servent plutôt d'objets, de pions dont un parent peut se servir contre l'autre pour exercer des pressions, obtenir un soutien financier ou faire du chantage. Leur manque d'estime de soi le prouve—et j'ai pu l'observer chez des enfants de l'école secondaire—tout comme leur demande constante de respect dont témoignent leurs agissements.

Je vois ces enfants grandir sans modèle, sans respect de soi, sans amour et sans but et je me dis que l'avenir du Canada s'en trouve grandement hypothéqué.

La solution...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, monsieur Pocock, mais vous avez un peu dépassé votre temps.

M. Phil Pocock: Bien, laissez-moi vous expliquer ma solution, après quoi je passerai à la conclusion.

Une formule globale au niveau du processus de médiation est en fait la seule solution qui permettra des évaluations adéquates du soutien.

Permettez-moi d'aller à la dernière page—soit dit en passant, je vous laisserai le document. Il n'est pas traduit non plus et je le remettrai donc à votre greffier.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

M. Phil Pocock: Est-ce que je peux vous donner un très court aperçu de mes solutions?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez dépassé votre temps; je suis désolé.

M. Phil Pocock: Parfait. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Heutehaus.

• 1650

M. Frank Heutehaus: Merci.

Bonjour, mesdames et messieurs les députés et sénateurs. Je m'appelle Frank Heutehaus et je suis âgé de 32 ans. En décembre dernier, j'ai obtenu la garde de mon fils de six ans.

Je suis ici aujourd'hui pour vous parler du droit de tous les enfants à la protection contre la violence, physique et psychologique, infligée non seulement par les parents qui en ont la garde, mais aussi par les parents qui n'en ont pas la garde et par la famille immédiate.

Mon histoire a commencé lorsque mon enfant avait quatre ans, à l'automne 1995. Il se plaignait constamment d'être battu, maltraité, enfermé à clé dans sa chambre et ainsi de suite. Sa mère m'a dit que c'était vrai. Ils enfermaient l'enfant à clé dans une chambre lorsqu'ils quittaient la maison. Ils le laissaient seul au deuxième étage.

Comme le feraient la plupart des gens, je me suis adressé à la Société d'aide à l'enfance qui a procédé à ce qu'elle a appelé une enquête. Elle en est arrivée à la conclusion que l'enfant était enfermé à clé dans une pièce, seul. Elle en est aussi arrivée à la conclusion qu'il avait des bleus sur le corps, mais elle a pourtant fermé le dossier sous prétexte que ma plainte était frivole.

Avec le temps, j'en suis venu à filmer discrètement mon enfant lorsque j'allais le chercher et que je le ramenais, et à prendre des photos de ses bleus. L'événement le plus dramatique s'est produit en septembre dernier lorsque j'ai découvert que mon enfant avait plusieurs bleus dans le dos. Je l'ai amené à l'urgence où le médecin a constaté qu'il était couvert d'ecchymoses et a dit croire qu'il avait été battu. Il m'a aussi demandé de communiquer avec la Société d'aide à l'enfance.

Même si j'hésitais, je l'ai fait parce que la Société d'aide à l'enfance m'a proposé une rencontre dans un poste de police. J'ai pensé que si la police intervenait, il me serait plus facile de protéger les droits de mon enfant.

Je me suis rendu au commissariat la veille de l'enquête et j'ai demandé que le beau-père soit accusé d'avoir infligé des mauvais traitements à mon enfant. J'ai apporté avec moi le rapport du médecin de l'urgence dans lequel il disait que mon enfant avait été frappé excessivement avec force. J'ai apporté des photos des bleus. J'ai fait part à la police de mes craintes. Le policier qui était de garde ce soir-là m'a dit qu'il ne pourrait pas procéder contre le prévenu à moins que cet enfant de cinq ans se présente au poste de police pour être filmé sur bande vidéo et faire une déclaration sous serment.

J'avais des réserves, mais j'ai quand même amené mon enfant au poste de police dans l'espoir que la bande vidéo et une rencontre avec lui les aideraient à se décider à le protéger. Malheureusement, cette journée-là, l'enquête n'a mené à rien. Mon fils n'a pas dit un mot. Ils ont retourné l'enfant à sa mère en me précisant qu'elle avait une ordonnance du tribunal lui confiant la garde exclusive.

C'est à ce moment-là que j'ai décidé de me battre pour obtenir la garde de mon fils. Je suis allé au tribunal dix fois l'année dernière et j'ai intenté de nombreuses poursuites, notamment pour que soient divulgués les rapports de la Société d'aide à l'enfance et de la police. Même si on a essayé d'obliger la Société à divulguer ses rapports, elle hésitait à le faire. J'ai dû la menacer de la dénoncer aux médias pour l'obliger à les rendre publics. La police ne voulait pas elle non plus divulguer ses rapports de sorte que j'ai dû déposer une motion d'outrage au tribunal contre la police pour obtenir gain de cause.

Après leur divulgation, j'ai examiné toutes les preuves. À ma grande consternation, trois heures avant le début de l'enquête, l'avocat de la mère avait téléphoné pour dire que le foyer de la mère était stable, qu'il vivait dans un environnement stable et que j'étais psychologiquement instable. Il n'a présenté aucune preuve à l'appui de ses dires.

Pire encore, la Société d'aide à l'enfance a dit dans son rapport que mon enfant n'avait pas peur de son beau-père alors qu'il avait clairement dit sur la bande vidée que cet homme lui faisait peur et qu'il l'avait frappé au moins six fois.

La police et la Société d'aide à l'enfance ont indiqué que d'après la mère et le beau-père il s'agissait uniquement d'un différend relatif à la garde de l'enfant. Il n'avait jamais été question que j'obtienne sa garde avant que je m'aperçoive qu'il avait été brutalisé et que je dépose une motion. L'affaire n'a été réglée qu'en décembre. La mère n'a pas contesté les accusations de mauvais traitements et j'ai obtenu la garde principale.

La recommandation que j'aimerais faire au comité, c'est que peu importe le sexe, peu importe le statut—qu'il s'agisse du conjoint ayant la garde ou de l'autre conjoint—si une personne, surtout le père ou un membre de la famille immédiate de l'enfant, ne peut pas formuler ses craintes à propos de la protection d'un enfant de cinq ans et si la Société d'aide à l'enfance n'intervient pas dans le meilleur intérêt de ce dernier, qui le protégera? Qui permettra à l'autre partie de signaler un problème, de voir comment il peut être réglé et de demander qu'on regarde les deux côtés de la médaille?

C'est tout. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Nous allons passer aux questions. Madame Bennett, s'il vous plaît.

• 1655

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais utiliser le temps qui m'est alloué pour les recommandations de Durham.

M. Phil Pocock: Merci.

Il y en a huit. Je vais les passer très brièvement en revue étant donné qu'elles font partie de notre exposé.

La première est de rendre plus sévères les lois sur le divorce pour qu'elles attachent une plus grande importance à la famille.

La deuxième est la médiation obligatoire, mais j'ajouterais que nous devrions procéder avec soin pour ne pas alourdir encore davantage le processus de dissolution de la famille.

La troisième concerne l'application de la formule de partage au prorata. Il faut modifier les lignes directrices actuelles. Nous pourrions simplement les laisser de côté pour utiliser cette formule.

La quatrième est la reddition de comptes pour l'argent utilisé en vue de subvenir aux besoins des enfants. Cela serait utile lorsque des fonds additionnels sont requis. Les parents seraient également appelés à communiquer plus souvent. S'ils doivent se parler des enfants au sujet de l'argent, ils pourraient en venir à échanger beaucoup plus de renseignements à propos des enfants précisément.

La cinquième recommandation concerne la violation des droits de garde et de visite et elle comporte deux volets. L'accès et le soutien financier sont intrinsèquement liés et la loi doit en tenir compte en prévoyant des peines pour violation de la part d'une partie ou de l'autre.

J'ai aimé quelque chose que j'ai entendu tout à l'heure. Quelqu'un a dit que le soutien et la garde sont intrinsèquement liés, que le tout devrait être confié à la mère et que le droit de visite devrait y être relié. En fait, on ne devrait pas parler de visite. J'ai été un oncle pour mes enfants pendant un bout de temps, et je ne suis plus rien depuis huit ans.

Le deuxième volet concernant la violation des droits est de pouvoir recourir à un tribunal criminel qui pourrait imposer les mesures draconiennes nécessaires.

La sixième recommandation consisterait à passer du système accusatoire utilisé au tribunal de la famille au système inquisitoire. Que les avocats se débrouillent pour fournir aux juges les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées.

La septième recommandation a trait au conjoint ayant la garde et à la mobilité. Les deux expériences les plus traumatisantes pour un enfant sont le divorce et le déménagement. Je pense que si un enfant doit partir de son quartier et que le conjoint n'en ayant pas la garde continue à y demeurer, la garde principale devrait lui en être confiée sur-le-champ. Je crois que cela contribuerait à une plus grande cohésion de la famille.

Je pense que c'est la dernière recommandation qui est la plus importante. Il faudrait qu'il y ait un programme d'études de la première à la douzième année qui engloberait, mais sans y être limité: les valeurs familiales, la morale, l'engagement et les obligations envers la communauté, les techniques de communication, les méthodes de résolution des conflits, les relations interpersonnelles, la réflexion, la gestion des finances personnelles et la socialisation. Il faudrait que tout cela soit au programme.

Ce sont des choses qui se sont perdues et que nous devons retrouver. Les parents sont de moins en moins capables d'enseigner tout cela à leurs enfants, parce qu'ils n'ont pas reçu cette formation eux-mêmes.

Ce sont là mes recommandations. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel DeWare: J'aurais deux questions à poser à M. Cochrane. Croit-il que les grands-parents devraient avoir le droit de demander la garde en vertu de la loi, à condition bien sûr d'être capables de l'assumer? Estime-t-il que nous devrions mettre en place un programme quasi obligatoire concernant l'éducation des enfants en cas de divorce?

M. Michael Cochrane: Pour ce qui est de votre première question, en vertu des lois qui existent dans chaque province, les grands-parents peuvent maintenant demander une ordonnance attributive de garde ou de droit de visite à un tribunal. Ils ont réussi dans presque toutes les provinces à obtenir de telles ordonnances.

En Ontario seulement, j'ai représenté probablement 15 grands- parents qui ont obtenu la garde de leurs petits-enfants, après s'être battus dans certains cas contre la Société d'aide à l'enfance ou contre leurs propres enfants.

J'ai moins de difficulté à reconnaître cette réalité juridique aujourd'hui qu'il y a quelques années. Je crois certainement que les grands-parents ont un rôle énorme à jouer au moment de l'éclatement de la famille et qu'ils devraient recevoir une certaine aide à cette fin.

Quant aux cours sur l'éducation des enfants, voulez-vous dire...

La sénatrice Mabel DeWare: Non, je voulais parler d'un plan. Il faut déposer un plan parental qui explique le genre de soutien qu'on va offrir. C'est un plan concernant l'avenir de leurs enfants.

M. Michael Cochrane: Oui, j'y crois et j'ajouterais cet élément-là également au processus.

Quelqu'un a proposé tout à l'heure que la procédure utilisée en droit de la famille cesse d'être accusatoire. Je suis maintenant persuadé, après avoir fait l'expérience du système actuel, qu'une famille devrait pouvoir se présenter devant une espèce de tribunal du droit de la famille qui adopterait une approche multidisciplinaire pour l'aider à régler les questions liées aux finances, aux enfants et à tout ce qui peut comporter un problème pour elle, peut-être même le rôle des grands-parents.

• 1700

Cette équipe multidisciplinaire pourrait être composée d'un avocat, d'un comptable ou planificateur financier et d'un spécialiste du travail social ou de l'aide à la famille. Quels que soient ses besoins, la famille devrait pouvoir compter sur des experts. Ce genre d'aide—et je devrais peut-être ajouter l'éducation du public à la liste—serait peut-être beaucoup plus utile que des avocats et des juges grassement rémunérés.

La sénatrice Mabel DeWare: Je crois que nous sommes tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Avant de partir, je tiens à remercier Frank de son témoignage aujourd'hui. Je lui suis très reconnaissante d'avoir bien voulu comparaître devant le comité.

Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: J'ai une ou deux questions dont la première s'adresse à M. Cochrane. Vous venez peut-être d'y répondre.

Vous avez déjà pratiqué le droit de la famille. En ce qui concerne les accords de séparation qui sont chose courante, de nombreux témoins nous ont dit que la situation traîne en longueur, ce qui est nuisible, et qu'ils préféreraient presque avoir eu immédiatement une réponse. La difficulté, bien sûr, c'est que l'évaluation et tout le reste exigent du temps.

Il arrive que les parties concluent des accords de séparation avant d'entamer une procédure de divorce. D'après la jurisprudence, il est très difficile de modifier ces accords de séparation une fois qu'ils ont été conclus.

Quel est votre point de vue? Comme vous l'avez indiqué, c'est très dur pour certaines personnes sur le plan émotif. Certains se sentent coupables, certains ont l'impression qu'ils vont devoir renoncer à tout, certains se sentent responsables de la rupture et d'autres sont en colère. Est-ce que ces accords de séparation devraient être temporaires ou devraient-ils lier les parties? Je suppose que c'est là ma question.

M. Michael Cochrane: Vous faites une remarque judicieuse en disant que des gens concluent des accords à un moment où ils sont le moins en mesure de prendre des décisions qui vont les lier pour la vie. Lorsqu'il y va des enfants, la plupart des dispositions peuvent être revues sur présentation d'une demande au tribunal, mais c'est difficile et c'est coûteux.

Je précise dans le premier chapitre du livre Surviving Your Divorce que les gens traversent des phases différentes qui vont de la dénégation à la colère, à la dépression et à la négociation de mauvaise foi. Ils sont en colère lorsqu'ils arrivent chez l'avocat et de mauvaise foi quand ils en repartent. Cela veut dire qu'ils ont conclu un accord de séparation qui n'est pas dans leur meilleur intérêt. Ce n'est que plus tard qu'ils en arrivent à la phase finale, que les avocats connaissent bien, l'acceptation au-delà de laquelle la vie reprend son cours. Lorsqu'on regarde en arrière, lorsqu'on étudie l'accord, on s'aperçoit qu'il n'a pas l'air fameux.

M. Peter Mancini: Non et il arrive souvent que bien après que des décisions ont été prises, même devant des instances judiciaires, que les parties elles-mêmes en viennent à un accord qui n'a aucune ressemblance ni avec l'ordonnance du tribunal ni avec l'accord original.

M. Michael Cochrane: Exactement et il incombe à la communauté juridique et aux représentants de la justice, et aussi au juge dans une certaine mesure, de s'assurer que les gens ne vont pas trop vite en affaire.

C'est pourquoi je mets tellement l'accent sur l'éducation du public. À la première rencontre que j'ai avec des clients, ou dès que j'en ai l'occasion, je leur dis qu'ils vont traverser ces phases très distinctes au cours des prochains mois. Ils vont refuser d'admettre la réalité, se mettre en colère, traverser une phase de dépression puis négocier de mauvaise foi avant de passer à autre chose. Il faut bien leur faire comprendre qu'ils doivent être d'accord avec ce qu'ils acceptent. Et c'est un rôle que les avocats ne devraient pas être les seuls à jouer. Nous ne pouvons pas tout simplement approuver sans discussion les ententes et les ordonnances présentées au tribunal.

M. Peter Mancini: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénateur Jessiman, s'il vous plaît.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aurais quelques questions à poser à M. Cochrane.

Dois-je comprendre que quelqu'un qui lirait ce livre n'aurait pas besoin d'aller voir un avocat?

Des voix: Ah, Ah!

Le sénateur Duncan Jessiman: Je n'essaie pas de faire de la publicité à votre livre, mais c'est l'impression que j'ai eue parce que je suis avocat moi aussi. Je ne pratique pas le droit, mais d'après ce que m'ont dit des avocats ou des gens qui se font représenter par des avocats, ce n'est pas facile. Il ne suffit pas de présenter une requête ex parte ou une requête contre l'autre partie.

• 1705

M. Michael Cochrane: Dans mon livre, je n'exhorte pas les gens à agir seuls. Je les exhorte plutôt à être des consommateurs vraiment avertis. C'est à eux de dicter leurs besoins à leur avocat et non pas le contraire.

J'ai bien ri un jour lorsqu'un avocat m'a téléphoné pour me dire: «Voulez-vous bien me dire ce que vous faites. Je sors d'une rencontre avec un client et il n'a pas arrêté de me dire toutes les 15 minutes que M. Cochrane dit ceci ou cela.»

Ce client a peut-être exagéré, mais il était informé, savait quels étaient ses choix et, lorsque l'avocat ne lui a pas présenté une solution, comme la médiation peut-être ou la garde conjointe, il était prêt à entamer la discussion sur ses choix.

Nous devons avoir beaucoup plus de respect pour les gens qui ont affaire au système.

Le sénateur Duncan Jessiman: Tout semble prouver—et si vous n'êtes pas d'accord, dites-le-moi—que les tribunaux, pour quelque raison que ce soit, ont un parti pris pour un sexe en particulier. Dans 80 p. 100, et certains disent même 90 p. 100 des cas, la garde va à la femme.

M. Michael Cochrane: Je pense que c'est le pire faux-fuyant...

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous n'êtes pas d'accord.

M. Michael Cochrane: ...de la réforme du droit de la famille. Tous ces discours sur le parti pris contre l'autre sexe nous éloignent de l'essentiel. Non, je ne suis pas d'accord. D'après les études qui ont été faites, si un homme décide de demander la garde de ses enfants, il l'obtient dans 70 p. 100 des cas.

Le sénateur Duncan Jessiman: Nous voudrions bien vous croire, car vous avez une longue expérience de cette question.

M. Michael Cochrane: Autant d'hommes que de femmes parmi mes clients ont obtenu la garde de leurs enfants. Dans bien des cas, on s'est attaqué à cette étude—sans pourtant en contester les résultats—sous prétexte que la seule raison pour laquelle c'est vrai, c'est que les hommes ont plus d'argent que les femmes. Je ne suis pas d'accord.

Ce que nous devrions avoir, au lieu d'une présomption de garde conjointe, avec laquelle je ne suis pas d'accord, c'est une liste de souhaits beaucoup plus complexe, que le juge connaîtrait et dont les avocats et leurs clients pourraient discuter. Grâce à cette liste plus détaillée de choix et si les consommateurs étaient mieux avertis, nous obtiendrions de meilleurs plans parentaux et les gens réclameraient les choses auxquelles ils savent avoir droit au lieu de s'incliner au mauvais moment ou de ne pas faire ce qui est vraiment dans leur intérêt ou dans celui de leurs enfants.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je suis certain que vous savez qu'à un moment donné la garde conjointe était presque automatique en Californie. Puis, on a changé de façon de faire.

Je vais vous lire quelque chose et vous demander, à titre d'expert, de nous dire si vous pensez que le tribunal, ou que nous- mêmes comme comité, devrions envisager quelque chose du genre de ce qui est à l'étude dans cet État. Nous essayons d'avoir l'avis de gens comme vous.

Ce que je vais vous lire dit que lorsque la garde a été accordée au père ou à la mère, le tribunal doit se demander lequel des deux a le plus de chances de faciliter les contacts avec l'autre, et il ne doit accorder la préférence à aucun des deux en fonction de son sexe. Le tribunal peut demander que les parties présentent des plans pour la mise en application de l'ordonnance de garde.

Pensez-vous qu'il serait utile que nous ayons quelque chose du genre dans nos lois?

M. Michael Cochrane: Cette disposition incorpore trois choses: ce qu'on appelle la règle du parent amiable, un type de présomption de garde conjointe et le plan parental. J'opterais personnellement pour le plan parental. Je ne pense pas que l'adoption de la règle du parent amiable changerait quoi que ce soit, ni une présomption de garde conjointe.

Je suis d'accord avec le plan parental. L'autre...

Le sénateur Duncan Jessiman: Et que pensez-vous de ceci? Voici un autre extrait du même code. L'alinéa 3040(e) dit précisément ceci:

    n'établit ni une préférence ni une présomption pour ou contre la garde légale conjointe, la garde physique conjointe ou la garde exclusive, mais permet au tribunal et à la famille de choisir en toute liberté un plan parental qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

M. Michael Cochrane: Cela revient à ce que je disais lorsque j'ai parlé de la nécessité d'une liste de souhaits plus complexe. C'est l'approche que nous devrions adopter, je pense.

Le sénateur Duncan Jessiman: Nous devrions envisager quelque chose de ce genre et encourager le Parlement à envisager une loi en ce sens.

M. Michael Cochrane: Nous devrions nous assurer que les gens savent quels sont leurs choix et que lorsqu'ils se présentent devant un tribunal, ou discutent de leur cas avec des avocats, ils savent que tous ces choix sont à leur disposition, que c'est à eux de choisir et qu'une chose ne l'emportera pas sur une autre, qu'il s'agisse de la garde conjointe ou de la garde exclusive.

• 1710

Le sénateur Duncan Jessiman: C'est la raison pour laquelle j'aimerais qu'il y ait quelque chose de ce genre dans la loi. Les juges connaissent la loi actuelle et ils savent ce qu'elle dit. Vous avez parlé des grands-parents; ils peuvent demander la garde de leurs petits-enfants mais seulement après avoir demandé au tribunal l'autorisation de le faire. Ils ne peuvent pas la demander automatiquement. Cette disposition devrait être supprimée.

Mais il y a aussi les avocats. Ils doivent faire savoir à leurs clients que la médiation est possible. Comment est-ce qu'on procède? Le tribunal demande au client si ça s'est fait ou il demande à l'avocat de signer un document qui certifie qu'il en a informé son client. Mais s'il y avait quelque chose de ce genre dans la loi—pas nécessairement dans les mêmes mots, mais pour que le tribunal et les juges le sachent, je pense que nous arriverions à quelque chose.

M. Michael Cochrane: Vous vous souvenez probablement que les avocats ont l'habitude de dire qu'ils négocient «à l'ombre de la loi». C'est là où vivent les clients et les avocats; nous transigeons dans l'ombre. L'ombre est beaucoup plus nette quand les lois sont claires. Ce que vous proposez contribuerait à les rendre plus claires et faciliterait la vie des avocats et de leurs clients.

J'aurais une seule autre chose à ajouter. Il aura fallu douze mois au comité consultatif de la médiation en Ontario pour mener ses travaux à bien. Nous avions des médiateurs, un juge du tribunal de la famille, des avocats spécialisés en droit de la famille qui étaient tout à fait contre la médiation et des représentantes de la Direction générale de la condition féminine de l'Ontario qui avaient une vue féministe de la médiation. Nous avons passé douze mois à nous demander ce que nous pourrions faire pour améliorer le système de droit de la famille, y incorporer la médiation et le débarrasser du processus accusatoire.

Une des conclusions auxquelles nous en sommes arrivés est de dire aux gens «vous devez vraiment savoir ce que sont vos choix» au lieu de leur dire «vous devez opter pour la médiation». Nous avons donc recommandé la création d'un écran qu'il faudrait traverser au moment du divorce, grâce auquel le public serait informé des choix concernant la garde, des plans parentaux et de la médiation de sorte qu'il aurait autant d'information sur ces choix que les avocats et les juges.

J'ai été très encouragé de voir que M. Szabo, qui n'est pas ici aujourd'hui, a siégé à un comité permanent fédéral s'occupant de questions de santé qui a conclu que le divorce entre dans cette catégorie. Il est nocif pour la santé des Canadiens. Il est nocif pour la santé des enfants. Une de ses recommandations, que je vous exhorte à examiner, concerne l'éducation du public à propos du divorce. Je pense qu'il a même été suggéré de renseigner les gens avant même qu'ils se marient.

Au moment où je partais de chez moi pour venir ici aujourd'hui, j'ai reçu l'appel de quelqu'un qui voulait une consultation juridique. La séparation est imminente et cette personne est mariée depuis un mois.

La sénatrice Anne Cools: Avez-vous dit un mois?

M. Michael Cochrane: Un mois.

La sénatrice Anne Cools: C'est bien ce que j'avais compris.

Une voix: Elizabeth Taylor.

M. Michael Cochrane: Je pense qu'il serait bon que les gens sachent ce que ça veut dire d'être mariés et d'avoir des enfants, en quoi consiste la violence familiale et la planification financière et soient au courant de toutes ces autres choses auxquelles ils devront faire face dans un mariage. Ils devraient avoir toute cette information avant d'obtenir une licence de mariage, qui ne coûte que 50 $.

J'ai fait le calcul et je dirais que le coût d'un divorce au Canada, par rapport au coût d'une licence de mariage, serait de 50 000 $.

Une voix: Vraiment?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci.

Il se fait tard et je me contenterai donc de poser une seule question à laquelle un certain nombre d'entre vous pourront répondre.

Les problèmes que pose le système accusatoire sont un thème qui est revenu souvent. Quelqu'un a dit cet après-midi que nous devrions le remplacer par le système inquisitoire. Quelqu'un d'autre a dit que nous devrions peut-être avoir un tribunal qui adopterait une approche multidisciplinaire, une espèce de table ronde. Je sais que certaines expériences ont été faites en ce sens. Je crois savoir que déjà en 1975 la Commission Berger qui a étudié le droit de la famille a tenté cette expérience en Colombie- Britannique en 1975.

Ma question est la suivante. N'y a-t-il pas un pays—la Hongrie, la France ou un autre—qui a un système qui fonctionne différemment du système accusatoire que la Grande-Bretagne nous a légué? Y a-t-il des exemples qui pourraient nous apprendre quelque chose?

• 1715

D'autres pays se sont sûrement penchés sur cette question. La nature humaine étant à peu près la même partout dans le monde occidental, je pense à la façon dont nous fonctionnons et à notre style de vie, il doit bien y avoir d'autres pays qui ont un système complètement différent du système accusatoire et dont nous pourrions nous inspirer. Avez-vous des renseignements à ce sujet?

M. Michael Cochrane: Si je me souviens bien—et je vais vérifier lorsque je serai de retour à mon bureau—certains projets pilotes axés sur une approche du genre table ronde ont été mis à l'essai en Australie. Par la même occasion, je dirais que nous ne devons pas nous décourager parce que l'une des choses dont j'ai toujours tiré une grande fierté lorsque je travaillais pour le ministère du procureur général de l'Ontario, c'est que nos réformes sont souvent à l'avant-garde. Nous avons une approche bien meilleure de la médiation familiale en Ontario, dirais-je, que bien des États américains. Nous avons tiré une leçon de toutes les erreurs qu'ils ont faites avant que nous mettions notre système en place. C'est la même chose pour la pension alimentaire et certains autres programmes; nous pourrions en fait exporter un modèle.

M. Paul Forseth: Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter? Allez-y, monsieur.

M. Stan Gal: J'ai parlé dans mon exposé de l'industrie du droit de la famille, mais j'aurais une dernière chose à ajouter. Pendant que je travaille, les avocats spécialisés dans le droit de la famille pratiquent. Les trois ou quatre avocats que j'ai eus ont fait des expériences avec moi pendant une dizaine d'années. Pendant qu'ils prenaient des vacances en Floride, je déclarais faillite au bureau d'administration des faillites.

C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.

Une voix: Amen.

M. Phil Pocock: Je pense que plus nous essayons de structurer nos systèmes juridiques pour tenir compte de tout ce qui peut arriver en droit de la famille, plus nous rendons son application difficile du point de vue humain, du point de vue de la personne. J'ai l'impression que nous essayons de tout structurer en fonction de ce qu'une famille doit avoir l'air et de la manière dont elle doit agir et réagir au Canada. Je pense que c'est chose impossible.

Je recommanderais donc que nous revenions au système inquisitoire. Je dirais, en tant qu'enseignant, que c'est en posant des questions qu'on apprend le mieux. Mais je crois aussi que tous les êtres humains ont des hauts et des bas. Nous avons besoin d'un système dynamique et souple. Moins nous aurons de lois, mieux ça vaudra. Je n'aime pas les lois; je préfère avoir une structure métacognitive à l'intérieur de laquelle travailler. C'est pourquoi je dis que l'éducation dès le plus jeune âge est la meilleure façon d'aborder cette question.

Merci.

M. Paul Forseth: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Forseth.

Je vous remercie tous d'être venus cet après-midi. Je sais que c'est votre temps que vous investissez dans les travaux du comité, et je vous en remercie.

La séance est levée jusqu'à 9 heures demain matin. Merci à tous.